Archives par étiquette : Cien tangos fundamentales

Remerciements

Je prof­ite de la mod­i­fi­ca­tion sur l’anecdote sur Poe­ma liée au cadeau par André Vagnon de deux ver­sions très rares pour faire quelques remer­ciements.
L’aventure des anec­dotes de tan­go ini­tiée il y a un peu plus de six mois a béné­fi­ciée de l’aide de dif­férents col­lègues, de sites et de livres.
La petite pause tech­nique, un peu imposée pour les raisons déjà évo­quées, me donne l’occasion de don­ner quelques remer­ciements.
Les col­lègues TDJ Cami­lo Gat­i­ca, Gab­bo Frese­do, André Vagnon (Bible Tan­go) et Michael Sat­tler qui m’ont passé des musiques que je n’avais pas et Fred Alard qui par sa lec­ture atten­tive m’a fait amélior­er cer­tains arti­cles. Mer­ci à Gérard Car­don­net, Ani­ta et Philippe Con­stant qui m’ont égale­ment fourni des infor­ma­tions fort intéres­santes et qui ont égale­ment écrit d’intéressants com­men­taires.
Je dois égale­ment citer mon infati­ga­ble cor­recteur, Thier­ry Leco­quierre qui traque mes coquilles avec une effi­cac­ité red­outable.
Un grand mer­ci pour mes partageurs, qui chaque jour ont partagé mes anec­dotes sur leurs pro­fils, Tan­guy Tan­go est sur la pre­mière marche du podi­um.
Mer­ci à ceux qui met­tent de gen­tils com­men­taires, comme Angela Cas­san (pre­mière marche du podi­um dans cette caté­gorie) Jean-Philippe Kbcoo, Domi Lau­re,
Mer­ci aux 600 vis­i­teurs quo­ti­di­ens du site, même si cet afflux me pose des prob­lèmes avec la société qui héberge le site web et qui me dit que je devrais pren­dre un héberge­ment web plus cher pour éviter les coupures. “Util­i­sa­tion de l’UC et des con­nex­ions simul­tanées excè­dent régulière­ment les ressources disponibles, veuillez con­sid­érez (sic) l’évolution vers une gamme supérieure de for­mule d’hébergement, qui inclu­rait alors plus de ressources.”…
Mer­ci à tous ceux qui met­tent des J’aime sur les pub­li­ca­tions et notam­ment leur partage dans Face­book.
Mer­ci à tous ceux qui lisent, écoutent et me font de temps à autre un petit signe.
Mer­ci aux mer­veilleux DJ de Buenos Aires et qui sont ma référence.
Mer­ci à ceux qui me suiv­ent comme DJ égale­ment, ces anec­dotes sont indis­so­cia­bles de cette activ­ité. Mieux con­naître le réper­toire, c’est pou­voir offrir la bonne musique au bon moment.
Mer­ci à ceux qui m’ont lais­sé de gen­tils com­men­taires dans mon livre d’or.

Bref, mer­ci à tous (moins un qui se recon­naî­tra, même si comme je l’ai fait à divers­es repris­es, je lui tends la main pour faire la paix, ce qu’il a à chaque fois refusé, préférant con­tin­uer la guerre qu’il a ini­tiée).

Merci à mes principaux sites de référence :

Tango-dj.at La meilleure référence pour avoir les dates d’enregistrement et les auteurs des tan­gos.
TodoTango.com Une référence incon­tourn­able pour ceux qui s’intéressent au tan­go.
La Bible Tan­goUne autre référence, notam­ment pour le tan­go européen.
Milon­gaophe­lia Qui pro­pose de nom­breux arti­cles de fond, une belle icono­gra­phie et qui est très utile pour le tan­go à Paris au début du vingtième siè­cle.
Tan­gos al bar­do Le site pas­sion­nant et incon­tourn­able de José María Otero
Michael Lav­oc­ah,Pour être sincère, je n’ai lu qu’un arti­cle de son site, mais il me sem­ble être une impor­tante ressource. Je viens de recevoir son livre His­toire de tan­go qui est plutôt bien fait. Je vous le recom­mande.

Pour les livres, cela serait un peu long

J’en ai cité quelques-uns dans mes anec­dotes, mais impos­si­ble de tous les citer.
Je vous donne juste quelques petites per­les en atten­dant :

Mis memo­rias (1906–1956) Mis bodas de oro con el tan­go (Fran­cis­co Canaro). Un des plus intéres­sants, car auto­bi­ographique.
Osval­do Pugliese, une vida en el tan­go (Oscar del Pri­ore). Un peu court, mais bien doc­u­men­té.
Osval­do Pugliese, Tes­ti­mo­nios de mi vida (Beba Pugliese). Par la fille de Pugliese.
Osval­do Pugliese al Colón (Arturo M. Loz­za). Mer­ci à Denis Tor­res qui m’a fait par­venir une ver­sion PDF, plus facile à trim­baler que la ver­sion papi­er que j’utilisais. Un très bon ouvrage.
El tan­go en la sociedad porte­na 1880–1920 (Lamas Bin­da), qui a écrit beau­coup et dont je recom­mande la plu­part des écrits. De plus, il est spé­cial­iste des tan­gos de la vieille garde).
La his­to­ria del tan­go en Paris (Enrique Cadicamo).
Así nacieron los tan­gos (Fran­cis­co Gar­cía Jiménez).
Cien tan­gos fun­da­men­tales (Oscar del Pri­ore y Irene Amuchástegui).
El ori­gen del tan­go (Rober­to Sell­es).
Les livres de Felipe Pigna sur l’histoire argen­tine (Pas directe­ment lié au tan­go, mais comme ces derniers s’inscrivent dans l’histoire du pays, il faut un peu de cul­ture his­torique).
Et les nom­breuses discogra­phies et cat­a­logues de maisons d’édition qui per­me­t­tent de lever bien des doutes.

Encore un grand mer­ci à tous !

Mer­ci à tous !

Una lágrima tuya 1949-05-27 — Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz

Mariano Mores Letra: Homero Manzi

Nous restons avec Mar­i­ano Mores qui nous avait don­né Uno hier pour une autre mer­veille, Una lágri­ma tuya. Les paroles sont d’Home­ro Manzi, on reste dans le très haut du reg­istre. Comme Uno, ce titre a été créé pour un film, Cor­ri­entes, calle de ensueños. Je pense que vous allez être très sur­pris par ce tan­go, mais est-ce vrai­ment un tan­go?

Fiorentino — Ruiz?

Pour cette œuvre un peu hors norme, José Bas­so s’est adjoint deux chanteurs de pre­mier plan, Fran­cis­co Fiorenti­no et Ricar­do Ruiz.
On est habitué à associ­er Fran­cis­co Fiorenti­no à Troi­lo, mais en 1944, Fiore avait mis les bouts pour créer son pro­pre orchestre dont il con­fia la direc­tion à Astor Piaz­zol­la. Ce dernier par­tant à son tour, Fiorenti­no ira en 1948 chanter pour deux ans avec Bas­so.
De son côté Ricar­do Ruiz est asso­cié à Frese­do. Cepen­dant, il avait quit­té cet orchestre en 1942 et depuis 1947, il tra­vaille avec Bas­so. En 1949, il est donc logique de trou­ver ces deux chanteurs en duo dans l’orchestre de José Bas­so.

Extrait musical

Una lágri­ma tuya 1949-05-27 — Orques­ta José Bas­so con Fran­cis­co Fiorenti­no y Ricar­do Ruiz.
Avec la pho­to de Mar­i­ano Mores, la par­ti­tion de Una lagri­ma tuya.

Je pense que dès les pre­mières mesures, vous avez été sur­pris par le rythme de cette œuvre. Les con­nais­seurs auront recon­nu le rythme du malam­bo.
Vous con­nais­sez sans doute le malam­bo sans le savoir, car son élé­ment essen­tiel est le zap­ateo, ces jeux de jambes et de pieds que les hommes font durant la chacar­era.
C’est une démon­stra­tion d’agilité, un défi que se lançaient les gau­chos au XIXe siè­cle. C’est devenu aujourd’hui un élé­ment de folk­lore et les groupes de dans­es tra­di­tion­nelles présen­tent cette danse si ent­hou­si­as­mante à pra­ti­quer.
Comme il s’agit d’un défi, les hommes ont un regard sérieux pour ne pas dire « méchant ». Il ne s’agit pas de petites frappes au sol avec un grand sourire comme on peut le voir dans nos milon­gas, ou de petits bat­te­ments de pieds, légers qui sem­blent caress­er le sol.
Il n’y a pas à pro­pre­ment par­ler de choré­gra­phie, chaque « danseur » (je mets danseur entre guillemets, car il s’agit plutôt d’un duel­liste) fait preuve d’imagination et de créa­tiv­ité pour effectuer les fig­ures les plus auda­cieuses. Le gag­nant du duel est celui qui reste, le per­dant part, épuisé ou dégoûté par les capac­ités de son adver­saire.
La chacar­era offre une forme « civil­isée » du malam­bo. Pas ques­tion de se livr­er à des exubérances, il s’agit de con­quérir la femme, pas de lui faire peur. Par ailleurs, la chacar­era est une danse de groupe et un peu d’harmonie dans l’ensemble est de rigueur.

Cette vidéo présente un duel de malam­bo effec­tué par deux ado­les­cents. Vous recon­naîtrez la musique ini­tiale qui est celle de notre « tan­go » du jour. C’est une créa­tion de Canal Encuen­tro, une mer­veilleuse chaîne cul­turelle argen­tine, mal­heureuse­ment men­acée, car la cul­ture n’entre pas dans les pri­or­ités du nou­veau prési­dent argentin, Javier Milei.

Dans la sec­onde par­tie de la musique, on retrou­ve une autre musique tra­di­tion­nelle, la huel­la (à par­tir de 1 h 30). Vous con­nais­sez cer­taine­ment cette musique pop­u­lar­isée par Ariel Ramírez dans sa Misa criol­la.

Pour faire d’une pierre, deux coups, vous pou­vez enten­dre ici une inter­pré­ta­tion de La Pere­gri­nación (huel­la pam­peana) faisant par­tie de la Misa Criol­la. Il s’agit ici d’une danse choré­graphiée par un groupe de danse tra­di­tion­nelle, mais on peut se ren­dre compte qu’il y a des simil­i­tudes avec la chacar­era (vueltas et zap­ateos, par exem­ple).

Avec une référence au malam­bo norteño et à la huel­la pam­peana sureña, Mores évoque le Nord et le Sud de l’Argentine.

Paroles

Una lágri­ma tuya
me moja el alma,
mien­tras rue­da la luna
por la mon­taña.

Yo no sé si has llo­rado
sobre un pañue­lo
nom­brán­dome,
nom­brán­dome,
con descon­sue­lo.

La voz triste y sen­ti­da
de tu can­ción,
des­de otra vida
me dice adiós.

La voz de tu can­ción
que en el tem­blor de las cam­panas
me hace evo­car el cielo azul
de tus mañanas llenas de sol.

Una lágri­ma tuya
me moja el alma
mien­tras gimen
las cuer­das de mi gui­tar­ra.

Ya no can­tan mis labios
jun­to a tu pelo,
dicién­dote,
dicién­dote,
lo que te quiero.

Tal vez con este can­to
puedas saber
que de tu llan­to
no me olvidé,
no me olvidé.

Mar­i­ano Mores Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre

Une de tes larmes mouille mon âme, tan­dis que la lune roule sur la mon­tagne.
Je ne sais pas si tu as pleuré sur un mou­choir en me nom­mant, incon­solable.
La voix triste et sincère de ta chan­son, d’une autre vie,
me dit adieu.
La voix de ta chan­son qui dans le trem­ble­ment des cloches me fait évo­quer le ciel bleu de tes mat­inées pleines de soleil.
Une de tes larmes mouille mon âme alors que les cordes de ma gui­tare gémis­sent.
Mes lèvres ne chantent plus, col­lées à tes cheveux, te dis­ant, te dis­ant, com­bi­en je t’aime.
Peut-être qu’avec cette chan­son, tu pour­ras savoir que je n’ai pas oublié tes pleurs, je n’ai pas oublié.

Mariano Mores et le folklore

Ce n’est pas la seule fois où Mar­i­ano Mores fait référence au folk­lore dans ses com­po­si­tions., par exem­ple :
Adiós, pam­pa mía qui incor­pore des rythmes de per­icón nacional et de esti­lo.
El estrellero (cheval qui lève la tête con­tin­uelle­ment, ce qui gêne le cav­a­lier) avec rythme de estil­lo.
Lors de ses tournées inter­na­tionales, il était tou­jours accom­pa­g­né de bal­lets de folk­lore, car, il ne lais­sait jamais de côté les dans­es folk­loriques.

Autres versions

Una lagri­ma tuya 1948 — Orques­ta Juan Deam­brog­gio Bachicha con José Duarte.

Ce titre a été enreg­istré en France et édité par Luis Gar­zon qui a par ailleurs pub­lié sa pro­pre ver­sion dans les années 60 (à écouter plus bas). La date de 1948 sem­ble bien pré­coce. J’ai con­tac­té les édi­tions Luis Gar­zon, si j’obtiens des infor­ma­tions j’adapterai la date, si néces­saire.

Una lágri­ma tuya 1949-03-30 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Edmun­do Rivero y Aldo Calderón.

Cette ver­sion a con­nu le suc­cès dès son lance­ment sur disque et à la radio. C’est la pre­mière ver­sion avec les paroles défini­tives de Manzi.

Una lágri­ma tuya 1949-05-27 — Orques­ta José Bas­so con Fran­cis­co Fiorenti­no y Ricar­do Ruiz. C’est notre ver­sion du jour.
Una lágri­ma tuya 1949-10-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Mario Alon­so.

Canaro sort sa ver­sion, sans duo, un mois après la sor­tie du film dans lequel il est inter­venu. Pour une fois, il n’est pas dans les pre­miers à avoir enreg­istré (sauf si on tient compte de la ver­sion du film enreg­istrée en août 1948).

Una lágri­ma tuya 1949 — Orques­ta Atilio Bruni con Hugo Del Car­ril.

Una lágri­ma tuya 1949 — Orques­ta Atilio Bruni con Hugo Del Car­ril. Une ver­sion bien adap­tée au zap­ateo dans sa pre­mière par­tie (malam­bo), avec la belle voix chaude de Del Car­ril. Mar­i­ano Mores aurait aimé que De Car­ril chante dans le film, mais ce fut son frère qui chan­ta.

Una lágri­ma tuya (en vivo con glosas) 1951 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Jorge Casal y Raúl Berón.

La qual­ité de cet enreg­istrement est très mau­vaise, car c’est un enreg­istrement acé­tate, un sup­port peu durable. Il a été réal­isé en pub­lic lors d’un con­cert à San Pablo au Brasil et a été retrans­mis par Radio Ban­deirantes. On peste con­tre ce son effroy­able, mais quelle presta­tion ! On notera l’accent brésilien du présen­ta­teur qui annonce le titre, évo­quant le malam­bo.

Una lágri­ma tuya char­lo 1951-12-18 – Char­lo y su orques­ta.

Une belle ver­sion avec la voix qui domine un orchestre dont l’orchestration est orig­i­nale.

Una lágri­ma tuya 1953 — Cristóbal Her­rero y su orques­ta típi­ca Buenos Aires con Rodol­fo Díaz y Beat­riz Masel­li.

Una lágri­ma tuya 1953 — Cristóbal Her­rero y su orques­ta típi­ca Buenos Aires con Rodol­fo Díaz y Beat­riz Masel­li. Pas éton­nant que Her­rero enreg­istre ce titre, car il avait été cat­a­logué par Odeon du côté du folk­lore et ils lui fai­saient enreg­istr­er cela plutôt que du tan­go. Il était donc un spé­cial­iste des deux gen­res, mais aurait préféré enreg­istr­er du tan­go. Cet enreg­istrement est donc une revanche, car il a coupé l’introduction en malam­bo. Il n’a gardé que les accords fin­aux, typ­iques du malam­bo. On retrou­ve la marche, mar­quée par le ban­donéon, mais guère plus que les autres ver­sions, celle-ci est adap­tée aux danseurs exigeants. L’autre orig­i­nal­ité du titre est que c’est un duo homme-femme. J’aime bien.

Una lágri­ma tuya (En vivo) 1954-10-04 — Orques­ta Juan Canaro con Héc­tor Insúa.

Le Japon s’est toqué du tan­go et les tournées des orchestres argentins ont été des suc­cès for­mi­da­bles.

Una lágri­ma tuya 1954 — Luis Tue­bols et son Orchestre typ­ique argentin.

Oui, comme je l’ai men­tion­né à divers­es repris­es, l’histoire du tan­go n’est pas qu’en Argen­tine et Uruguay. Luis Tue­bols a con­tin­ué à pro­mou­voir le tan­go en France, notam­ment en enreg­is­trant avec Riv­iera, puis Bar­clay. Cet enreg­istrement fait par­tie des enreg­istrements avec Riv­iera en 78 tours. Il sera réédité en 33 tours en 1956 par Bar­clay.

Una lágri­ma tuya 1957-04-30 – Orques­ta Mar­i­ano Mores con Enrique Lucero.

Voici com­ment Mar­i­ano Mores inter­prète sa créa­tion. On remar­quera la voix pro­fonde de son frère, Enrique Lucero. Ce dernier est celui qui chante dans le film avec Canaro (enreg­istrement du 31 août 1948 au teatro Maipo). Mar­i­ano joue le même thème, mais au piano solo. Vous pour­rez voir cette vidéo à la fin de cet arti­cle.

Una lagri­ma tuya 1959 c — Pri­mo Corchia y su Orques­ta.

Pri­mo Corchia, encore un exem­ple français du tan­go (même s’il est né en Ital­ie, il a fait toute sa car­rière en France).

Una lágri­ma tuya 1961-05-05 — Orques­ta José Bas­so.

Un autre enreg­istrement de José Bas­so, instru­men­tal celui-ci. Il assume par­faite­ment son affil­i­a­tion au folk­lore. Le rythme est plus rapi­de que dans la ver­sion de 1949. J’espère que ce petit coup de pro­jecteur sur ce musi­cien trop sou­vent nég­ligé, José Bas­so vous don­nera envie d’en écouter, voire danser, plus.

Et pour ter­min­er cette liste bien incom­plète, je vous pro­pose deux curiosités :

Una lagri­ma tuya 1961 c— Orchestre Luis Gar­zon.

C’est celui qui aurait pub­lié dès 1948 l’enregistrement de Bachicha. Cette ver­sion est pure­ment musette. Le beau rythme de marche du malam­bo du départ, se com­mue en ryth­mique de tan­go musette, mais pas tout le temps. J’imagine que c’est une des raisons du suc­cès de ce tan­go en France, la marche très mar­quée écrite par Mores s’adapte par­faite­ment au style musette. Le terme musette, vient de l’instrument à vent, de la famille des corne­mus­es, util­isé dans les bals pop­u­laires en France. Con­traire­ment aux instru­ments des Écos­sais, la musette appelée cabrette dans le Mas­sif-Cen­tral se rem­plit à l’aide d’un souf­flet et non pas en souf­flant dans une embouchure. Le joueur de musette peut donc chanter en jouant.

Una lagri­ma tuya y Adiós Pam­pa mía 1994 – Rober­to Gal­lar­do y su gran orques­ta con Beat­riz Suarez Paz y Oscar Lar­ro­ca (hijo).

Deux titres de Mar­i­ano Mores ayant trait au folk­lore, enchaînés, Una lágri­ma tuya et Adiós Pam­pa mía. Le nom du chanteur vous dit cer­taine­ment quelque chose, c’est le fils du chanteur des mêmes nom et prénom qui chan­ta si bien, par exem­ple avec De Ange­lis.
Encore un petit mot sur le film pour lequel Mores a écrit ce thème.

Corrientes, calle de ensueños, le film

Cor­ri­entes, calle de ensueños est un film de Román Viñoly Bar­reto sur un scé­nario de Luis Saslavsky sor­ti le 29 sep­tem­bre 1949.

Une pub­lic­ité pour le film Cor­ri­entes, calle de ensueños. Cette rue a une his­toire et je dois la con­ter.

Home­ro Manzi, peu de temps avant sa mort, regret­tait de ne pas avoir tra­vail­lé en col­lab­o­ra­tion avec Mar­i­ano Mores. Oscar Del Pri­ore et Irene Amuchástegui racon­tent dans Cien tan­gos fun­da­men­tales (Mar­i­ano Mores a d’ailleurs écrit le pro­logue de ce livre…) que Mores de vis­ite chez Manzi, joue ce thème au piano et peu après, Manzi fait savoir à Mores qu’il a des paroles à lui pro­pos­er pour sa musique. En réal­ité, les paroles défini­tives évolueront, jusqu’à la ver­sion que don­nera Canaro avec Alon­so en 1949, quelque temps avant le lance­ment du film.
Canaro était bien placé pour con­naître cette œuvre, puisqu’il l’interprète, juste­ment à la fin du film, mais ce n’est pas cet extrait que je vais vous présen­ter. Par­mi les acteurs, Mar­i­ano Mores, lui-même, dans son pre­mier rôle au ciné­ma. Dans cet extrait du début du film, il joue le titre au piano. De quoi bien ter­min­er cette chronique.

Mar­i­ano Mores joue Una lágri­ma tuya au piano au début du film Cor­ri­entes, calle de ensueños

Recuerdo, 1944-03-31 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Adolfo et/ou Osvaldo Pugliese Letra : Eduardo Moreno

Recuer­do serait le pre­mier tan­go écrit par Osval­do Pugliese. Ayant été édité en 1924, cela voudrait dire qu’il l’aurait écrit avant l’âge de 19 ans. Rien d’étonnant de la part d’un génie, mais ce qui est éton­nant, c’est le titre, Recuer­do (sou­venir), sem­ble plus le titre d’une per­son­ne d’âge mûr que d’un tout jeune homme, surtout pour une pre­mière œuvre. Essayons d’y voir plus clair en regroupant nos sou­venirs…

La famille Pugliese, une famille de musiciens

Osval­do est né en 1905, le 2 décem­bre. Bien que d’une famille mod­este, son père lui offre un vio­lon à l’âge de neuf ans, mais Osval­do préféra le piano.
Je vais vous présen­ter sa famille, tout d’abord avec un arbre généalogique, puis nous entrerons dans les détails en présen­tant les musi­ciens.

Adolfo Pugliese (1876–06-24 — 1945-02-09), le père, flûtiste, compositeur (?) et éditeur de musique

Comme com­pos­i­teur, on lui attribue :

Ausen­cia (Tan­go mío) (Tan­go de 1931), mais nous ver­rons, à la fin de cet arti­cle, qu’il y en a peut-être un autre, ou pas…
La légende veut qu’il soit un mod­este ouvri­er du cuir, comme son père qui était cor­don­nier, mais il était aus­si édi­teur de musique et flûtiste. Il avait donc plusieurs cordes à son arc.
De plus, quand son fils Osval­do a souhaité faire du piano, cela ne sem­ble pas avoir posé de prob­lème alors qu’il venait de lui fournir un vio­lon (qui pou­vait être partagé avec son frère aîné, cepen­dant). Les familles qui ont un piano ne sont pas les plus dému­nies…
Même si Adol­fo a écrit, sem­ble-t-il, écrit peu (ou pas) de tan­go, il en a en revanche édité, notam­ment ceux de ses enfants…
Voici deux exem­ples de par­ti­tion qu’il édi­tait. À droite, celle de Recuer­co, notre tan­go du jour. On remar­quera qu’il indique « musique d’Adolfo Pugliese » et la sec­onde de « Por una car­ta », une com­po­si­tion de son fils Alber­to, frère d’Osvaldo, donc.

Sur la cou­ver­ture de Recuer­do, le nom des musi­ciens de Julio de Caro, à savoir : Julio de Caro, recon­naiss­able à son vio­lon avec cor­net qui est égale­ment le directeur de l’orchestre., puis de gauche à droite, Fran­cis­co de Caro au piano, Pedro Maf­fia au ban­donéon (que l’on retrou­ve sur la par­ti­tion de Por una car­ta), Enrike Krauss à la con­tre­basse, Pedro Lau­renz au ban­donéon et Emilio de Caro, le 3e De Caro de l’orchestre…
Sur la par­ti­tion de Por una car­ta, les sig­na­tures des mem­bres de l’orchestre de Pedro Maf­fia : Elvi­no Var­daro, le mer­veilleux vio­loniste, Osval­do Pugliese au piano, Pedro Maf­fia au ban­donéon et directeur de l’orchestre, Fran­cis­co De Loren­zo à la con­tre­basse, Alfre­do De Fran­co au ban­donéon et Emilio Puglisi au vio­lon.

On voir qu’Adolfo gérait ses affaires et que donc l’idée d’un Osval­do Pugliese né dans un milieu déshérité est bien exagérée. Cela n’a pas empêché Osval­do d’avoir des idées généreuses comme en témoignent son engage­ment au par­ti com­mu­niste argentin et sa con­cep­tion de la répar­ti­tion des gains avec son orchestre. Il divi­sait les émol­u­ments en por­tions égales à cha­cun des mem­bres de l’orchestre, ce qui n’était pas la façon de faire d’autres orchestres ou le leader était le mieux payé…

Antonio Pugliese (1878–11-21— ????), oncle d’Osvaldo. Musicien et compositeur d’au moins un tango

Ce tan­go d’Antonio est : Qué mal hiciste avec des paroles d’Andrés Gaos (fils). Il fut enreg­istré en 1930 par Anto­nio Bonave­na. Je n’ai pas de pho­to du ton­ton, alors je vous pro­pose d’écouter son tan­go dans cette ver­sion instru­men­tale.

Que mal hiciste 1930 Orques­ta Anto­nio Bonave­na (ver­sion instru­men­tale)

Alberto Pugliese (1901–01-29- 1965-05-15), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Curieuse­ment, les grands frères d’Osvaldo sont peu cités dans les textes sur le tan­go. Alber­to a pour­tant réal­isé des com­po­si­tions sym­pa­thiques, par­mi lesquelles on pour­rait citer :

  • Ado­ración (Tan­go) enreg­istré Orques­ta Juan Maglio « Pacho » avec Car­los Viván (1930–03-28).
  • Cabecitas blan­cas (Tan­go) enreg­istré par Osval­do et Chanel (1947–10-14)
  • Car­iño gau­cho (Milon­ga)
  • El char­quero (Tan­go de 1964)
  • El remate (Tan­go) dont son petit frère a fait une mag­nifique ver­sion (1944–06-01). Mais de nom­breux autres orchestres l’ont égale­ment enreg­istré.
  • Espinas (Tan­go) Enreg­istré par Fir­po (1927–02-27)
  • Milon­ga de mi tier­ra (Milon­ga) enreg­istrée par Osval­do et Jorge Rubi­no (1943–10-21)
  • Por una car­ta (Tan­go) enreg­istré par la Típi­ca Vic­tor (1928–06-26)
  • Soñan­do el Charleston (Charleston) enreg­istré par Adol­fo Cara­bel­li Jazz Band (1926–12-02).

Il en a cer­taine­ment écrit d’autres, mais elles sont encore à iden­ti­fi­er et à faire jouer par un orchestre qui les enreg­istr­era…
On notera que sa petite fille, Marcela est chanteuse de tan­go. Les gènes ont aus­si été trans­mis à la descen­dance d’Alberto.

Adolfo Vicente (Fito) Pugliese (1899— ????), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Adol­fo Vicente (surnom­mé Fito pour mieux le dis­tinguer de son père Adol­fo, Adolfito devient Fito) ne sem­ble pas avoir écrit ou enreg­istré sous son nom. Ce n’est en revanche pas si sûr. En effet, il était un bril­lant vio­loniste et étant le plus âgé des garçons, c’est un peu lui qui fai­sait tourn­er la bou­tique quand son père se livrait à ses frasques (il buvait et courait les femmes).
Cepen­dant, la mésen­tente avec le père a fini par le faire par­tir de Buenos Aires et il est allé s’installer à Mar del Pla­ta où il a délais­sé la musique et le vio­lon, ce qui explique que l’on perde sa trace par la suite.

Beba (Lucela Delma) Pugliese (1936— …), pianiste, chef d’orchestre et compositrice

C’est la fille d’Osvaldo et de María Con­cep­ción Flo­rio et donc la petite fille d’Adolfo, le flûtiste et édi­teur.
Par­mi ses com­po­si­tions, Catire et Chichar­ri­ta qu’elle a joué avec son quin­te­to…

Carla Pugliese (María Carla Novelli) Pugliese (1977— …), Pianiste et compositrice

Petite fille d’Osvaldo et fille de Beba, la tra­di­tion famil­iale con­tin­ue de nos jours, même si Car­la s’oriente vers d’autres musiques.
Si vous voulez en savoir plus sur ce jeune tal­ent :

https://www.todotango.com/creadores/biografia/1505/Carla-Pugliese/ (en espag­nol)

https://www.todotango.com/english/artists/biography/1505/Carla-Pugliese/ (en anglais)

Les grands-parents de Pugliese

Je ne sais pas s’ils étaient musi­ciens. Le père était zap­a­tero (cor­don­nier). Ce sont eux qui ont fait le voy­age en Argen­tine où sont nés leurs 5 enfants. Ce sont deux par­mi les mil­liers d’Européens qui ont émi­gré vers l’Argentine, comme le fit la mère de Car­los Gardel quelques années plus tard.

Roque PUGLIESE Padula

Né le 5 octo­bre 1853 — Tri­cari­co, Mat­era, Basil­i­ca­ta, Ital­ie
Zap­a­tero. C’est de lui que vient le nom de Pugliese qu’il a cer­taine­ment adop­té en sou­venir de sa terre natale.

Filomena Vulcano

Née en 1852 — Rossano, Cosen­za, Cal­abria, Ital­ie
Ils se sont mar­iés le 28 novem­bre 1896, dans l’église Nues­tra Seño­ra de la Piedad, de Buenos Aires.
Leurs enfants :

  • Adol­fo Juan PUGLIESE Vul­cano 1876–1943 (Père d’Osvaldo, com­pos­i­teur, édi­teur et flûtiste)
  • Anto­nio PUGLIESE Vul­cano 1878 (Musi­cien et com­pos­i­teur)
  • Luisa María Mar­gari­ta PUGLIESE Vul­cano 1881
  • Luisa María PUGLIESE Vul­cano 1883
  • Con­cep­ción María Ana PUGLIESE Vul­cano 1885

Extrait musical

Recuer­do, 1944-03-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Dans cette ver­sion il y a déjà tout le Pugliese à venir. Les ver­sions enreg­istrées aupar­a­vant avaient déjà pour cer­taines des into­na­tions proches. On peut donc penser que la puis­sance de l’écriture de Pugliese a influ­encé les orchestres qui ont inter­prété son œuvre. À l’écoute on se pose la ques­tion de la pater­nité de la com­po­si­tion. Alfre­do, Osval­do ou un autre ? Nous y revien­drons.

Les paroles

Ayer can­taron las poet­as
y llo­raron las orques­tas
en las suaves noches del ambi­ente del plac­er.
Donde la bohemia y la frágil juven­tud
apri­sion­adas a un encan­to de mujer
se mar­chi­taron en el bar del bar­rio sud,
murien­do de ilusión
murien­do su can­ción.

Mujer
de mi poe­ma mejor.
¡Mujer!
Yo nun­ca tuve un amor.
¡Perdón!
Si eres mi glo­ria ide­al
Perdón,
serás mi ver­so ini­cial.

Y la voz en el bar
para siem­pre se apagó
su moti­vo sin par
nun­ca más se oyó.

Embria­ga­da Mimí,
que llegó de París,
sigu­ien­do tus pasos
la glo­ria se fue
de aque­l­los mucha­chos
del viejo café.

Quedó su nom­bre graba­do
por la mano del pasa­do
en la vie­ja mesa del café del bar­rio sur,
donde anoche mis­mo una som­bra de ayer,
por el recuer­do de su frágil juven­tud
y por la cul­pa de un olvi­do de mujer
dur­mióse sin quer­er
en el Café Con­cert.

Adol­fo et/ou Osval­do Pugliese Letra : Eduar­do Moreno

Dans la ver­sion de la Típi­ca Vic­tor de 1930, Rober­to Díaz ne chante que la par­tie en gras. Rosi­ta Mon­temar chante deux fois tout ce qui est en bleu.

Traduction libre et indications

Hier, les poètes ont chan­té et les orchestres ont pleuré dans les douces nuits de l’atmosphère de plaisir.
Où la bohème et la jeunesse frag­ile pris­on­nière du charme d’une femme se flétris­saient dans le bar du quarti­er sud, mourant d’illusion et mourant de leur chan­son.
Femme de mon meilleur poème.

Femme !
Je n’ai jamais eu d’amour.
Par­don !
Si tu es ma gloire idéale
Désolé, tu seras mon cou­plet d’ouverture.

Et la voix dans le bar s’éteignit à jamais, son motif sans pareil ne fut plus jamais enten­du.
Mimì ivre, qui venait de Paris, suiv­ant tes traces, la gloire s’en est allée à ces garçons du vieux café.

Son nom était gravé par la main du passé sur la vieille table du café du quarti­er sud, où hier soir une ombre d’hier, par le sou­venir de sa jeunesse frag­ile et par la faute de l’oubli d’une femme, s’est endormie involon­taire­ment dans le Café-Con­cert.

Dans ce tan­go, on voit l’importance du sud de Buenos Aires.

Autres versions

Recuer­do, 1926-12-09 — Orques­ta Julio De Caro. C’est l’orchestre qui est sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion éditée avec le nom d’Adolfo. Remar­quez que dès cette ver­sion, la vari­a­tion finale si célèbre est déjà présente.
Recuer­do 1927 — Rosi­ta Mon­temar con orques­ta. Une ver­sion chan­son. Juste pour l’intérêt his­torique et pour avoir les paroles chan­tées…
Recuer­do, 1928-01-28 — Orques­ta Bian­co-Bachicha. On trou­ve dans cette ver­sion enreg­istrée à Paris, quelques accents qui seront mieux dévelop­pés dans les enreg­istrements de Pugliese. Ce n’est pas inin­téres­sant. Cela reste cepen­dant dif­fi­cile de pass­er à la place de « La référence ».
Recuer­do, 1930-04-23 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Rober­to Díaz. Une des rares ver­sions chan­tées et seule­ment sur le refrain (en gras dans les paroles ci-dessus). Un bas­son apporte une sonorité éton­nante à cette ver­sion. On l’entend par­ti­c­ulière­ment après le pas­sage chan­té.
Recuer­do, 1941-08-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to. Une ver­sion très intéres­sante. Que je pour­rais éventuelle­ment pass­er en bal.
Recuer­do 1941 Orques­ta Aníbal Troi­lo. La prise de son qui a été réal­isée à Mon­te­v­ideo est sur acé­tate, donc le son est mau­vais. Elle n’est là que pour la référence.
Recuer­do, 1942-11-04 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi. Une ver­sion sur­prenante pour du Tan­turi et pas si loin de ce que fera Pugliese, deux ans plus tard. Heureuse­ment qu’il y a la fin typ­ique de Tan­turi, une dom­i­nante suiv­ie bien plus tard par la tonique pour nous cer­ti­fi­er que c’est bien Tan­turi 😉
Recuer­do, 1944-03-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est le tan­go du jour. Il est intéres­sant de voir com­ment cette ver­sion avait été annon­cée par quelques inter­pré­ta­tions antérieures. On se pose tou­jours la ques­tion ; Alfre­do ou Osval­do ? Sus­pens…
Recuer­do, 1952-09-17 — Orques­ta Julio De Caro. De Caro enreg­istre 26 ans plus tard le titre qu’il a lancé. L’évolution est très nette. L’utilisation d’un orchestre au lieu du sex­te­to, donne de l’ampleur à la musique.
Recuer­do 1966-09 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. On retrou­ve Pugliese, 22 ans après son pre­mier enreg­istrement. Cette fois, la voix de Maciel. Celui-ci chante les paroles, mais avec beau­coup de mod­i­fi­ca­tions. Je ne sais pas quoi en penser pour la danse. C’est sûr qu’en Europe, cela fait un mal­heur. L’interprétation de Maciel ne se prête pas à la danse, mais c’est telle­ment joli que l’on pour­rait s’arrêter de danser pour écouter.

En 1985, on a au moins trois ver­sions de Rucuer­do par Pugliese. Celle de « Grandes Val­ores », une émis­sion de télévi­sion, mais avec un son moyen, mais une vidéo. Alors, je vous la présente.

Recuer­do par Osval­do Pugliese dans l’émission Grandes Val­ores de 1985.

Puisqu’on est dans les films, je vous pro­pose aus­si la ver­sion au théâtre Colon, cette salle de spec­ta­cle fameuse de Buenos Aires.

Recuer­do par Osval­do Pugliese au Théa­tre Colon, le 12 décem­bre 1985.

Pour ter­min­er, tou­jours de 1985, l’enregistrement en stu­dio du 25 avril.

Recuer­do, 1985-04-25 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a con­tin­ué à jouer à de nom­breuses repris­es sa pre­mière œuvre. Vous pou­vez écouter les dif­férentes ver­sions, mais elles sont glob­ale­ment sem­blables et je vous pro­pose d’arrêter là notre par­cours, pour traiter de notre fil rouge. Qui est le com­pos­i­teur de Recuer­do ?

Qui est le compositeur de Recuerdo ?

On a vu que la par­ti­tion éditée en 1926 par Adol­fo Pugliese men­tionne son nom comme auteur. Cepen­dant, la tra­di­tion veut que ce soit la pre­mière com­po­si­tion d’Osvaldo.
Écou­tons le seul tan­go qui soit éti­queté Adol­fo :
Ausen­cia, 1926-09-16 — José Bohr y su Orques­ta Típi­ca. C’est mignon, mais c’est loin d’avoir la puis­sance de Recuer­do.
On notera toute­fois que la réédi­tion de cette par­ti­tion est signée Adol­fo et Osval­do. La seule com­po­si­tion d’Adolfo serait-elle en fait de son fils ? C’est à mon avis très prob­a­ble. Le père et sa vie peu équili­brée et n’ayant pas don­né d’autres com­po­si­tions, con­traire­ment à ses garçons, pour­rait ne pas être com­pos­i­teur, en fait.

Pour cer­tains, c’est, car Osval­do était mineur, que son père a édité la par­ti­tion à son nom. Le prob­lème est que plusieurs tan­gos d’Osvaldo avaient été antérieure­ment édités à son nom. Donc, l’argument ne tient pas.

Pour ren­dre la chose plus com­plexe, il faut pren­dre en compte l’histoire de son frère aîné
Adol­fo (Fito). Ce dernier était un bril­lant vio­loniste et com­pos­i­teur.
Pedro Lau­renz, alors Ban­donéiste dans l’orchestre de Julio De Caro, indique qu’il était avec Eduar­do Moreno quand un vio­loniste Emilio Marchi­ano serait venu lui deman­der d’aller chercher ce tan­go chez Fito pour lui ajouter des paroles.
Marchi­ano tra­vail­lait alors au café ABC, comme l’indique Osval­do qui était ami avec le ban­donéon­iste Enrique Pol­let (France­si­to) et qui aurait recom­mandé les deux titres mar­qués Adol­fo (Ausen­cia et Recuer­do).
On est sur le fil avec ces deux his­toires avec les mêmes acteurs. Dans un cas, l’auteur serait Adolfi­to qui don­nerait la musique pour qu’elle soit jouée par De Caro et dans l’autre, ce serait Pol­let qui aurait fait la pro­mo­tion des com­po­si­tions qui seraient toutes deux d’Osvaldo et pas de son père, ni de son grand frère.
Pour expli­quer que le nom de son père soit sur les par­ti­tions de ces deux œuvres, je donne la parole à Osval­do qui indique qu’il est bien l’auteur de ces tan­gos, et notam­ment de Recuer­do qu’il aurait don­né à son père, car ce dernier, flûtiste avait du mal à trou­ver du tra­vail et qu’il avait décidé de se recon­ver­tir comme édi­teur de par­ti­tion. En effet, la flûte, très présente dans la vieille garde n’était plus guère util­isée dans les nou­veaux orchestres. Cette anec­dote est par Oscar del Pri­ore et Irene Amuchástegui dans Cien tan­gos fun­da­men­tales.
Tou­jours selon Pedro Lau­renz, la vari­a­tion finale, qui donne cette touche magis­trale à la pièce, serait d’Enrique Pol­let, alias El Francés, (1901–1973) le ban­donéon­iste qui tra­vail­lait avec Eduar­do Moreno au moment de l’adaptation de l’œuvre aux paroles.
Cepen­dant, la ver­sion de 1927 chan­tée par Rosi­ta Mon­temar ne con­tient pas la vari­a­tion finale alors que l’enregistrement de 1926 par De Caro, si. Plus grave, la ver­sion de 1957, chan­tée par Maciel ne com­porte pas non plus cette vari­a­tion. On pour­rait donc presque dire que pour adapter au chant Recuer­do, on a sup­primé la vari­a­tion finale.

Et en conclusion ?

Ben, il y a plein d’hypothèses et toutes ne sont pas fauss­es. Pour ma part, je pense que l’on a min­imisé le rôle Fito et qu’Adolfo le père n’a pas d’autre mérite que d’avoir don­né le goût de la musique à ses enfants. Il sem­ble avoir été un père moins par­fait sur d’autres plans, comme en témoigne l’exil d’Adolfito (Vicente).
Mais finale­ment, ce qui compte, c’est que cette œuvre mer­veilleuse nous soit par­v­enue dans tant de ver­sions pas­sion­nantes et qu’elle ver­ra sans doute régulière­ment de nou­velles ver­sions pour le plus grand plaisir de nos oreilles, voire de nos pieds.
Recuer­do restera un sou­venir vivant.