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Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

La nos­tal­gie et l’orgueil pour la pau­vreté de da jeunesse est un thème fréquent dans le tan­go. « Yo soy de Par­que Patri­cios » est de cette veine…
Je vous invite à faire quelques pas dans la boue, les sou­venirs et un passé à la fois loin­tain et tant proche, que les deux anges, D’Agostino et Var­gas nous évo­quent de si belle façon.
Nous décou­vrirons l’origine du nom et ver­rons quelques images de ce quarti­er qui a tou­jours un charme cer­tain et que je peux voir de mon bal­con.

Extrait musical

Yo soy de Par­que Patri­cios 1944-12-05 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.
Par­ti­tion de Yo soy de Par­que Patri­cios de Vic­tor Felice et Car­los Lucero.

Quelques notes de piano, égrenées, comme jetées au hasard, démar­rent le titre. L’orchestre reprend d’un rythme bien mar­qué avec des alter­nances de piano, des pas­sages puis­sants et d’autres plus rêveurs chan­tés par les vio­lons.
Un peu avant la moitié du titre, Ángel Var­gas com­mence à chanter, presque a capela. Il annonce qu’il est de ce quarti­er et qu’il y est né.
La séance de nos­tal­gie démarre, ponc­tuée de vari­a­tions mar­quées par l’orchestre, tan­tôt marchant et ryth­mique, tan­tôt glis­sant et suave.
Comme tou­jours chez ce « cou­ple » des anges, une par­faite réal­i­sa­tion, à la fois dansante, prenante et d’une grande sim­plic­ité dans l’expression des sen­ti­ments.
En l’écoutant, on pense aux autres titres comme Tres esquinas qui, si le début est con­sti­tué de longs glis­san­dos des vio­lons, procè­dent de la même con­struc­tion par oppo­si­tion.
On remar­quera dans les deux titres, comme dans de nom­breux autres, de cette asso­ci­a­tion qui enreg­is­tra près d’une cen­taine de titres (93 ?), ces petites échap­pées musi­cales qui libèrent la pres­sion de la voix de Var­gas, ces petites notes qui s’échappent au piano, vio­lon ou ban­donéon et qui mon­tent légère­ment dans un par­cours sin­ueux et rapi­de.

Paroles

Yo soy de Par­que Patri­cios
he naci­do en ese bar­rio,
con sus chatas, con su bar­ro…
En la humil­dad de sus calles
con cer­cos de madre­sel­vas
aprendí a enfrentar la vida…
En aque­l­los lin­dos tiem­pos
del per­cal y agua flori­da,
con gui­tar­ras en sus noches
y organ­i­tos en sus tardes.
Yo soy de Par­que Patri­cios
vie­ja bar­ri­a­da de ayer…

Bar­rio mío… tiem­po viejo…
Farol, cha­ta, luna llena,
vie­jas rejas, tren­zas negras
y un sus­piro en un bal­cón…
May­orales… cuar­teadores…
muchachadas de mis horas,
hoy retor­nan al recuer­do
que me que­ma el corazón.

Hoy todo, todo ha cam­bi­a­do
en el bar­rio, caras nuevas
y yo estoy ave­jen­ta­do…

(Mil nos­tal­gias en el alma)
Mis cabel­los flor de nieve
y en el alma mil nos­tal­gias
soy una som­bra que vive…
Recor­dan­do aque­l­los tiem­pos
que su ausen­cia me revive,
de mi cita en cin­co esquinas…
y de aque­l­los ojos claros.
Yo soy de Par­que Patri­cios
evo­cación de mi ayer…

Vic­tor Felice Letra: Car­los Lucero

Var­gas change ce qui est en gras. La phrase en rouge rem­place la plus grande par­tie du dernier cou­plet. Elle n’est pas dans le texte orig­i­nal de Car­los Lucero.

Traduction libre

Je suis de Par­que Patri­cios, je suis né dans ce quarti­er, avec ses char­i­ots, avec sa boue…
Dans l’hu­mil­ité de ses rues aux haies de chèvrefeuille, j’ai appris à affron­ter la vie…
En ces beaux temps de per­cale et d’eau de Cologne (agua flori­da), avec des gui­tares dans leurs nuits et des organ­i­tos (orgues ambu­lants) dans leurs après-midis.
Je viens de Par­que Patri­cios, vieux quarti­er d’hi­er…
Mon quarti­er… le bon vieux temps…
Réver­bère, char­i­ots, pleine lune, vieux bars, tress­es noires et un soupir sur un bal­con…
Les may­orales (pré­posé aux bil­lets du tramway)… cuar­teadores (cav­a­liers aidant à sor­tir de la boue les char­i­ots embour­bés)… Les ban­des de mes heures, aujour­d’hui, elles revi­en­nent à la mémoire qui me brûle le cœur.
Aujour­d’hui, tout, tout a changé dans le quarti­er, de nou­veaux vis­ages et je suis vieux…
Mes cheveux, fleur de neige et dans mon âme mille nos­tal­gies, je suis une ombre qui vit…
Me sou­venir de ces moments que son absence ravive, de mon ren­dez-vous aux cinq angles (de rues)… et de ces yeux clairs.
(Ce pas­sage n’est pas chan­té par Var­gas qui fait donc l’im­passe sur l’his­toire d’amour per­due).
Je suis de Par­que Patri­cios évo­ca­tion de mon passé…

Autres versions

La ver­sion de Var­gas et D’Agostino n’a pas d’enregistrement par d’autres orchestres, mais le quarti­er de Par­que Patri­cios a sus­cité des nos­tal­gies et plusieurs titres en témoignent.

Yo soy de Par­que Patri­cios 1944-12-05 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour.

Voici quelques titres qui par­lent du quarti­er :

Parque Patricios de Antonio Oscar Arona

Par­que Patri­cios 1928-09-12 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo (Anto­nio Oscar Arona (Músi­ca y letra)

Paroles de la version de Oscar Arona

Cada esquina de este bar­rio es un recuer­do
de lo mág­i­ca y risueña ado­les­cen­cia;
cada calle que des­cubre mi pres­en­cia,
me está hablan­do de las cosas del ayer…
¡Viejo bar­rio! … Yo que ven­go del asfal­to
te pre­fiero con tus calles empe­dradas
y el hechizo de tus noches estrel­ladas
que en el cen­tro no se sabe com­pren­der.

¡Par­que Patri­cios!…
Calles queri­das
hon­das heri­das
ven­go a curar…

Son­reís de mañani­ta
por los labios de las mozas
que en ban­dadas rumor­osas
van camino al taller;
sos román­ti­co en las puer­tas
y en las ven­tanas con rejas
en el dulce atarde­cer;
que se ador­nan de pare­jas
te ponés triste y som­brío
cuan­do algún mucha­cho bueno
tra­ga en silen­cio el veneno
que des­ti­la la traición
y llorás amarga­mente
cuan­do en una musiq­ui­ta
el alma de Milon­gui­ta
cruzó el bar­rio en que nació.

¡Viejo Par­que!… Yo no sé qué aira­da racha
me ale­jó de aque­l­la novia dulce y bue­na
que ahuyenta­ba de mi lado toda pena
con lo magia incom­pa­ra­ble de su amor…
Otros bar­rios mar­chi­taron sus ensueños…
¡Otros ojos y otras bocas me engañaron
el tesoro de ilu­siones me robaron
hoy mi vida, enca­de­na­do está al dolor!…

Oscar Arona

Traduction libre de la version de Oscar Arona

Chaque recoin de ce quarti­er est un rap­pel de l’ado­les­cence mag­ique et souri­ante ;
Chaque rue que décou­vre ma présence me par­le des choses d’hi­er…
Vieux quarti­er… Moi, qui viens de l’as­phalte, je vous préfère avec vos rues pavées et le charme de vos nuits étoilées qu’au cen­tre-ville, ils ne peu­vent pas com­pren­dre.
Par­que Patri­cios…
Chères rues, blessures pro­fondes, je viens guérir…
Tu souris dès l’aube sur les lèvres des filles qui, en trou­peaux bruyants, se ren­dent à l’ate­lier ;
Tu es roman­tique dans les portes et dans les fenêtres avec des bar­reaux dans le doux couch­er de soleil ; qui se par­ent de cou­ples. Tu deviens triste et som­bre quand un bon garçon avale en silence le poi­son que la trahi­son dis­tille et tu pleures amère­ment quand, dans une petite musique, l’âme de Milon­gui­ta a tra­ver­sé le quarti­er où elle est née.
Vieux parc (Par­que Patri­cios)… Je ne sais pas quelle trainée de colère m’a éloigné de cette douce et bonne petite amie qui avait chas­sé tout cha­grin de mon côté avec la magie incom­pa­ra­ble de son amour…
D’autres quartiers ont flétri ses rêves…
D’autres yeux et d’autres bouch­es m’ont trompé, ils m’ont volé le tré­sor des illu­sions, ma vie, enchaîné, c’est la douleur…

Barrio Patricio de Juan Pecci

Bar­rio Patri­cio 1934 — Orchestre Argentin Eduar­do Bian­co (Juan Pec­ci).

Hon­nête­ment, je ne suis pas cer­tain que ce tan­go ait pour thème le même quarti­er, en l’absence de paroles. Cepen­dant, Juan Pec­ci est né dans le Sud du quarti­er San Cristo­bal à deux cuadras du quarti­er de Par­que Patri­cios, l’attribution est donc prob­a­ble. Pec­ci était vio­loniste de Bian­co avec qui il avait fait une tournée en Europe.

Barrio porteño (Parque Patricios) de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei)

Bar­rio porteño (Par­que Patri­cios) 1942-08-07 — Osval­do Frese­do Y Oscar Ser­pa
(Ernesto Nativi­dad de la Cruz Letra: Héc­tor Romual­do Demat­tei).

Frese­do est plutôt de la Pater­nal, un quarti­er situé bien plus au Nord, mais il enreg­istre égale­ment ce tan­go sur Par­que Patri­cios.
Après le départ de Ricar­do Ruiz, l’orchestre de Frese­do sem­ble avoir cher­ché sa voie et sa voix. Je ne suis pas sûr qu’Oscar Ser­pa soit le meilleur choix pour le tan­go de danse, mais l’assemblage n’est pas mau­vais si on tient en compte que l’orchestration de Frese­do est égale­ment renou­velée et sans doute bien moins prop­ice à la danse que ses presta­tions de la décen­nie précé­dente. Il a voulu innover, mais cela lui a sans doute fait per­dre un peu de son âme et la décen­nie suiv­ante et accélèr­era cet éloigne­ment du tan­go de danse. Frese­do avait la répu­ta­tion d’être un peu éli­tiste, dis­ons qu’il s’est adap­té à un pub­lic plus « raf­finé », mais moins ver­sé sur le col­lé-ser­ré des milongueros.

Paroles de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei

Per­doná bar­rio porteño
Que al cor­rer tu vista tan­to,
Voy ven­ci­do por la vida
Y en angus­tias sé soñar.
Vuel­vo atrás y tú en mis sienes
Mar­carás las asechan­zas,
De esta noche tor­men­tosa
De mi loco cam­i­nar.

Han pasa­do muchos años
Y es amar­gu­ra infini­ta,
La que trai­go den­tro del pecho
Desan­gra­do el corazón.
Apa­ga­da para siem­pre
De su cielo, mi estrel­li­ta,
El regre­so es un sol­lo­zo
Y una pro­fun­da emo­ción.

Mi acen­to ya no tiene
Tus tauras expre­siones,
Con que canta­ba al bar­rio
En horas del ayer.
Por eso mi gui­tar­ra
Silen­cia su armonía,
En esta noche ingra­ta
De mi triste volver.

Ernesto Nativi­dad de la Cruz Letra: Héc­tor Romual­do Demat­te

Traduction libre de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei

Par­donne-moi quarti­er portègne (de Buenos Aires) de courir autant à ta vue, je vais vain­cu par la vie et dans l’an­goisse je sais rêver.
Je reviens et toi, dans mes tem­pes, tu mar­queras les pièges, de cette nuit d’or­age, de ma folle marche.
De nom­breuses années ont passé et c’est une amer­tume infinie, celle que je porte dans ma poitrine saig­nant mon cœur.
Éteinte à jamais de son ciel, ma petite étoile, le retour est un san­glot et une émo­tion pro­fonde.
Mon accent n’a plus tes expres­sions bravach­es, avec lesquelles je chan­tais au quarti­er aux heures d’hi­er.
C’est pourquoi ma gui­tare fait taire son har­monie, en cette nuit ingrate de mon triste retour.

Parque Patricios de Antonio Radicci et Francisco Laino (Milonga)

Cette géniale milon­ga est une star des bals. Deux ver­sions se parta­gent la vedette, celle de Canaro avec Famá et celle, con­tem­po­raine de l’autre Fran­cis­co, Lomu­to avec Díaz. Pour ma part, je n’arrive pas à les départager, les deux por­tent par­faite­ment l’improvisation en milon­ga, com­por­tent des cuiv­res pour une sonorité orig­i­nale et si on n’est sans doute un peu plus accou­tumés à la voix de Famá, celle de Díaz ne démérite pas.

Par­que Patri­cios 1940-10-03 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá (Anto­nio Radic­ci y Fran­cis­co Laino, Músi­ca y letra).
Par­que Patri­cios 1941-06-27 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Fer­nan­do Díaz (Anto­nio Radic­ci y Fran­cis­co Laino, Músi­ca y letra)

Paroles de la version en milonga de Antonio Radicci et Francisco Laino

Mi viejo Par­que Patri­cios
queri­do rincón porteño,
bar­ri­a­da de mis ensueños
refu­gio de mi niñez.
El pro­gre­so te ha cam­bi­a­do
con su rara arqui­tec­tura,
lleván­dose la her­mo­sura
de tu bon­dad y sen­cillez.
Cuán­tas noches de ale­gría
al son de una ser­e­na­ta,
en tus casitas de lata
se vio encen­der el farol.
Y al sonar de las vigüe­las
el tai­ta de ron­co acen­to,
hil­van­a­ba su lamen­to
sin­tién­dose payador (trovador en la ver­sión de Famá).

Anto­nio Radic­ci Letra: Fran­cis­co Laino

Traduction libre de la version de Antonio Radicci et Francisco Laino

Mon vieux Par­que Patri­cios, cher recoin de Buenos Aires, quarti­er de mes rêves, refuge de mon enfance.
Le pro­grès t’a changé avec son archi­tec­ture étrange, t’enlevant la beauté de la bon­té et de ta sim­plic­ité.
Com­bi­en de nuits de joie au son d’une séré­nade, dans tes petites maisons de tôle se voy­ait allumer la lanterne.
Et au son des vigüe­las [sortes de gui­tares] le tai­ta [caïd] avec un accent rauque, tis­sait sa com­plainte en se sen­tant payador.

Viejo Parque Patricios de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

Viejo Par­que Patri­cios 1952 — Orques­ta Puglia-Pedroza (San­tos Bazilot­ti Letra: Anto­nio Mac­chia).

Une ver­sion plutôt jolie, mais qui ne devrait pas sat­is­faire les danseurs. Con­tentons-nous de l’écouter. On pour­ra s’intéresser à la jolie presta­tion au ban­doneón de Edgar­do Pedroza.

Viejo Par­que Patri­cios 1955-04-15 — Gerón­i­mo Bon­gioni y su Autén­ti­co Cuar­te­to “Los Ases” (San­tos Bazilot­ti Letra: Anto­nio Mac­chia)

La ver­sion pro­posée par Bon­gioni est bien dif­férente de celle de Pugli et Pedroza. On y retrou­vera une inspi­ra­tion de Fir­po et des Uruguayens comme Rac­ciat­ti et Vil­las­boas). Même si c’est très joueur, à la lim­ite de la milon­ga, le résul­tat est sans doute assez dif­fi­cile à danser par la plu­part des danseurs.

Paroles de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

Bien que les deux enreg­istrements soient instru­men­taux, il y a des paroles qui ne sem­blent cepen­dant pas avoir été gravées. Les voici tout de même.

Por los cor­rales de ayer
Mis años yo pasé,
Bar­rio flori­do
Yo fui el primero
Que te can­té.
En Alcor­ta y Labardén,
Caseros y Are­na,
Bor­dé mi nido de amor.
Y en una cuadr­era
Supe ser buen ganador,
El Pibe, El Chue­co y El Inglés
Por una mujer,
Se tren­zaron en más de una vez
Con este can­tor.

Porteño soy
De las tres esquinas,
Pin­ta can­to­ra
Para un quer­er.
Nací en el Par­que Patri­cios
Sobre los viejos cor­rales de ayer.
Porteño soy
De las tres esquinas,
Y en mi juven­tud flori­da
El lecher­i­to del arra­bal,
Y como tam­bién
Un bailarín sin rival.
San­tos Bazilot­ti Letra: Anto­nio Mac­chia

Traduction libre de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

À tra­vers les cor­rales d’hi­er. Mes années j’ai passé. Quarti­er fleuri, j’ai été le pre­mier qui t’a chan­té.
À Alcor­ta et Labardén, Caseros et Are­na, j’ai brodé mon nid d’amour.
Et dans une course de chevaux (peut-être aus­si écurie), j’ai su être un bon gag­nant. El Pibe, El Chue­co et El Inglés, pour une femme, ils se sont crêpés plus d’une fois avec ce chanteur (l’auteur du texte).
Je suis Porteño, des Tres Esquinas, L’allure chan­tante pour un amour.
Je suis né à Par­que Patri­cios sur les anciens cor­rales d’hi­er.
Porteño je suis, des Tres esquinas, et, dans ma jeunesse fleurie, le petit laiti­er des faubourgs, et aus­si bien, un danseur sans rival.

Parque Patricios de Mateo Villalba et Maura Sebastián

Et pour ter­min­er avec les ver­sions, Par­que Patri­cio 2008 (Valse) par le Cuar­te­to de MateoVil­lal­ba avec la voix de Mau­ra Sebastián. C’est une com­po­si­tion de Mar­ti­na Iñíguez et de Mateo Vil­lal­ba. C’est une ver­sion légère, douce­ment val­sée et chan­tée avec des paroles dif­férentes.

Par­que Patri­cio 2008 (Valse) par le Cuar­te­to de MateoVil­lal­ba avec la voix de Mau­ra Sebastián


El Par­que de los Patri­cios

Ce quarti­er porte le nom d’un parc créé en 1902 par un paysag­iste français, Charles Thays.
Né à Paris en 1849, cet archi­tecte, nat­u­ral­iste, paysag­iste, urban­iste, écrivain et jour­nal­iste français a déroulé l’essentiel de sa car­rière en Argen­tine, notam­ment en dessi­nant et amé­nageant la plu­part des espaces verts de Buenos Aires, mais aus­si d’autres lieux d’Amérique du Sud. Il fut à l’origine du sec­ond parc naturel argentin, celui d’Iguazú, et il par­tic­i­pa égale­ment à l’amélioration de la cul­ture indus­trielle de yer­ba mate (ger­mi­na­tion), cet arbuste qui fait que l’Uruguay et l’Argentine ne seraient pas pareils sans lui.

Le Par­que Patri­cios tel qu’il a été créé à l’o­rig­ine. Dessin de 1902.

Mais avant le parc, cette zone avait une tout autre des­ti­na­tion. Nous en avons par­lé à divers­es repris­es. C’étaient les abat­toirs et la décharge d’ordures.
Beau­coup y voient le berceau du tan­go, voire de Buenos Aires. En fait, tout le ter­ri­toire actuel de la « Comu­na 4 » con­stitue le Sud (Sur), zone par­ti­c­ulière­ment prop­ice à la nos­tal­gie et notam­ment chez D’Agostino et Var­gas, qui ont pro­duit plusieurs titres évo­quant les quartiers de cette com­mune.
Le nom de Par­que Patri­cios ou Par­que de los Patri­cios a été don­né au parc par l’Intendant Bul­rich en l’honneur des Patri­cios, ce pres­tigieux batail­lon de l’armée argen­tine.

Les Patri­cios con­tin­u­ent aujour­d’hui à ani­mer la vie argen­tine, même si leur dernier engage­ment a été pour les Mal­ouines. À droite, l’u­ni­forme au début du rég­i­ment (1806–1807). À l’ex­trême droite, un offici­er.
La com­mune 4 de Buenos Aires, cor­re­spond sen­si­ble­ment au Sur « mythique » avec les quartiers très pop­u­laires de Par­que Patri­cios, Nue­va Pom­peya, Bar­ra­cas et La Boca. On pour­rait rajouter la zone inférieure de Boe­do qui appar­tient à la com­mune 5, cette zone chère à Home­ro Manzi.

Cette zone a été chan­tée dans de nom­breux tan­gos dont nous avons déjà par­lé comme :
Del bar­rio de las latas
Mano blan­ca
Tres Esquinas
El cuar­teador de Bar­ra­cas
En lo de Lau­ra
Sur
La tabla­da

Voici à quoi ressem­blait le quarti­er de Par­que Patri­cios au début du 20e siè­cle. On com­prend son surnom de bar­rio de las latas évo­qué dans le tan­go dont nous avons déjà par­lé.

Mais out­re cet habi­tat par­ti­c­ulière­ment pau­vre, la zone était égale­ment une immense décharge à ciel ouvert, où, toute la journée, on brûlait les détri­tus de Buenos Aires.
Les ordures étaient trans­portées avec un petit train à voie métrique « El tren de la basura », le train des ordures.

Un mur­al repro­duisant le par­cours du train des ordures rue Oruro 1400.
El tren de la basura.

L’autre spé­cial­ité de la zone était les abat­toirs, Los Cor­rales, qui à la suite de la con­struc­tion de nou­veaux abat­toirs à Abas­to, sont devenus Los Cor­rales Viejos…

Cor­rales viejos matadero. Voir l’anecdote sur La tabla­da pour en savoir plus.

À bien­tôt les amis !

Deux détails du mur­al du train des ordures de la rue Oruro. On remar­quera que de véri­ta­bles « détri­tus » ont été util­isés, mais avec une inten­tion artis­tique évi­dente.

La cumparsita 1951-09-12 — Orquesta Juan D’Arienzo

Gerardo Hernán Matos Rodríguez; (Roberto Firpo) Letra : Pascual Contursi ; Enrique Pedro Maroni ; Gerardo Hernán Matos Rodríguez

S’il est un air que vous avez for­cé­ment enten­du, c’est à coup sûr La cumpar­si­ta. En effet, ce thème com­mence toutes les milon­gas tra­di­tion­nelles et ter­mine la plu­part des milon­gas dans le monde. Il était donc impor­tant de faire une anec­dote sur La cumpar­si­ta, mais c’est là que les dif­fi­cultés com­men­cent. J’ai plus de 800 cumpar­si­tas et il me fal­lait choisir.

Une expres­sion de lun­far­do témoigne du suc­cès de ce thème « más remanya­do que la cumpar­si­ta » (plus con­nu que la cumpar­si­ta…).

Cet air a grand suc­cès a été enreg­istré des cen­taines de fois et tous les orchestres de tan­go l’ont à leur réper­toire. Il me fal­lait donc choisir une ver­sion pour l’anecdote du jour qui soit un peu emblé­ma­tique, car je pou­vais presque trou­ver un enreg­istrement du titre pour chaque jour de l’année.
Cepen­dant, dans cette énorme pro­duc­tion, il faut bien sûr faire du tri. Sup­primer tout ce qui n’est pas du tan­go tra­di­tion­nel et donc élim­in­er les ver­sions en cumbia, rock, tan­go musette, per­cus­sions, a capel­la, valse (même si j’ai plusieurs ver­sions que je passe par­fois) et autres rythmes.
J’ai fait le choix d’un tan­go de danse, ce qui élim­ine une bonne moitié des ver­sions restantes après la pre­mière sélec­tion. Dans les 161 ver­sions restantes, il con­ve­nait de choisir les meilleures. Comme je passe deux cumpar­si­tas dans chaque milon­ga, une au début et une à la fin et que je n’aime pas faire de dou­blons trop rap­prochés, j’ai un peu creusé dans ce stock. Il en restait encore trop pour une anec­dote où je me suis fixé la lim­ite de 30 titres.
La semaine dernière, Thier­ry, mon cor­recteur m’a demandé quelque chose sur la cumpar­si­ta et pour lui faire plaisir, j’ai choisi la pre­mière date ayant une belle ver­sion et c’est donc tombé sur la ver­sion de 1951 de D’Arienzo, une ver­sion enreg­istrée le 12 sep­tem­bre, il y a exacte­ment, 73 ans.
D’Arienzo a joué des mil­liers de fois ce titre et l’a enreg­istré au moins 8 fois. J’ai donc décidé de lim­iter cette anec­dote aux ver­sions de D’Arienzo. Ne pleurez pas et pour ceux qui me suiv­ent durant mon pas­sage en Europe, je promets de ne pas pass­er deux fois la même cumpar­si­ta. Il me reste 11 milon­gas à ani­mer avant de ren­tr­er à Buenos Aires, cela fait 22 cumpar­si­tas dif­férentes. Cer­taines sont sub­limes !

Extrait musical

La cumpar­si­ta 1951-09-12 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.
La joyeuse troupe des amis de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez défile sur la cou­ver­ture de droite. Ils sont cités en haut de la par­ti­tion. À droite Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez devant sa par­ti­tion chez un édi­teur de par­ti­tions. On notera que les joyeux fêtards sont rem­placés par une femme masquée. Le masque peut évo­quer le bal, mais le fait qu’il soit noir peut aus­si évo­quer une voi­lette de deuil, celui que décrit Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez dans sa ver­sion des paroles.

Paroles

Cette ver­sion de D’Arienzo est instru­men­tale, mais il l’a enreg­istrée deux fois avec des chanteurs et dans l’immense réper­toire, il en existe plusieurs dizaines de ver­sions chan­tées. Il me sem­blait donc logique de vous don­ner les paroles. J’ai retenu les deux ver­sions prin­ci­pales, celle de Pas­cual Con­tur­si et Enrique Pedro Maroni d’une part et celle de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez qui est l’auteur de l’idée orig­i­nale et donc ici, en plus de paroles.

Paroles de la version de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni

Si supieras,
que aún den­tro de mi alma,
conser­vo aquel car­iño
que tuve para ti…
Quién sabe si supieras
que nun­ca te he olvi­da­do,
volvien­do a tu pasa­do
te acor­darás de mí…

Los ami­gos ya no vienen
ni siquiera a vis­i­tarme,
nadie quiere con­so­larme
en mi aflic­ción…
Des­de el día que te fuiste
sien­to angus­tias en mi pecho,
decí, per­can­ta, ¿qué has hecho
de mi pobre corazón?

Sin embar­go,
yo siem­pre te recuer­do
con el car­iño san­to
que tuve para ti.
Y estás en todas partes,
peda­zo de mi vida,
y aque­l­los ojos que fueron mi ale­gría
los bus­co por todas partes
y no los puedo hal­lar.

Al cotor­ro aban­don­a­do
ya ni el sol de la mañana
aso­ma por la ven­tana
como cuan­do estabas vos,
y aquel per­ri­to com­pañero,
que por tu ausen­cia no comía,
al verme solo el otro día
tam­bién me dejó…
Pas­cual Con­tur­si; Enrique Pedro Maroni

Traduction libre et indications de la version de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni

Si seule­ment tu savais que, même dans mon âme, je garde cette affec­tion que j’avais pour toi…
Qui sait si tu savais que je ne t’ai jamais oubliée, en revenant à ton passé tu te sou­vien­dras de moi…
Les amis ne vien­nent même plus me ren­dre vis­ite, per­son­ne ne veut me con­sol­er dans mon afflic­tion…
Depuis le jour où tu es par­tie, j’ai ressen­ti de l’an­goisse dans ma poitrine, j’ai dit, ma chérie, qu’as-tu fait de mon pau­vre cœur ?
Cepen­dant, je me sou­viens tou­jours de toi avec la sainte affec­tion que j’avais pour toi.
Et tu es partout, morceau de ma vie, et ces yeux qui étaient ma joie, je les cherche partout et je ne peux pas les trou­ver.
Au per­ro­quet aban­don­né, même le soleil du matin ne se penche pas à la fenêtre comme il le fai­sait lorsque tu étais là, et ce petit chien, com­pagnon, qui à cause de ton absence ne mangeait pas, à me voir seul l’autre jour, lui aus­si m’a quit­té…

Paroles de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez

La Cumparsa
de mis­e­rias sin fin
des­fi­la,
en torno de aquel ser
enfer­mo,
que pron­to ha de morir
de pena.
Por eso es que en su lecho
sol­loza acon­go­ja­do,
recor­dan­do el pasa­do
que lo hace pade­cer.

Aban­donó a su vieji­ta.
Que quedó desam­para­da.
Y loco de pasión,
ciego de amor,
cor­rió
tras de su ama­da,
que era lin­da, era hechicera,
de lujuria era una flor,
que burló su quer­er
has­ta que se can­só
y por otro lo dejó.

Largo tiem­po
después, cayó al hog­ar
mater­no.
Para poder curar
su enfer­mo
y heri­do corazón.
Y supo
que su vieji­ta san­ta,
la que él había deja­do,
el invier­no pasa­do
de frío se murió

Hoy ya solo aban­don­a­do,
a lo triste de su suerte,
ansioso espera la muerte,
que bien pron­to ha de lle­gar.
Y entre la triste fri­al­dad
que lenta invade el corazón
sin­tió la cru­da sen­sación
de su mal­dad.

Entre som­bras
se le oye res­pi­rar
sufri­ente,
al que antes de morir
son­ríe,
porque una dulce paz le lle­ga.
Sin­tió que des­de el cielo
la madrecita bue­na
mit­i­gan­do sus penas
sus cul­pas per­donó.
Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez

Traduction libre et indications de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez

La Cumparsa des mis­ères sans fin défile, autour de cet être malade, qui va bien­tôt mourir de cha­grin.
C’est pourquoi, dans son lit, il san­glote d’an­goisse, se rap­pelant le passé qui le fait souf­frir.
Il aban­don­na sa vieille mère.
Qu’il avait lais­sée désem­parée.
Et fou de pas­sion, aveu­gle d’amour, il courait après sa bien-aimée, qui était jolie, qui était sor­cière, avec con­voitise elle était une fleur, qui se moquait de son amour jusqu’à ce qu’elle soit fatiguée et le quitte pour un autre.
Longtemps plus tard, il est tombé dans la mai­son de sa mère pour pou­voir guérir son cœur malade et blessé.
Et il sut que sa sainte vieille mère, celle qu’il avait quit­tée, était morte l’hiv­er dernier de froid
Aujour­d’hui seul, aban­don­né, à la tristesse de son sort, anx­ieux, il attend la mort, qui ne tardera pas à arriv­er.
Et au sein de la triste froideur qui envahit lente­ment le cœur, il ressen­tait la cru­elle sen­sa­tion brute de sa mau­vaiseté.
Dans l’om­bre, on l’en­tend respir­er avec souf­france, à qui avant de mourir, il sourit, parce qu’une douce paix lui vient.
Il sen­tait que depuis le ciel, la bonne petite mère, atténu­ait ses cha­grins et lui par­don­nait ses péchés.
Aucune de deux ver­sions des paroles est gaie, mais les paroles de la ver­sion de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez vont encore plus loin dans le pathos. Peut-être un peu trop loin…

Autres versions

Je vais me lim­iter aux seules ver­sions enreg­istrées par D’Arienzo pour les présen­ta­tions d’enregistrements. Cela me don­nera l’occasion d’en repar­ler à pro­pos d’autres enreg­istrements par d’autres orchestres…
Voici les 8 ver­sion par D’Arienzo :

La cumpar­si­ta 1928 — Raquel Notar con acomp. de Orques­ta Juan D’Arien­zo.
La cumpar­si­ta (Si supieras) 1928 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Car­los Dante.
La cumpar­si­ta 1937-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.
La cumpar­si­ta 1943-11-23 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.
La cumpar­si­ta 1951-09-12 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre ver­sion du jour.
La cumpar­si­ta 1963-12-10 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.
La cumpar­si­ta 1971-12-07 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.
La cumpar­si­ta 1972 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. Enreg­istrement à la télévi­sion.

Gerardo Hernán Matos Rodríguez (“Becho”) fait sa publicité

Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez a refusé l’offre de Rober­to Fir­po qui voulait que les deux noms soient sur la par­ti­tion (Fir­po-Matos). Fir­po a fait pass­er la com­po­si­tion orig­i­nale d’une marche com­posée pour une com­parsa (défilé dans un car­naval) à un tan­go. Il a aus­si réal­isé la pre­mière représen­ta­tion, au café La Giral­a­da de Mon­te­v­ideo. C’est la rai­son pour laque­lle j’ai rajouté Fir­po en vert dans le sous-titre…

Le Café la Giral­da en 1918. C’est là qu’a été lancée la Cumpar­si­ta, inter­prétée par Rober­to Fir­po.

Cette presta­tion de Fir­po est sig­nalée sur le café La Giral­da par trois plaques com­mé­mora­tives. Elle est asso­ciée à la com­po­si­tion de Matos.

Les plaques com­mé­mora­tives sur le mur du café La Giral­da.
La cumpar­si­ta, un film de Anto­nio Mom­plet sor­ti le 28 août 1947. Ver­sion inté­grale !

La cumpar­si­ta est un film sor­ti le 28 août 1947. Il est à la gloire de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez, sur une idée de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez et avec des musiques de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez, par­mi lesquelles :

  • La cumpar­si­ta
  • Che, papusa, (avec Cadicamo)
  • El ros­al (Avec Romero)
  • San Tel­mo
  • Mocosi­ta.

D’autres auteurs, il y a égale­ment

  • El choclo (Vil­lol­do et Catan)
  • El tai­ta del arra­bal (Romero)
  • El entr­erri­ano (Men­diz­a­bal)
  • Vea, Vea (Rober­to Fir­po et Car­los Waiss)
  • Gar­u­fa (Col­la­zo, Fontaina et Soli­no)
  • Apache argenti­no (Gar­cia et Brameri)

Donc, qua­si­ment la moitié de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez.
Le film est dirigé par Anto­nio Mom­plet avec Nel­ly Darén, Aída Alber­ti, José Olar­ra et l’incontournable Hugo del Car­ril

Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez, étu­di­ant en archi­tec­ture et com­pos­i­teur…

Vous voulez en savoir plus ?

Il existe une mul­ti­tude de faits, his­toires, légen­des, fan­tasmes autour de La cumpar­si­ta. C’est un mon­u­ment auquel il faut beau­coup de tra­vail pour y met­tre un peu d’ordre. Cepen­dant, je vous con­seille l’article de Wikipé­dia qui lui est con­sacré, il est excel­lent :
Mer­ci à Thier­ry qui me l’a indiqué.

https://es.wikipedia.org/wiki/La_cumparsita

et bien sûr, l’article de Todo Tan­go qui sert de base à la plu­part des autres pub­li­ca­tions…

https://www.todotango.com/historias/cronica/90/La-cumparsita

La cumpar­si­ta. La joyeuse bande d’étudiants, défi­lant sur la musique de marche, se trans­forme en une marée de lourds spec­tres avec les paroles de La cumpar­si­ta et notam­ment celles de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez.

Vous avez peut-être été éton­nés de l’image de cou­ver­ture. Elle évoque une des par­ti­tions, dédi­cacée à ses amis. Mais les paroles, tristes, voire trag­iques m’ont incitées à trou­bler la fête en don­nant des allures de spec­tres aux fêtards.

Una vez 1943-08-09 — Orquesta Típica Victor dir. Mario Maurano con Ortega Del Cerro

Carlos Marcucci Letra: Lito Bayardo

Même si le titre de notre tan­go du jour est Una vez (Une fois), il peut y avoir deux fois le même titre pour des tan­gos des années 40. La ver­sion du jour est celle de la Típi­ca Vic­tor beau­coup moins con­nue que celle com­posée par Pugliese un peu plus tard, mais qui est égale­ment un suc­cès des milon­gas, sans doute un peu plus tra­di­tion­nelles.
Ne vous inquiétez-pas, je vous pro­pose les deux à l’é­coute…

Carlos Marcucci 30/10/1903 – 31/05/1957

Car­los Mar­cuc­ci, le com­pos­i­teur de notre tan­go du jour, et son ban­donéon ont tra­ver­sé tout l’âge d’or du tan­go et l’Atlantique, Canaro l’ayant enjoint de venir tra­vailler dans son orchestre en France.
On lui doit d’autres com­po­si­tions comme Mi Dolor ce sub­lime tan­go enreg­istré par qua­si­ment tous les orchestres, Esta noche qui aus­si un suc­cès d’enregistrement et Aquí me pon­go a can­tar, la milon­ga phare de l’orchestre de Fran­cis­co Lomu­to.
Il est l’oncle de Alfre­do Mar­cuc­ci (14/09/1929 – 12/06/2010), à qui il a passé sa pas­sion pour l’instrument. Alfre­do racon­te que quand il allait voir son oncle et qu’il n’entendait pas le ban­donéon, c’est qu’il était absent.

Alfre­do­Mar­cuc­ci (à gauche) et son oncle Car­los Mar­cuc­ci. Deux des fameux ban­donéon­istes du vingtième siè­cle.

Comme son oncle, Alfre­do est passé par les grands orchestres de son époque, comme le dernier de Di Sar­li, mais aus­si par des orchestres plus con­tem­po­rains comme la Orques­ta Típi­ca Silen­cio.

Ban­donéon de Alfre­do Mar­cuc­ci. C’est un Doble Aa (Alfred Arnold) fab­riqué vers 1929 à Carls­feld, en Alle­magne.

À sa mort, le ban­donéon d’Alfre­do Mar­cuc­ci a été offert par l’Argentine au Musée des instru­ments de Musique (MIM) de Brux­elles, en Bel­gique, le pays où on dit tout le temps « Une fois » (Una vez).

Extrait musical

Una vez 1943-08-09 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor dir. Mario Mau­ra­no con Orte­ga Del Cer­ro.

Les orchestres Víc­tor sont des orchestres conçus pour enreg­istr­er des dis­ques de danse. Cela s’entend dès les pre­mières notes où le rythme est bien mar­qué. Cepen­dant, Mar­cuc­ci pro­pose un motif très orig­i­nal, à par­tir de 30 sec­on­des, qui con­siste en une phrase à l’accordéon à laque­lle répond le piano. Cela peut ravir les danseurs en les inci­tant à sor­tir de la marche pour impro­vis­er sur les temps de réponse du piano en con­traste avec le ban­donéon. Si on rajoute les tut­ti de l’orchestre, les danseurs ont au moins trois univers dif­férents à explor­er avant le début du chant.
Le chant, c’est Orte­ga Del Cer­ro, qui reprend la struc­ture de la pre­mière par­tie en assumant la par­tie des ban­donéons et les cordes repren­nent les répons­es du piano lega­to ou en pizzi­cati selon les moments. C’est vrai­ment du bel ouvrage.

Paroles

Morir en los rayos de sol
La niebla de un día sin luz.
Y luego en la tarde ser­e­na
Con­ge­lo mi angus­tia y mi pena.

Soña­ba aque­l­la tarde con tus besos
Sen­tíame feliz con tu regre­so.
Y al verte de nue­vo ante mí
Canta­ba en mis sueños así:
Una vez, sólo te vi una vez
Y te amé, sólo bastó una vez.
Hoy no sé si me fal­tará tu car­iño
¡Ay de mí, que estoy solo sin ti!

Sólo tú me sabes com­pren­der
Siem­pre tú, para poder vencer.
Nun­ca más, yo te lo juro vida mía
Nun­ca más podré vivir sin ti.
Car­los Mar­cuc­ci Letra: Lito Bayardo

Traduction libre

Mourir dans les rayons du soleil
Le brouil­lard d’une journée sans lumière.
Et puis dans l’après-midi sere­in, mon angoisse et mon cha­grin ont gelé.
J’ai rêvé cet après-midi de tes bais­ers, je me sen­tais heureux avec ton retour.
Et à te revoir en face de moi, je chan­tais dans mes rêves ain­si :
Une fois, je ne t’ai vue qu’une fois, et je t’ai aimée.
Une seule fois a suf­fi.
Aujour­d’hui, je ne sais pas si ton amour va me man­quer, pau­vre de moi, que je suis seul sans toi !
Seule­ment toi sais me com­pren­dre, tou­jours toi, pour pou­voir vain­cre.
Plus jamais, je te le jure, ma vie, plus jamais, je ne pour­rai vivre sans toi.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enreg­istrement de cette com­po­si­tion de Car­los Mar­cuc­ci, je vous pro­pose une ver­sion qua­si con­tem­po­raine d’un tan­go du même titre com­posé par Osval­do Pugliese.

Una vez 1943-08-09 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor dir. Mario Mau­ra­no con Orte­ga Del Cer­ro. C’est notre tan­go du jour.
Una vez 1946-11-08 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (Osval­do Pugliese Letra : Cátu­lo Castil­lo).

Un pre­mier appel est lancé par les ban­donéons, qui est repris par les cordes et le piano. Rapi­de­ment, les cordes passent en pizzi­cati et Morán lance sa voix charmeuse et cares­sante. On retrou­ve donc un peu le principe de la ver­sion de Mar­cuc­ci avec la voix en con­tre­point avec les cordes. L’harmonie est cepen­dant plus com­plexe, avec un enchevêtrement des par­ties plus com­plexe. Le soliste laisse par­fois la place aux instru­ments qui don­nent le motif avec leur voix pro­pre. On notera que Morán chante durant toute la durée du morceau, ce qui n’était pas si courant à l’époque pour les tan­gos de danse. On pour­rait en déduire qu’il était plus conçu pour l’écoute, mais aujourd’hui, les danseurs sont telle­ment habitués à ce type de com­po­si­tion qu’ils seraient bien frus­trés si le DJ se les inter­di­s­ait.

Il y a de nom­breuses autres ver­sions de la com­po­si­tion de Pugliese. Je vous pro­pose d’en par­ler le 8 novem­bre, jour anniver­saire de l’enregistrement par Pugliese.
Nous avons écouté deux tan­gos réu­nis sous un même titre, exp­ri­mant un sen­ti­ment roman­tique puis­sant, et qui se révè­lent tous deux de belles pièces pour la danse. Alors, vous crois­erez sans doute une fois, deux fois ou bien plus, ces chefs‑d’œuvre dans votre vie de danseur.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. À demain, les amis !

Amurado 1940-07-29 — Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas

Pedro Maffia ; Pedro Laurenz Letra : José Pedro De Grandis

Encore un tan­go qui ne laisse pas les tangueros se repos­er, notam­ment dans cette ver­sion. Les deux Pedro, Lau­renz puis Maf­fia ont créé un mon­stre qui aspire toute l’énergie vitale des danseurs de la pre­mière à la dernière note. Le charme sem­ble aus­si avoir opéré égale­ment sur les directeurs d’orchestre, car de très nom­breuses ver­sions en ont été enreg­istrées. La ver­sion du jour est par l’un des deux com­pos­i­teurs, Lau­renz avec Juan Car­los Casas.

Un démarrage sur les chapeaux de roues

Le point de départ de ce tan­go a été don­né par De Gran­dis qui avait écrit un texte, sur la mis­ère de l’abandon. En 1925–1926, il était vio­loniste dans le sex­te­to du ban­donéon­iste Enrique Pol­let, celui qu’on retrou­vera par la suite dans l’orchestre de Pugliese et qui est à l’origine de la superbe vari­a­tion finale de Recuer­do.

Un jour que ce sex­te­to jouait dans son lieu habituel, Le Café El Par­que (près de Tri­bunales et assez près du théâtre Colón), Pedro Lau­renz qui était ami de Pol­let prit con­nais­sance du texte et sur l’instant sur son ban­donéon, imag­i­na un air pour la pre­mière par­tie, puis il alla le mon­tr­er à Pedro Maf­fia qui était alors au ciné­ma Select Lavalle, à prox­im­ité, dans l’orchestre de Julio De Caro. Maf­fia fut telle­ment ent­hou­si­as­mé qu’il deman­da à Lau­renz de pou­voir le ter­min­er.
Et ain­si, le tan­go inté­gra le réper­toire de Julio De Caro qui l’enregistrera deux ans plus tard, la même année que Gardel et beau­coup d’autres.
Après cette pre­mière vague, le tan­go fut moins enreg­istré, juste ressus­cité à divers­es repris­es par Lau­renz. La sec­onde vague n’arrivera que dans les années 50 avec une nou­velle folie autour du thème, folie qui dure jusqu’à nos jours où beau­coup d’orchestres ont ce tan­go à leur réper­toire.
Pedro Lau­renz l’a enreg­istré au moins cinq fois, vous pour­rez com­par­er les ver­sions dans la par­tie « autres ver­sions ».

Extrait musical

Amu­ra­do. Pedro Maf­fia ; Pedro Lau­renz Letra: José Pedro de Gran­dis La dédi­cace est au Doc­teur Pros­pero Deco, qui devien­dra le Directeur del Hos­pi­tal Gen­er­al de Agu­dos José María Pen­na de 1945 à 1955. À droite, son buste dans l’hôpital.
Amu­ra­do 1940-07-29 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas.

Tout com­mence par un puis­sant appel du ban­donéon qui résonne comme un cla­iron, puis la machine se met en marche. Le rythme est puis­sam­ment martelé, par les ban­donéons, la con­tre­basse, le piano, en con­tre­point, des plages de douceur sont don­nées par les vio­lons et en son temps par Juan Car­los Casas, mais à aucun moment le rythme et la ten­sion ne bais­sent, jusqu’à la fin presque abrupte. On notera aus­si un mag­nifique solo de ban­donéon, indis­pens­able pour un titre com­posé par deux ban­donéon­istes… L’intervention, courte de Casas, n’exprime pas toute la douleur du texte et les danseurs peu­vent pren­dre du plaisir sans remord. Cette incroy­able com­po­si­tion emporte les danseurs et hérisse les poils de bon­heur de bout en bout. Cette ver­sion est une mer­veille absolue qui fait regret­ter que Lau­renz et Casas n’ait pas plus enreg­istré.

Paroles

Cam­pa­neo a mi catr­era y la encuen­tro des­o­la­da.
Sólo ten­go de recuer­do el cuadri­to que está ahí,
pilchas vie­jas, unas flo­res y mi alma ator­men­ta­da…
Eso es todo lo que que­da des­de que se fue de aquí.

Una tarde más tris­tona que la pena que me aque­ja
arregló su bagay­i­to y amu­ra­do me dejó.
No le dije una pal­abra, ni un reproche, ni una que­ja…
La miré que se ale­ja­ba y pen­sé :
¡Todo acabó!

¡Si me viera ! ¡Estoy tan viejo!
¡Ten­go blan­ca la cabeza!
¿Será aca­so la tris­teza
de mi negra soledad ?
Debe ser, porque me cruzan
tan fuleros berretines
que voy por los cafetines
a bus­car feli­ci­dad.

Bulinci­to que cono­ces mis amar­gas desven­turas,
no te extrañe que hable solo. ¡Que es tan grande mi dolor !
Si me fal­tan sus cari­cias, sus con­sue­los, sus ter­nuras,
¿qué me quedará a mis años, si mi vida está en su amor?

¡Cuán­tas noches voy vagan­do angus­ti­a­do, silen­cioso
recor­dan­do mi pasa­do, con mi ami­ga la ilusión !…
Voy en cur­da… No lo niego que será muy ver­gonzoso,
¡pero lle­vo más en cur­da a mi pobre corazón!

Pedro Maf­fia ; Pedro Lau­renz Letra: José Pedro de Gran­dis

Juan Car­los Casas ne chante que ce qui est en gras.

Traduction libre et indications

Je con­tem­ple mon lit et le trou­ve désolé.
Je n’ai comme sou­venir que le petit tableau qui est ici, de vieilles cou­ver­tures, quelques fleurs et mon âme tour­men­tée…
C’est tout ce qui reste depuis qu’elle est par­tie d’i­ci.
Un après-midi plus triste que le cha­grin qui m’af­flige, elle a pré­paré son petit bagage et m’a lais­sé emmuré.
Je n’ai pas dit un mot, pas un reproche, pas une plainte…
Je l’ai regardée s’éloign­er et j’ai pen­sé :
Tout à une fin !
Si elle me voy­ait ! Je suis si vieux !
J’ai la tête blanche !
Est-ce peut-être la tristesse de ma noire soli­tude ?
Ça doit l’être, parce que j’ai des idées tant débiles que je vais dans les cafés pour chercher le bon­heur.
Petit logis, qui con­naît mes mésaven­tures amères, ne t’é­tonne pas que je par­le tout seul. Que ma douleur est grande !
Si me man­quent ses caress­es, ses con­so­la­tions, sa ten­dresse, que me restera-t-il dans mes années, si ma vie est dans son amour ?
Com­bi­en de nuits je vais vagabon­dant, angois­sé, silen­cieux, me sou­venant de mon passé, avec mon ami l’il­lu­sion…
Je vais me saouler… Je ne nie pas que ce soit hon­teux, mais je sup­porte mieux mon pau­vre cœur quand je suis bour­ré (saoul) !

Autres versions

J’ai mis en rouge les ver­sions par les auteurs (Maf­fia, 1 ver­sion et Lau­rens, 5 ver­sions).

Amu­ra­do 1927-02-11 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une ver­sion calme, sans doute trop calme si on la com­pare à notre tan­go du jour…

Amu­ra­do 1927-04-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Une autre ver­sion tran­quille, exé­cutée avec con­science, mais sans doute pas de quoi sus­citer la folie.

Amu­ra­do 1927-06-08 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Pagés-Pesoa-Maciel.

Une jolie inter­pré­ta­tion de Corsi­ni, à écouter, bien sûr.

Amu­ra­do 1927-07-20 — Pedro Maf­fia y Alfre­do De Fran­co (Duo de ban­do­neones).

Pedro Maf­fia l’auteur de la sec­onde par­tie nous pro­pose ici sa ver­sion en duo avec Alfre­do De Fran­co. Une ver­sion sim­ple, mais plus rapi­de que les autres de l’époque. Il nous manque cer­tains instru­ments aux­quels nous sommes désor­mais habitués pour totale­ment appréci­er cette ver­sion qui peut paraître un peu monot­o­ne et répéti­tive.

Amu­ra­do 1927-07-22 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Avec seule­ment deux gui­tares, Gardel donne la réponse à Corsi­ni qui le mois précé­dent avait enreg­istré le titre avec trois gui­tares. C’est égale­ment joli et tout autant pour l’écoute et pas pour la danse.

Amu­ra­do 1927-08-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta.

Canaro enreg­istre à son tour, sur un rythme calme, qui est de toute façon une de ses car­ac­téris­tiques de l’époque. De jolis traits de vio­lon et ban­donéon allè­gent un peu le mar­quage puis­sant du rythme. La voix de Irus­ta, un peu nasale, apporte une petite vari­a­tion dans cette inter­pré­ta­tion qui ne sera sans doute pas à la hau­teur des danseurs d’aujourd’hui.

Amu­ra­do 1927-09-07 — Agustín Mag­a­l­di con gui­tar­ras.

Il ne man­quait que lui, après Corsi­ni et Gardel, voici Mag­a­l­di. Moi, j’aime bien. Bien sûr, ce n’est pas plus pour la danse que les ver­sions des deux con­cur­rents, mais ça se laisse écouter.

Amu­ra­do 1927-09-12 — Orques­ta Julio De Caro.

Je pense que dès les pre­mières mesures vous aurez remar­qué la dif­férence d’ambiance par rap­port à toutes les ver­sions précé­dentes. Le ruba­to mar­qué, par­fois exagéré et la vari­a­tion du solo de ban­donéon sont déjà très proches de ce que pro­posera Lau­renz 13 ans plus tard. On notera les sonorités étranges qui appa­rais­sent vers la fin du morceau, De Caro aime ajouter des instru­ments atyp­iques.

Amu­ra­do 1927-12-06 — Orques­ta Juan Maglio “Pacho” con José Galarza.

On revient sans doute un cran en arrière dans la moder­nité, mais la par­tie d’orchestre est assez sym­pa­thique. La voix de Galarza sera en revanche un peu plus dif­fi­cile à accepter par les danseurs d’aujourd’hui.

Amu­ra­do 1928 — Trío Argenti­no (Irus­ta, Fuga­zot, Demare) y su Orques­ta Típi­ca Argenti­na con Rober­to Fuga­zot.

Le piano de Demare démarre puis laisse la place à la voix de Fuga­zot qui gardera ensuite la vedette en masquant un peu le beau jeu de Demare au piano qui ne pour­ra que plac­er un mag­nifique accord final.

Amu­ra­do 1940-07-29 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas.

C’est notre tan­go du Jour. Si on note la fil­i­a­tion avec l’interprétation de De Caro, la ver­sion don­née par Lau­renz est éblouis­sante en tous points. Il a fait le ménage dans les propo­si­tions par­fois un peu con­fus­es de De Caro et le résul­tat est par­fait pour la danse.

Amu­ra­do 1944-11-24 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Tout en restant fidèle à l’écriture de Lau­renz, Pugliese pro­pose sa ver­sion avec une pointe de Yum­ba et son alter­nance de moments ten­dus et d’autres, relâchés, et des nuances très mar­quées. Le résul­tat est comme tou­jours superbe, mais beau­coup plus dif­fi­cile à danser pour les danseurs qui ne con­nais­sent pas cette ver­sion. En milon­ga, c’est donc à réserv­er à des danseurs expéri­men­tés ou motivés. L’accélération de la vari­a­tion en solo du ban­donéon qui nous mène au final est tout aus­si belle que celle de Lau­renz, les danseurs pour­ront s’y don­ner ren­dez-vous pour oubli­er les petits pièges des par­ties précé­dentes.

Amu­ra­do 1946 (trans­misión radi­al) — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Six ans plus tard, Lau­renz pro­pose une ver­sion instru­men­tale. Il s’agit d’un enreg­istrement radio­phonique, d’une qual­ité impos­si­ble pour la danse, mais nous avons une ver­sion enreg­istrée l’année suiv­ante.

Amu­ra­do 1947-01-16 — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Cette ver­sion est très proche et je ne la pro­poserai sans doute pas, car je suis sûr que le petit estri­bil­lo chan­té par Casas va man­quer aux danseurs.

Amu­ra­do 1952-09-25 — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Après un peu de temps de réflex­ion, Lau­renz pro­pose une nou­velle ver­sion, très dif­férente. On sent qu’il a voulu dans la pre­mière par­tie tir­er par­ti des idées de Pugliese, mais la réal­i­sa­tion est un peu plus sèche, moins coulée et la sec­onde par­tie s’enfonce un peu dans la guimauve. Mon petit Pedro, désolé, mais on reste avec ta pre­mière ver­sion, même si on garde de cette ver­sion le final qui est tout aus­si beau que dans l’autre.

Amu­ra­do 1955-09-16 — Orques­ta José Bas­so.

Bas­so reprend l’appel ini­tial du ban­donéon, en l’accentuant encore plus que Lau­renz dans sa ver­sion de 1940. Un vio­lon vir­tu­ose nous trans­porte, puis le ban­donéon tout aus­si agile reprend le flam­beau. Par moment on retrou­ve l’esprit de la ver­sion de la ver­sion de Lau­renz en 1940, mais entre­coupée de pas­sages totale­ment dif­férents. Je ne sais pas ce qu’en penseraient les danseurs. D’un côté les rap­pels proches de Lau­renz peu­vent leur faire regret­ter l’original, mais les idées dif­férentes peu­vent aus­si éveiller leur curiosité et les intéress­er. Peut-être à ten­ter dans un lieu rem­pli de danseurs un peu curieux.

Amu­ra­do 1956 — Edmun­do Rivero con acomp. de Car­los Figari y su Orques­ta.

Une ver­sion à écouter, avec la puis­sance d’un grand orchestre.

Amu­ra­do 1956c — Trio Hugo Diaz.

Le trio d’Hugo Diaz, har­moni­ciste que l’on retrou­vera 12 ans plus tard avec une ver­sion encore plus intéres­sante.

Amu­ra­do 1959-01-08 — Orques­ta José Bas­so.

Encore Bas­so, qui s’essaye à l’amélioration de son inter­pré­ta­tion et je trou­ve que c’est une réus­site qui devrait intéress­er encore plus de danseurs que la ver­sion de 1955.

Amu­ra­do 1961-09-08 — Jorge Vidal con acomp. de gui­tar­ras, cel­lo y con­tra­ba­jo.

Amu­ra­do 1961-09-08 — Jorge Vidal con acomp. de gui­tar­ras, cel­lo y con­tra­ba­jo. Vidal avec ce con­jun­to de cordes nous pro­pose une ver­sion très orig­i­nale. Sa superbe voix est par­faite­ment mise en valeur par les cordes qui l’accompagnent. Dom­mage que ce ne soit pas pour la danse.

Amu­ra­do 1962-04-19 Orques­ta Leopol­do Fed­eri­co con Julio Sosa.

Dans la pre­mière époque du titre, on avait enten­du Corsi­ni, Gardel et Mag­a­l­di. Dans cette nou­velle péri­ode, après Rivero, voici Julio Sosa, El varón del tan­go. Une ver­sion qui fait se dress­er les poils de plaisir. Quelle ver­sion !

Amu­ra­do 1962-12-19 — Aníbal Troi­lo y Rober­to Grela en vivo.

Un enreg­istrement avec un pub­lic ent­hou­si­aste, qui masque par­fois la mer­veille du ban­donéon exprimé par Troi­lo, extra­or­di­naire.

Amu­ra­do 1968 Pedro Lau­renz con su Quin­te­to.

La dernière ver­sion enreg­istrée par Pedro Lau­renz, avec la gui­tare élec­trique en prime. Une ver­sion à écouter, mais pas inin­téres­sante.

Amu­ra­do 1972 — Hugo Díaz.

Le meilleur har­moni­ciste nous pro­pose une ver­sion plus aboutie.

Amu­ra­do 1975 — Sex­te­to May­or.
Amu­ra­do 1981 — Orques­ta Leopol­do Fed­eri­co.

Bien au-delà de la ver­sion avec Sosa, l’orchestre s’exprime mag­nifique­ment. On est bien sûr totale­ment hors du domaine de la danse, mais c’est une mer­veille.

Amu­ra­do 1990 Rober­to Goyeneche con arreg­los y direc­ción de Raúl Garel­lo.

Goyeneche man­quait à la liste des chanteurs ayant mis ce titre à son réper­toire. Cet enreg­istrement comble cette lacune.

Amu­ra­do 1995-08-23 — Sex­te­to Tan­go.

Une ver­sion par les anciens musi­ciens de Pugliese.

Voilà, avec une trentaine de ver­sions, vous avez encore une fois un échan­til­lon de la richesse du tan­go. En général, seules une ou deux ver­sions passent en milon­ga, mais quelque­fois les modes changent et des titres oubliés rede­vi­en­nent à la mode. Ain­si, le tan­go reste vivant et quand des orchestres con­tem­po­rains se char­gent de rénover la chose, c’est par­fois une sec­onde chance pour les titres.

Sur ces entre­faites, je vous dis, à demain, les amis.

Frío 1938-07-26 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Joaquín Mauricio Mora Letra: José María Contursi

Sans doute influ­encé par la tem­péra­ture polaire de ces derniers jours à Buenos Aires, j’ai choisi Frío (Froid) pour l’anecdote du jour. Cette ver­sion mag­nifique et presque orphe­line a été enreg­istrée par Canaro et Mai­da il y a exacte­ment 83 ans… Cet enreg­istrement par­le d’un froid interne, mais il a été enreg­istré en hiv­er, comme l’a été l’année précé­dente Invier­no (l’hiver) par les mêmes… Je vous invite à grelot­ter.

Un petit mot sur Joaquín Mauricio Mora (1905–1979)

Cer­tains tal­ents passent un peu dans l’oubli, tout comme ce mag­nifique tan­go du jour et je suis con­tent de les rap­pel­er à notre sou­venir.
Joaquín Mora est né en 1905 en Uruguay, d’une mère de ce pays et d’un père argentin. Il fit de sérieuses études musi­cales au point de devenir pro­fesseur de piano et il se toqua pour le ban­donéon qui bien qu’aussi un instru­ment à touch­es exige une dex­térité dif­férente. Avec cet instru­ment qu’il apprit de façon auto­di­dacte, il jouera dans de nom­breux orchestres, par exem­ple avec Azu­ce­na Maizani et le Trio Irus­ta-Fuga­zot-Demare en Europe et il fut l’un des ban­donéon­istes de Miguel Caló.

Por­traits de Joaquin Mora. En haut dans l’orchestre de Miguel Calo en 1935, en bas avec les musi­ciens de son orchestre en 1936. À droite, avec son orchestre en Uruguay

Il tour­na égale­ment en Amérique du Sud, et joua même avec la Sono­ra Matancera (en 1949).

Cartes de musi­cien de Mora : Colom­bie — Man­agua au Nicaragua — Medel­lín (Colom­bie).

Un jour il perdit son ban­donéon et il con­tin­ua comme pianiste…
Mais il fut aus­si un com­pos­i­teur intéres­sant.
Par­mi ses com­po­si­tions, citons celles dont nous avons des enreg­istrements. Une bonne par­tie étant avec des paroles de Con­tur­si :
Al ver­la pasar / Como aque­l­la prince­sa / Escla­vo / Frío / Más allá / Sin esper­an­za (Vals)
Tan­gos sans paroles de Con­tur­si (instru­men­taux ou avec d’autres paroliers) :
Div­ina (marche puis en tan­go) / En las som­bras / Mar­gari­ta Gau­thi­er / Si volviera Jesús / Ushua­ia / Volver a ver­nos / Yo soy aquel mucha­cho

Extrait musical

Frío 1938-07-26 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

Le mode mineur pré­dom­i­nant dans cette musique donne un air de tristesse. Mai­da chante déli­cate­ment, mais en suiv­ant le rythme soutenu de l’orchestre qui ne se calmera que dans les dernières sec­on­des par un ralen­tisse­ment (cal­en­do ou même moren­do).

Paroles

De vrai­ment très belles paroles, mais José María Con­tur­si nous a habitué à ces textes splen­dides et sim­ples.

Por qué seguir penan­do así
Si el sol no bril­la para mí,
En esta noche inacabable, mi quer­er
Se desan­gra lenta­mente por ti.

No sé si el vien­to lle­vará
Mi voz, cansa­da de lla­mar,
Giro la vista, angus­ti­a­do
De ver a mi lado
Som­bras, nada más.

Me ago­b­ia el peso de las penas mías
Anduve tan­to y tan­to, sin lle­gar,
Mi espíritu cansa­do, nece­si­ta
Que­brar sus alas mus­tias y olvi­dar.
Si encon­trara un reparo en el camino
Donde el alma pudiera cobi­jar,
Garúa de recuer­dos y este frío
Este frío mor­tal, mi soledad.

Busqué la paz en la oración
Mi voz, un rezo musitó,
Y en las pal­abras,
Las primeras que aprendí
Y el recuer­do de mi madre, me ahogó.

Joaquín Mauri­cio Mora Letra: José María Con­tur­si

Rober­to Mai­da ne change que ce qui est en gras. Podestá, chante tout et fait même des repris­es…

Traduction libre des paroles

Pourquoi con­tin­uer à pleur­er ain­si si le soleil ne brille pas pour moi, en cette nuit sans fin, mon amour saigne lente­ment pour toi.
Je ne sais pas si le vent portera ma voix, fatiguée d’ap­pel­er, je détourne le regard, angois­sé de voir des ombres à mon côté, rien de plus.
Le poids de mes peines me sub­merge, j’ai tant et tant marché, sans arriv­er, mon esprit fatigué, a besoin de bris­er ses ailes desséchées et d’ou­bli­er.
Si je trou­vais une retraite sur le chemin où l’âme pou­vait s’abrit­er, un crachin (pluie fine) de sou­venirs et ce froid, ce froid mor­tel, ma soli­tude.
Je cher­chais la paix dans la prière, ma voix mur­mu­rait une obsécra­tion, et dans les mots, les pre­miers que j’ap­pris et le sou­venir de ma mère, je me noy­ais.

Ce joli texte et cette exquise musique n’ont pas fait beau­coup d’adeptes. On notera tout de même une ver­sion par Alber­to Podestá avec l’auteur, Joaquín Mora.

Frío 1938-07-26 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. C’est notre tan­go du jour.
Frío 1960 — Alber­to Podestá Acc. Joaquín Mora y su orques­ta.

On se rend compte avec cette ver­sion de l’écriture nova­trice de Mora que le clas­si­cisme de Canaro avait estom­pée. En fait, c’est presque l’inverse, car la musique de Mora donne des références à la musique clas­sique française de l’époque. Pfffff. Pas facile à expli­quer, tout cela.
C’est à écouter, mais c’est une belle réal­i­sa­tion.

À demain, les amis et mer­ci à ceux qui ont lu jusqu’au bout. Je me suis ren­du compte aujourd’hui que cer­tains ne voy­aient que le chapô et la pho­to sur Face­book, nég­ligeant de cli­quer sur le lien où se trou­ve l’anecdote du jour…

Faîtes pass­er l’in­fo si vous pensez que les anec­dotes peu­vent les intéress­er.

Les anec­dotes de tan­go, c’est un site, pas une pho­to avec trois lignes sur Face­book. Pensez à cli­quer sur le lien…

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 — 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juil­let pour les Argentins, c’est le 4 juil­let des Éta­suniens d’Amérique, le 14 juil­let des Français, c’est la fête nationale de l’Argentine. Elle com­mé­more l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. José Luis Padu­la était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la sig­na­ture de la Déc­la­ra­tion d’indépendance a été effec­tuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juil­let 1816.

Padu­la pré­tend avoir écrit ce tan­go en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre par­ti­c­uli­er et qu’il a décidé de le dédi­er au 9 juil­let dont on allait fêter le cen­te­naire en 1916.
Dif­fi­cile de véri­fi­er ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Rober­to Fir­po l’a enreg­istrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des sig­nataires (argentins) du traité.

Sig­na­ture de la déc­la­ra­tion d’indépendance au Con­gre­so de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juil­let 1816. Aquarelle de Anto­nio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padu­la 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’har­mon­i­ca et de la gui­tare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trou­vé cette activ­ité pour gag­n­er sa vie). L’image de gauche est une illus­tra­tion, ce n’est pas Padu­la. Au cen­tre, Padu­la vers 1931 sur une par­ti­tion de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une pho­to peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de 9 de Julio. L’évocation de l’indépendance est man­i­feste sur les deux cou­ver­tures. On notera sur celle de droite la men­tion de Car­de­nas pour les paroles.
Autre exem­ple de par­ti­tion avec un agran­disse­ment de la dédi­cace au procu­rador tit­u­lar Señor Ger­va­sio Rodriguez. Il n’y a pas de men­tion de paroli­er sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

Dès les pre­mières notes, on note la tru­cu­lence du tuba et l’ambiance fes­tive que crée cet instru­ment. J’ai choisi cette ver­sion pour fêter le 9 juil­let, car il n’existait pas d’enregistrement intéres­sant du 9 juil­let. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt ani­mer la fête plutôt que d’enregistrer. L’autre rai­son est que le tuba est asso­cié à la fan­fare, au défilé et que donc, il me sem­blait adap­té à l’occasion. Et la dernière rai­son et d’encourager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est don­né pour mis­sion de retrou­ver la joie des ver­sions du début du vingtième siè­cle. Je trou­ve qu’il y répond par­faite­ment et vous pou­vez lui don­ner un coup de pouce en achetant pour un prix mod­ique ses albums sur Band­camp.

Paroles

Vous avez sans doute remar­qué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait qua­tre ver­sions. C’est beau­coup pour un titre qui a surtout été enreg­istré de façon instru­men­tale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, dif­férents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et touch­er les droits afférents. Dans le cas présent, les héri­tiers de Padu­la ont fait un procès, preuve que les his­toires de sous exis­tent aus­si dans le monde du tan­go. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redis­tri­b­u­tion aux héri­tiers de Padu­la était d’autant dimin­uée.
Je vous pro­pose de retrou­ver les paroles en fin d’article pour abor­der main­tenant les 29 ver­sions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pour­ront suiv­re les paroles des rares ver­sions chan­tées avec la tran­scrip­tion cor­re­spon­dante en la trou­vant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

On y entend les cris de joie des sig­nataires, des espèces de roucoule­ments que je trou­ve étranges, mais bon, c’était peut-être la façon de man­i­fester sa joie à l’époque. L’interprétation de la musique, mal­gré son antiq­ui­té, est par­ti­c­ulière­ment réussie et on ne ressent pas vrai­ment l’impression de monot­o­nie des très vieux enreg­istrements. On entend un peu de cuiv­res, cuiv­res qui sont totale­ment à l’honneur dans notre tan­go du jour avec La Tuba Tan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Encore Fir­po qui nous livre une autre belle ver­sion anci­enne une décen­nie après la précé­dente. L’enregistrement élec­trique améliore sen­si­ble­ment le con­fort d’écoute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 — Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Vous aurez recon­nu les gui­taristes de Gardel. Cet enreg­istrement a été réal­isé à Paris en 1928. C’est un plaisir d’entendre les gui­taristes sans la voix de leur « maître ». Cela per­met de con­stater la qual­ité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Je trou­ve cette ver­sion un peu pesante mal­gré les beaux accents du piano de Luis Ric­cardi. C’est un titre à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière vari­a­tion plus allè­gre voit les ban­donéons s’illuminer. J’aurais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ain­si…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 — Orques­ta Luis Petru­cel­li.

Le décès à seule­ment 38 ans de Luis Petru­cel­li l’a cer­taine­ment privé de la renom­mée qu’il méri­tait. Il était un excel­lent ban­donéon­iste, mais aus­si, comme en témoigne cet enreg­istrement, un excel­lent chef d’orchestre. Je pré­cise toute­fois qu’il n’a pas enreg­istré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent con­sacrées à sa car­rière de ban­donéon­iste, notam­ment pour Frese­do.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Mag­a­l­di n’appréciant pas les paroles de Euge­nio Cár­de­nas fit réalis­er une ver­sion par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 — Orques­ta Típi­ca Colum­bia con Ernesto Famá.

Famá chante le pre­mier cou­plet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est une des ver­sions les plus con­nues, véri­ta­ble star des milon­gas. L’impression d’accélération con­tin­ue est sans doute une des clefs de son suc­cès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Char­lo (accordéon et gui­tare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colec­ción para enten­di­dos – Época de oro vol. 6 (1926–1939). Char­lo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les gui­taristes de Gardel qui ont enreg­istré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’enregistrement du 11 octo­bre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Char­lo enreg­is­trait comme chanteur avec ses gui­taristes Diva­gan­do, No hay tier­ra como la mía, Sola­mente tú et un autre titre accordéon et gui­tare sans chant, la valse Año­ran­do mi tier­ra.
On trou­ve d’autres titres sous la men­tion Char­lo avec accordéon et gui­tare. La cumpar­si­ta et Recuer­dos de mi infan­cia le 12 sep­tem­bre 1939, Pin­ta bra­va, Don Juan, Ausen­cia et La pol­ca del ren­gui­to le 8 novem­bre 1940. Il faut donc cer­taine­ment en con­clure que Char­lo jouait aus­si de l’accordéon. Pour le prou­ver, je verserai au dossier, une ver­sion éton­nante de La cumpar­si­ta qu’il a enreg­istrée en duo avec Sabi­na Olmos avec un accordéon soliste, prob­a­ble­ment lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 — Orques­ta Héc­tor Stam­poni.

Une jolie ver­sion avec une mag­nifique vari­a­tion finale. On notera l’annonce, une pra­tique courante à l’époque où un locu­teur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo nous donne une autre ver­sion. Il y a de jolis pas­sages, mais je trou­ve que c’est un peu plus con­fus que la ver­sion de 1935 qui devrait être plus sat­is­faisante pour les danseurs. Ful­vio Sala­man­ca relève l’ensemble avec son piano, piano qui est générale­ment l’épine dor­sale de D’Arienzo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

Chez De Ange­lis, le piano est aus­si essen­tiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de don­ner son inter­pré­ta­tion mag­nifique, sec­ondé par ses excel­lents vio­lonistes. Pour ceux qui n’aiment pas De Ange­lis, ce titre pour­rait les faire chang­er d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Varela nous pro­pose une intro­duc­tion orig­i­nale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion sans doute pas évi­dente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 — Ariel Ped­ern­era y su Quin­te­to Típi­co.

Une belle ver­sion, mal­heureuse­ment cette copie a été mas­sacrée par le « col­lec­tion­neur ». J’espère trou­ver un disque pour vous pro­pos­er une ver­sion cor­recte en milon­ga, car ce thème le mérite large­ment.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 — Orques­ta José Sala.

Pour l’écoute, bien sûr, mais des pas­sages très sym­pas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enreg­istr­er sa ver­sion du thème. C’est une superbe réal­i­sa­tion, mais qui alterne des pas­sages sans doute trop var­iés pour les danseurs, mais je suis sûr que cer­tains seront ten­tés par l’expérience.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 — Luis Macha­co.

Une ver­sion tran­quille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le con­tre­point entre le ban­donéon en stac­ca­to et les vio­lons en lega­to est par­ti­c­ulière­ment réus­si.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 — Alber­to Mari­no con la orques­ta de Osval­do Taran­ti­no.

Alber­to Mari­no chante les paroles de Euge­nio Cár­de­nas. Ce n’est bien sûr pas une ver­sion pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une ver­sion bien con­nue par D’Arien­zo, dans le style sou­vent pro­posé par les orchestres con­tem­po­rains. Spec­tac­u­laire, mais, y‑a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (Ranchera-Per­icón) — Orques­ta Enrique Rodríguez.

Sec­ond OVNI du jour, cette ranchera-Per­icón nacional avec ses flon­flons, bien prop­ice à faire la fête. Peut-être une corti­na pour demain (aujourd’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Une ver­sion vir­tu­ose et ent­hou­si­as­mante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tan­da de Cam­bareri… Si cela sem­ble lent pour du Cam­bareri, atten­dez la vari­a­tion finale et vous com­pren­drez pourquoi Cam­bareri était nom­mé le mage du ban­donéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 — Orques­ta Arman­do Pon­tier.

Une ver­sion orig­i­nale, mais pas for­cé­ment indis­pens­able, mal­gré le beau ban­donéon d’Arman­do Pon­tier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Même si la Provin­cia Ori­en­tale tombait en 1916 sous la coupe du Por­tu­gal / Brésil, les Uruguayens sont sen­si­bles à l’é­man­ci­pa­tion d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aus­si pro­posé leurs ver­sions du 9 juil­let.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Paler­mo Trío.

Avec un trio, for­cé­ment, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au pro­gramme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

Dans le style hési­tant de Vil­las­boas entre tan­go et milon­ga qu’af­fec­tion­nent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que le tan­go avait été inven­té par un indé­cis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 — Miguel Vil­las­boas y Wásh­ing­ton Quin­tas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosa­ri­na 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait appré­cié la ver­sion en duo de piano de Vil­las­boas et Wásh­ing­ton. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux ver­sions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 — Los Tubatan­go.

Cet orchestre orig­i­nal par la présence du tuba et sa volon­té de retrou­ver l’ambiance du tan­go des années 1900 a été créé par Guiller­mo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tan­go du jour qui est désor­mais dirigé par Lucas Kohan sous l’appellation La Tuba Tan­go au lieu du nom orig­i­nal de Los Tubatan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

C’est notre tan­go du jour. Les musi­ciens en sont : Igna­cio Ris­so (tuba), Matias Rul­lo (ban­donéon), Gon­za­lo Braz (clar­inette) et Lucas Kohan (Direc­tion et gui­tare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facile­ment deux fois plus longue mon­tre la diver­sité de la pro­duc­tion du tan­go.
En ce qui con­cerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remar­qué que d’autres étaient aus­si intéres­sants pour le bal. La ques­tion est surtout de savoir les pro­pos­er au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’intérêt du méti­er de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres incon­nus et étranges afin de recueil­lir les applaud­isse­ments des néo­phytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant pren­dre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à mag­ni­fi­er leur impro­vi­sa­tion et leur plaisir de danser.

Je reviens main­tenant, comme promis aux qua­tre ver­sions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hog­ar cuan­do partí
porque jamás quise sen­tir
un sol­lozar por mí.
Triste amanecer
que nun­ca más he de olvi­dar
hoy para qué remem­o­rar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana div­ina
mi corazón siem­pre fiel quiso can­tar
y por el mun­do poder pere­gri­nar,
infati­ga­ble vagar de soñador
marchan­do en pos del ide­al con todo amor
has­ta que al fin dejé
mi madre y el quer­er
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de glo­ria regre­sar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, ven­ci­do y sin fe
no hal­lé mi amor ni hal­lé mi hog­ar
y con dolor lloré.

Cual vagabun­do car­ga­do de pena
yo lle­vo en el alma la desilusión
y des­de entonces así me con­de­na
la angus­tia infini­ta de mi corazón
¡Qué puedo hac­er si ya mis horas de ale­gría
tam­bién se fueron des­de aquel día
que con las glo­rias de mis tri­un­fos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juven­tud!

José Luis Padu­la Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)

C’est la ver­sion que chante Mag­a­l­di, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante égale­ment cette ver­sion, mais seule­ment le pre­mier cou­plet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quit­té ma mai­son quand je suis par­ti parce que je ne voulais jamais ressen­tir un san­glot pour moi.
Une triste aube que je n’oublierai jamais aujourd’hui, pour qu’elle se sou­vi­enne de tout ce que j’ai souf­fert.
Loin­tain 9 juil­let, d’un matin divin, mon cœur tou­jours fidèle a voulu chanter et à tra­vers le monde faire le pèleri­nage,
infati­ga­ble errance d’un rêveur marchant à la pour­suite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’enfin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’adorais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pou­voir l’offrir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vain­cu et sans foi je n’ai pas trou­vé mon amour ni ma mai­son et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond acca­blé de cha­grin, je porte la décep­tion dans mon âme, et depuis lors, l’angoisse infinie de mon cœur me con­damne.
Que pour­rais-je faire si mes heures de joie sont déjà par­ties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes tri­om­phes, rêves loin­tains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un con­ven­til­lo mugri­en­to y fulero,
con un can­flinfero
te espi­antaste vos ;
aban­donaste a tus pobres viejos
que siem­pre te daban
con­se­jos de Dios;
aban­donaste a tus pobres her­manos,
¡tus her­man­i­tos,
que te querían!
Aban­donastes el negro laburo
donde gan­abas el pan con hon­or.

Y te espi­antaste una noche
escab­ul­l­i­da en el coche
donde esper­a­ba el bacán;
todo, todo el con­ven­til­lo
por tu espi­ante ha sol­loza­do,
mien­tras que vos te has mez­cla­do
a las far­ras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la glo­ria
de ten­er un buen bulín;
pobre pebe­ta inocente
que engrup­i­da por la far­ra,
te metiste con la bar­ra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, pia­doso,
un hos­pi­tal te dé cama,
cuan­do no brille tu fama
en el salón;
cuan­do en el “yiro” no hagas
más “sport”;
cuan­do se canse el cafi­sio
de tu amor ;
y te espi­ante rechi­fla­do
del bulín;
cuan­do te den el “oli­vo“
los que hoy tan­to te aplau­den
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu deca­den­cia,
per­di­da tu esen­cia,
tu amor, tu cham­pagne ;
sólo el recuer­do quedará en tu vida
de aque­l­la per­di­da
glo­ria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con lágri­mas puras,
tus amar­guras
der­ra­marás;
y sen­tirás en tu noche enfer­miza,
la ingra­ta risa
del primer bacán.

José Luis Padu­la Letra: Ricar­do M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeu­ble (le con­ven­til­lo est un sys­tème d’habitation pour les pau­vres où les familles s’entassent dans une pièce desservie par un cor­ri­dor qui a les seules fenêtres sur l’extérieur) sale et vilain, avec un prox­énète, tu t’es enfuie ;
tu as aban­don­né tes pau­vres par­ents qui t’ont tou­jours prodigué des con­seils de Dieu ;
Tu as aban­don­né tes pau­vres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as aban­don­né le tra­vail noir où tu gag­nais ton pain avec hon­neur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te fau­fi­lant dans la voiture où le bacán (homme qui entre­tient une femme) attendait ;
Tout, tout l’immeuble à cause de ta fuite a san­gloté, tan­dis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tan­go) ;
Mais où vas-tu t’arrêter ?
Pau­vre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pau­vre fille inno­cente qui, enflée par la fête, s’est aco­quinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieuse­ment, un hôpi­tal te don­nera un lit, quand ta renom­mée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (pros­ti­tu­tion) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voy­ou de ton amour se fatigue ;
et tu t’évades folle du logis ;
Quand ils te ren­voient (dar el oli­vo = ren­voy­er en lun­far­do), ceux qui vous applaud­is­sent tant aujourd’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta déca­dence, perte de ton essence, de ton amour, de ton cham­pagne ;
Seul le sou­venir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pau­vre créa­ture, avec des larmes pures, ton amer­tume tu déverseras ;
Et tu sen­ti­ras dans ta nuit mal­adive, le rire ingrat du pre­mier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mien­tras los clar­ines tocan diana
y el vibrar de las cam­panas
reper­cute en los con­fines,
mil recuer­dos a los pechos
los infla­ma la ale­gría
por la glo­ria de este día
que nun­ca se ha de olvi­dar.
Deja, con su músi­ca, el pam­pero
sobre los patrios aleros
una belleza que encan­ta.
Y al con­juro de sus notas
las campiñas se lev­an­tan
salu­dan­do, rev­er­entes,
al sol de la Lib­er­tad.

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

C’est la ver­sion chan­tée par Alber­to Mari­no en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tan­dis que les clairons son­nent le réveil et que la vibra­tion des cloches résonne aux con­fins,
mille sou­venirs enflam­ment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pam­pero laisse sur les patri­otes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la cam­pagne se lève avec révérence, au soleil de la Lib­erté.
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, lorsque les enfants de ce sol améri­cain pour une cause juste ont démon­tré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy sien­to en mí
el des­per­tar de algo feliz.
Quiero evo­car aquel ayer
que me brindó plac­er,
pues no he de olvi­dar
cuan­do tem­bló mi corazón
al escuchar, con emo­ción,
esta feliz can­ción:

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

En los ran­chos hay
un revivir de mocedad;
los criol­los ven en su
pasión
todo el amor lle­gar.
Por las huel­las van
llenos de fe y de ilusión,
los gau­chos que oí can­tar
al res­p­lan­dor lunar.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujourd’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évo­quer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oubli­er quand mon cœur a trem­blé quand j’ai enten­du, avec émo­tion, cette chan­son joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (mai­son som­maire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criol­los voient dans leur pas­sion tout l’amour arriv­er.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’illusion, les gau­chos que j’ai enten­dus chanter au clair de lune.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, quand les enfants de ce sol améri­cain pour une juste cause ont démon­tré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

Poema 1935-06-11 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Antonio Mario Melfi ? Letra : Eduardo Vicente Bianco

Poe­ma par Canaro et Mai­da est le type même du tan­go que l’on ne peut pas facile­ment pro­pos­er dans une autre ver­sion. Amis DJ, si vous ten­tez l’expérience, on vous fait les gros yeux. Pour­tant, il existe d’autres ver­sions qui ne déméri­tent pas. Analysons un peu ce tan­go, qui est, selon un sondage réal­isé il y a une dizaine d’années, le préféré dans le monde. Nous présen­terons égale­ment une enquête pour savoir qui est le com­pos­i­teur de ce chef‑d’œuvre.

Ajout de deux ver­sions le 29 août 2024, une en let­ton et une en arabe
(Cadeau d’An­dré Vagnon de la Bible Tan­go).

Extrait musical

Tout d’abord, on ne se refuse pas d’écouter encore une fois Poe­ma par Canaro. Peut-être plus atten­tive­ment 😉

Par­ti­tion pour piano Poe­ma de Anto­nio Mario Melfi Letra : Eduar­do Vicente Bian­co.
Poe­ma 1935-06-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

Paroles

Fue un ensueño de dulce amor,
horas de dicha y de quer­er.
Fue el poe­ma de ayer,
que yo soñé de dora­do col­or.
Vanas quimeras que el corazón
no logrará descifrar jamás.
¡Nido tan fugaz,
fue un sueño de amor,
de ado­ración!…

Cuan­do las flo­res de tu ros­al
vuel­van más bel­las a flo­re­cer,
recor­darás mi quer­er
y has de saber
todo mi inten­so mal…

De aquel poe­ma embria­gador
ya nada que­da entre los dos.
¡Con mi triste adiós
sen­tirás la emo­ción
de mi dolor !…

Anto­nio Mario Melfi Letra : Eduar­do Vicente Bian­co

Traduction libre

Ce fut un rêve de doux amour, des heures de joie et d’amour.
Ce fut le poème d’hier, dont je rêvais en couleur dorée.
Vaines chimères que le cœur ne pour­ra jamais déchiffr­er.
Nid si fugace, ce fut un rêve d’amour, d’adoration…

Lorsque les fleurs de ton rosier refleuriront plus belles, tu te sou­vien­dras de mon amour et tu devras con­naître tout de mon mal intense…

De ce poème enivrant, il ne reste rien entre les deux.
Avec mon triste adieu, vous ressen­tirez l’émotion de ma douleur…

Qui est le compositeur de Poema ?

Vous pensez que la réponse est sim­ple, mais ce n’est pas si cer­tain, car il y a trois hypothès­es.

La version traditionnelle

Anto­nio Mario Melfi pour la musique et Eduar­do Vicente Bian­co pour les paroles.

Par­ti­tions avec attri­bu­tions tra­di­tion­nelles. Par­ti­tion espag­nole avec Bian­co en pho­to. Par­ti­tion française (Gar­zon) avec Bian­co et Melfi en pho­to. Disque Colum­bia Lon­dres écrit en français de Pesen­ti et Nena Sainz. Par­ti­tion Bian­co (avec pho­to de Rosi­ta Mon­tene­gro). Par­ti­tion ital­i­enne, avec en plus le nom du tra­duc­teur U. Berti­ni.

Les par­ti­tions, en général, indiquent les deux noms et les mérites respec­tifs des auteurs. Remar­quez le disque cen­tral. Il sera aus­si, dans une autre édi­tion, dans l’argument pour la vari­ante…

Une variante :

Anto­nio Mario Melfi et Eduar­do Vicente Bian­co en col­lab­o­ra­tion pour les deux.

En faveur de cet argu­ment, Melfi est com­pos­i­teur et a écrit les paroles de cer­tains tan­gos, notam­ment les siens. On peut donc le class­er égale­ment comme paroli­er. Il a com­posé Volve muchacha qui a claire­ment des liens de par­en­té avec Poe­ma.
Bian­co est con­nu comme paroli­er et comme musi­cien. Cer­tains de ces titres peu­vent con­corder avec celui de Poe­ma, styl­is­tique­ment, bien que moins réus­sis. Par exem­ple Corazón (dont il existe qua­tre enreg­istrements par Bian­co de 1929 à 1942). Je ne par­le que de la com­po­si­tion, pas de l’interprétation, Canaro n’ayant pas enreg­istré d’autre tan­go com­posé par Bian­co, on doit com­par­er avec les enreg­istrements de Bian­co.
En faveur de cet argu­ment, on a les dis­ques qui ne dif­féren­cient pas les deux con­tri­bu­tions. En voici quelques exem­ples.

La majorité des dis­ques ne dis­tinguent pas les fonc­tions. À gauche, deux dis­ques Brunswick du même enreg­istrement de Bian­co (1937). Le pre­mier indique les deux noms, sans dif­féren­ti­a­tion et le sec­ond n’indique que Bian­co… Au cen­tre, notre Canaro de référence dans une édi­tion argen­tine. Ensuite, Impe­rio Argenti­no et la men­tion des deux sans dis­tinc­tion de fonc­tion et enfin à l’extrême droite, l’enregistrement de Pesen­ti et Nena Sainz, mais ici, sans le nom de la chanteuse et avec les auteurs sans attri­bu­tion.

On voit donc qu’il est assez courant, que les auteurs ne soient pas pré­cisé­ment crédités. Le détail amu­sant est le disque de Pesen­ti et Nena Sainz qui entre dans les deux caté­gories.

Une version iconoclaste

Dans l’excellent site de référence « Bible tan­go », on peut lire :
« Selon Mar­cel Pasquier, qui ne cite pas sa source et ne s’en sou­vient plus, Melfi aurait acheté la musique à Boris Sar­bek, le véri­ta­ble com­pos­i­teur, pour 50 francs français de l’époque. Et cette mélodie serait un thème tra­di­tion­nel biélorusse. »
50 francs de l’époque, selon le cal­cu­la­teur de l’INSEE (Insti­tut Nation­al de Sta­tis­tiques France), cela cor­re­spondrait à 33,16 euros. Pour référence, un kilo de pain coû­tait 2,15 francs en 1930. En gros, il aurait ven­du sa créa­tion pour la valeur de 15 kilos de pain. Cela peut sem­bler peu, mais sou­venez-vous que pour le prix d’un café, Mario Fer­nan­do Rada aurait écrit les paroles de Ara­ca la cana si on en croit l’anecdote présen­tée dans le film Los tres berretines.
L’affirmation mérite d’être véri­fiée. Boris Sar­bek étant prob­a­ble­ment un homme d’honneur, n’a prob­a­ble­ment pas divul­gué la vente de sa créa­tion qui d’ailleurs n’aurait été qu’une retran­scrip­tion d’un thème tra­di­tion­nel.
Il con­vient donc de s’intéresser à ce com­pos­i­teur pour essay­er d’en savoir plus.
Boris Sar­bek (1897–1966) s’appelait en réal­ité Boris Saar­bekoff et util­i­sait sou­vent le pseu­do­nyme Oswal­do Bercas.
Voyons un peu ses presta­tions dans le domaine de la musique pour voir s’il est un can­di­dat crédi­ble.

Des musiques composées par Sarbek

Par ordre alphabé­tique. En bleu, les élé­ments allant dans le sens de l’hypothèse de Sar­bek, auteur de Poe­ma.
Com­po­si­tions :
Ce soir mon cœur est lourd 1947
Con­cer­to de minu­it, classé comme musique légère
Czardas Diver­ti­men­to 1959
Décep­tion (avec Mario Melfi). C’est donc une preuve que les deux se con­nais­saient suff­isam­ment pour tra­vailler ensem­ble.
El Fan­far­rón 1963
El queño
Furti­va lagri­ma 1962
Gau­cho negro
Inter­mez­zo de tan­go 1952
Je n’ai plus per­son­ne
Le tan­go que l’on danse
Lin­da bruni­ta
Manus­ka
Mon cœur atten­dra 1948
Oro de la sier­ra
Où es-tu mon Espagne ?
Pourquoi je t’aime 1943
Près de toi ma You­ka 1948
Rêvons ensem­ble 1947
Souf­frir pour toi 1947
Tan­go d’amour
Tan­go mau­dit
Ten­drement 1948

Des musiques arrangées par Sarbek

Bacanal 1961
C’est la sam­ba d’amour 1950
Dis-moi je t’aime
Elia 1942
En forêt 1942
Gip­sy fire 1958
Je suis près de vous 1943
Les yeux noirs (chan­son tra­di­tion­nelle russe). Si Poe­ma est une musique biélorusse, cela témoigne de son intérêt pour ce réper­toire.
Med­itación 1963
Nuages
One kiss
Pam­pa lin­da 1956
Puentecito 1959
Rose avril 1947
Tan­go mar­ca­to 1963
Un roi à New York 1957 Il a réal­isé les arrange­ments musi­caux du film Un roi à New York de, et avec Charles Chap­lin (Char­lot). Chap­lin a tout fait dans ce film, l’acteur, le met­teur en scène et il a écrit la musique qu’a arrangée Sar­bek. Ce dernier a aus­si dirigé son grand orchestre pour la musique du film.
Valse minu­it
Vivre avec toi 1950

Sarbek pianiste

Il est inter­venu à la fois dans son orchestre, mais aus­si pour dif­férents groupes comme Tony Mure­na, Gus Viseur (l’accordéoniste), mais, car il était le pianiste de l’orchestre musette Vic­tor.

Melfi récupérateur ?

Je place cela ici, car ce serait un argu­ment si Mefli était cou­tu­mi­er de la récupéra­tion.
Reviens mon amour a été arrangé par Mario Melfi sur l’air de « Tristesse » de Frédéric Chopin.
Il a donc au moins une autre fois util­isé une mélodie dont il n’était pas à l’origine, mais il n’est pas le seul, les exem­ples four­mil­lent dans le domaine du tan­go.
Donc, Melfi n’est pas un récupéra­teur habituel.

Sarbek interprète de Poema

S’il est l’auteur, il est prob­a­ble qu’il ait enreg­istré ce titre. C’est effec­tive­ment le cas.
Un enreg­istrement de Poe­ma signé Boris Sar­bek, ou plus exacte­ment de son pseu­do­nyme Oswal­do Bercas, cir­cule avec la date de 1930. Si c’était vrai, ce serait prob­a­ble­ment une preuve, Sar­bek aurait enreg­istré deux ans avant les autres.
Je vous pro­pose de l’écouter.

Poe­ma — Oswal­do Bercas et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Pensez-vous que cela soit une musique des années 1930 ?
Pour en avoir le cœur net, je vous pro­pose l’autre face du disque qui com­porte une com­po­si­tion de Hora­cio G. Pet­torossi, Angus­tia.

Angus­tia — Oswal­do Bercas et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Voici les pho­tos des deux faces du disque.

Les numéros de matrice sont 2825–1 ACP pour Poe­ma et 2829–1 ACP pour Ausen­cia.

Comme vous avez pu l’entendre et comme le con­fir­ment les numéros de matrice, les deux œuvres sont sim­i­laires et ne peu­vent pas avoir un écart tem­porel de plus de vingt ans.
C’est au moins un argu­ment qui tombe, nous n’avons pas d’enregistrement de 1930 de Sar­bek et encore moins de Poe­ma.

Un argument musical

N’était pas spé­cial­iste de musique biélorusse, je ne pour­rai pas men­er une étude appro­fondie de la ques­tion.
Cepen­dant, vous avez cer­taine­ment noté, vers 1:18 du Poe­ma de Sar­bek, un thème qui n’est pas dans le Poe­ma habituel et qui sonne assez musique slave. Est-ce un extrait du thème de référence que n’aurait pas con­servé Melfi ?
Dans les autres por­tions de Poe­ma, on est telle­ment habitué à l’entendre qu’il n’est pas sûr qu’on puisse encore y trou­ver des orig­ines slaves. Cepen­dant le fait que ce titre sonne un peu dif­férem­ment des autres Canaro con­tem­po­rains pour­rait indi­quer un élé­ment hétérogène. En effet, il n’y a pas de Canaro avec Mai­da qui s’assemble par­faite­ment avec Poe­ma. Canaro a sans doute sauté sur le suc­cès inter­na­tion­al de cette œuvre pour l’enregistrer.
Au sujet d’international, il y a une ver­sion polon­aise que nous enten­drons ci-dessous. Les Polon­ais aurait pu être sen­si­bles à la musique, mais ce n’est pas sûr, car à l’époque ils étaient sous la dom­i­na­tion russe et ils n’en étaient pas par­ti­c­ulière­ment heureux…
J’ai un dernier témoin à faire venir à la barre, la pre­mière ver­sion enreg­istrée par Bian­co, en 1932. Écoutez-bien, vers 1:34, vous recon­naîtrez sans doute un instru­ment étrange. Cet enreg­istrement est le pre­mier de la rubrique « Autres ver­sions » ci-dessous.

Autres versions

La tâche du DJ est vrai­ment dif­fi­cile. Com­ment pro­pos­er des alter­na­tives à ce que la plu­part des danseurs con­sid­èrent comme un chef‑d’œuvre absolu. Si vous êtes un fan de la Joconde, en accepteriez-vous une copie, même si elle est du même Leonar­do Da Vin­ci ? À voir.

Poe­ma 1932 — Orques­ta Eduar­do Bian­co con Manuel Bian­co.

Cette ver­sion com­mence par des cym­bales, puis des vio­lons très ciné­matographiques, puis un ban­donéon qui gazouille. L’introduction dure au total plus d’une minute et le piano annonce comme si on ouvrait le rideau de la scène le morceau. Une fois « digérée » cette éton­nante et longue intro­duc­tion, on entre dans un Poe­ma rel­a­tive­ment clas­sique. Avez-vous iden­ti­fié l’instrument qui appa­raît à 1:23, 1:31, 1:40, 1: 44 et à d’autres repris­es comme 2: 44 avant le chant et en accom­pa­g­ne­ment de celui-ci ?

Vladimir Gar­o­d­kin joue le canon en ré majeur de Johann Pachel­bel. Tien à voir avec le tan­go, mais c’est pour vous faire enten­dre le tsim­baly

Le tsim­baly, pas courant dans le tan­go, pour­rait être un argu­ment pour l’hypothèse de l’origine biélorusse.

Poe­ma 1933 — Impe­rio Argenti­na acomp. de gui­tar­ras, piano y vio­lin.

Le vio­lon domine l’introduction, puis laisse la place à la voix accom­pa­g­née par la gui­tare et quelques ponc­tu­a­tions du piano. Le vio­lon reprend la parole et de très belle manière pour la reprise du thème et Impe­rio Argenti­na reprend la voix jusqu’à la fin. Je suis sûr que vous allez trou­ver cette ver­sion mag­nifique, jusqu’à l’arpège final au vio­lon.

Poe­ma 1933 — Orques­ta Típi­ca Auguste Jean Pesen­ti du Col­iséum de Paris con Nena Sainz.

Une ver­sion plus marchante, moins char­mante. Auguste Jean Pesen­ti a déjà adop­té des codes qui devien­dront les car­ac­téris­tiques du tan­go musette. Je suis moins con­va­in­cu que par l’autre ver­sion fémi­nine d’Imperio Argenti­no. À not­er la par­tie réc­itée, qui était assez fréquente à l’époque, mais que nous accep­tons moins main­tenant.

Poe­ma 1933-12 — Orchestre Argentin Eduar­do Bian­co con Manuel Bian­co.

Une autre ver­sion de Bian­co avec son frère, Manuel. Elle est beau­coup plus proche de la ver­sion de Canaro, en dehors de l’introduction des vio­lons qui jouent un peu en pizzi­cati à la tzi­gane. La con­tre­basse mar­que forte­ment le tem­po, tout en restant musi­cale et en jouant cer­taines phras­es. C’est très dif­férent de la ver­sion de Canaro et Mai­da, mais pas vilain, même si la con­tre­basse sera plus appré­ciée par les danseurs de tan­go musette, qu’argentin.

Comme une chan­son d’amour (Σαν τραγουδάκι ερωτικό) 1933 — Orchestre Par­lophon, dirigé par G. Vital­is, chant Pet­ros Epitropakis (Πέτρος Επιτροπάκης).

Une ver­sion grecque, preuve que le titre s’est rapi­de­ment répan­du. Il y aura même une ver­sion arabe chan­tée par Fay­rouz et l’orchestre de Bian­co enreg­istré en 1951. Mal­heureuse­ment, ce titre n’existe pas dans les quelques dis­ques que j’ai de cette mer­veilleuse chanteuse libanaise.

Poe­ma 1934 — Ste­fan Witas.

Une ver­sion polon­aise qui fait tir­er du côté des orig­ines des pays de l’Est, même si comme je l’ai souligné, les Polon­ais n’étaient pas for­cé­ment rus­sophiles à l’époque.

Poe­ma 1935-06-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. C’est notre tan­go du jour.

On notera que Canaro entre directe­ment dans le thème, sans intro­duc­tion.

Poe­ma 1937 — René Pesen­ti et son Orchestre de Tan­go con Alber­to.

Un autre Pesen­ti. Est-ce le frère d’Auguste Jean Pesen­ti ?

Deux autres preuves du suc­cès mon­di­al de Poe­ma que je peux vous pro­pos­er grâce à la gen­til­lesse d’André Vagnon de la Bible Tan­go qui me les a fait par­venir.

Poe­ma 1938 — Orchestre Arpad Tchegledy con Pauls Sakss, en Let­ton. Cadeau d’André Vagnon.

(Ajouté le 29 août 2024)

Poe­ma 1951 (Men Hona Hob­bona mar­ra) — Orques­ta Eduar­do Bian­co con Fairuz (en arabe). Cadeau d’André Vagnon.

(Ajouté le 29 août 2024)

Poe­ma 1954c — Oswal­do Bercas (Boris Sar­bek) et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Oswal­do Bercas est peut-être l’auteur, ou tout au moins le col­lecteur de la musique tra­di­tion­nelle à l’o­rig­ine de Poe­ma. Si cette hypothèse est juste, il est donc intéres­sant de voir ce qu’il en a fait. Nous l’avons déjà écouté, lorsque cer­tains essayaient de faire pass­er cet enreg­istrement pour une réal­i­sa­tion de 1930. À com­par­er à la ver­sion de Melfi enreg­istrée quelques mois plus tard.

Poe­ma 1957 — Mario Melfi.

Qu’il soit l’auteur, pas l’auteur ou coau­teur, ici, Melfi présente sa lec­ture de l’œuvre. C’est une ver­sion très orig­i­nale, mais il faut tenir compte qu’elle est de 1957, il est donc impos­si­ble de la com­par­er aux ver­sions des années 30. Cepen­dant, la com­para­i­son avec la ver­sion à peine antérieure de Sar­bek est per­ti­nente…

Poe­ma (Tan­go insól­i­to impro 22 Un poe­ma román­ti­co by Solo Tan­go Orches­tra).

Avec cet orchestre russe, on est peut-être dans un retour dans cet univers dont est orig­i­naire, ou pas, la musique.
Pour ter­min­er, une autre ver­sion actuelle, par la Roman­ti­ca Milonguera qui a essayé de renou­vel­er, un peu, le thème.

Poe­ma par l’orchestre Roman­ti­ca Milonguera. Chanteuse, Marisol Mar­tinez.

La Roman­ti­ca Milonguera com­mence directe­ment sur le thème, sans l’in­tro­duc­tion, comme Canaro.

À demain, les amis !

No nos veremos más 1943-02-11 (Valse) — Orquesta Lucio Demare con Raúl Berón

Lucio Demare Letra: Julio Plácido Navarrine

Bésame otra vez Sien­to que después No nos ver­e­mos más.

Le tan­go du jour est une valse, nos­tal­gique, mais entraî­nante dans cette ver­sion réal­isée par Lucio Demare et Raúl Berón.
Elle a été enreg­istrée il y a 81 ans, le 11 févri­er 1943.
Lucio Demare était pianiste et com­pos­i­teur. On lui doit beau­coup de titres qu’il a lui-même inter­prétés, comme cette valse, mais aus­si d’autres tan­gos à suc­cès, comme Telón, Male­na, Mañana zarpa un bar­co, Sola­mente ella et autres titres nos­tal­giques.

Extrait musical

No nos ver­e­mos más 1943-02–11 — Lucio Demare con Raúl Berón

L’archive sonore présen­tée ici, l’est à titre d’ex­em­ple didac­tique. La qual­ité sonore est réduite à cause de la plate­forme de dif­fu­sion qui n’ac­cepte pas les fichiers que j’u­tilise en milon­ga et qui sont env­i­ron 50 fois plus gros et de bien meilleure qual­ité. Je pense toute­fois que cet extrait vous per­me­t­tra de décou­vrir le titre en atten­dant que vous le trou­viez dans une qual­ité audio­phile.

Paroles

Saber par­tir
Con la son­risa flo­re­ci­da.
Y ver morir
El sueño de toda la vida.
Ahog­ar la voz
Morder la angus­tia que nos hiere.
Después, adiós
Y el alma de un ros­al que muere.

Bésame otra vez
Sien­to que después
No nos ver­e­mos más.
Se irá la cer­razón
Pero la ilusión
No ven­drá jamás.
Som­bra entre los dos
Que un dolor atroz
No tor­na clar­i­dad.
Amor que se abre en cruz
Al puñal de luz
De todas las estrel­las.

Hoy por dis­tin­ta huel­la
Nos echa la vida,
Amor que nun­ca olvi­da
No sabe llo­rar.
Bésame otra vez
Sien­to que después
No nos ver­e­mos más.
Se irá la cer­razón
Pero la ilusión
No ven­drá jamás.

Lucio Demare Letra: Julio Plá­ci­do Navar­rine

Traduction

Savoir par­tir avec un sourire fleuri et voir mourir le rêve de toute une vie.
Étouf­fer la voix, mor­dre l’an­goisse qui nous blesse.
Puis, au revoir et l’âme d’un rosier se meure.
Embrasse-moi à nou­veau, je sens que nous ne nous rever­rons plus.
Les ténèbres dis­paraîtront, mais l’il­lu­sion ne vien­dra jamais.
Une ombre entre les deux qu’une douleur atroce ne trans­formera pas en clarté.
L’amour qui s’ou­vre en croix au poignard de lumière de toutes les étoiles.
Aujour­d’hui, la vie s’échappe par une empreinte dif­férente, l’amour qui n’ou­blie jamais, ne sait pas pleur­er.
Embrasse-moi à nou­veau, je sens que nous ne nous rever­rons plus.
Les ténèbres dis­paraîtront, mais l’il­lu­sion ne vien­dra jamais.

Autres enregistrements

Il existe une autre ver­sion, par Fran­cis­co Canaro et Rober­to Mai­da (1935–12-03), dans un rythme beau­coup plus lent et majestueux, très dif­férent de cette inter­pré­ta­tion par Demare et Berón.
Sig­nalons aus­si l’enregistrement (1952–06-18) par Lucio Demare, au piano, solo de cette valse, dans le rythme lent de Canaro. Il enchaîne sur Mañan­i­tas de Mont­martre, une autre de ses com­po­si­tions, dans cet enreg­istrement de 1952.
Comme Lucio Demare est le com­pos­i­teur, il est pos­si­ble qu’il l’ait conçue dans le rythme lent de 1935 et 1952 et que cette ver­sion de 1943 soit une adap­ta­tion au goût de l’époque, l’âge d’or du tan­go de danse.

No nos ver­e­mos más 1935-12-02 — Fran­cis­co Canaro et Rober­to Mai­da.

C’est la pre­mière ver­sion. Cette ver­sion est empreinte de sonorité européenne. Ce que la présence de l’accordéon dans la par­tie B (à 19 s) souligne. Cette même par­tie B sera reprise par la trompette bouchée à 45 s. À 54 s, Rober­to Mai­da chante la par­tie A, puis la B, puis de nou­veau la A et la B. On remar­quera les sonorités très par­ti­c­ulières du vio­lon et de la trompette à 1:50, cet assem­blage rare et éton­nant donne une dimen­sion intéres­sante à cette inter­pré­ta­tion. À 2:16 on remar­quera le piano solo qui donne une res­pi­ra­tion par­ti­c­ulière à ce pas­sage après les sonorités de la trompette asso­ciée au vio­lon. Comme pour s’excuser de l’audace précé­dente. À 2:27 l’orchestre reprend briève­ment la main pour pro­pos­er une fin de film de ciné­ma…

Cela n’est sans doute pas si éton­nant si on con­sid­ère que Demare à cette époque, fai­sait de la musique pour le ciné­ma en Espagne avec son trio et j’émets l’hypothèse que ce titre fai­sait par­tie du film, mal­heureuse­ment per­du “Boliche” de Fran­cis­co Elías (1933). Comme on le sait, Canaro a repris de nom­breuses musiques de film, pourquoi pas celle-ci ?

Affich­es du film Boliche de Fran­cis­co Elias.
No nos ver­e­mos más 1943-02-11 — Lucio Demare con Raúl Berón. C’est notre valse du jour.
No nos ver­e­mos más 1946 — Trío Argenti­no (Irus­ta, Fuga­zot, Demare) y su Orques­ta Típi­ca Argenti­na.

Si mon hypothèse est exacte, ce serait une reprise, 13 ans plus tard, de la musique du film Boliche.

No nos ver­e­mos más – Mañan­i­tas de Mont­martre 1952-06-18 — Lucio Demare (piano).

Demare est un des rares chefs d’orchestre a avoir fait des enreg­istrements de son seul instru­ment. Il faut dire que le piano se prête assez bien à cet exer­ci­ce.

No nos ver­e­mos más 2015 – Roulotte Tan­go con Gas­par Pocai.

Pour ter­min­er avec cette ver­sion en valse créée par Lucio Demare, la propo­si­tion d’un orchestre français, Roulotte Tan­go avec la voix de Garpar Pocai.

Sous le même titre, on trou­ve une chan­son de tan­go de Luis Sta­zo avec des paroles de Fed­eri­co Sil­va qui a eu son petit suc­cès en 1963, notam­ment par la ver­sion de Rober­to Goyeneche avec l’accompagnement de Luis Sta­zo, Arman­do Cupo y Mario Mon­teleone.
On pour­rait citer aus­si celle de Mau­re, de la même année, ou celle de d’Arienzo avec Jorge Valdez. Avec mon célèbre esprit de con­tra­dic­tion, je vous pro­pose d’écouter la ver­sion de De Ange­lis et Godoy…

No nos ver­e­mos más 1964-04 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Juan Car­los Godoy.

Comme les autres inter­pré­ta­tions de ce titre, il s’agit d’une ver­sion de con­cert, pas de bal.

Amor que se abre en cruz al puñal de luz de todas las estrel­las.