Quand on s’appelle DJ Bernardo, on est forcément ami d’un collègue qui s’appelle DJ Don Diego. Cet ami, Emmanuel Vega, vient de me dédicacer son livre, Dessine-moi… ¡Dibújame… un tango!
Vous qui êtes lecteurs de mes anecdotes, pourriez bien apprécier son œuvre, qui, tout comme je le fais, traite de points de tango. Emmanuel est l’auteur des textes et des illustrations, un travail qui pourrait vous laisser, comme, moi, muet d’admiration.
Don Diego présentant son livre à BernardoLe livre a changé de main, merci, Emmanuel !Une des doubles pages du livre. Texte en espagnol et français, les belles illustrations et pour certains thèmes, la possibilité d’écouter la musique correspondante.
Le courriel pour communiquer avec l’auteur : dondiegodela (AT) orange.fr.
Et pour terminer, la gentille dédicace…
La dédicace signée à la fin de ma prestation de 12 heures lors du festival Énimie Tango.
Voilà, chers amis, vous avez une autre source d’information sur notre cher tango. Une petite suggestion pour l’auteur, peut-être un petit texte sur Zorro gris…
Zorro gris 1927-07-16 — Orquesta Francisco Lomuto. Un enregistrement agréable, avec les appuis du canyengue atténués par une orchestration plus douce et des fioritures. Il y a également des nuances et les réponses entre instruments sont contrastées.
Si vous voulez en savoir plus sur Zorro, vous pouvez consulter mes anecdotes :
Georges Bizet. Florindo Sassone, Othmar Klose et Rudi Luksch (adaptation en tango)
Beaucoup de tangos sont inspirés de musiques européennes. Les valses, notamment, mais pas seulement. Ces titres sont adaptés et deviennent de « vrais tangos », mais ce n’est pas toujours le cas. En France, certains danseurs de tango apprécient des titres un peu étranges, des titres qui n’ont jamais été écrits pour cette danse. On appelle généralement cela le « tango alternatif ». Un des titres les plus connus dans le genre est la reprise d’un opéra du XIXe siècle effectuée par Florindo Sassone. Le fait qu’un chef d’orchestre de tango reprenne un titre n’en fait pas un tango de danse. Cela reste donc de l’alternatif. Je vous laisse en juger avec los pescadores de perlas, les pêcheurs de perles, de Bizet et Sassone…
Écoutes
Tout d’abord, voyons l’original composé par Bizet. Je vous propose une version par un orchestre et un chanteur français, celle du ténor Roberto Alagna avec l’orchestre de Paris, qui est dirigé par Michel Plasson. Cette interprétation a été enregistrée le 9 juillet 2009 au Bassin de Neptune du château de Versailles. Ce soir-là, il chantera trois œuvres de Bizet, dont un extrait de Carmen, même si ce n’est pas la célèbre habanera qui a tant à voir avec un des rythmes de base du tango et de la milonga. Vous pouvez voir le concert en entier avec cette vidéo… https://youtu.be/Jx5CNgsw3S0. Ne vous fiez pas à la prise de son un peu médiocre du début, par la suite, cela devient excellent. Pour aller directement au but, je vous propose ici l’extrait, sublime où Alagna va à la pêche aux perles d’émotion en interprétant notre titre du jour.
Roberto Alagna et l’orchestre de Paris dirigé par Michel Plasson dans Les Pêcheurs de Perles de Georges Bizet. L’air de Nadir « Je crois entendre encore ».
Deux mots de l’opéra de Bizet
Les pêcheurs de perles est le premier opéra composé par Bizet, âgé de 25 ans, en 1863). L’intrigue est simpliste. L’opéra se passe sur l’île de Ceylan, où deux amis d’enfance, Zurga et Nadir, évoquent leur passion de jeunesse pour une prêtresse de Candi nommé Leïla. Pour ne pas nuire à leur amitié, ils avaient renoncé à leur amour, surtout Zurga, car Nadir avait secrètement revu Leïla. Zurga était mécontent, mais, finalement, il décide de sauver les deux amants en mettant le feu au village. L’air célèbre qui a été repris par Sassone est celui de Nadir, au moment où il reconnaît la voix de Leïla. En voici les paroles :
Je crois entendre encore, Caché sous les palmiers, Sa voix tendre et sonore Comme un chant de ramier ! Ô nuit enchanteresse ! Divin ravissement ! Ô souvenir charmant ! Folle ivresse ! Doux rêve ! Aux clartés des étoiles, Je crois encore la voir, Entrouvrir ses longs voiles Aux vents tièdes du soir ! Ô nuit enchanteresse ! Divin ravissement ! Ô souvenir charmant ! Folle ivresse ! Doux rêve !
Avant de passer aux versions de Florindo Sassone, une version par Alfredo Kraus, un ténor espagnol qui chante en Italien… La scène provient du film “Gayarre” de 1959 réalisé par Domingo Viladomat Pancorbo. Ce film est un hommage à un autre ténor espagnol, mais du XIXe siècle, Julián Gayarre (1844–1890). La vie, ou plutôt la mort de ce chanteur, est liée à notre titre du jour, puisqu’en décembre 1889, Gayarre chanta Los pescadores de perlas malgré une bronchopneumonie (provoquée par l’épidémie de grippe russe qui fit 500 000 morts). Lors de l’exécution, qui fut aussi la sienne, sa voix se cassa sur une note aigüe et il s’évanouit. Les effets conjugués de la maladie et de la dépression causée par son échec artistique l’emportèrent peu après, le 2 janvier 1890 ; il avait seulement 45 ans. Cette histoire était suffisante pour en faire un mythe. D’ailleurs trois films furent consacrés à sa vie, dont voici un extrait du second, “Gayarre” où Alfredo Kraus interprète le rôle de Gayarre chantant la chanson « je crois entendre encore » tiré des pêcheurs de perles.
Alfredo Kraus interprète le rôle de Gayarre chantant la chanson « je crois entendre encore » tiré des pêcheurs de perles dans le film Gayarre.
Sassone pouvait donc connaître cette œuvre, par les deux premiers films, “El Canto del Ruiseñor” de 1932 et “Gayarre” de 1959 (le troisième, Romanza final est de 1986) ou tout simplement, car bizet fut un compositeur influent et que Les pêcheurs de Perles est son deuxième plus gros succès derrière Carmen.
J’en viens enfin aux versions de Sassone
La canción de los pescadores de perlas 1968-08-30 — Orquesta Florindo Sassone.
C’est une version “adaptée” en tango. Je vous laisse juger de la dansabilité. Certains adorent. Dès le début la harpe apporte une ambiance particulière, peut-être l’ondoiement des vagues, que ponctue le vibraphone. L’orchestre majestueux accompagné par des basses profondes qui marquent la marche alterne les expressions suaves et d’autres plus autoritaires. On est dans du Sasonne typique de cette période, comme on l’a vu dans d’autres anecdotes, comme dans Félicia du même Sassone. https://dj-byc.com/felicia-1966–03-11-orquesta-florindo-sassone/ La présence d’un rythme relativement régulier, souligné par les bandonéons, peut inspirer certains danseurs de tango. Pour d’autres, cela pourrait trop rappeler le rythme régulier du tango musette et au contraire les gêner.
Cet aspect musette est sans doute le fait d’Othmar Klose et Rudi Luksch qui sont intervenus dans l’orchestration. Luksch était accordéoniste et Klose était un des compositeurs d’Adalbert Lutter (tango allemand).
C’est cependant un titre qui peut intéresser certains danseurs de spectacle par sa variation d’expressivité.
La canción de los pescadores de perlas 1971 — Orquesta Florindo Sassone.
Trois ans plus tard, Sassone enregistre une version assez différente et sans doute encore plus éloignée de la danse. Là encore, elle pourrait trouver des amateurs… Cette version démarre plus suavement. La harpe est moins expressive et les violons ont pris plus de présence. La contrebasse et le violoncelle sont bien présents et donnent le rythme. Cependant, cette version est peut-être plus lisse et moins expressive. Quitte à proposer une musique originale, je jouerai, plutôt le jeu de la première version, même si elle risque d’inciter certains danseurs à dépasser les limites généralement admises en tango social.
Cette version est souvent datée de 1974, mais l’enregistrement est bien de 1971 et a été réalisé à Buenos Aires, dans les studios ION. Los Estudios ION qui existent toujours ont été des pionniers pour les nouveaux talents et notamment ceux du Rock nacional à partir des années 60. Le fait que Sassone enregistre chez eux pourrait être interprété comme une indication que ce titre et l’évolution de Sassone s’étaient un peu éloigné du tango “traditionnel”, mais tout autant que les maisons d’éditions traditionnelles s’étaient éloignées du tango. Balle au centre.
Comparaison des versions de 1968 et 1971. On voit rapidement que la version de 1968, à gauche est marquée par des nuances bien plus fortes. Elle a plus de contraste. L’autre est plus plate. Elle relève plus du genre « musique d’ascenseur » que son aînée.
Le DJ de tango est-il un chercheur de perles ?
Le DJ est au service des danseurs et doit donc leur proposer des musiques qui leur donnent envie de danser. Cependant, il a également la responsabilité de conserver et faire vivre un patrimoine. Je prendrai la comparaison avec un conservateur de musée d’art pour me faire mieux comprendre. Le conservateur de musée comme son nom l’indique (au moins en français ou italien et un peu moins en espagnol ou en anglais où il se nomme respectivement curador et curator) est censé conserver les œuvres dont il a la responsabilité. Il les étudie, il les fait restaurer quand elles ont des soucis, il fait des publications et des expositions pour les mettre en valeur. Il enrichit également les collections de son institution par des acquisitions ou la réception de dons. Son travail consiste principalement à faire connaître le patrimoine et à le faire vivre sans lui porter préjudice en le préservant pour les générations futures. Le DJ fait de même. Il recherche des œuvres, les restaure (pas toujours avec talent) et les mets en valeur en les faisant écouter dans les milongas. Parfois, certains décident de jouer avec le patrimoine en passant des disques d’époque. Cela n’a aucun intérêt d’un point de vue de la qualité du son et c’est très risqué pour les disques, notamment les 78 tours qui deviennent rares et qui sont très fragiles. Si on veut vraiment faire du show, il est préférable de faire presser des disques noirs et de les passer à la place des originaux. Bon, à force d’enfiler les idées comme des perles, j’ai perdu le fil de ma canne à pêcher les nouveautés. Le DJ de tango, comme le conservateur de musée avec ses visiteurs, a le devoir de renouveler l’intérêt des danseurs en leur proposant des choses nouvelles, ou pour le moins méconnues et intéressantes. Évidemment, cela n’est pas très facile dans la mesure où trouver des titres originaux demande un peu de travail et notamment un goût assez sûr pour définir si une œuvre est bonne pour la danse, et dans quelles conditions. Enfin, ce n’est pas si difficile si on fait sauter la limite qui est de rester dans le genre tango. C’est la brèche dans laquelle se sont engouffré un très fort pourcentage de DJ, encouragés par des danseurs insuffisamment formés pour se rendre compte de la supercherie. C’est comme si un conservateur de musée d’art se mettait à afficher uniquement des œuvres sans intention artistique au détriment des œuvres ayant une valeur artistique probante. Je pense par exemple à ces productions en série que l’on trouve dans les magasins de souvenir du monde entier, ces chromos dégoulinants de couleurs ou ces « statues » en plastique ou résine. Sous prétexte que c’est facile d’abord, on pourrait espérer voir des visiteurs aussi nombreux que sur les stands des bords de plage des stations balnéaires populaires. Revenons au DJ de tango. Le parallèle est de passer des musiques de variété, des musiques appréciées par le plus grand monde, des produits marketing matraqués par les radios et les télévisions, ou des musiques de film et qui, à force d’êtres omniprésentes, sont donc devenues familières, voire constitutive des goûts des auditeurs. Je n’écris pas qu’il faut rejeter toutes les musiques, mais qu’avant de les faire entrer dans le répertoire du tango, il faut sérieusement les étudier. C’est assez facile pour les valses, car le Poum Tchi Tchi du rythme à trois temps avec le premier temps marqué est suffisamment porteur pour ne pas déstabiliser les danseurs. Bien sûr, les puristes seront outrés, mais c’est plus une (op)position de principe qu’une véritable indignation. Pour les autres rythmes, c’est moins évident. Les zambas ou les boléros dansés en tango, c’est malheureusement trop courant. Pareil pour les chamames, foxtrots et autres rythmes qui sont bougés en forme de milonga. Avec ces exemples, je suis resté dans ce qu’on peut entendre dans certaines milongas habituelles, mais, bien sûr, d’autres vont beaucoup plus loin avec des musiques n’ayant absolument aucun rapport avec l’Amérique du Sud et les rythmes qui y étaient pratiqués. Pour ma part, je cherche des perles, mais je les cherche dans des enregistrements perdus, oubliés, masqués par des versions plus connues et devenues uniques, car peu de collègues font l’effort de puiser dans des versions moins faciles d’accès. Vous aurez sans doute remarqué, si vous êtes un fidèle de mes anecdotes de tango, que je propose de nombreuses versions. Souvent avec un petit commentaire qui explique pourquoi je ne passerais pas en milonga cette version, ou au contraire, pourquoi je trouve que c’est injustement laissé de côté. Le DJ est donc, à sa façon un pêcheur de perles, mais son travail ne vaut que s’il est partagé et respectueux des particularités du tango, cette culture, riche en perles. Bon, je rentre dans ma coquille pour me protéger des réactions que cette anecdote risque de provoquer…
Ces réactions n’ont pas manqué, quelques réponses ici…
Tango ou pas tango ?
Une réaction de Jean-Philippe Kbcoo m’incite à développer un peu ce point.
“Les pêcheurs de perles” classés en alternatif !!!! Wouhaaa ! Quelle brillantissime audace ! Sur la dansabilité, je le trouve nettement plus interprétable qu’un bon Gardel, pourtant classé dans les tangos purs et durs, non ? En tout cas, merci de cet article à la phylogénétique très inattendue 🙂
Il est souvent assez difficile de faire comprendre ce qui fait la dansabilité d’une musique de tango. J’ai fait un petit article sur le sujet il y a quelques années : https://dj-byc.com/les-styles-du-tango/ Il est fort possible qu’aujourd’hui, je n’écrirai pas la même chose. Cependant, Gardel n’a jamais été considéré comme étant destiné à la danse. Le tango a divers aspects et là encore, pour simplifier, il y a le tango à écouter et le tango à danser. Les deux relèvent de la culture Tango, mais si les frontières semblent floues aujourd’hui, elles étaient parfaitement claires à l’époque. C’était inscrit sur les disques… Gardel, pour y revenir, avait sur ses disques la mention : “Carlos Gardel con acomp. de guitarras” ou “con la orquesta Canaro”, par exemple. Les tangos de danse étaient indiqués : “Orquesta Juan Canaro con Ernesto Famá” Dans le cas de Gardel, qui ne faisait pas de tangos de danse, on n’a, bien sûr, pas cette mention. Cependant, pour reprendre Famá et Canaro, il y a eu aussi des enregistrements destinés à l’écoute et, dans ce cas, ils étaient notés : “Ernesto Famá con acomp. de Francisco Canaro”. Dans le cas des enregistrements de Sassone, ils sont tardifs et ces distinctions n’étaient plus de rigueur. Toutefois, le fait qu’ils aient été arrangés par des compositeurs de musette ou de tango allemand, Othmar Klose et Rudi Luksch, ce qui est très net dans la version de 1968, fait que ce n’est pas du tango argentin au sens strict, même si le tango musette est l’héritier des bébés tangos laissés par les Argentins comme les Gobi ou les Canaro en France. Je confirme donc qu’au sens strict, ces enregistrements de Sassone ne relèvent pas du répertoire traditionnel du tango et qu’ils peuvent donc être considérés comme alternatifs, car pas acceptés par les danseurs traditionnels. Bien sûr, en Europe, où la culture tango a évolué de façon différente, on pourrait placer la limite à un autre endroit. La version de 1968 n’est pas du pur musette et peut donc être plus facilement assimilée. Celle de 1971 cependant, est dans une tout autre dimension et ne présente aucun intérêt pour la danse de tango. On notera d’ailleurs que, sur le disque de 1971 réédité en CD en 1998, il y a la mention « Tango international » et que les titres sont classés en deux catégories : « Tangos europeos et norteamericanos » et « Melodias japonesas ».
Le CD de 1998 reprenant les enregistrements de 1971 est très clair sur le fait que ce n’est pas du tango argentin.
Cette mention de « Tango international » est à mettre en parallèle avec d’autres disques destinés à un public étranger et étiquetés « Tango for export ». C’est à mon avis un élément qui classe vraiment ce titre hors du champ du tango classique. Cela ne signifie pas que c’est de la mauvaise musique ou que l’on ne peut pas la danser. Certains sont capables de danser sur n’importe quoi, mais cette musique ne porte pas cette danse si particulière qu’est le tango argentin.
Cela n’empêche pas de la passer en milonga, en connaissance de cause et, car cela fait plaisir à certains danseurs. Il ne faut jamais dire jamais…
Une suggestion d’une collègue, Roselyne Deberdt
Merci à Roselyne pour cette proposition qui permet de mettre en avant une autre version française.
Les pêcheurs de perles 1936 — Tino Rossi Accompagné par l’Orchestre de Marcel Cariven. Disque Columbia France (label rouge) BF-31. Numéro de matrice CL5975‑1.
Sur la face B du disque, La berceuse de Jocelyn. Jocelyn est un opéra du compositeur français Benjamin Godard, créé en 1888 avec un livret d’Armand Sylvestre et Victor Capoul. Il est inspiré du roman en vers éponyme de Lamartine. Cependant, même si la voix de Tino est merveilleuse, ce thème n’a pas sa place en milonga, malgré ses airs de de “Petit Papa Noël”… N’oublions pas que Tino Rossi a chanté plusieurs tangos, dont le plus beau tango du monde, mais aussi :
C’est à Capri
C’était un musicien
Écris-Moi
Le tango bleu
Le tango des jours heureux
Tango de Marilou
Et le merveilleux, Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ?, que je rajoute pour le plaisir ici :
Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ? 1933-11-09 — Tino Rossi Accomp. Miguel Orlando et son Orchestre du Bagdad.
Le Bagdad était à Paris au 168, rue du Faubourg Saint-Honoré. Miguel Orlando était un bandonéoniste argentin, importé par Francisco Canaro à Paris et grand-oncle de notre ami DJ de Buenos Aires, Mario Orlando… Le monde est petit, non ?
Les Portègnes appellent leurs bus, des colectivos et plus affectueusement encore, des bondis.
Nos tangos du jour sont de simples évocations à l’occasion de la fermeture d’une ligne que j’aimais bien. Voici donc quelques anecdotes qui peuvent intéresser ou amuser les touristes qui découvrent cette merveilleuse ville de Buenos Aires.
Nous serons accompagnés par deux tangos chansons dont vous trouverez les paroles et leurs traductions en fin d’article.
Pour commencer en musique
Ce ne sont pas des tangos de danse, mais ils évoquent le colectivo. Je donne les paroles et leurs traductions en fin d’article.
Tango del colectivo 1968-12-04 — Orquesta Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche. Musique de Armando Pontier et paroles de Federico Silva.Se rechiflo el colectivo 2013 — Horacio Ferrer Acc. piano por Juan Trepiana. Musique de Osvaldo Tarantino et paroles de Horacio Ferrer.
Un tout petit peu d’histoire
Si el tranvia (tramway) a donné lieu à plus de paroles de tango que le colectivo, ce moyen de transport fait également partie de l’histoire de la ville. Les premiers transports étaient tirés par des chevaux, ce qu’on appelle ici, « à moteur de sang », que ce soient les tramways ou les bus.
Si les tramways sont lentement passés à l’électricité, l’apparition du moteur saluée par les défenseurs des animaux a apporté son lot de bruit et de pollution à la ville.
Aujourd’hui, à toute heure du jour et de la nuit, des bus circulent. Certains commencent à expérimenter l’énergie électrique, mais d’autres disparaissent.
Payer son billet, une aventure
Une machine distributrice de tickets. Le chauffeur donnait le ticket correspondant à la distance à parcourir.
Jusque dans les années 90, le chauffeur faisait payer chaque passager. Il lui remettait un ticket en échange. Cette façon de procéder avait plusieurs inconvénients :
C’était relativement lent. Le chauffeur devait rendre le change et comme il tentait de faire cela en roulant, c’était donc également dangereux et il y avait régulièrement des accidents pour cette raison.
Il était tentant pour les malandrins d’attaquer les chauffeurs pour récupérer les pièces.
En 1967, Elena Konovaluk a été la première conductrice de colectivo. (ligne 310 puis 9) On imagine la difficulté de distribuer les tickets et de conduire en même temps.
Le 2 mai 1994, un nouveau système est apparu. Un système semi-automatique. Il fallait donner sa destination au chauffeur. Celui-ci paramétrait sur son pupitre le prix à payer et l’usager devait glisser les pièces correspondantes dans la machine.
Le type de machine apparu à partir de 1994. On indiquait la destination au chauffeur. Il programmait le prix et on devait verser les pièces correspondantes dans l’entonnoir du haut de la machine, puis récupérer le billet et sa monnaie.
Ce système n’était pas parfait et, pour tout dire un peu compliqué dans la mesure où les pièces étaient rares et difficiles à obtenir. Dans les commerces, personne ne voulait se séparer de ses précieuses pièces au point qu’ils faisaient cadeau de quelques centimes plutôt que de devoir rendre le change et se trouver démuni de pièces. Mon truc était d’aller au dépôt (terminus) où ils échangeaient volontiers les billets contre des pièces. Certains essayaient d’attendrir le chauffeur en tendant un billet, ce qui se terminait soit par un passage gratuit, soit par une expulsion du bus.
À partir de 2009, la SUBE a fait progressivement son apparition. Sur les premières lignes équipées, il suffisait d’annoncer sa destination au chauffeur et de présenter la carte devant la machine, sans avoir à sortir de pièces. La SUBE fonctionne également pour le métro et pour le train de banlieue et dans certaines provinces d’Argentine. On peut aussi emprunter avec une bicyclette, c’est donc une carte très utile et une innovation intelligente.
Une machine de validation de la carte SUBE (il en existe de nombreux modèles). Il suffit de la plaquer sur la zone dédiée pour que son solde soit débité du montant du trajet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réellement débité et le solde de la carte.
Pour le chauffeur, cela ne change rien au système de 1994, il doit toujours sélectionner le prix sur son pupitre (en fait la distance, mais on en reparlera). Pour l’usager ce système semble parfait.
Cependant, il y a un petit point qu’il faut tenir en mémoire. Il faut charger sa carte SUBE et c’est là que le bât blesse. Pendant longtemps, cela pouvait se faire dans les kiosques, qui sont nombreux, puis les kiosques n’ont plus eu le droit de le faire et ce sont désormais les lieux de loterie qui permettent de recharger la carte et ils sont moins nombreux. On peut se faire avoir, car de nombreux kiosques ont conservé l’affichette SUBE et certains continuent de vendre la carte vierge, mais pas la recharge…
Mais, trouver un point de recharge ne suffit pas, car il faut avoir la somme exacte que l’on souhaite déposer sur la carte. Si vous avez un gros billet, il faudra tout mettre. Ah, non, ce n’est pas si simple (je sais, je l’ai déjà écrit). Si le billet est trop gros, on va vous le refuser.
En effet, les lieux de vente ont des quotas. Ils ne peuvent pas vendre plus que ce qui leur est autorisé. Les versements maximums sont donc limités et, même avec cette précaution, il arrive que le lieu ait atteint son quota de la journée. Si c’est le cas, il faudra revenir le lendemain en espérant que ce ne soit pas le début d’un long week-end, une autre spécialité argentine qui fait que, si un jour férié tombe un dimanche, on le reporte au lundi.
Il reste alors la possibilité d’aller dans une station de métro (Subte à ne pas confondre avec SUBE) ou de train. Là, deux possibilités s’offrent au voyageur, une machine ou un préposé, mais ce dernier est assez rarement disposé à recharger la carte.
Il y a une autre possibilité pour ceux qui ont un compte bancaire argentin, la recharge en ligne. Il faut ensuite valider son solde sur une machine, par exemple dans une banque…
Pour en terminer avec la SUBE sous forme de carte, signalons la difficulté de l’obtenir, car il y a parfois une pénurie. Mieux vaut ne pas la perdre à ce moment.
Mais voyons maintenant une autre innovation qui va dans le bon sens.
Depuis 2024, on peut payer à partir de son téléphone et de l’application SUBE. C’est sans doute un autre progrès.
Depuis 2024, on peut charger sa carte et la faire valider auprès du chauffeur et même payer directement depuis l’application SUBE sur son téléphone. Cette dernière est une option un peu risquée dans la mesure où les vols sont tout de même assez fréquents, surtout aux abords des portes, le malfaiteur sautant du bus et s’enfuyant à toutes jambes, à moins qu’il repère simplement votre téléphone pour le subtiliser discrètement lors d’une petite bousculade en arrivant à un arrêt. Dans tous les cas, si vous tenez à votre téléphone, évitez de l’utiliser près des portes.
Un pas en avant et deux pas en arrière ?
L’arrivée de la machine à pièces, puis de la SUBE et maintenant de l’application facilite la vie des usagers. Cependant, un autre danger les guette ; la hausse des prix.
Le service de transport est assuré par des entreprises privées, mais, comme c’est le gouvernement de gauche de Cristina Fernandez qui l’a mis en place, les prix sont unifiés entre les compagnies et les billets sont subventionnés.
Le résultat a été un prix des transports publics de voyageurs très raisonnable, même pour ceux, très nombreux, qui viennent de province pour travailler à la capitale fédérale et qui doivent prendre deux ou trois transports (bus, métro, train).
Un petit rappel, Buenos Aires est une très grande province dont la capitale est La Plata et la ville de Buenos Aires est une ville autonome, entourée par cette province sans en faire partie…
Ceux qu’on appellerait les banlieusards à Paris font souvent une à deux heures de trajet pour aller travailler, ce qui est aggravé par le fait que nombre d’entre eux ont deux activités pour joindre les deux bouts.
Évoquons maintenant le pas en arrière. Fin 2023, un président d’extrême droite et libertaire a été élu, Milei et sa tronçonneuse. Pour lui, les subventions sont un vol. Chacun doit payer ce qu’il utilise. Donc, les transports, l’éducation, la médecine, les travaux publics ; le gaz, l’électricité et même les retraites sont considérés comme des domaines qui ne doivent plus être subventionnés, abondés.
Les prix de ces services explosent donc. On remarquera toutefois que, si Milei ne veut pas entendre parler de subvention, il propose tout de même aux plus riches qui ont leurs enfants dans les écoles privées des aides (versées directement aux écoles).
Pour les hôpitaux publics, c’est une catastrophe. Même les médecins doivent avoir deux métiers. Par exemple, hier, la télé présentait l’un deux qui complète ses revenus en travaillant pour Uber (un service de transport de personnes assuré par des particuliers qui utilisent leur voiture personnelle).
Pour revenir progressivement à nos bus, les chauffeurs assurent des services très longs pour gagner plus, ce qui provoque des accidents. Si vous avez essayé de conduire à Buenos Aires, imaginez que vous le faites 12 heures de rang (suivies de 12 heures de pause et avec un repos hebdomadaire de 35 heures), avec une pause toilette en bout de ligne si vous n’êtes pas arrivé en retard, le tout au volant d’un gros machin d’apparence antédiluvienne qui tourne quasiment en permanence et dont beaucoup mériteraient une sérieuse révision.
La semaine dernière, un adolescent est tombé du bus, car la fenêtre a cédé. Et je ne vous parle pas des bruits de freins, des portes qui fonctionnent quand elles le décident et des panaches de fumées qu’émettent certains des bondis. Alors, si un chauffeur est un peu moins souriant, prenez sur vous et mettez-vous à sa place (pas sur son siège, je parle au figuré).
La fin des subventions aux transports en commun
Puisque les subventions sont un vol fait aux riches qui n’utilisent pas les transports publics au profit de ceux qui les utilisent, ces subventions ont été très fortement diminuées et, par conséquent, le prix du billet a explosé, comme d’ailleurs celui de la nourriture, mais sans doute pour d’autres raisons… La hausse des prix sur les produits de base ignore les chiffres de l’inflation donnés par le gouvernement (moins de 2 % en mai). Seuls les produits de luxe (voitures, téléphones et autres biens de confort) voient effectivement leurs prix baisser, pas les légumes, la viande, les transports, les médicaments…
Voici donc un tableau reprenant le prix du trajet en bus, au moment de la prise de fonction de Milei et à la date d’aujourd’hui.
Entre fin 2023, date d’arrivée du président Milei au pouvoir et aujourd’hui (fin juin 2025), le prix du billet a été multiplié par 8.
Ce tableau demande quelques explications. La colonne de gauche indique des distances. Par exemple, 0 à 3 km, ce qui est en fait 1 à 30 pâtés de maisons (manzana en espagnol, bloc en anglais…). Un voyage d’un kilomètre en décembre 2023 coûtait donc 52,96 pesos, soit 0,06 euro (voir dans la partie droite du tableau, entourée de bleu). Le prix était donc très réduit, du moins pour un Européen ou un Américain du Nord. Pour un Argentin qui avait moins de 200 € de revenus, c’était tout de même une somme, surtout pour ceux qui devaient prendre deux ou trois transports pour aller travailler. Les tarifs sont toutefois un peu dégressifs si on utilise plusieurs bus dans une période de deux heures.
La diminution drastique des subventions aux entreprises de transport imposée par le nouveau gouvernement fait que les prix ont énormément augmenté. C’est le résultat de la logique qui veut que ceux qui utilisent les transports en commun doivent en payer le coût, pas ceux qui roulent en taxi ou dans des voitures particulières.
Pour revenir à l’étude du tableau, on observe deux nouvelles catégories « utilisateurs enregistrés » et « utilisateurs non enregistrés ». Cette distinction permet deux choses :
Suivre les déplacements des utilisateurs. Chaque carte enregistrée est associée au document d’identité du possesseur. Cela permet de connaître mieux les déplacements de chacun.
Les subventions ont été fortement diminuées, ce qui explique en grande partie la hausse des prix. Les subventions sont totalement supprimées pour les utilisateurs qui ne sont pas enregistrés selon la logique ; s’ils ne sont pas enregistrés, c’est qu’ils veulent cacher leurs déplacements ou qu’ils sont étrangers et que, par conséquent, les Argentins « de bien » n’ont pas à payer pour eux.
Nous avons évoqué à propos de l’anecdote Bailarín de contraseña, le fait que certaines milongas faisaient payer moins chers les autochtones, cela peut donc se comprendre. D’ailleurs, en Europe, on fait payer une taxe par nuitée aux gens de passage.
L’augmentation en un an et demi est donc d’environ 800 % pour un Argentin enregistré. Pour ceux qui ne le sont pas, c’est une augmentation de presque 13 fois. Cela commence à faire. Certains banlieusards ont abandonné leur travail, passer la moitié de la journée à travailler pour gagner à peine le prix du trajet aller-retour n’était plus rentable.
Cependant, pour un Européen qui utilise l’Euro, la baisse de valeur du Peso argentin fait qu’au final, l’augmentation est un peu inférieure à 9 fois et pour un étranger qui a une carte SUBE enregistrée ou tout simplement ancienne, c’est seulement 5,5 fois. Quand on connaît le prix des transports à Paris, cela reste très, très modeste, alors, ne râlez pas…
Un adieu à la ligne 23 ?
Le AD 706 SU qui a assuré le service de la ligne 23 jusqu’en… 2023. C’est aussi la vedette de l’image de couverture de cet article.
Pour aller à Nuevo Chique, j’étais habitué à prendre la ligne 23 qui était assurée par la société Transporte Rio Grande SA.C.I.F.
Cette ligne au moment de sa fermeture (annoncée ?), dimanche dernier, comportait encore neuf véhicules.
Cinq bus de 25 places assises datant de 2019 AD 672 OW/AD 672 PF/AD 672 PD/AD 672 PG et AD 882 PX.
Un bus de 35 places datant de 2023 AF 957 UO.
Et trois bus de 35 places datant de 2024 AG 708 WP/AG 835 IX et AG 946 ZZ.
Dimanche dernier cette ligne a cessé son activité :
Vidéo réalisée par un des derniers utilisateurs de la ligne.
La ligne, tout au moins le service qu’elle assurait, va-t-il complètement disparaître ? Il est difficile de le dire. Lors de la suppression de la ligne 5, la ligne 8 a pris le relai en créant un « ramal » (branche) supplémentaire. Ces branches sont un autre piège pour ceux qui ne sont pas habitués. Il faut regarder le numéro du bus, mais aussi la pancarte qui indique la branche qui va être pratiquée. Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous retrouver bien loin de la destination espérée, notamment si vous vous rendez dans la province. De même, si vous prenez un omnibus au lieu d’un semi-rapide, vous risquez de passer beaucoup plus de temps dans le bus que nécessaire lorsque vous faites une longue distance en banlieue.
Hier, pour aller à Nuevo Chique, j’ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une étiquette indiquant qu’il assurait en fait le service de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu attentifs… J’ai juste eu le temps de prendre une photo en en descendant, au moment où il redémarrait.
Donc, en attendant, il semblerait qu’il faille prendre le 115 qui porte une pancarte indiquant qu’il fait le service du 23. Cependant, s’il y avait 9 bus en circulation pour la ligne 23, il semblerait que ce soit bien plus réduit pour cette nouvelle ligne, déjà que le 115 n’est pas un des plus fournis (c’est un des bus que je prends pour aller à El Beso…).
Une actualisation sur la ligne 23
Il continue de passer des bus verts 23. Selon les chauffeurs interrogés, la compagnie est en faillite (quiebra) et continue sur son rythme de tango hésitant et lent, un pas en avant et un pas en arrière.
Petit problème mathématique
Voici le trajet qui était effectué par la ligne 23 entre Villa Soldati (en bas) et Retiro (en haut). Environ 12 km.
Il y avait 9 bus en circulation pour effectuer les 12 kilomètres de la ligne. Les horaires indiquant un temps de parcours de 50 minutes et les chauffeurs avaient 10 minutes de repos aux deux extrémités. Ce n’était plus tout à fait vrai pour Soldati, le terminus y était toujours, mais les chauffeurs, depuis le 5 mai (2025) prenaient leur service à Lugano (tiens, c’est justement à côté du départ de la ligne 115…).
Première question : Quelle est la vitesse de circulation moyenne ?
Deuxième question : Quel est le temps moyen d’attente entre chaque bus si on considère que les 9 étaient en service et qu’ils étaient espacés régulièrement.
Pour la réponse, retournez l’ordinateur…
Non, pardon, je plaisante, voici les réponses :
12 km en 50 minutes, cela donne 14,4 km/h de moyenne. Ce n’est pas énorme, mais il passe par moment dans des dédales un peu compliqués.
Pour la seconde réponse, je cherche la réponse tout en l’écrivant. Un bus part de Soldati et arrive 50 minutes plus tard à Retiro. Il attend 10 minutes et arrive donc de nouveau à Soldati 100 minutes après son départ où le chauffeur prend de nouveau 10 minutes de pause. Ces 120 minutes sont donc à diviser par le nombre de bus, ce qui donne 120/9 = 13,33 minutes, ce qui correspond assez bien au quart d’heure vérifié à l’arrêt. Sur des lignes mieux remplies, on peut voir des bus circuler à bien plus grande fréquence et souvent des « trains » de deux ou trois bus qui se « suivent », enfin, à la mode portègne, c’est-à-dire qu’ils se dépassent, se klaxonnent, se redépassent, se côtoient et discutent aux feux rouges. Oui, désormais, la plupart des bus s’arrêtent aux feux rouges, ce qui peut surprendre ceux qui étaient habitués à considérer qu’il s’agissait d’accessoires de décoration. Rassurez-vous, il reste les panneaux STOP (PARE) qui ne sont pas du tout respectés, ni par les bus, ni par les autres, d’ailleurs. C’est le plus inconscient qui passe le premier et ce n’est pas toujours le bus qui gagne.
Se repérer pour prendre le bon bus
Avant l’arrivée des applications sur téléphone, il y avait dans les annuaires téléphoniques des plans de Buenos Aires quadrillés, avec le nord en bas (donc à l’inverse des cartes habituelles). Dans chaque case numérotée, comme pour la bataille navale, il y avait des arrêts de bus. Ces derniers n’étaient pas indiqués sur le plan, mais listés dans la légende. Par exemple, dans la case B5,il y avait un arrêt des bus 12, 8, 48, 96. Avec cette indication approximative, il fallait faire preuve de logique. Les rues étant généralement à sens unique, si on voulait aller vers le sud (le haut de la carte), il convenait d’identifier une rue qui avait le sens de circulation vers le sud.
Ce n’était pas forcément simple et la difficulté était renforcé par le fait que le point d’arrêt n’était marqué que par un numéro sur la façade d’un immeuble, un petit autocollant sur un poteau, voire, par rien du tout. Il fallait donc souvent demander où était l’emplacement de l’arrêt quand on s’aventurait dans un quartier moins connu.
L’autre jeu qui complique les choses est que les chauffeurs font preuve de créativité et il est fréquent de voir des bus en maraude. Parfois, c’est justifié par une route coupée, mais à d’autres moments, c’est pour gagner du temps. Par exemple le 115 évite souvent de s’engager dans Bartolomé Mitre (la rue encombrée par des étals, des véhicules mal garés et des boutiques de tissus) pour rejoindre directement Corrientes par Pueyrredón. Ce n’est pas trop grave pour ceux qui sont dans le bus, mais peut-être moins drôle pour ceux qui attendent le bus dans cette zone où il ne passera pas.
Faut-il rajouter des trucs ?
Ce court article, très imparfait, ne donne qu’un maigre aperçu de toutes les subtilités qu’il faut connaître pour bien voyager en bus. Il vous faudra faire votre expérience, en vous repérant dans la ville, ce qui est bien plus facile que dans une ville Européenne pour savoir où demander l’arrêt en appuyant sur le bouton concerné, cependant, la plupart des chauffeurs sont prêts à vous aider et peuvent même vous rappeler le moment de descendre.
En attendant, voici quelques trucs, en vrac.
Si vous n’avez pas une formation d’alpiniste chevronné, évitez de descendre par la porte arrière de certains bus dont la marche inférieure est à une hauteur encore vertigineuse. Cependant, la plupart de bus ont un accès et des places pour les fauteuils roulants.
Pensez à regarder vers l’arrière du bus au moment d’en descendre, car ils s’arrêtent rarement au bord du trottoir, notamment car les arrêts de bus sont souvent considérés comme des places de stationnement par les automobilistes. Il se peut donc qu’au moment de descendre, une moto décide de passer à toute vitesse par la droite du bus. C’est mieux de la voir venir et de retarder de quelques fractions de seconde le saut depuis le bus. Aussi, pour cette raison, des personnes rencontrant des difficultés à marcher demandent au chauffeur de sortir par l’avant, ils se sentent plus en sécurité. Cette habitude va sans doute s’atténuer, car désormais, les bus s’arrêtent complètement pour prendre et déposer les passagers. Ils ne doivent plus ouvrir les portes lorsque le bus est en mouvement. Je sais, le folklore perd de sa saveur, c’était bien amusant de se faufiler entre les voitures en stationnement pour sauter dans un bus qui ne faisait que ralentir et de descendre en essayant de ne pas atterrir dans une poubelle, un véhicule en stationnement (voire en marche) ou contre un de ces diaboliques câbles en diagonale qui sont ancrés au sol pour tenir je ne sais quel poteau et qui sont peu visibles de nuit, même quand ils sont recouverts d’une gaine jaune.
Voici une autre curiosité. Il y a désormais de nombreux arrêts qui disposent d’un abribus. N’imaginez pas qu’il est là pour vous permettre d’attendre le bus. En effet, la queue se fait par rapport au poteau et donc, les gens sont à la file, face à l’arrivée potentielle du bus et donc tous, hors de l’édicule… Cependant, les Argentins sont très respectueux. Si vous êtes arrivés le premier (ce qui veut dire que vous venez de rater le bus précédent), vous pouvez profiter du banc de l’arrêt de bus. Le premier au poteau vous laissera passer sans discuter. D’ailleurs, il n’y a pas de lutte à l’entrée, très souvent un passager plus avant dans la file vous laisse passer.
Attention, utiliser le banc est aussi un piège, car, si le bus qui arrive n’a pas à s’arrêter pour déposer un passager, il passera sans vous prendre en compte. Dans la pratique, il faut donc s’assurer qu’il y a quelqu’un qui veut prendre le même bus afin de profiter en toute tranquillité de ce siège. Cela peut sembler étonnant, car on peut imaginer voir le bus arriver de loin. Hélas, non, car les véhicules en stationnement coupent toute visibilité à ceux qui sont assis et même souvent à ceux qui sont debout et à tous les arrêts, vous verrez des intrépides se lancer au milieu de la rue pour voir si le bus arrive au loin.
Pour être efficace à ce jeu, il faut avoir une bonne vue et s’aider du code de couleurs (le bus 23 était vert, le 115 est rouge, d’autres sont bleus ou jaunes).
Vous devez lever de façon très visible le bras pour inciter le conducteur à s’arrêter. Si le feu est au vert, il arrive qu’il ne s’arrête pas pour en profiter. Il s’arrêtera de l’autre côté du carrefour pour déposer les passagers qui voulaient descendre et vous, vous devrez attendre le prochain. Le prochain peut être une autre ligne qui passe aussi par votre point d’arrivée. Cependant, l’arrêt de cette autre ligne peut-être à une dizaine de mètres. Si le chauffeur de l’autre ligne se rend compte que vous venez de l’arrêt du concurrent, il y a fort à parier qu’il ne s’arrêtera pas. Vous devez être à l’arrêt quand il vous voit. Quand l’arrêt est situé à un feu rouge, il arrive qu’on arrive à attendrir le chauffeur, qui prend toutefois le temps de terminer un truc important sur son téléphone portable avant de vous ouvrir la porte. Cela ne lui coûte rien, puisque le feu l’a juste empêché de repartir, mais c’est le prix à payer pour la faveur qu’il vous fait.
Une fois dans le bus, il peut être agréable de trouver une place assise. Il y a des places réservées aux personnes qui en ont besoin et c’est plutôt bien respecté. En revanche, pour les autres places, c’est le premier qui la prend. Celles près des portes sont exposées au vol à la tire. Certaines sont dos à la route, ce qui est désagréable pour les personnes sujettes au mal de mer. Rappelez-vous que le bus se déplace comme un esquif pris dans une tempête. Il faut donc avoir le cœur bien accroché et être très bien accroché quand on est debout.
Il y a des ceintures de sécurité pour les places situées totalement à l’arrière, face au couloir. Même si presque personne ne les utilise, elles peuvent vous éviter de traverser à plat ventre tout le bus lors d’un freinage brutal ou d’un accident.
On notera que, pour agrémenter la chute, la plupart des bus ont un escalier dans la partie arrière, ce qui ajoute au plaisir de l’expérience.
Voilà, j’espère que je vous ai donné envie de prendre le colectivo de Buenos Aires, que je ne vous ai pas trop refroidis, je laisse cela aux soins de la clim à fond ou un coup de chaleur, ce que je laisse aux soins de la clim en panne ou absente.
Certaines lignes ont des décors surprenants avec des tentures, des fileteados, d’autres sont plus sobres. Les sièges des conducteurs sont souvent faits de fil tendu entre deux barres de métal, je n’envie pas du tout ces valeureux chauffeurs et leurs conditions de travail effroyables. Je plains également les banlieusards qui restent souvent une heure debout dans des bus bondés après avoir attendu dans une queue de 50 mètres de long.
Pour toutes ces raisons, les riches prennent leur voiture, un Uber, et à la limite, un taxi et ne s’aventurent jamais dans les bus ni dans le métro. Pour cette raison, ils ne comprennent sans doute pas pourquoi on subventionnerait ces moyens de transport alors qu’eux, ils payent leur service.
Il y aurait sans doute à dire sur l’esclavage des taxis et des chauffeurs Uber, mais ce sera pour une autre fois si vous le voulez bien.
À bientôt les amis, mais en guise de cadeau, voici les paroles des deux tangos évoqués et leur traduction.
Paroles de Tango del colectivo
Ahora es ‘Cinta Scotch’ En vez de cuatro chinches Porque la vida pasa… El tiempo cambia. Pero siempre Gardel, Sonrisa, esmoquin Gardel y los muchachos… Esos muchachos… Que son de alguna forma Iguales a la rubia, De los textos abiertos Y los ojos cerrados.
Se sube en la primera Corriéndose hacia el fondo, Y empuja cuando baja Como toda la gente. Las manos Ya cansadas de apretar La bronca… De pedir sin que te den, Y al fin perder las cosas Que te importan.
Las cosas de verdad que tanto importan, El sol sobre los ojos me hace mal, Por eso es que me has visto lagrimear No ves la ciudad viene y se va, Y las veredas son de todos Como el pan. Armando Pontier (Armando Francisco Punturero) Letra: Federico Silva (René Federico Silva Iraluz)
Traduction de Tango del colectivo
Maintenant, c’est du « ruban adhésif scotch » au lieu de quatre punaises (les chinches sont les punaises de lit et on considérait que s’il y en avait 4 par mètre carré, il fallait prendre des mesures. Mais en lunfardo, les chinches sont des personnes qui dérangent, voire qui ont une maladie vénérienne, j’avoue ne pas savoir quelle signification donner à ces 4 punaises), parce que la vie passe… Les temps changent. Mais toujours Gardel, a le sourire, le smoking Gardel et les garçons (muchachos, peut-être ceux à qui il a dit adieu dans sa chanson adios muchachos, un titre de Julio César Sanders avec des paroles de César Felipe Vedani qu’ont enregistré Agustín Magaldi, Ignacio Corsini et finalement Carlos Gardel à París, ce qui a consacré le titre). Ces gars-là… Qui sont d’une certaine façon comme la blonde, avec les textes ouverts et les yeux fermés (ici, c’est un jeu de mot entre les textes ouverts qui sont des textes ouverts à plusieurs interprétations, à double sens, ces textes qui pullulent aux époques de censure, dans la tradition d’Ésope ou de Jean de la Fontaine. Dans le cas contraire, on parle de textes fermés, mais là, ce sont les yeux qui sont fermés). Il grimpe le premier (dans le bus) en courant vers le fond, et pousse quand il descend comme tout le monde. (Cette partie du texte évoque donc le colectivo et justifie le titre, mais c’est bien sûr, une allégorie des pratiques de certains…). Les mains déjà fatiguées de serrer la colère… De demander sans qu’on vous le donne, et à la fin de perdre les choses qui comptent pour vous (sans doute une évocation du poing fermé, geste des humiliés qui réclament de quoi vivre, un symbole tant d’actualité en Argentine aujourd’hui au moment où y renait la dictature). Les vraies choses qui comptent tant, le soleil me fait mal aux yeux, c’est pour cela que vous m’avez vu pleurer, tu ne vois pas la ville aller et venir, et les trottoirs appartiennent à tout le monde comme le pain.
Paroles de Se rechiflo el colectivo
Se rechifló el colectivo que tomé para tu casa yo vi que el colectivero, por Sandiablo, bocinaba raros tangos que Alfonsina con Ray Bradbury bailaba sobre el capó entre un tumulto de camelias y galaxias y perdió, de tumbo en tumbo, la vergüenza y las frenadas. Y voló al dintel del sueño donde está mi noche brava. Se rechifló, pero a muerte, porque al ir para tu casa, supo que vos me querías con reloj, sueldo y corbata
¡Qué tonta… pero qué tonta!
¡A mí, que un láser de versos me calienta hasta la barba! y cargo al hombro mi tumba para morir de amor ¡Mañana!… y Chopín y Alfredo Gobbi pobres como las arañas, en mi bulín la fortuna de sus penas, me regala.
Se negó a llevarme a vos, colectivo de mi alma, en las torres de Retiro se embaló por las fachadas y de un puente de alboroto cayó al Río de la Plata, cuando mi río es mis tripas y es mi vino y es mi magia.
Se rechifló el colectivo que tomé para tu casa: y en el techo yo reía y en la gloria te gritaba: ¡Se rechifló… pobre de vos! ¡Se rechifló… gracias a Dios! Osvaldo Tarantino Letra: Horacio Ferrer
Traduction de Se rechiflo el colectivo
Il serait très prétentieux de ma part d’essayer de retranscrire la poésie de Ferrer. Cette traduction est donc plus un guide pour aiguiller dans la direction, mais vous devrez faire le parcours poétique vous-même.
Le bus que j’ai pris pour rentrer chez toi s’est moqué. J’ai vu que le chauffeur, par Sandiablo (Saint Diable est un oxymore inventé par Ferrer pour exprimer la folie), klaxonnait d’étranges tangos qu’Alfonsina (Alfonsina Storni qui s’est suicidée en se jetant à la mer à Mar de Plata, comme dans un de ses poèmes, et qui a donné lieu à la merveilleuse zamba, Alfonsina y el mar immortalisée par Mercedes Sosa) avec Ray Bradbury (c’est bien sûr l’auteur de Fahreinheit 451, qui évoque la destruction des livres, dans la droite lignée de ce que font les régimes fascistes comme la dictature militaire argentine de l’époque, ou l’actuelle ou les partisans de Milei brûlent des livres qu’ils croient pernicieux faute de les avoir lus) dansait sur le capot (une est morte noyée et l’autre parle d’un pompier et de feu, le symbole de Ferrer est fort) au milieu d’un tumulte de camélias et de galaxies et perdait, de culbute en culbute, la honte et les freins. Et il s’envola vers le linteau du sommeil où se trouve ma folle nuit. Il s’est moqué, mais à mort, parce que, lorsqu’il s’est arrêté chez toi, il savait que tu m’aimais avec une montre, un salaire et une cravate. Quelle idiote, mais quelle idiote ! Pour moi, qu’un laser de vers me réchauffe jusqu’à la barbe ! Et je charge sur mes épaules ma tombe pour mourir d’amour Demain !… Et Chopin et Alfredo Gobbi, pauvres comme les araignées, dans ma chambrette m’offrent la fortune de leurs chagrins. Il a refusé de me conduire à toi, le colectivo de mon âme, dans les tours de Retiro (station de train, où allait justement le bus 23…), il a chargé à travers les façades et d’un pont de tumulte (émeute) il est tombé dans le Río de la Plata, quand mon fleuve est mes tripes et qu’il est mon vin et qu’il est ma magie. Le bus que j’ai pris pour aller chez toi s’est moqué : Et sur le toit, je riais et, dans la gloire, je te criais : Il s’est moqué… Pauvre de toi ! Il s’est moqué… Dieu merci !
Vous n’avez sans doute jamais dansé sur des musiques de Maderna et c’est sans doute rassurant quant aux choix des DJ. Cependant, la culture tango va au-delà de la danse et il me semble intéressant de s’intéresser à cet OVNI du tango qu’est Osmar Maderna. Je vous invite à gravir les degrés d’une gamme bleue pour découvrir ce compositeur et chef d’orchestre à part.
Extrait musical
Partition de Escalas en azul de Osmar Maderna.Escalas en azul 1950-05-17 — Orquesta Osmar Maderna
Il n’est pas très difficile de deviner d’où vient le titre. Le terme de escalas en musique peut être traduit par gammes. On notera que le piano joue tout au long de l’œuvre des gammes, c’est-à-dire des successions de notes ascendantes ou descendantes. Ce style ornemental est typique de Maderna. Le reste de l’orchestre semble dédié à l’accompagnement du piano qui voltige au-dessus des autres instruments. Le tempo est bien marqué, souligné par les bandonéons et les cordes qui effectuent des pauses précédées d’élans, un peu comme dans une ranchera. La musique est interprétée de façon virtuose qui donne une impression de très grande vitesse. Des danseurs piégés par un DJ facétieux qui se retrouveraient sur la piste pourraient s’appuyer sur cette présence du rythme pour garder une cadence raisonnable et ne pas se lancer dans des pas fébriles et ridiculement rapides. Même si on n’est pas dans un rythme ternaire de valse, une éventuelle interprétation dansée de ce titre pourrait s’apparenter à celui d’une valse. Des temps bien marqués et des mouvements tournants, toniques, mais pas vertigineux. On notera les nombreux changements de tonalité et la richesse des variations et des parties. On est plus en face d’une composition de musique classique que d’un tango traditionnel. Je ne vous encouragerai pas à danser ce titre, mais à l’écouter attentivement, assurément. Osmar Maderna
Maderna a relativement peu enregistré. Avec un peu plus d’une soixantaine d’enregistrements, c’est presque étonnant que son nom nous soit parvenu.
Des orchestres plus prolifiques sont passés aux oubliettes.
Les musiciens de Maderna
Il a commencé à enregistrer en 1946, en Uruguay, puis, la même année pour la Victor, et cela jusqu’en 1951. Les musiciens des derniers enregistrements sont un peu différents, mais je vous propose ici, ceux qui ont participé à l’enregistrement de Escalas en azul, enregistré le 17 mai 1947. Osmar Maderna (Direction et piano) Felipe Ricciardi, Eduardo Rovira, José Cambareri et Leopoldo Federico (bandonéon). Comme on peut le remarquer, des musiciens de premier plan et plutôt virtuoses. Aquiles Roggero, Haroldo Ghesagui et Angel Bodas (violon) Ariel Pedernera (contrebasse)
Une partie de ces musiciens vient, tout comme Maderna (qui avait remplacé Stamponi au piano en 1939), de l’orchestre de Miguel Caló (1941–1945), ce sont donc des estrellas (étoiles). Ces transfuges sont : Felipe Ricciardi et José Cambareri (le mage du bandonéon, connu pour ses tempos de folie). Attention, au pupitre des bandonéons de Caló, on trouve aussi un Federico, Domingo de son prénom, mais il n’est pas apparenté à Leopoldo. À la contrebasse, c’est le même Ariel Pederna qui œuvre.
Pour l’anecdote, on notera qu’il y avait un violoniste prénommé Aquiles dans les deux orchestres. Aguilar pour Caló et Roggero pour Maderna. Ce dernier, Aguilar Roggero, dirigera un orchestre en l’honneur de Maderna qui était décédé dans un accident d’avion (28/04/1951), l’orchestre Símbolo “Osmar Maderna”.
La Orquesta Símbolo “Osmar Maderna”
L’année suivant la mort de Maderna, l’orchestre Símbolo “Osmar Maderna” reprend une partie du répertoire et des compositions de Maderna. Orlando Tripodi remplace Osmar Maderna au piano. Aquiles Roggero, continue à tenir le violon, tout en dirigeant et établissant les arrangements de l’orchestre. Le pupitre des violons est complété par Carlos Taverna, Edmundo Baya, et Esteban Cañete. Au bandonéon, on retrouve Felipe Ricciardi, son frère Jorge, Héctor Lettera et Toto Panti pour compléter le pupitre des bandonéons. Víctor Monteleone tient la contrebasse.
L’orchestre semble avoir cessé les enregistrements après la mort de Aquiles Roggero, ce dernier étant justement mort d’une crise cardiaque lors d’une séance, en 1977. Ces enregistrements ne semblent pas avoir été publiés.
Autres versions
Escalas en azul 1950-05-17 — Orquesta Osmar Maderna. C’est notre tango du jour.Escalas en azul 1959-06-17 — Orquesta Símbolo “Osmar Maderna” dir. Aquiles Roggero.
Cette version est proche de celle enregistrée en 1950, comme on peut l’entendre et même voir dans l’illustration ci-dessous. Le tempo est le même, les pauses sont synchronisées et les deux versions peuvent être jouées ensemble durant les 40 premières secondes sans problèmes notables.
En haut, en vert la version de 1950 par Osmar Maderna. En bas, en violet, la version de 1959 par la Orquesta Símbolo.
Cette similitude vraiment frappante est la preuve que l’hommage à Osmar Maderna, tragiquement disparu n’est pas seulement dans le nom de l’orchestre, mais aussi dans le respect de son style.
Ce respect est peut-être une autre explication, avec sa mort gardelienne, du fait que Maderna n’est pas tombé dans l’oubli. Les versions brillantes étaient bien adaptées aux années 60–70, années où la danse était passé au second plan.
Selección de Osmar Maderna 1968 (Potpourri) — Orquesta Símbolo “Osmar Maderna” dir. Aquiles Roggero.
Encore dix ans plus tard, une autre version de Escalas en azul. Ce potpourri comporte trois titres composés par Maderna ; Escalas en azul, Lluvia de estrellas et Concierto en la luna. Un DJ facétieux pourrait en faire une tanda… Dans ces trois titres, on reconnaît la prépondérance du piano, comme dans les enregistrements de Maderna. La tâche de Orlando Tripodi a été de continuer à faire vivre le style de jeu si particulier de Maderna.
Ce titre, comme la plupart des enregistrements de Maderna, n’est pas destiné à la danse, tout comme son célèbre vol du bourdon (El vuelo del moscardón) qu’il a adapté de l’œuvre de Nikolai Rimsky-Korsakov et que je vous propose d’écouter pour terminer ce petit hommage à Osmar Maderna.
El vuelo del moscardón 1946-05-13 — Orquesta Osmar Maderna.
Dans ce thème, le piano est le bourdon qui volette et la sensation de rapidité est encore plus vive que dans notre tango du jour. L’orchestre est moins présent pour donner tout son envol au bourdon à dents blanches et noires.
Même si Pichuco considérait que sa véritable maison était celle de la rue Soler au 3280, c’est bien au 2937 de la rue José Antonio Cabrera qu’il est né, le 11 juillet 1914. La mère d’Aníbal n’est retournée rue Soler qu’à la mort du père de Troilo, en 1922. Cette maison a connu divers usages au cours du temps, comme en témoignent quelques photos historiques. Si j’ai décidé d’en parler aujourd’hui, c’est qu’elle vient d’être détruite pour un projet immobilier.
La maison natale de Aníbal Troilo
La maison natale de Pichuco, rue José Antonio Cabrera 2937
Aníbal Carmelo Troilo, le père, et Felisa Bagnolo, la mère, louèrent cette maison, par suite du drame de la mort de Concepción, celle qui aurait dû être la grande sœur du bandoneón mayor de Buenos Aires.
Les parents et Marcos, l’aîné, déménagèrent donc dans la maison de la rue Cabrera où naquit le petit Pichuco.
Ils y restèrent peu de temps, car, en 1922, le père mourait à son tour. La mère retourna alors dans la maison familiale de la rue Soler, celle qu’a donc le mieux connue Aníbal et qui en disait :
“Yo nací en una casa de Cabrera 2937, pero mi casa fue la de Soler 3280”.
Je suis né dans une maison de Cabrera 2937, mais ma maison fut celle de Soler 3280.
Maison natale de Troilo à différentes époques. Avant 1998, à gauche, vers 2011 (présence d’une milonga), 2024, une des dernières photos avec le bâtiment debout. Celui à sa gauche a déjà été remplacé. 2025, pendant la destruction de la semaine du 21 au 25 avril.La plaque posée en 2008 déclarant la maison comme site d’intérêt culturel. Cela n’a pas empêché sa destruction…
La maison de Soler 3280
C’est la maison familiale jusqu’en 1914 et après 1922. Celle que Pichuco considère comme la sienne.
La maison de la rue Soler au 3280. À droite, la plaque posée le 11 juillet 1976 pour l’anniversaire de la naissance, l’année suivant la mort de Pichuco.
La fausse maison de Aníbal Troilo
Au 2540 rue Carlos Calvo, il y a eu “La Casa de Aníbal Troilo”. Cet établissement de spectacle n’a pas de rapport direct avec notre gros, favori. Plus tard, le bâtiment a été réutilisé par Cacho Castaña, l’auteur de Café la Humedad, chanson qui a donné le nom à son établissement.
Attention, le Café de la Humedad de la rue Carlos Calvo n’est pas le café original. En effet, celui-ci était, comme le dit la chanson, à l’angle de Gaona y Boyaca.
L’emplacement original du Café la Humedad, à l’angle de Gaona y Boyaca.
Les paroles de la chanson de Cacho Castaña
Humedad, llovizna y frío Mi aliento empaña el vidrio azul del viejo bar No me pregunten si hace mucho que la espero Un café que ya está frío y hace varios ceniceros
Aunque sé que nunca llega Siempre que llueve voy corriendo hasta el café Y solo cuento con la compañía de un gato Que al cordón de mi zapato lo destroza con placer
Café La Humedad, billar y reunión Sábado con trampas, qué linda función Yo solamente necesito agradecerte La enseñanza de tus noches Que me alejan de la muerte
Café La Humedad, billar y reunión Sábado con trampas, qué linda función Eternamente te agradezco las poesías Que la escuela de tus noches Le enseñaron a mis días
Soledad, soledad de soltería Son treinta abriles ya cansados de soñar Por eso vuelvo hasta la esquina del boliche A buscar la barra eterna de Gaona y Boyaca
Ya son pocos los amigos que me quedan Vamos, muchachos, esta noche a recordar Una por una las hazañas de otros tiempos Y el recuerdo del boliche que llamamos La Humedad
Café La Humedad, billar y reunión Sábado con trampas, qué linda función Yo solamente necesito agradecerte La enseñanza de tus noches Que me alejan de la muerte
Café La Humedad, billar y reunión Sábado con trampas, qué linda función Eternamente te agradezco las poesías Que la escuela de tus noches Le enseñaron a mis días
Cacho Castaña
Traduction libre
L’humidité, la bruine et le froid Mon haleine embue les vitres bleues du vieux bar Ne me demandez pas si je l’attends depuis longtemps Un café déjà froid et ça fait plusieurs cendriers. Bien que je sache qu’elle ne vient jamais. Quand il pleut, je cours au café. Et je n’ai que la compagnie d’un chat. Qui détruit le lacet de ma chaussure avec plaisir Café La Humedad, billard et rencontre Samedi avec des tromperies, quel beau programme J’ai juste besoin de te remercier L’enseignement de tes nuits Qui me tiennent à l’écart de la mort Café La Humedad, billard et rencontre samedi avec des pièges, quel beau spectacle Éternellement, je te remercie pour les poèmes Que l’école de tes nuits A enseigné à mes jours Solitude, solitude du célibataire C’est trente avrils, déjà fatigué de rêver C’est pourquoi je retourne à l’angle du dancing Pour chercher l’éternelle bande de Gaona et Boyaca Il ne me reste que peu d’amis Allons‑y, les gars, ce soir, pour nous remémorer Un à un les exploits d’autrefois Et le souvenir du dancing que nous appelons La Humedad. Café La Humedad, billard et rencontre Samedi avec des tromperies, quel beau programme J’ai juste besoin de te remercier L’enseignement de tes nuits Qui me tiennent à l’écart de la mort Café La Humedad, billard et rencontre samedi avec des pièges, quel beau spectacle Éternellement, je te remercie pour les poèmes Que l’école de tes nuits A enseigné à mes jours. Cacho Castaña
Je vous propose de terminer sur la chanson nostalgique de Cacho Castaña, chanté par lui-même dans son établissement, Café la Humedad.
Café la Humedad, chanté dans le théâtre Café la Humedad par son propriétaire et auteur, Cacho Castaña.
Buscándote est un des thèmes les plus émouvants du tango. Par la qualité de la musique et des paroles de Eduardo “Lalo” Scalise El poeta del piano, mais aussi par la simplicité et la rondeur de l’interprétation par Fresedo et Ruiz, pour notre tango du jour. Nous allons en profiter pour regarder de plus prêt comment fonctionne une partition.
Extrait musical
Buscándote 1941-12-30 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo RuizPremière page de la partition retranscrite par Lucas Cáceres.
Cette première page présente les quatre premières mesures. On voit les différents instruments. T (ténor, Ricardo Ruiz, dans cet enregistrement), puis 4 violons, 4 bandonéons, un piano et une contrebasse. À l’armure, il y a deux dièses, nous sommes en Si mineur. Un mode nostalgique, voire triste. Dans la première mesure, on remarque qu’il y a une seule note, un la à la main gauche du piano. La deuxième mesure commence avec la seconde note du piano, un fa# de 4 temps (note ronde). En même temps, la contrebasse commence à marquer tous les temps (4 par mesure) en commençant par un Ré, puis un La et elle va effectuer un mouvement de bascule entre deux notes, Do# Fa# à la mesure suivante et ainsi de suite sur environ la moitié des mesures de la partition. Cela porte la marche, chaque temps est indiqué. Libre aux danseurs de les effectuer ou de choisir plutôt de s’aligner sur des éléments de la mélodie. On remarquera que les bandonéons et violons qui débutent aussi à la deuxième mesure commencent par un silence, suivi de trois croches. Ce motif se répète. Il est assez discret, mais vous n’aurez pas de peine à repérer ce pouf pouf pouf — pouf pouf pouf dans le début de la musique. L’envolée des violons y met fin, pour commencer à énoncer la première partie (A).
La partition du ténor avec la photo de Ricardo Ruiz. J’ai rajouté le début des paroles en rouge. La partition a été proposée également par Lucas Cáceres.
Ici, c’est la partition du ténor (Ricardo Ruiz dans notre cas) qui ne commence à chanter qu’à partir de la mesure 43 (en levée de la 44). On se souvient que le début de la partition était en Ré mineur, après un passage en Fa mineur, Ruiz commence à chanter en Fa majeur. La présence de dièses sur 4 des Sols et un Do, font basculer certains passages en Ré mineur).
Roue des modes, majeurs et mineurs, avec le nom des notes à gauche, et avec les lettres à droite.
Une petite aide pour vous aider à vous repérer dans les tonalités. Le nombre de dièses ou bémols à la clef donne la tonalité dont le mode peut être majeur ou mineur. Pour décider, il faut écouter. Souvent, il y a beaucoup de changements de tonalités et des altérations (Dièses, ou Bémols) ponctuelles qui rendent difficile de décider la tonalité exacte utilisée. Mais ce n’est pas si important, ce qui l’est, c’est uniquement de savoir si c’est majeur ou mineur, pour adapter la danse à la sensibilité de la musique, donc l’écoute est suffisante. Maintenant que vous êtes au point, je vous propose de suivre la partition durant l’écoute, grâce au travail remarquable de Lucas Cáceres.
Partition animée de Buscándote, une vidéo réalisée par Lucas Cáceres.
Vous remarquerez qu’il y a toutes les parties, et qu’il y a donc beaucoup de changements de pages. Dans un orchestre, chaque instrument n’a que sa partie et si cela vous intéresse, vous pouvez vous les obtenir en vous abonnant à son Patreon. Assez parlé de la musique, intéressons-nous aux paroles, maintenant.
Paroles
Vagar con el cansancio de mi eterno andar tristeza amarga de la soledad ansias enormes de llegar. sabrás que por la vida fui buscándote que mis ensueños sin querer vencí que en algún cruce los dejé mi andar apresuré con la esperanza de encontrarte a ti largos caminos hilvané leguas y leguas recorrí por ti después que entre tus brazos pueda descansar si lo prefieres volveré a marchar por mi camino de ayer sabrás que por la vida fui buscándote que mis ensueños sin querer rompí que en algún cruce los dejé mi andar apresuré con la esperanza de encontrarte a ti largos caminos hilvané leguas y leguas recorrí por ti después que entre tus brazos pueda descansar si lo prefieres volveré a marchar por mi camino de ayer. Eduardo “Lalo” Scalise (Eduardo Scalise Regard)
Traduction libre
Errer avec la fatigue de ma marche éternelle, l’amère tristesse de la solitude, l’énorme désir d’arriver. Tu sauras qu’à travers la vie je t’ai cherchée, que j’ai dépassé mes rêves sans le vouloir, qu’à un croisement je les ai laissés. Ma marche précipitée dans l’espoir de te trouver. Après que je pourrai me reposer dans tes bras, si tu préfères, je retournerai à marcher par mon chemin d’hier. Tu sauras qu’à travers la vie je t’ai cherchée, que j’ai dépassé mes rêves sans le vouloir, qu’à un croisement je les ai laissés. Ma marche précipitée dans l’espoir de te trouver. J’ai enchaîné de longues routes, des lieues et des lieues que j’ai parcourues pour vous. Après que je pourrai me reposer dans tes bras, si tu préfères, je retournerai à marcher par mon chemin d’hier.
Autres versions
Il n’y a pas d’enregistrement de l’âge d’or, autre que celui de Fresedo et Ruiz. Cependant, la passion européenne pour Fresedo fait que beaucoup d’orchestre du 21e siècle se sont lancés dans l’enregistrement de ce chef d’œuvre, avec des fortunes diverses.
Buscándote 1941-12-30 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz. C’est notre tango du jour, le mètre étalon, la référence absolue.Buscándote 2000-06-01 — Klaus Johns.
Une version instrumentale avec un parti pris de tempo particulièrement lent. C’est probablement à classer au rayon des étrangetés, mais certainement pas à proposer au bal.
Buscándote 2012 — Sexteto Milonguero con Javier Di Ciriaco.
On ne présente plus cet orchestre qui a fait notre joie, et notamment son Directeur, chanteur, Javier Di Ciriaco, pendant une quinzaine d’années.
Buscándote 2012 — Solo Tango Orquesta.
Cet orchestre russe a également son public. Ils proposent, ici, une version instrumentale.
Buscándote 2013 — Ariel Ardit y Orquesta Típica.
L’incroyable solo de violon qui ouvre cette version peut surprendre. Mais, une fois lancé, avec un rythme bien marqué par les bandonéons et toujours dominé par les cordes et ce superbe violon, fait que c’est certainement une version « chair de poule » pour beaucoup. La belle voix, puissante et chaude d’Ariel Ardit termine de faire de cette version remarquable. Pour la danse, les arrastres d’Ariel peuvent gêner certains danseurs et le rythme rapide peut faire que l’on préfère d’autres versions. Je pense qu’en Europe cette interprétation aurait des amateurs.
Buscándote 2013 — Hyperion Ensemble con Rubén Peloni.
Après l’écoute de l’enregistrement d’Ariel Ardit, cette version tranquille peut paraître un peu faible, mais il faut la comparer à notre étalon, la version de Fresedo et Ruiz, pour voir que c’est une belle réalisation, intime et bien accordée au thème de la chanson.
Buscándote 2014 (En vivo) — Sexteto Milonguero con Javier Di Ciriaco.
Une version avec public qui permet de se souvenir de l’ambiance que mettait cet orchestre. C’était à Rosario (Argentine) lors de l’Encuentro Tanguero del Interior (ETI). J’ai eu la chance de voir et écouter cet orchestre de nombreuses fois, c’est vraiment dommage qu’il n’existe plus.
Buscándote 2015 — Cuarteto SolTango.
Ce cuarteto, avec beaucoup moins d’instruments s’approche de la version de Fresedo. Une belle performance. Le solo de violon qui remplace la voix de Ricardo Ruiz, bien que bien chantant, est sans doute ce qui peut faire baisser la valeur de l’ensemble, sauf pour les danseurs qui n’aiment pas les chanteurs. Si, il y en a, et, à mon avis, la principale raison, est que certains DJ mettent des chansons tango au lieu de véritables tangos chantés de danse.
Buscándote 2015 — Orquesta La 2X4 Rosarina con Martín Piñol.
Retour à une version chantée. La voix de Martín Piñol pourrait bénéficier d’un orchestre plus accompli. La prise de son mériterait d’être meilleure également. Le résultat ne risque pas de détrôner, la version de Fresedo qui en est clairement le modèle.
Buscándote 2015-07-09 — Esquina Sur con Diego Di Martino.
Je vous avais bien dit qu’il y avait une folie à notre époque pour Fresedo. Cet enregistrement de Esquina Sur en est une autre preuve. La voix de Di Martino, s’élance légère et fluide par-dessus l’orchestre, ce n’est pas vilain, mais là encore, Fresedo et Ruiz restent en tête.
Buscándote 2016-03-01 — El Cachivache Quinteto.
El Cachivache signe une version plus personnelle, qui n’est pas qu’une simple imitation de Fresedo et on leur en est gré, même si l’utilisation d’autres instruments comme la guitare électrique peut donner des boutons à des milongueros sclérosés. C’est une version instrumentale, mais la diversité des variations fait que ce n’est pas monotone. L’entrée avec une gamme de do majeur descendent suivie d’une gamme ascendante est très originale. Le final est également intéressant, c’est une version qui peut faire l’affaire avec des tangueros curieux. Elle devrait plaire aussi à Angela C. car il y a une bonne proportion de mode majeur dans cette version, contrairement à la version de Fresedo qui est majoritairement en mode mineur 😉
Buscándote 2016-12 — Orquesta Romántica Milonguera con Roberto Minondi.
Avec la Romántica Milonguera on revient à un registre plus classique, même si cet orchestre a su créer son propre son. Ici, c’est Roberto Minondi qui nous ravit.
Buscándote 2019 — Cuarteto Mulenga. Cette version présente l’intérêt de voir les instrumentistes opérer. Mais ce titre est aussi sur CD. Cliquez sur le lien pour voir la vidéo. https://youtu.be/WHJq2fwE3Fk . Vidéo réalisée au Bodegon (restaurant) El Destino, à Quilmes (Province de Buenos Aires).
Un début original, qui peut faire douter durant les 30 premières secondes qu’on écoute Buscándote. On notera la descente de piano, très originale durant ce début. Le reste de l’orchestration renouvelle également l’œuvre, qui est comme décomposée, déstructurée au profit de solos qui se superposent. C’est presque un ensemble de citations de l’œuvre originale, plus qu’une interprétation au sens habituel. La fin ne dissipera pas cette impression.
Je te cherche, pas à pas
Comme DJ, je m’intéresse à savoir comment les danseurs vont pouvoir interpréter la musique que je propose. J’ai trouvé cette petite pépite, réalisée par Juana García y Julio Robles. Elle montre les temps et contretemps.
Poser les pieds en rythme est la toute première étape du danseur de tango et, même si certains ne s’y résolvent pas, il me semble qu’il faut aller beaucoup plus loin, le tango étant une danse d’improvisation. On tirera cependant de cette vidéo un élément très intéressant, la séparation entre les différentes parties. Savoir les repérer permet d’adapter la danse en changeant le style pour chaque partie. Il faut aussi savoir distinguer la phrase musicale, afin que le couple se retrouve dans un état d’attente ou pour le moins cohérent avec la prochaine transition ou enchaînement de phrases. Certains comptent de 1 à 8, mais c’est beaucoup plus agréable de se laisser porter par la structure de la musique. Je déconseille donc le comptage, sauf pour des chorégraphies en groupe, ce qui n’est pas du même domaine que le tango social qui nous intéresse ici, car je trouve dommage d’occuper son cerveau dans une tâche qui n’aide pas à entendre la musique. Il me semble qu’il est amplement préférable de travailler son « instinct », car, rapidement, le corps saura quand la musique va changer et, inconsciemment, il va se préparer, ce qui vous permettra de danser l’esprit totalement libre, en vous laissant porter. Ce même instinct sert au DJ pour identifier les musiques plus dansables que d’autres. Le DJ fait marcher ses danseurs et eux le suivent. Il a donc la responsabilité d’ouvrir la voie et de leur proposer des chemins dont les difficultés sont adaptées.
On disait de Aníbal Troilo qu’il savait faire pleurer son bandonéon, mais ce caractère est souvent attribué à cet instrument, bien qu’il dispose d’un répertoire d’interprétation bien plus vaste qui va de la colère la plus noire à la joie la plus légère. Cette partition de Tanturi avec des paroles de Cadícamo explore le côté triste de l’instrument, ce que sait rendre avec une rare émotion, Enrique Campos au chant. Un magnifique tango, sans doute trop méconnu. La vedette de cette anecdote sera le bandonéon et ses sentiments.
Extrait musical
Sollozo de bandoneón 1943-12-16 — Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos.
Le mode de sol mineur annonce la tristesse du morceau. Il continuera durant toute l’œuvre, sans passage en mode majeur, ce qui donne mieux l’idée de l’oppression subie par le narrateur. L’orchestre de Tanturi, à l’époque de cet enregistrement, comportait quatre bandonéonistes : Francisco Ferraro, Raúl Iglesias, Héctor Gondre et Juan Saettone.
Paroles
Ven a bailar, que quiero hablarte, aparte de tus amigas. Quiero que escuches mi fracaso y que en mis brazos el tango sigas. Después de un año vuelvo a hallarte y al verte me pongo triste, porque esta noche he de contarte que por perderte sufro de amor.
Quien sufre por amor comprende este dolor, este dolor que nos embarga. Quien sufre por amor comprenderá el dolor que viene a herir como una daga. Te tuve y te perdí y yo qué soy sin ti. Quien sufre por amor comprenderá mejor por qué solloza el bandoneón.
Con su gemir de corazones los bandoneones lloran su pena, igual que yo sollozan ellos, porque en sus notas hay amores y por amores hoy sufro yo. Ricardo Tanturi Letra: Enrique Cadícamo
Traduction libre et indications
Viens danser, je veux te parler, à part de tes amis. Je veux que tu entendes mon échec et que, dans mes bras, tu continues le tango. Au bout d’un an, je te retrouve, et, quand je te vois, je suis triste, car ce soir, je dois te dire que de t’avoir perdue, je souffre d’amour. Celui qui souffre par amour comprend cette douleur, cette douleur qui nous submerge. Celui qui souffre par amour comprendra la douleur qui vient blesser comme un poignard. Je t’avais et je t’ai perdue et moi, que suis-je sans toi. Celui qui souffre par amour comprendra mieux pourquoi le bandonéon sanglote. Avec leurs gémissements de cœur, les bandonéons pleurent leur chagrin, comme moi, ils sanglotent, parce que, dans leurs notes il y a des amours et, pour les amours, aujourd’hui je souffre.
Bandonéons sentimentaux
Il est intéressant de voir que parmi les instruments du tango, c’est le bandonéon qui se partage la vedette en ce qui concerne les titres où il est présent. Voici quelques statistiques pour le tango (pas milonga ou valse). Le piano, cet instrument majeur, n’est cité que dans une dizaine de titres. Le violon, cet autre instrument essentiel n’atteint qu’à peine le double du piano. La guitare, instrument des premiers temps, héritier des payadores, fait à peine mieux que le violon. Le bandonéon se taille la part du tigre (hommage au Tigre du bandonéon, Eduardo Arolas). J’ai recensé plus de 80 titres mentionnant son nom (bandó, bandoneón, fuelle ou fueye). J’aurais pu rajouter des milongas et des poèmes à sa gloire, mais avec les titres que j’ai oubliés, on pourrait bien atteindre les 100, soit 10 fois plus que pour le piano… Si on entre dans le détail des paroles, la suprématie du bandonéon est encore plus forte, mais contentons-nous de lister les titres où le bandonéon est mentionné.
A la sombra del fueye
A mi hermano fueyero
A seguirla bandoneón
Alegre bandoneón
Alma del bandoneón
Aníbal Bandoneón (Aníbal Troilo en symbiose avec son instrument)
Arrullos de bandoneón
Bandó (composé et interprété par Astor Piazzolla au bandonéon)
Bandoneón (au moins 4 tangos différents portent ce nom)
Bandoneón amigo
Bandoneón arrabalero
Bandoneón cadenero
Bandoneón campañero
Bandoneón de fuego
Bandoneón de mi ciudad
Bandoneón de mis amores
Bandoneón fuiste testigo
Bandoneón, guitarra y bajo (petite apparition de la contrebasse, dans un trio de Piazzolla, un autre géant du bandonéon)
Bandoneón milonguero (composé par le bandonéoniste Ernesto Baffa)
Buénas noches che bandonéon (par le bandonéoniste Juan José Mosalini)
Bandoneón…para vos
Bandoneón, por qué llorás? (une référence explicite aux pleurs du bandonéon)
Bandoneón solo (du bandonéoniste Rodolfo Nerone)
Bandoneón trasnochado (du bandonéoniste Alberto San Miguel)
Calla bandoneón (Carlos Lazzari et Oscar Rubens pour les paroles demandent au bandonéon de se taire, à cause de sa tristesse).
Candencia de Bandoneón de Astor Piazzolla (c’est un solo de bandonéon exécuté par son auteur, Mauricio Jost, un des bandonéonistes du Sexteto Milonguero)
Che bandoneón (por el bandoneón mayor de Buenos Aires, Aníbal Troilo)
Compañero bandoneón
Con letra de bandoneón
Concerto para bandoneón y orquesta (Piazzolla)
Concierto Para Bandoneón (encore Piazzolla)
Cuando llora el bandoneón
Cuando talla un bandoneón (un titre d’un fameux bandonéoniste, Armando Pontier)
La danza del fueye (du bandonéoniste Raúl Miguel Garello, un titre jeu de mot évoquant la composition de Manuel de Falla, La danza del fuego ?)
De mi bandoneón (par le bandonéoniste Roberto Pérez Prechi)
Este bandoneón (d’Ernesto Rossi, encore un bandonéoniste)
Este bandoneón sentimental
Firuletear de bandoneón
Fuelle azul (par le bandonéoniste Domingo Federico)
Fuelle querido
Fueye…! (Fuelle)
Fueye amigo (Fuelle amigo)
Fueye querido
El hombre del bandoneón
Igual que un bandoneón (interprété par les mêmes que notre tango du jour et également en mode mineur intégral, ré mineur. On pourrait être tenté d’en faire une tanda. Pour ma part j’évite de composer les tandas avec des titres un peu trop tristes à la suite).
Más allá bandoneón (composé par deux bandonéonistes Ernesto Baffa et Raúl Miguel Garello, on n’est jamais si bien servi que par soi-même)
Mientras quede un solo fuelle (Mientras quede un solo fueye)
Mi bandoneon y yo (Crecimos juntos) (de Rubén Juárez, chanteur et… bandonéoniste)
Mi fuelle rezonga
Mi loco bandoneón (par Piazzolla…)
Mi viejo bandoneón
Mientras gime el bandoneón (encore une fois, Enrique Cadícamo, l’auteur des paroles du tango d’aujourd’hui, fait résonner la tristesse du bandonéon. Dans ce tango, il est également le compositeur).
No la llores bandoneón (Deux des compositeurs sont bandonéonistes Jorge Caldara et Alberto Caracciolo. Víctor Lamanna est plutôt parolier, mais le titre est signé des trois, que ce soit pour les paroles et la musique).
Mientras rezonga un fuelle
Mistongo bandoneón (dans les paroles, El fueye revient au début des vers du couplet :
Fuelle… que viniste de tan lejos. / Fuelle… que te hiciste tan, tan nuestro. / Fuelle… santo, endiablado y siniestro, / vos que haces dormir al cielo / abrazado del infierno. / Fuelle… vos… mistongo bandoneón.
Música de bandoneón
Nocturnal bandoneón
Notas de bandoneón (avec Cadícamo aux paroles…)
Nuestro bandoneón
Pa’ que te oigan bandoneón
Pamentos del bandoneón
Perdoname fuelle querido
Perfume de bandoneón (de Luis Stazo, un autre grand du bandonéon)
Pichuco le canta a su bandoneón (En hommage, bien sûr à Pichuco, Aníbal Troilo)
Quejas de bandoneón (le gros succès de Juan De Dios Filiberto qui reprend le thème de la plainte du bandonéon)
Se lo conté al bandoneón
Sollozo de bandoneón (notre tango du jour)
Solo de bandoneón (musique et paroles de Cadícamo qui a décidément un faible pour cet instrument)
Son cosas del bandoneón (Enrique Rodríguez, l’auteur était également bandonéoniste…)
Suite Punta del Este for Bandoneón Solo, Instrumental Ensemble and String Orchestra: Coral (encore un truc de Piazzolla mettant en valeur le bandonéon, donc, lui…)
Susurro de bandoneón (Carlos Ángel Lázzari, encore un fameux bandonéoniste, associé à D’Arienzo, mais qui parle ici de murmure, chose qu’il ne devait pas souvent avoir l’occasion de faire avec El Rey del compás).
Te llamaremos bandoneón
Tocá el bandoneón, Pedrito! (encore un titre composé par le bandonéoniste Raúl Miguel Garello)
Tres movimientos concertantes para bandoneón y orquesta (Daniel Binelli, le compositeur était également… Oui, vous avez trouvé ! Bandonéoniste).
Un sueño bandoneón (une autre composition du bandonéoniste Domingo Federico)
Un fueye en París (Leopoldo Federico, cet attachant bandonéoniste et chef d’orchestre a composé ce titre).
La voz del bandoneón (La voix du bandonéon) (par José Lucchesi qui était accordéoniste. Un clin d’œil au cousin, donc).
Yo soy el bandoneón (De Piazzolla)
Yo te adoro bandoneón
Autres versions
Comme il n’était pas question de vous présenter la centaine de titres mentionnant le bandonéon, je vous propose de terminer avec le seul enregistrement de ce titre, notre tango du jour.
Sollozo de bandoneón 1943-12-16 — Orquesta Ricardo Tanturi con Enrique Campos. C’est notre tango du jour.
Bonus
Un groupe Facebook sur le bandonéon. J’ai utilisé leur photo de page pour mon illustration de couverture. Le livre de Gabriel Merlino, Una Arqueología del bandoneón La version papier est à commander à charlas.concierto@gmail.com. Les versions électroniques se trouvent ici. Merci à Gérard Cardonnet, de m’avoir fait penser à signaler ce livre. À bientôt les amis !
S’il est courant de communiquer des informations au micro aux danseurs, dans la pratique, ils n’entendent pas toujours et il est souvent utile de répéter l’information de façon visuelle. Cet article fait le point sur mon parcours de DJ donneur d’informations et de VJ (Video Jockey).
Comme DJ, j’ai toujours souhaité donner aux danseurs des informations sur ce qu’ils dansaient. Il y a un quart de siècle, je diffusais sur Internet, la liste des morceaux que j’avais passée durant la milonga. À la fin des années 2000, je suis passé à l’iPad et j’affichais le nom de l’orchestre. Je suis aussi passé à l’annonce au micro en luttant contre ma timidité. Dans les années 2010, je suis passé au vidéoprojecteur et à la projection de films mixés en direct. J’utilise toujours cette stratégie avec le logiciel Resolume Arena. Le seul inconvénient pour moi est que, comme je crée les tandas en direct, je ne peux pas m’appuyer sur une liste de titres comme le font la plupart des DJ qui utilisent des Playlists. Cela m’interdit donc d’afficher le nom du morceau en cours de diffusion, car il me faudrait saisir en direct toutes les informations, ce qui est évidemment impossible. Comme je ne fais pas de playlist, tout mon temps de DJ est occupé par la préparation de la tanda suivante. J’avais bien essayé différents systèmes, mais tous nécessitaient de faire des playlists à l’avance et d’utiliser iTunes ou équivalent.
Un grand merci, donc aux développeurs de Beam(https://www.facebook.com/beamtheproject — https://bitbucket.org/beam-project/main/downloads/) qui permettent désormais d’afficher en direct le morceau qui passe à partir d’un véritable logiciel de DJ. Je remercie aussi le collègue et ami, Fred Alart-Tangodj qui m’a donné des informations essentielles pour me lancer dans ce projet. Parmi les logiciels DJ compatibles avec Beam, il y a MIXXX, un des trois que j’utilise… Le logiciel Beam est paramétrable de façon intelligente. On peut choisir les informations que l’on affiche. Pour ma part, j’ai rajouté les compositeurs, ce que peu de collègues peuvent faire, car, bien sûr, il faut avoir saisi ces données pour chaque musique pour qu’elles puissent s’afficher.
Les données de base
Les données que j’ai choisi d’afficher dans ma configuration de Beam.
De haut en bas :
• Titre précédent. Souvent, quand on danse, on ne pense pas toujours à regarder le titre du morceau. Afficher le morceau précédent permet d’avoir un joker. Il me semble également que c’est intéressant pour montrer la structure de la tanda. En revanche, je n’affiche pas le morceau suivant, car je place les morceaux au fur et à mesure et cela perturbe le logiciel qui n’a rien à se mettre sous la dent… • Nom de l’orchestre. J’ai choisi de le mettre en grand, car c’est l’information principale, à mon avis. Tous les danseurs doivent pouvoir savoir, s’ils le souhaitent, sur quel orchestre ils dansent. Bien sûr, les milongueros avertis n’ont pas besoin de cette information, mais d’autres informations vont venir les contenter. • Titre de la musique et date d’enregistrement. Avoir le titre est utile au plus grand nom et même à certains connaisseurs. J’espère que cela va limiter le nombre de shazameurs. Je préfère nettement que les collègues viennent me demander le titre. Avec ce dispositif, ils l’auront, mais ceux qui veulent venir me parler restent bien sûr les bienvenus. Pour ce qui est de la date, cela me semble important également. La preuve, j’ai la date d’enregistrement de la très grande majorité de mes morceaux. Cette application va me permettre de profiter de cet investissement… • Style de la musique. Je pouvais me passer de donner cette information. J’en profite cependant pour faire remarquer qu’au lieu de « Tango », il est indiqué A Tango. C’est que je classe la musique de tango avec un A avant, pour qu’ils s’affichent en premier. En effet, je ne passe pas que du tango, j’anime aussi en tropical et autres danses (DJ, pas de tango dans ce cas). • Compositeur. J’ai mis « Compositor », mais, bien sûr, c’est compositeur et parolier quand il y a les deux. Je trouve intéressant de savoir qui a écrit une musique et les paroles. Parfois, je compose des tandas de musiques écrites par le même compositeur ou des compositeurs de la même lignée. Mais il y a tellement d’autres possibilités que c’est finalement assez rare. J’associe, en priorité, des musiques dont l’interprétation est comparable, mais aussi sur des thèmes proches, et ce sont souvent ces critères qui font que l’on se retrouve avec des titres du même compositeur ou auteur. • Tanda. Si 1/4 s’affiche, c’est que c’est le premier titre d’une tanda de 4 titres. Dans mon cas, l’information ne sera pas toujours fiable quand au nombre de titres, car il faut avoir mis une cortina pour que cela soit calculé par l’application. Par moment, je mets six ou sept titres et je choisis en fonction des réactions de la salle, ou, je mets les titres un à un. Cependant, le premier chiffre indique le numéro. Donc, si vous voyez 1, c’est qu’il va y avoir après 2 (tanda de 3) ou 3 (tanda de 4) autres morceaux. • DJ BYC Bernardo. Ben, oui, c’est bien de faire savoir qui passe la musique, non ?
Des informations plus sophistiquées
Beam permet d’afficher différents fonds de page en fonction des mots clefs (tags) présents dans le morceau. Par exemple, je peux mettre un fond de page spécial D’Arienzo, pour une tanda de D’Arienzo. Il me suffit de récupérer la variable « Artist » et de déclencher l’affichage d’un fond de page avec une photo de D’Arienzo.
Lorsque Beam voit “D’Arienzo” dans le champ “Artiste”, il peut afficher un fond de page avec une photo de D’Arienzo.
Cela oblige cependant à préparer un fond de page par orchestre. Ce n’est pas très compliqué, mais je travaille actuellement sur une autre voie, qui est de récupérer ce que je fais comme VJ en mélangeant des vidéos des orchestres et des animations au rythme de la musique pour les associer avec les données affichées automatiquement par Beam.
Beam permet aussi d’associer une image à un titre. Je me suis amusé à le faire, mais c’est bien sûr impossible quand on dispose de 6000 titres utilisés en milonga. On reconnaîtra ici l’illustration de l’anecdote de tango sur Entre dos fuegos.
Système actuel
Équipement DJ
Pour la musique, j’utilise un Macbook Pro plus classique avec 16 Go de RAM et 2 To de disque dur.
On remarquera que, même si ce MacBook Pro peut fonctionner sous macOS Sequoia, je le maintiens sous Mojave, quand un système fonctionne, il est délicat de l’actualiser. Un ordinateur de DJ ne devrait pas avoir le droit de tomber en panne…
Il se pose la question du renouvellement de cet ordinateur. J’ai des Mac M en test, mais ils ne me conviennent pas. De plus, les Macs ont la mémoire et le disque SSD soudés. On est donc limité en taille. Un disque de 2 To, c’est vraiment trop petit pour de la musique et utiliser un disque externe, c’est très risqué en cas de débranchement accidentel, sans compter le risque de vol de ce disque, comme cela m’est arrivé avec un « collègue » indélicat qui a trouvé intéressant de me voler mon disque SSD de secours de 4 To rempli de musique retouchée.
Logiciels DJ utilisés :
J’utilise iTunes pour classer la musique. C’est en grande partie pour lui que je reste en Mojave, car les systèmes d’exploitation ultérieurs l’ont remplacé par « Music », qui est vraiment bien moins performant pour trouver de la musique à la volée. iTunes est en fait une base de données avec un moteur de recherche, mais il dispose surtout de fonctions de requêtes qui permettent d’avoir une musique parfaitement organisée et facile à trouver. On peut me demander n’importe quel titre et je le trouve en quelques secondes. C’est important quand des danseurs qui font un bis dans leur démo me demandent un titre à la volée, mais aussi, tout simplement pour pouvoir armer ses tandas en direct en trouvant ce qui va ensemble très facilement.
iTunes est un super logiciel de base de données musicale.
Dans iTunes, je peux choisir un genre, un artiste et trier par date pour avoir tous les titres de cet artiste pour la même période et le même rythme. On notera à gauche, les engrenages qui sont des requêtes, c’est-à-dire des recherches qui donnent une liste toujours à jour de fichiers répondants à certains critères. Par exemple, les valses chantées ayant 5 étoiles. Je peux aussi trier par les commentaires, ce qui offre des possibilités infinies. Je sélectionne les morceaux à passer dans iTunes et je les glisse dans Mixxx.
Mixxx est un des trois logiciels de DJ que j’utilise le plus. Sa compatibilité avec Beam, va me le rendre encore plus important… Ici, le dernier titre d’une tanda de Canaro.
Mixxx est un excellent logiciel de DJ qui permet de modifier la vitesse et la tonalité des morceaux, de répéter des passages
Équipement VJ
J’utilise un PC avec un processeur Intel i9 et 64 Go de RAM et 8 To de disque dur SSD.
Pour la vidéo, il faut un ordinateur très, très puissant…
Logiciels VJ utilisés :
Beam permet l’affichage automatique de différents tags des morceaux.
Toujours sur le MAC, Beam permet d’afficher les données souhaitées, comme nous l’avons vu ci-dessus. Ici, l’affichage du dernier Canaro de la tanda. Comme il y a un morceau identifié comme Cortina ensuite (voir la copie d’écran de MIXXX), le logiciel indique « Tanda 4/4 ».La tanda de Canaro est terminée, c’est la cortina. La prochaine tanda est annoncée automatiquement s’il y a déjà un titre après la cortina au moment où elle démarre. Dans mon cas, ce n’est pas toujours le cas, car la cortina sert aussi à prévoir la suite… Dans ce cas, la prochaine tanda ne sera pas affichée.
Cependant Beam est un peu limité. Pour afficher des vidéos et les mixer, il faut un logiciel plus complet. C’est le rôle de Resolume Arena, un logiciel professionnel pour VJ (Video Jockey).
Actuellement, j’utilise Resolume Arena, un logiciel magnifique permettant de mixer en direct une dizaine de vidéos, animations, textes…
Resolume Arena est un excellent logiciel pour VJ qui permet de diffuser plusieurs vidéos, de les superposer, de définir des transparences, des vitesses, des synchronisations avec la musique, des animations, du texte (qui peut être animé)… Son seul défaut est qu’il ne permet pas de récupérer le titre des morceaux joués automatiquement, ce qui limite aux choix déjà mis en place dans le logiciel, par exemple, le nom de l’orchestre et des vidéos et photos de celui-ci que l’on peut associer à des animations et on peut mixer le tout en direct. Associé à un contrôleur Midi, c’est cependant relativement simple à mettre en œuvre, mais pas du tout automatique.
L’avenir espéré, futurs développements
Faire communiquer le Mac avec le PC pour récupérer l’affichage de Beam dans Resolume Arena
La musique étant sur un ordinateur (MacBook) et la vidéo sur un autre (PC Windows), il se pose la question de la communication entre les deux. Pour l’instant, je n’utilise que la synchronisation de la musique afin que les animations, et notamment les lettres des noms d’orchestres se déplacent en rythme avec la musique. La prochaine étape est donc d’arriver à récupérer l’image produite par Beam sur le Mac pour l’afficher comme une vidéo dans un des canaux de Resolume Arena. Ce n’est pas totalement gagné, les deux systèmes n’étant pas totalement compatibles. J’envisage d’utiliser Syphon sur le Mac et SPOUT sur le PC, ou peut-être NDI, à moins que je reprenne ce que j’utilisais pendant la pandémie pour mes milongas virtuelles, OBS. Mon idée est de récupérer l’affichage ou a minima seulement le titre du morceau que je pourrai incruster dans le montage vidéo réalisé en direct. Peut-être que je structurerai cela avec des cadres pour que l’information soit plus claire.
Et la gestion de la lumière ?
Quand on est DJ, il faut parfois penser à augmenter la luminosité pendant les cortinas pour que les danseurs puissent faire la mirada plus facilement. Pour ma part, je suis plutôt partisan d’une lumière continue, comme on le fait à Buenos Aires, mais en Europe, certains organisateurs estiment que l’on doit avoir une lumière atténuée pendant les tandas. Il me faut donc leur donner satisfaction, même si je suis sûr que c’est une très mauvaise idée. Ceux qui ont suivi mes milongas virtuelles durant la pandémie ont peut-être remarqué que j’utilisais des systèmes lumineux (lyres et lasers, par exemple). Ces matériels sont commandés en DMX, un protocole spécialisé dans la gestion des effets lumineux. On peut donc imaginer que l’éclairage se règle en fonction de la musique. Beam et Resolume le permettent. Il suffit d’associer un troisième ordinateur pour gérer la partie lumière, ce que je faisais pendant la pandémie, avec même un quatrième pour la diffusion de la vidéo… Tout cela fonctionne chez moi, mais, pour le faire en milonga, il faut trouver un système portable et avec un réseau fiable, ainsi qu’un équipement DMX. En résumé, il me faudrait animer des milongas dans des boîtes de nuit qui disposent d’un équipement moins sommaire que les milongas habituelles. En résumé, je vais sans doute me contenter d’utiliser Beam lorsque j’aurai des possibilités de projection et seulement dans les très gros événements, je déploierai le système complet.
Pour écouter un peu de musique, retournez sur l’anecdote “Entre dos fuegos”.
« Comme il faut » , le titre de ce tango est en français et il signifie que l’on fait les choses bien, comme il faut qu’elles soient réalisées. Nous allons toutefois voir, que sous ce titre « anodin » se cache une tricherie, quelque chose qui n’est peut-être pas fait, « comme il faut ».
Je parle français comme il faut
Je pense que vous ne serez pas surpris de découvrir un titre en français, il y a en a plusieurs et les mots français sont couramment utilisés par les Argentins et fort fréquents dans le tango.
Deux raisons expliquent cette abondance.
La première, c’est le prestige de la France de l’époque.
La haute société argentine parlait couramment le français qui était la langue « chic » de l’époque. À ce sujet, il y a une quinzaine d’années, une amie me faisait visiter son club nautique. C’est le genre d’endroit dont on devient membre par cooptation ou héritage familial. J’ai été surpris d’y entendre parler français, sans accent, par une bonne partie et peut-être même la majorité des personnes que l’on croisait. Je m’en suis ouvert et mon amie m’a informé que les personnes de cette société avaient coutume de parler entre eux en français, cette langue étant toujours celle de l’élite.
La seconde, vous la connaissez.
Les orchestres de tango se sont donné rendez-vous en France au début du vingtième siècle. Il était donc naturel que s’expriment des nostalgies, des références pour montrer que l’on avait fait le voyage ou tout simplement que s’affichent les expressions à la mode.
Je peux vous conseiller un petit ouvrage sur la question, EL FRANCÉS EN EL TANGO: Recopilación de términos del idioma francés y de la cultura francesa utilizados en las letras de tango. Il a été écrit par Víctor A. Benítez Boned qui cite et explicite 78 mots de français qui se retrouvent dans le tango et 41 noms propres désignant des Français ou des lieux de France. On peut considérer qu’environ 200 tangos font directement référence à la France, aux Français (souvent aux Françaises) ou à la langue française. Víctor A. Benítez Boned en cite 177.
Comme il faut 1951-09-26 — Orquesta Carlos Di Sarli.Comme il faut de Eduardo Arolas avec la dédicace “A mis estimados y distinguidos amigos Francisco Wright Victorica, Vladislao A. Frías, Juan Carlos Parpaglione y Manuel Miranda Naón”.
Les dédicataires sont des étudiants en droit qui ont probablement cassé leur tire-lire pour être dédicataires : Francisco Wright Victorica, étudiant de la Faculté de droit et de sciences sociales de Buenos Aires en 1917 Vladislao A. Frías ; étudiant de la Faculté de droit et de sciences sociales de Buenos Aires en 1917, puis juge au civil et membre de la cour d’appel au tribunal de commerce de Buenos Aires. Juan Carlos Parpaglione, étudiant de la Faculté de droit et de sciences sociales de Buenos Aires en 1917. Manuel Miranda Naón, étudiant de la Faculté de droit et de sciences sociales de Buenos Aires. En 1918, il a participé au mouvement de réforme de cette université.
Paroles
Luna, farol y canción, dulce emoción del ayer fue en París, donde viví tu amor. Tango, Champagne, corazón, noche de amor que no está, en mi sueño vivirá…
Es como debe ser, con ilusión viví las alegrías y las tristezas; en esa noche fue que yo sentí por vos una esperanza en mi corazón. Es como debe ser en la pasión de ley, tus ojos negros y tu belleza. Siempre serás mi amor en bello amanecer para mi vida, dulce ilusión.
En este tango te cuento mi tristeza, dolor y llanto que dejo en esta pieza. Quiero que oigas mi canción hecha de luna y de farol y que tu amor, mujer, vuelva hacia mí.
Eduardo Arolas Letra: Gabriel Clausi
Traduction libre et indications
Lune, réverbère et chanson, douce émotion d’hier c’était à Paris, où j’ai vécu ton amour. Tango, Champagne, cœur, nuit d’amour qui n’est pas là, dans mon rêve vivra… C’est comme il faut (comme il se doit), avec enthousiasme j’ai vécu les joies et les peines ; C’est ce soir-là que j’ai senti de l’espoir pour toi dans mon cœur. C’est comme doit être la véritable passion (les Argentins disent de ley, de la loi, par exemple un porteño de ley pour dire un véritable portègne), de tes yeux noirs et de ta beauté. Tu seras toujours mon amour dans la belle aurore pour ma vie, douce illusion (doux sentiment). Dans ce tango, je te conte ma tristesse, douleur et larmes que je laisse dans ce morceau. Je veux que tu entendes ma chanson faite de lune et de réverbère et que ton amour, femme, revienne jusqu’à moi.
Elle est où la tricherie promise ?
Comme je vois que vous semblez intéressés, voici la tricherie. Le tango « Comme il faut » a un frère jumeau « Comparsa criolla » signé Rafael Iriarte.
Couverture et partition de Comparsa Criolla de Rafael Iriarte. La mention du concours de 1930 est en haut de la couverture.
La gémellité n’est pas une tricherie me direz-vous, mais alors comment nommer deux tangos identiques attribués à des auteurs différents ? On dirait aujourd’hui un plagiat. Nous avons déjà rencontré plusieurs tangos dont les attributions étaient floues, que ce soit pour la musique ou les paroles. Firpo n’a‑t-il pas cherché à mettre sous son nom La cumparsita, alors pourquoi pas une comparsa ? Mais revenons à notre paire de tangos et intéressons-nous aux auteurs. Eduardo Arolas (1892–1924), un génie, mort très jeune (32 ans). Non seulement il jouait du bandonéon de façon remarquable, ce qui lui a valu son surnom de « Tigre du bandonéon », mais en plus, il a composé de très nombreux titres. C’est assez remarquable si on tient compte de sa très courte carrière. Il s’est dit cependant qu’il s’inspirait de l’air du temps, utilisant ce que d’autres musiciens pouvaient interpréter à une époque où beaucoup n’écrivaient pas la musique. Il me semble que c’est plus complexe et qu’il est plutôt difficile de dénouer les fils des interactions entre les musiciens à cette époque où il y avait peu de partitions, peu d’enregistrements et donc surtout une connaissance par l’écoute, ce qui favorise l’appropriation d’airs que l’on peut de toute bonne foi croire originaux. Pour revenir à notre tango du jour et faire les choses Comme il faut, voyons qui est le second auteur, celui de Comparsa criolla, Rafael Iriarte. (1890–1961). Lui aussi a fait le voyage à Paris et Néstor Pinsón évoque une collaboration dans la composition qui aurait eu lieu en 1915. Si on s’intéresse aux enregistrements, les plus anciens semblent dater de 1917 et sont de Arolas lui-même et de la Orquesta Típica Pacho. Les deux disques mentionnent seulement Arolas comme seul compositeur.
Eduardo Arolas et un disque par la Tipica Pacho qui serait également de 1917 selon Enrique Binda, spécialiste de la vieille garde).
Peut-être que le fait que Arolas avait accès au disque à cette époque et pas Iriarte a été un élément. Peut-être aussi que la part d’Arolas était suffisamment prépondérante pour justifier qu’il soit le seul mentionné. Je n’ai pas trouvé de témoignage indiquant une brouille entre les deux hommes, si ce n’est une hypothèse de Néstor Pinsón. Faut-il voir dans le fait que Iriarte signe de son seul nom la version qu’il dépose en 1930 et qui obtiendra un prix, au septième concours organisé par la maison de disque « Nacional ». Ce qui est curieux est que Francisco Canaro, qui était ami de Arolas ait enregistré sa version avec la mention de Iriarte et pas celle de son ami décédé six ans plus tôt. Faut-il voir dans cela une reconnaissance de Canaro pour la part de Iriarte ? Pour vous permettre d’entendre les similitudes, je vous propose d’écouter le début de deux versions. Celui de 1951 de Comme il faut, notre tango du jour par Di Sarli et celui de Comparsa criolla de Tanturi de 1941. J’ai modifié la vitesse de la version de Tanturi pour que les tempos soient comparables.
Débuts de : Comme il faut de Eduardo Arolas par Carlos Di Sarli (1951) et Comparsa criolla de Rafael Iriarte par Ricardo Tanturi (1941).
Autres versions
Comme il s’agit du « même » tango, je vais placer par ordre chronologique plusieurs versions de Comme il faut et de Comparsa criolla.
Comme il faut 1917 — Eduardo Arolas
Les musiciens de l’orchestre de Arolas en 1916. Arolas est en bas, au centre. Juan Marini, pianiste, à gauche, puis Rafael Tuegols et Atilio Lombardo (violonistes) et Alberto Paredes (violonceliste). Ce sont eux qui ont enregistré la version de 1917 de Arolas.
Comme il faut 1917 — Orquesta Típica PachoComparsa criolla 1930-11-18 — Francisco CanaroComme il faut 1936-10-27 — Juan D’ArienzoComme il faut 1938-03-07 — Anibal TroiloComparsa criolla 1941-06-16 — Ricardo TanturiComme il faut 1947-01-14 — Carlos Di SarliComparsa criolla 1950-12-12 — Orchestre Quintin VerduComme il faut 1951-09-26 — Orquesta Carlos Di Sarli.Comme il faut 1955-07-15 — Carlos Di SarliComme il faut 1966-09-30 — Hector VarelaComme il faut 1980 — Alfredo De AngelisComme il faut 1982 — Leopoldo Federico
Mon cher Correcteur, Thierry, m’a fait remarquer que je n’avais pas proposé de versions chantées. N’en ayant pas sous la main, j’ai fait un appel à des collègues qui m’ont proposé deux versions, Nelly Omar avec Bartolomé Palermo de 1997 et Sciamarella Tango con Denise Sciammarella de 2018 :
Comme il faut 1997 — Nelly Omar con Bartolomé Palermo y sus guitarras. Merci à Howard Jones qui m’a signalé cette version.Comme il faut 2013 — Gente de tangoComme il faut 2018 – Sciamarella Tango con Denise Sciammarella. Merci à Yüksel Şişe qui m’a indiqué cette version.Comme il faut 2020-08 — El Cachivache
Je vous propose d’arrêter là les exemples, il y en aurait bien sûr quelques autres et je vous dis, à bientôt les amis !
Gerardo Hernán Matos Rodríguez; (Roberto Firpo) Letra : Pascual Contursi ; Enrique Pedro Maroni ; Gerardo Hernán Matos Rodríguez
S’il est un air que vous avez forcément entendu, c’est à coup sûr La cumparsita. En effet, ce thème commence toutes les milongas traditionnelles et termine la plupart des milongas dans le monde. Il était donc important de faire une anecdote sur La cumparsita, mais c’est là que les difficultés commencent. J’ai plus de 800 cumparsitas et il me fallait choisir.
Une expression de lunfardo témoigne du succès de ce thème « más remanyado que la cumparsita » (plus connu que la cumparsita…).
Cet air a grand succès a été enregistré des centaines de fois et tous les orchestres de tango l’ont à leur répertoire. Il me fallait donc choisir une version pour l’anecdote du jour qui soit un peu emblématique, car je pouvais presque trouver un enregistrement du titre pour chaque jour de l’année. Cependant, dans cette énorme production, il faut bien sûr faire du tri. Supprimer tout ce qui n’est pas du tango traditionnel et donc éliminer les versions en cumbia, rock, tango musette, percussions, a capella, valse (même si j’ai plusieurs versions que je passe parfois) et autres rythmes. J’ai fait le choix d’un tango de danse, ce qui élimine une bonne moitié des versions restantes après la première sélection. Dans les 161 versions restantes, il convenait de choisir les meilleures. Comme je passe deux cumparsitas dans chaque milonga, une au début et une à la fin et que je n’aime pas faire de doublons trop rapprochés, j’ai un peu creusé dans ce stock. Il en restait encore trop pour une anecdote où je me suis fixé la limite de 30 titres. La semaine dernière, Thierry, mon correcteur m’a demandé quelque chose sur la cumparsita et pour lui faire plaisir, j’ai choisi la première date ayant une belle version et c’est donc tombé sur la version de 1951 de D’Arienzo, une version enregistrée le 12 septembre, il y a exactement, 73 ans. D’Arienzo a joué des milliers de fois ce titre et l’a enregistré au moins 8 fois. J’ai donc décidé de limiter cette anecdote aux versions de D’Arienzo. Ne pleurez pas et pour ceux qui me suivent durant mon passage en Europe, je promets de ne pas passer deux fois la même cumparsita. Il me reste 11 milongas à animer avant de rentrer à Buenos Aires, cela fait 22 cumparsitas différentes. Certaines sont sublimes !
Extrait musical
La cumparsita 1951-09-12 — Orquesta Juan D’Arienzo.La joyeuse troupe des amis de Gerardo Hernán Matos Rodríguez défile sur la couverture de droite. Ils sont cités en haut de la partition. À droite Gerardo Hernán Matos Rodríguez devant sa partition chez un éditeur de partitions. On notera que les joyeux fêtards sont remplacés par une femme masquée. Le masque peut évoquer le bal, mais le fait qu’il soit noir peut aussi évoquer une voilette de deuil, celui que décrit Gerardo Hernán Matos Rodríguez dans sa version des paroles.
Paroles
Cette version de D’Arienzo est instrumentale, mais il l’a enregistrée deux fois avec des chanteurs et dans l’immense répertoire, il en existe plusieurs dizaines de versions chantées. Il me semblait donc logique de vous donner les paroles. J’ai retenu les deux versions principales, celle de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni d’une part et celle de Gerardo Hernán Matos Rodríguez qui est l’auteur de l’idée originale et donc ici, en plus de paroles.
Paroles de la version de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni
Si supieras, que aún dentro de mi alma, conservo aquel cariño que tuve para ti… Quién sabe si supieras que nunca te he olvidado, volviendo a tu pasado te acordarás de mí…
Los amigos ya no vienen ni siquiera a visitarme, nadie quiere consolarme en mi aflicción… Desde el día que te fuiste siento angustias en mi pecho, decí, percanta, ¿qué has hecho de mi pobre corazón?
Sin embargo, yo siempre te recuerdo con el cariño santo que tuve para ti. Y estás en todas partes, pedazo de mi vida, y aquellos ojos que fueron mi alegría los busco por todas partes y no los puedo hallar.
Al cotorro abandonado ya ni el sol de la mañana asoma por la ventana como cuando estabas vos, y aquel perrito compañero, que por tu ausencia no comía, al verme solo el otro día también me dejó… Pascual Contursi; Enrique Pedro Maroni
Traduction libre et indications de la version de Pascual Contursi et Enrique Pedro Maroni
Si seulement tu savais que, même dans mon âme, je garde cette affection que j’avais pour toi… Qui sait si tu savais que je ne t’ai jamais oubliée, en revenant à ton passé tu te souviendras de moi… Les amis ne viennent même plus me rendre visite, personne ne veut me consoler dans mon affliction… Depuis le jour où tu es partie, j’ai ressenti de l’angoisse dans ma poitrine, j’ai dit, ma chérie, qu’as-tu fait de mon pauvre cœur ? Cependant, je me souviens toujours de toi avec la sainte affection que j’avais pour toi. Et tu es partout, morceau de ma vie, et ces yeux qui étaient ma joie, je les cherche partout et je ne peux pas les trouver. Au perroquet abandonné, même le soleil du matin ne se penche pas à la fenêtre comme il le faisait lorsque tu étais là, et ce petit chien, compagnon, qui à cause de ton absence ne mangeait pas, à me voir seul l’autre jour, lui aussi m’a quitté…
Paroles de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez
La Cumparsa de miserias sin fin desfila, en torno de aquel ser enfermo, que pronto ha de morir de pena. Por eso es que en su lecho solloza acongojado, recordando el pasado que lo hace padecer.
Abandonó a su viejita. Que quedó desamparada. Y loco de pasión, ciego de amor, corrió tras de su amada, que era linda, era hechicera, de lujuria era una flor, que burló su querer hasta que se cansó y por otro lo dejó.
Largo tiempo después, cayó al hogar materno. Para poder curar su enfermo y herido corazón. Y supo que su viejita santa, la que él había dejado, el invierno pasado de frío se murió
Hoy ya solo abandonado, a lo triste de su suerte, ansioso espera la muerte, que bien pronto ha de llegar. Y entre la triste frialdad que lenta invade el corazón sintió la cruda sensación de su maldad.
Entre sombras se le oye respirar sufriente, al que antes de morir sonríe, porque una dulce paz le llega. Sintió que desde el cielo la madrecita buena mitigando sus penas sus culpas perdonó. Gerardo Hernán Matos Rodríguez
Traduction libre et indications de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez
La Cumparsa des misères sans fin défile, autour de cet être malade, qui va bientôt mourir de chagrin. C’est pourquoi, dans son lit, il sanglote d’angoisse, se rappelant le passé qui le fait souffrir. Il abandonna sa vieille mère. Qu’il avait laissée désemparée. Et fou de passion, aveugle d’amour, il courait après sa bien-aimée, qui était jolie, qui était sorcière, avec convoitise elle était une fleur, qui se moquait de son amour jusqu’à ce qu’elle soit fatiguée et le quitte pour un autre. Longtemps plus tard, il est tombé dans la maison de sa mère pour pouvoir guérir son cœur malade et blessé. Et il sut que sa sainte vieille mère, celle qu’il avait quittée, était morte l’hiver dernier de froid Aujourd’hui seul, abandonné, à la tristesse de son sort, anxieux, il attend la mort, qui ne tardera pas à arriver. Et au sein de la triste froideur qui envahit lentement le cœur, il ressentait la cruelle sensation brute de sa mauvaiseté. Dans l’ombre, on l’entend respirer avec souffrance, à qui avant de mourir, il sourit, parce qu’une douce paix lui vient. Il sentait que depuis le ciel, la bonne petite mère, atténuait ses chagrins et lui pardonnait ses péchés. Aucune de deux versions des paroles est gaie, mais les paroles de la version de Gerardo Hernán Matos Rodríguez vont encore plus loin dans le pathos. Peut-être un peu trop loin…
Autres versions
Je vais me limiter aux seules versions enregistrées par D’Arienzo pour les présentations d’enregistrements. Cela me donnera l’occasion d’en reparler à propos d’autres enregistrements par d’autres orchestres… Voici les 8 version par D’Arienzo :
La cumparsita 1928 — Raquel Notar con acomp. de Orquesta Juan D’Arienzo.La cumparsita (Si supieras) 1928 — Orquesta Juan D’Arienzo con Carlos Dante.La cumparsita 1937-12-14 — Orquesta Juan D’Arienzo.La cumparsita 1943-11-23 — Orquesta Juan D’Arienzo.La cumparsita 1951-09-12 — Orquesta Juan D’Arienzo. C’est notre version du jour.La cumparsita 1963-12-10 — Orquesta Juan D’Arienzo.La cumparsita 1971-12-07 — Orquesta Juan D’Arienzo.
La cumparsita 1972 — Orquesta Juan D’Arienzo. Enregistrement à la télévision.
Gerardo Hernán Matos Rodríguez (“Becho”) fait sa publicité
Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, Gerardo Hernán Matos Rodríguez a refusé l’offre de Roberto Firpo qui voulait que les deux noms soient sur la partition (Firpo-Matos). Firpo a fait passer la composition originale d’une marche composée pour une comparsa (défilé dans un carnaval) à un tango. Il a aussi réalisé la première représentation, au café La Giralada de Montevideo. C’est la raison pour laquelle j’ai rajouté Firpo en vert dans le sous-titre…
Le Café la Giralda en 1918. C’est là qu’a été lancée la Cumparsita, interprétée par Roberto Firpo.
Cette prestation de Firpo est signalée sur le café La Giralda par trois plaques commémoratives. Elle est associée à la composition de Matos.
Les plaques commémoratives sur le mur du café La Giralda.
La cumparsita, un film de Antonio Momplet sorti le 28 août 1947. Version intégrale !
La cumparsita est un film sorti le 28 août 1947. Il est à la gloire de Gerardo Hernán Matos Rodríguez, sur une idée de Gerardo Hernán Matos Rodríguez et avec des musiques de Gerardo Hernán Matos Rodríguez, parmi lesquelles :
La cumparsita
Che, papusa, (avec Cadicamo)
El rosal (Avec Romero)
San Telmo
Mocosita.
D’autres auteurs, il y a également
El choclo (Villoldo et Catan)
El taita del arrabal (Romero)
El entrerriano (Mendizabal)
Vea, Vea (Roberto Firpo et Carlos Waiss)
Garufa (Collazo, Fontaina et Solino)
Apache argentino (Garcia et Brameri)
Donc, quasiment la moitié de Gerardo Hernán Matos Rodríguez. Le film est dirigé par Antonio Momplet avec Nelly Darén, Aída Alberti, José Olarra et l’incontournable Hugo del Carril…
Gerardo Hernán Matos Rodríguez, étudiant en architecture et compositeur…
Vous voulez en savoir plus ?
Il existe une multitude de faits, histoires, légendes, fantasmes autour de La cumparsita. C’est un monument auquel il faut beaucoup de travail pour y mettre un peu d’ordre. Cependant, je vous conseille l’article de Wikipédia qui lui est consacré, il est excellent : Merci à Thierry qui me l’a indiqué.
La cumparsita. La joyeuse bande d’étudiants, défilant sur la musique de marche, se transforme en une marée de lourds spectres avec les paroles de La cumparsita et notamment celles de Gerardo Hernán Matos Rodríguez.
Vous avez peut-être été étonnés de l’image de couverture. Elle évoque une des partitions, dédicacée à ses amis. Mais les paroles, tristes, voire tragiques m’ont incitées à troubler la fête en donnant des allures de spectres aux fêtards.
Je profite de la modification sur l’anecdote sur Poema liée au cadeau par André Vagnon de deux versions très rares pour faire quelques remerciements. L’aventure des anecdotes de tango initiée il y a un peu plus de six mois a bénéficiée de l’aide de différents collègues, de sites et de livres. La petite pause technique, un peu imposée pour les raisons déjà évoquées, me donne l’occasion de donner quelques remerciements. Les collègues TDJ Camilo Gatica, Gabbo Fresedo, André Vagnon (Bible Tango) et Michael Sattler qui m’ont passé des musiques que je n’avais pas et Fred Alard qui par sa lecture attentive m’a fait améliorer certains articles. Merci à Gérard Cardonnet,Anita et Philippe Constant qui m’ont également fourni des informations fort intéressantes et qui ont également écrit d’intéressants commentaires. Je dois également citer mon infatigable correcteur, Thierry Lecoquierre qui traque mes coquilles avec une efficacité redoutable. Un grand merci pour mes partageurs, qui chaque jour ont partagé mes anecdotes sur leurs profils, Tanguy Tango est sur la première marche du podium. Merci à ceux qui mettent de gentils commentaires, comme Angela Cassan (première marche du podium dans cette catégorie) Jean-Philippe Kbcoo, Domi Laure, Merci aux 600 visiteurs quotidiens du site, même si cet afflux me pose des problèmes avec la société qui héberge le site web et qui me dit que je devrais prendre un hébergement web plus cher pour éviter les coupures. “Utilisation de l’UC et des connexions simultanées excèdent régulièrement les ressources disponibles, veuillez considérez (sic) l’évolution vers une gamme supérieure de formule d’hébergement, qui inclurait alors plus de ressources.”… Merci à tous ceux qui mettent des J’aime sur les publications et notamment leur partage dans Facebook. Merci à tous ceux qui lisent, écoutent et me font de temps à autre un petit signe. Merci aux merveilleux DJ de Buenos Aires et qui sont ma référence. Merci à ceux qui me suivent comme DJ également, ces anecdotes sont indissociables de cette activité. Mieux connaître le répertoire, c’est pouvoir offrir la bonne musique au bon moment. Merci à ceux qui m’ont laissé de gentils commentaires dans mon livre d’or.
Bref, merci à tous (moins un qui se reconnaîtra, même si comme je l’ai fait à diverses reprises, je lui tends la main pour faire la paix, ce qu’il a à chaque fois refusé, préférant continuer la guerre qu’il a initiée).
Merci à mes principaux sites de référence :
Tango-dj.at La meilleure référence pour avoir les dates d’enregistrement et les auteurs des tangos. TodoTango.com Une référence incontournable pour ceux qui s’intéressent au tango. La Bible TangoUne autre référence, notamment pour le tango européen. Milongaophelia Qui propose de nombreux articles de fond, une belle iconographie et qui est très utile pour le tango à Paris au début du vingtième siècle. Tangos al bardo Le site passionnant et incontournable de José María Otero Michael Lavocah,Pour être sincère, je n’ai lu qu’un article de son site, mais il me semble être une importante ressource. Je viens de recevoir son livre Histoire de tango qui est plutôt bien fait. Je vous le recommande.
Pour les livres, cela serait un peu long
J’en ai cité quelques-uns dans mes anecdotes, mais impossible de tous les citer. Je vous donne juste quelques petites perles en attendant :
Mis memorias(1906–1956) Mis bodas de oro con el tango (Francisco Canaro). Un des plus intéressants, car autobiographique. Osvaldo Pugliese, une vida en el tango (Oscar del Priore). Un peu court, mais bien documenté. Osvaldo Pugliese, Testimonios de mi vida (Beba Pugliese). Par la fille de Pugliese. Osvaldo Pugliese al Colón (Arturo M. Lozza). Merci à Denis Torres qui m’a fait parvenir une version PDF, plus facile à trimbaler que la version papier que j’utilisais. Un très bon ouvrage. El tango en la sociedad portena 1880–1920 (Lamas Binda), qui a écrit beaucoup et dont je recommande la plupart des écrits. De plus, il est spécialiste des tangos de la vieille garde). La historia del tango en Paris (Enrique Cadicamo). Así nacieron los tangos (Francisco García Jiménez). Cien tangos fundamentales (Oscar del Priore y Irene Amuchástegui). El origen del tango (Roberto Selles). Les livres de Felipe Pigna sur l’histoire argentine (Pas directement lié au tango, mais comme ces derniers s’inscrivent dans l’histoire du pays, il faut un peu de culture historique). Et les nombreuses discographies et catalogues de maisons d’édition qui permettent de lever bien des doutes.
Carlos Gardel, José Razzano Letra: Celedonio Esteban Flores
Hier, en fouillant dans les vidéos de La yumba, sans doute l’œuvre où on a le plus de vues de Pugliese jouant et dirigeant son orchestre, une vidéo a attiré mon attention. Il s’agit d’un concert donné en 1987 où Roberto Goyeneche a été accompagné par l’orchestre de Osvaldo Pugliese. Cette rencontre au sommet entre ces deux idoles du tango a donc été filmée et j’ai pensé que je devais vous partager ce morceau d’anthologie qui a été enregistré il y a exactement 37 ans, jour pour jour. Je pourrai rajouter que les auteurs sont eux aussi plutôt fameux, puisqu’il s’agit de Carlos Gardel et José Razzano pour la composition et Celedonio Esteban Flores pour les paroles.
Mano a mano, Osvaldo Pugliese et Roberto Goyeneche
Partition de Mano a mano de Carlos Gardel et José Razzano avec des paroles de Celedonio Flores.
Mano a mano — Roberto Goyeneche con Osvaldo Pugliese y su orquesta. Enregistrement public au Teatro Opera de Buenos Aires (Avenida Corrientes 860) le 22 août 1987
Je pense que vous serez d’accord pour dire que cette vidéo est un monument d’amitié, de respect et d’émotion. Un très grand moment du tango.
Paroles
Rechiflado en mi tristeza, te evoco y veo que has sido en mi pobre vida paria sólo una buena mujer. Tu presencia de bacana puso calor en mi nido, fuiste buena, consecuente, y yo sé que me has querido cómo no quisiste a nadie, como no podrás querer.
Se dio el juego de remanye cuando vos, pobre percanta, gambeteabas la pobreza en la casa de pensión. Hoy sos toda una bacana, la vida te ríe y canta, Los morlacos del otario los jugás a la marchanta como juega el gato maula con el mísero ratón.
Hoy tenés el mate lleno de infelices ilusiones, te engrupieron los otarios, las amigas y el gavión; la milonga, entre magnates, con sus locas tentaciones, donde triunfan y claudican milongueras pretensiones, se te ha entrado muy adentro en tu pobre corazón.
Nada debo agradecerte, mano a mano hemos quedado; no me importa lo que has hecho, lo que hacés ni lo que harás… Los favores recibidos creo habértelos pagado y, si alguna deuda chica sin querer se me ha olvidado, en la cuenta del otario que tenés se la cargás.
Mientras tanto, que tus triunfos, pobres triunfos pasajeros, sean una larga fila de riquezas y placer; que el bacán que te acámala tenga pesos duraderos, que te abrás de las paradas con cafishos milongueros y que digan los muchachos: Es una buena mujer. Y mañana, cuando seas descolado mueble viejo y no tengas esperanzas en tu pobre corazón, sí precisás una ayuda, si te hace falta un consejo, acordate de este amigo que ha de jugarse el pellejo pa’ayudarte en lo que pueda cuando llegue la ocasión. Carlos Gardel, José Razzano Letra: Celedonio Esteban Flores
Traduction libre et indications
Entravé (rechiflado peut signifier amoureux, enthousiaste, fou…) dans ma tristesse, je t’évoque et je vois que tu as été dans ma pauvre vie de paria seulement une femme bonne. Ta présence de femme (multitude d’acceptions allant de tenancière de bordel à concubine en passant par amante d’un homme riche) a mis de la chaleur dans mon nid, tu étais bonne, conséquente, et je sais que tu m’as aimé comme tu n’as aimé personne, comme tu ne pourras pas aimer. Il y avait un jeu de soupçon quand toi, pauvre femme (amante, concubine), tu dribblais (essayer d’esquiver, comme au football) la pauvreté dans la pension. Aujourd’hui, tu as une femme établie (probablement tenancière de maison close), la vie rit et chante pour toi, les morlacos (pesos, argent) de l’otario (idiot, niais, cave) tu les joues à la marchanta (action de jeter des pièces à des personnes pauvres pour qu’elles se jettent dessus en se battant) comme le chat joue avec la misérable souris. Aujourd’hui, tu as le mate plein d’illusions malheureuses, tu as été gonflé par les otarios, les amis et le chéri (fiancé…) ; La milonga, chez les magnats, avec ses folles tentations, où les milongueras triomphent et chutent, est entrée profondément dans ton pauvre cœur. Je n’ai rien que je doive te remercier, main dans la main nous sommes restés ; peu importe ce que tu as fait, ce que tu fais ou ce que tu feras… Je crois t’avoir payé les faveurs que j’ai reçues, et si j’ai oublié par hasard quelque petite dette, tu la chargeras sur le compte de l’otario que tu as. En attendant que tes triomphes, pauvres triomphes éphémères, soient une longue lignée de richesses et de plaisirs ; que le bacán (riche), qui t’a dans son lit, ait des pesos durables, que tu t’ouvres des parades avec des proxénètes milongueros et que les garçons disent : c’est une femme bonne. Et demain, quand tu seras défraîchie (passée de mode), un vieux meuble et que tu n’auras plus d’espoir dans ton pauvre cœur, si tu as besoin d’aide, si tu as besoin de conseils, souviens-toi de cet ami qui risquera sa peau pour t’aider de toutes les manières possibles lorsque l’occasion se présentera.
Autres versions
Il y a des centaines d’autres versions, à commencer par celles de Gardel, lui-même, mais aujourd’hui j’avais plutôt envie de vous faire partager la formidable camaraderie des gens de tango. Ce sera donc pour une autre fois… Je vais à la place vous dire quelques mots sur le chanteur, Roberto Goyeneche.
Roberto Goyeneche
Goyeneche, le Polonais (El Polaco), arrive un peu après la bataille, puisqu’il ne commence sa carrière qu’en 1944. Il était alors âgé de 18 ans, son retard dans le mouvement du tango est donc plutôt de la faute de ses parents 😉 En revanche, il compense cela par une diction ferme et un phrasé très particulier qui font que l’on tombe obligatoirement sous son charme. Arriver tard, n’est pas forcément une mauvaise chose dans la mesure où à partir des années 50, le tango devient surtout une activité de concert, plus que de danse. La radio, les disques et la télévision étaient friands de ces chanteurs expressifs et Goyeneche a su créer l’engouement dans le public. Dans les années 40, un de ses collègues de l’orchestre de Horacio Salgán, le chanteur Ángel Díaz, lui donna son surnom de Polaco (Polonais). Son passage dans l’orchestre de Aníbal Troilo affermit sa gloire naissante, mais le fait qu’il donne une vision personnelle des grands titres du répertoire a également attiré la sympathie du public. Il a su ainsi personnaliser son répertoire, en renouvelant des titres qui étaient déjà fameux par d’autres chanteurs. Par exemple, notre tango du jour avait été particulièrement apprécié, notamment par Carlos Gardel (son auteur), Charlo, Jorge Omar, Héctor Palacios, Roberto Maida, Carlos Dante et même Nina Miranda (en duo avec Roberto Líster), Carlos Roldán et Julio Sosa, el Varon del tango. Il convenait donc de se démarquer et Goyeneche sut le faire, faisant souvent oublier les versions antérieures pour que le public ne retienne que la sienne, celle du chanteur avec la voix de sable, garganta con arena (gorge avec du sable). Cacho Castaña a d’ailleurs fait une chanson hommage au Polaco, Garganta con arena.
Garganta con arena
Je vous propose de terminer avec la chanson de Cacho Castaña en l’honneur de Roberto Goyeneche. Cacho a composé cette chanson, quelques mois avant la mort de Roberto. Ce dernier en entendant la chanson fredonnée dans la loge par Cacho Castaña s’est écrié, « Mais je suis encore vivant, che! » et il a demandé à Adriana Varela qui était également présente de l’enregistrer, ce qui fut fait, elle a enregistré la chanson, avant Cacho. Seize ans plus tard, Cacho et Adriana chantent le titre en duo. C’est la vidéo que je vous propose de voir maintenant.
Garganta con arena, la chanson de Cacho Castaña en l’honneur de Roberto Goyeneche, ici, en 2010 chanté par Cacho Castaña et Adriana Varela.
Paroles
Ya ves, el día no amanece Polaco Goyeneche, cántame un tango más Ya ves, la noche se hace larga Tu vida tiene un karma: Cantar, siempre cantar
Tu voz, que al tango lo emociona Diciendo el punto y coma que nadie le cantó Tu voz, con duendes y fantasmas Respira con el asma de un viejo bandoneón
Canta, garganta con arena Tu voz tiene la pena que Malena no cantó Canta, que Juárez te condena Al lastimar tu pena con su blanco bandoneón
Canta, la gente está aplaudiendo Y aunque te estés muriendo, no conocen tu dolor Canta, que Troilo desde el cielo Debajo de tu almohada, un verso te dejó
Cantor de un tango algo insolente Hiciste que a la gente le duela, le duela tu dolor Cantor de un tango equilibrista Más que cantor, artista con vicios de cantor
Ya ves, a mí y a Buenos Aires Nos falta siempre el aire cuando no está tu voz A vos, que tanto me enseñaste El día que cantaste conmigo una canción
Canta, garganta con arena Tu voz tiene la pena que Malena no cantó Canta, que Juárez te condena Al lastimar tu pena con su blanco bandoneón
Canta, la gente está aplaudiendo Y aunque te estés muriendo, no conocen tu dolor Canta, que Troilo desde el cielo Debajo de tu almohada, un verso te dejó Cacho Castaña
Traduction libre de Garganta con arena
Tu vois, le jour ne se lève pas. Polaco Goyeneche, chante-moi encore un tango. Tu vois, la nuit se fait longue. Ta vie a du karma : Chante, chante toujours Ta voix, qui émeut le tango, disant le point-virgule que personne jamais n’a chanté. Ta voix, avec des lutins (duendes, sorte de gnomes de la mythologie espagnole et argentine) et des fantômes, respirez avec l’asthme d’un vieux bandonéon.
Chante, gorge avec du sable. Ta voix a le chagrin que Malena n’a pas chanté. Chante, que Juárez te condamne en blessant ton chagrin avec son bandonéon blanc. (Rubén Juárez était un jeune chanteur de 21 ans de moins que Goyeneche, qui s’accompagnait au bandonéon, ce qui est très rare. Troilo, lui-même, chantait parfois quelques instants, mais jamais une véritable partie de chanteur. Goyeneche a dit de Juárez : « Dans un an, on parlera beaucoup de ce gamin ; dans deux ans, il nous coupera la tête à tous.»). Chante, les gens applaudissent. Et même si tu te meurs, ils ne connaissent pas ta douleur. Chante, que Troilo depuis le ciel, sous ton oreiller, un couplet, il t’a laissé.
Chanteur d’un tango un peu insolent, tu as fait que les gens aient mal, que ta douleur fasse mal. Chanteur d’un tango équilibriste, plus qu’un chanteur, un artiste avec des vices de chanteur. Tu vois, à moi et à Buenos Aires, nous manquons toujours d’air quand ta voix n’est pas là. À toi, qui m’as tant appris le jour où tu as chanté une chanson avec moi.
Au revoir, les amis, au revoir Monsieur Goyeneche.
Invierno est sans doute un des tangos préférés des danseurs qui aiment Canaro. Avec un nom pareil, on se doute qu’on va parler de froid, d’hiver, en somme, mais avez-vous fait attention aux émouvantes paroles de Cadícamo ? Je vous offre en prime le texte complet de Cadícamo. Prenez votre manteau et votre écharpe et entrons au cœur de l’hiver.
Extrait musical
Invierno 1937-08-19 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto MaidaDisque et partition de Invierno
Il n’est pas sûr, qu’il soit nécessaire de décrire cet enregistrement tant il est connu. On notera l’intervention des instruments à vent (cuivres) typiques de Canaro. Le rythme est appuyé, comme un celui d’un homme marchant dans une neige épaisse. La voix de Maida, survole l’orchestre qui atténue ses pas lourds pour laisser la place au chanteur. C’est du Canaro typique et efficace. D’ailleurs, les orchestres contemporains qui reprendront le titre s’inspireront assez fortement de cette version pour faire leurs propres versions. Nous en verrons quelques-unes en fin d’article.
Paroles
Desde aquel balcón Baja una canción, Que es como un jirón De una esperanza… Su intención es la desesperanza cruel Que me arrincona más En esta soledad. Desde aquel balcón Rueda una canción, Que en la noche negra Dice así:
Volvió… El invierno con su blanco ajuar, Ya la escarcha comenzó a brillar En mi vida sin amor. Profundo padecer Que me hace comprender, Que hallarse solo, es un horror.
Y al ver… Cómo soplan en mi corazón, Vientos fríos de desolación Quiero llorar. Porque mi alma lleva Brumas de un invierno, Que hoy no puedo disipar…
En aquel balcón Cesa la canción, Pero igual la escuchan mis oídos Y es que por el eco perseguido estoy. Y todo su dolor Embarga el corazón. Para qué querré Esta vida yo, Cuando no me queda juventud… Horacio Gemignani Pettorossi Letra: Enrique Domingo Cadícamo
Roberto Maida chante uniquement ce qui est en gras, c’est-à-dire le texte annoncé comme étant la chanson écoutée par le narrateur.
Traduction libre
Depuis ce balcon, une chanson descend, qui est comme un lambeau d’espoir… Son sujet est le désespoir cruel qui m’enfonce davantage dans cette solitude. Depuis ce balcon roule une chanson qui, dans la nuit noire, dit ceci : Il est revenu… L’hiver avec ses atours blancs, Déjà le givre a commencé à briller dans ma vie sans amour. Une souffrance profonde qui me fait comprendre qu’être seul, c’est une horreur. Et quand je vois… Comme ils soufflent dans mon cœur, les vents froids de la désolation, j’ai envie de pleurer. Parce que mon âme porte les brumes d’un hiver, qu’aujourd’hui je ne peux pas dissiper… Sur ce balcon, la chanson s’arrête, mais mes oreilles l’entendent encore, car l’écho me poursuit. Et toute sa douleur paralyse le cœur. Pourquoi, moi, voudrais-je cette vie, alors que je n’ai plus de jeunesse…
Autres versions
Je serai tenté de dire qu’il n’y a pas d’autre version, mais ce ne serait pas sympathique pour les orchestres contemporains qui ont remis le titre à la mode. Je signale tout de même qu’il existe au moins deux autres tangos qui s’appellent Invierno, composés par Arturo Bettoni avec des paroles de Ramón Abellá (Rafael Jorge Abellá) pour le premier et Eduardo Bianco avec Araujo (paroles et musique) pour le second. Je vous propose seulement ici, les versions issues de Horacio Gemignani Pettorossi et Enrique Domingo Cadícamo.
Invierno 1937-08-19 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida. C’est notre tango du jour.Invierno 2013-11-30 — Hyperion Ensemble con Rubén PeloniInvierno 2015 — Cuarteto Mulenga con Maximiliano AgüeroInvierno 2015 — Orquesta Típica Misteriosa con Carlos RossiInvierno 2015c — Solo Tango OrquestaInvierno 2017-10 — Orquesta Romántica Milonguera con Marisol Martínez y Roberto Minondi.
Une orchestration originale et un duo, homme femme, comment résister à cette version ?
Invierno 2018 — Orquesta Típica Misteriosa con Eliana Sosa
De nouveau la Misteriosa dans une autre version, cette fois chantée par une femme, Eliana Sosa. Merci à Thierry, mon, talentueux correcteur qui détecte les coquille et a remarqué que j’avais mis deux fois la même version de Invierno par la Típica Misteriosa. Maintenant, vous avez bien ici Eliana Sosa qui a également enregistré avec Juan Pablo Gallardo et a réalisé deux disques, Sinergia tanguera et De donde vengo (dans lequel elle chante également ses propres compositions).
Et pour terminer en vidéo, un enregistrement de 2017 du Cuarteto Mulenga à la milonga Parakultural.
Juan Viladomat Masanas Letra: Félix Garzo (Antonio José Gaya Gardus)
On sait maintenant que fumer n’est pas bon pour la santé, mais dans la mythologie du tango, la cigarette, cigarillo, pucho, faso et sa fumée ont inspiré les créateurs quand eux-mêmes inspiraient les volutes de fumée. Notre tango du jour est à la gloire de la fumée, au point qu’il est devenu objet de propagande publicitaire. Mais nous verrons que le tango a aussi servi à lutter contre le tabac qui t’abat. Je pense que vous découvrirez quelques scoops dans cette anecdote fumante.
Extrait musical
Fumando espero 1927-07-21 — Orquesta Típica Victor — Dir. Adolfo Carabelli.
Cette très belle version souffre bien sûr de son ancienneté et du style de l’époque, mais les contrepoints sont superbes et la rythmique lourde est compensée par de jolis traits. J’aime beaucoup les passages legato des violons.
Maintenant que vous l’avez écouté, nous allons entrer dans le vif d’un sujet un peu fumeux, tout d’abord avec des couvertures de partitions.
Fumando espero. Diverses partitions.
On notera que trois des partitions annoncent la création, mais par des artistes différents… Création de Ramoncita Rovira (Partition éditée par Ildefonso Alier) à Madrid en 1925. Création de Pilar Berti pour la publication de Barcelone, DO-RE-MI qui publiait chaque semaine une partition. Mais c’est une autre Pilar (Arcos) qui l’enregistrera à diverses reprises. Tania Mexican, créatrice de ce magnifique tango, annonce cette partition. Tania aurait été la première à le chanter à Buenos Aires. Ce n’est pas impossible dans la mesure où cette Espagnole de Tolède est arrivée en Argentine en 1924. Elle fut la compagne de Enrique Santos Discépolo. Si on peut voir la mention « « « Mexican » à côté de son nom, c’est qu’elle est arrivée à Buenos Aires avec le Conjunto The Mexicans…
Après les éditions espagnoles, voici celles d’Amérique latine, plus tardives, elles ont suivi le trajet de la musique. Felix Carso au lieu de Carzo pour l’édition brésilienne de 1927. L’éditeur, Carlos Wehrs vendait aussi des pianos. Tango de Veladomato (au lieu de Veladomat (non catalan) pour l’édition chilienne. Ces cinq partitions sont de la première vague (années 20–30)
La partition éditée par las Ediciones Internacionales Fermata avec la photo de Héctor Varela en couverture date des années 50. Probablement de 1955, date de l’enregistrement par Varela de ce titre.
Paroles
Fumar es un placer genial, sensual. Fumando espero al hombre a quien yo quiero, tras los cristales de alegres ventanales. Mientras fumo, mi vida no consumo porque flotando el humo me suelo adormecer… Tendida en la chaise longue soñar y amar… Ver a mi amante solícito y galante, sentir sus labios besar con besos sabios, y el devaneo sentir con más deseos cuando sus ojos veo, sedientos de pasión. Por eso estando mi bien es mi fumar un edén.
Dame el humo de tu boca. Anda, que así me vuelvo loca. Corre que quiero enloquecer de placer, sintiendo ese calor del humo embriagador que acaba por prender la llama ardiente del amor.
Mi egipcio es especial, qué olor, señor. Tras la batalla en que el amor estalla, un cigarrillo es siempre un descansillo y aunque parece que el cuerpo languidece, tras el cigarro crece su fuerza, su vigor. La hora de inquietud con él, no es cruel, sus espirales son sueños celestiales, y forman nubes que así a la gloria suben y envuelta en ella, su chispa es una estrella que luce, clara y bella con rápido fulgor. Por eso estando mi bien es mi fumar un edén.
Fumer est un plaisir génial, sensuel. En fumant, j’attends l’homme que j’aime, derrière les vitres de fenêtres gaies. Pendant que je fume, ma vie, je ne la consomme pas parce que la fumée qui flotte me rend généralement somnolente… Allongée sur la chaise longue, rêver et aimer… (On notera que la chaise longue est indiquée en français dans le texte). Voir mon amant plein de sollicitude et galant, de sentir ses lèvres embrasser de baisers sages, et d’éprouver plus de désir quand je vois ses yeux assoiffés de passion. C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén (marque de cigarettes, voir ci-dessous les détails). Donne-moi la fumée de ta bouche. Allez, qu’ainsi je devienne folle. Cours, que j’ai envie de devenir folle de plaisir, en sentant cette chaleur de la fumée enivrante qui finit par allumer la flamme brûlante de l’amour. Mon égyptien (tabac égyptien) est spécial, quelle odeur, monsieur. Après la bataille dans laquelle l’amour explose, une cigarette est toujours un repos et bien qu’il semble que le corps languisse, après le cigare (en lunfardo, el cigarro est le membre viril…), sa force, sa vigueur, grandissent. L’heure de l’agitation avec lui n’est pas cruelle, ses spirales sont des rêves célestes, et forment des nuages qui s’élèvent ainsi vers la gloire et enveloppés d’elle, son étincelle est une étoile qui brille, claire et belle d’un éblouissement rapide. C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén.
La cigarette et le tango
Ce tango serait une bonne occasion pour parler du thème de la cigarette et du tango. Étant non-fumeur, je béni la loi 1799 (Buenos Aires) qui fait que depuis octobre 2006, il est interdit de fumer dans les lieux publics. Cela a largement amélioré la qualité de l’air dans les milongas. La loi 3718 (décembre 2010) renforce encore ces interdictions et donc depuis 5 janvier 2012, il est totalement interdit de fumer dans les lieux publics et les espaces fumeurs intérieurs sont interdits. Cependant, imaginez l’atmosphère au cours du vingtième siècle, époque où le tabac faisait des ravages. Le tango du jour peut être considéré comme une publicité pour le tabac et même une publicité pour le tabac égyptien d’une part et la marque Edén qui était une marque relativement luxueuse.
Avec Edén, allez plus vite au paradis
Dans ce tango, sont cités deux types de tabac, l’égyptien et les cigarettes à base de tabac de la Havane. Je pourrais rajouter le cigare de la Havane, mais je pense que la référence au cigare est plus coquine que relative à la fumée… Les cigarettes Edén étaient commercialisées en deux variétés, la n° 1, fabriqué avec du tabac de la Havane, coûtait 30 cents et la n° 2, avec un mélange de tabac de la Havane et de Bahia, 20 cents le paquet.
À gauche, paquet de tabac égyptien. À droite, publicité pour les cigarettes Edén (1899). Clodimiro Urtubey est le créateur de la marque
Les tangos faisant la propagande du tabac
On peut bien sûr inclure notre tango du jour (Fumando espero (1922), puisqu’il cite des marques et l’acte de fumer. Cependant, rien ne prouve que ce soient des publicités, même déguisées. La référence au tabac égyptien peut être une simple évocation du luxe, tout comme la marque Edén qui en outre rime avec bien. Par ailleurs, l’auteur de la musique, Juan Viladomat semble être un adepte des drogues dans la mesure où il a également écrit un tango qui se nomme La cocaína avec des paroles de Gerardo Alcázar.
Partition de La cocaina de Juan Viladomat avec des paroles de Gerardo Alcázar.La cocaína 1926 — Ramoncita Rovira.
La cocaína 1926 — Ramoncita Rovira. Cette pièce faisait partie du Guignol lyrique en un acte « El tango de la cocaína » composé par Juan Viladomat avec un livret de Amichatis et Gerardo Alcázar.
J’imagine donc qu’il a choisi le thème sans besoin d’avoir une motivation financière… D’autres tangos sont dans le même cas, comme : Larga el pucho (1914), Sobre el pucho (1922), Fume Compadre (ou Nubes de humo, 1923), Como el humo (1928), Cigarillo (1930), Pucho 1932, Tabaco (1944), Sombra de humo (1951), Un cigarillo y yo (1966) et bien d’autres qui parlent à un moment ou un autre, de fumée, de cigarette (cigarillo/pucho/faso) ou de tabac.
Cigarrillo 1930-07-17 — Orquesta Francisco Canaro con Luis Díaz (Adolfo Rafael Avilés Letra: Ernesto E. de la Fuente).
Attention, ne pas confondre avec le tango du même nom qui milite contre le tabac et que je présente ci-dessous… Sur le fait que Canaro n’a pas fait cela pour de l’argent, j’ai tout de même un petit doute, il avait le sens du commerce…
En revanche, d’autres tangos ont été commandités par des marques de cigarettes. Parmi ceux-ci, citons :
América (qui est une marque de cigarettes) Fumando Sudan, espero (Sudan est une marque de cigarette et Pilar Arcos a enregistré cette version publicitaire en 1928).
Paquet en distribution gratuite et vignettes de collection (1920) des cigarettes Soudan, une marque brésilienne créée par Sabbado D’Angelo en 1913.Fumando Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orquesta Tipica Dir. Louis Katzman.
Le nom des cigarettes ne vient pas du pays, le Soudan, mais de l’utilisation des premières lettres du nom du fondateur de la marque, S de Sabado, Um(N) de Umberto et DAN de D’Angelo… Quoi qu’il en soit, cette marque ne reculait devant aucun moyen marketing, distribution gratuite, images de collection, version chantée… Cela me fait penser à cette publicité argentine pour la première cigarette…
Publicité argentine pour la première cigarette mettant en scène un enfant… La cigarette est au premier plan à gauche. On imagine la suite.
Sello azul (qui est une marque de cigarettes).
Sello Azul de Sciammarella et Rubistein, et à droite, un paquet de ces cigarettes…
Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos dont je vous propose ici les paroles qui sont un petit chef‑d’œuvre de marketing de bas étage :
Couverture de la partition de Aprovechá la bolada — Fumá Caranchos de Francisco Bohigas
Paroles de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos
Che Panchito, no seas longhi, calmá un poco tu arrebato que el que tiene una papusa cual la novia que tenés, no es de ley que se suicide por el hecho de andar pato; a la suerte hay que afrontarla con bravura y altivez. Donde hay vida hay esperanza, no pifiés como un incauto. Y a tu piba no le arruines su palacio de ilusión vos querés dártela seca porque sueña con un auto, una casa y otras yerbas; yo te doy la solución. Refrán: Fumá Caranchos no seas chancleta, que en cada etiqueta se encuentra un cupón. Seguí mi consejo, prendete, che Pancho que está en Los Caranchos tu gran salvación. Fumá Caranchos, que al fin del jaleo en el gran sorteo te vas a ligar una casa posta, un buick de paseo y el sueño de tu piba se va a realizar. Ya se me hace, che Panchito, que te veo muy triunfante, dando dique a todo el mundo con un buick deslumbrador, por Florida, por Corrientes, con tu novia en el volante propietario de una casa que será nido de amor. Sin embargo, caro mio, si no entrás en la fumada, serás siempre un pobre loco que de seco no saldrá. Vos buscate tu acomodo, aprovechá la bolada, fumá Caranchos querido, que tu suerte cambiará. Fumá Caranchos, no seas chancleta que en cada etiqueta se encuentra el cupón.
Francisco Bohigas
Traduction libre de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos (Saute sur ta chance, fume Caranchos)
Che Panchito, ne sois pas un manche, calme un peu ton emportement, car celui qui a une poupée comme la petite amie que tu as, il n’est pas juste pour lui de se suicider, car il a fait le canard (« cada paso una cagada », le canard a la réputation de faire une crotte à chaque pas, une gaffe à chaque pas) ; la chance doit être affrontée avec bravoure et arrogance. Là où il y a de la vie, il y a de l’espoir, ne faites pas de gaffes comme un imprudent. Et ne ruine pas le palais d’illusion de ta poupée, tu te vois fauché parce qu’elle rêve d’une voiture, d’une maison et d’autres trucs ; Je vais te donner la solution. Fume Caranchos ne sois pas une mauviette, car sur chaque étiquette, se trouve un coupon. Suis mon conseil, allume, che Pancho, ton grand salut est dans les Caranchos. Fume des Caranchos, parce qu’à la fin du tirage de la grande tombola, tu vas recevoir une maison excellente, une Buick pour la balade et le rêve de ta chérie va se réaliser. Il me semble, che Panchito, que je te vois très triomphant, te pavanant devant tout le monde avec une Buick éblouissante, dans Florida, dans Corrientes, avec ta copine au volant et propriétaire d’une maison qui sera un nid d’amour. Cependant, mon cher, si tu ne te lances pas dans la fumée, tu seras toujours un pauvre fou qui ne sortira pas de la dèche. Tu trouveras ton logement, profite de la chance, fume, mon cher, Caranchos, ta chance va tourner. Fume des Caranchos, ne sois pas une mauviette, car sur chaque étiquette se trouve le coupon. On notera qu’il a fait un tango du même type Tirate un lance (tente ta chance), qui faisait la propagande d’un tirage au sort d’un vin produit par les caves Giol7. Ne pas confondre avec le tango du même titre écrit par Héctor Marcó et chanté notamment par Edmundo Rivero.
Le tango contre le tabac
Même si l’immense des tangos fait l’apologie de la cigarette, certains dénoncent ses méfaits en voici un exemple :
Paroles de Cigarrillo de Pipo Cipolatti (musique et paroles)
Tanto daño, tanto daño provocaste a toda la humanidad. Tantas vidas, tantas vidas de muchacho te fumaste… yo no sé. Apagando mi amargura en la borra del café hoy te canto, cigarrillo, mi verdad…
Cigarrillo… compañero de esas noches, de mujeres y champagne. Muerte lenta… cada faso de tabaco es un año que se va… Che, purrete, escuchá lo que te digo, no hagas caso a los demás. El tabaco es traicionero te destruye el cuerpo entero y te agrega más edad… El tabaco es traicionero, te destruye el cuerpo entero… ¡y qué! y esa tos te va a matar…
¡Ay, que lindo !… Ay, que lindo que la gente comprendiera de una vez lo difícil, lo difícil que se hace, hoy en día, el respirar. Es el humo del cilindro maquiavélico y rufián que destruye tu tejido pulmonar
Pipo Cipolatti
Traduction libre des paroles de Cigarrillo
Tant de dégâts, tant de dégâts tu as causé à toute l’humanité. Tant de vies, tant de vies d’enfants tu as fumé… Je ne sais pas. Éteignant mon amertume dans le marc de café, aujourd’hui je te chante, cigarette, ma vérité… Cigarette… Compagne de ces nuits, des femmes et de champagne. Mort lente… Chaque cigarette (faso, cigarette en lunfardo) est une année qui s’en va… Che, gamin, écoute ce que je te dis, ne fais pas attention aux autres. Le tabac est traître, il détruit le corps en entier et t’ajoute plus d’âge… Le tabac est traître, il détruit le corps entièrement… et puis ! Et cette toux va te tuer… Oh, comme ce serait bien !… Oh, comme ce serait bien que les gens comprennent une fois pour toutes combien le difficile, combien il est difficile de respirer aujourd’hui. C’est la fumée du cylindre machiavélique et voyou qui détruit ton tissu pulmonaire
Si on rajoute un autre de ses tangos Piso de soltero qui parle des relations d’un homme avec d’autres hommes et des femmes et des alcools, vous aurez un panorama des vices qu’il dénonce.
Autres versions
Il y a des dizaines de versions, alors je vais essayer d’être bref et de n’apporter au dossier que des versions intéressantes, ou qui apportent un autre éclairage. Ce que l’on sait peu, est que ce tango est espagnol, voire catalan et pas argentin… Juan Viladomat est de Barcelone et Félix Garzo de Santa Coloma de Gramenet (sur la rive opposée du río Besós de Barcelone). Le tango (en fait un cuplé, c’est-à-dire une chanson courte et légère destinée au théâtre) a été écrit pour la revue La nueva España, lancée en 1923 au teatro Victoria de Barcelona. La première chanteuse du titre en a été Ramoncita Rovira née à Fuliola (Catalogne). Je rappelle que Ramoncita a aussi lancé le tango La cocaína que l’on a écouté ci-dessus. Ramoncita, l’aurait enregistré en 1924, mais je n’ai pas ce disque. D’autres chanteuses espagnoles prendront la relève comme Pilar Arcos, puis Sara Montiel et ensuite Mary Santpere bien plus tard.
Fumando-Espero 1926-08 – Orquesta Del Maestro Lacalle.
Ce disque Columbia No.2461‑X tiré de la matrice 95227 a été enregistré en août 1926 à New York où le Maestro Lacalle (la rue), d’origine espagnole, a fini sa vie (11 ans plus tard). C’est une version instrumentale, un peu répétitive. L’avantage d’avoir enregistré à New-York est d’avoir bénéficié d’une meilleure qualité sonore, grâce à l’enregistrement électrique. Le même jour, il a enregistré Langosta de Juan de Dios Filiberto, mais il en a fait une marche joyeuse qui a peu à voir avec le tango original.
Disque enregistré à New York en 1926 par El Maestro Lacalle de Fumando Espero et Langosta.
On est donc en présence d’un tango 100 % espagnol et même 100 % catalan, qui est arrivé à New York en 1926, mais ce n’est que le début des surprises.
Fumando Espero 1926-10-18 — Margarita Cueto acc. Orquesta Internacional — Dir.Eduardo Vigil Y Robles. Un autre enregistrement new-yorkais et ce ne sera pas le dernier…
Fumando espero 1926-10-29 — Orquesta Internacional — Dir. Eduardo Vigil Y Robles. Quelques jours après l’enregistrement avec Margarita Cueto, une version instrumentale.
On quitte New York pour Buenos Aires…
Fumando espero 1927-07-11 — Rosita Quiroga con orquesta.
Rosita Quiroga, la Édith Piaf de Buenos Aires, à la diction et aux manières très faubouriennes était sans doute dans son élément pour parler de la cigarette. On est toutefois loin de la version raffinée qui était celle du cuplé espagnol d’origine.
Fumando espero 1927-07-21 — Orquesta Típica Victor — Dir. Adolfo Carabelli.
C’est notre superbe version instrumentale du jour, magistralement exécutée par l’orchestre de la Victor sous la baguette de Carabelli.
Fumando espero 1927 — Sexteto Francisco Pracánico.
Une autre version instrumentale argentine. Le titre a donc été adopté à Buenos Aires, comme en témoigne la succession des versions.
Fumando espero 1927-08-20 – Orquesta Francisco Lomuto.
Une version un peu frustre à mon goût.
Fumando espero 1927-08-23 – Orquesta Roberto Firpo.
Firpo nous propose une superbe introduction et une orchestration très élaborée, assez rare pour l’époque. Même si c’est destiné à un tango un peu lourd, canyengue, cette version devrait plaire aux danseurs qui peuvent sortir du strict âge d’or.
Fumando espero 1927-09-30 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Fugazot.
Canaro ne pouvait pas rester en dehors du mouvement, d’autant plus qu’il enregistrera Cigarrillo avec Luis Díaz en 1930 (comme nous l’avons vu et écouté ci-dessus).
Fumando espero 1927-11-08 — Orquesta Osvaldo Fresedo.Fumando espero 1927-11-17 — Ignacio Corsini con guitarras de Aguilar-Pesoa-Maciel.
Une belle interprétation par ce chanteur qui aurait mérité, à mon avis, une gloire égale à celle de Gardel.
Fumando espero 1927 — Pilar Arcos Acc. The Castilians.Fumando Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orquesta Tipica Dir. Louis Katzman.
C’est la version publicitaire que nous avons évoquée dans le chapitre sur tabac et tango.
La source semble s’être tarie et l’on ne trouve plus de versions de Fumando espero intéressante avant les années 1950.
Fumando espero 1955-05-20 — Enrique Mora — Elsa Moreno.Fumando espero 1955-06-01 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma.
Oui, je sais, cette version, vous la connaissez et elle a certainement aidé au renouveau du titre. C’est superbe et bien que ce type d’interprétation marque la fin du tango de danse, 97,38 % (environ), des danseurs se ruent sur la piste aux premières notes.
Fumando espero 1955-12-01 — Orquesta Donato Racciatti con Olga Delgrossi.
L’Uruguay se toque aussi pour la reprise de Fumando espero. Après Donato Racciatti et Olga Delgrossi, Nina Miranda.
Fumando espero 1956 — Orquesta Graciano Gómez con Nina Miranda.
Nina Miranda a été engagée en 1955 par Odeón. C’est Graciano Gómez qui a été chargé de l’accompagner. C’est une collaboration entre les deux rives du Rio de la Plata.
Fumando espero 1956 — Jorge Vidal con guitarras.
Une version tranquille, à la guitare.
Fumando espero 1956-02-03 — Orquesta Carlos Di Sarli con Argentino Ledesma.
Après la version à 97,38 % avec Varela, Argentino Ledesma, avec Di Sarli réalise la version pour 100 % des danseurs. Ledesma venait de quitter l’orchestre de Varela pour intégrer celui de Di Sarli. Il devient le spécialiste du titre… Ce fut un immense succès commercial au point que la Víctor décala sa fermeture pour vacances pour rééditer d’autres disques en urgence. L’enregistrement avec Varela n’avait pas obtenu le même accueil, c’est donc plutôt 1956 qui marque le renouveau explosif du titre.
Fumando espero 1956-04-03 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante.
J’aurais plus imaginé Larroca pour ce titre. De Angelis a choisi Dante. C’est toutefois joli, mais je trouve qu’il manque un petit quelque chose…
Popurri 1956-04-20 Fumando espero, Historia de un amor y Bailemos — José Basso C Floreal Ruiz.
Il s’agit d’un popurrí, c’est à dire du mélange dans un seul tango de plusieurs titres. Comme ce pot-pourri commence par Fumando espero, j’ai choisi de l’insérer pour que vous puissiez profiter de la superbe voix de Floreal Ruiz. À 58 secondes commence Historia de un amor et à deux minutes, vous avez pour le même prix un troisième titre, Bailemos. Les transitions sont réussies et l’ensemble est cohérent. On pourrait presque proposer cela pour la danse (avec précaution et pour un moment spécial).
Fumando espero 1956-04-26 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Florio.
On peut se demander pourquoi Di Sarli enregistre une nouvelle version, moins de trois mois après celle de Ledesma. L’introduction est différente et l’orchestration présente quelques variantes. La plus grosse différence est la voix du chanteur. Si on décide de faire une tanda avec Florio, cet enregistrement me semble un excellent élément. Je pense que la principale raison est que Ledesma n’a enregistré que trois tangos avec Di Sarli et que donc c’est trop peu, ne serait que pour nous, DJ, pour avoir un peu de choix. Si je veux passer la version avec Ledesma, je suis obligé de faire une tanda mixte, autre chanteur et/ou titre instrumental pour obtenir les quatre titres de rigueur. Puis, entre nous, ce n’est pas indispensable d’inclure une de ces versions dans une milonga… Il y a peut-être aussi un peu de colère de la part de Di Sarli. En effet, si l’enregistrement de Ledesma avec Varela n’avait pas bien fonctionné, à la suite du succès de la version avec Di Sarli, la Columbia (la maison de disques de Varela) décide de relancer l’enregistrement de 1955. Ce fut alors un immense succès qui a décidé la Columbia a réintégrer Ledesma dans l’orchestre de Varela. Voyant que son nouveau poulain, partait en fumée, Di Sarli (ou la Víctor) a donc décidé de graver d’urgence une autre version avec un nouveau chanteur afin de ne pas laisser au catalogue un titre avec un chanteur passé à la concurrence…
Fumando espero 1956 — Los Señores Del Tango C Mario Pomar.
Un bon orchestre avec la belle voix de Mario Pomar. Agréable à écouter.
Fumando espero 1956 — Libertad Lamarque Orquesta — Dir.Victor-Buchino.
Fumando espero 1956 — Libertad Lamarque Orquesta — Dir.Victor-Buchino. L’accompagnement discret de Victor Buchino et la prestation souvent a capella de Libertad Lamarque permet de bien saisir le grain de voix magnifique de Libertad.
Fumando espero 1957 — Chola Luna y Orquesta Luis Caruso.Fumando espero 1957 — Imperio Argentina.
Si ImperioArgentina est née en Argentine, elle a fait une grande partie de sa carrière en Europe, en Espagne (où elle est arrivée, adolescente) et bien sûr en France, mais aussi en Allemagne. Elle nous permet de faire la liaison avec l’Espagne ou nous revenons pour terminer cette anecdote.
C’est le film, El Último Cuplé qui va nous permettre de fermer la boucle. Le thème redevient un cuplé et même si le théâtre a été remplacé par le cinéma, nous achèverons notre parcours avec cette scène du film ou Sara Montiel chante le cuplé.
Sara Montiel chante Fumando espero dans le film El Último Cuplé de 1957. Metteur en scène : Juan de Orduña
Vous aurez reconnu l’illustration de couverture. J’ai modifié l’ambiance pour la rendre plus noire et ajouté de la fumée, beaucoup de fumée…
À demain, les amis, et à ceux qui sont fumeurs, suivez les conseils de Pipo Cipolatti que je vous conserve longtemps. Je rédige cette anecdote le 20 juillet, Dia del amigo (jour de l’ami).
Si on ne doit se souvenir que d’une composition de Mario Melfi, c’est sans conteste de Poema. Mais si on doit se souvenir de deux, alors, Remembranza, notre tango du jour est assurément dans la liste. Ce qui en revanche est curieux est que l’on associe très peu ces deux titres, très semblables. Mais peut-être qu’il y a une ou plusieurs solutions…
Tandas mixtes
Hier, dans un groupe de DJ, une question très étrange a été posée. Combien de tandas mixtes peuvent être passées dans une milonga ? J’avoue que j’ai relu deux fois la question pour voir de quoi il s’agissait. Il arrive en effet, que l’on mélange dans la même tanda, des orchestres différents. C’est assez fréquent pour les milongas et les valses et je le fais parfois, par exemple pour associer des enregistrements de Carabelli avec son propre orchestre et de la Típica Victor, dirigée par lui. Je le fais également quand il y a un titre orphelin, qui n’a pas de tango compatible par le même orchestre et qu’un autre orchestre à quelque chose qui peut bien se combiner avec. L’étrangeté de la question vient de « combien de tandas mixtes »… Je n’ai pas répondu au groupe, mais ma réponse aurait pu être, le DJ fait ce qu’il veut dans la mesure où les danseurs sont contents. Faire de bonnes tandas mixtes est difficile, faire 100 % de tandas mixtes serait un défi très difficile à relever… Poema est associé à l’enregistrement de Canaro et Maida de 1935. Remembranza a plusieurs points d’accroche. Notre enregistrement du jour avec Pugliese et Maciel est sans doute le plus connu. 21 ans séparent ces deux enregistrements, un écart encore plus grand existe entre les styles des orchestres, ce qui rend bien évidemment ces deux enregistrements totalement incompatibles dans une même tanda. Cependant, la structure des morceaux est tout à fait compatible, on trouve même des extraits de phrases musicales comparables entre les deux œuvres. Remembranza aurait été enregistré par Canaro et Maida, ou Poema par Pugliese et Maciel et on aurait deux piliers solides pour une tanda. Ce rêve existe cependant. Je vous le présenterai en fin d’article…
Extrait musical
Remembranza 1956-07-04 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge MacielPartition argentine de Remembranza.
Paroles
Cómo son largas las semanas cuando no estás cerca de mí no sé qué fuerzas sobrehumanas me dan valor lejos de ti. Muerta la luz de mi esperanza soy como un náufrago en el mar, sé que me pierdo en lontananza mas no me puedo resignar. ¡Ah ¡qué triste es recordar después de tanto amar, esa dicha que pasó… Flor de una ilusión nuestra pasión se marchitó. ¡Ah ¡olvida mi desdén, retorna dulce bien, a nuestro amor, y volverá a florecer nuestro querer como aquella flor. En nuestro cuarto tibio y rosa todo quedó como otra vez y en cada adorno, en cada cosa te sigo viendo como ayer. Tu foto sobre la mesita que es credencial de mi dolor, y aquella hortensia ya marchita que fue el cantar de nuestro amor.
Mario Melfi Letra : Mario Battistella
Autres versions
Les versions françaises
Je pense vous surprendre en vous indiquant que les deux premiers enregistrements de ce titre ont été chantés en français. En effet, Melfi et Battistella étaient à Paris à l’époque. Mario Melfi a même fait l’essentiel de sa carrière en France où il est mort en 1970. Le titre en français est Ressouvenance, un terme aujourd’hui tombé en désuétude… C’est donc Mario Melfi qui ouvre le bal des versions avec un enregistrement de 1934, chanté, donc en français, par Marcel Véran et appelé donc Ressouvenance et pas Remembranza.
Ressouvenance 1934 — Mario Melfi Chant Marcel Véran (en français). Paroles de Robert Chamfleury et Henry Lemarchand.
C’est le plus ancien enregistrement, de plus, réalisé par l’auteur de la musique, Mario Melfi. En ce qui concerne les paroles en français, on se rend compte qu’elles sont proches de celles de Battistella. On peut donc penser que Battistella est bien l’auteur original, puisqu’il était à Paris et que Robert Chamfleury et Henry Lemarchand ont adapté (avec plus de talent que moi) les paroles en français. Vous pourrez en trouver la transcription après le chapitre autres versions.
Ressouvenance 1934 — Auguste Jean Pesenti et son Orchestre Tango Chant Guy Berry (en français).
Couverture de la partition de 1934. On voit que Berry a créé le tango et les paroliers sont uniquement les deux français. On notera également que Melfi est crédité de son succès de Poema.Ressouvenance 1934-12-13 — Orlando et son orchestre Chant Jean Clément (en français).Remembranza 1944 — Ramón Mendizabal. Remembranza a été gravé sur la face B du disque, la face A étant réservée à Obsession.
Avec cet enregistrement, j’arrête la liste des versions « françaises » (même si la dernière n’est pas chantée). Et je vous propose maintenant les versions « Argentines ».
Les versions argentines
Remembranza 1937-05-11 — Héctor Palacios con guitarras.
Après les versions françaises avec orchestres, les guitares de Héctor Palacios ne font pas tout à fait le poids. Cependant, ce titre est compatible avec ce type de version intime et si le résultat n’a rien à faire en milonga, il est plutôt agréable à écouter.
Remembranza 1943-02-12 — Orquesta Ricardo Malerba con Orlando Medina.
Une jolie version, dans le style de Malerba et Medina qui a sa sonorité particulière.
Remembranza 1947-05-09 — Orquesta Ricardo Tanturi con Osvaldo Ribó.
Si les versions précédentes avec orchestre, y compris les versions françaises étaient harmonieuses, je trouve que celle-ci souffre d’un manque de cohérence entre la voix de Ribó et l’orchestre de Ricardo Tanturi. Le talent des deux n’est pas en cause, Osvaldo Ribó avec un orchestre plus présent aurait donné une très belle version et inversement.
Remembranza 1948-09-08 — Orquesta Alfredo Gobbi con Jorge Maciel.
La voix travaillée de Maciel n’a peut-être pas trouvé l’orchestre idéal pour sa mise en valeur. On sent Gobbi un peu réservé, là encore, le résultat ne me convînt pas totalement.
Remembranza 1952-05-23 — Lorenzo Barbero y su orquesta típica con Carlos del Monte.
Encore une version qui ne va pas provoquer des ondes d’enthousiasme. De plus, elle n’est pas destinée à la danse, mais c’est intéressant de temps à autre de présenter un de ces deux-cent d’orchestres qui ont œuvré à l’âge d’or et qui n’ont pas eu droit à la reconnaissance de la postérité.
Remembranza 1954-12-28 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante.
On arrive dans des versions un peu plus travaillées. On remarquera l’introduction très particulière de cette version de De Angelis.
Mais attendez la suite, les choses sérieuses commencent.
Remembranza 1956-07-04 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel. C’est notre tango du jour.
Les essais de voix plus travaillées entendus précédemment trouvent un meilleur terrain avec l’orchestre de Pugliese. Le mariage de la voix de Jorge Maciel avec l’orchestre est bien plus abouti dans cette version que dans celle de Gobbi, 8 ans plus tôt.
Remembranza 1963 — Orquesta Juan Canaro con Susy Leiva.
J’aurais présenté les choses à l’envers, Susy Leiva accompagnée par l’orchestre de Juan Canaro. C’est une version à écouter, la voix de Susy Leiva est expressive et a de l’émotion. Mais bon, revenons à nos piliers.
Remembranzas 1964-09-25 — Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez.
Avec Jorge Valdez, D’Arienzo a un peu mis de côté le tango de danse pour suivre la mode de l’époque qui était plus radiophonique ou télévisuelle que dansante. D’Arienzo interprète le titre dans ses concerts, comme ici à Montevideo en 1968.
Remembranzas 1968 — Orquesta Juan D’Arienzo con Osvaldo Ramos. Cet enregistrement a été réalisé à Montevideo (Uruguay).
On revient avec Jorge Valdez qui gagne la palme du chanteur qui a le plus enregistré Remembranza, encore une émission de télévision.
Jorge Valdez en Grandes Valores (une émission des années 70).
Paroles de la version chantée en français par Guy Berry, Marcel Véran, Jean Clément et autres chanteurs français
Combien est longue une journée Quand tu n’es pas auprès de moi. Comment ai-je pu deux années Vivre sans entendre ta voix ? Je n’ai pour consoler ma peine Que les doux rêves du passé, Car ni les jours ni les semaines N’ont jamais pu les effacer… Ah !… Qu’il est troublant, chéri(e), D’évoquer, comme on prie, Ce bonheur, hélas trop court. Rien n’a pu ternir Le souvenir de ces beaux jours. Ah !… Pardonne à ma folie. Reviens je t’en supplie À notre amour. Rien ne pourra me griser Que tes baisers, Comme aux anciens jours. Dans notre chambre tiède et rose, Tout est resté comme autrefois. Et chaque objet et chaque chose Ne me semble attendre que toi. Ton portrait sur la cheminée Semble sourire à mon espoir. Dans un livre, une fleur fanée Rappelle nos serments d’un soir…
Mario Melfi Letra : Mario Battistella (adapté en français par Robert Chamfleury et Henry Lemarchand)
Remembranza et Poema unis dans une tanda idéale
Nous avons vu en début d’article qu’il n’y avait pas d’enregistrement compatible de ces deux titres à l’âge d’or du tango. C’est une grande frustration pour les DJ et sans doute les danseurs. En fait, ce n’est pas tout à fait vrai, car les Pesenti ont enregistré Poema et Ressouvenance, mais ce ne sont sans doute pas des versions suffisantes pour les danseurs avancés. Je vous laisse en juger.
Poema 1933 – Orquesta Típica Auguste Jean Pesenti du Coliséum de Paris con Nena Sainz.Ressouvenance 1934 — Auguste Jean Pesenti et son Orchestre Tango Chant Guy Berry (en français).Poema 1937 – René Pesenti et son Orchestre de Tango con Alberto.
Je rajoute cette version de Poema par le frère de Auguste Jean, René Pesenti. Elle est compatible et présente l’avantage d’être chantée par un homme (Alberto), ce qui peut être préféré par certains qui n’aiment pas trop les mélanges dans une tanda.
Si vous avez estimé que ces versions n’étaient pas à la hauteur, il nous faut chercher ailleurs. Je pense que l’orchestre qui va nous donner ce plaisir est la Romantica Milonguera. Il a enregistré les deux titres dans des versions compatibles et de belle qualité, presque équivalentes à la version de Canaro et Maida. Je vous présente ces deux enregistrements en vidéo. Une belle façon de terminer cette anecdote du jour, non ?
Orquesta Romantica Milonguera — Poema
Orquesta Romantica Milonguera — Remembranza
Merci à la Romantica Milonguera et à demain, les amis !
Juan José Visciglio Letra : Nolo López ; Julio Alberto Cantuarias
Pensalo bien, pense-le bien, ce titre est quasi indissociable de la version du jour par Juan D’Arienzo et Alberto Echagüe. Nous nous ferons donc un plaisir d’écouter ce titre qui fête aujourd’hui ses 86 ans, sans une ride. Il faut dire qu’il est bien né avec le trio D’Arienzo, Biagi et Echagüe.
Pour ce qui est de la participation de Rodolfo Biagi à la réalisation de ce chef‑d’œuvre, c’était juste, car c’est le tout dernier enregistrement de Biagi avec D’Arienzo. Pour être précis, c’est l’avant-dernier, car le même jour, D’Arienzo enregistre Champagne tango qui porte le numéro de matrice suivant (12 364 contre 12 363 pour Pensalo bien). Les enregistrements suivants se feront avec Juan Polito, D’Arienzo ayant mis à la porte Biagi, car il ne voulait pas deux vedettes dans son orchestre.
Extrait musical
Penbsalo bien. Juan José Visciglio Letra: Nolo López; Julio Alberto Cantuarias. Arrangement de Charles Gorczynski. Il est indiqué Calvera sur la partition au lieu de Visciglio, mais c’est bien la partition de la version de Visciglio… À droite, une application intéressante, Chordify, qui permet d’avoir les accords qui s’affichent en même temps que la lecture de la musique.Pensalo bien 1938-06-22 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.
Le début staccato des bandonéons, suivi de tous les instruments en appui, lance le titre. Pas d’introduction, nous sommes directement dans le dur de la danse. C’est du D’Arienzo efficace. Des phrases des violons adoucissent et contrastent ce marquage appuyé du rythme. Le thème principal apparaît à 30 secondes. L’ensemble de l’orchestre le joue avec des contrepoints du piano. À 1:25, Echagüe reprend le thème avec sa voix ferme. Il ne chante que 25 secondes… Heureusement qu’il y a eu deux prises de ce titre le même jour, cela lui a permis de chanter 50 secondes…. À partir de 1:51, les bandonéons explosent la cadence en passant à des staccatos en doubles croches. La vitesse n’a pas changé, mais l’impression de vitesse, si. C’est simple, efficace, dansant. Du bon tango de danse, le fait que son succès ne se démente pas 86 ans plus tard le prouve. Tant qu’il y aura des danseurs pour sauter sur la piste aux premières notes de ce thème, le tango vivra.
Paroles
No te pido explicaciones No me gustan las escenas, ¿Decís que vas a dejarme? Andá, qué le voy a hacer. Si es cierto que has de marcharte Me causará mucha pena, Mas prefiero esa franqueza A un innoble proceder. No me explico por qué causa Decidiste dar tal paso, Si ayer mismo me juraste: “Sos el dueño de mi amor.” ¿Te ha cansado la pobreza ? ¿Ya no me quieres, acaso? O encontraste quien te quiera Con más cariño y fervor.
Pensalo bien Antes de dar ese paso, Que tal vez mañana acaso No puedas retroceder. Pensalo bien, Ya que tanto te he querido, Y lo has echado al olvido Tal vez por otro querer.
Te agradezco los momentos Más felices de mi vida, Yo sé que vos me trajiste La luz en mi soledad. Ya ciego corrí a tu encuentro A descansar en tus brazos, Y mis noches angustiosas Con tu paz, las borré. Es por eso que te imploro De rodillas : « No te vayas. » Más que nunca yo preciso Las caricias de tu amor. Escuchame… te suplico Por mi viejita querida, ¡No te vayas!, Acordate Que vos juraste por Dios.
Juan José Visciglio Letra: Nolo López ; Julio Alberto Cantuarias
Echagüe ne chante que ce qui est gras. 25 secondes qui restent dans l’oreille, une merveille.
Les paroles du refrain dites par Fernando Serrano.
Traduction libre
Je ne te demande pas d’explications, je n’aime pas les scènes. Tu dis que tu vas me quitter ? Va. Qu’est-ce que je vais faire ? S’il est vrai que tu dois partir, cela me causera beaucoup de chagrin. Mais je préfère cette franchise à un ignoble procédé. Je ne comprends pas pourquoi vous avez décidé de franchir un tel pas, si hier tu me jurais : « Tu es le propriétaire de mon amour. » La pauvreté t’a fatiguée ? Tu ne m’aimes plus, peut-être ? Ou tu as rencontré quelqu’un qui t’aime avec plus d’affection et de ferveur.
Réfléchi bien avant de franchir ce pas, que peut-être demain tu ne pourras pas revenir en arrière. Pense-le bien. Puisque je t’ai tant aimée et que tu l’as jeté à l’oubli, peut-être pour un autre amour.
Je te remercie pour les moments les plus heureux de ma vie. Je sais que tu m’as apporté de la lumière dans ma solitude. Alors aveugle, j’ai couru à ta rencontre pour me reposer dans tes bras. Et mes nuits angoissées, avec ta paix, je les avais effacées. C’est pourquoi je t’implore à genoux : « Ne t’en va pas. » Plus que jamais j’ai besoin des caresses de ton amour. Écoute-moi… Je t’en supplie pour ma chère mère. Ne pars pas ! Rappelle-toi que tu as juré par Dieu.
Autres versions
Il existe trois tangos portant le titre Pensalo Bien, mais un seul enregistrement nous restitue la création de Juan José Visciglio, Nolo López et Julio Alberto Cantuarias à l’époque de l’âge d’or du tango de danse. On ne s’en plaint pas, c’est notre tango du jour. Bien sûr, des orchestres contemporains se sont depuis lancés sur ce titre, je vous en propose deux.
Mais auparavant, je vais vous présenter les « faux » Pensalo bien.
Les « faux » Pensalo bien
Évidemment, ils ne sont pas faux. Ils ont juste le même titre et n’ont pas connu le même succès que notre tango du jour.
Pensalo bien composé par Edgardo Donato
Pensalo bien 1926-12-14 — Orquesta Osvaldo Fresedo.
Cette version instrumentale a été composée par Edgardo Donato. Dès les premières secondes, on se rend compte que ce titre n’a rien à voir et comme il est instrumental, personne ne pourra penser qu’il a le même titre que notre tango du jour.
Pensalo bien composé par Alberto Calvera avec des paroles de Enrique López
C’est la version étiquetée par erreur dans la partition publiée par Charles Gorczynski. On remarquera tout de suite que cette version n’a rien à voir avec la partition présentée qui est bien celle de la version de Juan José Visciglio (notre tango du jour).
Pensalo bien 1929-10-10 — Orquesta Roberto Firpo con Teófilo Ibáñez. Pensalo bien 1929-10-23 — Orquesta Francisco Canaro con Charlo.Pensalo bien 1929-12-17 — Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro.
Comme bien souvent, Canaro enregistre une version de danse et une version chanson. Cette dernière avec Ada Falcón.
Pensalo bien 1959-09-21 — Orquesta Fulvio Salamanca con Luis Correa.
30 ans plus tard, Salamanca propose cette version qui, je le reconnais, aurait pu ne pas faire partie de ma sélection…
Le « vrai » Pensalo bien
Pensalo bien 1938-06-22 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe. C’est notre tango du jour. Pensalo Bien — Sexteto Milonguero con Javier di Ciriaco.
Pensalo Bien — Sexteto Milonguero con Javier di Ciriaco. Ce sexteto, aujourd’hui disparu, avait proposé des versions personnelles des grands succès du tango. Ici, Pensalo Bien, chanté par son leader, Javier Di Ciriaco. L’orchestre est un peu léger, ce n’est qu’un sexteto et de la part de cet orchestre, on pourrait attendre une version un peu plus énergique, mais c’est sympathique tout de même.
Pour terminer, une version un peu « cabotine » de Fernando Serrano…
Pensalo bien 2020, Fernando Serrano
C’est dansable et si tout comme la version du Sexteto Milonguero, ça ne peut pas faire oublier l’interprétation de D’Arienzo et Echagüe, c’est tout à fait recevable danse une milonga. L’avantage de cette vidéo, c’est qu’elle montre les deux instrumentistes (pianiste et bandonéoniste) à l’œuvre.
Ernesto Ponzio Letra: Alfredo Eusebio Gobbi, Ricardo Podestá et anonyme.
Pas besoin d’être un grand détective pour savoir qui est le Don Juan dont parle ce tango. Dans un des trois versions connues des paroles, il y a le nom et presque l’adresse de ce Don Juan. Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que l’auteur en est un gamin de 13 (ou 15 ans).
Extrait musical
Partition pour piano de Don Juan de Ernesto Ponzio.Don Juan 1948-06-15 — Juan D’Arienzo
Paroles de Alfredo Eusebio Gobbi (Mozos guapos)
Al compás de una marchita muy marcada y compadrona, a casa de ’ña Ramona me fui un ratito a bailar. Por distraer las muchachas empecé a soltar tiritos y al ver esto los mocitos ya empezaron, ya empezaron a roncar.
Si en los presentes hay mozos guapos, que peguen naco, que vengan a mí. Que aunque sean muchos yo les daré palos porque soy más malo que el cumbarí.
Yo que no soy nada lerdo ni nada hay que yo no vea, comprendiendo que pelea se me trataba de armar, salí al patio y envolviendo al brazo el poncho de guerra hice una raya en la tierra y me le puse, me puse a cantar.
Salió el dueño de la casa, ’ña Ramona y los parientes, “Perdonate por decente, mucho respeto y admiro”. Cuando uno haciendo rollo rascándose la cadera sacó un revólver de afuera dijo si me le pegó, le pegó un tiro.
Yo que estaba con el ojo bien clavado en el mocito, me largué sobre el maldito y el revólver le quité. Y después mirando a todos, y haciéndoles la pat’ ancha, les grité ¡ábranme cancha!, y enseguida, enseguida les canté.
Ernesto Ponzio Letra: Alfredo Eusebio Gobbi
Traduction libre des paroles de Alfredo Eusebio Gobbi
Au rythme d’une petite marche bien rythmée et compadrona, je suis allé un petit moment à la casa de la Ramona pour danser un petit moment. Pour distraire les filles, j’ai commencé à libérer des frissons et quand ils ont vu cela, les morveux ont commencé, à grogner.
S’il y a de beaux gosses ici, qui frappent dur, qu’ils viennent à moi. Que même s’il y en a beaucoup, je les battrai parce que je suis pire que le cumbarí. (Sorte de piment appelé en argot putaparió, fils de pute).
Moi, qui ne suis en rien terne et qu’il n’y a rien que je ne voie pas, comprenant qu’ils essayaient de m’entraîner, je suis sorti dans la cour et enroulant le poncho de guerre autour de mon bras, j’ai fait une ligne sur le sol et je me mis, je me mis à chanter.
La patrone de la maison, La Ramona et les parents, sont sortis : « Excusez-moi d’être décent, beaucoup de respect et d’admiration. » Quand l’un d’eux s’est raclé la hanche et a sorti un revolver, j’ai dit de dehors que s’il me touchait, je lui enverrai un tir. (Les paroles semblent évoquer l’histoire personnelle de Ponzio qui un peu plus tard tuera par accident le voisin de la personne qu’il voulait intimider et fut condamné à 20 ans de prison. Il était peut-être attiré par la personnalité des tauras et des compadritos au point d’en devenir un lui-même). Moi, qui avais l’œil fermement fixé sur le morveux, je me jetai sur ce maudit homme et lui ai pris le revolver. Et puis en regardant tout le monde, et en faisant toute une histoire, je leur ai crié : « Ouvrez-moi le champ ! », et immédiatement, immédiatement je leur ai chanté.
Paroles de Ricardo Podestá (El taita del barrio)
En el tango soy tan taura que cuando hago un doble corte corre la voz por el Norte, si es que me encuentro en el Sud. Y pa bailar la Yuyeta si es que me visto a la moda la gente me dice toda Dios le dé, Dios le dé, vida y salud.
Calá, che, calá. Siga el piano, che, dése cuenta usted y después dirá si con este taita podrán por el Norte calá che, qué corte, calá, che, calá.
No hay teatro que no conozca pues hasta soy medio artista y luego tengo una vista que hasta dicen que soy luz. Y la forma de mi cuerpo arreglada a mi vestido me hacen mozo muy querido, lo juro, lo juro por esta cruz.
Yo soy el taita del barrio, pregúnteselo a cualquiera. No es esta la vez primera en que me han de conocer. Yo vivo por San Cristóbal, me llaman Don Juan Cabello, anóteselo en el cuello y ahí va, y ahí va, así me quieren ver.
Ernesto Ponzio Letra: Ricardo Podestá
Traduction libre des paroles de Ricardo Podestá
Au tango, je suis tellement taura (caïd, baron du lieu) que quand je fais un double corte (figure de tango) la nouvelle se répand dans le Nord, si je me trouve dans le Sud. Et pour danser la Yuyeta (probablement une orthographe populaire de shusheta qui signifie élégant, déloyal ou qui ne peut pas garder un secret. On connait le tango EL aristócrata dont le sous-titre est shusheta, mais quel est le lien avec la danse ?), si je m’habille à la mode, les gens me disent que Dieu lui donne tout, Dieu lui donne, la vie et la santé.
Calá, che, calá (Regarde, mec, regarde. Merci à Gigi Passi qui a eu la gentillesse de me donner la traduction de calá. Donc calá = regarde et che, est tellement connu qu’il est difficile de le traduire. Cela pourrait être juste pour attirer l’attention de l’auditoire, une parole comme mec, toi, ou une interjection pour marquer la surprise ou l’étonnement. Je pense qu’on peut presque considérer cela comme une ponctuation, un mot qui se dit sans trop y réfléchir). Suivez le piano, che, vous vous en rendez compte et puis vous direz si avec ce taita ils pourront aller vers le nord Calá che, quelle coupe, (corte, figure de tango, mais pourrait aussi faire référence à la coupe du vêtement) Calá, che, calá.
Il n’y a pas de théâtre que je ne connaisse, car je suis à moitié un artiste et que j’ai une vue qui dit témoigne que je suis rapide, brillant. Et la forme de mon corps arrangée avec mes vêtements (aujourd’hui, un vestido est une robe…) fait de moi un bel homme apprécié, je le jure, je jure par cette croix.
Je suis le caïd du quartier, demandez à n’importe qui. Ce n’est pas la première fois que vous devez me rencontrer. J’habite à San Cristóbal (quartier de Buenos Aires), ils m’appellent Don Juan Cabello (Cabello, cheveux. On a son adresse, enfin, son quartier, mais si on le croit, il ne doit pas être difficile à trouver), écrivez-le sur ton col (on prenait parfois des notes sur le col amovible de la chemise, faute de papier sous la main) et voilà, et voilà, c’est comme ça qu’ils veulent me voir.
Histoire du thème
Ernesto Ponzio, se serait inspiré d’un air joué plus ou moins traditionnel, joué par un pianiste, qu’il a délogé pour continuer la composition avec sa création.
De fait, le thème de Don Juan s’écoute dans différents tangos, plus ou moins métamorphosés. Pour que cela soit pertinent, il ne faudrait prendre que des thèmes composés avant la création de Ernesto Ponzio, c’est-à-dire 1898 ou 1900.
Qué polvo con tanto viento 1890 par Pedro M. Quijano
On n’a pas d’enregistrement de l’époque de Qué polvo con tanto viento, mais deux reconstitutions modernes. Dans les deux cas on reconnaît le thème de Don Juan au début (ou pour le moins, quelque chose de semblable).
Qué polvo con tanto viento 1980 — Cuarteto de tango antiguo.
Une reconstitución par un quartette composé de Oscar Bozzarelli (bandonéon), Rafael Lavecchia (flute), Jose Romano Yalour (violon) et Maximo Hernandez (guitare). Ce quatuor tentait de reproduire les musiques perdues des premières années du tango.
Que polvo con tanto viento – Lecture midi du thème réécrit dans un logiciel de composition musicale par Tío Lavandina (Oncle la Javel, sûr que c’est un pseudo).
Soy Tremendo
Soy tremendo 1909-10 – Orquesta Heyberger con Angel Villoldo.
Angel Villoldo “chante” et est aussi l’auteur de ce tango. On reconnaît le thème de Don Juan dans la première partie. Il se peut que ce thème soit antérieur à la composition de Ponzio, mais ce n’est pas sûr. Disons que c’est que l’air était dans… l’air du temps.
El rana
El rana 1909c — Arturo A Mathón y F Raias. Composé par Arturo Mathón.
El rana 1909c — Arturo A Mathón y F Raias. Composé par Arturo Mathón. Joué et chanté par lui-même à la guitare, avec un accompagnement de bandonéon, par F. Raias. Au début et à 0:54, on entend le thème de Don Juan, mais c’est tellement moche que ça ne donne pas envie de l’écouter… Heureusement qu’il a écrit El apache argentino et que c’est Canaro avec son Pirincho qui l’a fait passer à la postérité… Vu que c’est probablement plus récent que Don Juan de Ponzio, cela peut aussi être une inspiration basée sur le thème de Ponzio. On notera que le titre devrait être « La rana », rana étant féminin. D’ailleurs plus loin, il chante sapo (crapaud) et le tango parle d’un gars, alors, c’est finalement logique.
El rana 1909c — Arturo A Mathón y F Raias. Le bandonéon n’était pas encore très fréquent. La Colubia n’a donc pas relevé l’erreur Mandoneon au lieu de bandoneón sur le disque…
On trouve un petit bout de cet air dans différents tangos, mais rien de bien pertinent et qui permettent de garantir que la source d’inspiration est le thème anonyme ou celui de Ponzio. Quoi qu’il en soit, le gamin Ponzio a commencé très jeune a fréquenté les lieux de « perdition ».
Autres versions
Don Juan Tango 1927-11 — Orquesta Argentina Victor.
On ne regrette pas de ne pas avoir de versions plus anciennes à l’écoute des vieilleries que je viens de vous présenter.
Don Juan 1928-03-06 — Orquesta Osvaldo Fresedo. Don Juan 1929-08-02 — Orquesta Francisco Canaro.Orquesta Típica Victor con Alberto Gómez.
Autre version par un orchestre Victor, cette fois, chanté par Alberto Gómez avec une partie des paroles de Ricardo Podestá (avec variantes).
Don Juan 1936-09-29 — Orquesta Juan D’Arienzo.
Pour moi, c’est la première version qui donne envie de danser. On y trouve les premières facéties de Biagi au piano, de beaux violons des bandonéons énergiques, le tout avec un tempo tout aussi bien marqué que pour les versions précédentes, mais plus rapide.
Don Juan 1940-11-08 — Charlo solo de acordeón con guitarras.
Une version très originale. Dommage que le son laisse à désirer. Il me faudra trouver un disque en meilleur état. Une guitare vraiment virtuose, non ?
Don Juan 1941-10-03 — Orquesta Di Sarli.Don Juan 1947-10-22 — Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.Don Juan 1948-06-15 — Juan D’Arienzo. C’est notre tango du jour.
Très proche de l’enregistrement suivant du 1950-12-28.
Don Juan 1948-08-14 — Juan Cambareri y su Gran Cuarteto Típico “Ayer y hoy”.
Toujours le train d’enfer et virtuose de Cambareri. Une curiosité, mais pas trop pour la danse. Il l’enregistrera encore en 1956, dans un rythme comparable…
Don Juan 1950-12-28 — Juan D’Arienzo.Don Juan 1951-12-06 — Orquesta Carlos Di Sarli.Don Juan 1951-05-09 — Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto.
Comme la version de Canaro de 1947, cette version donne le sourire, tout au moins à celui qui l’écoute, pour le danseur, c’est moins sûr.
Don Juan 1955-01-31 — Orquesta Carlos Di Sarli.Don Juan 1961 — Astor Piazzolla y su Quinteto. Comme d’habitude avec Piazzolla, on est dans un autre univers, très loin des danseurs… de tango.
Il y a bien sûr beaucoup d’autres enregistrements de ce thème qui bien qu’un de plus anciens continue de passer les siècles, du dix-neuvième à nos jours, mais après la version de Piazzolla, il me semble sage de réécouter une des versions de danse, par exemple notre tango du jour, une autre version de D’Arienzo ou une de Di Sarli…
Ou peut-être ce tout dernier exemple avec des paroles anonymes, qui n’ont d’ailleurs aucun intérêt, un petit couplet sur le tango ; du remplissage, en somme.
Don Juan 1965-09-07 — Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Aguirre.
Le post d’hier était très long et touffu. Aujourd’hui, j’ai choisi un tango instrumental et c’est sans doute bien dans la mesure où « El apronte » a de multiples significations qui pourraient nous emmener sur des terrains hasardeux. Aujourd’hui, on parlera donc de musique avec la version de D’Arienzo enregistrée le 1er avril 1937, il y a exactement 87 ans.
La dédicace
Comme cela arrive très souvent, la partition a un ou des dédicataires. Ici, ce sont les internes de l’hôpital San Roque de Buenos Aires.
El Apronte, partition de Roberto Firpo. Dans la partie supérieure de la couverture et de la partition, la dédicace aux internes de l’hôpital San Roque de Buenos Aires. Pour le premier bal de l’Internat. On remarque les nombreuses syncopes de la partition qui justifient le genre de Tango Milonga de cette composition.El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo
Le disque que vous écoutez en ce moment…
Rodolfo Biagi, le pianiste, est désormais bien installé dans l’orchestre et a pris (gagné) plus de liberté pour exprimer ses ornements. D’Arienzo lui laisse des temps de suspension pendant lesquels les autres instruments se taisent. Le jeu pour les danseurs est que ces temps de silences ne sont pas tous remplis, ce qui donnera un peu plus tard les fameux breaks de D’Arienzo, ces moments de silence sans musique. En dehors de ces fioritures, le piano joue au même compas (rythme que les autres instruments). Comme très souvent chez d’Arienzo, la fin donne une impression d’accélération, mais cela se fait par l’intercalage de notes supplémentaires, pas par une accélération réelle du tempo qui reste réguler durant toute l’interprétation
Les paroles
C’est un tango instrumental, aussi je n’aborderai pas la question des paroles et c’est tant mieux. Le terme apronte a différentes significations allant du domaine des courses de chevaux, notamment la phase de préparation du cheval, en passant par une personne impatiente, ou une personne payant pour obtenir quelque chose. C’est aussi la préparation, d’un mauvais coup ou d’une passe. En gros, difficile de savoir sans les paroles ce que voulait évoquer Firpo. Cependant, sa musique est en général expressive et l’utilisation d’un tango milonga avec ses hésitations et son rythme irrégulier peut s’adapter à chacun des sens. Précisons un dernier sens, plus « respectable » qui nous vient d’Uruguay, n’oublions pas que c’est à l’époque où il était contracté par le café la Giralda qu’il rencontre Gerardo Matos Rodríguez et inaugure sa marche de carnaval (la Cumparsita). En Uruguay, donc, apronte peut signifier aussi l’apport pour le mariage. La dot, ou tout simplement la préparation de la vie commune. Notons que les paroles de tango s’appelant apronte ou citant ce mot possèdent des paroles plutôt vulgaires, mafieuses et se réfèrent donc à l’acception portègne du mot. Par exemple pour le tango Apronte de Celedonio Flores. Mais ici, comme c’est instrumental, vous pouvez imaginer ce que vous voulez…
Autres versions
Sur la partition que je vous ai présentée ci-dessus, il y a une indication que je souhaite vous présenter. Il est indiqué « Tango Milonga ».
J’ai regroupé sur la même image l’indication de la couverture et le texte qui est sous la dédicace de la partition : Tango Milonga
Nous avons déjà évoqué ces tangos canyengue qui au fil du temps sont joués plus vite et qui deviennent des milongas, mais je souhaite attirer votre attention sur le concept de « tango milonga ». Ce sont des tangos assez joueurs, mais pas suffisamment syncopés et rapides pour mériter le titre de milonga. Ils sont donc entre les deux. Firpo interprète souvent des tangos avec cette ambiguïté, comme d’autres orchestres plus tardifs comme Miguel Villasboas. Ici, nous sommes en présence d’un tango écrit par Firpo, il a donc décidé de lui donner le rythme qu’il affectionne, le Tango Milonga. Pour un DJ, c’est un peu un casse-tête. Faut-il l’annoncer comme un tango ou comme une milonga ? Je passe souvent ce type de titre quand j’ai besoin de baisser la tension, éventuellement à la place d’une tanda de milonga, surtout si les danseurs ne sont pas des aficionados de la milonga. A contrario, s’ils adorent la milonga, je peux colorer une tanda de tango pour leur donner l’occasion de jouer un peu plus. J’annonce au micro ce qui va se passer, car très peu de danseurs connaissent cette catégorie. Cela me permet aussi d’encourager ceux qui sont timides en milonga en leur disant que c’est une milonga « facile ». Le tango du jour interprété par D’Arienzo est un pur tango. Cependant, certaines versions que nous allons voir à présent sont des tangos milonga, comme, c’est le cas pour celles enregistrées par Roberto Firpo, l’auteur de la partition.
El apronte 1926 — Orquesta Roberto Firpo.
Bien qu’enregistrée 12 ans après l’écriture, cette version respecte l’esprit de la partition originale et est un Tango Milonga, avec ses syncopes caractéristiques.
El apronte 1931-10-07 — Orquesta Roberto Firpo.
Cette version est beaucoup plus lisse. Les syncopes sont beaucoup plus rares et la marcación est régulière. C’est une interprétation plus moderne.
El apronte 1937-03-27 — Orquesta Roberto Firpo.
Retour en forcé du style Tango Milonga. Firpo revient à la lettre de sa partition. C’est sa sonorité fétiche que l’on retrouvera notamment sur des orchestres uruguayens comme Villasboas ou chez la Tuba Tango.
El apronte 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo. C’est le tango du jour.
C’est clairement un tango et pas un Tango Milonga. La marcacion est très régulière et les fantaisies principalement proposées par Biagi au piano se font essentiellement sur les moments de silence des autres instruments. Ainsi le rythme, le compas régulier de d’Arienzo n’est pas bousculé, il est juste mis en pause pour laisser quelques fractions de secondes au piano, ou pour ménager un silence qui réveille l’attention des danseurs, ce qui deviendra un élément caractéristique de son style avec des breaks parfois très longs. Vous savez, ces moments où les danseurs peu expérimentés se tournent vers le DJ en pensant qu’il y a une panne… J’avoue, il m’arrive de jouer en mettant réellement en pause certains breaks (ils sont donc plus longs) pour provoquer des sourires chez les danseurs que je rassure par des signes prouvant que c’est normal 😉
El apronte 1971 — Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.
On retrouve le Tango Milonga qui est un jeu qu’adore utiliser VIllasboas. La boucle est bouclée.
Merci d’être arrivée au bout de cet article. N’hésitez pas à laisser des commentaires mettre un j’aime (le pouce vers le haut en début d’article ou m’envoyer un petit message).
Pour finir, choisissez l’image que vous préférez pour le tango du jour.
El apronte. Le billet est un 50 centavos de la fin du 19e siècle.El apronte… ou plutôt un peu après.
Carlos Gardel; Horacio G. Pettorossi Letra: Alfredo Le Pera ; Horacio G. Pettorossi
Le tango du jour est Silencio, enregistré par Gardel avec l’orchestre de Canaro en 1933. Ce titre « expiatoire » dévoile une des failles de Carlos Gardel, Enfant de France. Je vous invite à découvrir ou redécouvrir ce titre chargé d’émotion et d’histoire.
Une fois n’est pas coutume, je vais vous faire voir et écouter une version différente du tango du jour, avant la version du jour. Nous sommes en 1932, Carlos Gardel est en France (comme beaucoup de musiciens et artistes Argentins à l’époque). Il y tourne quatre films et dans le dernier de la série, il chante une chanson dont on ne peut comprendre la totalité de l’émotion qu’avec un peu d’histoire.
Silencio 1932-11 Carlos Gardel con la Orquesta típica Argentina de Juan Cruz Mateo. Une version émouvante tirée du film « Melodía de arrabal » de Louis Gasnier.
Ce film a été tourné en France, à l’est de Paris, aux Studios de Joinville-le-Pont en octobre et novembre 1932. Le scénario est d’Alfredo Le Pera (auteur des paroles de ce titre, également).
Juan Cruz Mateo
L’orchestre représenté dans le film et qui joue la bande-son est la Orquesta típica Argentina de Juan Cruz Mateo. C’est un des 200 orchestres de tango de l’âge d’or. On n’en connaît guère aujourd’hui qu’une cinquantaine ayant suffisamment d’enregistrements pour être significatifs et sans doute pas beaucoup plus d’une cinquantaine ayant suffisamment de titres pour faire une tanda, et cela à la condition de ne pas être trop exigeant. D’ailleurs, pour certains titres que j’appelle « orphelins », je mélange les orchestres pour constituer une tanda complète et cohérente. Par exemple, la Típica Victor dirigée par Carabelli et l’orchestre de Carabelli. Cela, c’est plus fréquemment pour les milongas qui sont plutôt déficitaires en nombre (moins de 600 milongas ont été enregistrées entre 1935 et 1955), contre presque le double de valses et quatre fois plus de tangos. En effet, l’âge d’or du tango, c’est à peine 6000 titres et tous ne sont pas pour la danse… C’est donc un patrimoine ridiculement petit par rapport à ce qui a été joué et pas enregistré.
Sur l’image de gauche, l’équipe du film « La Casa es seria » avec Juan Cruz Mateo, le pianiste de Gardel à droite de l’image. À sa droite, au premier plan, Le Pera et sur la gauche de l’image au premier plan… Carlos Gardel. Les autres sont des personnes de la Paramount qui a produit le film. La photo du centre montre Mateo et Gardel en répétition. À droite, autoportrait de Mateo devenu peintre…
Juan Cruz Mateo, ce pianiste et directeur d’orchestre argentin est un de ces oubliés. C’est sans doute, car il a fait sa carrière principalement en France et qu’il s’est recyclé comme peintre futuriste à la fin des années 30. On lui doit notamment l’accompagnement orchestral de trois films interprétés par Gardel durant ses séjours parisiens, Espérame, La casa es seria et Melodía de arrabal dont est tiré cet extrait. C’est également le pianiste qui a le plus accompagné Carlos Gardel. Donc, si vous entendez chanter Gardel avec un accompagnement de piano, c’est certainement lui…
Extrait musical
Silencio 1933 ‑03–27 — Carlos Gardel con la orquesta de Francisco Canaro y coro de mujeres.
Cette version est particulièrement émouvante, avec son chœur de femme et la voix de Gardel. Nous y reviendrons après avoir étudié les paroles.
Les paroles
Silencio en la noche. Ya todo está en calma. El músculo duerme. La ambición descansa.
Meciendo una cuna, una madre canta un canto querido que llega hasta el alma, porque en esa cuna, está su esperanza.
Eran cinco hermanos. Ella era una santa. Eran cinco besos que cada mañana rozaban muy tiernos las hebras de plata de esa viejecita de canas muy blancas. Eran cinco hijos que al taller marchaban.
Silencio en la noche. Ya todo está en calma. El músculo duerme, la ambición trabaja.
Un clarín se oye. Peligra la Patria. Y al grito de guerra los hombres se matan cubriendo de sangre los campos de Francia.
Hoy todo ha pasado. Renacen las plantas. Un himno a la vida los arados cantan. Y la viejecita de canas muy blancas se quedó muy sola, con cinco medallas que por cinco héroes la premió la Patria.
Silencio en la noche. Ya todo está en calma. El músculo duerme, la ambición descansa…
Un coro lejano de madres que cantan mecen en sus cunas, nuevas esperanzas. Silencio en la noche. Silencio en las almas…
Carlos Gardel; Horacio G. Pettorossi Letra: Alfredo Le Pera ; Horacio G. Pettorossi.
Carlos Gardel et Imperio Argentina chantent la totalité du texte. Ernesto Famá ne chante que ce qui est en graset deux fois ce qui est en bleu.
Traduction libre et indications
Le titre commence par un son de clairon. Le clairon jouant sur trois notes, cet air fait immédiatement penser à une musique militaire (le clairon ne permet de jouer facilement que 4 notes et trois autres notes ne sont accessibles qu’aux virtuoses de cet instrument, autant dire qu’elles ne sont jamais jouées. Les notes, Sol Do Mi sont égrenées lentement, comme dans les sonneries aux morts. On peut dire que Canaro annonce la couleur dès le début… Gardel reprend à la suite de la sonnerie sur le même Mi. Cela permet de faire la liaison entre le clairon et sa voix, ce qui n’était pas si évident à concevoir. Dans la version de 1932 c’est une trompette et pas un clairon qui lance Sol Sol Do et Gardel commence sur un Mi, ce qui est logique, c’est sa tessiture. La version de Canaro est donc à mon sens mieux construite de ce point de vue et l’usage du clairon est plus pertinent.
Silencio militar – Día de los muertos por la patria. Interprété par le régiment de Grenadiers à cheval « General San Martín », escorte présidentielle de la République argentine.
On remarquera que la sonnerie « officielle n’est pas la même, même si elle inclut la même séquence de trois notes. La sonnerie aux morts française est assez proche, mais pas identique non plus à celle proposée par Canaro. Disons que c’est une sonnerie factice destinée à donner le La. Pardon, le clairon ne peut pas jouer de La. Disons qu’il donne le Mi à Gardel.
Silence dans la nuit. Tout est calme maintenant. Les muscles dorment. L’ambition se repose. Balançant un berceau, une mère chante une chanson bien-aimée qui touche l’âme, parce que dans ce berceau, se trouve son espoir. (Le chœur de femmes intervient sur ce couplet). Ils étaient cinq frères. Elle était une sainte. Il y avait cinq baisers qui, chaque matin, effleuraient très tendrement les mèches argentées de cette déjà vieille aux cheveux blanchis. Il y avait cinq garçons qui sont allés à l’atelier en marchant. (L’atelier c’est la guerre) Silence dans la nuit. Tout est calme maintenant. Les muscles dorment, l’ambition travaille. (L’ambition passe du repos au travail. Elle prépare le combat). Un clairon résonne. La patrie est en danger. Et au cri de guerre, les hommes s’entretuent, couvrant de sang les champs de France. (À la place des chants de femmes, c’est ici le clairon qui résonne). Aujourd’hui, tout est fini. Les plantes renaissent. Les charrues chantent un hymne à la vie. Et la petite vieille aux cheveux très blancs se sent très seule, avec cinq médailles que pour cinq héros lui a décernées la Patrie. Silence dans la nuit. Tout est calme maintenant. Les muscles dorment, l’ambition se repose… Un chœur lointain de mères qui chantent berçant dans leurs berceaux, de nouveaux espoirs. Silence dans la nuit. Silence dans les âmes…
Les versions
Silencio 1932-11 Carlos Gardel con la Orquesta típica Argentina de Juan Cruz Mateo.
Une version émouvante tirée du film « Melodía de arrabal » de Louis Gasnier. C’est le même extrait, qu’en début d’article, mais sans la vidéo. Comme déjà indiqué, la sonnerie de trompette au début est différente de la sonnerie de clairon de la version de Canaro de 1933.
Silencio 1933 ‑03–27 — Carlos Gardel con la orquesta de Francisco Canaro y coro de mujeres.
C’est le tango du jour. Dans la version du film, il y a deux petites réponses de Imperio Argentina, sa partenaire dans le film, mais qui n’apparaît pas à l’écran au moment où elle chante. Ici, c’est un chœur féminin qui donne la réponse à Gardel.
Silencio 1933 Imperio Argentina con acomp. de guitarras, piano y clarín (trompette).
La partenaire de Carlos Gardel dans le film Melodía de arrabal, reprend à son compte le titre. C’est également une superbe version à écouter. On notera que sur le disque il est écrit Tango du film melodía de Arrabal. En fait, elle n’y chante que deux phrases en voix off et ce disque n’est donc pas tiré du film (même s’il n’est pas à exclure qu’il ait été enregistré en même temps que la bande son du film (octobre-novembre 1932) et qu’il soit sorti en 1933, à l’occasion de la sortie du film (5 avril 1933 à Buenos Aires), comme les versions de Canaro, qui était toujours à l’affut d’un bon coup financier.
Silencio 1933 Imperio Argentina con acomp. de guitarras, piano y clarín. Disque de 1933 (à gauche) — Une réédition du même enregistrement à droite, preuve du succès.
Une autre « erreur du disque est la mention d’un clairon. Contrairement à la version Canaro Gardel, c’est de nouveau une trompette, comme dans le film avec l’orchestre de Mateo. Elle débute par Si Si Si Do Ré Ré – Ré Ré Ré Mi Fa, Les notes en rouge sont inaccessibles à un clairon. Cela ne peut donc pas être un clairon, d’autant plus que la sonorité n’est pas la bonne. Le piano apparait pour sa part tardivement, à une minute par une petite fioriture sur la respiration de la chanteuse (de esa viejecita DING — DONG de canas muy blancas). Après 1 :11, la guitare, le piano, puis la trompette se mêlent à la voix sur le refrain. À 2 : 18, on croit entendre une mandoline. Le piano termine élégamment en faisant descendre la tension par un motif léger ascendant puis descendant. J’aime beaucoup le résultat, Imperio a pris sa revanche sur Gardel en nous fournissant une version complémentaire et tout aussi belle.
Silencio 1933-03-30 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá.
Trois jours après la version à écouter chantée par Gardel, Canaro enregistre le thème avec Ernesto Famá. Ce dernier en bon chanteur de refrain ne chante qu’une petite partie des paroles. Cela en fait un tango de danse. La tragédie des paroles est compensée par des fioritures, notamment avant la reprise du début du refrain.
Je ne vous propose pas d’autres versions, même s’il y en a environ deux douzaines, car avec cet échantillon réduit, on a l’émotion, l’image, l’homme qui chante, la femme qui chante et une version de danse. La totale, quoi ? Parmi les versions que je laisse de côté, des interprétations de Gardel avec des guitares, Un Pugliese avec Maciel et pas mal de petits orchestres qui ont flashé pour le thème.
Pourquoi Silencio ?
Carlos Gardel Enfant de France
Je ne vais pas rouvrir le dossier et me fâcher avec mes amis uruguayens, mais je signale tout de même cette page où je présente les arguments en faveur d’une origine française de Gardel. Ce qui ne peut pas être remis en question, c’est que Gardel est venu en France à diverses reprises, qu’il a visité sa famille française, notamment à Toulouse et Albi. Ce qu’on sait moins, c’est qu’étant né français, il était soumis à mobilisation pour la « Grande Guerre », celle de 1914–1918. Grâce à ses faux papiers uruguayens, il a pu échapper à l’accusation de désertion. Cependant, lors d’un séjour en France, il a visité les cimetières de la Grande Guerre. On sent que cela le chatouillait. Le tango Silencio est un peu son expiation pour avoir échappé à la tuerie de 1914–1918. Tuerie et silence, cela m’a évoqué le grand sculpteur romantique, Auguste Préault, justement auteur de deux œuvres d’une force extrême, Tuerie et Le Silence.
Auguste Préault, sculpteur romantique
J’ai donc choisi pour l’illustration du jour, de partir d’une œuvre du sculpteur français Auguste Préault qui a réalisé en 1842 cette œuvre pour le monument funéraire d’un certain Jacob Roblès qui est désormais célèbre grâce à cette œuvre au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Il m’a paru logique de l’associer à « Tuerie » du même artiste pour évoquer la guerre de 1914–1918, même cette œuvre ne relate pas précisément des faits de guerre attestés. Elle se veut plus générique et provocatrice. D’ailleurs cette œuvre n’a été acceptée au salon officiel de 1839 que pour montrer ce qu’il ne fallait pas faire pour être un grand sculpteur. Préault réalisera la commande de Roblès en 1842, mais son œuvre ne sera exposée au salon qu’en 1849 (après 10 ans de purgatoire et d’interdiction d’exposition). Le nom de « Le Silence » n’est pas de cette époque. Il a été donné plus tardivement, vers 1867.
Silencio. Montage et interprétation d’après « Tuerie » 1839 et « Le Silence » 1842 d’Auguste Préault, avec toute mon admiration. Ces œuvres portent le même message que Silencio.
Voici les deux œuvres et en prime un portrait de Préault par le photographe Nadar.
Auguste Préault par Nadar — Tuerie (Salon de 1834) — Monument funéraire de Jacob Roblès au Père-Lachaise (Paris). Sur le monument funéraire, l’inscription en hébreux « Ne rien cacher ». J’ai donc essayé de vous révéler l’origine de ce tango créé par un « déserteur ».
Gardel grabó el tango “Silencio” en tres oportunidades, paran el sello Odeon. Dos con las guitarras de Domingo Julio Vivas, Ángel Domingo Riverol, Guillermo Barbieri y Horacio Pettorossi (cinco matrices, cuatro del 14 de febrero y la otra, del 13 de mayo de 1933), y una con la orquesta de Francisco Canaro. Todas tuvieron el agregado de un coro femenino.
El coro en las grabaciones con guitarras, lo integraron las hijas de Guillermo Barbieri: María Esther y Adela, (tías de la actriz Carmen Barbieri). Para la grabación con Canaro, el coro lo formaron: Blanca del Prado, Felisa San Martín, Élida Medolla, Corina Palermo, Emilia Pezzi y Sara Delar.
Fue uno de los temas del film Melodía de Arrabal, realizado en los estudios Paramount de Joinville, Francia, con la dirección de Louis Gasnier (estrenado en Buenos Aires, el 5 de abril de 1933, en el Cine Porteño de la calle Corrientes). Carlos Gardel lo canta en la película, acompañado por la orquesta de Juan Cruz Mateo de la que Horacio Pettorossi era miembro.
Presidente Paul DoumerUn ruso blanco —Pablo Gorguloff–, recién salido del manicomio y deseoso de llamar la atención sobre su miserable destino, asesinó a tiros a Paul Doumer, presidente recién electo de Francia y la situación de los emigrados rusos comenzó a hacerse insostenible. El crimen fue el 6 de mayo de 1932.
Años atrás, cuatro de los ocho hijos de la víctima, fueron militares y muertos durante la Primera Guerra Mundial (1914–1918): el capitán Marcelo Doumer, muerto en combate aéreo el 28 de junio de 1918, el capitán René Doumer, muerto en combate aéreo el 26 de abril de 1917, el teniente André Doumer, muerto delante de su madre Nancy el 24 de septiembre de 1914, el mayor ayudante de médico Armand Doumer muerto el 5 de agosto de 1922.
La lápida conmemorativa de Paul Doumer y sus cuatro hijos se encuentra en La Ferme de Navarin, monumento osario donde descansan los restos de 10.000 combatientes, situado a 45 kilómetros al este de Reims, a una treintena de kilómetros en el norte de Châlons-en-Champagne en Somepy-Tahure (Marne).
Este duelo dramático emocionó y, muy probablemente, inspiró en 1932, una de las canciones más tristes plasmadas por Gardel. Tanto Alfredo Le Pera como Pettorossi imaginaron el dolor de la señora Doumer.
La letra de “Silencio” sería un homenaje a la soledad de las madres, mientras los soldados mueren en el campo de honor.
Paul Doumer fue el 14º presidente de la República de Francia, desde el 13 de junio de 1931 hasta el 7 de mayo de 1932. En 1896 fue gobernador general de Indochina, donde concibió su estructura colonial. Primero fue presidente del Senado y luego de la República. Le gustaba el contacto con el público, lo que fue fatal. En el Hotel Salomon de Rothschild, en una exposición de escritores, surgió de entre la multitud Gorguloff, quien derribó al presidente de tres disparos. Fue trasladado al Hospital Beaujon, donde no fue bien atendido y estuvo en coma. Murió a la noche siguiente, sin cumplir un año de mandato. Después del funeral celebrado en la catedral de Notre Dame de París, su mujer se negó a que fuese sepultado en el Panteón y se realizó en la tumba familiar. El asesino fue ejecutado el 14 de septiembre de 1932 en la guillotina.
Familia DoumerBlanche Richel de Doumer, «la viejecita de canas muy blancas», que como se observa en la foto, tenía pelo renegrido, nació el 8 de junio de 1859 en Soissons (Aisne) y falleció el 4 de abril de 1933. Después del crimen de su marido, recibió cartas de pésame de jefes de Estados y de las personalidades más importantes. Luego, desapareció de la vida pública. La antigua Primera dama, desesperada, sobrevive sólo un año a la muerte de su esposo. Fue embestida por un coche en abril de 1933.
Conclusión Pettorossi y Le Pera se encontraban en un país que aún no había cicatrizado las heridas de «la gran guerra». Muchos franceses, incluido un gran amigo de Gardel, Marcel Lattes, solían hablar sobre estas desgracias. Entre ellas, la del asesinato de Doumer y las de sus hijos muertos en combate.
Pero el tango “Silencio” no es una transcripción exacta de esta trágica historia. En realidad, comprobamos que existe una única tumba familiar, en contraposición con el relato «de las cinco tumbas». Los militares muertos fueron cuatro y no cinco como dice la letra. Asimismo, Blanche Richel, tuvo muy poco tiempo para llorar a sus hijos ya que falleció en 1933. Además, la viejecita de canas muy blancas tenía pelo renegrido.
Valorable el vuelo de los poetas, que a partir de estas vivencias, escribieron uno de los tangos más sensibles de la historia, magistralmente cantado por El Zorzal.
Carlos E. Benítez
Traduction libre de l’article de Todo Tango
Gardel a enregistré le tango « Silencio » à trois reprises, pour le label Odeon. Deux avec les guitares de Domingo Julio Vivas, Ángel Domingo Riverol, Guillermo Barbieri et Horacio Pettorossi (cinq matrices, quatre du 14 février et l’autre, du 13 mai 1933), et une avec l’orchestre de Francisco Canaro. Toutes avaient l’ajout d’un chœur féminin.
Le chœur des enregistrements avec guitares était composé des filles de Guillermo Barbieri : María Esther et Adela, (tantes de l’actrice Carmen Barbieri). Pour l’enregistrement avec Canaro, le chœur a été formé par : Blanca del Prado, Felisa San Martín, Élida Medolla, Corina Palermo, Emilia Pezzi et Sara Delar.
Comme nous l’avons vu en introduction de cet article, c’est l’un des thèmes du film Melodía de Arrabal, réalisé par Louis Gasnier aux studios Paramount de Joinville (présenté en première à Buenos Aires, le 5 avril 1933, au Ciné Porteño de la rue Corrientes). C’est Carlos Gardel qui la chante dans le film, accompagné de l’orchestre Juan Cruz Mateo dont Horacio Pettorossi était membre.
Un Russe blanc, Paul Gorguloff, fraîchement sorti de l’asile et désireux d’attirer l’attention sur son sort misérable, a abattu Paul Doumer, le président nouvellement élu de la France, et la situation des émigrés russes a commencé à devenir intenable. Le crime a eu lieu le 6 mai 1932.
Des années auparavant, quatre des huit enfants de la victime ont été des soldats tués pendant la Première Guerre mondiale (1914–1918) : le capitaine Marcelo Doumer, tué en combat aérien le 28 juin 1918, le capitaine René Doumer, tué en combat aérien le 26 avril 1917, le lieutenant André Doumer, tué devant sa mère Nancy le 24 septembre 1914, Le major adjoint Armand Doumer tué le 5 août 1922.
La plaque commémorative de Paul Doumer et de ses quatre fils se trouve dans La Ferme de Navarin, monument ossuaire où reposent les restes de 10 000 combattants, situé à 45 kilomètres à l’est de Reims, à une trentaine de kilomètres au nord de Châlons-en-Champagne à Somepy-Tahure (Marne).
Ce deuil dramatique émut et, très probablement, inspira en 1932, l’une des chansons les plus tristes enregistrées par Gardel. Alfredo Le Pera et Pettorossi ont tous deux imaginé la douleur de Mme Doumer.
Les paroles de « Silencio » seraient un hommage à la solitude des mères, tandis que les soldats meurent sur le champ d’honneur.
Paul Doumer fut le 14e président de la République française, du 13 juin 1931 au 7 mai 1932. En 1896, il était gouverneur général de l’Indochine, où il conçu sa structure coloniale. Il fut d’abord président du Sénat puis de la République. Il aimait le contact avec le public, ce qui lui fut fatal. À l’hôtel Salomon de Rothschild, lors d’une exposition d’écrivains, Gorguloff est sorti de la foule, et a abattu le président de trois balles. Il a été emmené à l’hôpital Beaujon, où il n’a pas été bien soigné et tomba dans le coma. Il mouru la nuit suivante, avant d’avoir accompli un an de mandat. Après les funérailles qui ont eu lieu dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, sa femme a refusé qu’il soit enterré au Panthéon et il fut inhumé dans le tombeau familial. Le meurtrier a été guillotiné le 14 septembre 1932.
Blanche Richel de Doumer, « la petite vieille aux cheveux gris très blancs », qui, comme on peut le voir sur la photo, avait les cheveux noirs, est née le 8 juin 1859 à Soissons (Aisne) et est décédée le 4 avril 1933. Après l’assassinat de son mari, elle a reçu des lettres de condoléances de chefs d’État et des personnalités les plus importantes. Puis, il a disparu de la vie publique. L’ancienne première dame, désespérée, ne survit qu’un an à la mort de son mari. Elle fut renversée par une voiture en avril 1933.
Conclusion Pettorossi et Le Pera se trouvaient dans un pays qui n’avait pas encore cicatrisé les plaies de la « grande guerre ». De nombreux Français, dont un grand ami de Gardel, Marcel Lattes, parlaient de ces malheurs. Parmi eux, celui de l’assassinat de Doumer et ceux de ses fils tués au combat.
Mais le tango « Silencio » n’est pas une transcription exacte de cette histoire tragique. En fait, nous voyons qu’il n’y a qu’une seule tombe familiale, par opposition à l’histoire des « cinq tombes ». Les soldats tués étaient quatre et non cinq comme le disent les paroles. De même, Blanche Richel a eu très peu de temps pour faire le deuil de ses enfants depuis sa mort en 1933. De plus, la petite vieille dame aux cheveux gris très blancs avait les cheveux noirs.
L’envol des poètes, qui, à partir de ces expériences, ont écrit l’un des tangos les plus sensibles de l’histoire, chanté magistralement par El Zorzal, est précieuse.
On voit que les petites différences entre la chanson et l’histoire n’invalident pas les deux hypothèses. Gardel peut avoir été touché par la douleur de Madame Doumer, tout autant que s’être senti coupable d’avoir déserté.
La vidéo de fin…
Pour une fois, je vais faire plusieurs entorses au format des anecdotes du jour en terminant par une vidéo au lieu d’une illustration que j’aurais réalisée. Je n’ai pas choisi la musique, c’est une initiative de l’ami Memo Vilte qui voulait rendre un hommage à la France en chantant ce tango qui n’est pas dans son répertoire habituel de folklore argentin.
Je ne suis pas l’auteur de cette vidéo. C’est notre amie Anne-Marie Bou de Paris qui l’a réalisée à l’arrache (c’était totalement impromptu). Merci à toi Anne-Marie.
La danseuse extraordinaire, c’est Stella Maris, mais vous l’aurez reconnue. Muchísimas Gracias Stella.
Je suis « danseur » médiocre dans cette vidéo. Vous comprenez maintenant pourquoi je préfère être DJ.
La tour Eiffel s’est mise à scintiller pour saluer notre performance. C’était imprévu, mais on a apprécié cet hommage de la Vieille Dame au tango qu’elle a vu naître.
Madame Ivonne, est l’histoire d’une vie résumée en trois minutes. Comme Mademoiselle Yvonne, des milliers de jeunes femmes ont vécu l’illusion de l’amour et ont rêvé de la Croix du Sud, Croix sur laquelle, nombre d’entre elles ont été clouées par la tristesse. Je vous invite à découvrir la version de Tanturi et Castillo, mais aussi d’autres versions pleines d’émotion. Préparez votre mouchoir.
Le phénomène de la traite des blanches est aujourd’hui bien documenté. Des Argentins peu scrupuleux séduisaient de belles Françaises et leur faisaient miroiter les charmes de l’Argentine, qui à l’époque n’était un paradis que pour les plus riches. Sur les ailes de l’amour, ou plus prosaïquement sur des bateaux, comme le vapeur Don Pedro qui conduisit Charles Gardes et sa mère à Buenos Aires, les belles énamourées effectuaient la traversée et on connaît la suite de l’histoire, très peu vécurent le rêve, la majorité se retrouve dans les maisons comme Lo de Laura ou sont lavandières ou femmes de peine. Les paroles nous en apprendront plus sur la destinée de Mademoiselle Yvonne, devenue Madame Ivonne.
Extrait musical
Madame Ivonne 1942-03-18 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo
Mademoiselle Ivonne era una pebeta que en el barrio posta del viejo Montmartre con su pinta brava de alegre griseta, animo las fiestas de Les Quatre Arts.
Era la papusa del Barrio Latino, que supo a los puntos del verso inspirar, pero fue que un día llego un argentino y a la francesita la hizo suspirar.
Madame Ivonne… la Cruz del Sur fue como un sino Madame Ivonne… fue como el sino de tu suerte.
Alondra gris, tu dolor me conmueve ; tu pena es de nieve, Madame Ivonne…
Eduardo Pereyra Letra : Enrique Domingo Cadícamo
Madame Ivone, version de Julio Sosa
La version chantée par Julio Sosa est légèrement différente, mais surtout plus complète, il me semble donc intéressant d’avoir les compléments de l’histoire. Julio Sosa commence par un récitatif qui place l’histoire, puis chante la totalité des couplets. Ce qui est en gras est chanté, le début est seulement parlé sur la musique. C’est une version qui donne la chair de poule. Je ne la proposerais pas à la danse, mais quelle émotion !
Madame Ivonne 1962-11-08 — Orquesta Leopoldo Federico con Julio Sosa
Ivonne Yo te conocí allá en el viejo Montmartre Cuando el cascabel de plata de tu risa Era un refugio para nuestra bohemia Y tu cansancio y tu anemia No se dibujaban aún detrás de tus ojeras violetas
Yo te conocí cuando el amor te iluminaba por dentro Y te adore de lejos sin que lo supieras Y sin pensar que confesándote este amor podía haberte salvado Te conocí cuando era yo un estudiante de bolsillos flacos Y el Paris nocturno de entonces Lanzaba al espacio en una cascada de luces El efímero reinado de tu nombre Mademoiselle Ivonne
Mademoiselle Ivonne era una pebeta Que en el barrio posta del viejo Montmartre Con su pinta brava de alegre griseta Alegró la fiestas de aquel Boulevard Era la papusa del barrio latino Que supo a los puntos del verso inspirar Hasta que un buen día cayó un argentino Y a la francesita la hizo suspirar
Madame Ivonne La Cruz del Sur fue como un sino Madame Ivonne Fue como el sino de tu suerte Alondra gris Tu dolor me conmueve Tu pena es de nieve
Madame Ivonne Han pasado diez años que zarpó de Francia Mademoiselle Ivonne hoy es solo Madame La que al ver que todo quedó en la distancia Con ojos muy tristes bebe su champán Ya no es la papusa del barrio latino Ya no es la mistonga florcita de lis Ya nada le queda, ni aquel argentino Que entre tango y mate la alzó de París
Madame Ivonne La Cruz del Sur fue como un sino Madame Ivonne Fue como el sino de tu suerte Alondra gris Tu dolor me conmueve Tu pena es de nieve
Madame Ivonne Ya no es la papusa del barrio latino Ya no es la mistonga florcita de lis Ya nada le queda, ni aquel argentino Que entre tango y mate la alzó de París
Eduardo Pereyra Letra : Enrique Domingo Cadícamo
Maintenant que vous connaissez parfaitement le thème, je vous propose de voir Julio Sosa chanter le thème. Les gloses initiales sont réduites et différentes. Comme elles n’apportent rien de plus à ce que nous avons déjà entendu, je vous propose de démarrer la vidéo au début de la chanson, mais si vous êtes curieux, vous pouvez voir la vidéo depuis le début.
Julio Sosa chante Madame Ivonne à la télévision.
Traduction libre et explication de texte…
Comme d’habitude, je fais une traduction destinée principalement à déceler les clefs secrètes, sans soucis de livrer une œuvre poétique de la qualité de l’original. Pour faciliter la lecture, j’indique en bleu les commentaires au milieu du texte. Le début est récité sur la musique, mais pas chanté.
Yvonne (Yvonne en français, Ivonne en argentin. Le titre est connu sous les deux formes du prénom, mais il s’agit bien sûr du même). Je réserve Yvonne à la partie française, quand elle est jeune et Ivonne à la partie argentine. Je t’ai rencontrée dans le vieux Montmartre, quand la cloche d’argent de ton rire était un refuge pour notre bohème. Ta fatigue et ton anémie n’étaient pas encore apparues derrière tes cernes violets. (Premiers signes que tout ne va pas pour le mieux pour Ivonne). Je t’ai connue quand l’amour t’illuminait de l’intérieur, et je t’adorais de loin, sans que tu le saches et sans penser qu’en te confessant cet amour, j’aurais pu te sauver. C’est la même histoire que celle de Susu contée dans Bajo el cono azul. Je t’ai rencontrée quand j’étais étudiant aux poches plates (fauché, sans le sou) et le Paris de la nuit de l’époque envoyait dans l’espace en une cascade de lumières le règne éphémère de ton prénom, Mademoiselle Ivonne
Commence ici la partie chantée.
Mademoiselle Yvonne était une poupée (pépète, jeune femme) qui, dans le quartier dit du vieux Montmartre (quartier populaire de Paris, accueillant de nombreux artistes), de son air courageux de grisette (couturière, lavandière, femme modeste, habillée de gris. Elle se différencie de la Lorette qui elle fait plutôt profession de ses charmes) joyeuse égayait les festivités de ce boulevard (le boulevard Montmartre). Elle était la Papusa du Quartier latin (Papusa, une jolie fille. Quartier étudiant de Paris, elle devait faire tourner les cœurs des jeunes gens) qui savait susciter des poèmes, jusqu’à ce qu’un beau jour un Argentin tombât et fit soupirer la petite Française. Madame Ivonne La Croix du Sud fut comme un signe. Madame Ivonne. C’était comme le signe de ta chance. Alouette grise (La alondra est un oiseau matinal. On donnait ce surnom à ceux qui se levaient tôt et se couchaient tôt, Yvonne était donc une travailleuse honnête). Ta douleur m’émeut, ton chagrin est de neige (il peut s’agir d’une vision poétique, mais plus sûrement de la cocaïne qui se désigne par « nieve » en lunfardo. Ces deux indications la référence à l’alouette du passé et à la cocaïne d’aujourd’hui, content en deux phrases toute l’histoire). Madame Ivonne Cela fait dix ans que Mademoiselle a quitté la France. Aujourd’hui c’est seulement Madame. Comme beaucoup de Françaises dans son cas, elle a dû devenir gérante d’un bordel et acquérir le « titre » de Madame. celle à qui tout paraît lointain (elle se désintéresse de ce qui se passe autour d’elle), avec ses yeux très tristes, elle boit son champagne (cela confirme qu’elle doit être la chef de la maison close. Il ne s’agit pas de véritable Champagne, encore aujourd’hui, les Argentins nomment ainsi les vins mousseux, ce qui énerve les viticulteurs français. Ils font de même avec le Roquefort…). Elle n’est plus la Papusa du Quartier latin, elle n’est plus la fleur de lys fauchée (Mistonga en lunfardo est pauvre. Je trouve que faucher la fleur de lys, c’est une belle image. Le lys est un symbole royal, mais aussi de pureté, de virginité, ce qui confirme discrètement que l’activité actuelle de Madame Ivonne n’est pas des plus pures). Il ne reste plus rien d’elle, pas même cet Argentin qui, entre tango et maté, l’a enlevée de Paris. Déjà les ravages du tango qui était une folie à Paris dans les années 20. Le maté est bien sûr el mate, la boisson indispensable aux Argentins. Madame Ivonne La Croix du Sud était comme un signe. La Croix du Sud est la constellation qui marque dans le ciel nocturne de l’hémisphère austral, le Sud.
Au rythme d’un tango
Le même jour, Tanturi et Castillo ont enregistrée Al compás de un tango. Les deux tangos pourraient être associés. En effet, le thème est un copain qui essaye de réconforter son ami qui est désespéré à cause d’une femme. Son conseil, aller danser…
Al compás de un tango 1942-03-18 — Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo (Alberto Suárez Villanueva Letra Oscar Rubens)Mademoiselle Yvonne et Madame Yvonne. « Dix années » séparent ces images. Je n’ai pas forcé sur les cernes d’Ivonne fatiguée par la drogue, le champagne et le chagrin
Quelle image choisir ?
L’illustrateur d’un texte est toujours confronté à des choix. Doit-il faire une belle image ou rester fidèle au texte. C’est effectivement un dilemme. Pour l’image de couverture, j’ai réalisé une image « entre deux ». Elle n’est plus la jeune femme insouciante de Paris, mais pas encore la tenancière droguée du bordel portègne. Cela me semblait plus convenable pour présenter l’article. Pour la dernière image, je souhaitais faire apparaître la décennie et ses ravages. J’ai donc testé différentes options pour choisir celle ci-dessus qui ne fait pas apparaître que la différence d’âge que j’ai amplifiée, disons à 20 ans au lieu des 10 du tango. Mais dans cette image, il est difficile de voir les ravages causés par le chagrin et la vie nocturne et sous l’emprise de l’alcool et de la drogue. Il me fallait donc aller plus loin. Si vous avez l’âme sensible, arrêtez de lire le texte ici et ne regardez pas les images qui suivent.
Yvonne est la même. Par contre, j’ai beaucoup vieilli Ivonne et je lui ai donné sans doute un peu trop d’âge. Pardon, Ivonne.Là, j’ai un peu plus fait tomber les traits d’Ivonne, tout en lui enlevant un peu d’âge pour être plus proche des paroles. Je lui ai rajouté les cernes violets et pendant que j’y étais, je lui ai rougi les yeux et agrandi les pupilles. Je crois que c’est une caractéristique provoquée par la drogue. La seule que je prends, c’est la musique de tango, celle qui a des effets euphorisants, même à forte dose.
Vous aurez peut-être remarqué le fond qui est le même pour toutes les images. Je l’ai conçu pour un article traitant du rôle de la France dans le tango. Pour vous remercier d’avoir lu jusqu’au bout, voici le fond, tout seul…
Je vous jure que ma seule drogue, c’est la musique. C’est ainsi que je vois les mélanges culturels entre la France et l’Argentine, les deux pays rois du cambalache
Cette milonga du jour a été enregistrée le 9 mars 1939, il y a 85 ans. Elle a été enregistrée par Donato et est toujours un succès dans les milongas. Cependant, son titre prête à interprétations et je choisis ce prétexte pour vous faire entrer dans le monde du tango du début du 20e siècle.
Edgardo Donato interprète ici une milonga écrite par son frère, pianiste, Osvaldo. Deux chanteurs interviennent, Horacio Lagos et Randona (Armando Julio Piovani). Ils ne chantent que deux couplets, comme il est d’usage pour le tango de danse.
Le disque
Sacale punta est la face B et la valse Que sera ?, la face A du disque Victor 38397.
Sur l’étiquette on trouve plusieurs mentions. Le nom de l’orchestre, Edgardo Donato y sus Muchachos et le nom d’un des chanteurs de l’estribillo, Horacio Lagos. Randona n’est pas mentionné. On trouve le nom des auteurs et compositeurs. L’auteur des paroles est en premier. Pour la valse, il n’y a qu’un nom, car Pepe Guízar est l’auteur de la musique et des paroles. Vous pourrez écouter cette valse en fin d’article. Sur le disque, on peut remarquer sur l’étiquette l’encadré suivant…
Exécution publique et radio-transmission réservées à RCA Victor Argentina INC. Ce disque n’est donc pas autorisé pour être joué en milonga 😉
Extrait musical
Sacale punta 1938-03-09 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)
Les paroles
Sacale punta a esta milonga Que ya empezó. Sentí que esos fueyes que rezongan De corazón. Y las pebetas se han venido De « true Vuitton ». (De truco y flor) El tango requiebra la vida (El tango es rey que da la vida) Y en su nota desparrama, Su amor.
Tango lindo de arrabal Que yo, No lo he visto desmayar ¡ Triunfó!. Tango lindo que al cantar Volcó, Su fe, su amor Varón tenés que ser.
Nada hay que hacer cuando rezongan El bandoneón Oreja a oreja las parejas Bailan al son, De un tango lleno de recuerdos Que no cayó. Si desde los tiempos de Laura Se ha sentido primera agua y brilló.
Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez. Seuls les deux premiers couplets sont chantés dans cette version.
Pourquoi un crayon à la milonga ?
Les paroles de cette chanson parlent donc de la milonga, du point de vue de l’homme qui se prépare à danser joue contre joue (oreille contre oreille) avec des jeunes femmes. « Saca punta » se dit pour tailler les crayons, faire sortir, la pointe, la mine. Cela se dit couramment dans les écoles.
Sacale punta. J’ai représenté le crayon bien taillé sur cette image, mais ce n’est qu’une petite partie de l’énigme.
Ici, Sandalio a écrit « Sacale punta a esta milonga », sors-lui la pointe à cette milonga… Pour ceux qui pourraient s’interroger, sur l’intérêt d’apporter un crayon à la milonga. Une petite investigation qui je l’espère ne sera pas trop décevante :
Les autres textes de Sandalio Gómez
Si on cherche une piste dans les autres textes écrits par Sandalio Gómez on trouve : Deux tangos : « Cumbrera » et « El mundo está loco ». Le premier est un hommage à Carlos Gardel et le second s’inscrit dans la tradition de « Cambalache » ou de « Al mundo le falta un tornillo », ces tangos qui parlent de la dégénérescence du Monde. Deux milongas : « De punta a punta » et « Mis piernas » qui est une milonga qui incite à se reposer, car les paroles commencent ainsi : « Sentate, cuerpo sentate, que las piernas no te dan más » assois-toi corps, car les jambes n’en peuvent plus. Un paso doble : « Embrujo » parle d’un « envoutement » amoureux. Du grand classique et si ce n’était ce « Sacale punta », les paroles ne prêteraient pas à interprétation. On n’est pas en présence de textes de Villoldo qu’il a souvent fallu remanier pour respecter les bonnes mœurs.
D’autres musiques utilisant « Sacale punta »
Il y a d’autres musiques qui utilisent l’expression « Sacale punta ». Par exemple, la milonga écrite par José Basso : « Sacale punta al lápiz » 1955-09-16 écrite par José Basso, mais qui n’a pas de paroles.
Sacale punta al lápiz 1955-09-16 — José Basso (Musique José Basso)
Si on reste en Argentine, on trouve plus récemment l’expression dans des textes de cumbias. Les cumbias ont souvent des textes scabreux, c’est le cas de celle qui s’appelle comme la milonga de Basso et qui est interprétée par Neni y su banda. Mon blog se voulant de haute tenue, je ne vous donnerai pas les paroles, mais sachez que le possesseur du lápiz (crayon) se vante de pouvoir en faire quelque chose au lit. Le groupe cubain Vieja Trova Santiaguera chante également « Sacale punta al lápiz ». Ce son est avec des paroles relativement explicites, la muñequa (poupée) faisant référence au même crayon que la cumbia susmentionnée.
Sácale la punta al lápiz — Vieja Trova Santiaguera
Le chanteur portoricain de Salsa, Adalberto Santiago, chante dans une salsa du même titre, « Sacale punta ». Il s’agit dans ce cas de faire les comptes avec sa compagne qui l’a trompée. Comme la liste des reproches est longue, elle doit préparer la mine de son crayon pour pouvoir tout noter. On est donc ici, dans la lignée scolaire, du crayon dont on doit affuter la mine.
Dans l’esprit du crayon pour écrire, on pourrait penser au carnet de bal pour inscrire les partenaires avec qui nous allons danser. Je n’y crois pas dans ce cas. Tout au plus le carnet et le crayon seront pour noter les coordonnées de la belle…
Et donc, pourquoi « Sacale punta » ?
Comme vous l’imaginez, les pistes précédentes ne me satisfont pas. Je vais vous donner ma version, ou plutôt mes versions, mais qui se rejoignent. Pour cela, interrogeons le lunfardo, l’argot portègne. En lunfardo se dit : « de punta en blanco » qui signifie élégant. Il est donc logique de penser que le narrateur souhaite sortir ses meilleurs vêtements pour aller à la milonga. Toujours en lunfardo, « hacer punta » est aller de l’avant. On peut donc imaginer qu’il faut aller de l’avant pour aller à la milonga. Continuons avec le lunfardo : La punta est aussi un couteau, une arme blanche. Quand on connaît la réputation des compadritos, on se dit qu’ils peuvent être prêts à sortir le couteau à la moindre occasion à la milonga. Pour résumer, il se prépare avec ses beaux habits, éventuellement avec un couteau dans la poche pour les coups durs. Il est donc prêt pour aller à la milonga qui a déjà commencé, pour danser joue contre joue et discuter ce qui se doit avec ceux qui se mettent en travers de sa route. On ne peut pas tout à fait exclure un double sens à la Villoldo, surtout si on se réfère au fait que cette milonga se réfère au début du XXe siècle, époque où les paroles étaient beaucoup plus « libres ».
Lo de Laura
En effet, le dernier couplet, qui n’est pas chanté ici, parle du temps de Laura. Il s’agit de la casa de Laura (Laurentina Monserrat). Elle était située en Paraguay 2512. Cette milonga était de bonne fréquentation au début du vingtième siècle.
Lo de Laura (Laurentina Monserrat). Cette « maison » était située en Paraguay 2512. C’est maintenant une maison de retraite…
Les danseurs pouvaient danser avec les « femmes » de la maison moyennant le paiement de quelques pesos. Je ne connais pas le prix pour cette maison, mais dans une maison comparable, Lo de Maria (La Vasca), le prix était de 3 pesos de l’heure. Le mari de la propriétaire, « El Ingles » (Carlos Kern) veillait à ce que les protégées soient respectées. On est toujours à l’époque du tango de prostibulo, mais avec classe. Il indique que dès l’époque de Laura, il était de Primer agua c’est-à-dire qu’il était déjà très bon. Un peu comme dans la milonga « En lo de Laura » (musique d’Antonio Polito et paroles d’Enrique Cadícamo). En effet, dans cette milonga, Cadícamo a écrit : « Milonga provocadora que me dio cartel de taura… », Milonga provocante qui me donna le titre de champion (en fait, plutôt dans le sens de cador, caïd, compadrito, courageux, qui se montre…).
En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas — Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)
Pour vous donner une idée de l’ambiance de Lo de Laura, vous pouvez regarder cet extrait du film argentin « La Parda Flora » de León Klimovsky et qui est sorti le 11 juillet 1952. C’est bien sûr une reconstitution, avec les limites que ce genre impose.
Reconstitution de l’ambiance en Lo de Laura. Extrait du film argentin « La Parda Flora » de León Klimovsky sorti le 11 juillet 1952
Dans cette partie du film se joue “El Entrerriano” d’Anselmo Rosendo Mendizábal. En effet, une tradition veut que Mendizábal ait écrit ce tango en Lo de Laura. Il était en effet pianiste dans cet établissement et c’est donc fort possible. Il intervenait aussi à Lo de Maria la Vasca et certains affirment que cet dans ce dernier établissement qu’il a inauguré le tango. Notons que les deux affirmations ne sont pas contradictoires, mais je préfère lever le doute en prenant le témoignage de José Guidobono, témoin et acteur de la chose. Il décrit cela dans une lettre envoyée en 1934 à Héctor et Luis Bates et qui la publièrent en 1936 dans « Las historias del tango: sus autores » :
La couverture de la partition d’El Entrerriano avec la dédicace à Ricardo Segovia (en haut à droite). Cela valait bien 100 mangos… On notera l’erreur d’orthographe, il manque un « r » à Entrerriano »
“Existía una casa de baile que era conocida por “María la Vasca”. Allí se bailaba todas y toda la noche, a tres pesos hora por persona. Encontraba en esos bailes a estudiantes, cuidadores y jockeys y en general, gente bien. El pianista oficial era Rosendo y allí fue donde por primera vez se tocó “El entrerriano”. […] así se bailó hasta las 6 a.m. Al retirarnos lo saludé a Rosendo, de quien era amigo, y lo felicité por su tango inédito y sin nombre, y me dijo: “se lo voy a dedicar a usted, póngale nombre”. Le agradecí pero no acepté, y debo decir la verdad, no lo acepté porque eso me iba a costar por lo menos cien pesos, al tener que retribuir la atención. Pero le sugerí la idea que se lo dedicase a Segovia, un muchacho que paseaba con nosotros, amigo también de Rosendo y admirador; así fue; Segovia aceptó el ofrecimiento de Rosendo. Y se le puso “El entrerriano” porque Segovia era oriundo de Entre Ríos.”.
José Guidobono
Traduction :
Il y avait une maison de danse connue sous le nom de « María la Vasca ». On y dansait toute la nuit pour trois pesos de l’heure et par personne. À ces bals, j’ai croisé des étudiants, des médecins et des jockeys [c’était une soirée spéciale du Z Club, club auquel Rosendo Mendizábal a d’ailleurs dédié un tango (Z Club)] et en général, de bonnes personnes. Le pianiste officiel était Rosendo et c’est là que « El entrerriano » a été joué pour la première fois. […] c’est ainsi qu’on a dansé jusqu’à 6 heures du matin. En partant, j’ai salué Rosendo, dont j’étais ami, et je l’ai félicité pour son tango inédit et sans nom, et il m’a dit : « Je vais te le dédicacer, donne-lui un nom ». Je l’ai remercié, mais je n’ai pas accepté, et je dois dire la vérité, je ne l’ai pas accepté parce que cela allait me coûter au moins cent pesos, pour le remercier de l’attention. Mais j’ai suggéré l’idée qu’il le dédicace à Segovia, un garçon qui marchait avec nous, également ami et admirateur de Rosendo ; C’est comme ça que ça s’est passé ; Segovia a accepté l’offre de Rosendo. Et il l’a intitulé « El Entrerriano » parce que Segovia était originaire d’Entre Ríos. […] Rosendo a ainsi gagné cent mangos (pesos en lunfardo). »
La face A du disque Victor 38397
Sur la face A du même disque Victor a gravé une valse. Elle a été enregistrée le même jour par Donato et Lagos, comme c’est souvent le cas. Cette valse est sublime, je vous la propose donc ici :
Ne pas confondre cette valse avec une au titre qui ne diffère que par deux lettres…
Quién será ? 1941-10-13 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos — Luis Rubistein (MyL)
Un clin d’œil pour les DJ
Felix Picherna, un célèbre DJ de l’époque des cassettes Philips, utilisait un crayon pour rembobiner ses cassettes. Il devait donc sacar la punta antes de la milonga. J’en parle dans mon article sur les tandas. Maintenant, vous êtes prêts à danser à Lo de Laura ou dans votre milonga favorite.
Alma mía, ¿con quién soñás? He venido a turbar tu paz. […] Abre niña tu ventanal que con rayos de luna risueña la noche porteña te quiere besar. Clin d’oeil, j’ai utilisé la silhouette de Gardel pour le chanteur derrière les volets.
Le tango du jour est une superbe valse, Alma mía qui témoigne des premiers enregistrements de l’orchestre de Carlos Di Sarli qui auparavant avait seulement gravé des titres avec son Sexteto. On retrouve dès les premiers enregistrements la subtilité harmonique au service d’une cadence rigoureuse qui fera sa gloire. Pour être juste, on trouvait déjà dans les derniers enregistrements du sexteto, quelques éléments de cette harmonie, mais qui étaient étouffés par une rythmique un peu pesante, héritière du canyengue. Pour se rendre compte de la qualité de la musique de Di Sarli sur des tangos, on pourra écouter La trilla, enregistrée le même jour qu’Alma mía, ou son premier enregistrement avec Rufino, le 11 décembre 1939, Corazón. Ceux qui me connaissent, savent que j’adore les valses, mais si je l’ai préférée à La trilla, enregistrée le même jour et qui aurait donc parfaitement convenu comme tango du jour, c’est que je suis retourné et j’ai toujours envie de chanter à tue-tête en même temps que Rufino « Aaaalmaaaaa míííííííaaaaaa, ¿ con quién soñás ? » (Mon âme, à qui rêves-tu ?). C’est également une superbe déclaration d’amour, à la Cyrano de Bergerac, il y a même le balcon. J’arrête de me justifier, cette valse est une merveille absolue et si Rufino est moins souvent choisi par certains collègues DJ que Jorge Durán ou Alberto Podestá, voire Carlos Acuña ou Oscar Serpa, c’est à mon sens très dommage. Il y a quelques jours, une organisatrice de Buenos Aires m’a remercié d’avoir passé une tanda avec Roberto Rufino.
Extrait musical
Alma mía 1940-02–15 (Valse) — Carlos Di Sarli con Roberto Rufino
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Mariposa, tus colores me han robado el corazón. Papillonne, tes couleurs ont volé mon cœur.
Alma mía, ¿con quién soñás? He venido a turbar tu paz. No me culpes, soy un cantor que ha querido mezclar a tu sueño un verso porteño borracho de amor.
Si despiertas, no maldigas llego aquí porque te adoro, porque sufro, porque imploro, porque quiero que me digas, si es verdad que cuando sueñas me acarician tus amores. Mariposa, tus colores me han robado el corazón.
Deja el lecho cándida flor que en tu reja ronda el amor. Abre niña tu ventanal que con rayos de luna risueña la noche porteña te quiere besar.
Duerme el ave, allá en su nido, solo rondo yo en la calma por saber si tienes alma, oh mujer, que me has vencido. Despierta si estás dormida que por ti, mi dulce dueña, mientras Buenos Aires sueña, yo agonizo en tu balcón.
Diego J. Centeno Letra: Héctor Marcó
Traduction des paroles
Mon âme, à qui rêves-tu ? Je suis venu troubler ta tranquillité. Ne m’accuse pas, je suis un chanteur qui a voulu mélanger à ton rêve un vers porteño, ivre d’amour. Si tu te réveilles, ne me maudis pas, je viens ici parce que je t’adore, parce que je souffre, parce que j’implore, parce que je veux que tu me le dises, si c’est vrai que, quand tu rêves, tes amours me caressent. Papillon, tes couleurs m’ont volé le cœur. Sors du lit, fleur candide, car l’amour hante ta clôture. Ouvre ta fenêtre, jeune femme, qu’avec les rayons d’une lune rieuse, la nuit portègne veut t’embrasser. L’oiseau dort, là, dans son nid. Seul, je me promène dans le calme pour savoir si tu as une âme, ô femme, qui m’a vaincu. Réveille-toi si tu dors, car, pour toi, ma douce maîtresse, pendant que Buenos Aires rêve, j’agonise à ton balcon.
Autres enregistrements
Curieusement, cette magnifique valse a été peu enregistrée. Il faut dire qu’il est difficile de surpasser la version de Di Sarli et Rufino. Les quelques exemples que je cite ici le prouvent.
1936-07-15 Agustín Magaldi accompagné de guitares. Honnêtement, cette version est un peu criée et pas très intéressante. Ce qu’en a fait 4 ans plus tard Di Sarli est heureux pour cette valse.
1969-10-21 Le Sexteto Tango avec Jorge Maciel. Absolument pas pour la danse et pour ceux qui supportent Maciel dans ses moins bons moments.
1996 Enzo Valentino propose une version maniérée guère plus intéressante que la version de Maciel. Pas de risque que je propose cela en milonga.
Sous le même titre, on trouve un tango composé par Sando Panizzi. Il est interprété par Marek Weber et son orchestre. Cet orchestre allemand est attachant, il témoigne de la folie du tango dans les années 20 et 30 en Europe. Son interprétation n’est pas si vilaine malgré ses airs militaires et ses flonflons de tromblons. J’ai mentionné ci-dessus La trilla, un tango écrit par Eduardo Arolas avec des paroles d’Héctor Polito. Rien à voir avec Alma mía, si ce n’est que ce tango a été enregistré par les mêmes, le même jour, le 15 février 1940.
Le chanteur s’interroge sur le rêve de sa bien-aimée. Peut-être que cette image représente le rêve des deux, quand elle aura ouvert ses volets pour accueillir la lune et l’amour. C’est mon interprétation…
Quelques gentils messages de danseurs et organisateurs Some nice messages from dancers and organizers Algunos lindos mensajes de bailarines y organizadores
Mireille S Byc Bernardo pour 12h non-stop de despedida endiablée !!
• Vincent T 10 h de dijing en live sans playlist … et quelle ambiance sur 10h … du grand art !!! merci mon ami
• Nicole C Tu es le meilleur !
• Laurence G 10 h de musique au top. Merci
• Annick L Merci à toi pour ta musique qui nous a régalés et pour ces belles photos !Solange V Merci pour vos félicitations quant au choix du DJ ! Il est vrai que BYC Bernardo est un dj qui s’implique à 100 % Des personnes sensibles au laser ont beaucoup apprécié ! (Pas laser, mais vidéoprojecteur avec nom des orchestres et musiques). Il régnait une aura une émanation incontestable, rarement aussi ressentie ! MERCI, MERCI à tous! Merci à Byc ! À refaire!!! Je vous promets sitôt que cela sera possible (Une date a été fixée 😉
Gustavo Benzecry Sabá Gracias, DJ Bernardo BYC, por la música y las fotos. ¡Abrazos!
Mireille S Merci Byc!!!! et un grand bravo pour ton perfectionnisme!!! Top!!!
Odette R Merci Bernardo pour tes belles photos… musique et gentillesse appréciées de tous les danseuses et danseurs…
Mireille S Merci Byc pour ta musique, tes photos et ta bonne humeur !!!
Isabelle et Richard T Merci pour la musique et ces belles photos.
Robert P À bientôt j’espère
Gérard D Remarquable tout simplement.
Lone N Thank you for the nice music and the pictures, too Lovely.
Monique R Merci Bernardo pour ces magnifiques photos de couples reflétant le bonheur et la joie de tanguerer sur des musiques excellemment choisies. Au plaisir de revivre cette ambiance.
Rose-Marie A Un grand merci Bernardo d’être tel que tu es : passionné par le Tango, toujours agréable et si généreux ! Oui, ce festival a été merveilleux par sa musique et la joie qu’il a transmis.
Annick L. Merci pour ta musique, les photos et tout et tout !
Bernadette C. Première soirée très joyeuse ! Merci Bernardo pour la musique.
Roselyne D Merci Byc pour ces belles tandas. L’ambiance était plus qu’au top. J’ai adoré
Annick L Merci pour ta musicalisation, ton dynamisme, ton enthousiasme ! Tu nous as vraiment régalés !!!
Mims Bc Merci Byc Bernardo pour une merveilleuse programmation musicale. La soirée a été grandiose.
Luis P one of the most interesting DJs I’ve heard in Tarbes this year. Thank you so much.
José M (maestro) Un grand merci à toi Byc Bernardo pour le choix des musiques de notre démonstration, pour ton énergie, ton talent de photographe et ta bonne humeur Bravo et merci
Christine B Prestation, musique, organisation ont contribué à une despedida topissime ! (j’ai passé la musique pendant 12 heures en continu)
Daniel Norbeto L Grande Bernardo … Genial !
Roland A Merci pour ton dynamisme et ce bonheur communicatif à travers de magnifiques tandas
Mims Bc Merci Byc Bernardo pour une merveilleuse programmation musicale. La soirée a été grandiose.
Laura K Capísimo!!!!
D y M Superbe comme d’habitude. Bisous. Merci Byc.
Arielle C Merci Bernardo pour ta musique inspirée et pour tes clichés tendres.
Chrystelle R On s’est régalés !
Tango C C’est une tout nouvelle catégorie TDJPhotographe ! … Merci pour la fantastique sélection musicale adaptée et ces clichés de haute qualité visuelle que reflète les différentes formes d’exprimer la sensibilité humaine. Un abrazo !
Tata L La musique c’était top
Arielle C Merci Bernardo pour ta musique inspirée et pour tes clichés tendres.
Chrystelle R On s’est régalés !
Tango C C’est une tout nouvelle catégorie TDJPhotographe ! … Merci pour la fantastique sélection musicale adaptée et ces clichés de haute qualité visuelle que reflète les différentes formes d’exprimer la sensibilité humaine. Un abrazo !
Tata L La musique c’était top
Luis P one of the most interesting DJs I’ve heard in Tarbes this year. Thank you so much.
Severine P un DJ génial Bernardo Byc
Mireille S Toujours au top BYC!!!!Tu nous as régalés à Tarbes comme toujours!!! Un grand MERCIII et ce n’est pas fini !! A très vite!!!!!
Chrystele D Très belle milonga. Merci pour ta musicalisation DJ Bernardo. CT Super
Roselyne J Geantissime
Daniel P Byc Bernardo prueba superada!
Tanguera Emilienne R Merci pour tes choix musicaux et ton parti pris que j’ai trouvé JOYEUX… Comme tu l’es.
Marie C Quelle ambiance ! Merci pour cette despedida fabuleuse
Alain D Bonjour. J’étais ce week-end à St EMINIE. Merci pour votre musicalisation de grande qualité. Au plaisir de vous réentendre. Je vais à 2, 3 endroits en Italie je mentionnerai votre nom…
Béatrice B Ta musique en a enchanté plus d’un , tu vis vraiment en interaction avec la salle… ce n’est pas si courant ! Certains DJ déroulent leur playlist sans mesurer l’ambiance… Toi, tu mets le feu. Tu vis la musique et ça se ressent ! C’est du tonnerre…
Mireille S Bravo Bernardo, pour ta très belle musique ta gentillesse ton enthousiasme contagieux… À l’unanimité tu as animé magnifiquement la despedida avec bcp de créativité !! Bref…c’était top top!!! En 2023… la barre va être très haute!!! RV dans 1 an…
José M Nous avons passé un agréable week-end et encore merci pour ta musique. Tu es très professionnel, nous sommes partants de t’inviter chez nous pour passer ta musique. Abrazo fuerte
Jeanne R E Sainte-Énimie ce fut un plaisir Une mention particulière pour la longue route de Byc Bernardo à la ressource inépuisable.
Julia DGracias¡ Bernardo maravillosa musicalización en sueño porteño
Maria T que lindo verte amigo!!! muy buena tu musica.
Quique C : Un gran DJ, excelente, le encanta pasar música,
Daniel B : Bernardo, gran colega, gran amigo un tipo muy experimentado en el arte de musicalizar tango, no solo un DJ, además hace VJ lo que es muy importante, espectacular…
Victoria V : Un grand merci à Bernardo BYC … Quelle soirée formidable !!
Diana B G : Una noche preciosa, gracias por hacerlo siempre tan acogedor!! un abrazo
Guillermo N : DJ Bernardo que hace un trabajo fabuloso en Francia.
José M, J’ai trop adoré la musique
Jean D En plus, le dj nous fait des photos ressenties dans la musicalité de sa musique… What else? Bravo ami Byc
Odette R Comme toujours magnifiques ! Musique et photos sont au top… J’adore.
Lucia S : BYC ES BUENISIMO ¡¡¡¡Y SUPER FAMOSO EN FRANCIA PASANDO TANGO Y ACA TAMBIEN¡¡¡¡¡¡¡
Cyrille M : Merci beaucoup Bernardo, toujours aussi bien et cela fait toujours plaisir. Abrazos
Odette R : Merci Bernardo.…pour tes superbes photos…également pour l’ambiance que tu fais partager avec ta musique...
Jean D : DJ Bernardo BYC je n’ai jamais oublié ta musicalisation à Besançon, avant le covid.
Marie J E : Merci Bernardo Byc, j’adore ta façon de nous rendre beaux et heureux…
Anny L : Merci pour les photos, Bernardo (et pour la musique !)
Mireille S : J’adore tes photos BYC !!! Tous les talents !!! Et quelle soirée !!! Ambiance de folie !!! Merciiiiiii
Luna M : remercie “DJ BYC Bernardo” pour sa gentillesse, sa bonne humeur et son professionnalisme !!
Marie-Noëlle H : Bravo Bernardo Byc pour la programmation musicale.
Christian T : BYC musicalisait en première partie (2 heures de musicalisation à BsAs, c’est qu’il est en train de gagner ses galons de Maréchal notre ami Bernardo). Très bien, comme d’habitude. Et comme d’habitude, il a mis presque aussitôt après mon arrivée une série de Rodriguez. À mon intention. Si ! C’était pour moi. Il l’a même annoncé au micro. Voyez bien qu’on m’aime parfois.
Mariana L : C’était une très belle milonga chez les amis de Malena, très bonne programmation musicale !! Bravo Dj Byc Bernardo ! Hasta pronto !
Nedj E : DJ Byc Bernardo n’est pas seulement un super DJ, c’est un super photographe. La première fois c’était en 2014, une photo magnifique qui capturait complètement qui j’étais à ce moment-là. 4 ans plus tard et après beaucoup de changements, il capture aussi qui je suis aujourd’hui. Merci Byc!
Eva J merci Byc très belle soirée et particulièrement ta programmation en nocturne
Quique C : Un gran DJ, le encanta pasar musica,
Maria B : C’était formidable hier ! Très bonne musique.
Frédéric Z : Merci à toi surtout : c’était MAGIQUE ! Ta program’ nous a transporté-e‑s dans un autre monde, avec le Paty, la lune, les arbres, le lac, une très très belle énergie collective circulait <3
Daniel G : Une superbe soirée au clair de lune et un grand merci au DJ Bernardo pour sa belle musique et ses superbes cortina à l’écoute des danseurs … souvenir inoubliable d’une tanda avec pour seule lumière la lueur de la pleine lune
Julia D: ¡Gracias Bernardo maravillosa musicalización en Sueño porteño.
Doris S: Fabuleuse milonga au lac de Paty grâce à l’énergie lunaire, aux partenaires…. mais surtout au Dj Bernardo Byc hors du commun, très à l’écoute des mouvements enthousiastes sur la piste. Un grand merci à lui et aux organisateurs. Belle découverte!
MB: C’était formidable hier ! Très bonne musique.
Jean D : Grand merci ami pour ta merveilleuse musique et ces belles photos si gratifiantes…
Armelle T : La Nuit Blanche des allumés à Nantes DJ Bernardo Byc – Un pur régal ! Lien Youtube : https://youtu.be/zVVjUKdSh
Armelle T : tu donnes le maximum, en musique en ambiance, en bonne humeur … !
Jean-Pierre VL : Apart from being an excellent tango dj, BYC Bernardo is also a skillful video technician who can put on tango music accompanied by harmonizing video images and clips. And also worth mentioning is that he’s man with the heart at the right place. So I highly recommend!
Rubén G : !!!salute bernardo !!avant…sempre!!°me gusta esa milonga !!te felicito.!! estoy feliz.
PMS : Très belle soirée, excellente musique et très belles photos. Merci Bernardo. ABRAZO!
YD : Merci pour cette bonne musique à Nantes.
NJB : felicitaciones Bernardo, gracias por difundir nuestro tango
BB : c’était parfait !
EP : Gracias !!!, se nota mucho tu pasión de DJ
OR : Merci Bernardo…pour ces photos… ton entrain…et la qualité de tes prestations. Très beau festival…!
JD : Me encanto tu música. Espero que te hayas llevado orquestas nuevas como la romántica milonguera o el cachivache quinteto harán furor en Francia te esperamos con cariño abrazo enorme.
Gracias a vos.
SM : Que lindo fue verte otra vez, gracias por esas tandas divinas que bailamos y tu música fue la mejor de todo el encuentro. Hasta pronto
RC : Quelle superbe soirée tu nous a fait passer avec une programmation exceptionnelle. Merci pour tous ces merveilleux moments de bonheur et ces beaux souvenirs
ADP : Lovely músic and funny milonga. Enchanteresse Dj
MDG : Enhorabuena Byc, fuiste el mejor musicalizador de encuentro de Calpe, abrazo
AT : DJ Bernardo Byc hyper sympa et souriant, et bien sûr sa musique exquise, jusqu’à l’ombre des arbres en passant par l’ambiance et l’échange ….. !!!
GG : Gracias Bernardo por la Musica y el partege Cultural Argentino!!! Hasta la Proxima!!! Abrazos
Mets une bonne ambiance en annonçant les musiques choisies pour chaque tanda.
Et aime faire des surprises, du genre vidéos pendant les morceaux lorsque c’est possible !!!
Luisa T : compartió tu video en vivo. « Une super soirée avec de la super musique !! »
RC : Coucou BERNARDO encore une superbe soirée tu es le meilleur bravo pour tous ces moments de danses
MS : Un grand merci pour cette année encore pour tous ces merveilleux moments que tu nous as donnés par tous tes talents réunis et ta gentillesse
Merci pour ta musique
Merci pour ta bonne humeur et ta générosité
Tous ont été ravis et pressés de s’inscrire pour l’an prochain!!
C’était magique !!
Du mal à atterrir !!
AA : Merci pour cette belle prestation musicale
DR : Muchas gracias Bernardo, además de poner buena música, haces una fotos geniales
VH : Además de un excelente Dj. ¡¡Tengo que decir que eres muy guapo!! 🙂 Muchas gracias por tanta profesionalidad y hasta el año que viene
GG : Grande Bernardo!!!
AM : Musicalisation toujours au top ! C’est toujours un régal de danser sur ta musique. Surtout ne change rien !
RB : Une ovation pour le DJ
JRM : Byc Bernardo, gracias por confiar en mi mano para sostenerte, espero disfrutar nuevamente de tu selección musical y deseo que sea pronto, desde Granada te envío un fuerte abrazo tanguero!!!
AF : Je te félicite le bon choix au bon moment, Super Byc Bernardo
Rony C : WAOU quelle très belle soirée avec un dj hors pair Bisous de Toulouse à bientôt
EO : Coucou Bernardo, je fais remonter l’impression générale après la 1ère milonga estivale. Tout le monde a été enchanté par ta prestation du mardi 11/07/17, jugée d’excellente. Je te remercie et te dis à très bientôt.
CS : Belle soirée et DJ au top kiss
GM : Milonga à Nevers, quelle soirée! Merci à l’équipe et en particulier à DJ Byc Bernardo. Les derniers sur la piste…
OR : Merci Byc ‚pour ces belles vidéos , ces belles ambiances de milonga…que tu sais si bien animer…
MM : C’est bien le + beau témoignage de cette chouette soirée ! Merci Byc Bernardo pour ton enthousiasme et ta générosité
BB : Excellent dj !excellent commercial …comment résister …
ML : Milonga Estivale très bien !! Je me suis vraiment amusée
DJ 17,75/20
PT : Merci merci et encore merci
FV : Super énergie….merci
RC : SUPERBE SOIRÉE A CHAQUE FOIS TU NOUS RÉGALES
BB : Trop bien ce festival ! Et te voir sur ton estrade tout ravi de nous voir ravis !!!super partage . Ah te gusta Bernard Yves tu tango !!!
S Sc Merci, BYC, pour cette très belle soirée musicale à Tangueando Toulouse, et tes très belles photos. A bientôt. Bises
JV : ça y est de retour notre grand DJ (de retour de Buenos Aires)
ED : Ambiance musicale extraordinaire ! Merci Bernardo Byc!
EP : Merci Bernardo Byc pour ces belles photos et pour ta bonne musique à ces 2 soirées
BB : !! Je t’adore autant en danseur qu’en dj ..bises
ML : Milonga despedida de Tangopostale très bien un peu fatiguée
DJ 17/20 muy bien
CN : Comme toujours, je suis éblouie par tant de talents pour un seul homme. …
TAM : Merci pour cette belle musicalisation !
AL : Byc Bernardo sabe tomar instantes mágicos que cree con su música
PB : Merci Bernardo pour cette belle ambiance que tu nous as mis
YD : Merci pour cette bonne musique à Nantes
ML : Ouverture Tangopostale aeroscopia
Merci beaucoup Byc Bernardo pour la Photo et les super tandas
JRE : Une agréable milonga de l’ombre de l’air et une musique exquise !
B : Nous sommes tous fatigués mais contents…. Merci à toi de nous avoir donné l’envie de danser jusqu’à très tard et d’avoir su apporter la bonne humeur nécessaire à cette réussite. Au plaisir de te rencontrer à nouveau à Brest ou ailleurs.
TAB : Merci à DJ BYC
MR : Belle soirée hier, merci pour votre musique, votre gentillesse et votre professionnalisme !!!
MCF : Triptica et Maria Belem plus Bernardo : c’était royal ! Magnifique soirée !
SM : J aime ta musique ta bonne humeur tes photos et tes vidéos! !!
Un grrrros Merci encore Bernardo
Plein de bises en attendant de se revoir à Aubais dimanche
AF : Merci de ton excellente prestation de mardi dernier
RC : Nous avons passé une superbe soirée avec un DJ qui sait mettre l’ambiance. Merci pour les belles vidéos que de beaux souvenirs bizzzz à bientôt
CT : Bravo c’était top !
VH : ¡¡ FELICIDADES GRAN DJ !! Qué ganas de verte en Calpe en el Milonguero Milonguero . y disfrutar de tu música.
MS : Bernardo le magnifique!!
Toujours au top !
Merciiiiii pour tous tes talents
AL : Quand BYC est aux manettes…le temps passe trop vite
HO : J‘aime le tango,le festival,Toulouse,l’affiche et…BYC. !
EC : wahhou c’est loin mais à ne pas manquer !!!
(à l’annonce d’un événement que je vais animer)
JMG : Merci pour cette belle soirée. Toujours une excellente musicalisation avec Dj Byc Bernardo
SD : Merci Bernardo pour tes belles musiques ; nous avons beaucoup apprécié.
DL : Merci Byc Bernardo pour avoir animé cette milonga de Nevers avec tant de bonne humeur
on aurait dit un chef d’orchestre ou monsieur cent mille volts
CD : Super soirée, grâce à notre excellent DJ …et animateur….!
CT : BYC musicalisait en première partie (2 heures de musicalisation à BsAs, c’est qu’il est en train de gagner ses galons de Maréchal notre ami Bernardo). Très bien, comme d’habitude. Et comme d’habitude, il a mis presque aussitôt après mon arrivée une série de Rodriguez. À mon intention. Si ! c’était pour moi. Il l’a même annoncé au micro. Voyez bien qu’on m’aime parfois.
SM : Bernardo es un excelente bailarín y DJ
MJDT : Merci à tous, pour cette superbe soirée samedi à la milonga de Danzarín . Merci à notre dj invité bernardo, super ambiance!
FM : Merci Bernardo pour ta musique et tes belles photos!!! bisous
ALDG : Merci à toi, très belle musicalisation, un régal
MT : Merci! Une belle soirée musicale que les danseurs ont appréciée…Ils auraient bien dansé plus tard dans la nuit. Merci pour ta gentillesse et ton professionnalisme. A un de ces jours !
CR : Un vrai et grand DJ. Une richesse musicale très appréciable. Et qui sait rallumer le feu quand une soirée est mal engagée (ça arrive, avec des groupes de tangos un peu plans plans, ou une salle pas très engageante…).
AL : Ambiance top ‚musicalité au RV ‚merci Byc Bernardo
P : Une belle soirée où convivialité, bonne humeur, bon tango et belle musique étaient réunis. Merci Bernardo pour cette programmation musicale, merci MC Dance Shoes pour ta présence et merci à tous les danseurs!
OG : Merci Byc Byc Bernardo pour la musique. Un sans faute.
HM : trés belle milonga et trés bonne musicalité. Bravo au DJ.
EC : Et merci aussi à Byc Bernardo pour son excellente musique
VV : Merci pour ta présence et ton amour pour ce métier ainsi que pour la bonne musique à LA VICTORIA. Fait moi signe. Je t’embrasse et à très bientôt !
AP : Merci pour cette belle soirée. Super organisation, super DJ, super photographe…
ECB : Super week-end. Super dj. Merci.
AP : challenge bien mené !! et objectif atteint !!! c’était super hier soir, bravo Bernardo, despedida trés vivante sur la piste et fébrilité, plaisir et bonne humeur dans la salle !
MLA : Milonga estivale L’Oka super le DJ Byc Bernardo géniale la musique
F Z: Merci à toi : c’était MAGIQUE ! Ta program’ nous a transporté-e‑s dans un autre monde, avec le Paty, la lune, les arbres, le lac, une très très belle énergie collective circulait <3
GB : Chouette le choix musical : pour tous les goûts, superbes photos, merci Byc Bernardo.
JMM : Après ce week End , le sentiment d’être comblés par tous ces bons moments que nous avons traversés …
Merci pour la qualité et la générosité de la « musique » et ta disponibilité ….
MH : J’ai beaucoup aimé la musique hier, même et surtout les morceaux que je ne connaissais pas… c’était toujours dansant… une fois de plus, merci Bernardo!
AF : Bonjour Bernardo, je voulais te remercier pour ta musicalisation , IMPRESSIONNANT J’ADORE ! Merci et nous nous retrouvons au week end MEZE? Un abrazo
MA : C’était une très belle soirée… merci pour la musique !!!!
BB : C’était très sympa , très bon accueil , très bon dj…..
AM : Belle musique, belle ambiance, belle soirée !….
GC : pour moi, tu reviens quand tu veux ! Hasta la proxima.
VV : j’ai beaucoup apprécié la musique que tu as choisi et la piste été toujours pleine !!! merci aussi pour les photos !!! Infiniment merci. Bonne Bellevilloise dimanche !!! je t’embrasse.
OG : Merci Bernardo, nous ne t’avons pas assez remercié pour cette belle soirée en ta compagnie. Je veux me faire le porte-parole de tous les participants de la milonga hier soir qui ont loué ta musique et exprimés de la sympathie envers vous . J’espère que nous pourrons renouveler l’expérience. Merci pour les superbes photos! Bises A bientôt.
AF : Un super Merci à Byc Bernardo, vraiment, extra, Merci mon ami.
TP : Non seulement DJ BYC Bernardo nous a fait danser toute la nuit Samedi 26 avril lors du Gala de Tangueros Perpignan, mais en plus il est un superbe photographe. Je partage dons son album… Merci Bernardo!
DE : Merci bernard pour ta musique et pour ton amitié, cela a été un plaisir de te revoir.
FCDT : merci pour cette belle musique! au plaisir de te revoir bientôt à la casa ou ailleurs.
JPD : Dimanche 8 février. Contradanza XXL. Photo de Bernardo Byc dont j’ai beaucoup apprécié la programmation musicale
FM : Superbe programmation à La Pluma!!!!! Un régal!!!! Rien à jeter!!
A bientôt.
BISOUS
MA : C’était une très belle soirée avec de la très très bonne musique. Merci Alejandro et DJ Bernardo
PMS : TRES GROSSE SOIREE avec une super ambiance toute la nuit jusqu’à 7h AM !!!On se serait cru dans une milonga de BsAs…
ALC : Un Dj entraînant, des tandas variées, dansantes et un excellent photographe.
TV : Et merci encore Bernardo pour afficher les noms des orchestres pendant la milonga, tant d’autres DJs (qui se la pètent parfois ne prennent même pas la peine de partager cela, c’est pourtant estimable et tellement bienvenu. Bonne musique également, Bravo et merci.
PB : Merci Bernardo pour ta musique et l’esprit que t’influe derrière tes platines
ECB : Un DJ super un lieu superbe même sous la grisaille et où on se sent bien dès que l’on y pose les pieds.
ML : encore plein de sourires et une belle énergie, encore un super DJ, qui plus est bénévole pour la bonne cause, encore 140 danseurs…
A : on te garde, Bernardo !!! très bonne musique de tous les avis et du mien, n’en parlons pas !! tout fut bon dans ce festival, il n’y a rien à jeter, et on l’a dégusté jusqu’à la dernière goutte !
F : Merci pour ta musicalisation, elle était à la hauteur de cette merveilleuse soirée inoubliable, quelle bonne idée d’avoir proposé DJ BYC
TP : Très belle soirée de gala hier, un couple de maestro sublime, une belle salle, une belle piste qui ne désemplissait pas grâce à un excellent DJ, une soirée dont on se souviendra !
JV : toujours le sourire!!!!!!!!!!!!!!!!Super DJ
TM : Excellente prestation !
Belle énergie.
MA : Merci pour cette belle soirée PR : Merci pour cette bonne soirée MEB : b !!!IR : Merci Bernardo ! Tu as mouillé la chemise et les platines
AL : C’est aussi le groupe que j’écoute le plus souvent, la première fois que je les ai entendus, c’est avec Byc Bernardo, quand elle chante Poema, tt y est la sensualité, la gravité… que du bonheur, j’essaie de m’organiser pour venir à Limouzi Tango
EJ: merci BYC très belle soirée et particulièrement ta programmation en nocturne
MNH : Bravo Bernardo BYC pour la programmation musicale.
Milonguero Milonguero 2016 – DJ Bernardo BYC
Témoignage VJ :
HL : animation vidéo par Byc… (et c’était très bien, mais ça c’est juste un avis perso)
Jean-Pierre VL : Apart from being an excellent tango dj, BYC Bernardo is also a skillful video technician who can put on tango music accompanied by harmonizing video images and clips. And also worth mentioning is that he’s man with the heart at the right place. So I highly recommend!
ED : Soirée très cool ouatée agréable et sensuelle que ce soit colorée ou dans le noir absolu. ..musiques très chouettes et ambiance de rêve !
NG :MERCI Byc Bernardo, c’est surprenant en tant que D.J. de voir en image l’inspiration du moment.
EA : Nom de nom, vous deux en coopération sur une Néolonga et j’ai raté ça en étant tout à côté ? De quoi se flinguer…
NG : Merci, Bernardo, j’ai trouvé que les gens sont restés un peu plus tard que d’habitude… Je ne crois pas au hasard !
HL : animation vidéo par Byc… (et c’était très bien, mais ça c’est juste un avis perso)
DJLa milonga Mema (Aubais, France) 28/08/2022 Quelques souvenirs
DJVJArtetango (Albi, France) 24–25/08/2022 Quelques souvenirs Merci à Claire et ses photographes pour ces souvenirs de la première milonga que j’ai animée dans cette 14e édition d’Artetango.
DJ Buenos Aires, Argentina 11/07/2022–17-08/2022
DJVJ et conférencier Tangopostale (Toulouse, France) 05/07/2022–10/07/2022)
Conférence : Repères historiques et transformations des programmations en milonga
Animation de la despedida, 10 heures sans interruption.
DJTango Costa Brava Festival (Sant Feliu de Guixols, España) 01/09/2018 Milonga de galaDJ Milonga de Los Consagrados – Leonesa – Buenos Aires 11/08/2018 PhotosVidéo
DJ El Puchu (Obelisco Tango) (3ra vez) 09/08/2018 PhotoVideo
DJ Sueño porteño (Club Gricel) (2da vez) 08/08/2018 Photos
Depuis quelques mois, je me bagarre avec des pirates qui essayent de bloquer toutes mes activités de DJ. Malgré les précautions paranoïaques prises, ce site a été bien malade.
J’ai changé d’hébergeur, car le serveur Gandi.net utilisé était la cause des premiers piratages, car c’était leur serveur qui était piraté et malgré un abonnement à Sucuri, les pirates intervenaient directement sur les répertoires pour y stocker des fichiers. Mon site de photographie a été victime des mêmes pirates pour les mêmes raisons.
Je suis passé ensuite à OVH, mais le service technique est absolument minable et très lent. Je teste donc un nouvel hébergeur et j’espère que ce sera au top.
La transition n’est pas achevée à ce jour et mon adresse mail associée à ce site est entre les deux hébergeurs et je pense avoir perdu quelques messages… Si des courriels vous sont revenus ou si je ne vous ai pas répondu, retentez un peu plus tard, ou écrivez-moi sur mon adresse argentine (celle qui se termine par yahoo.com.ar).
La guerre sur Facebook
Là, les choses ne sont pas en voie de rétablissement complet.
En effet, en juillet 2023, un pirate a posté sur mon profil des images de guerre. Cela a provoqué le blocage instantané de mon compte.
En fait, ce qui intéressait le pirate n’était pas d’avoir accès à mon profil, mais à ma page de DJ qui compte 11000 abonnés.
Celui-ci a ouvert des campagnes publicitaires pour plusieurs milliers d’euros. J’ai réussi à bloquer ces campagnes sans trop de dégâts financiers, mais maintenant, je ne suis plus administrateur de ma page DJ de Facebook : https://www.facebook.com/DJBernardoTango. ATTENTION cette page est toujours aux mains du pirate . J’en ai la preuve par le fait qu’il répond à ma place à des messages des visiteurs, messages que l’on m’a transmis.
Facebook ne réponds pas à mes courriers recommandés envoyés à Meta en Irlande, je crains de ne pas pouvoir récupérer ma page. Pour l’instant, il est toujours possible de consulter une dizaine d’années de photographies et d’informations que j’avais partagées, jusqu’en juillet 2023, date du piratage.
Pour ce qui est de mon ancien profil Facebook, je n’ai plus du tout accès, Facebook l’a bloqué et m’indique que si je ne suis pas d’accord, je peux faire appel aux tribunaux. Malheureusement, je n’ai aucun élément indiquant pourquoi ma page est bloquée. Je pense que le pirate a continué à mettre des saletées sur mon profil jusquà ce que Facebook prenne cette décision, sans appel possible.
J’ai donc créé un nouveau profil Facebook auquel je souhaite vous inviter. En effet, Facebook me laisse inviter très peu, y compris des amis proches, indiquant que je ne connais pas ces personnes.
Message aux organisateurs d’événements Tango
La fermeture de mon compte Facebook a entraîné la perte de tous les messages postés via Messenger. Plusieurs dates calées pour 2024 l’ont été par ce canal et je n’ai donc plus les coordonnées des organisateurs et les dates des événements.
Si vous m’avez réservé un créneau, merci de me contacter pour tout mettre au clair. Étant encore pour trois mois en Argentine, merci de passer de préférence par courriel ou WhatsApp (français ou argentin).
Redevenons amis !
En résumé, méfiez-vous des évolutions de ma page de DJ et reprenons contact via mon nouveau profil Facebook : https://www.facebook.com/dj.byc.bernardo/ ou via le formulaire de contact de ce site.
Anécdotas de tango- Les 4 piliers, Di Sarli, Pugliese, Troilo et D’Arienzo.
Des anecdotes pour mieux connaître et mieux aimer la culture et la musique autour du tango.
Ma philosophie — Mi filosofía — My philosophy
DJ BYC (Bernardo) a une solide formation musicale et depuis l’enfance, une passion pour la musique argentine, contemporaine et folklorique. Il était donc logique qu’il devienne danseur de tango et DJ spécialisé dans cette merveilleuse musique.
Depuis une vingtaine d’années, il anime des milongas, des festivals et des encuentros milongueros en Europe et à Buenos Aires. Voir son agenda…
Il a développé un style totalement voué au plaisir des danseurs dans l’esprit portègne, celui de Buenos Aires, avec sa touche personnelle, un brin de fantaisie.
Toutes ses tandas sont assemblées en direct à partir d’une sélection de 6000 tangos restaurés par ses soins. Aucune playlist…
Son autre passion est l’image, il travaille dans l’audiovisuel depuis 1979 et a combiné cette passion avec le tango en étant aussi VJ (Video-jockey) et photographe.
Ses animations vidéo sont en relation avec l’ambiance du bal, que ce soit pour des milongas traditionnelles ou des événements alternatifs. Pour en savoir plus…
Ses photos sont des remerciements au plaisir que lui donnent les danseurs qui évoluent sur sa musique. Pour voir quelques exemples…
DJ BYC (Bernardo) tiene una sólida formación musical y desde la infancia, la pasión por la música argentina, contemporánea y folklorica. Era lógico, pues, que se convierte en bailarín de tango y DJ especializado en esta maravillosa música.
Por veinte años, que hace DJing en milongas, festivales y encuentros milongueros en Europa y Buenos Aires. Ver las fechas…
Desarrolló un estilo totalmente dedicado al placer de los bailarines en el espíritu porteño, con un toque personal, un toque de fantasía.
Todas sus tandas se armen en vivo entre una selección de tangos 6000 restaurados por él. No hay lista de reproducción, ninguna…
Su otra pasión es la imagen que él trabajó en el audiovisual desde 1979 y combina esta pasión con el tango, como VJ (video jockey) y fotógrafo.
Sus animaciones de vídeo están relacionadas con el estado de ánimo del baile, ya sea para milongas tradicionales o eventos alternativos. Para saber más…
Sus fotos son para dar gracias los bailarines del placer a ver los evolucionar sobre su música. Para ver algunos ejemplos…
Su lema: “El tango es un pensamiento feliz que se baila”.
También hago formaciones de bailarines y DJ (musicalidad).
DJ BYC (Bernardo) has a solid musical background and since childhood, the passion for Argentine’s music, contemporary and folk. It was logical, then, that he became a tango dancer and DJ specialized in this wonderful music.
For twenty years, he makes DJing in milongas, festivals and encuentros milongueros in Europe and Buenos Aires. See the dates…
He developed a personal style totally dedicated to the pleasure of the dancers in the Buenos-Aires spirit, with a personal touch, a touch of humor.
All his tandas are realized live among a selection of 6000 tangos restored by him. No playlist…
His other passion is the image. He has worked in audiovisual since 1979 and combines this passion with tango, as VJ (video jockey) and photographer.
His video animations are related to the mood of the dance, whether for traditional milongas or alternative events. To know more…
His photos are to thank the dancers for the pleasure of watching them evolving over his music. To see some examples…
His motto: “The tango is a happy thought that is danced.”
I also make formations of dancers and DJ (musicality).