Le tango d’aujourd’hui a été enregistré par Juan D’Arienzo, le 26 février 1941, il y a exactement 83 ans. Los fuegos artificiales sont les feux d’artifice. Nous verrons dans cet article qu’on peut les voir réellement dans la musique.
Ceux qui connaissent un peu l’Argentine savent qu’ils sont fans d’expériences pyrotechniques. Cependant, contrairement à la France, ce ne sont pas les communes qui les proposent, ce sont les Argentins eux-mêmes qui rivalisent avec leurs voisins pour proposer le plus beau spectacle. Roberto Firpo et Eduardo Arolas se sont donc inspirés de ces feux d’artifice pour proposer un tango descriptif où se voient et s’entendent les fusées.
Roberto Firpo
Roberto Firpo, un des auteurs de cette musique, a souvent composé des tangos imagés, c’est-à-dire où la musique cherche à imiter des sons de la vie réelle. On connaît, par exemple : El amanecer (l’aube) avec ses oiseaux qui accueillent le soleil ; El burrito (l’âne) un pasodoble où on entend quelques facéties d’un âne ; El rápido (tango) imitation du train avec dans certaines versions des annonces du type (second service du restaurant). Biagi et Piazzolla par exemple, reprend ce thème de façon plus musicale, pour la danse dans le cas de Biagi et pour l’écoute en ce qui concerne Piazzolla, mais dans tous les cas on reconnaît bien le train ; La carcajada le rire.
Fuegos artificiales est donc dans cette lignée et il n’est pas difficile d’imaginer la trajectoire des cohetes (fusées) en écoutant les différentes versions de cette œuvre.
Roberto Firpo a composé énormément. Il n’est pas un chef d’orchestre de premier plan, mais tous les danseurs de tango ont dansé, parfois sans le savoir, bon nombre de ses créations interprétées par d’autres orchestres. En plus d’El amanecer, on pourrait citer, Alma de bohemio dont il existe des dizaines de versions, dont celle très exceptionnelle de Pedro Laurenz chantée par Alberto Podestá qui tient la note pendant une durée incroyable, Argañaraz (Aquellas farras), Didi, El apronte ou Viviani.
Extrait musical
Fuegos artificiales 1941-02-26 – Orquesta Juan D’Arienzo.mp3. C’est le premier enregistrement de ce thème par D’Arienzo et celui qui fait l’objet de cet article.
Les paroles… la musique en images
Comme il s’agit d’un tango instrumental et que personne n’a eu l’idée d’y mettre des paroles. Je vous propose de voir les fusées du feu d’artifice dans la musique. En effet, pour travailler la musique, les logiciels spécialisés proposent différents outils. Un que j’aime bien est la représentation de la fréquence spectrale. Le principe est simple. Plus un son est grave et plus il est représenté en bas du spectrogramme. Mais ici, ce n’est pas la technique qui nous intéresse, mais ce qu’on peut voir avec cet outil. Nous allons voir trois versions. Celle de Firpo (le compositeur) en 1927, puis en 1928 et enfin celle qui fait l’objet de la composition du jour, celle de D’Arienzo de 1941.
Spectrogramme de la version de 1927 de Firpo. Observez les lignes obliques qui indiquent, de gauche à droite, une descente chromatique, une remontée chromatique (on dirait un V, visible dans la première moitié) puis une descente vers le spectre grave vibrée dans la seconde moitié. Ce sont les fusées du feu d’artifice qui montent et descendent. Fuegos artificiales 1927-11-04 — Orquesta Roberto Firpo. La partie correspondant à l’image ci-dessus se trouve entre 1 h 28 et 1 h 36. Version de 1928 de Firpo. Elle est sensiblement différente de celle de 1927. La montée chromatique est effectuée par tout l’orchestre et la descente par les seuls violons. Le motif en V de la version de 1927 a disparu, certains éléments de la descente chromatique qui précédait se retrouvent désormais dans la montée, beaucoup plus puissante et par conséquent presque invisibles. Fuegos artificiales 1928-05-28 — Orquesta Roberto Firpo. La partie correspondant à l’image ci-dessus se trouve entre 1 h 25 et 1 h 35. C’est la même que dans la version 1927. La même partie de la musique, mais d’un aspect totalement différent. Les montées et descentes se font en escalier. Les glissandos de violons ont disparu.Fuegos artificiales 1941-02-26 — Orquesta Juan D’Arienzo. Dans le même passage (1 : 29, à 1 : 36) les glissandos des violons ont disparu. Les notes en marche d’escalier sont typiques de D’Arienzo. Tout l’orchestre et notamment les bandonéons et le piano montent chromatiquement par saccades, puis le piano en solo entame une descente chromatique qu’il enchaîne avec une remontée, accompagné par l’orchestre.
Le motif est donc très différent de celui de Firpo et ne suggère que lointainement le feu d’artifice.
Pour le retrouver, il faut choisir un autre passage.
Ici, c’est le début de la version de D’Arienzo, dans une partie différente. À gauche, une montée chromatique saccadée au piano, suivi d’un silence (zone sombre au milieu). Ce silence accueille des coups fermes du bandonéon, puis enfin, une nouvelle montée chromatique, cette fois en glissando par les violons. C’est une évocation de la montée des fusées.
Mais là, on est loin de la description des versions de Firpo. Même la montée chromatique des cordes est courte et peu expressive, comme si D’Arienzo voulait faire oublier qu’il s’agissait d’un feu d’artifice. En effet, il en fait une pièce instrumentale, beaucoup moins imagée. Cependant, D’Arienzo n’a pas hésité à faire quelques tangos imagés, comme El Hipo où Echagüe a le hoquet (hipo), accompagné par de courts glissandos de violon, mais ce n’est pas le meilleur de sa production…
En observant les spectrogrammes, on peut tirer des idées sur la façon dont le musicien organise sa musique et sa composition.
Les enregistrements de Fuegos artificiales
Par Juan D’Arienzo
D’Arienzo a enregistré à deux reprises ce titre. . C’est la version proposée d’aujourd’hui.
Fuegos artificiales 1941-02-26 — Orquesta Juan D’Arienzo. Fuegos artificiales 1946 — Orquesta Juan D’Arienzo. Une version plus rare. La prise de son un peu brouillonne rend la danse moins intéressante. Cette version ne manquera donc pas en milonga.
On trouve deux ou trois autres enregistrements souvent attribués à d’Arienzo, mais ils ont été réalisés après la mort de celui-ci. Ce sont les mêmes musiciens qui ont repris les thèmes sous la direction du bandéoniste arrangeur de D’Arienzo, Carlos Lazzari. On peut donc presque considérer que c’est du D’Arienzo tardif. Le plus ancien est de 1977, un autre a été enregistré au Japon, mais est quasiment identique à celui de 1987 que je propose ici :
Fuegos Artificiales 1987 — Los Solistas de D’Arienzo dir. Carlos Lazzari.
Par d’autres orchestres
Fuegos artificiales 1927-11-04 — Orquesta Roberto Firpo. C’est le plus ancien enregistrement, par l’auteur de la partition. Une version bien canyengue, mais très expressive et descriptive. On aimerait sans doute un peu plus de vitesse pour rendre le spectacle plus dynamique. Nous en avons parlé ci-dessus.Fuegos artificiales 1928-05-28 — Orquesta Roberto Firpo. Firpo s’est rendu compte qu’il pouvait accélérer son titre. Elle a également été présentée visuellement ci-dessus.Fuegos artificiales 1945-05-29 — Orquesta Aníbal Troilo. Comme dans la version de 1941 de DArienzo, la partie descriptive est atténuée. Contrairement à D’Arienzo, la musique est plus coulée, sans les saccades et on a un peu l’impression de voir les explosions de lumière au loin, les instruments se mêlant comme se mêlent les étoiles d’un feu d’artifice. C’est une très belle version alternant les moments de tension et ceux de relâchement, mais avec un enchaînement, sans rupture. La musique est plus coulée. Pour la danse, cela peut manquer un peu de clarté pour des danseurs qui ne maîtrisent pas les subtilités de Troilo, mais ils pourront se raccrocher à la marcation la plupart du temps bien présente.
En 1952, Troilo enregistrera une autre version bien plus spectaculaire et évoquant les prémices du tango nuevo.
Fuegos artificiales 1952 — Orquesta Aníbal Troilo. Version plus spectaculaire que celle de 1945, annonçant les futurs succès de Troilo vers le tango dit nuevo.
On pourrait multiplier les exemples, mais maintenant vous saurez être attentifs aux éléments de feu d’artifice, par exemple chez Donato, Varela ou De Angelis qui en ont tiré également des versions intéressantes.
Ne me dites pas que la voix chaude d’Alberto Podestá quand il lance le premier « Percal » ne vous émeut pas, je ne vous croirais pas. Mais avant le thème créé par Domingo Federico et magistralement proposé par l’orchestre de Caló a instauré une ambiance de mystère.
Je ne sais pas pourquoi, mais les premières notes m’ont toujours fait penser aux mille et une nuit. L’évocation de la percale qui est un tissu de qualité en France pourrait renforcer cette impression de luxe. Cependant, le percal qui est masculin en espagnol, est une étoffe modeste destinée aux femmes pauvres. Vous le découvrirez plus largement avec les paroles, ci-dessous.
Podestá a commencé à chanter pour Caló à 15 ans. Il a passé une audition dans l’après-midi et le soir-même il commençait avec l’orchestre. Miguel Caló savait déceler les talents…
Extrait musical
Qué tiempo aquel 1938-02-24 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar
Les paroles
¿Te acuerdas del percal? Tenías quince abriles.
Percal… ¿Te acuerdas del percal? Tenías quince abriles, Anhelos de sufrir y amar, De ir al centro, triunfar Y olvidar el percal. Percal… Camino del percal, Te fuiste de tu casa… Tal vez nos enteramos mal. Solo sé que al final Te olvidaste el percal.
La juventud se fue… Tu casa ya no está… Y en el ayer tirados Se han quedado Acobardados Tu percal y mi pasado. La juventud se fue… Yo ya no espero más… Mejor dejar perdidos Los anhelos que no han sido Y el vestido de percal.
Llorar… ¿Por qué vas a llorar?… ¿Acaso no has vivido, Acaso no aprendiste a amar, A sufrir, a esperar, Y también a callar? Percal… Son cosas del percal… Saber que estás sufriendo Saber que sufrirás aún más Y saber que al final No olvidaste el percal. Percal… Tristezas del percal.
Percal est mentionné sept fois dans les paroles de ce tango d’Homero Expósito. Il est donc très important de ne pas faire un contresens sur la signification de ce mot. Wikipédia nous dit que : « La percale est un tissu de coton de qualité supérieure fait de fil fin serré à plat. Elle est appréciée en literie pour son toucher lisse, doux, et sa résistance ». Vous aurez compris qu’il ne faut pas en rester là, car une fois de plus, c’est le lunfardo, l’argot argentin qu’il faut interroger pour comprendre. En lunfardo, il s’agit d’un tissu de coton utilisé pour les robes des femmes de condition modeste. On retrouve dans cette dérivation du mot en lunfardo, la dérision de la mode de la haute société qui se piquait d’être à la française. Nommer une toile modeste du nom d’une toile prestigieuse était une façon de se moquer de sa condition de misère. En français, on dirait donc plutôt « calicot » que percale pour ce type de tissu de basse qualité. Voici ce qu’a écrit Athos Espíndola dans son « Diccionario del lunfardo » :
Percal. l. p. Tela de modesta calidad que se empleaba para vestidos de mujer, la más común entre la gente humilde. Fue llevada por el canto, la poesía y el teatro populares a convertirse en símbolo de sencillez y pureza que representaba a la mujer de barrio entregada a su hogar y a la obrera que sucumbía doce horas diarias en el taller de planchado o en la fábrica para llevar unos míseros pesos a la pobreza de su familia. A esa que luego, a la tardecita, salía con su vestido de percal a la puerta de su casa a echar a volar sueños e ilusiones. Pero también fue símbolo discriminatorio propicio para que las grandes señoras de seda y de petit-gris tuvieran otro motivo descalificatorio para esa pobreza ofensiva e insultante que, afortunadamente, estaba tan allá, en aquellos barrios adonde no alcanzaban sus miradas. ¿Cómo iba a detenerse a conversar con una mujer que viste de percal?
Athos Espíndola, Diccionario del lunfardo
Ce tango évoque donc la malédiction de celles qui sont nées pauvres et qui ne sortiront pas de l’univers des tissus de basse qualité, contrairement à celles qui vivent dans la soie et le petit-gris. Pour information, le petit-gris est apparenté au vair des chaussures de Cendrillon, le vair étant une fourrure à base de peaux d’écureuils. Le petit-gris, c’est pire dans le domaine de la cruauté, car il faut le double d’écureuils. Au lieu d’utiliser le dos et le ventre, on n’utilise que le dos des écureuils pour avoir une fourrure de couleur unie et non pas en damier comme le vair.
Tenías quince abriles, en français on emploi souvent l’expression avoir quinze printemps pour dire quinze ans. En Argentine, les quinze ans sont un âge tout particulier pour les femmes. Les familles modestes s’endettent pour offrir une robe de fête pour leur fille, pour cet anniversaire le plus spectaculaire de leur vie. Le fait que la robe de la chanson soit dans un tissus humble, accentue l’idée de pauvreté. Il existe d’ailleurs des valses de quinzième anniversaire et pas pour les autres années. Dans les milongas, la tradition de fêter les anniversaires en valse vient de là.
El vals de los quince años pour l’anniversaire de Quique Camargo par Los Reyes del Tango. Milonga Camargo Tango – El Beso – Buenos Aires – 2024-02-17. . Parole et musique Agustín Carlos Minotti. Grabación DJ BYC Bernardo
Les enregistrements de Percal
Percal 1943-02-25 — Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá. C’est le tango du jour.Percal 1943-03-25 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino.
Enregistrée un mois, jour pour jour après celle de Calo, cette version est superbe. Cependant, il me semble que la voix de Fiorentino et en particulier sa première attaque de « Percal » sont en deçà de ce qu’ont proposé Caló et Podestá. Mais bien sûr, ce titre est également merveilleux à danser.
Percal 1943-05-13 Hugo Del Carril accompagné par Tito Ribero.
Cette chanson, ce n’est pas un tango de danse, commence avec une musique très particulière et Hugo Del Carril démarre très rapidement (normal, c’est une chanson) le thème d’une voix très chaude et vibrante.
Percal 1947 ou 1948 — Francisco González et son Orchestre typique argentin con Roberto Rodríguez.
Percal 1952-08-25 — Orquesta Domingo Federico con Armando Moreno et récitatif por Julia de Alba.
Il est intéressant d’écouter cette version enregistrée par l’auteur de la musique, même si c’est plus tardif. En plus des paroles chantées par Armando Moreno, il y a un récitatif dit par Julia de Alba, une célébrité de la radio. Son intervention renforce le thème du tango en évoquant le chemin de percale, la destinée que lui prédisait sa mère et qui s’est avérée la réalité. Elle l’a compris plus tard, pleurant les baisers de sa mère qui ne peut plus l’embrasser.
Percal 1969 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal.Percal 1969-09-24 — Domingo Federico (bandonéon) Oscar Brondel (guitare) con Rubén Maciel.
La particularité de cet enregistrement est qu’il est chanté en esperanto par Rubén Maciel. Federico était un militant de l’esperanto, ce langage destiner à unir les hommes dans une grande fraternité. Le même jour, ils ont aussi enregistré une version de la cumparsita, toujours en esperanto.
Percal 1990-12 — Orquesta Juvenil de Tango de la U.N.R. dir Domingo Federico con Héctor Gatáneo.
Vous pouvez acheter ce titre ou tout l’album sur BandCamp, y compris dans des formats sans perte (ALAC, FLAC…). Pour mémoire, les fichiers que je propose ici sont en très basse qualité pour être autorisé sur le serveur (limite 1 Mo par fichier).
Autre titre enregistré un 25 février
Ya sale el tren 1943-02-25 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubistein.
Ce tango a été enregistré le même jour que Percal, mais avec un chanteur différent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.
Ya sale el tren 1943-02-25 — Orquesta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubistein. Ce tango a été enregistré le même jour que Percal, mais avec un chanteur différent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.
Francisco Lomuto et Jorge Omar vous proposent la milonga du jour. Ce titre agréable à danser nous permet de nous intéresser à la mode masculine et au billard. Des souvenirs du bon vieux temps disparu (Qué tiempo aquel que no podremos ver más).
Cette milonga, une de plus, décrit un individu amateur de billard, sa tenue et sa façon de déambuler. C’est en somme un portrait qui peut se danser de façon amusante. Tous les instruments jouent en appuyant la rythmique, ce qui est bien dans le style de Lomuto, la plupart du temps inspiré du canyengue. Jorge Omar s’inscrit dans cette puissante présence du rythme, tout en en usant de sa diction parfaite pour mettre en valeur les syncopes de la partition. Quelques excursions du piano illuminent la musique C’est le seul instrument qui semble s’échapper de la machine pour proposer quelques fioritures qui allègent le résultat et offrent aux danseurs qui savent les saisir, des éléments ludiques.
Vous reprendrez bien un peu de homard Omar ?
s reprendrez bien un peu de homard Omar ?
Hier, j’évoquais, Nelly Omar, la muse d’Homero (encore Omar) et aujourd’hui, le chanteur en vedette est Jorge Omar. Seraient-ils de la même famille, frère et sœur, mari et femme ?
Que nenni. Mais ils sont d’autres points communs. Ils sont nés tous les deux en 1911, le 10 d’un mois, à Buenos Aires ou dans la province éponyme, sont chanteurs de tango et ont été au firmament dans les années 30-40. Mais leurs identités réelles lèvent les doutes :
Nilda Elvira Vattuone = Nelly Omar 1911-09-10
Juan Manuel Ormaechea = Jorge Omar 1911-03-10
Je vais donc me contenter de parler de Jorge, le chanteur héros du jour.
Sa carrière est essentiellement associée à Francisco Lomuto. Lorsqu’il a quitté cet orchestre, en 1943, il a repris une carrière de chanteur soliste, mais sans le succès qu’il méritait. Pour moi, il a donné un peu d’âme à l’orchestre de Lomuto avec sa diction parfaite et son expressivité.
Francisco Lomuto
Né en 1893, Francico Lomuto est un ancien du tango. Il fait partie d’une famille de musiciens. Son père, Víctor Lomuto était violoniste et sa mère Rosalía Narducci, pianiste. Parmi ses 9 frères et sœurs, plusieurs contribuèrent au tango. Victor, qu’il ne faut pas confondre avec son père qui porte le même prénom était bandonéiste et a passé une partie importante de sa vie en France, notamment avec l’orchestre de Manuel Pizarro. Héctor Antonio, pianiste (jazz) et compositeur. Il est l’auteur de rancheras, pasodobles et foxtrots, mais aussi du tango Yo seré como tú quieras et de la superbe valse El día que te fuiste. Enrique, pianiste (tango), chef d’orchestre et compositeur. Parmi ses compositions, les très beaux tangos Bésame mi amor ou Éramos tres. Oscar (Pascual Tomás) était pour sa part écrivain et journaliste et a écrit les paroles de quelques tangos comme Nunca más dont l’interprétation par Maure avec l’orchestre de D’Arienzo est une merveille.
Francisco himself
Pour revenir à Francisco, l’auteur de la musique et le chef d’orchestre du tango du jour, la milonga Qué tiempo aquel, il est un des éléments de ce qu’il est convenu d’appeler la Guardia Vieja (La vieille garde). La rencontre de Francisco Lomuto et Jorge Omar a marqué un tournant dans le style de l’orchestre. Progressivement en 1935 et surtout en 1936, avec l’arrivée de Martín Darré en remplacement de Daniel Alvarez comme premier primer bandonéon et arrangeur, son style se modernise avec des chefs d’œuvres comme Nostalgias ou Otra vez. Sur la fin de sa carrière, son style s’est encore adapté, notamment avec la participation d’Angel Vargas. On notera toutefois que la majorité de ses ultimes enregistrements concernent du jazz argentin. Encore un témoignage du déclin du tango de danse dans les années 50. Mais dans l’ensemble, il restera fidèle à son esprit « vieille garde » comme en témoigne Callecita de mi novia enregistré le même jour que la milonga dont nous parlons aujourd’hui.
Nostalgias 1936-10-28 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar. Un titre superbe dans un style relativement différent du Lomuto habituel.Callecita de mi novia 1938-02-24 — Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar. Le style très imprégné de canyengue persiste dans cet enregistrement.
Ce style au rythme très marqué plait beaucoup aux amateurs d’encuentro, sans doute moins aux danseurs qui aiment improviser. Il faut de tout pour faire un monde et un DJ avisé saura sortir en temps utile un bon Lomuto.
Extrait musical
Qué tiempo aquel 1938-02-24 – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar
Les paroles
Un « taco » va con sombrero Requintado de ala corta, Un gesto de “qué me importa” Sobrador y pendenciero.
Pantalón “a la francesa” A cuadritos de fragacha, Que iba pidiéndole cancha Al barro del arrabal.
Qué tiempo aquel que no podremos ver más Que si se fue, no volverá, Qué tiempo aquel de nuestra vieja ciudad El del matón del arrabal, Que la biaba del progreso, Igual que a cinco de queso Me lo han dejado, Y hoy se pierde lentamente, Como el sol en el poniente Triste y derrotado.
Francisco Lomuto Letra: Celedonio Esteban Flores
Les paroles sont assez simples à comprendre. Il y a toutefois quelques éléments qui peuvent mériter une explication. Taco : C’est à la fois la queue du billard et un bon joueur de billard. Rien à voir avec les talons dans le cas présent, si ce n’est le « tac », le son du talon au sol ou des boules qui s’entrechoquent.
Une caricature amicale de Severo Vietri par Angel Vieyra
Pantalón « a la francesa » : on retrouve ce pantalon à la française dans au moins trois milongas. Celle qui nous occupe aujourd’hui, mais aussi dans De antaño une milonga écrite par Luis Rubistein (Juan D’Arienzo avec Alberto Echagüe, 1939-09-27) et dans Pantalon « a la francesa » écrite par Luisa Rosa González sur une musique de Severo Vietri. Vous n’avez sans doute pas entendu parler de Vietri. Je vous invite à consulter le blog du regretté Aldo Caseros pour mieux connaître ce bandonéoniste et compositeur. Le pantalon à la française est un pantalon large (plus confortable avec les tissus rigides, sans élasthanne, de l’époque) et resserré à la cheville. C’est un peu le type bombacha campesina, le modèle moins exagéré que la bombacha des danseurs professionnels de malambo et qui se vend toujours comme vêtement de travail. Beaucoup de danseurs de tango actuels adoptent ce type de pantalons amples avec cinq pinces, mais qui sont différents à la base. Je n’ai en revanche pas d’explication pour les cuadritos de fragacha. Sans doute un motif de tissus quadrillé (espagnol ?) ou des pièces destinées à réparer les accrocs. Que iba pidiéndole cancha/Al barro del arrabal. Marcher en se frayant un passage avec autorité, ici à la fange des faubourgs. On imagine bien le type marcher, chargé de son « importance ». Que la biaba del progreso. Qui l’assomme avec le progrès. Biaba est pour moi au sens figuré, le tueur évoqué au vers précédent est également figuré. Igual que a cinco de queso. L’expression usuelle est dejar chato como cinco de queso. C’est-à-dire qu’il laisse l’autre interdit, sans voix. Mon interprétation de ce passage est que le passage et le verbiage de cet individu devaient estomaquer les gens, les laisser comme « deux ronds de flan ».
Les enregistrements de Qué tiempo aquel
Il n’y en a pas d’autres à ma connaissance. C’est une milonga orpheline. En revanche, Lomuto a enregistré quelques autres milongas comme :
Aquí me pongo a cantar 1945-08-08 – Orquesta Francisco Lomuto con Alberto Rivera
No hay tierra como la mía 1939-08-08 – Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz
Parque Patricios 1941-06-27 — Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz
Et des milongas candombe. Lomuto est un assez bon choix pour une tanda de milonga.
Autres titres enregistrés un 24 février
Il y plusieurs autres titres enregistrés un 24 février de Gloria de Canaro 1927-02-24, bien canyengue à Y te parece todavía 1959-02-24 — Orquesta Héctor Varela con Armando Laborde. Ce sera pour des 24 février des années à venir, mais en attendant, écoutez ces deux titres, extrêmes qui témoignent de la richesse du tango, aux limites de son répertoire traditionnel.
Gloria 1927-02-24 — Orquesta Francisco CanaroY te parece todavía 1959-02-24 – Orquesta Héctor Varela con Armando LabordeUn « taco » pensant au temps qui a disparu…
Aníbal Troilo (arrangement de Argentino Glaván) Letra : Homero Manzi
Il y a 76 ans, Aníbal Troilo enregistrait avec Edmundo Rivero, un des tangos avec le titre le plus court, « Sur ». Sur, en espagnol, c’est le Sud. Pour ceux qui sont nés dans l’hémisphère Nord, le Sud, c’est la chaleur. En Argentine, c’est l’inverse, mais le Sud chanté par Rivero n’est ni l’un ni l’autre. C’est ce Sud, que je vous invite à découvrir avec ce tango du jour aux paroles écrites par Homero Manzi.
<- Aníbal Troilo et Homero Manzi par Sabat.
Ce tango n’est pas un tango de bal, mais c’est un monument du tango. La musique est d’Anibal Troilo et les paroles, celles qui marquent le cœur de tous les tangueros sont d’Homero Manzi. Ernesto Sabato aurait déclaré qu’il donnerait toute la littérature qu’il avait écrite en échange d’être l’auteur de « Sur ». Intéressons-nous donc à ces deux monstres sacrés du tango, Homero et Sur.
Homero
Les deux se prénomment Homero, les deux sont fans de Buenos Aires, mais un seul est Manzi.
Saurez-vous découvrir lequel ?
Homero Manzi est un provincial, arrivé à Buenos Aires à l’âge de neuf ans. Il a vécu enfant et adolescent dans le quartier de Pompeya, au sud de Boedo, donc, dans le Sud de Buenos Aires. Les paroles nostalgiques de ce tango évoquent les souvenirs de cette enfance et les regrets des points de repère évanouis, mais en parallèle de sa vie amoureuse avec un baiser échangé et qui ne s’est transformé qu’en souvenir. Les lieux qu’il indique peuvent être partiellement retrouvés. Le plus facile est l’angle de Boedo et San Juan. C’est l’endroit où Homero Manzi a écrit Sur. Il abrite désormais l’Esquina Manzi, un lieu prisé par les touristes.
L’angle entre Boedo et San Juan où se trouve désormais l’Esquina Manzi. À gauche en 1948, à droite en 2015, avec les caricatures de Sabat, enlevées depuis et remplacées par des écrans qui les diffusent. La modernité. À l’intérieur, elles sont encore visibles.
« Pompeya y más allá la inundación ». Buenos Aires est régulièrement victime d’inondations. Cette année encore, mais la pire fut sans doute celle de 1912, celle qui toucha Pompeya, le quartier de Manzi.
En 1912, une voiture hippomobile transporte des rescapés sur l’Avenida Sáenz, recouverte d’eau. Ils viennent de zones encore plus inondées, le Riachuelo avait débordé.
On imagine l’impact de cet événement chez un enfant de 5 ans qui venait juste de quitter sa province de Santiago del Estero pour arriver avec sa mère à Buenos Aires. Parmi ces autres souvenirs, ce tango mentionne La esquina del herrero, barro y pampa. Certains y voient l’angle de Del Barco Centenera et de Tabaré, deux avenues que Manzi cite dans son tango, Mano Blanca, un autre de ses tangos emblématiques.
Mano Blanca (letra de Homero Manzi) par Ángel D’Agostino et Ángel Vargas.(1944)
D’ailleurs un « musée » a été installé sur cet emplacement, en l’honneur de ce titre immortalisé par D’Agostino et Vargas.
Le petit chariot de Portenito et Mano Blanca avec les initiales peintes à la main et qui font que ce tango est le tango des fileteadores.Sur le trottoir d’en face le musée Mano Blanca, le bar el Buzón nommé ainsi à cause de la boîte aux lettres rouge qui occupe le trottoir devant l’établissement.
Extrait musical
Sur 1948-02-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero
Les paroles
Vous trouverez tous les enregistrements à écouter, en fin d’article.
San Juan y Boedo antigua, y todo el cielo, Pompeya y más allá la inundación. Tu melena de novia en el recuerdo Y tu nombre florando en el adiós. La esquina del herrero, barro y pampa, Tú casa, tu vereda y el zanjón, Y un perfume de yuyos y de alfalfa Que me llena de nuevo el corazón.
Sur, Paredón y después… Sur, Una luz de almacén… Ya nunca me verás como me vieras, Recostado en la vidriera Y esperándote. Ya nunca alumbraré con las estrellas Nuestra marcha sin querellas Por las noches de Pompeya… Las calles y las lunas suburbanas, Y mi amor y tu ventana Todo ha muerto, ya lo sé…
San Juan y Boedo antiguo, cielo perdido, Pompeya y al llegar al terraplén, Tus veinte años temblando de cariño Bajo el beso que entonces te robé. Nostalgias de las cosas que han pasado, Arena que la vida se llevó Pesadumbre de barrios que han cambiado Y amargura del sueño que murió.
Aníbal Troilo (arrangement de Argentino Glaván) Letra : Homero Manzi
Les enregistrements de Sur
Les enregistrements Sur, par Troilo
Sur 1948-02-23 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero, l’enregistrement, objet de cet article. Le plus ancien, à moins qu’un petit Français, lui ait brûlé la politesse. Voir le chapitre suivant…Sur 1953-09-21 (En vivo) — Ranko Fujisawa con Aníbal Troilo y Roberto Grela. Enregistrement par Radio Tokio d’un concert au Teatro Discépolo de Buenos Aires. Bandonéon (Troilo), Guitare (Grela) et voix (Omar).Sur 1956-08-08 — Orquesta Aníbal Troilo con Edmundo Rivero arr. de Argentino Glaván. À comparer par la version de 1948 par les mêmes.Sur 1971-04-26 — Orquesta Aníbal Troilo con Roberto Goyeneche. Encore un qui a sa place au panthéon du tango. La partie instrumentale est particulièrement expressive, notamment, grâce aux pleurs du bandonéon de Troilo. Sur 1974-05 — Orquesta Aníbal Troilo con Susana Rinaldi. Le dernier enregistrement de Sur par Troilo a été effectué en public avec Susana Rinaldi dans un programme en hommage à Homero Manzi effectué par Antonio Carrizo, el caballero de la radio.
Cette version est pleine d’émotion. Impossible de ne pas essuyer une larme à son écoute notamment, lorsqu’elle chante pour la seconde fois, la fin du refrain. « Ya lo sé ».
Autres enregistrements de Sur
Là, il faut discuter un peu, Nelly Omar serait la première à avoir chanté ce tango. C’est ce qu’indique la Bible du Tango, qui a souvent d’excellentes informations. Malheureusement, sans référence précise et probablement sans enregistrement, cela reste difficile à confirmer. Cependant, si on se souvient que Nelly fut la muse d’Homero, celle qui lui inspira la chanson Malena lors de son exil au Mexique et qu’ils ont eu une relation mouvementée, cela n’a rien d’impossible. Comme Sur est un tango à écouter, je vous invite à voir Nelly Omar le chanter. J’ai choisi cette version, car c’est une de ses dernières versions enregistrées. Elle a parcouru toutes les époques du tango, depuis les années 1920 jusqu’au 21e siècle. La « Gardel en jupe » est une des étoiles indéboulonnables au firmament du tango.
Je ne peux pas confirmer la date, de cet enregistrement. La voix semble plus assurée que dans son dernier concert au Luna Park, à près de 100 ans. Je daterai donc cette vidéo de la première décennie des années 2000.
Plus étonnant, serait un enregistrement par Quintin Verdu en 1947, soit plusieurs mois avant Troilo. On peut facilement imaginer qu’un tango soit chanté avant d’être enregistré, car c’est le processus normal. En revanche, qu’il soit enregistré en France avant d’avoir été joué en Argentine alors qu’il est créé par deux Argentins qui étaient à Buenos Aires à l’époque est plus étonnant. En revanche, il existe bien un enregistrement de Sur par Quintin Verdu, avec le chanteur Agustín Duarte. C’est un enregistrement Pathé, malheureusement pas daté et ses références ne m’ont pas permis d’en valider la date : PA 2617 — CPT 7021. Cependant, comme tout ce qu’a réalisé Verdu, la musique est excellente et vaut la peine d’être écoutée. Duarte chante uniquement le refrain, dont il reprend la seconde partie comme final.
Sur 1947 ? – Orchestre Quintin Verdú con Agustín Duarte. Superbe, non ?Sur 1948 — Orquesta Luis Rafael Caruso con Julio Sosa. La même année que Troilo, Julio Sosa enregistre Sur, dans une des rares versions qui peuvent se danser de façon agréable en tango.
C’est le moment de dire un petit mot sur ce chef d’orchestre, Luis Caruso, né à Buenos Aires en 1916, mais qui à l’âge de vingt ans s’est installé à Montevideo où il continuera sa carrière artistique. C’est pour cela qu’il est un peu moins connu aujourd’hui, mais il lui reste le titre de gloire d’avoir enregistré les cinq premiers titres avec Julio Sosa qui était au début de sa carrière (il venait de gagner un concours dont un lot était d’enregistrer 5 titres avec Sondor). Les cinq titres étaient : Sur 1948,Una y mil noches 1948, Mascarita 1949-01-31, La última copa 1948 (Valse) et un candombe (nous sommes en Uruguay…) San Domingo 1948. À cette époque, le cuarteto de Caruo comprenait, en plus de lui qui dirigeait et jouait le bandonéon, Rubén Pocho Pérez au piano, Roberto Smith à la contrebasse et Mirabello Dondi au violon.
Pour terminer cette liste qui pourrait être bien plus longue, je vous propose un extrait du film franco-argentin Sur qui débute par cette chanson interprétée par Roberto Goyeneche qui joue le rôle d’Amado. Ce film de 1988 a été dirigé par Fernando « Pino » Solanas qui a obtenu le premier pour cela au Festival de Cannes. Il a pour sujet, la dictature militaire qui s’est achevée 5 ans plus tôt. La musique qui a été enregistrée au studio Ion de Buenos Aires est jouée par un quatuor composé de Nestor Marconi au bandonéon, Raul Luzzi à la guitare, Carlos Gaivironsky au violon et Humberto Ridolfi à la contrebasse et chantée par Roberto Goyeneche. Plusieurs notice indiquent que la musique est de Piazzolla, vous aurez compris que c’est une erreur et on voit parfaitement dans le film qu’il ne joue pas le bandonéon dans cette interprétation et s’il a éventuellement arrangé la musique, il n’en est ni l’auteur ni l’interprête. Je vous propose donc cet extrait du film qui sera également la fin du chapitre sur les enregistrements de Sur…
Au début du film Sur, on voit les musiciens arriver et s’installer, puis arrive Goyeneche. Les musiciens sont : Nestor Marconi au bandonéon, Raul Luzzi à la guitare, Carlos Gaivironsky au violon et Humberto Ridolfi à la contrebasse.Le café Sur qui accueille le quatuor au début du film existe toujours. C’est l’Almacen Sur, à l’angle de Juan Darquier y Villarino, juste en face de la station Hipólito Yrigoyen de la ligne ferroviaire Roca.
Autres titres enregistrés un 23 février
Il y avait beaucoup de perles à piocher pour le 23 février. En voici quelques-unes qui pourront faire l’objet d’articles dans les années à venir…
El rebelde 1932-02-23 — Osvaldo Fresedo C Roberto Ray. On a évoqué cet orchestre hier avec le merveilleux Sollozos. Ce titre de 5 ans exactement antérieur n’a pas la même maturité.De todo te olvidas (Cabeza de novia) 1948-02-23 — Anibal Troilo C Floreal Ruiz. Le même jour, Troilo a aussi enregistré avec un autre chanteur, Floreal Ruiz. Ce titre est entré dans le langage commun, cabeza de novia), pour parler d’étourderies, d’oublis.El jagüel 1956-02-23 — Orquesta Carlos Di Sarli. Comme DJ, j’aurais sans doute dû choisir ce titre ou Rodriguez Peña (président argentin), qui sont deux titres éminemment dansables par le seigneur du tango, Carlos Di Sarli. Ce sera pour une prochaine année 😉Rodriguez Peña 1956-02-23 — Orquesta Carlos Di Sarli. Enregistré le même jour que El Jagüel, un best of du tango dansé.Homero Manzi dans Pompeya, entre le souvenir lumineux de l’enfance et la désespération de l’avenir. Inspiré du style de Benito Quinquela Martín, le voisin de la Boca. Manzi semble marcher dans l’eau, souvenir des inondations qui l’ont accueilli à son arrivée à Buenos Aires en 1912.
Osvaldo Fresedo (Osvaldo Nicolás Fresedo) Letra : Emilio Augusto Oscar Fresedo
Le 22 février 1937, Osvaldo Fresedo enregistre Sollozos (soupirs) avec Roberto Ray et le même jourSiempre es carnaval. Fresedo en a composé la musique et son frère Emilio, les paroles. Le premier enregistrement par Fresedo date de 1922, année de l’écriture de ce titre qui fut rapidement un succès et fût repris par divers orchestre. Fresedo le réenregistrera en 1937, la version qui nous occupe aujourd’hui, puis en 1952 et 1957.
SOS femme triste
Sollozos = sanglots. Les sanglots d’une jeune femme triste, qui se cache au milieu d’une foule de gens qui font la fête. Un homme (ou une femme) vient sécher ses pleurs provoqués par l’homme qui l’a trompée. Pour la consoler, il (elle) lui dit : « Olvide su pasado, olvide todo lo de ayer. No llore si él no ha llorado, ni pensó que sufre una mujer » (Oublie votre passé, oublie tout ce qui est d’hier. Ne pleure pas s’il n’a pas pleuré ni pensé qu’une femme souffre).
Sollozos 1937-02-22 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray
Les paroles
Osvaldo Fresedo a donc enregistré quatre fois ce titre, dont trois versions chantées. Les trois n’utilisent que la moitié des paroles écrites par son frère, Emilio. En revanche, en 1923, Rosita Quiroga chante l’intégralité des paroles. C’est bien sûr un tango à écouter, dans cette version. On apprend dans les paroles intégrales, celles chantées par Rosita Quiroga, que l’infidèle est présent, car elle porte son portrait dans un médaillon. Le fait qu’un femme chante la chanson ne gêne pas, car consoler peut aussi bien être le fait d’un homme que d’une femme. Pour l’image en fin d’article, j’ai représenté un homme consolateur, car la version de Fresedo et Ray m’a toujours fait penser à un homme. J’imagine que je me voyais en consolateur…
Vous trouverez tous les enregistrements à écouter, en fin d’article.
En un mundo de alegrías, entre el humo y copas de champagne, hay una almita afligida que se esconde por llorar. Atraído por su pena mi pañuelo lágrimas secó, mientras dijó: “Estoy enferma, sufro y lloro por mi amor”.
Volvió su cara hacia mi lado, acariciando su dolor. Oí sollozos y cortados, bajo habló: “Un hombre me engañó”. Le dije : « Olvide su pasado, olvide todo lo de ayer. No llore si él no ha llorado, ni pensó que sufre una mujer ».
Algo habría en su mirada que no fue preciso adivinar, ilusiones apagadas, odio y ganas de vengar. Dijo entonces que su vida de pasión en pena se tornó. Recordó felices días a su vieja y su honor.
Pobre, su quebranto mi alma hirió, que sin fuerzas me sentí, cuando vi su relicario y enseñó que el falso estaba allí. Pobre, con cuanta tristeza vio que por ella yo sufrí. El pintar de sus labios, la sonrisa para mí.
Osvaldo Fresedo – Osvaldo Nicolás Fresedo Letra: Emilio Augusto Oscar Fresedo
Les enregistrements de Sollozos
Les quatre enregistrements de Fresedo
Sollozos 1922-08-28 – Orquesta Osvaldo Fresedo. Cet enregistrement acoustique est d’une qualité musicale incroyable. Tout Fresedo est déjà dans cette musique. Un des rares titres antérieurs à 1926 que je pourrais, un jour de folie, passer en milonga.Sollozos 1937-02-22 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray. C’est celui dont on parle aujourd’hui.Sollozos 1952-09-18 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Héctor Pacheco. Cette version est clairement moins dansante, mais est jolie.Sollozos 1957-09-10 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Carlos Barrios. Fresedo a clairement abandonné les danseurs dans cette version. Je la trouve trop maniérée. À vouloir la rendre plus expressive, Fresedo et Barrios sont, pour moi aller un peu trop loin. Si la partie instrumentale peut à la limite passer en milonga, la partie chantée fait que ce titre devrait être réservé à l’écoute.
Autres enregistrements de Sollozos
Harmonium Frisia fabriqué par G.A. Goldschmeding (Hollande) vers 1930. Un clavier, 10 jeux, soufflerie à pédale.
Je commence par la première version enregistrée avec les paroles complètes d’Emilio Fresedo, celle de Rosita Quiroga accompagnée par une guitare et un harmonium [armonio]. La présence d’un harmonium n’est pas si étonnante que cela pour l’époque qui a vu de nombreux instruments plus ou moins hétéroclites rejoindre les orchestres de tango, comme la scie musicale ou les Ondes Martenot [assez proches comme sonorité et parfois indiqué l’un pour l’autre dans les années 30]. Il faudrait plusieurs articles pour traiter de l’évolution des instruments de musique, de la guitare et la flûte aux instruments du tango actuels. Ce sera pour une autre fois ; —)
Sollozos 1923 — Rosita Quiroga accompagnée par une guitare et un harmonium (armonio). Elle chante les paroles en entier.Sollozos 1928-04-30 — Orquesta Julio De Caro. De Caro a choisi de personnaliser son interprétation avec des changements de rythmes un peu surprenants qui confirment qu’il ne travaille pas pour les danseurs.Sollozos 1944-03-16 — Orquesta Ricardo Malerba. Cette versión instrumentale est dans l’esprit de Fresedo. Le rythme est plus marqué, ce qui pourrait en faire un bon titre de danse, si la version de Fresedo n’avait pas tant de présence. Certains danseurs pourraient reprocher le choix au DJ de les priver de la version de 1937 par Fresedo et Ray.Sollozos 1967-08-21 — Orquesta Juan D’Arienzo. D’Arienzo, fidèle à lui-même propose une version énergique avec des éléments d’orchestration originales, rappelant un peu la version de De Caro. Pour moi, c’est plus du domaine du concert que de la danse, mais si un DJ le passe en milonga, il ne se fera sans doute pas écharper.
Autres titres enregistrés un 22 février
Il y avait beaucoup de choix. Parmi les titres qui auraient pu être les tangos du jour, voici quelques exemples :
Si supieras 1927-02-22 — Orquesta Osvaldo Fresedo. On retrouve Fresedo et un titre associé à la Cumparsita. En effet, des paroles ont été accolées à l’air le plus célèbre du tango « Si supieras, que aún dentro de mi alma, conservo aquel cariño que tuve para ti… » (Si tu savais que même au creux de mon âme, je conserve cette affection que j’avais pour toi… ». Cet enregistrement étant instrumental, difficile de dire s’il y a un lien, cet air composé par José María Rizzuti n’a pas d’enregistrement avec paroles.Recuerdo malevo 1933-02-22 — Carlos Gardel accompagné par Guillermo Barbieri, Domingo Riverol et Domingo Julio Vivas. Pas de danse, mais l’inoubliable Gardel dans un de ses grands succès. En attendant un tango du jour sur un de ses titres, vous pouvez toujours consulter « Gardel enfant de France ».Siempre es carnaval 1937-02-22 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray, l’autre titre enregistré le même jour par Fresedo et Ray.Senda Florida 1945-02-22 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal. C’est un tango de danse, malgré son introduction chantée. Toutefois, ce n’est pas ce qui est le plus agréable à danser. Disons que c’est un tango qui hésite entre la danse et l’écoute.
On voit que ces quelques titres pourraient donner lieu à d’autres articles. Peut-être qu’ils auront leur chance un autre 22 février.
Atraído por su pena mi pañuelo lágrimas secó, mientras dijó: “Estoy enferma, sufro y lloro por mi amor”.
Cayetano Puglisi; Pascual De Gregorio Letra: Manuel Enrique Ferradás Campos
Le 21 février 1934, il y a 90 ans, Francisco Canaro enregistrait Diez añosavec Ernesto Famá, seulement 4 jours après l’avoir enregistré avec Ada Falcón. Je saisis cette occasion pour parler des chanteurs d’estribillo et rappeler la différence entre le tango chanson et le tango chanté.
Les deux enregistrements de Diez años par Canaro
Tout d’abord, nous n’avons aujourd’hui la trace sonore que des versions enregistrées. Il ne faut pas oublier que les orchestres se produisaient plusieurs fois par semaine et que seuls leurs « tubes » avaient les honneurs de la gravure. Nous avons ainsi perdu la grande majorité du répertoire de l’époque. Ce n’est pas l’absence d’enregistrement qui peut prouver que l’orchestre ne jouait pas tel ou tel air. Comme je l’indiquais en introduction, Canaro a enregistré deux fois ce thème en 1934. Le 17 février avec sa « chérie » Ada Falcón, et le 21 février avec Ernesto Famá. On pourrait penser qu’avec un si court intervalle, les enregistrements sont proches. Que nenni. Ils appartiennent en fait à deux genres différents. Le tango chanson et le tango chanté. Mais avant d’écouter les différences, faisons le point.
Il y a tango et tango…
Le tango fait partie d’un ensemble culturel qui est tout autant littéraire que musical, audiophile que danseur. Ces directions peuvent être réparties de façon différente chez chacune des personnes qui entre en contact avec un tango. S’il est danseur, il va souhaiter une musique qui porte à l’improvisation, sans surprises indécelables (variations de rythme arbitraires, par exemple) et avec un support rythmique suffisant pour que les deux partenaires du couple puissent se synchroniser. S’il est audiophile, il va se concentrer sur l’orchestration, les réponses des instruments, la virtuosité de tel ou tel trait et ainsi de suite. Il pourra le faire en restant dans son fauteuil, sans que la musique l’oblige à se mouvoir. Il va comparer les versions, pinailler sur des différences de tonalité d’un enregistrement à l’autre, sur l’accord du bandonéon et ainsi de suite. S’il est littéraire, il va savourer les paroles. Cependant, comme en cuisine, tous les plats ne se valent pas et il lui faudra des mets délicieux, écrits par de grands auteurs. Par chance, cela ne manque pas dans la culture tango.
Diez años transcurrieron desde entonces
cuando temblando llegué hasta ti,
Le danseur de tango « idéal »
Le danseur, celui qui m’intéresse, vu que je suis DJ peut et doit, avoir un peu des autres aspects pour mieux danser. Un danseur qui ne danserait que le rythme, sans écouter les phrases musicales, les réponses d’instruments et tous les développements qui font la richesse du tango serait bien à plaindre. Ce manque de sensibilité lui permettrait de danser sur Gotan Project et autres orchestres répétitifs, mais ce sera au détriment de l’improvisation et de la richesse de la danse. Certains débutants se contentent de reproduire des chorégraphies apprises en cours, sans chercher à les insérer dans le flux musical, ou mieux, à les déconstruire pour n’utiliser que les briques, au service de l’interprétation dansée de la musique. Sur l’aspect littéraire, la chose est moins claire. En effet, d’excellents DJ et d’excellents danseurs disent prêter peu d’attention aux paroles. Il est clair que pour un danseur qui improvise, les paroles sont de peu d’utilité. Il ne va pas se mettre à pleurer, se mettre à genoux ou autre fantaisie qui seraient dites dans le texte. Cela était bien clair à l’âge d’or du tango. Les orchestres proposaient des musiques adaptées à la danse. Qu’elles soient instrumentales ou avec chanteurs, mais il est temps de revenir à la distinction entre tango chanson et tango chanté.
Tango chanson et tango chanté
Un tango chanson est un tango destiné à l’écoute. Il est destiné à satisfaire les audiophiles et les littéraires. C’est un genre qui va se développer plus rapidement à partir des années 50, à cause de l’arrivée du microsillon (33 tours) et surtout du rock qui va remplacer le tango dans les activités des danseurs de l’époque. Les orchestres de tango se reconvertissent alors vers le concert, la télévision et la radio pour pouvoir continuer à jouer et vivre de leur art. Mais il ne faut pas limiter le phénomène aux années 50 et suivantes. En effet, même à l’âge d’or, il y a les deux types de musique. Pour faciliter le choix, les disques indiquent clairement si c’est destiné à danser ou à écouter. Il suffit de regarder l’étiquette…
Ada Falcón, avec accompagnement de l’orchestre Francisco CanaroFrancisco Canaro et son orchestre typique (Estribillo par Ernesto Famá)
Vous avez compris. Si le chanteur est indiqué en premier, c’est pour écouter. S’il est indiqué en second, c’est pour danser. C’est plutôt simple, non ? On trouve aujourd’hui des DJ et danseurs qui ne tiennent pas compte de cette différence et qui considèrent que l’on peut tout danser. Dans le cas d’Ada Falcón, c’est plutôt envisageable. En général, les voix de femmes, même pour des chansons, laissent plus de place à l’orchestre, notamment dans le registre grave, là où se trouve la rythmique. Ainsi, elles ne la masquent pas et il est possible de continuer à la suivre. Pour les chanteurs, surtout pour ceux qui en font des tonnes, c’est impossible. On pourrait mentionner la distinction que font certain entre cantor et cantante. Le premier chantant au service de la musique et le second se mettant en valeur, en jouant de tous les artifices possibles pour masquer l’orchestre qui de fait n’est qu’un accompagnement. Progressivement à partir des années 50, le cantante (avec une jolie voix de chanteur d’opéra) prend le dessus et on ne compte plus le nombre de chansons plus ou moins mièvres et désespérées qui en a résulté. Attention, je ne dis pas que ce n’est pas bien, pas beau. Je dis juste que très peu de danseurs vont à la milonga pour se trancher les veines.
Comment distinguer les tangos chansons à l’écoute ?
Ernesto Famá chante une petite partie des paroles écrites par Manuel Enrique Ferradás Campos. En gros, c’est le refrain (estribillo). C’est une autre particularité qui divise les tangos de danse des tangos à écouter. Lorsqu’il s’agit de chansons, le chanteur commence dès le début. Quand c’est pour danser, le danseur n’intervient qu’un court moment, le refrain, refrain qui a déjà été présenté aux danseurs par l’orchestre et que donc, ils vont pouvoir danser en confiance. Lorsque le tango est instrumental, la première fois que le refrain est proposé, il est en général plus simple à danser et lors de la reprise, il est joué par un instrument différent, avec plus de richesse. Le chanteur est dans ce cas un instrument supplémentaire qui permet d’éviter la monotonie en ne jouant pas deux fois la même chose. Dans les années 50, sous l’impulsion de chefs d’orchestre comme Troilo, la partie chantée va prendre de l’ampleur, même pour le tango de danse. Ainsi, le même titre chanté par Valdez avec l’orchestre de Juan d’Arienzo est présenté comme un tango de danse, mais Valdez chante plus que le seul refrain. Voir ci-dessous, le chapitre sur les paroles.
Même si Valdez chante plus que les chanteurs de la génération précédente, il est encore présenté comme chanteur d’estribillo.
C’est une autre particularité qui divise les tangos de danse des tangos à écouter. Lorsqu’il s’agit de chansons, le chanteur commence dès le début. Quand c’est pour danser, le danseur n’intervient qu’un court moment, le refrain, refrain qui a déjà été présenté aux danseurs par l’orchestre et que donc, ils vont pouvoir danser en confiance. Lorsque le tango est instrumental, la première fois que le refrain est proposé, il est en général plus simple à danser et lors de la reprise, il est joué par un instrument différent, avec plus de richesse. Le chanteur est pareillement un instrument supplémentaire qui permet d’éviter la monotonie en ne jouant pas deux fois la même chose. Je termine -là ce sujet. Comme DJ, je mets du tango de danse, sauf si on me demande gentiment de mettre une tanda chanson. Après tout, il faut bien que le bar fasse son chiffre d’affaires.
Les paroles
Le refrain (estribillo)
Ernesto Famá chante une petite partie des paroles écrites par Manuel Enrique Ferradás Campos, le refrain (estribillo).
Diez años transcurrieron desde entonces cuando temblando llegué hasta ti, diez años que sirvieron para hundirme y quitarme hasta las ganas de vivir… Entonces, buenamente yo soñaba un mundo nuevo, para los dos. Y Dios, allá en el cielo solo sabe, hasta dónde yo he llegado por tu amor.
Estribillo (refrain) Manuel Enrique Ferradás Campos. C’est la seule partie que chante Fama
Les différentes parties chantées, selon les versions
Seule Ada Falcón chante tout. Elle termine en reprenant le refrain (Cuántas veces en mi pecho […] por tu cruel ingratitud.)
Ernesto Famá ne chante que l’estribillo, ce qui est en rouge.Jorge Valdez chante le premier couplet, le refrain et reprend la fin du refrain (Otra boca […] por tu cruel ingratitud.)Le dernier couplet, chanté uniquement par Ada FalconIci, une version pour homme du dernier couplet. Elle n’est pas utilisée dans les trois enregistrements présentés.
Autres enregistrements de Diez años
Je vous propose trois enregistrements de ce titre. Les deux avec Canaro et une version de 1958 par Juan d’Arienzo avec Jorge Valdez au chant. Vous avez vu les étiquettes, deux sont pour la danse (Fama et Valdez) et un pour l’écoute (Falcon).
Diez años 1934-02-17 Ada Falcón con acomp. de Francisco CanaroDiez años 1934-02-21 – Francisco Canaro C Ernesto FamáDiez años 1958-12-17 – Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez
Autres titres enregistrés un 21 février
Unión Civica 1933-02-21 – Juan Maglio (Pacho) y su orquesta de la guardia viejaTe quiero mucho más 1934-02-21 – Francisco Canaro C Ernesto Famá (Antonio Sureda Letra: Gerónimo Sureda). Il a été enregistré le même jour que Diez años. Murió la vecinita 1935-02-21 — Típica Victor C Alberto Gómez Dir Adolfo Carabelli (Guillermo Rivero; Juan Carlos Ghio Letra: Nolo López)Jalisco nunca pierde 1938-02-21 (Marcha) – Enrique Rodríguez C El « Chato » Roberto Flores (Lorenzo Barcelata ; T. Guizar). C’est une marche en l’honneur du territoire de Jalisco, au Mexique (le film Jalisco nunca pierde est sorti en 1937). Le fait que ce soit une marche rappelle qu’à l’époque, les bals n’étaient pas que tango, mais toutes danses, avec en général deux orchestres.Mi noche triste 1949-02-21 – Francisco Rotundo C Floreal RuízDiez años que sirvieron para hundirme
y quitarme hasta las ganas de vivir…
Alejandro Junnissi (1930) Letra: Juan Manuel Guerrera (2020)
Le tango du jour, El Ingeniero,est indubitablement associé à Carlos Di Sarli. C’est assez logique, car il est le seul à l’avoir enregistré à la belle époque du tango. Il a enregistré le titre à trois reprises. En 1945, le 20 février, le 22 juillet 1952 et le 31 janvier 1955. Le titre est assez clair et pour une fois, il ne s’agit pas d’un surnom, d’un mot d’argot (lunfardo), mais bien de la fonction, du métier d’ingénieur. L’auteur de la musique, Alejandro Junnissi, dédicace sa composition « a todos los ingenieros egresados de las universidades argentinas » (À tous les ingénieurs diplômés des universités argentines). On retrouve dans cette dédicace, la fierté d’un âge d’or de l’Argentine, le début du vingtième siècle. Cet âge d’or se dévoile dans l’architecture, mais aussi par les créations industrielles. À la fin des années 20, l’Argentine était considérée comme un important pays industriel.
L’ingénieur
Luis Augusto Huergo est le premier ingénieur diplômé en Argentine. C’était le 6 juin 1870.
Un des héros discrets de ce succès est l’ingénieur que l’Argentine célèbre deux fois en juin, le 6 juin avec el Día del Ingeniero et indirectement le 16 juin avec el Día de la Ingeniería Argentina. La première date est en souvenir du premier ingénieur civil d’Argentine, Luis Augusto Huergo, diplômé le 6 juin 1870. Rien ne prouve que celui qui a inspiré Junnissi soit Huergo. Disons que c’est le métier qui est illustré ici.
Un pays à bonne école
Les efforts consentis en matière d’éducation par l’Argentine qui devait accueillir et « argentiniser » des millions de migrants donnaient leurs fruits et bientôt l’Argentine disposait de nombreuses universités, qui aujourd’hui encore restent prestigieuses.
Citons les Ingenierías de Córdoba y de La Plata ou l’Escuela de Ingenieros de Minas de San Juan.
Les pays étrangers, notamment européens, ont également investi en Argentine. Par exemple, l’École Centrale des Arts et Manufactures de Paris qui a ouvert une école d’ingénieurs à Buenos Aires.
Ces nouveaux ingénieurs ont permis le développement du pays, des ponts, du chemin de fer, de l’architecture et la découverte de pétrole a accentué le développement industriel du pays.
Les montagnes russes
L’essor industriel a été soutenu par une immigration extrêmement forte. La main-d’œuvre était abondante et déjà concentrée dans les villes, car les campagnes appartenaient à quelques propriétaires terriens et n’offraient que peu de débouchés aux nouveaux arrivants. Cette concentration explique aussi les problèmes politiques récurrents de l’Argentine, problèmes donnant lieu à des crises graves et des émeutes. À peine écrit ce tango, en 1930 que, la même année, en septembre, les militaires prenaient le pouvoir en destituant Hipólito Yrigoyen. Ce président au double visage a assumé deux fois la présidence. Double visage, car il prône une Argentine aux mains des ouvriers, mais commandite une répression sanglante contre des grévistes, réalisant par la même le premier pogrom d’Amérique du Sud (Semaine tragique, du 7 au 14 janvier 1919). Ceux qui suivent l’actualité de l’Argentine constateront que les événements actuels rappellent ceux des années passées, 2001, 1976, 1930, et autres. Bon, j’ai un peu oublié mon ingénieur dans tout cela. Revenons donc à la musique. Lorsqu’Alejandro Junnissi écrit sa musique, l’Argentine est encore dans une période relativement optimiste, malgré les contrecoups de la crise de 1929.
L’ingénieur mérite son tango ; le voici.
Extrait musical
El Ingeniero 1945-02-20 – Carlos di Sarli
La version est plus sèche, les violons moins lyriques que dans les versions des années 50. Même si Di Sarli a continué dans les années 50 à proposer du tango de danse, on sent dans cette évolution la transition que d’autres orchestres ont opéré de façon plus drastique. Le Di Sarli des années 50 est souvent le plus utilisé dans les milongas, car il tranche plus avec les autres orchestres de référence, les quatre piliers par son aspect plus romantique. Cela permet de donner du contraste à la milonga. Vous pourrez les entendre en fin d’article.
Les paroles
Alejandro Junnissi (n/d – 29 May 1956)
Vous m’attendiez au tournant. Toutes les versions enregistrées par de grands orchestres de tango sont instrumentales. Cependant, il existe au moins une version des paroles que je reproduis ici. Je n’imagine pas très bien le résultat, tant on est habitué à l’entendre avec les violons de Di Sarli. D’une façon plus générale, de nombreux tangos sont sans paroles, d’autres ont changé de paroles au cours du temps et certains textes de tango n’ont pas encore trouvé leurs musiques. Il reste du pain sur la planche pour les auteurs et compositeurs… Celui qui a écrit les paroles est Juan Manuel Guerrera. Sa création est récente, 2020, soit 90 ans après la musique. Si vous enregistrez une version d’El Ingeniero avec les paroles, je vous promets de la placer ici et si elle est dansable, je la diffuserai en milonga…
El Ingeniero
Y allá va el ingeniero Por las calles del dolor Camina solo Llorando Se va derrumbando Es pura desolación Tanto quiere Olvidar Que ha vivido sin quererlo para los demás Que ha dejado sus pasiones demasiado atrás Que ha olvidado entre sus cuentas animarse a más Tanto quiere Abandonar Un destino que sabe a nada El que eligió Y no cambió Y allá va el ingeniero Hundido en la frustración Su penar suena a nostalgia Con dejos de bandoneón Y allá va el ingeniero Con su arte en un cajón Ahora no juega, no apuesta Sus miedos no enfrenta Y gana su perdición “Soy un cobarde” Se dice tarde Y vuelve a reflexionar: “No es buena elección, la resignación Renunciar a un sueño, es como morir Sin resolución, no hay realización, Sin un ideal, tan triste es vivir” Y encuentra en lo que siente Respuestas que su mente Buscaba desde siempre Con científica obsesión Y allá va el ingeniero Se le muere el corazón Acompañan los violines Su dramática canción Y allá va el ingeniero Se desangra en su razón Pierde su tiempo, pensando En vez de arriesgando Y entierra su vocación Tanto quiere Regresar A un pasado irremediable que ha quedado atrás A un presente esperanzado que no volverá A un futuro imaginado que ya no será Tanto quiere Escapar De su vida equivocada La que él mismo eligió Y, sin valor, jamás cambió
Alejandro Junnissi (1930) Letra: Juan Manuel Guerrera (2020)
Autres enregistrements
Signalons que le même jour, le 20 février 1945, Di Sarli enregistrera avec Jorge Durán, Porteño y bailarín, un tango composé par Carlos Di Sarli avec des paroles d’Héctor Marcó. Ce titre enregistré sur la matrice 80553-1 sera publié sur le même disque 60-0639, sur la face A et el Ingeniero, sur la face B. Ce dernier a été enregistré sur la matrice 80554-1.
Porteño y bailarín 1945-02-20 Carlos Di Sarli con Jorge Durán (Carlos Di Sarli Letra: Héctor Marcó)
Les principaux enregistrements d’El Ingeniero sont ceux de Di Sarli. Il faut dire qu’il a mis la barre très haute et qu’il était difficile de proposer des versions surpassant les trois enregistrements du maître de Bahia Blanca.
El Ingeniero, 1945-02-20 – Carlos Di SarliEl Ingeniero 1952-07-22 – Carlos Di SarliEl Ingeniero 1955-01-31 – Carlos Di Sarli
Pour terminer, un enregistrement du 21e siècle. J’aime bien. Cependant, il est peu probable que je le propose en milonga, car le manque de franchise dans la marcacion fait que les versions originales sont à mon avis préférables pour danser.
El Ingenierro – Orquesta Típica de la Guardia Vieja 2002
Sylvie Sureda-Cagliani ; Chapitre II. Panorama de l’histoire de l’Argentine de 1930 à 1974 in Victimes et bourreaux dans le théâtre de Griselda Gambaro ; Presses universitaires de Perpignan http://books.openedition.org/pupvd/32217
Andrés H. Reggiani, Hernán González Bollo ; Dénatalité, «crise de la race» et politiques démographiques en Argentine (1920-1940) ; Vingtième Siècle. Revue d’histoire 2007/3 (n° 95), pages 29 à 44
Ricardo Tanturi Letra : Eusebio Francisco López – RCA Victor 39228B, matrice 39813-1
Le tango du jour est une milonga, Mozo guapo, que l’on pourrait traduire par beau gosse, mais ce serait enlever la note de frime et de matuvu du compadrito, querelleur et armé de son couteau qu’il est prompt à sortir lorsque l’honneur est en jeu. Aujourd’hui, nous allons donc parler lunfardo, l’argot des faubourgs de Buenos Aires.
Même s’il n’a pas les cheveux en bataille et sales, Gardel, dans Melodía de arrabal (film du réalisateur Français Louis J. Gasnier, sorti le 4 avril 1933) est représentatif des mozos guapos
Les habitués de Buenos Aires savent qu’on y appelle les serveurs « mozo », de la même façon que se dit « garçon » en France. Il ne faut cependant pas penser que cette milonga chante les mérites d’un serveur de bar ou de restaurant…
En lunfardo (argot de Buenos Aires), mozo peut aussi signifier l’amant ou celui qui fait le beau, et guapo, le beau, le vaillant, le querelleur, mais avec un bon fond. Le célèbre tango « Don Juan » est parfois sous-titré « Don Juan (Mozos guapos) », ce qui confirme que notre héros du jour en est un. Voici dressé le tableau de notre mozo et si une mina vous dit : « sos buen mozo, que churro que sos », c’est probablement que vous avez une touche.
Extrait musical
Mozo guapo 1941-02-19 — Ricardo Tanturi con Alberto Castillo
Paroles
Un compadrito, con su mina. Un Don Juan avec sa poule.
Le lunfardo peut provoquer de nombreuses erreurs d’interprétation. Je vous propose donc, non pas une traduction, mais plutôt une explication des termes employés par Eusebio Francisco López. Ne regardez pas la qualité littéraire de la colonne de droite, ce ne sont pas des paroles en français ; pour cela il faudrait un poète, que je ne suis pas.
Beaucoup de termes de lunfardo sont sibyllins. C’est une caractéristique de tous les argots, dont le but est de parler de façon discrète pour ne pas être entendus des caves et des flics. J’ai donc fait des choix qui me semblaient correspondre aux termes de la chanson, mais il aurait été possible de prendre des voies légèrement différentes, pour noircir plus le personnage, ou le rendre romantique. Je vous laisse vous créer votre image.
Avec une cibiche (cigarette) arrogante caressant ses lèvres, le feutre taupé aux bords levés (chapeau mou, type Gardel) Avec une démarche très portègne ; Le regard suffisant, La crinière noire et ébouriffée, beau gosse des faubourgs avec sa touche (son allure), sans pareille.
Champion entouré de filles pour son verbe tant fleuri, terreur parmi les mauvais garçons pour son couteau vibrant ; (il doit le tenir de manière fébrile pour intimider) homme du pavé connu des balcons Droit dans ses bottes (sans discussion, n’acceptant pas le compromis) avec une âme de payador (chanteur improvisateur)
Quand la nuit enrobe (entoure) les ruelles du quartier passe l’estampe du bellâtre, pareil à un roi de la banlieue ; bientôt une ombre s’approche, il y a un frémissement des lèvres et un baiser vibre dans l’âme du Don Juan (guapo) du lieu.
La vie est courte
Le même jour, Castillo et Tanturi ont enregistré un tango, La vida es corta 1941-02-19. C’est également Ricardo Tanturi qui en a composé la musique, mais les paroles sont de Francisco Gorrindo. Malgré cette petite différence, les deux titres vont bien ensemble (pas dans une tanda, bien sûr), mais car le tango pourrait être le dit du Mozo, du Don Juan, du Taita, ce Shusheta (El aristócrata de Di Sarli). Il dévoile à ses confrères de fiesta, sa philosophie de la vie, philosophie que de nombreux tangueros dans le monde ont adoptée…
La vida es corta 1941-02-19 – Ricardo Tanturi con Alberto Castillo
A ver muchachos, quiero alegría, quiero aturdirme, para no pensar. La vida es corta y hay que vivirla, dejando a un lado la realidad. Hay que olvidarse del sacrificio, que tanto cuesta ser, tener el pan. Y en estas noches de farra y risa, ponerle al alma nuevo disfraz.
La vida es corta y hay que vivirla, en el mañana no hay que confiar. Si hoy la mentira se llama sueño, tal vez mañana sea la verdad. La vida es corta y hay que vivirla, feliz al lado de una mujer, que, aunque nos mienta, frente a sus ojos, razón de sobra hay para querer.
Ricardo Tanturi Letra : Francisco Gorrindo
Traduction libre
Voyez les gars, je veux de la joie, je veux être étourdi pour ne pas penser. La vie est courte et il faut la vivre, en laissant la réalité de côté. Il faut oublier le sacrifice, Que c’est si dur d’avoir du pain. Et dans ces nuits de réjouissance (danse, musique) et de rires, se déguiser l’âme.
La vie est courte et il faut la vivre, il ne faut pas faire confiance à demain. Si aujourd’hui le mensonge s’appelle rêve, peut-être que demain ce sera la vérité. La vie est courte et il faut la vivre, heureux aux côtés d’une femme, qui même si elle nous ment à la face (sous les yeux), il y a plein de raisons d’aimer.
Autres enregistrements
Le 19 février, une date fétiche pour Tanturi ?
À la même date, une milonga et un tango, ce que nous venons de voir, mais l’année suivante, peut-être à la même date (19 février 1942) ou le 20 juillet 1942 (la documentation varie sur la date de cette session), deux autres titres enregistrés par Tanturi et Castillo
Tango (Voz de tango) 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castillo
Tango (Voz de tango) 1942-02-19 ou 1942-07-20 – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo
La copa del olvido 1942-02-19 ou 1942-07-20 avec Castillo)
La copa del olvido 1942-02-19- -Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo
Pour renforcer cette idée de date fétiche, il a encore enregistré un 19 février, mais cette fois en 1945 et avec le chanteur Enrique Campos :
Me besó y se fue 1945-02-19 (valse), avec Enrique Campos
Me besó y se fué 1945-02-19 – Ricardo Tanturi con Enrique Campos
Qué será de ti 1945-02-19 avec Enrique Campos
Qué será de ti 1945-02-19 – Ricardo Tanturi con Enrique Campos
Pour ce qui est de mozo guapo, on en trouve une version plus lente, dans le style limite canyengue-milonga de Villasoboas. En effet, Miguel Villasboas a enregistré en 1959 ce titre dans son style si particulier. J’aime l’interprétation au piano par Villasboas, pleine de petites surprises. Cette version est intéressante, car elle présente le dialogue des deux faces du mozo décrite dans les paroles, le romantique (violons) et le compadrito (piano), utilisation de l’alternance de milonga lisa et traspie pour servir l’histoire.
La voici, pour terminer mon service. Soy tu mozo (serviteur). No te olvides de la propina (n’oublie pas le pourboire, un commentaire fera l’affaire).
Mozo guapo 1959 — Miguel VillasboasDJ BYC, d’après la gravure sur bois, Los Compadritos de Juan Antonio Spotorno
Feliciano Latasa ? Luis Negrón ? H.D. ? Alfredo Barone ? Midori Tagami ? Un compositeur anonyme en Andalousie ? Letra : Carlos Pesce
Vieil hôtel de mes rêves et de mes joies
qui berçait l’idylle d’un amour fou.
Le tango du jour, Gran Hotel Victoria a été enregistré le 18 février 1948 par Juan D’Arienzo. Mais de plusieurs mystères tournent autour de cet hôtel ; sur l’hôtel lui-même, sur l’auteur ou plutôt les auteurs supposés, pas moins de sept. Pour en savoir plus, je dois vous convier à une véritable enquête policière.
Extrait musical
Mais auparavant, mettons-nous dans l’oreille ce titre, dans la version enregistré par Juan D’Arienzo le 18 février 1948, il y a exactement 76 ans.
Gran Hotel Victoria (Hotel Victoria) 1948-02-18 – Juan D’Arienzo
Il y a plusieurs autres versions à écouter dans l’enquête, après les paroles. N’hésitez pas à y jeter une oreille.
Les paroles
Encore une version instrumentale, mais il existe quelques versions chantées, notamment la magnifique version par D’Agostino et Vargas de 1945. En voici donc les paroles qui peuvent également aider à mieux comprendre la musique.
Partition de Gran Hotel Victoria – Partie du second Bandoneón
En bleu le refrain, seule partie chantée par Vargas En vert, les couplets chantés par Tita Merelo. Elle chante aussi le refrain en bleu avec une petite variante, el ingrato (l’ingrat) au lieu de mi amor (mon amour).
Viejo hotel de mis ensueños y alegrías que acunó el idilio de un loco amar, hoy recuerdo aquellos días que vos eras el fiel testigo de mi cantar.
Hotel Victoria, vos que supiste lo que he llorado en mi soledad, verás mañana, cuando te olviden, que sólo el tango te recordará. Hotel Victoria, fue el año veinte, que de tus puertas partió mi amor (el ingrato) Y desde entonces llevo una pena que va matando a mi pobre corazón.
Hoy que a golpes de piqueta te voltearon, como aquella ingrata mi amor tronchó. Los recuerdos son ahora muy amargos, ilusión que el tiempo se la llevó.
Feliciano Latasa ? Luis Negrón ? H.D. ? Alfredo Barone ? Midori Tagami ? Un compositeur anonyme en Andalousie ? Letra : Carlos Pesce
Mais où est l’Hôtel Victoria ?
Même sans les paroles, on peut être certain que la chanson évoque un hôtel. De nombreux hôtels dans le Monde s’appellent Victoria. Mais plusieurs indices permettent de remonter la piste.
Le plus ancien enregistrement de ce titre en ma possession est de 1908, un enregistrement par la Banda de la Policia de Buenos Aires. La musique est donc antérieure.
L’auteur supposé de la musique Feliciano Latasa est mort le 18 septembre 1906, à un peu moins de 36 ans. Il faut donc trouver un hôtel plus ancien si c’est lui le compositeur. Voir le paragraphe suivant pour le quilombo des compositeurs…
Dans les paroles chantées par Tita Merelo en 1968, il est indiqué que l’hôtel a été détruit. Il faut donc se tourner vers la date d’écriture des paroles pour en savoir plus.
L’auteur des paroles est Carlos Pesce. Selon les sources, on trouve trois dates pour le texte, 1931, 1932 et 1935. Le tango était donc probablement chanté dès cette époque. La référence à la destruction de l’hôtel est plus discrète : « Hotel Victoria, vos que supiste lo que he llorado en mi soledad, verás mañana, cuando te olviden, que sólo el tango te recordará. » (Hôtel Victoria, toi qui savais ce que j’ai pleuré dans ma solitude, tu verras demain, quand ils t’auront oublié, que seulement le tango se souviendra de toi). Si on considère que le tango, ce tango est celui-ci, on peut donc penser que l’hôtel a disparu, ce qui confirme que les paroles ne concernent pas le Gran Hotel Victoria de Córdoba.
Pour gérer ces informations et en tirer, sinon des certitudes, mais des possibilités, il convient de manier quelques hypothèses.
Le Gran Hotel Victoria au début du 20e siècle. 1906 ou 1914, mystère.
L’auteur le plus couramment cité est Feliciano Latasa. Ce jeune homme est mort à Córdoba en 1906, était musicien et a été contracté par un hôtel de Córdoba appartenant à un certain Pascual Andruet. Ce dernier avait appelé son hôtel, Hotel Victoria (construit en 1893) et il a décidé d’en créer un nouveau qu’il a appelé Gran Hotel Victoria. En 1906 (le 4 janvier), il inaugurait un nouvel établissement. On peut donc penser que, comme l’affirme, Efraín Bischoff dans Historia de los Barrios de Córdoba, sus leyendas, instituciones y gentes (1986), Feliciano Latasa aurait proposé cette œuvre pour l’inauguration.
Cependant, sur le site de l’hôtel, on indique qu’il a été inauguré le 24 janvier 1914. Cela exclut donc totalement Feliciano Latasa de l’histoire, mais nous y reviendrons dans le prochain chapitre.
Plaque commémorative du premier passage de Carlos Gardel et José Razzano à Córdoba . Elle est fixée au Studio Theatre, sur l’emplacement du théâtre de l’époque
Ce qui va dans le sens de cette interprétation est que la musique est vive, sans la nostalgie des versions ultérieures et chantées, de D’Agostino et Vargas, ou de Tita Merello. Elle est tout à fait adaptée à une fête d’inauguration. Que ce soit par Latasa ou un autre, l’hôtel de Córdoba reste plausible, d’autant plus que cet établissement s’enorgueillit de la visite de Gardel et Libertad Lamarque. Gardel y a en effet séjourné pour la première fois pour un récital donné avec José Razzano le samedi 11 juillet 1914.
L’hôtel était alors le plus moderne de la ville avec l’eau courante, des salles de bain privées et des ascenseurs. Son propriétaire, le fameux Andruet, avait passé des annonces dans les journaux de la ville. Comme il subsiste des doutes, on peut essayer de chercher du côté de l’auteur des paroles. Elles sont clairement attribuées à Carlos Pesce et datent probablement des années 30. Elles peuvent faire référence à des souvenirs. L’hôtel démoli peut être l’ancien établissement de Pascual Andruet, celui de 1893. On peut tout à fait imaginer que si l’hôtel de la musique est celui de Córdoba, celui des paroles est un autre hôtel ou une simple invention de Pesce. Ce qui est sûr, c’est que l’hôtel de 1906 (ou 1914) existe toujours et que donc ce texte ne peut pas parler de cet hôtel. Pour trouver un autre hôtel candidat, je propose de nous rendre à Buenos Aires ou un hôtel Victoria a été démoli dans les années 30.
L’hôtel Victoria de Buenos Aires vers 1930 et ce qui a été construit à la place, à l’angle des rues Cerrito et Lavalle. On voit clairement sur la photo de l’hôtel Victoria les travaux en cours. Démolition ou restructuration. Pas sûr, mais suffisant pour faire écrire le texte de ce tango à Pesce.
Deux hôtels pour le prix d’un
Je pense que vous avez compris où je voulais en venir. Le tango original peut très bien avoir été utilisé pour l’inauguration de l’hôtel de Córdoba, puis Pesce lui adjoint des paroles pour parler de l’hôtel Victoria de Buenos Aires qui était en cours de démolition. Un indice me conforte dans cette idée, le fait que le tango s’appelle parfois « Hotel Victoria » ou « Gran Hotel Victoria ». Il est peu probable que cela fasse référence au premier, puis au second établissement d’Andruet. Pesce n’avait aucune raison d’être nostalgique d’un petit hôtel de Córdoba. En revanche, l’Hotel Victoria, sans « gran » de Buenos Aires, est un parfait candidat, même s’il peut y en avoir d’autres.
Voici donc ma proposition
Une musique allègre a été utilisée pour fêter l’inauguration de l’hôtel de Córdoba. Les versions de D’Arienzo qui sont énergique s’inscrivent dans la même veine.
C1908 Banda De La Policia De Buenos Aires. Véritable musique avec flonflons pour une inauguration
Dans les années 30, Pesce écrit des paroles pour ce tango, des paroles nostalgiques où il ajoute une histoire d’amour qui se termine et peut-être la démolition de l’hôtel, probablement celui de Buenos Aires puisque celui de Córdoba est toujours debout. Ceci explique que les versions chantées soient plus tristes. Par exemple, celle de D’Agostino et Vargas.
1945-05-21 Orchestre Ángel D’Agostino, con Ángel Vargas. Nostalgique et superbe
Mais cette histoire rocambolesque ne se termine pas si rapidement. Je vous invite à un autre rebondissement…
Le quilombo des compositeurs
Couverture des partitions. À gauche, une signée Feliciano Latasa et à droite une signée Luis Negrón (c1932).
J’ai évoqué Feliciano Latasa comme étant le compositeur « officiel », mais rien n’est moins sûr. En effet, si l’inauguration a eu lieu en 1914, il était mort depuis 8 ans. Ceci pourrait expliquer les diverses revendications, notamment par Alfredo Barone (un violoniste de Córdoba) et Luis Negrón.
Coup de théâtre
Pour rajouter à l’énigme, dans une œuvre théâtrale nommée « La borrachera del tango » (l’ivresse du tango), il y a une chanson nommée la « La payasa » (qui n’est pas le féminin du clown [payaso], mais la drogue en lunfardo) et dont l’air est celui d’Hotel Victoria). Le curieux, c’est que la musique est attribuée à un certain « H.D. ». Les paroles sont celles des auteurs de la pièce de théâtre et n’ont donc rien à voir avec un quelconque hôtel comme on peut l’entendre dans cette version chantée par Ignacio Corsini en 1922.
La Payasa – Ignacio Corsini – Tango (C1922)
On se retrouve donc avec plusieurs compositeurs potentiels ; Feliciano Latasa, Luis Negrón, H.D., et Alfredo Barone.
L’excellent site Todo Tango rajoute des compositeurs japonais, mais c’est juste une histoire de récupération de droits d’auteur et d’arrangements musicaux. En effet, la chanson de Mari Amachi, « Mizuiro no Koi » est enregistrée, de la façon suivante :
Mizuiro no Koi 水色の恋
Year: 1971
singer Amachi Mari
lyrics Pesce Carlos
lyrics Tagami Eri
composer Latasa Feliciano
composer Tagami Midori
On retrouve donc les classiques Pesce pour les paroles et Latasa pour la musique. Les Japonais (oncle et nièce) ne sont que les arrangeurs et auteurs des paroles japonaises.
Je vous propose cette vidéo sous-titrée en espagnol. Elle est honnêtement, difficilement supportable, mais elle a fait un tabac immense au Japon, pays regorgeant de fanatiques du tango.
Mari Amachi — « Mizuiro no Koi » 1971 – Avec sous-titres en espagnol.
On se retrouve donc avec beaucoup de compositeurs, même si on peut bien sûr enlever les Japonais et probablement H.D. de l’affaire.
Inutile de tirer au sort pour savoir qui est le gagnant, car Todo Tango fait une hypothèse que je trouve excellente. Si vous avez déjà suivi le lien ci-dessus, vous êtes au courant. En effet, dans son article, «Gran Hotel Victoria», un tango anónimo, Roberto Selles cite une anecdote où la chanteuse andalouse, Lola Hisado indique que cet air est un air espagnol.
C’est loin d’être impossible dans la mesure où Latasa est né en Espagne et que si cette œuvre est traditionnelle, il peut l’avoir connue dans son pays d’origine.
Todo Tango s’arrête là. Pour ma part, je laisse la porte ouverte en me disant qu’il se peut que Lola Hisado ait entendu cet air en Espagne, mais, car il avait entre-temps circulé en Espagne, peut-être véhiculé par les orchestres argentins dans les années 20.
Existe-t-il un compositeur anonyme en Andalousie, Latasa a-t-il copié ou réellement inventé ?
N’hésitez pas à donner votre opinion dans les commentaires…
Autres enregistrements
La version que je propose a été enregistrée le 18 février 1948 par l’orchestre de Juan D’Arienzo qui l’a enregistré également en 1935, 1966 et après sa mort, en 1987. Non, ce n’est pas le fantôme de D’Arienzo, c’est juste que de nombreux DJ utilisent des enregistrements des solistes de D’Arienzo, sous la direction du bandonéiste et arrangeur des dernières années de D’Arienzo, Carlos Lazzari.
Comme indiqué précédemment, il y a deux branches pour ce tango. Une plutôt gaie et une autre, celle des tangos chantés par Vargas et Merello, plutôt nostalgique, voire triste.
Tous ces tangos ne sont pas pour la danse, mais en ce qui concerne D’Arienzo, ce sont tous des valeurs sûres qui permettent de s’adapter au public présent.
Voici quelques versions parmi une centaine, au moins, car le 21e siècle l’a beaucoup enregistré). En rouge, les versions plutôt gaies et en bleu, les versions plutôt nostalgiques.
C1908 Banda De La Policia De Buenos Aires. (Gai. Véritable musique avec flonflons pour une inauguration)
C1910 Estudiantina Centenario Direction : Vicente Abad (Gai un peu plus lent, mais avec jolie mandoline). C1911 Orchestre Vicente Greco (Gai, mais confuse) C1922 Ignacio Corsini (Nostalgique, mais avec des paroles et sous un autre nom (Payasa).
C 1925 Orchestre Roberto Firpo (Nostalgique, bien qu’instrumentale). Il peut s’agir d’une référence à la version de Corsini. 1929 Trío Odeón avec les guitaristes Iriarte-Pesoa-Pages (Gai) 1935-06-18 Orchestre Francisco Canaro (Version très lente, plutôt canyengue, disons nostalgique, mais en fait, plutôt neutre). 1935-07-02 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, le D’Arienzo d’avant Biagi) 1945-05-21 Orchestre Ángel D’Agostino, con Ángel Vargas (Nostalgique et superbe). 1948-02-18 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, mais avec des passages plus doux (contraste) 1948-08-13 Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto (Gai, contrairement à la version de 1925) 1949-10 Juan Cambareri y su Gran Cuarteto Típico « Ayer y hoy » (Gai et même énervée. Si l’idée est de rappeler le départ, celui s’effectue avec une locomotive à vapeur à plein régime. Pas question de proposer ce titre à danser). 1951-10-30 Orchestre Joaquín Do Reyes (Nostalgique, mais pas très intéressant) 1959 Miguel Villasboas y su Quinteto Típico (Gai, qui rappelle les airs des premiers flonflons ou de la mandoline, mais en pizzicati) 1959-04-09 Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro (Gai, avec des passages un peu plus nostalgiques. La flûte rappelle les flonflons des premières versions. 1959-10-08 Orchestre Florindo Sassone (Nostalgique et bien dans l’esprit de Sassone, pas pour tous les danseurs…) 1963-07-11 Quinteto Real (Gai, avec beaucoup de trilles. Suffisamment décousu pour ne pas être dansable) 1966-08-03 Orchestre Juan D’Arienzo (Gai, et puissant comme un D’Arienzo des années 60, logique, c’en est un, avec ses fameux breaks) 1968 Conjunto Carlos Figari, con Tita Merello (Nostalgique, mais à la façon de Tita Merello, pas pour la danse de toute façon) 1970, 1976 et 1981-03-07 (En vivo) Horacio Salgán y Ubaldo De Lio (Gai, mais très décousu, absolument pas pour la danse, le piano est très présent. La version de 1976 est en public à l’Hôtel Sheraton de Buenos Aires et celle de 1981 au Japon). 1976-12-08 (En vivo) Los Reyes Del Compás. Enregistré en public au Japon (Tokyo at the Shiba Yuubinchokkin hall) en mémoire de Juan D’Arienzo. La version est plutôt gaie malgré la mort de leur modèle. 1977 Sexteto Mayor Une version nostalgique, absolument pas pour la danse. 1990-02-09 Yasushi Ozawa y su Orquesta Típica Corrientes Plutôt nostalgique, mais en fait assez moyenne. Sans doute pas le titre à retenir pour une milonga réussie. 2007—08 (En vivo) La Tubatango (Gai, retour des flonflons, la boucle est bouclée avec la Banda de la Policia de Buenos Aires, un siècle plus tôt. Même si dansée dans la vidéo, ce n’est sans doute pas la version la plus dansante.
Il y a bien sûr des dizaines d’autres versions. J’en ai plus de cinquante dans ma discothèque, même si seulement deux ou trois passeront spontanément dans les milongas que j’anime.
La Tubatango, un orchestre atypique, faisant revivre des modes musicaux des premiers temps. Ici, Gran Hotel Victoria, un enregistrement public à Sao Paulo, Brasil, en août 2007.
Sources
Plusieurs sources m’ont servi pour écrire cet article. En dehors des sources écrites, des musiques de ma discothèque, j’ai utilisé les sites suivants :
Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez
Tus besos fueron míos
Le tango du jour a 97 ans. Son titre est explicite, Tus besos fueron míos (Tes baisers furent miens) et son sujet, toujours d’actualité. Même s’il s’agit ici d’une version instrumentale, on imagine qu’il s’agit de la chanson de la perte d’un amour. Les paroles que l’on connaît dans la plupart des autres versions le confirment. J’ai choisi ce tango pour pouvoir parler de son éditeur, la firme RCA Victor. En effet, l’orchestre Típica Victor ne jouait pas en public, seulement en studio, c’est l’originalité de certains de ces orchestres de maisons d’édition.
Victor ou Victors ?
La particularité de ces orchestres de maisons d’édition de disques était qu’ils n’étaient pas associés à un Directeur d’orchestre. Les musiciens pouvaient rester les mêmes et le chef changer, contrairement aux orchestres dirigés par des chefs ayant donné leur nom à l’orchestre. Le premier chef d’orchestre à avoir été contracté par la Victor a été un jeune pianiste, Adolfo Carabelli, qui a eu par la suite son propre orchestre. Ce tango date de cette période.
Les musiciens de la orquesta Típica Victor vers 1927
De gauche à droite : Contrebasse : Humberto Costanzo — Violons : Eugenio Romano, Agesilao Ferrazzano et Manlio Francia — Bandonéons : Luis Petrucelli, Ciriaco Ortiz et Nicolás Primiani — Piano : Vicente Gorrese. Adolfo Carabelli (le chef d’orchestre et le violoniste Elvino Vardaro qui travaillait aussi à l’époque pour la RCA Victor, ne sont pas sur la photo.
Qui dit pas Victor a parfois tort
Souvent, des danseurs me demandent la Típica Victor. Soucieux de leur faire plaisir, je leur demande quel orchestre, quelle période, quel titre et je n’obtiens jamais de réponse. Certains DJ, sous le prétexte qu’il y a écrit Victor passent n’importe quels titres sans tenir compte des styles assez différents selon les orchestres et les directeurs qui se sont succédé.
Les différents orchestres Victor
Orquesta Victor Popular
Orquesta Típica Los Provincianos (Ciriaco Ortiz)
Orquesta Radio Victor Argentina (Mario Maurano)
Orquesta Argentina Victor
Orquesta Victor Internacional
Cuarteto Victor [Cayetano Puglisi et Antonio Rossi (violons), Ciriaco Ortiz et Francisco Pracánico (bandonéons)]
Trío Victor [Elvino Vardaro (violon), Oscar Alemán et Gastón Buen (guitares)]
En revanche, il est souvent possible de mélanger un titre de la Victor avec un titre enregistré par le même chef avec son propre orchestre. On remarquera, en effet, qu’avec les mêmes musiciens, les chefs ont mis leur empreinte. C’est d’ailleurs un phénomène bien connu pour les orchestres de musique classique.
Le nom ne fait pas la tanda
Beaucoup de DJ débutants l’apprennent à leur dépens (ou à celui de leurs danseurs), le nom d’un orchestre ne suffit pas pour fabriquer une belle tanda. Dans le cas des orchestres Victor, c’est assez clair, mais si on prend l’exemple de Canaro, de ces différents orchestres (tango et jazz), de ses différentes formations, quintettes, Típicas et de sa très longue période d’enregistrement, on se retrouve face au même problème. Reconnaissons toutefois que c’est un peu moins gênant maintenant, car ces DJ s’appuient désormais sur des playlists qui circulent et que donc, le travail de tri a déjà été fait. C’était particulièrement sensible au début des années 2000. Voir à ce sujet, cet article.
Écoute
Tus besos fueron míos 1927-02-17 – Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Les paroles
Tus besos fueron míos. Dique Victor 79334-A
Hoy pasas a mi lado con fría indiferencia Tus ojos ni siquiera detienes sobre mí Y sin embargo, vives unida a mi existencia Y tuyas son las horas mejores que viví Fui dueño de tu encanto, tus besos fueron míos Soñé y canté mis penas junto a tu corazón Tus manos en mis locos y ardientes desvaríos Pasaron por mi frente como una bendición
Y yo he perdido por torpe inconstancia La dulce dicha que tú me trajiste Y no respiro la suave fragancia De tus palabras, ¡y estoy tan triste! Nada del mundo mi duelo consuela Estoy a solas con mi ingratitud Se fue contigo, de mi novela La última risa de la juventud
Después te irás borrando, perdida en los reflejos Confusos que el olvido pondrá a mi alrededor Tu imagen se hará pálida, tu amor estará lejos Y yo erraré por todas las playas del dolor Pero hoy que tu recuerdo con encendidos bríos Ocupa enteramente mi pobre corazón Murmuro amargamente: « tus besos fueron míos Tus besos de consuelo, tus besos de pasión »
Y yo he perdido por torpe inconstancia La dulce dicha que tú me trajiste Y no respiro la suave fragancia De tus palabras, ¡y estoy tan triste! Nada del mundo mi duelo consuela Estoy a solas con mi ingratitud Se fue contigo, de mi novela La última risa de la juventud
Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez
Autres enregistrements
Ce titre a été enregistré à plusieurs reprises, dans un balancement entre versions instrumentales, versions chantées et versions chansons (seulement pour l’écoute et pas pour la danse).
1926, Carlos Gardel accompagné par les guitares de Guillermo Barbieri et José Ricardo enregistrait ce titre avec les paroles.
1926, Enregistrement par Canaro
1927-02-17, la version que je vous propose aujourd’hui et qui a donc 97 ans, est celle enregistrée le 17 février 1927 par l’orchestre Típica Victor. Il a été édité sur disque 78 tours sous la référence Victor 79334 A. Sa matrice portait le numéro 1102-2. C’était le deuxième enregistrement de la journée et il est devenu la face A du disque. Le même jour, la Típica Victor enregistra Trago amargo de Rafael Iriarte Letra : Julio Plácido Navarrine (matrice 1101-1). À cette époque, les maisons d’édition regravent les titres avec les nouveaux procédés d’enregistrement électrique. Cela provoque une activité intense, comme en témoignent d’autres enregistrements du du même jour, comme l’enregistrement de la comparsita par Canaro, chez Odéon.
1927-02-21, Rosita Quiroga propose une version chantée, accompagnée par des guitaristes.
1927-05-30, Canaro l’enregistre de nouveau, toujours en version instrumentale.
1946-11-29, Ricardo Tanturi sort le titre de l’oubli avec le chanteur Roberto Videla. Malgré le mode mineur (tristesse), la partie instrumentale est assez allègre. En revanche, Videla met beaucoup (trop ?) d’émotion. On peut aimer et ça reste comme Tanturi en général, dansable.
1952-08-14, Alfredo Attadía et le chanteur Enzo Valentino en donne une version chantée. C’est clairement une chanson qui n’était pas destinée à la danse. Attadia, n’a pas contrôlé le chanteur comme l’avait fait Tanturi.
1952-11-14, Alfredo de Angelis et Carlos Dante en donnent une version chantée bien équilibrée et qui permet une danse de qualité. Elle rejoint donc la version de Tanturi dans la discothèque du DJ de tango.
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos bríos Ocupa enteramente mi pobre corazón Murmuro amargamente: « tus besos fueron míos Tus besos de consuelo, tus besos de pasión »
Rafael Rossi; Luis Mario (María Luisa Carnelli) Letra: Luis Mario (María Luisa Carnelli)
La naranja nació verde
Y el tiempo la maduró,
Cuando me querrás, negrita
Es lo que pregunto yo.
Sous ce titre un peu curieux se cache une milonga étonnante pour le tango du jour. La chanson fait le parallèle entre le fruit vert, amer et le fruit mûr, doux, avec la femme qui n’est pas prête à aimer et qui le peut devenir en devenant douce. L’air allègre et joueur de la milonga dévoile donc une demande d’amour en retour, un peu comme le déclarait Pierre de Ronsard, âgé de 20 ans en 1545, après sa rencontre avec Cassandre Salviati :
Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu ceste vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil…
Bon, le parallèle n’est pas totalement exact, Ronsard jouait avec la peur de la mort et María Luisa Carnelli invite plutôt à mûrir plus rapidement, mais dans les deux cas, je pense qu’on peut parler d’une envie pressante de consommer. Je viens de citer María Luisa Carnelli, cette auteure argentine se présentait sous un nom de plume d’homme, Luis Mario. María Luisa d’origine bourgeoise et de formation littéraire classique, a probablement pris ce pseudonyme de façon à ce que sa famille ne se rende pas compte qu’elle écrivait des paroles de tango en argot (lunfardo). Si vous souhaitez en connaître plus sur sa trajectoire particulière, vous pouvez consulter une biographie écrite par Nélida Beatriz Cirigliano dans Buenos Aires Historia. Sur la milonga proprement dite, le rythme est assez intéressant, assez proche de l’habanera (mais moins que dans la version de Feliciano Brunelli). La partie chantée rend toutefois un peu compliquée la danse. Cette milonga peut être diffusée en milonga, sans être un must have.
Extrait musical
La naranja nació verde 1944-02-16 (Milonga) – Francisco Canaro con Carlos Roldán y Héctor Castel
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
La naranja nació verde Y el tiempo la maduró, Cuando me querrás, negrita Es lo que pregunto yo. Me dijiste ayer: mañana Y hoy me dijiste que no, Qué naranja más amarga Es la que a mí me tocó.
La naranja cuando nace… nace verde La esperanza también tiene ese color, La naranja se hace dulce La esperanza… ilusión. El baile… el bailecito está de fiesta Como suena resonando el acordeón, ¡Ay, mi negra!, Con tus ojos Me has nublado el corazón.
Me dijiste ayer: mañana Y hoy respondiste que no, Estás jugando a las prendas Pero el prendado soy yo. La naranja nació verde Y al final se maduró, Cuando me dirás, negrita Que la espera terminó.
Rafael Rossi; Luis Mario (María Luisa Carnelli) Letra: Luis Mario (María Luisa Carnelli)
Autres enregistrements
Ce titre plutôt original n’a pas donné lieu à beaucoup d’enregistrements. Cela ne veut pas dire qu’il n’a pas été beaucoup joué, seulement qu’il n’a pas été enregistré. Voici quelques enregistrements :
1943-08-02 Feliciano Brunelli con Oscar Valeta. Version proche de l’habanera, assez joyeuse. Brunelli est un musicien généraliste, qui n’a pas donné que dans le tango. Il était né en France (à Marseille), de parents italiens et naturalisé Argentin. Quant à Oscar Valeta, le chanteur, il ne semble avoir enregistré qu’avec Brunelli.
1949 Trío Rafael Rossi con Dúo Rolsales-Casadei, l’auteur de la musique a enregistré sa composition. C’est assez joli, mais un peu mou en faire une milonga inoubliable.
Sur la collaboration de Canaro avec ces chanteurs, on compte près d’une centaine d’enregistrements avec Carlos Roldán dont un bon nombre de milongas (candombe et « normales »). Par contre, il semblerait qu’il n’a pas enregistré d’autre titre avec Héctor Castel.
La naranja nació verde Y al final se maduró, Cuando me dirás, negrita Que la espera terminó. L’orange naît verte et au final mûrit. Quand me diras-tu, petite noire, que l’attente est terminée ?
Alma mía, ¿con quién soñás? He venido a turbar tu paz. […] Abre niña tu ventanal que con rayos de luna risueña la noche porteña te quiere besar. Clin d’oeil, j’ai utilisé la silhouette de Gardel pour le chanteur derrière les volets.
Le tango du jour est une superbe valse, Alma mía qui témoigne des premiers enregistrements de l’orchestre de Carlos Di Sarli qui auparavant avait seulement gravé des titres avec son Sexteto. On retrouve dès les premiers enregistrements la subtilité harmonique au service d’une cadence rigoureuse qui fera sa gloire. Pour être juste, on trouvait déjà dans les derniers enregistrements du sexteto, quelques éléments de cette harmonie, mais qui étaient étouffés par une rythmique un peu pesante, héritière du canyengue. Pour se rendre compte de la qualité de la musique de Di Sarli sur des tangos, on pourra écouter La trilla, enregistrée le même jour qu’Alma mía, ou son premier enregistrement avec Rufino, le 11 décembre 1939, Corazón. Ceux qui me connaissent, savent que j’adore les valses, mais si je l’ai préférée à La trilla, enregistrée le même jour et qui aurait donc parfaitement convenu comme tango du jour, c’est que je suis retourné et j’ai toujours envie de chanter à tue-tête en même temps que Rufino « Aaaalmaaaaa míííííííaaaaaa, ¿ con quién soñás ? » (Mon âme, à qui rêves-tu ?). C’est également une superbe déclaration d’amour, à la Cyrano de Bergerac, il y a même le balcon. J’arrête de me justifier, cette valse est une merveille absolue et si Rufino est moins souvent choisi par certains collègues DJ que Jorge Durán ou Alberto Podestá, voire Carlos Acuña ou Oscar Serpa, c’est à mon sens très dommage. Il y a quelques jours, une organisatrice de Buenos Aires m’a remercié d’avoir passé une tanda avec Roberto Rufino.
Extrait musical
Alma mía 1940-02-15 (Valse) – Carlos Di Sarli con Roberto Rufino
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Mariposa, tus colores me han robado el corazón. Papillonne, tes couleurs ont volé mon cœur.
Alma mía, ¿con quién soñás? He venido a turbar tu paz. No me culpes, soy un cantor que ha querido mezclar a tu sueño un verso porteño borracho de amor.
Si despiertas, no maldigas llego aquí porque te adoro, porque sufro, porque imploro, porque quiero que me digas, si es verdad que cuando sueñas me acarician tus amores. Mariposa, tus colores me han robado el corazón.
Deja el lecho cándida flor que en tu reja ronda el amor. Abre niña tu ventanal que con rayos de luna risueña la noche porteña te quiere besar.
Duerme el ave, allá en su nido, solo rondo yo en la calma por saber si tienes alma, oh mujer, que me has vencido. Despierta si estás dormida que por ti, mi dulce dueña, mientras Buenos Aires sueña, yo agonizo en tu balcón.
Diego J. Centeno Letra: Héctor Marcó
Traduction des paroles
Mon âme, à qui rêves-tu ? Je suis venu troubler ta tranquillité. Ne m’accuse pas, je suis un chanteur qui a voulu mélanger à ton rêve un vers porteño, ivre d’amour. Si tu te réveilles, ne me maudis pas, je viens ici parce que je t’adore, parce que je souffre, parce que j’implore, parce que je veux que tu me le dises, si c’est vrai que, quand tu rêves, tes amours me caressent. Papillon, tes couleurs m’ont volé le cœur. Sors du lit, fleur candide, car l’amour hante ta clôture. Ouvre ta fenêtre, jeune femme, qu’avec les rayons d’une lune rieuse, la nuit portègne veut t’embrasser. L’oiseau dort, là, dans son nid. Seul, je me promène dans le calme pour savoir si tu as une âme, ô femme, qui m’a vaincu. Réveille-toi si tu dors, car, pour toi, ma douce maîtresse, pendant que Buenos Aires rêve, j’agonise à ton balcon.
Autres enregistrements
Curieusement, cette magnifique valse a été peu enregistrée. Il faut dire qu’il est difficile de surpasser la version de Di Sarli et Rufino. Les quelques exemples que je cite ici le prouvent.
1936-07-15 Agustín Magaldi accompagné de guitares. Honnêtement, cette version est un peu criée et pas très intéressante. Ce qu’en a fait 4 ans plus tard Di Sarli est heureux pour cette valse.
1969-10-21 Le Sexteto Tango avec Jorge Maciel. Absolument pas pour la danse et pour ceux qui supportent Maciel dans ses moins bons moments.
1996 Enzo Valentino propose une version maniérée guère plus intéressante que la version de Maciel. Pas de risque que je propose cela en milonga.
Sous le même titre, on trouve un tango composé par Sando Panizzi. Il est interprété par Marek Weber et son orchestre. Cet orchestre allemand est attachant, il témoigne de la folie du tango dans les années 20 et 30 en Europe. Son interprétation n’est pas si vilaine malgré ses airs militaires et ses flonflons de tromblons. J’ai mentionné ci-dessus La trilla, un tango écrit par Eduardo Arolas avec des paroles d’Héctor Polito. Rien à voir avec Alma mía, si ce n’est que ce tango a été enregistré par les mêmes, le même jour, le 15 février 1940.
Le chanteur s’interroge sur le rêve de sa bien-aimée. Peut-être que cette image représente le rêve des deux, quand elle aura ouvert ses volets pour accueillir la lune et l’amour. C’est mon interprétation…
Au creux de la polémique remise à jour en février 2024
En février 2024, Guillermo Reverberi (Guille de SMTango) a diffusé un texte « Pourquoi le tango doit-il se danser avec les orchestres des années 40 ? » Ce texte a beaucoup de succès en ce moment et je pense qu’il est intéressant de rendre à César ce qui lui appartient.
Une fusée avec de multiples étages
En effet, cette restitution se fait en plusieurs étapes:
Le tangomètre, éditorial de Ricardo Schoua, publié le 13 décembre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosarina, Tango y Cultura Popular (voir ici…)
Le « No-Tango », éditorial du même Ricardo Schoua, dans le numéro 134 de la même revue de mars 2012(voir ici...)
Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte écrit par José Carcione en réponse à l’éditorial du numéro 134. (reproduit ci-dessous en rouge)
Más sobre el tango bailado (Plus sur le tango dansé) éditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en réponse au texte de José Carcione.
¿Por qué el tango se debe bailar con las orquestas del 40? (Pourquoi le tango doit-il être dansé avec les orchestres des années 40 ?) publié vers 2015 par José, Él de la quimera (Celui de la chimère), en fait José Carcione, en italien et en espagnol. Pour la version française, c’est bien sûr ici
Porque al tango se lo baila con las orquestas de los años 40 publié en février 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango) et qui est la reprise tu texte de 2015 de José el de la quimera avec un paragraphe supplémentaire.
Voilà un résumé de l’affaire. C’est une grande fusée qui dure depuis décembre 2009, soit plus de 14 ans au moment où j’écris ces lignes.
On se reportera pour les premiers étages aux textes que j’ai déjà cités, Le tangomètre et Le « No-Tango ». La suite, est ci-dessous…
La version de février 2024 et ses différentes sources
Introduction de 2015 par José el de la quimera
Pourquoi le tango doit-il être dansé avec les orchestres des années 40 ? Heureusement, les 20 dernières années ont vu la résurgence du tango dansé, car il existe des milongas dans presque tous les pays du monde, où les danseurs et les DJ « consomment » continuellement la culture du tango et revivent le bon vieux temps avec des orchestres de tango. « Ils dansent sur la musique des morts », comme Piazzolla l’a dit un jour à Troilo avec mépris, parce qu’en réalité la musique d’aujourd’hui n’est pas dansante ; ils voient des tentatives ratées comme le « Tango Nuevo » ou la prétention de tel ou tel DJ à « innover » en proposant des chansons soi-disant modernes de qualité musicale douteuse. Concrètement, ce n’est pas le danseur qui doit s’adapter à la musique, mais la musique doit être dansable. Dans une lettre envoyée aux lecteurs du magazine numérique « Tango y Cultura Popular », que je retranscris ci-dessous, j’ai essayé d’expliquer pourquoi la « musique de tango » n’est pas populaire (ou n’existe pas) comme elle l’était dans la première moitié du XXe siècle, la décennie des années 40 étant la dernière et la plus représentative :
Courrier du lecteur du magazine Tango y Cultura Popular n° 135, un texte écrit par José Carcione en réponse à l’éditorial du numéro 134
J’aimerais apporter quelque chose à l’article de Ricardo Schoua, « El No-Tango », du point de vue d’un milonguero (simplement un danseur de tango social, je ne suis pas professeur), qui apparemment dit le contraire, mais vous verrez que ce n’est pas comme ça. Je sympathise avec la « colère » de Ricardo, mais d’un point de vue différent. Le tango (dansant) est mort depuis longtemps. Aujourd’hui, il n’y a pas de paroliers et de musiciens créatifs qui font de la musique pour danser. La musique postmoderne, post-âge d’or, est faite pour être écoutée. Piazzolla lui-même a dit qu’il ne fallait pas danser sur sa musique. Cela s’est produit dans les années 1950 pour diverses raisons. À Buenos Aires, l’héritier du tango – en tant que musique et paroles qui interprétaient la réalité du porteño – était le rock urbain, chanté en « argentin », et cette musique n’a rien à voir avec les milongas. « Avellaneda Blues » de Javier Martínez, par exemple, a des paroles de tango, mais c’est un blues. Beaucoup de paroles de Flaco Spinetta sont du tango. Peut-être que Piazzolla et Ferrer y ont contribué, mais comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas du tango que de danser. Oui, vous pouvez nommer Eladia Blasquez, Chico Novarro, Cacho Castaña et arrêtons de compter, mais ce sont les cas qui confirment la règle, et ils n’ont pas fait de musique pour danser non plus. La scène musicale (dansante) qui va de 900 à 50 est infiniment riche, heureusement et les milongueros n’ont pas à s’inquiéter. Le problème réside dans le fait que peu de DJs étudient vraiment cela, car en général ils proposent peu d’orchestres et souvent la milonga n’a pas la bonne structure, c’est-à-dire l’assemblage correct des tandas et la succession appropriée des orchestres. Ensuite, nous avons le « Tango Nuevo » (en tant que phénomène de danse, je comprends). C’est douloureux de voir des danseurs danser le nouveau tango, ce n’est pas du tango social, c’est très difficile, comme si on dansait de la danse classique sans le savoir. Seuls quelques-uns, Frúmboli, Arce, Naveira, qui pratiquent des heures par jour, peuvent le danser avec une certaine décence, mais dans les milongas, ces milongas traditionnelles, ils dansent le tango social comme nous tous. Ce n’est pas facile non plus, il y a la musicalité diverse de chaque orchestre qu’il faut respecter. Ceux qui ne savent pas danser appellent les extraordinaires musiques de Biagi des « marchas » et sont ceux qui demandent un « nouveau tango », avec des chansons de « Otros Aires », « Gotan project », Grace Jones, etc. Nous pourrons danser sur de la musique contemporaine alors qu’il sera courant de danser le tango social, mais pour cela les Biagi, Lomuto, Donato, Di Sarli doivent revenir avec des paroliers tels que Cadícamo, Romero, etc., car le tango dansant n’existe plus. De plus, le « nouveau » est de mauvaise qualité. Si vous voulez le danser, vous devez d’abord apprendre le tango social, avec sa musicalité variée. Comme il s’agit d’un processus sans fin, où l’on découvre toujours quelque chose, vous verrez que c’est très gratifiant et qu’il n’est pas nécessaire de danser le « Gotán » ou de le proposer dans une milonga pour se sentir à l’avant-garde et prétendre que l’on est « dedans » ou quelque chose de super créatif. Je dis plus, après avoir appris cela, vous n’allez pas aimer le « nouveau ». Alors, qui est le DJ créatif ? celui qui joue du Tanghetto, du Narcotango, (j’ai même entendu Mozart), dans la milonga ? Où la plupart des danseurs ressemblent à des zombies et pensent qu’ils dansent de manière phénoménale sur la dernière mode du tango ? Celui qui propose de la musique traditionnelle n’est-il pas créatif ? DJs : étudiez et vous verrez que chaque orchestre a sa propre musicalité, avec des possibilités infinies, où le chanteur n’est qu’un instrument comme les autres, ce qui n’était plus le cas après les années 50, quand le chanteur est devenu la star. Nous, les danseurs, avons besoin de ténors, comme Roberto Ray, Raúl Berón, Francisco Fiorentino, je peux même dire Goyeneche à ses débuts, et Nina Miranda est parfaitement dansante, et pas de voix qui « disent » ou « crient » le tango. C’est bien, mais ils sont faits pour être écoutés. Enseignants : apprenez aux danseurs à marcher d’abord, les figures seront découvertes par eux plus tard. Heureusement, le tango revient dans les années 80 comme danse (milonga). Aujourd’hui, « la musique des morts », comme l’appelait autrefois Piazzolla, est dansée sur toute la planète. Il n’y a pas de grande ville où il n’y a pas de milongas. Des innovateurs sérieux aujourd’hui ? Malheureusement il n’y en a pas, et s’ils viennent, ils iront dans une direction, sinon la même, parallèle à celle des anciens maîtres.
(NDT : un maestro en Argentine, est un professeur d’école primaire. Je propose donc la traduction « maîtres », mais vous pouvez penser « maestros » si vous préférez.)
Más sobre el tango bailado (En savoir plus sur le tango dansé) éditorial du n°136 de la revue Tango y Cultura Popular, toujours par Ricardo Schoua en réponse au texte de José Carcione
Le texte de José de la quimera reprend seulement des parties de la réponse de Ricardo Schoua. Je préfère vous donner la version complète. J’ai indiqué en gras et en bleu les passages cités par José de la quimera et en italique les ajouts de José de la quimera dans sa version de 2015…
Le lecteur José Carcione répond, dans le numéro précédent, à mon éditorial El No-Tango, du point de vue d’un milonguero, un danseur social. Cette réponse et d’autres choses qui me sont arrivées m’ont donné l’occasion d’approfondir la question des préjugés, les miens et ceux des autres, autour de cette question.
Le lecteur dit que le tango dansant est mort depuis longtemps, se référant au fait que les nouveaux compositeurs n’écrivent pas de tangos pour danser. Ce n’est pas le cas, on ne peut pas le généraliser.
Bien sûr, cela dépend de ce que vous considérez comme dansant. Pour le lecteur, le paradigme semble être Rodolfo Biagi, qu’il oppose à des monstres comme Gotan Project, mais ne mentionne pas Pugliese ou Troilo…
Biagi n’est pas mon paradigme, c’est l’un de mes orchestres préférés, mais Pugliese et Troilo sont aussi des années 40 ! Mes arguments ne sont donc pas contredits.
Réponse de José de la quimera à Ricardo Schoua
Il s’avère que dans de nombreuses milongas, ils ne jouent pas de chansons de ces deux derniers orchestres — et de beaucoup d’autres — parce qu’ils prétendent que leur phrasé est inadéquat pour danser. À l’autre extrême, il y a ceux qui ne se soucient de rien, même si ce n’est pas le tango, parce qu’ils considèrent la musique comme un complément à leurs expositions.
Le lecteur mentionne que ceux qui ne savent pas danser traitent la musique de Biagi comme des « marches ». La comparaison ne m’était pas venue à l’esprit. Dans les défilés, les marches sont utilisées, avec un rythme bien marqué, pour que tout le monde marche en même temps et se déplace comme un tout compact. Et les contraintes d’espace des milongas, la nécessité de se conformer harmonieusement au mouvement en cercle, exigent quelque chose de similaire : un rythme sans « chocs ».
Mais il s’avère que ces limitations d’espace finissent par limiter les danseurs eux-mêmes, généreusement aidés par les règlements milonguero (« codes ») et par ceux qui, par commodité, ont élevé cette forme de danse à la catégorie de « style ». Et la vérité, c’est qu’il n’y a pas de « styles » dans le tango, c’est une invention marketing. Je n’aime pas danser sur une petite piste de danse, pleine comme un bus aux heures de pointe, mais tout le monde a le droit de faire ce qu’il veut.
Ce à quoi je réponds que ceux qui savent danser sur une petite piste de danse ou avec une piste de danse complète (par exemple, Salón Canning dans les milongas « pico »), savent danser sur n’importe quelle piste de danse, également dans Aeroparque :>)
Réponse de José de la quimera à Ricardo Schoua
Sans tomber dans les extrêmes, dans les milongas plus détendues, où l’on peut aussi écouter Pugliese, Troilo ou Salgán, on danse sur leurs chansons avec plaisir et sans inconvénient, et on danse aussi sur Piazzolla, bien sûr que quelques-unes des compositions les plus connues. Mais il est très, très difficile pour les œuvres de la nouvelle génération d’être transmises. Il est vrai que, même avec un critère large, il y a des titres qui ne se prêtent pas à la danse, mais ici l’habitude et l’ignorance jouent beaucoup.
Moi-même, qui ai parfois l’habitude de mettre en musique des milongas et d’inclure de nouveaux orchestres et de nouvelles compositions, je me suis retrouvé à dire à un compositeur qui a récemment sorti un CD avec de nouveaux tangos de son auteur, que ses chansons devaient être plus dansantes. Et ce n’était pas vrai, ils sont très dansants. Ce qui se passe, c’est que j’ai aussi des préjugés, parce que, étant donné qu’ils ne sont pas très répandus, j’ai peur du rejet que je pourrais recevoir si je les inclus dans un lot. (Et il y en a toujours un qui crie, vous voyez ?)
Pour éviter les problèmes, seul ce qui est connu est mis en musique. Mais un danseur social ne devrait pas avoir de malà danser un tango jamais entendu auparavant. Après tout, dans les années 40, les tangos étaient créés en continu.
Oui, mais avec les étiquettes : « dansant ».
Réponse de José de la quimera à Ricardo Schoua
Maintenant, j’ai remarqué que, lorsqu’un orchestre live est présenté, ces limites sont diluées et les gens dansent tout ce qu’on leur propose, même si c’est nouveau.
Il semble que le secret pour parvenir à l’acceptation soit de combiner, dans une présentation, des thèmes traditionnels, arrangés dans le style de l’orchestre, avec de nouvelles compositions. Et pour ceux — nombreux — lecteurs qui animent des émissions de radio, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’insister sur l’importance de diffuser durablement la nouveauté. Si vous avez besoin de matériel, comptez sur nous pour le gérer.
En terminant, je tiens à vous dire que je suis heureux de constater un intérêt grandissant pour notre magazine et nos espaces de médias sociaux. Merci beaucoup et rendez-vous dans le prochain numéro !
Ricardo Schoua
La suite de la publication de 2015 par José de la quimera
Là, José n’est plus en réponse directe à Ricardo Schoua, mais ses ajouts sont intéressants :
Mais si je le dis-le, ça n’en vaut pas la peine. Voyons ce que dit Maître Alfredo de Angelis. Je viens de terminer la lecture de sa biographie, écrite par sa fille. Dans ce livre, De Angelis fait clairement référence au problème de 1981, et ses mots sont actuels :
L’une des raisons est que les orchestres ne font plus de rythme, cela ressemble à de la musique espagnole, qui n’a rien à voir avec le tango. La plupart d’entre eux jouent de la même manière, les bandonéons font tous la même chose. En dehors du rythme, ils n’ont pas la ligne mélodique du tango, le public n’aime pas ça et même s’ils veulent le leur imposer, ils n’y arriveront pas.
Ce cas ne sera pas inversé jusqu’à ce qu’un orchestre sorte comme en 1935, lorsque D’Arienzo est parti et a rompu avec toutes les nouveautés de l’époque, la même chose se produit aujourd’hui. Le tango c’est pour danser, aujourd’hui ils ont même changé le style de danse, les chanteurs crient, je dis toujours que les disques de Gardel durent, ils peuvent obtenir le style de lui. Gardel n’a jamais crié et le temps le prouve. D’autres exemples sont Fiorentino, Dante et Vargas.
À l’époque de Canaro, De Caro est sorti, mais il a fait du rythme, c’est ainsi que Troilo, D’Arienzo et d’autres ont joué du « cuadrado », c’est-à-dire que pour danser, Horacio Salgán est sorti avec un style très agréable, modernisé, bien arrangé, et que s’est-il passé ? Après, plus rien d’autre n’est sorti, ils veulent nous imposer un nouveau style, mais tant qu’ils ne font pas de tango-tango, il ne se passe rien.
(Diario La Prensa, 11/1981, « Alfredo de Angelis : Les orchestres ne font pas de rythme », note de Roberto Pertossi).
C’est on ne peut plus clair.
Pourquoi insistent-ils encore, dans de nombreuses milongas, pour faire écouter des orchestres qui composent de la musique ? Parce que les danseurs ne savent pas danser, et ils pensent qu’ils savent. Les orchestres de tango ne dansent pas bien et font semblant de danser le tango « moderne ». Quelqu’un qui distingue la musicalité de chaque orchestre, qui sait danser des syncopes, des cadences et des silences, et qui ne danse pas « tout de la même manière », ne va pas à ces milongas, parce qu’il sait que ce ne sont pas vraiment des milongas, mais « un spectacle de danse de mauvaise qualité ». Personnellement, si je veux écouter un orchestre, je vais au théâtre où l’acoustique est meilleure et où leur fonction est précisément d’écouter et d’apprécier la musique. Dans la milonga, je veux de la musique de danse et ne pas attendre passivement la fin du « spectacle » pour pouvoir danser et payer plus. Les orchestres des années 1940 convoquaient jusqu’à 6 000 personnes aux milongas du carnaval parce qu’ils jouaient pour danser et que les danseurs avaient une fonction active et non passive, interprétant correctement la musique, avec du rythme et de la mélodie comme le dit De Angelis. C’est le secret du succès. Où sont les milongas de ces carnavals maintenant ? Quelqu’un s’est-il demandé quelle en était la cause ? L’absence de danseurs ou d’orchestres appropriés ? Fonte De Angelis, Isabel, 2004, Alfredo De Angelis. Le phénomène social. Le Tango Club. Ed. Corregidor. Tango y Cultura Popular, avril 2012, n° 135 ; www.tycp.com.ar.
José de la quimera en complément de son article de 2015
Le paragraphe supplémentaire publié en février 2024 par Guillermo Reverberi (Guille de SMTango)
Haaaa, et enfin. Un danseur ou une danseuse de tango va à une Milonga pour danser TANGOOOOOOOOO, pas pour regarder des spectacles, des expositions et/ou danser d’autres rythmes. Cela ne fait que disparaître l’envie de continuer à danser, stresser, déprimer sans le savoir et la Milonga finit dans un fiasco.
J’ai reproduit dans le post le « Tangomètre », un éditorial de Ricardo Schoua de décembre 2009. Ce nouvel éditorial du même auteur date de mars 2012, reprend le fil. Il l’a nommé No-Tango. Il me restera un texte à reproduire, lui aussi de 2012, texte qui circule beaucoup en ce début de 2024, mais chut, revenons à mars 2012, dans le numéro 134 de la revue Tango y Culture Popular.
L’éditorial du n°134 de Tango y Cultura Popular, intitulé Le « No-Tango »
Éditorial : Le « No-tango » par Ricardo Schoua
J’avais déjà fait remarquer, dans des notes précédentes, qu’en ce qui concerne le tango et son développement, il y a autant d’opinions que de personnes. Je vais me référer à certaines de ces opinions d’une manière générale, sans identifier les expéditeurs, car ce qui m’intéresse, c’est de polémiquer avec des idées, pas avec des personnes. Dans un éditorial précédent (*), j’ai souligné quels étaient, à mon avis, les aspects négatifs qui surgissent dans l’activité, et qui entravent son développement. Je ne vais pas les répéter ici, mais j’aimerais développer certains concepts. Au sein de la nouvelle génération d’auteurs, de compositeurs et de musiciens, il y a ceux qui affirment que le tango est mort. La première chose qui me vient à l’esprit est « alors que font-ils ici, pourquoi continuent-ils à apporter des contributions au genre ? » À tout le moins, on s’attend à un peu de cohérence, une vertu qui semble également dépassée.
J’aime le tango, mais je ne considère pas une certaine période comme limitative. Il y a des tangos que je trouve très ennuyeux parmi les anciens et aussi parmi les actuels. Les classiques le sont par leur propre mérite, et non parce qu’ils appartiennent à une certaine époque. Dans un rapport que nous avons reproduit, le tango Uno a été interrogé parce que « c’était déjà le cas ». Sur quelle base disent-ils « c’est déjà le cas » ? Les paroles ont-elles perdu de leur pertinence ? Aujourd’hui, l’adage selon lequel « la lutte est cruelle et il y en a beaucoup » est tout à fait valable… Ou, l’est-il vraiment ? Si le renouveau du tango va se baser sur l’interdiction de l’exécution des classiques, nous allons très mal, avec une orientation désastreuse, qui semble cacher l’idée que ceux qui le promeuvent ne se sentent pas capables de surpasser les réalisations de ceux qui les ont précédés. Et il faut regarder les attitudes de ceux qu’ils prétendent admirer (admiration qui n’est pas cohérente non plus). Ou, peut-on imaginer une position similaire chez Osvaldo Pugliese ? Ou Piazzolla a-t-il renié Troilo, Pugliese, Salgán, Di Sarli …? Il y a aussi ceux qui postulent que la mélodie et l’accompagnement ne sont « plus ». Dans quel manuel l’avez-vous lu ? Tout le monde a le droit d’expérimenter, mais pas de disqualifier gratuitement. Et de ne pas se fâcher si le résultat de leur expérience ne les mène pas au sommet de la gloire. J’ai écouté de « nouveaux tangos » qui, musicalement, peuvent faire preuve d’un haut niveau de virtuosité, mais, comme je ne trouve pas la mélodie, je ne peux pas les fredonner ou les siffler et, par conséquent, je ne peux pas m’en souvenir. La musique populaire, pas seulement le tango, est simple et s’adresse à tout le monde, pas seulement aux musiciens professionnels. Il n’est pas facile d’atteindre cette simplicité et cette acceptation. George Martin, surnommé « le cinquième Beatles », disait que la musique doit danser pour vous, ce qui ne veut pas dire qu’elle est dansable, mais qu’elle fait bouger quelque chose en nous, qui nous transporte. Ce n’est pas que je ne comprenne pas certaines « querelles » de ceux qui tentent de renouveler le genre. Constituer un répertoire d’une vingtaine de numéros connus, toujours les mêmes, sans en incorporer de nouveaux, c’est aussi une façon de combattre le tango de l’intérieur, quand on dit qu’il le défend. Cela contribue à la même chose de ne pas chercher à modifier les formats de diffusion et de programmation. Et l’attitude de certains DJ qui n’osent pas proposer quelque chose de différent, de peur de « perdre la clientèle ». Maintenant, cette chose de décrire le tango comme mort ou péri et d’essayer de le transformer en quoi que ce soit m’amène à suggérer que, pour être cohérent, au lieu d’ajouter des qualificatifs tels que « de ruptura » ou « alternativo », ils encadrent leurs créations dans un nouveau genre : le No-Tango.
Merci beaucoup,
Ricardo Schoua
Éditorial de la revue Tango y Cultural Popular n°134
Le tango du jour n’est pas un tango, pas même une valse malgré son rythme ternaire (Pou-chi-chi), mais une ranchera. Certains DJ proposent des rancheras pour des tandas de valses. C’est assez compliqué à danser et déstabilisant, je ne recommanderais donc pas l’exercice. La ranchera s’apparente en fait à la mazurka ou à la java. Cette danse traditionnelle d’Argentine n’est plus dansée aujourd’hui, mais il y a de nombreux enregistrements qui montrent le succès de ce rythme au siècle passé. Si j’ai tenu à placer ce thème, c’est, car il me paraissait bien adapté au jour, le 14 février, la Saint-Valentin, fête des amoureux. Sur la dizaine de titres enregistrés un 14 février, très peu avaient un thème pouvant évoquer l’amour (si on excepte la Limona de Amor (aumône d’amour) qui invoque l’amour divin et dont une version a été enregistrée un 14 février (1957) par Miguel Calo avec Rodolfo Galé. Je reviens à Las Margaritas enregistré par Ada Falcón avec son grand amour (pas totalement réciproque), Francisco Canaro. Las margaritas présente les espoirs d’un jeune homme amoureux d’une serveuse et qui ceuille des marguerites. Il les offre à la vierge du village. J’avoue ne pas savoir si cette vierge est la serveuse qui peut ainsi le guérir de son amour en le rendant effectif, ou bien la Sainte Vierge qui lui fera oublier un amour impossible à concrétiser. L’histoire d’Ada et Francisco est également un thème romantique. Je n’entrerai pas dans les détails, mais disons que Canaro ne ressort pas forcément grandi de l’affaire. Une histoire d’amour un peu tragique, donc, mais une histoire d’amour. Je propose donc ce titre pour fêter la Saint-Valentin à tous les amoureux du monde, en espérant qu’ils seront plus heureux au final qu’Ada qui est entrée dans les ordres comme… franciscaine et que la Francesa, la redoutable épouse de Canaro…
Extrait musical
Las Margaritas 1933-02-14 – Ada Falcon accompagnée par Francisco Canaro.
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
En las lomas de mi pago yo corté las más lindas margaritas, con primor y a la Virgen del pueblito las llevé, para que ella me curara del amor. Porque sabes, yo ando triste y ha de ser por la moza del puestero Nicanor, la vi en la tranquera, una tarde muy hermosa y como un gualicho, me ha dejado el corazón.
En mi alazán, bajando voy todas las tardes con el afán de este amor, lleno de alardes y al recortar flores de amor para llevar, candorosa margarita, sobre la lomita yo suelo encontrar pa’ mi ilusión, hasta el alma vendería y lejos me iría a morir por vos.
Margaritas de mis pagos, que corté, para aquella linda moza de mi amor, han sangrado como sangra mi querer y hoy quisiera darte todo mi fervor; porque todo lo que nunca has de saber hoy se llena de nostalgia en mi dolor, mi amor y mis flores, margarita primorosa, me han llenado el alma como mi lírica canción.
Domingo Pelle Letra : Alfredo Angel Pelaia
Dans les collines de mon domaine, j’ai coupé les plus belles marguerites.
Pour terminer sur une note optimiste, je vous propose une autre illustration destinée à faire mentir Les Rita Mitsouko avec une histoire d’amour qui se termine bien…
Cet éditorial a été publié le 13 décembre 2009, dans le numéro 110 de la revue rosarina, Tango y Cultura Popular. J’ai choisi de le reproduire ici, car en ce moment circulent des textes qui ne reprennent pas les sources et je pense utile de rendre à César ce qui lui appartient (même si dans le cas présent il s’appelle Ricardo Schoua). Ce sera le premier d’une série de textes polémiques sur le tango et son évolution. Bonne lecture.
Vous trouverez le texte original, en espagnol, en fin d’article
Le Tangomètre (éditorial)
Logo de Tango y Cultura Popular, la revue de tango de Rosario (Argentine)
L’inscription au patrimoine mondial, la multiplication des festivals, l’ouverture de nouvelles milongas, le fait que de nombreux jeunes musiciens soient enclins à ce genre indiquent un essor du tango. Mais, comme toute manifestation de la culture populaire, cet essor contient beaucoup d’impuretés et s’inscrit dans une lutte permanente contre les conceptions qui tendent à la limiter ou à la vider de son contenu.
La question est de savoir dans quelle mesure nous comprenons ce que signifie la culture populaire. Ce n’est pas un sujet facile à comprendre, c’est pourquoi beaucoup se réfugient dans des conceptions dogmatiques. Je pense que c’est une tâche quotidienne d’apprendre, avec un esprit ouvert, de quoi il s’agit. Et c’est un processus d’apprentissage sans fin.
Je vais essayer d’énumérer les éléments qui, à mon avis, sont, en ce moment, un obstacle à un développement authentique du tango en tant qu’expression populaire.
1.— Les opinionologues qui n’admettent pas de changements au-delà de ce que furent les années 40, oubliant que cette époque se distingue précisément par le boom de l’innovation et du renouveau. Souvent, cette posture de « défenseurs à tout prix » du tango cache la médiocrité consciente de ceux qui l’adoptent comme étendard. L’attitude est comparable à celle d’un patron, dans n’importe quel travail, qui s’entoure de gens médiocres pour s’assurer qu’ils ne « bougent pas le sol », parce qu’il sait qu’il est lui-même médiocre.
La résistance au changement est exploitée, et ce n’est pas nouveau. Horacio Ferrer raconte dans son livre El gran Troilo que, lorsque Pichuco a créé Responso à Montevideo, l’un des spectateurs lui a crié : « Gordo, arrête de jouer des pasodobles ! »
2.— Ceux qui, au nom d’un supposé « nouveau tango », se placent à l’extrême opposé des précédents, c’est-à-dire qu’ils nient les antécédents. Parmi eux, ceux qui ont l’intention de fusionner le tango (qui est le produit d’une fusion naturelle et évolutive) avec d’autres genres, en particulier le jazz. Pugliese a défini : « Le tango est un mélange de la campagne avec l’expression populaire de la ville. Beaucoup de choses peuvent être soulevées, dans différentes directions. Vous pouvez venir de Gardel, Bardi, Cobián, Maffia, Laurenz, mais vous ne pouvez jamais arrêter les étapes ni perdre de vue les sources. Ceux qui veulent s’exprimer dans le tango doivent se référer à la continuité, sans s’en détacher. Le reste n’est pas du tango. C’est de la musique, d’autres musiques.
Et Atahualpa Yupanqui a dit : « Pour que les enfants vivent, il n’est pas nécessaire de tuer leurs parents. »
Des musiciens qui écrivent pour des musiciens, qui semblent croire que plus la partition a de notes, mieux c’est. Ils ont pour corrélat les danseurs « de scène », pour qui l’important semble être le nombre de figures par seconde et non la danse elle-même.
Encore une fois, je cite Yupanqui : « Il y a des gens qui éblouissent et d’autres qui illuminent, je préfère illuminer. »
4.— Le soi-disant « tango électronique », un produit dérivé d’une étude de marché, l’une des nombreuses pierres que la contre-culture médiatique met sur le chemin.
5.— Les méthodes de danse également qualifiées de « neo tango » qui, au nom de la technique et de la propreté supposée, déconnectent totalement le danseur de la musique et de l’émotion.
6.— L’arrogance avec laquelle beaucoup de ceux qui défendent l’une ou l’autre des positions décrites sont traités.
Eh bien, avec cela, j’ai déjà gagné la haine de tout le monde. Si j’en ai manqué, faites-le-moi savoir…
Sérieusement, même si nous n’aimons pas les résultats, toute poursuite sincère est saine et devrait être encouragée et critiquée en même temps.
Les goûts de chacun sont respectables, mais ce n’est pas une question de goût ici.
Et il n’existe pas de «tangomètre», bien que si un lecteur veut en concevoir un pour nous, nous le ferons volontiers savoir.
La pire chose qui puisse nous arriver, c’est que notre cerveau s’atrophie. De nouvelles propositions contribuent à la pérennité. […]
Lucio Demare (Letra : Agustín Irusta; Roberto Fugazot)
Mis mañanitas de Montmartre tan queridas son para mí un delirio y una gran pasión.
Le tango du jour parle des aubes de Montmartre (Paris, France). Le tango est né à Paris… Pardon, sans Paris, le tango ne serait pas ce qu’il a été/est. C’est dans cette ville qu’il a acquis ses lettres de noblesse et qu’il a pu revenir en Argentine et devenir ce que l’on sait. Si vous ne le savez pas, regardez mon article sur l’âge d’or du tango.
Plusieurs centaines de tangos font référence à la France et à Paris, mais aussi aux grisettes, ces jeunes Françaises qui à l’instar de Madame Yvonne quittaient la France pour le « rêve » argentin (voir par exemple Bajo el cono azul). Canaro qui a fait à diverses reprises le voyage à Paris a sans doute été sensible à cette composition de Demare qui devait également lui évoquer les paysages de la Butte Montmartre.
Extrait musical
Mañanitas de Montmartre 1928-02-13 – Francisco Canaro
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Las grises mañanitas de Montmartre, donde iluso derroché mi juventud, serán eternas en mi triste vida, porque las recuerdo para mi inquietud. Al igual que un amor cicatrizado e imborrable en un tierno corazón, mis mañanitas de Montmartre tan queridas son para mí un delirio y una gran pasión.
Pero sos, mujer, pobre insensata que en el mundo triunfás; la frágil barca de tu vida quizás naufragará porque el timón de tu esperanza se quebrará en la mar, y humillada ya, mis mañanitas de Montmartre verán la fría nieve del destino caer sobre tu almita acongojada destruyendo aquellos sueños que forjaste con afán.
Nuevamente volverás a ser aquella que paseaba exenta de pudor por esas calles en que todas las mujeres pecadoras, guardaban su dolor. Y en las tinieblas de tu pobre vida, por ingrata nunca más encontrarás quien te devuelva con un beso de cariño la luz de tu esperanza, que se apaga ya.
Lucio Demare Letra : Agustín Irusta; Roberto Fugazot
Traduction des paroles
Les petits matins gris de Montmartre, où j’ai insouciamment gaspillé ma jeunesse, seront éternels dans ma triste vie, parce que je m’en souviens par mon inquiétude. Comme un amour cicatrisé et indélébile dans un cœur tendre, mes petits matins de Montmartre tant chéris sont pour moi un délire et une grande passion. Mais tu es, femme, une pauvre insensée, qui triomphe dans le monde ; La frêle barque de ta vie fera peut-être naufrage parce que le gouvernail de ton espoir se brisera en mer, et, déjà humiliée, mes petits matins de Montmartre verront la neige froide du destin tomber sur ta petite âme angoissée, détruisant ces rêves que tu t’es forgés avec empressement. Une fois de plus, tu redeviendras celle qui a marché sans honte dans ces rues où toutes les femmes pécheresses gardaient leur douleur. Et dans les ténèbres de ta pauvre vie, pour être ingrate, plus jamais tu ne trouveras quelqu’un pour te rendre avec un baiser d’affection la lumière de l’espoir qui s’est déjà éteinte.
Mañanitas De Montmartre – Couverture de la revue La Canción Moderna du 16 juillet 1928.
Autres enregistrements
Ce titre n’a pas été beaucoup enregistré, mais on trouve quelques versions intéressantes :
Mañanitas de Montmartre (Mañanita de Montmartre) 1928 – Lucio Demare y su Orquesta Típica Argentina.
Superbe version. Elle est généralement attribuée au Trío Argentino, Agustín Irusta (ténor), Roberto Fugazot (ténor) et Lucio Demare (pianiste), mais comme vous pouvez l’entendre, c’est une version instrumentale et il me semble qu’il faut donc l’attribuer à l’Orquesta Típica Argentina, celui qui a travaillé en Espagne (Notamment à Barcelone de 1928 à 1935) et dont le noyau était effectivement le trio des deux chanteurs et du pianiste envoyé par Canaro pour diffuser la musique argentine en Espagne.
Mañanitas de Montmartre 1928-02-13 – Orquesta Francisco Canaro. C’est notre tango du jour.Mañanitas de Montmartre 1930 – Lucio Demare (piano).
Version instrumentale par le compositeur.
Mañanitas de Montmartre 1930 – Agustín Irusta accomp. Lucio Demare (piano).
Agustín Irusta est accompagné au piano par Lucio Demare pour cet autre enregistrement. C’est le dernier de la série enregistrée par Demare en Espagne. On dirait une version enregistrée de façon amateur.
No nos veremos más – Mañanitas de Montmartre 1952-06-18 – Lucio Demare (piano).
Lucio Demare encore au piano avec « No nos veremos más » la valse que nous avons présentée le 11 février dans le cadre des Anecdotas de Tango…
Mañanitas de Montmartre 1968-07-30 – Lucio Demare (piano).
Toujours Lucio Demare et encore au piano.
Mañanitas de Montmartre 1970-04-14 – Orquesta Aníbal Troilo.Mañanitas de Montmartre 1972-08-18 – Orquesta Aníbal Troilo arr. de Raúl Garello.
Cet enregistrement a été effectué lors d’un concert organisé par la SADAIC (la SACEM argentine). On reconnaîtra l’ orchestration et les arrangements effectués par Raúl Garello qui ont assez profondément modifié le caractère de l’œuvre.
La version de Canaro est relativement archaïque, de style canyengue, mais c’est la seule qui peut se prêter à la danse.
Lucio Demare est un pianiste et un des rares compositeurs à avoir enregistré beaucoup de tangos au piano. Ce pianiste égaré dans les rues sous l’aube pâle de Montmartre est sans aucun doute Lucio Demare. Il joue du piano debout…
Un des miracles du tango est que l’on peut danser avec des personnes ayant appris à danser à plus de 10 ou 20 000 km de distance et que l’on peut s’entendre parfaitement en quelques secondes.
Yo no entender
Malheureusement, il n’est pas de même pour l’expression orale ni même écrite, alors j’ai décidé de proposer une cinquantaine de langues pour le site. Normalement, lorsque vous l’ouvrez, c’est la langue par défaut de votre navigateur qui est affichée. Si vous souhaitez afficher une langue différente, il vous suffit de cliquer sur le globe bleu situé en haut à droite.
En cliquant sur le globe situé en haut à droite, vous faites apparaître une cinquantaine de drapeaux permettant de choisir les langues correspondantes.
Il y a une cinquantaine de langues et je peux en ajouter en fonction des demandes.
Le site est écrit en français et les paroles de tango en espagnol
Si vous avez un doute sur la traduction, pensez à revenir au français pour vérifier ce qui pourrait avoir été mal traduit, en particulier les parties en espagnol. Choisir le drapeau français vous restituera les textes dans d’autres langues dans la langue d’origine.
Errare humanum est, perseverare diabolicum
Errare humanum est, perseverare diabolicum
Comme disait le vieux Sénèque, à moins que je me trompe, les œuvres humaines ne sont pas parfaites. Les traductions peuvent donc être sujettes à caution et je vous conseille de vérifier les passages douteux en affichant la langue d’origine (majoritairement le français, l’espagnol ou l’anglais).
Qui a peur de poser des questions a honte d’apprendre
Den, der er bange for at stille spørgsmål, skammer sig over at lære.
(Proverbe danois)
Vous pouvez me poser les questions, demander des renseignements ou écrire des commentaires dans votre langue préférée. La musique est un langage universel, même si nous n’avons pas tous les mêmes goûts, cela permet d’adoucir les mœurs dans ce monde en folie. Au plaisir de vous lire, les amis !
¡Gato! Este bicho es tu retrato ¡ Gato ! Dibujado con carbón ¡Gato! Del sombrero a los zapatos ¡ Gato ! Se denuncia tu ambición
Les danseurs qui ne connaissent pas ce tango sont étonnés par les cris et miaulements de chat. S’ils en connaissent le titre, Gato, qui signifie « chat », cela leur semble plus clair. Cependant, ce chat n’est pas un quadrupède, mais un bipède comme le chante Lagos : Dans le bois de la vie vit un bipède sans plumes. Lagos utilise bípedo au lieu de parajo (oiseau) dans le texte de Manzi. On peut imaginer que ce choix a été fait, car en bon chanteur d’estribillo, Lagos ne chante qu’une partie du texte. La fin est beaucoup plus explicite. Je l’ai reproduite en bleu dans les paroles ci-dessous. Pour insister sur le fait que l’on parle bien d’un homme élégant, à l’époque, Gato pouvait signifier Madrilène ou homme essayant de sortir avec de jolies femmes en portant un costume aussi beau que possible et en payant ce qu’il faut… Par extension, le terme s’est étendu aux femmes qui acceptaient de l’argent pour être avec ces hommes, devenant un synonyme de pute. Aujourd’hui, un gato est une insulte pour qualifier quelqu’un d’inférieur et que l’on méprise. Ce terme se retrouve beaucoup sur les murs de Buenos Aires pour qualifier des personnages politiques que les auteurs considèrent comme véreux. Macri Gato est un classique du genre. Mais le gato de l’époque de ce tango est simplement un homme qui aime la sape pour s’attirer les faveurs des plus belles. Beau à l’extérieur, mais vide à l’intérieur, comme le dit le couplet omis par Lagos.
Extrait musical
Gato 1937-02-12 – Edgardo Donato con Horacio Lagos
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
En el bosque de la vida, vive un bípedo sin plumas, Que camina entre la gente en favor de su disfraz. Que se muestra cuando hay buenas, pero en las malas se esfuma, Que se estira en l´aliviada y s´encoge en el cinchar. Que se apropia de lo ajeno, que se viste con espuma, Que aparenta estar sobrando y no tiene pa´ empezar.
¡Gato! Este bicho es tu retrato ¡Gato! Dibujado con carbón ¡Gato! Del sombrero a los zapatos ¡Gato! Se denuncia tu ambición
Exponente de este siglo, expresión de este momento, Su chatura es el ‘standard’ que circula en la babel. Por adentro es un vacío, por afuera un monumento Retocado por la moda con un golpe de pincel. Prototipo de mediocre, sin amor ni sentimiento, Y arrastrado por los vientos como un trozo de papel.
Edgardo Donato Letra: Homero Manzi
Traduction des paroles
Dans la forêt de la vie, vit un bipède sans plumes, qui se promène parmi les gens sous son déguisement. Qui se montre quand il y en a de bonnes choses, mais qui disparaît dans les mauvais moments, qui s’étire dans les activités faciles et se recroqueville face aux travaux difficiles. Qui s’approprie ce qui est étranger, qui s’habille d’écume, qui semble superflu et ne pas savoir par où commencer. Gato (Chat, mais c’est aussi quelqu’un de faux trompeur, comme le décrit ce tango) ! Cette bête c’est ton portrait Gato! Dessiné au fusain Gato! Du chapeau aux chaussures Gato! Ton ambition est dénoncée Représentant de ce siècle, expression de ce moment, sa platitude est la « norme » qui circule dans la Babel. À l’intérieur c’est un vide, à l’extérieur un monument retouché par la mode d’un coup de pinceau. Prototype du médiocre, sans amour ni sentiment, et traîné par les vents comme un bout de papier.
Autres versions
Il existe quelques tangos sous ce titre, mais aucun autre n’a été enregistré (à ma connaissance) avec la musique de Donato et les paroles de Manzi. La création de Donato avec ses miaulements est inégalée par les autres tangos ayant le même titre, comme le Gato de César Petrone interprété par Carlos Cobián con Genaro Veiga de février 1928. Le gato est aussi une danse traditionnelle, semblable à la chacarera. On trouve donc beaucoup de musiques de Gato sous ce titre.
Gato 1928-02 – Carlos Cobián y su Orquesta Argentina con Genaro Veiga.
Et terminons avec notre tango du jour :
Gato 1937-02-12 (Tango) – Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos. C’est notre tango du jour.¡Gato! Del sombrero a los zapatos
¡Gato! Se denuncia tu ambición
Bésame otra vez
Siento que después
No nos veremos más.
Le tango du jour est une valse, nostalgique, mais entraînante dans cette version réalisée par Lucio Demare et Raúl Berón. Elle a été enregistrée il y a 81 ans, le 11 février 1943. Lucio Demare était pianiste et compositeur. On lui doit beaucoup de titres qu’il a lui-même interprétés, comme cette valse, mais aussi d’autres tangos à succès, comme Telón, Malena, Mañana zarpa un barco, Solamente ella et autres titres nostalgiques.
Extrait musical
No nos veremos más 1943-02-11 – Lucio Demare con Raúl Berón
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Saber partir Con la sonrisa florecida. Y ver morir El sueño de toda la vida. Ahogar la voz Morder la angustia que nos hiere. Después, adiós Y el alma de un rosal que muere.
Bésame otra vez Siento que después No nos veremos más. Se irá la cerrazón Pero la ilusión No vendrá jamás. Sombra entre los dos Que un dolor atroz No torna claridad. Amor que se abre en cruz Al puñal de luz De todas las estrellas.
Hoy por distinta huella Nos echa la vida, Amor que nunca olvida No sabe llorar. Bésame otra vez Siento que después No nos veremos más. Se irá la cerrazón Pero la ilusión No vendrá jamás.
Lucio Demare Letra: Julio Plácido Navarrine
Traduction
Savoir partir avec un sourire fleuri et voir mourir le rêve de toute une vie. Étouffer la voix, mordre l’angoisse qui nous blesse. Puis, au revoir et l’âme d’un rosier se meure. Embrasse-moi à nouveau, je sens que nous ne nous reverrons plus. Les ténèbres disparaîtront, mais l’illusion ne viendra jamais. Une ombre entre les deux qu’une douleur atroce ne transformera pas en clarté. L’amour qui s’ouvre en croix au poignard de lumière de toutes les étoiles. Aujourd’hui, la vie s’échappe par une empreinte différente, l’amour qui n’oublie jamais, ne sait pas pleurer. Embrasse-moi à nouveau, je sens que nous ne nous reverrons plus. Les ténèbres disparaîtront, mais l’illusion ne viendra jamais.
Autres enregistrements
Il existe une autre version, par Francisco Canaro et Roberto Maida (1935-12-03), dans un rythme beaucoup plus lent et majestueux, très différent de cette interprétation par Demare et Berón. Signalons aussi l’enregistrement (1952-06-18) par Lucio Demare, au piano, solo de cette valse, dans le rythme lent de Canaro. Il enchaîne sur Mañanitas de Montmartre, une autre de ses compositions, dans cet enregistrement de 1952. Comme Lucio Demare est le compositeur, il est possible qu’il l’ait conçue dans le rythme lent de 1935 et 1952 et que cette version de 1943 soit une adaptation au goût de l’époque, l’âge d’or du tango de danse.
No nos veremos más 1935-12-02 – Francisco Canaro et Roberto Maida.
C’est la première version. Cette version est empreinte de sonorité européenne. Ce que la présence de l’accordéon dans la partie B (à 19 s) souligne. Cette même partie B sera reprise par la trompette bouchée à 45 s. À 54 s, Roberto Maida chante la partie A, puis la B, puis de nouveau la A et la B. On remarquera les sonorités très particulières du violon et de la trompette à 1:50, cet assemblage rare et étonnant donne une dimension intéressante à cette interprétation. À 2:16 on remarquera le piano solo qui donne une respiration particulière à ce passage après les sonorités de la trompette associée au violon. Comme pour s’excuser de l’audace précédente. À 2:27 l’orchestre reprend brièvement la main pour proposer une fin de film de cinéma…
Cela n’est sans doute pas si étonnant si on considère que Demare à cette époque, faisait de la musique pour le cinéma en Espagne avec son trio et j’émets l’hypothèse que ce titre faisait partie du film, malheureusement perdu « Boliche » de Francisco Elías (1933). Comme on le sait, Canaro a repris de nombreuses musiques de film, pourquoi pas celle-ci ?
Affiches du film Boliche de Francisco Elias.No nos veremos más 1943-02-11 – Lucio Demare con Raúl Berón. C’est notre valse du jour.No nos veremos más 1946 – Trío Argentino (Irusta, Fugazot, Demare) y su Orquesta Típica Argentina.
Si mon hypothèse est exacte, ce serait une reprise, 13 ans plus tard, de la musique du film Boliche.
No nos veremos más – Mañanitas de Montmartre 1952-06-18 – Lucio Demare (piano).
Demare est un des rares chefs d’orchestre a avoir fait des enregistrements de son seul instrument. Il faut dire que le piano se prête assez bien à cet exercice.
No nos veremos más 2015 – Roulotte Tango con Gaspar Pocai.
Pour terminer avec cette version en valse créée par Lucio Demare, la proposition d’un orchestre français, Roulotte Tango avec la voix de Garpar Pocai.
Sous le même titre, on trouve une chanson de tango de Luis Stazo avec des paroles de Federico Silva qui a eu son petit succès en 1963, notamment par la version de Roberto Goyeneche avec l’accompagnement de Luis Stazo, Armando Cupo y Mario Monteleone. On pourrait citer aussi celle de Maure, de la même année, ou celle de d’Arienzo avec Jorge Valdez. Avec mon célèbre esprit de contradiction, je vous propose d’écouter la version de De Angelis et Godoy…
No nos veremos más 1964-04 – Orquesta Alfredo De Angelis con Juan Carlos Godoy.
Comme les autres interprétations de ce titre, il s’agit d’une version de concert, pas de bal.
Amor que se abre en cruz al puñal de luz de todas las estrellas.
Benjamín García (Benjamín Garcilazo) et Mario Soto Letra : Mario Soto
Mi vida fue una milonga
Manuel Buzón est un musicien un peu tombé dans l’oubli. Il a débuté comme professeur de piano et de solfège et a travaillé à la station de radio LOY Radio Nacional Flores, comme secrétaire de la Direction artistique, pianiste, chanteur et directeur d’orchestre. Il interviendra dans différentes radios durant sa vie, notamment à Radio Paris… Il a très peu enregistré avec son orchestre. Seulement une vingtaine de titres en 1942-1943 et les titres chantés sont tous avec Osvaldo Moreno.
Il a réalisé quelques enregistrements comme pianiste avec différents orchestres ou comme accompagnateur de chanteurs. Pour son activité de compositeur, on pourrait mentionner que son tango « Después hablamos » a gagné le troisième prix en 1933 à un concours organisé par le journal « Critica » et qui a eu lieu au Luna Park, la célèbre salle événementielle de Buenos Aires. Ce tango ne semble pas avoir été enregistré, mais on le connaît par sa partition. Il ne faut en effet pas réduire le tango au seul patrimoine enregistré qui nous est parvenu. Les orchestres jouaient plusieurs fois par semaine, avec des variations et des titres qu’ils n’ont jamais enregistrés. La composition la plus célèbre de Buzon reste sans doute la milonga Mano brava (paroles d’Enrique Cadícamo) qu’il a enregistrée avec Osvaldo Moreno le 11 février 1942, soit un an après Anibal Troilo et Francisco Fiorentino (1941-03-04).
Extrait musical
Mi vida fue una milonga (Así es la vida) 1943-02-10 – Manuel Buzón con Osvaldo Moreno.
Cette milonga est assez originale et pas désagréable à l’écoute. On pourra sans doute regretter pour la danse qu’elle manque de structure et qu’elle est difficile, voire impossible à danser sans connaissance préalable du titre. Comme cette milonga est rare, elle n’est pas connue et donc, elle ne peut pas être bien dansée et par conséquent, on ne peut pas la proposer en milonga et donc la faire connaître. C’est donc probablement un titre qui ne restera dans l’ombre une fois lu cet article…
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Mi vida fue una milonga Que bailé sin dar resuello, Con lengue de seda al cuello Y una flor en el ojal. Humilde como el percal Que usó la piba fabriquera, Me pasé la vida entera, En la calma callejera Que respira mi arrabal. Milonga mía, tus notas Traen del ayer Recuerdos de tantas cosas. Nostalgia de las mujeres Que más amé, Y del calor de su boca. Oigo tu compás y en el corazón Reviven mis años mozos, Cuando marcaba en el piso De algún salón, La flor de un corte compadrón.
Benjamín García (Benjamín Garcilazo) et Mario Soto Letra : Mario Soto
Traduction
Ma vie fut une milonga que je dansais sans reprendre un souffle, avec un foulard de soie autour du cou et une fleur à la boutonnière. Humble comme le calicot (percal) utilisé par la fille d’usine, j’ai passé ma vie entière, dans le calme de rue que respire mon faubourg. Ma milonga, tes notes m’apportent de l’autrefois tant de choses. Nostalgie des femmes que j’aimais le plus, et de la chaleur de leurs bouches. J’entends ton rythme et dans mon cœur revivent mes jeunes années, quand je marquais sur le plancher d’un salon, la fleur d’un corte compadrón (pas de tango).
Autres enregistrements
Pas d’autres versions. C’est dommage, car celle de Buzón est loin d’être géniale… Sous le même titre secondaire (Así es la vida), on trouve cependant deux compositions. Une de Edgardo Donato qui fut enregistrée le 30 avril1929 par Francisco Canaro et une autre de Menvielle enregistrée par Cayetano Puglisi le 26 septembre de la même année. Ces deux compositions ne comportent pas de paroles. On ne peut donc faire des comparaisons que sur la musique, elle-même.
Así es la vida 1929-04-30 – Orquesta Francisco Canaro (Edgardo Donato).
Le rythme appuyé et marqué est assez rapide. Peut-être un peu trop pour les amateurs de canyengue. On notera l’utilisation de la guitare hawaïenne (1:03) qui rappelle peut-être à Canaro qu’il fabriqua son premier violon avec des boites de conserve. Canaro fut toujours amateur de sonorités nouvelles et il employa une multitude d’instruments qui ne sont jamais apparus dans les autres orchestres. On pense bien sûr aux instruments à vent en cuivre, mais aussi aux percussions, percussions que l’on retrouve dans le descendant lointain du tango de Canaro, le tango musette français. S’il existe des centaines de titres que l’on passera en priorité, celui-ci pourra tout de même franchir la barre de la sélection d’un DJ exigeant et être diffusé dans une milonga si les circonstances s’y prêtent. La semaine dernière à Buenos Aires, l’organisateur de la milonga m’a demandé de commencer par une tanda de canyengue en liaison avec le cours donné auparavant. J’ai mis la Typica Victor, mais un Canaro aurait pu faire l’affaire, avec ce titre en fin de tanda, pour retrouver un rythme plus rapide pour « chauffer » les danseurs qui ne sont pas fanatiques de canyengue.
Así es la vida 1929-09-26 – Orquesta Cayetano Puglisi (N.C. Menvielle).
Ce titre au pas lourd du canyengue et un peu larmoyant laisse à penser que cette vie a connu quelques peines. Ce n’est pas vilain, loin de là et cela devrait pouvoir être proposé aux amateurs du genre.
Mi vida fue una milonga (Así es la vida) 1943-02-10 – Orquesta Manuel Buzón con Osvaldo Moreno. C’est notre tango du jour.
Illustrations de l’édition de 2024
Mi vida fue una milonga, elle était en fin d’article en 2024.Mi vida fue una milonga (couverture de l’édition de 2024)
Sebastián Piana Letra : Homero Manzi (Homero Nicolás Manzione Prestera)
Otros se quejan llorando,
yo canto por no llorar.
Tu amor se secó de golpe,
nunca dijiste por qué.
Yo me consuelo pensando
que fue traición de mujer.
À noter que malgré son titre de « milonga » et que beaucoup de DJ propose ce titre comme une milonga, il s’agit plutôt d’un rythme de canyengue ou pour le moins d’un rythme bâtard entre le tango et la milonga que des orchestres comme celui de Miguel Villasboas adoreront utiliser plus tard. Canaro le décrivait comme un milongon, une de ses inventions rythmiques qui n’ont pas eu de succès.
Extrait musical
Milonga sentimental 1933-02-09 – Francisco Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Milonga pa’ recordarte, milonga sentimental. Otros se quejan llorando, yo canto por no llorar. Tu amor se secó de golpe, nunca dijiste por qué. Yo me consuelo pensando que fue traición de mujer.
Varón, pa’ quererte mucho, varón, pa’ desearte el bien, varón, pa’ olvidar agravios porque ya te perdoné. Tal vez no lo sepas nunca, tal vez no lo puedas creer, ¡tal vez te provoque risa verme tirao a tus pies!
Es fácil pegar un tajo pa’ cobrar una traición, o jugar en una daga la suerte de una pasión. Pero no es fácil cortarse los tientos de un metejón, cuando están bien amarrados al palo del corazón.
Milonga que hizo tu ausencia. Milonga de evocación. Milonga para que nunca la canten en tu balcón. Pa’ que vuelvas con la noche y te vayas con el sol. Pa’ decirte que sí a veces o pa’ gritarte que no.
Sebastián Piana Letra : Homero Manzi (Homero Nicolás Manzione Prestera)
Traduction
Milonga pour me souvenir de toi, milonga sentimentale. D’aucuns se plaignent en pleurant, moi, je chante pour ne pas pleurer. Ton amour s’est soudainement tari, tu n’as jamais dit pourquoi. Je me console en pensant que ce fut trahison de femme.
Varón (mec, homme, mâle), pour t’aimer beaucoup, Varón, pour te souhaiter le bien, Varón, pour oublier les griefs, parce que je t’ai déjà pardonnée. Peut-être que tu ne le sauras jamais, peut-être que tu ne le pourras pas croire, peut-être que cela te fera rire de me voir jeté à tes pieds !
Il est facile de faire une entaille pour faire payer une trahison, ou de jouer avec un poignard la chance d’une passion. Mais il n’est pas facile de couper les liens d’un amour passionné, lorsqu’ils sont bien attachés au bâton du cœur (tiento, palo peuvent se référer au membre viril et tajo à son pendant féminin).
Milonga qui a fait ton absence. Milonga d’évocation. Milonga pour que nul ne la chante jamais à ton balcon. Pour que tu reviennes avec la nuit et que tu partes avec le soleil. Pour te dire oui parfois ou pour te crier non.
Autres enregistrements
Je ne dresserai pas la liste des enregistrements de Milonga sentimentale, il y a en a des dizaines. Certains, comme la version de Canaro, sont proches du canyengue et d’autres sont de véritables milongas. Voici juste quelques perles :
Milonga sentimental 1932-10-04 – Mercedes Simone con orquesta.
Une belle version assez rapide par Mercedes Simone. Malgré la simplicité de l’accompagnement avec flute bandonéon et guitare, cette version pourrait être proposée en milonga pour « laver les oreilles » des danseurs qui ne se contenteraient pas de la version du jour.
Milonga sentimental 1932-12-12 (Milonga Tangueada) – Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro.
Après la version de Mercedes Simone, Ada Falcón, nous propose une jolie version, plus canyengue, mais un peu molle pour la danse à mon goût, ce qui n’est pas étonnant, car c’est une chanson et pas un enregistrement de danse.
Milonga sentimental 1932-12-30 – Orquesta Adolfo Carabelli con Carlos Lafuente.
Une version bien canyengue, mais qui peut changer de notre version du jour, même si la voix plus acide de Lafuente peut ne pas plaire à tous.
Milonga sentimental 1933-01-23 – Carlos Gardel accompagné à la guitare par Guillermo Barbieri, Domingo Riverol, Domingo Julio Vivas et Horacio Pettorossi.
Pas pour la danse, mais des passages avec la voix de Gardel se retrouvent dans certaines versions de Otros Aires au vingt unième siècle…
Milonga sentimental 1933-01-25 – Alberto Gómez y Augusto « Tito » Vila con acomp. de guitarras.
C’est la première version enregistrée en duo. Même si on est dans le domaine de la chanson, c’est presque dansable et finalement assez agréable à écouter.
Milonga sentimental 1933-02-09 – Francisco Canaro con Ernesto Famá y Ángel Ramos. C’est notre titre du jour.Milonga sentimental 1958-09-18 – Orquesta Fulvio Salamanca con Armando Guerrico y Mario Luna.
On doit reconnaître à Salamanca d’avoir été un des premiers à proposer une version rapide. En plus le duo qui reprend le principe de notre enregistrement du jour par Canaro est plutôt sympathique. Cette version qui peut être attirante à la première écoute, n’est cependant pas totalement satisfaisante pour la danse.
Milonga sentimental 1987C – Miguel Villasboas y su Orquesta Típica.
Le style sautillant et allègre de Villasboas est très typique de certains orchestres uruguayens. Ce n’est sans doute pas la meilleure version, mais ce n’est pas désagréable à écouter, voire à danser.
Les orchestres contemporains jouent systématiquement ce titre et nous avons donc une pléthore d’enregistrements qui hésitent entre les versions en chanson, les versions en canyengue et celles en milonga. Je vous propose juste pour le vingt-unième siècle une version très différente…
Milonga sentimental 2005 – Otros Aires Con Carlos Gardel.
J’indique Carlos Gardel, mais bien sûr, c’est juste sa voix qui est citée dans cet enregistrement de Otros Aires, un orchestre qui a eu son heure de gloire en apportant un style étonnant, mais qui n’a pas sût se renouveler.
Voilà, À bientôt, les amis !
Yo canto por no llorar / Je chante pour ne pas pleurer.
Les serpentins de l’espérance raconte les espoirs d’un homme qui a des sentiments pour une femme lors d’un carnaval (février, c’est justement l’époque du carnaval). Il espère qu’une fois l’ivresse du carnaval disparu, le lien avec sa compagne ne s’évanouira pas. D’Agostino et Vargas, tous les deux prénommés Ángel (ange), ont formé un couple artistique au point qu’ils ont été surnommés les petits anges (Angelitos). En 5 ans, ils ont enregistré 93 tangos comme celui-ci (Tres esquinas, A las siete en el café, Ave de paso, Madreselva, Yo soy de Parque Patricios…). Auparavant, D’Agostino a enregistré avec Raúl Aldao et par la suite avec un autre Raúl, Raúl Lavié, Tino García, Ricardo Ruiz, Roberto Alvar et Rubén Cané. Mais la production idéale de d’Agostino est bien dans les années 40 et avec Vargas. On notera toutefois un « OVNI », Cafe Dominguez (avec glosas de Julián Centeya), mais qui date de 1955 et qu’il est difficile d’apparier tant la production de d’Agostina est différente et moins intéressante à cette époque. Ce qui fait que beaucoup de DJ mettent après Café Dominguez des titres de la décennie précédente avec Vargas.
Extrait musical
Serpentinas de esperanza 1946-02-08 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas
L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.
Paroles
Con su luz y piedras falsas, pasa, bella y sugestiva, la ilusión, enredando serpentinas de esperanza.
Esta noche bajo el arco de la vida, va paseando su locura el carnaval, suena el mundo la corneta de su risa y se ha puesto una careta de bondad. Ataviada con su luz y piedras falsas, pasa, bella y sugestiva, la ilusión, enredando serpentinas de esperanza en la tierna mandolina de un pierrot.
Esta noche estás linda como nunca, mi romántica princesa de papel y en el brillo de tus ojos va la luna, cuando pasas en tu raro carrusel. Yo tenía el corazón un poco enfermo pero ahora me ha vuelto a sonreír y bailamos embriagados de contento, bajo un traje alquilado de Arlequín.
Ya se va la caravana bullanguera y me apena, saber que tú te vas y si llevas la flor de mi Quimera, yo me quedo con la rosa que me das. Con mis versos tiraré papel picado, porque se haga menos triste nuestro adiós, porque aún el carnaval no ha terminado y prosigue en las almas de los dos.
José Canet Letra: Afner Gatti
Traduction
Ce soir, sous l’arc de la vie, le carnaval promène sa folie, le monde sonne le clairon de ses rires et s’est affublé d’un masque de bonté. Vêtu de sa lumière et de fausses pierres, l’illusion passe, belle et suggestive, enchevêtrant des serpentins d’espoir sur la tendre mandoline d’un pierrot.
Ce soir, tu es belle comme jamais, ma romantique princesse de papier et, dans l’éclat de tes yeux va la lune, quand tu passes dans ton étrange carrousel. J’avais le cœur un peu malade, mais maintenant, je souris à nouveau et nous dansons, ivres de joie, sous un costume d’Arlequin loué.
La caravane tumultueuse s’en va et cela m’attriste de savoir que tu pars et si tu emportes la fleur de ma Chimère, je reste avec la rose que tu m’as donnée. Avec mes vers, je lancerai des confettis, pour que nos adieux soient moins tristes, car le carnaval n’est pas encore terminé et continue dans nos deux âmes.
Autres versions
Ce titre a également été enregistré 11 ans plus tôt par Miguel Caló avec la voix de Carlos Dante.
Serpentinas de esperanza 1935-04-05 – Orquesta Miguel Caló con Carlos Dante
Cet article a été mis à jour le 8 février 2025 (ajout de la traduction des paroles et de la version de Caló et Dante).
Ce soir sous l’arche de la vie, le carnaval vit sa folie, le monde sonne le clairon de son rire et a mis un masque de gentillesse. Habillé de ses pierres légères et fausses, l’illusion passe, belle et suggestive, des serpentins d’espoir enchevêtrés sur la tendre mandoline d’un Pierrot.
La vida es un tango est un film argentin en noir et blanc de Manuel Romero. La musique est d’Alberto Soifer (compositeur de nombreux titres de la vieja guardia comme la merveilleuse valse Estrellita mía enregistrée, entre autre par Donato).
Il est sorti le 8 février 1939.
Les rôles sont tenus par Florencio Parravicini, Tito Lusiardo, Hugo del Carril et Sabina Olmos.
Ce film est sans doute un chef d’œuvre pour tous ceux qui s’intéresse à l’histoire du tango. Il faut bien sûr réviser quelques éléments qui ne sont pas parfaitement compatibles avec la vérité, mais à l’aide des voix merveilleuses de Hugo Del Carril et de Sabina Olmos, ce film vous fera voyager, rêver et je suis sûr, vous enchantera. L’intrigue est assez simple. Un jeune homme (Raul Contreras, joué par Hugo Del Carril), fils d’un chef d’orchestre pianiste (Contreras père, joué par Florencio Parravicini). Un soir, Raul se rend dans le cabaret où son père joue du piano avec son orchestre. Il joue de façon automatique, un bock de bière pour chaque titre, ce qui donne lieu à un gag répétitif. À chaque morceau joué, il boit entièrement son boc (j’espère que c’est un verre truqué) et à peine l’a-t-il reposé que la serveuse l’échange contre un bock plein. Raul conte à son père qui travaillait de façon dissimulée à son fils dans ce cabaret, qu’il souhaite devenir chanteur de tango, annonçant que cette musique sera un phénomène mondial. Cela pourrait être une prémonition géniale puisque la scène est sensée se passer au tout début du vingtième siècle, mais il faut tempérer, car le film date de 1939… Lors de cette soirée, il fait connaissance de Elisa Quintana, jouée par Sabina Olmos et de son père, joué par Tito Lusiardo. Il se retrouve à chanter avec Elisa sur scène pour sa première prestation publique. C’est un succès. Les parents décident de lancer le couple d’artiste et imaginent d’aller à Paris, pensant qu’à la fin de la première guerre mondiale, la France aurait envie de se divertir. C’est bien sûr un immense succès, mais Raul fait connaissance d’une riche héritière. Le père Contreras voit d’un bon œil que son fils l’épouse. Cela blesse Elisa qui est amoureuse de Raul et finalement, Elisa et son père retournent à Buenos Aires où elle a un grand succès. Elle finit par se marier à un riche héritier et arrête sa carrière musicale. Raul qui n’avait pas pu l’oublier décide de rentrer en Argentine dans l’espoir de la reconquérir, sans savoir qu’elle vient de se marier. Il assiste au dernier concert d’Elisa qui, jeune mariée d’une grande famille, ne peut plus se compromettre sur les planches. Pour noyer sa tristesse, Raul part à New-York, accompagné par son père et dégringole, sous les coups des whiskies qu’il ingurgite trop facilement. Au bout du rouleau, ayant perdu sa voix après une pneumonie, il accepte de rentrer à Buenos Aires. Je vous laisse découvrir la suite dans le film.
Les chansons du film musical
Ce film est également un prétexte pour passer des chansons interprétées de façon fabuleuse par Hugo Del Carril et Sabina Olmos. Parmi les titres interprétés sous la direction de Alberto Soifer : • Viens Poupoule de Félix Mayol (montrant que la musique de France était présente à Buenos Aires au tout début du vingtième siècle). • La morocha • El porteñito • La payanca • Gabino el mayoral • Belgica (en l’honneur de la Belgique qui venait d’être envahie par l’Allemagne) • Mi noche triste • El taita del arrabal • Patoterro sentimental (une sublime version)
Submergé d’émotion Raul (Hugo Del Carril) chante Patotero sentimental quand il comprend qu’il va perdre elisa.
• Milonguita • La copa del olvido • Nubes de humo • Mano a mano (une interprétation extraordinaire)
Superbe interprétation de Hugo Del Carril qui décide de changer pour chanter Mano a Mano quand il voit Elisa avec son mari. Ce dernier ne comprend pas complètement que Raul (Hugo Del Carril) chante pour elle, ce qui explique l’extraordinaire émotion que provoque cette interprétation.
• Yira-yira • bandoneón arrabalero • Aquel tapado de armiñó. Les chansons sont choisies en fonction de l’intrigue et servent aux deux protagonistes principaux pour exprimer leurs sentiments. En cela, le film est d’une grande justesse et je le considère comme un véritable chef-d’œuvre. J’espère que vous partagerez mon enthousiasme.
What are the dates of the golden age of dance tango?
Pour un DJ, l’âge d’or, c’est principalement l’époque ou le tango de danse était à la mode. Mais pour qu’un âge d’or arrive, il faut différents éléments précurseurs et pour qu’il se termine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phénomène.
For a DJ, the golden age is mainly the time when dance tango was in fashion. But for a golden age to come, there must be different precursors, and for it to end, the momentum must be exhausted. We will see how this phenomenon evolves.
L’âge d’or du tango
Le prototango, le tango d’avant le tango
Dans l’article sur les styles du tango, vous trouverez des traces de l’histoire musicale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’âge d’or se manifeste, il faut également que la pratique de cette culture sorte des cercles restreints où elle est née. L’Europe et particulièrement la France ont joué un rôle certain dans cette naissance. L’exposition universelle de 1900 a été l’occasion pour de nombreux Argentins argentés, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir. Un certain nombre d’entre eux qui avaient goûté aux charmes du tango à la fin du 19e siècle l’ont encouragé à Paris. Un des exemples les plus connus est celui de Benino Macias, auquel on attribue le lancement de la furie du tango à Paris. Que ce soit cette histoire ou d’autres, il est certain que dès 1911, le tango était entré dans les mœurs à Paris. On pouvait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attiré les orchestres argentins, même s’ils devaient se produire déguisés en gauchos, car les orchestres étrangers n’étaient autorisés qu’à la condition d’être «folkloriques». Le costume était réservé aux orchestres européens.
Prototango, the tango before the tango
In the article on tango styles, you will find traces of musical history, but music is only one aspect. In order for the golden age to manifest itself, the practice of this culture must also come out of the restricted circles in which it was born.
Europe and particularly France played a certain role in this birth. The Universal Exhibition of 1900 was an opportunity for many silver-loving Argentinians to make Paris their place of stay, or of pleasure. A number of them who had tasted the charms of tango at the end of the 19th century encouraged him in Paris. One of the best-known examples is that of Benino Macias, who is credited with launching the Tango Fury in Paris. Whether it is this story or others, it is certain that by 1911, tango had become part of the customs in Paris. It could be danced every day in several venues, which attracted Argentine orchestras, even if they had to perform disguised as gauchos, as foreign orchestras were only allowed on the condition that they were « folkloric ». The costume was reserved for European bands.
Pourquoi Pas, revue wallonne de Louis Dumont-Wilden, George Garnir et Léon Souguenet (les « trois moustiquaires ») du 4 octobre 1929.
La naissance du tango
Le chansonnier Fursv affirme, dans ses mémoires, avoir assisté, vers 1900, à la naissance du tango, l’Abbaye Albert », à Montmartre. — Parmi les Argentins qui venaient là, conte-t-i1, il y avait un certain Benino Macias, formidablement riche, très nostalgique. » Un soir, ayant payé l’orchestre pour le seconder dans son projet, il se mit à danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traîné, coupé de repos rythmés, et accompagné par une mélodie en mineur, d’une infinie mélancolie. ~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stupeur. » Mais on applaudit Benino Macias, qui dansait avec une certaine Loulou Christy, fort jolie. » Huit jours après, il y avait vingt couples qui faisaient comme eux.» C’est ainsi que le tango a fait sa toute première apparition à Paris. »
Pourquoi Pas, revue wallonne de Louis Dumont-Wilden, George Garnir et Léon Souguenet (les « trois moustiquaires ») du 4 octobre 1929.
The birth of tango
In his memoirs, the chansonnier Fursv claims to have witnessed, around 1900, the birth of the tango, the « Abbaye Albert » in Montmartre. « Among the Argentinians who came there, » he said, « was a certain Benino Macias, tremendously rich, very nostalgic. One evening, having paid the orchestra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, interrupted by rhythmic rests, and accompanied by a melody in minor, of infinite melancholy. ~ It was, at the time, astonishment, or rather, amazement. But we applaud Benino Macias, who danced with a certain Loulou Christy, who was very pretty. Eight days later, there were twenty couples doing the same.This is how tango made its very first appearance in Paris. »
Pourquoi Pas, Walloon magazine by Louis Dumont-Wilden, George Garnir and Léon Souguenet (the « three mosquito nets ») of 4 October 1929.
Lorsque ces orchestres sont retournés en Argentine, auréolés de leurs succès européens, cela a aidé à sortir le tango de ses lieux mal famés en Argentine. Dans l’article « Une enquête sur le tango », vous trouverez des éléments intéressants si vous vous intéressez à la question des débuts du tango en France. Vous pouvez aussi consulter le site milongaophelia, riche en documents iconographiques. Donc, pour la France, l’âge d’or se situe dans les années 1910-1935. Cependant, ce tango s’y est figé dans le temps et s’est abâtardi pour devenir le tango musette qui est une lointaine réminiscence du tango de style canyengue. Il convient donc de retraverser l’Atlantique pour découvrir le véritable âge d’or.
When these orchestras returned to Argentina, basking in the glory of their European successes, it helped to bring tango out of its disreputable places in Argentina. In the article « A survey on tango », you will find interesting elements if you are interested in the question of the beginnings of tango in France. You can also consult the milongaophelia website, rich in iconographic documents. So, for France, the golden age is in the years 1910-1935. However, this tango has been frozen in time and has bastardized to become the tango musette which is a distant reminiscence of the tango of the Canyengue style. It is therefore appropriate to cross the Atlantic again to discover the true golden age.
Les premiers orchestres dorés
Pas de musique sans orchestre. Le phénomène tango se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rioplatense. De nombreux orchestres se créent, se renforcent et pour accompagner cette vague, les enregistrements se multiplient. Malheureusement, les techniques rudimentaires de l’époque obligent à jouer d’une façon martiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en résulte a du mal à sortir du bruit du disque pour donner de l’émotion. On peut considérer que ces premiers enregistrements ne rendent pas justice à ce que jouaient réellement les orchestres devant le public. On se reportera à l’article sur les progrès de l’enregistrement pour en savoir plus. Ce n’est qu’en 1926 que la qualité des enregistrements rend enfin justice aux prestations des orchestres. Ce biais fait que l’on peut négliger le phénomène tango antérieur et que par conséquent, on peut « louper » la détection d’un âge d’or, faute d’enregistrements de qualité. Cependant, lorsque la qualité devient satisfaisante, la musique est pour sa part assez différente de celle qui sera déployée dans les décennies suivantes. Des orchestres anciens, comme ceux de Carabelli, Fresedo, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivée d’une nouvelle vague va révolutionner la musique. Les orchestres deviennent plus virtuoses à force de pratiquer tous les jours et de se concurrencer dans une vive émulation.
The First Golden Orchestras
There is no music without an orchestra. The tango phenomenon is therefore developing in Buenos Aires and its Rioplatensian twin. Many orchestras were created, strengthened, and to accompany this wave, recordings multiplied. Unfortunately, the rudimentary techniques of the time forced you to play in a martial way, to shout more than to sing and the resulting music had difficulty getting out of the noise of the record to give emotion. It can be argued that these early recordings do not do justice to what the orchestras actually played in front of the audience. Refer to the article on the progress of registration for more information. It was not until 1926 that the quality of the recordings finally did justice to the orchestras’ performances. This bias means that the previous tango phenomenon can be neglected and that consequently, the detection of a golden age can be « missed » due to a lack of quality recordings. However, when the quality becomes satisfactory, the music is quite different from the one that will be deployed in the following decades. Old orchestras, such as those of Carabelli, Fresedo, Canaro did very beautiful things, but the arrival of a new wave revolutionized music. Orchestras become more virtuoso by dint of practicing every day and competing with each other in lively emulation.
El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944.
Les quatre piliers
Le premier orchestre à décoller est sans conteste celui de Juan D’Arienzo, grâce à l’apport providentiel de Rodolfo Biagi (arrangeur et pianiste) à partir de décembre 1935. Le départ rapide de Biagi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nouveau style de l’orchestre de D’Arienzo qui évoluera dans cette direction jusqu’à la mort de son directeur en 1976.
The Four Pillars
The first orchestra to take off was undoubtedly that of Juan D’Arienzo, thanks to the providential contribution of Rodolfo Biagi (arranger and pianist) from December 1935. Biagi’s rapid departure from the orchestra in 1938 did not break the new style of D’Arienzo’s orchestra, which would evolve in this direction until the death of its conductor in 1976.
Juan d’Arienzo – Gran Hotel Victoria (Hotel Victoria) 1935-07-02, avant Biagi.Juan d’Arienzo – El flete 1936-04-03, après Biagi. On entend les ding ding du piano de Biagi.
Peu après, Carlos Di Sarli qui était à la tête d’un sexteto jusqu’au début des années 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimension dans les décades des années 40 et 50.
Shortly afterwards, Carlos Di Sarli, who was at the head of a sextet until the early 1930s, launched himself with an orchestra that took on its dimension in the 1940s and 1950s.
Carlos Di Sarli (Sexteto) – T.B.C. 1928-11-26Carlos Di Sarli – El amanecer 1942-06-23Carlos Di Sarli – El amanecer 1951-09-26 – La version de 1954-08-31 aurait également pu être prise comme example.
Troilo arrive au début des années 40, suivi de près par Pugliese.
L’âge d’or peut être défini comme la période d’activité maximale de ces quatre orchestres. Celle où l’on pouvait danser chaque semaine avec des orchestres époustouflants.
Troilo arrived in the early 1940s, closely followed by Pugliese.
The Golden Age can be defined as the period of maximum activity of these four orchestras. The one where you could dance every week with breathtaking orchestras.
La fin de l’âge d’or
The End of the Golden Age
Le rock et d’autres musiques vont changer les habitudes des danseurs et amorcer le déclin du tango.
Les années 40 voient les quatre piliers dans leur période de gloire. Dans les années 50, ils continuent leur évolution, mais en parallèle, l’arrivée de nouveaux goûts chez les danseurs, notamment le rock, fait que la pratique commence à baisser est que les orchestres se tournent vers des formes plus concertantes. Troilo et Pugliese produisent dans leurs dernières années des titres novateurs et nostalgiques, à la recherche d’un second souffle, plus orienté vers le concert que la danse. Carlos Di Sarli, peut-être plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus romantique a continué dans son style jusqu’à la fin des années 50, sans sacrifier à la danse. Quant à d’Arienzo, son style énergique en a fait une bête de scène qui lui permettait d’animer des concerts euphorisants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musiciens (sous la direction de Carlos Lazzari, bandonéiste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nombreux orchestres contemporains perpétuent ce style festif et énergique jusqu’à nos jours qui continuent d’enchanter les danseurs, comme les auditeurs. Cependant, il est certain que le rock et d’autres modes ayant éloigné les danseurs du tango, il est difficile de faire continuer l’âge d’or après les années 50.
The 1940s saw the four pillars in their heyday. In the 1950s, they continued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, especially rock, meant that the practice began to decline and that orchestras turned to more concertante forms. In their last years, Troilo and Pugliese produced innovative and nostalgic tracks that were more oriented towards concert than dance in search of a second wind. Carlos Di Sarli, perhaps more in tune with the times who demanded more romantic music, continued in his style until the end of the 50s, without sacrificing dance. As for d’Arienzo, his energetic style made him a beast of the stage, allowing him to host euphoric concerts until his death in 1976. Its musicians (under the direction of Carlos Lazzari, D’Arienzo’s bandoneist and arranger) and many contemporary orchestras perpetuate this festive and energetic style to this day, which continues to enchant dancers and listeners alike. However, rock and other fashions have certainly kept dancers away from tango, making it difficult to continue the golden age after the 1950s.
Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse
The launch of the LP, or the second death of dance tango
Le disque LP et la stéréophonie ont changé la musique de tango.
Un autre phénomène se développe dans les années 50, le microsillon et en 1958, le son stéréo. Cette invention avec l’augmentation de la qualité de la musique, la plus grande durée de musique par disque (environ 8 fois plus par disque), fait que l’on peut posséder beaucoup plus de musique sans que cela devienne trop envahissant, d’autant plus que les disques microsillons sont plus légers et fins que les anciens 78 tours en shellac. Le son stéréo a rapidement formé les oreilles des auditeurs, reléguant les anciens enregistrements au rayon des antiquités. Pour essayer de contrer ce mouvement et « moderniser » leur fond ancien, les éditeurs de musique ont réédité les tangos des années 30 et 40 en vinyle (microsillon) en rajoutant de la réverbération. Cela donne une impression d’espace et permet de faire du « stéréo like » à peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont très mal vus, car la réverbération nuit au message sonore.
Another phenomenon developed in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This invention with the increase in the quality of music, and the longer duration of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music without it becoming too intrusive, especially since LP records are lighter and thinner than the old shellac 78s. The stereo sound quickly trained listeners’ ears, relegating old recordings to the antique shelf. To try to counter this movement and « modernize » their old background, music publishers have reissued tangos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impression of space and allows you to « stereo like » at little cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound message.
La valse de Juan D’Arienzo – No llores madre de 1936-07-03 a été diffusée dans un premier temps sur disque shellac. Lors de la réédition en microsillon (LP), pour lui donner un air de « stéréo », les ingénieurs du son ont rajouté de la réverbération, ce qui a pollué la musique originale.
Ces deux données expliquent aussi le déclin des orchestres de bal. En effet, il devenait possible de jouer de la musique de tango pendant une demi-heure, sans aucune manipulation et sans avoir à payer un orchestre.
These two factors also explain the decline of ballroom bands. Indeed, it became possible to play tango music for half an hour, without any manipulation and without having to pay for an orchestra.
Le petit âge d’or, le moyen âge d’or et le grand âge d’or
The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age
L’âge d’or du tango. Illustration libre, ne pas y chercher une vérité historique… / The golden age of tango. Free illustration, do not look for historical truth…
Une définition très stricte de l’âge d’or est parfois donnée et qui est bornée par la période où les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivée sur le marché du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivée du microsillon, aux alentours de 1955. Comme on aime bien arrondir, on définit cette période comme courant de 1940 à 1955. Cependant, cela enlève les merveilleux enregistrements de D’Arienzo de la seconde moitié des années 30. Il est donc plus courant de définir un « moyen âge d’or » de 1935 à 1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nostalgie et la familiarité avec le tango musette et italien, font que la vieille garde est également appréciée. Cela permet d’inclure des orchestres qui ont beaucoup de succès dans les « encuentros milongueros », comme Canaro, Donato, Carabelli ou Fresedo. Toujours pour favoriser les comptes justes, on étend parfois l’âge d’or de 1930 à 1955.
A very strict definition of the golden age is sometimes given which is limited by the period when the 4 pillars were playing, i.e. from 1943 (arrival on the market of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955. Since we like to round up, we define this period as current from 1940 to 1955. However, this takes away from the wonderful D’Arienzo recordings from the second half of the 1930s. It is therefore more common to define a « golden middle » from 1935 to 1955. The accounts are round, just twenty years. In Europe, nostalgia and familiarity with musette and Italian tango mean that the old guard is also appreciated. This makes it possible to include orchestras that are very successful in the « encuentros milongueros », such as Canaro, Donato, Carabelli, or Fresedo. Also in order to promote fair accounts, the golden age is sometimes extended from 1930 to 1955.
Le support de l’âge d’or
The support of the Golden Age
Un disque 78 tours en shellac. Ici, une valse de D’Arienzo, En tu corazón. / A 78 rpm shellac record. Here, a waltz from D’Arienzo, En tu corazón.
C’est le répertoire qu’utilisent les DJ les plus « traditionnels ». Signalons que dans ce mouvement « traditionnel » certains DJ revendiquent la diffusion en milonga à partir de disques vinyle, un support anachronique. Mais les modes ont-elles à se justifier ? Quelques DJ utilisent des disques shellac par souci de vérité historique. Mais là, c’est jouer avec le patrimoine et cette pratique me semble non recommandable, car nuisible avec notre héritage, sans aucune valeur ajoutée en termes de musique. Les véritables collectionneurs respectent ces trésors et ne les exposent pas à la ruine.
This is the repertoire used by the most « traditional » DJs. It should be noted that in this « traditional » movement, some DJs claim to broadcast in milonga from vinyl records, an anachronistic medium. But do fashions have to be justified? Some DJs use shellac records for the sake of historical truth. But in this case, it’s playing with heritage and this practice seems to me to be recommendable, because it is harmful to our heritage, without any added value in terms of music. True collectors respect these treasures and do not expose them to ruin.
Vers un nouvel âge d’or ?
Towards a new golden age?
Vers un nouvel âge d’or du tango ? / Towards a new golden age?
Le tango est né et est ressuscité à différentes reprises, sous des aspects légèrement différents à chaque fois. Peut-être sommes-nous à l’aube d’un nouvel âge d’or du tango de danse ? Les avions n’ont jamais transporté autant de tangueros à Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque importance sans une communauté tanguera. Cette communauté est internationale. Il est possible de danser avec des partenaires venus du monde entier et de s’entendre dès la première tanda commune. C’est un des miracles du tango. Cependant, ce patrimoine est fragile, comme les disques shellac. Il convient de le préserver et de ne pas le dénaturer en s’éloignant de ce qui fait la particularité de la danse.
Tango was born and resurrected on different occasions, in slightly different aspects each time. Maybe we are at the dawn of a new golden age of dance tango? Planes have never carried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any importance without a tanguera community. This community is international. It is possible to dance with partners from all over the world and to hear each other from the first tanda together. This is one of the miracles of tango. However, this heritage is fragile, like shellac records. It should be preserved and not distorted by distancing oneself from what makes dance so special.
Épilogue
Epilogue
Difficile d’imaginer ce que sera le tango dans un siècle. Espérons qu’il sera dans un nouvel âge d’or. / It’s hard to imagine what tango will be like in a century. Hopefully it will be in a new golden age.
Un DJ actuel a le choix de quasiment un siècle de musique pour animer ses milongas. Il convient cependant qu’il ne sépare pas les danseurs de ce qui est le plus précieux, le tango de l’âge d’or. Il devra donc veiller à toujours donner à écouter et danser cette référence, les grands tangos de bals des années 35-55, ou 30-55, ou 40-55. Charge aux danseurs et à leurs professeurs, de comprendre ce qui fait du tango une danse si particulière et pourquoi il est important de la relier à une musique parfaite pour lui. Pour terminer, je souhaite rappeler que le tango de danse n’est qu’une partie de la culture tango et que je n’ai parlé d’âge d’or que pour le DJ. Des amateurs de tango à écouter pourraient placer leur âge d’or dans les années Piazzolla. En effet, celui-ci crée son octeto en 1955 et ses propositions musicales débuteront le clivage entre tradition et modernité. On pourrait donc parler d’un âge d’or du tango d’écoute de 1955 à 1990…
A today DJ has the choice of almost a century of music to liven up his milongas. However, he should not separate the dancers from what is most precious, the tango of the golden age. He will therefore have to make sure that he always gives to listen to and dance to this reference, the great balls of the years 35-55, or 30-55, or 40-55. It is up to the dancers and their teachers to understand what makes tango such a special dance and why it is important to connect it to music that is perfect for them. To conclude, I would like to remind you that dance tango is only one part of the tango culture and that I have only spoken of a golden age for the DJ. Tango lovers to listen to could place their golden age in the Piazzolla years. Indeed, he created his octeto in 1955 and his musical proposals began the divide between tradition and modernity. We could therefore speak of a golden age of listening tango from 1955 to 1990…
Tete Rusconi avait l’habitude de déposer des lettres ouvertes sur les tables des milongas pour exposer sa vision du tango. J’avais traduit deux de ces textes que je reproduits ici : – Une lettre ouverte de Tete aux danseurs et aux professeurs en 2006. – « Les Dits de Tete » à l’occasion de sa mort en 2010.
Apprenons à danser le tango — Aprendamos a bailar el tango
Lettre de Tete distribuée en 2006 à Buenos Aires. Merci à Régine C qui l’avait rapportée de Baires !
Apprenons à danser le tango Aujourd’hui, 9 janvier 2006, avec toute l’affection et le respect que j’ai pour vous, j’aimerais vous demander quelque chose. Ce n’est pas un reproche, pour qui que ce soit. Ce que j’aimerais, c’est que les jeunes et tous ceux qui dansent le tango comprennent mon point de vue : Il n’est point besoin de travestir le tango, en aucune manière, car cette musique, si passionnée, nous donne vie, énergie, plaisir et ainsi nous nous sentons meilleurs. Depuis le temps que je vois des danseurs et des professeurs, je pense qu’il ne faut pas qu’il persiste avec autant d’erreurs dans l’enseignement et les démonstrations. Mon sentiment est que la musique est la base principale du Tango. Il faut ensuite apprendre à marcher avec elle, en conservant l’équilibre et le rythme (cadencia / cadence). Je ne peux pas affirmer que la technique n’existe pas quand on danse, mais je crois qu’il serait profitable que l’on enseigne à danser plus librement, pour soi-même… Là est le plaisir. Personne ne nous méjuge en nous regardant danser pour nous. En cela, je dis que beaucoup travestissent le tango en ce qu’il n’est pas réellement. Il est avant tout musicalité et ne se préoccupe pas initialement des pas. Nous ne devons pas commettre l’erreur d’oublier d’enseigner comment marcher sur différents rythmes en harmonie avec chaque orchestre. Trop de personnes qui enseignent le tango devraient d’abord apprendre à le danser pour ensuite pouvoir enseigner en donnant tout de soi. Ainsi, ils ne tromperaient pas leurs élèves, ni ne nuiraient à leur réputation de professeur. Le tango n’est pas un commerce, contrairement à ce qu’en font beaucoup. Le tango fait partie de notre vie, partie de nos ancêtres, pères, mères, frères et amis. Il est notre vie. Nous ne devons pas persister dans l’erreur. Il faut le reconquérir, lui que nous perdons, faute de le respecter. Chers amis, danseuses, danseurs, l’enseignement du tango est un travail supplémentaire dans votre vie. Par respect pour vous-même, vous feriez mieux dans vos démonstrations de danser plus de tango et faire moins d’acrobaties, de ballet et de ces choses qui ne sont pas du tango. Je ne puis croire qu’avec les démonstrations vous entriez en compétition en sachant que chaque couple devrait créer son style. De plus, on ne devrait pas danser sur de la musique qui n’est pas du tango. Ainsi, on ne trompe personne, pas même soi. Voici un conseil pour la communauté tango d’Europe et du reste du Monde : Il me plairait que vous ouvriez les yeux sur la pédagogie de la danse, en particulier les organisateurs de stages et les professeurs. De tout mon cœur, j’aimerais qu’ils sachent que quand ils organisent quelque chose, ils se doivent d’inviter les meilleurs danseuses et professeurs pour pouvoir enseigner comme il se doit. Sans la musique, le rythme, la posture et l’équilibre, les pas ne servent à rien. Pour cela, il faut des danseurs et professeurs authentiques. Alors, enfin, du fond de mon cœur, avec un soupçon de tristesse, je voudrais que vous y pensiez. Si vous avez quelque chose à me dire, j’aimerais que vous le fassiez, à travers une revue ou ailleurs, où que ce soit. Si vous souhaitez vous plaindre, parlez-moi, je vais au bal, voyez-moi, parlez-moi, interrogez-moi. Je répondrai à tous, n’ayez crainte. Je ne laisserai personne sans réponse, mais s’il vous plait, changez de pratique, mettons en place un système où nous serions tous heureux, où nous pourrions danser le tango, où nous serions heureux en étant beaucoup plus nombreux, sans plus vendre de mensonge à qui que ce soit. Maintenant, j’envoie un baiser et un abrazo à vous tous en espérant que cette année qui commence sera la plus heureuse pour tous. Merci, Tete Traduction libre en 2006 (révisée en 2016) par DJ Bernardo BYC, avec un grand Merci à Françoise S.
Aprendamos a bailar el Tango “Hoy 9 de enero del 2006 quisiera pasar a pedirles algo con el cariño y respeto que siento por todos ustedes. Esto no es un reproche para nadie, yo lo que quiero es que toda la juventud y todo aquel que baila tango entienda mi motivo: No hay que disfrazar al tango bajo ningún punto de vista, porque esta música tan apasionante nos da vida, energía, placer y así nos sentimos mejor. Después de muchos años de ver bailarines y maestros, pienso que no puede haber tantos errores en la enseñanza ni en las exhibiciones. Paso a contarles cuál es mi idea. Siempre supe que la música es la base principal del tango. También es aprender a caminar con ella, teniendo equilibrio y cadencia. No podría decirles que no hay una técnica cuando se baila, pero sí que sería mejor que se enseñara a bailar más libremente, para uno mismo… ahí está la diversión. Nadie nos compromete mirándonos, porque bailamos para nosotros. En esto que digo pienso que muchos están disfrazando al tango de algo que no es verdad, porque el tango es música y no se empieza por los pasos, ni tenemos que cometer el error de no enseñar cómo caminar diferentes compases musicales para reconocer cada orquesta. Mucha gente que está enseñando tendría que aprender primero a bailar tango, para poder enseñar dando todo de sí mismo, para no defraudar a sus alumnos ni dañar su imagen como profesor. El tango no es un negocio, aunque muchos lo vean así. El tango es parte de nuestra vida, parte de nuestros abuelos, padres, madres, hermanos y amigos. Es nuestra vida. No deberíamos equivocarnos tanto y tendríamos que volver a conquistarlo, ya que lo estamos perdiendo por no respetarlo. Queridos amigos, bailarinas y bailarines, como esto que hacen es un trabajo más en la vida de uno, por respeto a ustedes mismos, en sus exhibiciones sería bueno que bailaran más tango y menos acrobacia, ballet o cualquier cosa que no sea tango. No quiero creer que también con las exhibiciones compiten; sabemos que cada pareja debería crear su estilo, y además no se debería bailar música que no es tango. En eso no se mientan a ustedes mismos ni a la gente. Y para la comunidad tanguera de Europa y del resto del mundo les doy un consejo: me gustaría que abrieran los ojos acerca de cómo aprender a bailar, principalmente a los organizadores de stages y a los profesores, de todo corazón, quiero que sepan que, cuando se organiza algo, se trata de llevar los mejores bailarines y maestros, para poder enseñar como es debido. Sin la música, la cadencia, la postura, el equilibrio, de nada sirven los pasos y para eso necesitamos maestros y profesores auténticos. Así que bueno desde el fondo de mi corazón, con un poco de tristeza, me gustaría que ustedes lo piensen y, si hay algo para decirme, me gustaría que lo hicieran ya sea por medio de revista o por donde sea, si quieren quejarse háblenme, yo voy al baile; me ven, me dicen, me preguntan y yo contesto… les voy a contestar a todos, no tengan miedo, que no voy a dejar a nadie sin contestar, pero por favor cambien el sistema, pongan un sistema donde todos seamos alegres, donde podamos bailar el tango, donde seamos felices y donde podamos tener mucha más gente, sin venderle ninguna mentira más, yo desde ya les mando un beso y un abrazo a todos ustedes y espero que este año que ha empezado sea el más feliz para todos. Gracias, Tete.
Dits de Tete — Habla Tete
Dits de Tete Pedro « Tete » Rusconi Je dis la vérité. Ne travestissons pas le tango car sinon nous l’envoyons à sa ruine. Sans vouloir offenser qui que ce soit, j’aime le tango. Je ne critique personne mais ne déguisez pas le tango. Le tango se danse de mille façons, mais avant tout, on prend appui dans le sol, parce que dans le sol se trouve l’énergie et que c’est sur lui que l’on danse la musique. Ne perdons pas le plaisir et l’amour pour la danse s’encrant au sol. Les jeunes d’aujourd’hui dansent dans les airs : vous pouvez faire des choses très jolies, mais faîtes-les au sol, tout comme les grands maîtres. Le compas et la mélodie du tango sont très particuliers, c’est une souffrance de les perdre. Que ce soit sur ou au pied de la scène, toujours le danseur doit vivre la musique. S’il vous plaît réveillez-vous et comprenez ce qu’ils font avec la musique ou il viendra un temps où les Européens vont nous vendre le tango. Je parle du cœur, je suis un mec qui danse. J’ai donné des ateliers pour les enseignants à l’étranger, je pensais qu’ils n’allaient jamais surpasser nos danseurs… Là-bas, il y a des gens qui peuvent danser furieusement bien. Restons sur notre axe et n’allons pas en regardant le sol. Ne dansons pas pour le public, seulement pour nous. Quand on danse sur scène, il faut danser d’abord pour soi pour que ce soit plus lumineux. Ce n’est pas car je m’exhibe que je dois oublier qui je suis ou la musique. Le tango est une affaire à deux. Sans la femme, il n’y a pas de cavalier qui puisse danser. La femme, de son côté, peut mettre en valeur son partenaire quand elle le comprend vraiment. Même si l’enseignement du tango devient un travail, on ne peut pas enseigner un pas sans musique, On n’apprend pas un pas pour un pas. Sans musique, il y a ni danseur, ni tango, ni enseignant, ni élève. Le véritable maestro ne peut transmettre que ce que la musique lui a enseigné. Traduction DJ Bernardo BYC 2010
Habla Tete Pedro « Tete » Rusconi Yo digo la verdad. No disfracemos el tango porque lo vamos a arruinar. Sin querer ofender a nadie, yo amo el tango. No castigo a nadie, pero no disfracemos el tango. El tango tiene mil formas de bailarse, pero primero pisemos el suelo porque en el piso está la energía y es donde bailamos la música. No perdamos el placer y el amor por bailar pisando el suelo. Los chicos de hoy andan por el aire: todos ustedes son capaces de hacer cosas muy lindas, háganlas en el piso, como los grandes Maestros lo hicieron. Los compases y la melodía del tango son muy especiales, es una lástima perderlos. Sea arriba o abajo del escenario siempre que el bailarín baile debe vivir esa música. Por favor despiértense y comprendan qué hacen con la música porque si no va a llegar un momento en que los europeos nos van a vender el tango a nosotros. Yo hablo de corazón, soy un tipo más que baila. Yo he dado talleres para maestros en el extranjero, pensé que no iban a superar a nuestros bailarines…Acá hay gente que puede bailar ferozmente. Parémonos en nuestro eje y no vayamos mirando el piso. No bailemos para el público sino para nosotros. Cuando se baila en el escenario hay que bailar primero para uno porque también luce mucho más. No por mostrarme me olvido de quién soy ni de la música. El tango es de a dos. Sin la mujer no hay bailarín que pueda bailar. La mujer también luce al bailarín cuando lo comprende. Aunque la enseñanza del tango sea un trabajo, no se enseña el paso sin la música; no se enseña el paso por el paso. Sin la música no hay bailarín, ni tango, ni maestro, ni alumno. Maestro es el que tiene una enseñanza para dar, es la que le dejó la música.
Qui était Tete Rusconi ?
Tete Rusconi était un danseur portègne, apprécié dans les milongas. Il avait développé un style personnel, notamment pour les valses et avait un sens aigu de la musique.
La restauration et la sauvegarde de la musique historique est un devoir.
Lorsque l’on est DJ de tango, on a en général à cœur d’utiliser la meilleure qualité de musique possible. Cependant, cela ne suffit pas à la réussite d’une prestation de DJ. Il vaut mieux une excellente animation avec de la musique de qualité moyenne, qu’une diffusion maladroite de morceaux « parfaits ».
Ces conseils sont donc pour ceux qui veulent, comme moi, essayer d’avoir la meilleure musique au meilleur moment dans les milongas.
Utiliser un original de la meilleure qualité possible
Les supports à utiliser sont dans cet ordre de la meilleure qualité à la pire. En rouge, ce qui est déjà numérisé.
Matrice originale (il en reste très peu). C’est ce qui sert à presser les disques, c’est une forme d’original.
Bande magnétique originale d’époque (si elle est de bonne qualité).
Disque d’époque (78 tours en shellac). Malheureusement, beaucoup sont en mauvais état et les DJ qui passent ces disques en milonga détruisent un patrimoine.
CD ou FLAC d’après un disque d’époque (shellac) — ATTENTION, toutes les éditions ne se valent pas. Ces dernières années, plusieurs éditeurs se sont lancés dans ce marché avec des fortunes variées. C’est une façon économique de se constituer une base musicale.
Disque vinyle, 33 ou 45 tours (si l’enregistrement n’a pas de réverbération ajoutée, car c’est presque impossible à supprimer de façon correcte).
CD ou FLAC d’après une copie d’un vinyle (33 tours)
Cassette ou cartouche audio depuis un disque d’époque
Service de musique en ligne, type Spotify. C’est en général une très mauvaise source, car les musiques sont mal étiquetées. En revanche, ça peut servir pour trouver le meilleur disque à acheter.
Musique numérique en MP3
Tomas radiales (enregistré depuis la radio ou la télévision). Elles sont rarement exploitables en milonga, car de qualité généralement médiocre, mais ce sont souvent des documents intéressants d’un point de vue historique. Ces documents sont en général sur bandes, mais on en trouve des copies numériques.
Précaution pour utiliser la copie avant traitement
Utiliser un diamant adapté et une pression de bras adaptée au disque utilisé. Pour ne pas endommager le disque, le diamant doit être en excellent état.
Réglez la vitesse de la platine avec son stroboscope. Cependant, certaines marques n’étaient pas tout à fait à la bonne vitesse, notamment pour les disques les plus anciens. Si la tonalité exacte du morceau vous intéresse, il vous faudra la chercher en variant la vitesse, ou procéder à un traitement ultérieur après numérisation. Pour un DJ, cela a peu d’importance, il est possible de modifier ces paramètres à la volée lors de la diffusion et aucun danseur ne va remarquer même un demi-ton d’écart.
Réglez de façon optimale la courbe d’égalisation. Pour la plupart des disques Odeon et les vinyles après 1955, c’est la courbe RIAA. Pour des disques plus anciens, il vous faudra creuser en fonction de la marque et de la date.
Numériser dans un format non destructif (Lossless), en 44 kHz ou 48 kHz. Il est inutile d’utiliser un taux d’échantillonnage supérieur, car les disques ne transmettent pas de fréquences supérieures à 20 000 Hz. Pour ma part, j’enregistre en stéréo, même si le disque est mono. Cela permet d’avoir le choix entre deux versions très légèrement différentes. C’est utile pour le traitement des scratchs ou de certains défauts du signal.
Enregistrer le bruit du disque ou du support magnétique avant la musique et après la musique).
Ranger précieusement le disque et ne plus y toucher (le stocker verticalement et légèrement pressé à l’abri de l’humidité excessive et de la forte chaleur).
En bleu, lors de l’enregistrement, les basses sont diminuées, pour éviter que le stylet ne fasse de trop grosses vibrations et les aigus sont augmentés pour marquer plus les sillons afin que les mouvements soient plus faciles à provoquer lors de la lecture.
En rouge, les réglages opposés diminuent les aigus et renforcent les graves qui avaient été fortement atténués lors de l’enregistrement. Sans la restitution de la courbe d’origine, les aigus seraient criards et les basses absentes.
Exemple de tables de correction
Jusqu’en 1955, chaque compagnie utilisait ses propres réglages. Cela conduit, si on ne respecte pas le rétablissement de la pré-égalisation à des sons infidèles. Une bonne restitution d’un disque ancien commence par la recherche des paramètres utilisés par le fabricant pour rétablir le son d’origine.
Extrait minimal de tableaux de caractéristiques des réglages d’enregistrement de différentes firmes.
Copie de support analogique (cassette ou bande)
Les bandes magnétiques ont plusieurs défauts. Il peut y avoir une duplication de la spire antérieure, qui fait que l’on a une musique « fantôme », car la magnétisation d’une spire a « bavé » sur une autre. C’est surtout audible avant un fortissimo, on l’entend quelques instants avant, de façon réduite.
Si les bandes ou cassettes ont été mal conservées, le support et/ou le liant qui maintient les oxydes métalliques se délitent, ce qui provoque des défauts dans le magnétisme de la bande aux endroits considérés et donc un son défectueux.
Si la bande est en bon état, il faut aussi veiller à ce que le magnétophone le soit également.
Préparation du magnétophone
Pour les cassettes, en général un bon magnétophone est suffisant et ne demande pas de réglage particulier.
Il est cependant recommandé d’utiliser un démagnétiseur de têtes de lecture pour enlever une magnétisation résiduelle qui pourrait donner du souffle et/ou endommager le signal magnétique de la bande magnétique.
J’ai ce magnétiseur depuis plus de quarante ans. Il est toujours en vente. Je l’utilisais surtout pour les magnétophones à bande, mais il est utilisable pour les appareils à cassettes.
Pour utiliser un démagnétiseur, c’est assez simple, mais il faut bien suivre la procédure.
Débrancher le magnétophone (s’il est à pile, enlever les piles).
Brancher le magnétiseur, mais laisser le bouton en position OFF.
Approcher le démagnétiseur aussi près que possible de la tête de lecture.
Glisser le bouton en position ON.
Effectuer des petits cercles autour de la tête de lecture, aussi près que possible, mais sans toucher la tête de lecture. Pour un magnétophone à bande, il y a plusieurs têtes…
Éloigner lentement le démagnétiseur, le plus loin possible, SANS l’ÉTEINDRE.
Une fois qu’il est le plus loin possible (le câble d’alimentation est un peu court, prévoir de l’organiser de façon à pouvoir éloigner le démagnétiseur des têtes facilement), mettre le bouton curseur sur OFF.
C’est tout pour la démagnétisation. Il reste une autre étape pour nettoyer le magnétophone, nettoyer les têtes. Pour cela, utilisez un Coton-Tige imbibé d’alcool (isopropylique ou à défaut 90°). Si cela fait un moment que vous ne l’avez pas fait, vous retirerez un dépôt brun ou noirâtre. Ce sont des particules arrachées aux bandes et/ou de la saleté 😉
Attention à ne pas faire couler d’alcool dans le magnétophone ou ailleurs que sur le coton tige humide.
Pour les lecteurs de cassettes, il existe des cassettes de nettoyage.
Humidifier la bande à travers de la fenêtre (elle ne comporte pas de vitre, contrairement aux cassettes normales). Faire défiler la bande. Certaines cassettes contiennent une zone plus abrasive pour nettoyer. Ne pas en abuser.
Ces cassettes sont désormais assez chères (il faut les changer tous les quatre ou cinq utilisations). Si les têtes de lecture sont accessibles, il est plus économique d’utiliser des Cotons-Tiges et la procédure pour les magnétophones à bande. Lorsque les têtes sont sèches, vous pouvez utiliser le magnétophone (c’est instantané si vous avez utilisé de l’alcool isopropylique).
La vitesse et l’enroulement des bandes magnétiques
Contrairement aux cassettes qui sont relativement standardisées, les magnétophones à bande utilisent des vitesses différentes et même des types d’enroulement différent.
Il faut donc un magnétophone disposant des mêmes vitesses que l’appareil d’origine. Tous les magnétophones actuels n’ont pas ces vitesses. On pourra copier ces bandes, mais il faudra restituer la vitesse originale sur le signal numérisé.
Sur les matériels anciens, la bande était parfois enroulée avec l’oxyde magnétique à l’extérieur de la bande. Sur d’autres matériels et sur les plus récents, l’oxyde est sur la partie intérieure de l’enroulement. Il peut donc être compliqué de lire une bande ancienne sur un appareil plus moderne.
Une autre difficulté est l’utilisation d’alignements différents des têtes de lecture. Les bandes anciennes étaient normalement mono. Elles étaient enregistrées dans la partie inférieure de la bande, puis retournées pour lire l’autre côté. Il y a donc deux pistes, une dans chaque sens. Sur un matériel stéréo, il y a deux pistes. La lecture avec une tête mono fait qu’on lit également l’espace entre deux pistes, c’est-à-dire que l’on a un signal moins bon.
Avec un magnétophone stéréo, on peut lire une piste mono à condition que les têtes soient en face de la piste. Au pire, on utilise qu’une seule des pistes.
Si le magnétophone disposait de plus que deux pistes dans chaque sens, il faut un magnétophone multipiste, ce qui est un matériel professionnel. Dans ce cas, les pistes sont toutes dans le même sens. La bande ne se retourne pas quand on arrive au bout.
Un autre piège, ce sont les réglages du magnétophone en fonction du type de bande. Si on dispose des boîtes originales des bandes, on trouve les indications. Sinon, il faut y aller par tâtonnement.
Un tout dernier point, certains magnétophones utilisaient un système de réduction de bruit, type Dolby. Il faut donc en tenir compte et utiliser le décodeur adéquat. Avec les cassettes, c’est assez simple, avec les magnétophones à bande, il faudra peut-être acquérir un décodeur séparé.
Il a existé aussi des cartouches, sortes de grosses cassettes. Pour ces bandes, la difficulté sera de trouver un lecteur en bon état de marche.
En gros, récupérer des bandes anciennes, c’est compliqué, sauf pour les cassettes.
Utilisation d’une copie déjà numérique
Vous avez acheté une copie numérique, ou vous avez procédé vous-même à l’enregistrement. Si la musique est parfaite, n’y touchez pas. Mais c’est rarement le cas.
Il ne faut pas oublier que vous allez créer des tandas et que ces dernières doivent être homogènes. Pas question d’avoir un titre criard, suivi d’un titre sourd, puis un titre très fort et à la limite de la distorsion et terminer sur un titre presque inaudible.
Un autre point consiste à normaliser les débuts et les fins de morceaux. Pour ma part, j’ai 0,7 seconde au début de tous mes morceaux et 3 secondes à la fin de tous mes morceaux. Cela évite que deux morceaux se choquent, ou qu’il faille attendre 10 secondes entre deux titres.
Ordre des opérations pour le traitement des musiques numériques
Faire une sauvegarde du support numérique pour revenir à l’état initial en cas d’erreur.
Sélectionner une partie sans musique et avec le bruit de fond du disque. S’il y a des scratchs, les nettoyer auparavant, un par un, ou mieux, sélectionner une zone entre deux scratchs.
Faire une empreinte du bruit de fond, de préférence à la fin du disque et la soustraire de l’enregistrement. ATTENTION à ne pas soustraire uniformément, mais seulement dans les fréquences du bruit afin de ne pas toucher la musique (on peut activer 100 % pour les fréquences très basses ou très hautes et doser les autres fréquences en fonction de la musique). Cela demande un logiciel évolué, pas du type Audacity qui applique l’empreinte de façon égale sur toutes les fréquences). Il y a d’autres options à prendre en compte, ce tutoriel est simplifié…
Faire la même chose avec une empreinte au début du disque. Cependant, attention à bien choisir le lieu, car souvent le début du disque est abîmé par l’impact de la pointe de lecture lors des écoutes. L’empreinte ne sera pas représentative de l’état du disque sur son intégralité. Si le début du disque n’est pas abîmé (ou si l’original était une matrice). Si la copie numérique ne comporte pas des bouts d’amorce au début ou à la fin, essayer d’utiliser un moment de silence. Attention à ne pas prendre une partie avec un peu de son. Si c’est impossible, mettre à zéro la déduction d’empreinte sur les fréquences de la musique présente dans cette sélection.
Nettoyer les scratchs sur la musique. C’est un travail de patience. Sélectionner le scratch et appliquer l’outil de correction sur les quelques millisecondes nécessaires. Il existe des plugins de suppression automatique de scratchs, mais ils sont souvent néfastes au message sonore. Il convient donc de ne pas en abuser. Ne pas utiliser la suppression de fréquence pour limiter le bruit (méthode la plus courante), car cela se fait également au détriment de la musique). C’est en revanche la seule méthode possible lors de la diffusion en direct, par exemple si le morceau « original » fourni pour une démo est vraiment trop bruité.
Revoir l’équilibre sonore du morceau. Cela consiste à restituer la vitesse initiale (au cas où l’original serait un disque 33 tours ou une copie numérique d’origine douteuse). On peut aussi jouer sur les fréquences pour réharmoniser le morceau. Ce travail se fait de préférence au casque. On vérifie que les instruments se distinguent bien. Je conseille de vérifier le résultat également sur une sono… Plus le morceau sera propre et bien équilibré et le moins il y aura besoin d’intervenir en milonga pour adapter le volume et les fréquences.
Enregistrer le résultat dans un format numérique sans perte (Lossless).
Éventuellement, faire une copie pour l’utilisation en milonga, au minimum MP3 à 320 kb/s si on n’a pas la place de conserver l’original en HD. Pour ma part, je diffuse de l’ALAC, Lossless, mais chaque fichier fait au moins 30 Mo…
Exemple de morceau avec restauration :
Cet extrait est tiré de « Violines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orchestra Roberto Firpo Enregistrement Odeon 8949 5611, enregistré à Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut entendre l’enregistrement depuis le disque 78 tours original, avant et après retouche des scratchs.https://youtu.be/ZZWpox_lGbg
Ce qu’il ne faudrait pas faire
Acheter de la musique dite « Remasterized ».
C’est dans presque tous les cas très, très médiocre, y compris dans les CD du commerce. Ces morceaux donnent l’impression que la musique est jouée dans une salle de bain. Les sons sont étouffés. En un mot, c’est moche à écouter.
Cet extrait est tiré de « Violines gitanos » Musique : Enrique Maciel Orchestra Roberto Firpo Enregistrement Odeon 8949 5611, enregistré à Buenos Aires le 21 mai 1930. On peut entendre l’enregistrement depuis le disque 78 tours original, avant et après retouche des scratchs.
Mais c’est aussi moche à voir…
À gauche, le morceau brut. Il y a des détails fins (qui peuvent être des bruits de disque, mais on voit que les fréquences sont représentées. À droite, le traitement « Remasterized » qui est tant à la mode maintenant et que l’on a pu écouter dans l’extrait ci-dessus. On dirait que la musique est érodée, comme de la neige qui aurait fondu. Les cristaux de la musique sont désormais de la soupe.
Espérer qu’un morceau en MP3 va donner un excellent FLAC.
Si je conseille d’enregistrer tout ce qu’on modifie dans un format Lossless, c’est juste pour ne pas perdre en qualité à chaque enregistrement. Le morceau passé de MP3 à FLAC ne sera pas meilleur… C’est juste qu’il ne se dégradera pas si on l’enregistre plusieurs fois.
Conclusion
Avoir la meilleure musique est un respect pour les danseurs et contrairement à ce que certains disent, ils s’en rendent compte, même de façon inconsciente.
Les sonorisateurs s’en rendent également compte et cela permet d’instaurer une relation de confiance avec eux et ainsi, ils donnent un peu plus de liberté au DJ pour intervenir sur la sonorisation. Ils apprécient d’avoir une prestation de niveau sonore toujours adapté et de ne pas avoir à revoir sans cesse le volume, voire l’égalisation quand le DJ a des musiques d’origines différentes et incompatibles.
Les disques Shellac (gomme-laque), sont les disques 78 tours. Ceux qui ont accueilli la musique de l’âge d’or du tango. Ce sont des témoins précieux qu’il convient de préserver.
Sur la diffusion de disques historiques en milonga
Certains DJ ont choisi de passer des disques 78 tours en milonga, ce qui est une pratique que je ne cautionne pas, car elle est dangereuse pour les disques et n’apporte absolument rien à la qualité sonore de la prestation. Elle est dangereuse, car les disques se cassent facilement et le passage répété de la pointe de lecture abîme le sillon et donc dégrade le signal sonore. De plus, l’usage de disques hétérogènes et avec un choix réduit (on ne peut pas transporter 600 disques à une milonga) limite les possibilités d’animation de la milonga. Sans une pointe de snobisme de la part des danseurs, cette pratique n’existerait pas.
Je ne parle pas des DJ qui passent des vinyles, ces supports ont peu d’intérêt en ce qui concerne la musique de l’âge d’or, car ce sont des copies de copies et qu’il existe des enregistrements de bien meilleure qualité réalisés à partir des originaux. Là, au snobisme, se rajoute la diffusion d’une musique de qualité médiocre, souvent noyée dans de la réverbération outrée.
Prendre soin de ses disques
Le premier soin est de ne pas utiliser inutilement le disque. Il convient d’en faire une copie de sauvegarde, celle qui gardera l’état optimal de la copie à disposition. On gardera le disque pour un usage ultérieur, par exemple si la technique de numérisation a progressé, mais en dehors de cela, on le laissera tranquille. Je partage ici quelques conseils pour vous permettre de tirer le meilleur parti de ces disques, si vous avez la chance d’en trouver en bon état. Cependant, cela devient de plus en plus difficile.
Rien n’est éternel, les disques 78 tours non plus
Les disques 78 tous en gomme laque sont fragiles. Ils se cassent facilement en tombant. Il convient donc de les manipuler avec soin. La matière, elle-même peut se dégrader au contact de l’air, de l’humidité, de solvants, par usure, abrasion ou en se couvrant de poussière ou autres matières. Un autre ennemi pernicieux est le scotch que l’on utilise parfois pour réparer les pochettes. Il y a aussi les éventuels débris alimentaires et autres déchets organiques, les moisissures.
Bien conserver les disques
L’idéal serait de placer les disques dans des pochettes non acides en polypropylène sans acide ou en papier Perma/Dur, sans acide, sans lignine et avec réserve alcaline (pour lutter contre l’acidité présente). En effet, l’acidité du papier original fait que les pochettes peuvent endommager la surface du disque et donc le son qu’il porte. Des pochettes sans acides sont donc essentielles. Les pochettes originales sont par ailleurs souvent dégradées, cassantes et les conserver n’est pas aussi indispensable dans la mesure où la majorité est sans aucune indication, les informations étant sur l’étiquette du disque, visible par le trou central de la pochette. Celles qui sont décorées ont un intérêt, mais elles sont les mêmes pour tous les disques d’une même époque et du même éditeur. On peut donc conserver celles dans le meilleur état, séparément ou les conserver pour si on souhaite revendre un jour sa collection. Il existe également des albums ou des boîtes permettant de ranger quelques dizaines de disques. C’est une bonne solution pour l’archivage.
Pochettes et boîtes d’archivages non acides et avec réserve alcaline. L’idéal pour préserver les disques historiques.
Les disques se rangent de toute façon de façon verticale. Légèrement serrés, mais pas compressés. L’humidité doit être modérée (inférieure à 50 %), la lumière doit être atténuée et le lieu suffisamment ventilé. En fait, ce sont les conditions de conservation idéale de beaucoup de choses… Faites attention au mobilier qui contient les disques. Ce serait dommage de leur offrir des pochettes spéciales et de les mettre dans une armoire dégageant du formaldéhyde à grosses doses.
Procédure de numérisation des disques Shellac
Avant de ranger les disques dans les nouvelles pochettes, il convient de les nettoyer. Je conseille donc d’opérer de la façon suivante :
Identification et saisie du disque dans la base de données
Photographie recto verso de l’étiquette
Nettoyage du disque (voir ci-dessous)
Numérisation du disque Format sans perte (WAV, AIFF, FLAC ou ALAC) 44 ou 48kHz 32 bits. Des valeurs supérieures n’ont aucun intérêt car il n’y a pas de signal supérieur à 20 kHz (voire 15kHz) sur les disques de pâte.
Rangement du disque dans les pochettes et boîtes
Complément de la base de données (référence de la boîte).
Édition des tags de l’enregistrement numérique
Nettoyer le disque
L’étape 3 du processus annoncé ci-dessus consiste à mettre le disque en condition pour sa numérisation et son archivage ultérieur.
Examen du disque à nettoyer
La première chose à faire est de vérifier que le disque n’est pas fendu et qu’il n’y a pas des endroits où la gomme-laque s’est dégradée. Si c’est le cas, il va falloir être très précautionneux. Pour ma part, il m’est arrivé de sacrifier une des faces du disque pour sauver l’autre face. Par exemple, si le disque est cassé et que les sillons d’un des côtés sont trop endommagés. J’utilise la face sacrifiée pour renforcer le disque, afin que le sillon de la face choisie soit parfaitement continu et que le disque soit aussi plat que possible. L’armature créée pour renforcer le disque est idéalement démontable, mais ce n’est pas toujours le cas. J’ai ainsi pu numériser des disques qui étaient en plusieurs morceaux.
Mais revenons au processus le plus courant.
Identifier la matière du disque. Si on a déjà restauré des disques de la même époque et du même éditeur, les procédés précédemment utilisés devraient être efficaces.
Dépoussiérer le disque avec un aspirateur muni d’une brosse adaptée (poils antistatiques, idéalement en fibre de carbone). Évidemment, ne pas utiliser cette brosse pour d’autres usages. Attention, ne surtout pas frotter. Si vous touchez la surface, faites-le dans le sens des sillons.
Pour aspirer la poussière d’un disque, on peut utiliser un aspirateur avec une brosse adaptée (poils en fibre de carbone, par exemple).
Vérifier que la surface du disque est en bon état.
Si après aspiration et nettoyage, le disque semble propre, essayer de l’écouter.
Réglez l’égalisation dans votre système si vous avez d’autres courbes disponibles que la RIAA sur votre préampli phono. Si ce n’est pas le cas, vous gérerez cela sur le fichier numérisé.
Vérifier la propreté du diamant (utiliser une brosse adaptée).
Placer le disque sur la platine
Donner un coup de brosse antistatique en faisant tourner le disque
La brosse avec des poils en fibre de carbone permet d’enlever la poussière. L’idéal est de faire tourner le disque en maintenant la brosse en appui très léger sur le disque.
Essayez de faire une première copie du disque.
Si la copie est bonne et ne semble pas devoir être améliorée, c’est terminé.
Si vous pensez qu’il va falloir pousser le nettoyage, gardez la copie en sécurité et passez aux étapes de nettoyage, suivantes.
Placez le disque sur une vieille platine qui ne sert pas à la reproduction des disques et qui ne craint pas des accidents éventuels avec les liquides.
Procédez au nettoyage humide du disque Shellac. Le nettoyage humide est très efficace, mais il y a deux points très importants à prendre en compte :
Il ne faut surtout pas utiliser d’alcool qui dégrade la laque et donc choisir un liquide adapté.
Il ne faut pas mouiller l’étiquette.
Il existe dans le commerce des liquides pour le nettoyage des disques. Le plus inoffensif est l’eau distillée. Bien sûr, on ne plonge pas le disque directement dans le liquide, mais on dépose un film uniforme sur la surface du disque en évitant de mouiller l’étiquette. À l’aide d’une brosse ou tampon en microfibre, on répartit le liquide sur le disque en faisant tourner la platine à la main en prenant garde de ne pas sortir de la direction du sillon avec la brosse. Lorsque toute la surface est recouverte d’un fin film de liquide, mettez la platine en rotation (16 ou 33 tours/minute) en appliquant légèrement la brosse en microfibre. La brosse crée un petit bourrelet en amont de son passage, ce qui aide à déloger la saleté. Si l’eau distillée ne vient pas à bout des résidus sur le disque, utilisez un produit adapté. Par exemple : Clearaudio Pure Groove Shellac.
Vérifiez que le produit porte bien la mention Shellac, car la plupart des magasins vendent du produit pour vinyle qui contient de l’alcool et qui détruirait votre disque 78 tours. En revanche, le produit spécial pour Shellac peut être utilisé sans inconvénient pour les disques vinyle.
Le produit s’applique comme décrit pour l’eau distillée.
Solution pour disque Shellac (vérifier la mention sur la bouteille) et une brosse avec tampons en microfibre).
Le séchage du disque est une étape importante. Pas question de le laisser humide plus longtemps que nécessaire. Utilisez un chiffon non pelucheux et, là encore, toujours agir dans le sens du sillon. Le but est d’enlever le plus possible de produit de nettoyage.
Rincez le disque à l’eau distillée propre. Il faut donc la changer très souvent (ne pas traiter 50 disques avec la même eau). Si vous disposez d’une cuve à ultrason assez profonde, vous pouvez positionner le disque de façon qu’il trempe dans la cuve en mettant un axe en travers de la cuve. Mettez les ultrasons en fonctionnement et faites tourner très lentement le disque. Attention à ce que l’eau distillée ne coule pas sur l’étiquette (essuyez le disque au fur et à mesure) qu’il sort de l’eau distillée).
Le disque est plongé dans la cuve à ultrason, mais attention, l’étiquette ne doit pas être immergée. Il convient donc de ne pas trop pousser la puissance des ultrasons pour éviter les éclaboussures. Comme les cuves sont très grandes, il faut de grosses quantités d’eau distillée. Ce n’est pas réellement un inconvénient, cela permet d’espacer les remplacements de l’eau.
Essuyez le disque à l’aide de chiffons non pelucheux (différents de celui utilisé pour éponger le liquide de nettoyage…). Veillez à ne pas mouiller l’étiquette dans la manipulation.
Laisser le disque terminer de sécher en le positionnant verticalement. (veiller à ce que les supports ne touchent que les bords du disque et l’étiquette).
Si vous avez un aspirateur avec une brosse en fibre de carbone dédiée à cet usage, vous pouvez accélérer le séchage en passant la brosse dans le sens du sillon.
Lorsque le disque est parfaitement sec, vous pouvez reprendre la numérisation du disque après avoir vérifié que la pointe de lecture était propre. Vous devez bien sûr utiliser une autre platine que celle utilisée pour le nettoyage…
Voilà, votre précieux disque est désormais sauvegardé. Il peut attendre sagement dans sa pochette et son boitier sécurisés que vous en ayez besoin. Mais en attendant, utilisez la merveilleuse copie numérique que vous avez réalisée.
La restauration et la sauvegarde de la musique historique est un devoir.
Il semble que tout a été dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.
Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les périodes généralement admises sont en fait toutes relatives.
Les orchestres ont, selon les cas, continué un style qui leur réussissait au-delà d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remettant en avant des éléments disparus depuis plusieurs décennies.
On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant à des courants forts différents. C’est particulièrement sensible à partir des années 50, où la baisse de la pratique de danse a incité les orchestres à développer de nouveaux horizons, souvent en réchauffant des plats plus anciens.
Les origines (avant le tango)
Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux débats entre spécialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par conséquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.
La habanera
Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa
Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les barres rouges (croches pointées) correspondent à 3 unités temporelles relatives (double croche), les barres bleues à une unité temporelle (double croche) et les barres vertes à deux unités temporelles (croche). Les barres sont donc proportionnelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela signifie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux barres verticales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les doubles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous connaissez la lecture du rythme en musique (ou pas…).Rythme de la habanera au piano. retrouvez le DaaaTadaTaDaaa…
La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a composé El arreglito (le petit arrangement) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rappeler quelque chose.
Axivil Criollo – El Arreglito – Compositeur Sebastián de Iradier vers 1840.
Avez-vous trouvé ?
Oui, vous avez trouvé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.
Teresa Berganza chante la Habanera de Carmen de Bizet (le copieur 😉
Ce rythme, très présent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploité.
Dans la milonga criolla (ici par l’orchestre de Francisco Canaro 1936-10-06), on reconnait parfaitement le rythme de la habanera qui a été accélérée et est devenue une des pierres de construction des milongas.
Lorsque le tango de danse a perdu de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on réintroduit très largement.
Autres apports
En parallèle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la valse.
Les payadors
On lit parfois que Gardel était un payador. Cependant, même s’il était ami de José Bettinotti, il n’a pas été directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient à la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indéniable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un canyengue.
José Bettinotti, El cabrero circa 1913
Exemple d’influence africaine
Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. Même si l’Argentine n’a pas été une terre d’esclavage très marquée, contrairement à beaucoup d’autres payés du continent américain, il y a eu une communauté d’origine africaine relativement importante au XIXe siècle. Celle-ci s’est atténuée par l’émigration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers où ils ont servi de chair à canon.
Même si l’Argentine a absorbé des éléments, c’est plutôt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus été influencé par ces musiques, notamment les percussions.
Candombe solo para Uruguayos – Hugo Fattoruso – « Caminando » , Toma de Sonido Dario Ribeiro
Le candombe et la milonga candombe se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.
Siga el baile 1953-10-28 – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dirigé par Ángel Condercuri.
La dénomination « tango » est souvent associée à la déformation de « tambo » et désignait des lieux ou la communauté noire dansait. Il faut voir un jugement négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’était pas issue des Africains a hérité de ce vocable péjoratif, lorsque le tango s’est développé dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne société.
Les origines européennes
L’immigration européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criollo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adopté des valses viennoises.
Pour la milonga, c »est un peu moins évident de retrouver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde latinoaméricain ont favorisé sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait même écrire les milongas sont une salsa, un mélange d’influences.
Les débuts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci à des formes assez populaires, voire outrées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en totalité.
La naissance européenne
Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont été réalisés par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptés à nos oreilles contemporaines.
Vu les lieux où le tango était joué et malgré la fréquentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquérir ses lettres de noblesse en Europe et notamment en France. Il y a une théorie différente qui se base sur un film réalisé en 1900 à Buenos Aires par Eugene Py. Le problème est que si Py a bien réalise un film, on ne l’a pas retrouvé. Un film est considéré par certains comme le film de Py qui aurait été retrouvé.
Dans ce film, on voit deux danseurs dans un décor pratiquer une forme de tango. Ce film est parfois qualifié de premier film de tango qui correspondrait à un film enregistré en 1900 par Eugène Py. La qualité de l’image, le vêtement de la femme, le style de danse font plutôt dater ce film des années 1920. Les partisans de l’attribution à Eugène Py indique que le film original a été réalisé en extérieur, sur la terrasse de l’entreprise Casa Lepage À Buenos Aires. On peut voir qu’ici, il s’agit d’un décor qui peut avoir été placé en extérieur pour faire croire a un intérieur. Cela semble un peu exagéré pour ce type de film. En admettant que ce soit le cas, les danseurs seraient des gens de la haute société. Aussi, pourquoi serviraient-ils de figurants ? Il est plus simple d’imaginer que ce sont des danseurs qui jouent un rôle. Donc, si ce film est de 1900 (ce dont je doute), il peut s’agir de danseurs figurants. Si le film est de 1920, il peut s’agir de personnes plus fortunées qui présentent leurs performances de danse. Je propose donc de rester sur les témoignages écrits et nombreux et de ne pas suivre l’hypothèse qui ferait de ce film la preuve que le tango était dansé dans la haute société dès 1900.
Le style du tango, avant le tango… (Prototango)
Avant 1926, date des premiers enregistrements électriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.
Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavillon puisse graver le support d’enregistrement. On retrouve cependant certains éléments « Canyengue » que l’on connaît par les enregistrements électriques.
Je vous propose à titre d’exemple, Zorro gris un enregistrement électrique de 1927 par Francisco Canaro.
Zorro gris 1927-08-22, Francisco Canaro (enregistrement électrique).
La vieille garde (Guardia vieja)
Gobbi et Canaro, dans la première partie de leur carrière, sont des représentants de ce que l’on a nommé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes différents avaient vu le jour. Se détachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : Milonga de mis amores, ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :
Extrait de Milonga de mis amores 1937-05-26, Francisco Canaro
contrairement à la version de la même année par Pedro Laurenz :
Extrait de Milonga de mis amores 1937-07-14, Pedro Laurenz canta Héctor Farrel
Ou celle du même de 1944 :
Extrait de Milonga de mis amores 1944-01-14, Pedro Laurenz
Des orchestres anciens évoluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment à l’arrivée de Biagi dans l’orchestre et on arrive à la grande période du tango, l’âge d’or.
L’âge d’or (Edad de oro)
C’est la période considérée comme la plus adaptée au tango de danse. C’est logique, car à l’époque, le tango était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.
El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. En rouge, les 4 piliers se produisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de second plan, tout à fait dansables et en vert, des orchestres un peu moins pertinents pour la danse.
On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compétition entre les orchestres.
On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variés et les orchestres se spécialisaient.
Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux formations. Vous avez pu écouter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.
Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains étaient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.
Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour éviter la monotonie et contenter les différentes sensibilités des danseurs.
Même si la production de l’époque est essentiellement tournée vers la danse, il y a également une production pour l’écoute.
Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la différence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango à danser est indiqué : Nom de l’orchestrecanta ou estribillo cantado porNom du chanteur. Un tango à écouter est indiqué Nom du chanteury su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.
Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaître le tango de danse et de savoir apprécier les différences de style entre les orchestres.
Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est souvent moins grave de mélanger deux orchestres enregistrés à la même époque que de mélanger deux enregistrements d’époques stylistiquement différentes du même orchestre.
Tango Nuevo
C’est celui initié par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore très vivant, notamment chez les orchestres de concert.
À noter que Pugliese et Troilo sont bien sûr des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.
N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistré du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo… Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siècle.
Tango Electronico
Style Gotan Project. Il se caractérise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments électroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution européenne et notamment franco-italienne, du tango du début du XXe siècle.
Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas, car cette musique est très répétitive et ne convient pas aux danseurs avancés. Cependant, il faut reconnaître que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.
Tango alternatif (neotango)
Le tango alternatif consiste à danser avec des repères « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.
Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en « milonga » alors que c’est un fox-trot.
Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.
N’oublions pas la dynamique « néotango » qui consiste à danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des horizons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et permet donc de marcher sur les temps.
Ce qui manque souvent à cette musique, c’est le support à l’improvisation. On peut lui reconnaître une forme de créativité dans la mesure où elle permet / oblige de sortir des repères et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre débat.
Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse
Si on étudie un tango de l’âge d’or, on y découvrira plusieurs qualités favorisant la danse :
La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer à un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se répondent. On peut ainsi se répartir les rôles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
La musique se répète plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de découvrir le tango au cas où il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familière et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en général différente de la première exposition, mais reste tout à fait comparable. Par exemple, la première fois le thème est joué au violon ou au bandonéon et la seconde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le même instrument, il y aura de légères différences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncés. Un danseur musicien ou exercé sait reconnaître les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dérouter sa partenaire. Je devrais plutôt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent à l’improvisation. Si la personne guidée a envie d’appuyer, de marquer un élément qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement répétitives, que quand revient le même thème de façon identique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idées et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dérouler des chorégraphies ne verront pas de différences entre les différents types de tango. Ceci explique le succès des pratiques neotango auprès des débutants, même si ces bals ont aussi du succès auprès de danseurs plus affirmés. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la menace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tango…
Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?
Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et très amusants ou intéressants à danser. Certains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’affilée sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharper…
Quelques musiques modernes donnent des idées agréables à danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de… tourner.
Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nombreux danseurs. C’est donc un domaine à proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont particulièrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.
Pour terminer, je précise que je suis DJ et que par conséquent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sensibilité.
Pour un DJ résident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans certains endroits, le DJ met toujours le même type de musique, pas forcément de la meilleure qualité pour la danse. Le problème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.
L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.
Article publié le 14 NOVEMBRE 2016 sur l’ancien site Depuis, un excellent site a vu le jour sur le sujet (Musée virtuel Gardel). Vous y trouverez des compléments. Dans cette mise à jour, j’y fais quelques liens et références.
La dispute sur la nationalité de Gardel
Plusieurs documents irréfutables existent pour prouver la nationalité d’origine de Carlos Gardel. Ils sont plus solides que les documents Uruguayens qui sont des déclarations très largement postérieures à la naissance de Gardel et qui avaient probablement des buts du genre, se faire oublier pendant la première guerre mondiale où il aurait été considéré comme déserteur, car né français et pour éviter (en 1920) certaines poursuites en se rendant blanc comme… plâtre (escayola) en s’inventant une filiation comme » Carlos Escayola » fils de Carlos Escayola et María Gardel, ce Carlos Escayola étant rapproché d’un fils d’un second mariage d’un Colonel Carlos Escayola né en 1876 (soir 14 ans plus vieux que l’âge français de Gardel). À noter que les deux « parents » sont morts à la date de l’établissement de ces documents, ce qui semble pratique et peut convaincre qu’ils n’avaient pas connaissance de ce rejeton encombrant…
« En 1920 la compañía de Rosas lo convocó para viajar a España por una temporada teatral. Él estaba indocumentado, porque el hecho de no concurrir a la embajada para registrarse como ciudadano francés le impidió recibir la cartilla militar y el registro en gendarmería. Entonces, él decidió en 1920 inscribirse en el consulado uruguayo amparándose en una legislación muy particular para súbditos uruguayos residentes en otros países. Se registró como uruguayo nacido en Tacuarembó tres años antes de su verdadero nacimiento: se anotó como nacido el 11 de diciembre pero de 1887. En vez de poner Gardes, se inscribió como Gardel, su nombre artístico.« En 1920, la compagnie de Rosas l’invite à voyager en Espagne pour une tournée théâtrale. Il était sans papier car il n’était pas allé se faire enregistrer à l’ambassade comme citoyen français et n’a donc pas reçu ses papiers (sinon, il aurait du partir faire la guerre en 1918 et aurait été arrêté comme déserteur s’il l’avait fait par la suite). Ainsi, décida-t-il de s’inscrire au consulat uruguayen en vertu d’une législation spéciale pour les sujets uruguayens résidant dans d’autres pays. Il a été inscrit comme étant né à Tacuarembó, trois ans avant sa date de naissance réelle, le 11 décembre de 1887. Au lieu de choisir Gardes, il pris son nom d’artiste, Gardel.
On attribue souvent à ce manquement à ses obligations militaires en France, la composition de silencio… « Dice la « leyenda », que Carlos Gardel y Alfredo Le Pera visitaron en Francia la tumba de 5 hermanos y su madre, que habrían muerto durante la Gran Guerra de 1914-18. Y que quedaron tan impresionados por lo visto, que esa misma noche compusieron la canción.« La légende prétend que Carlos Gardel et Alfredo La Pera visitèrent en France la tombe de cinq frères et leur mère, tués pendant la grande guerre 14-18 et qu’ils ont été tellement impressionnés par cette visite qu’ils écrivirent la chanson la nuit même.
Vous trouverez en bas de page, des liens vers divers documents, comme des cartes postales écrites à sa famille française, cartes difficiles à expliquer s’il était effectivement uruguayen…
Revenons donc aux documents originaux, établis au noms de Charles Gardes :
Les preuves de la naissance à Toulouse d’un Charles Gardes
Acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse
Acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décembre 1890, Charles Romuald est né à deux heures du matin à l’hôpital de la Grave.Copie littérale de l’acte de naissance de Charles Romuald Gardes à l’hôpital de la Grave à Toulouse Cet acte indique que le 11 décembre 1890, Charles Romuald est né à deux heures du matin à l’hôpital de la Grave.Registre de l’hospice de la Grave avec le nom de la mère de Charles Gardes.
Acte de Baptême de Carlos Gardel
Acte de baptême de Carlos Gardel, le 11 décembre, lendemain de sa naissance.
Ces quatre documents incontestables prouvent qu’un enfant de sexe male est né à Toulouse et qu’il s’appelait Charles Romuald Gardes. Reste à prouver que ce bambin est bien allé en Argentine.
Le document témoignant de son entrée en Argentine
Ce titre est émis par la Direction Générale de l’immigration de la République Argentine sous le numéro 122 (sa mère est sous le numéro 121).
Récipissé d’inscription dans les registres de l’immigration argentine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en provenance de Bordeaux sur le vapeur Don Pedro.
Récipissé d’inscription dans les registres de l’immigration argentine en date du 11 mars 1893 établi au nom de Charles Gardes, âgé de 2 ans, en provenance de Bordeaux sur le vapeur Don Pedro.
Dans ce document Gardel, s’appelle encore Gardes et son prénom est Charles. Le 11 mars 1893, Gardel est mentionné dans ce document comme ayant 2 ans, ce qui correspond, à trois mois près à son âge exact. La bateau est le Don Pedro, un vapeur qui devait partir du Havre le 8 février 1893 (à destination de La Plata). On trouve trace de ce voyage, le 10 février, départ effectif du Havre avec comme capitaine Vincent Marie Crecquer. Le 14, ce bateau partait de Pauillac (où auraient embarqué Berthe et Charles) à destination de Santa Cruz de Tenerife où il arrive et repart le 20 février pour se lancer dans la traversée de l’Atlantique jusqu’en Uruguay. Il arrive le 9 mars à Montevideo et en repart le 10 pour Buenos Aires où il arrive probablement le 11 mars si on tient compte de la durée de la traversée du Rio de la Plata et des dates des certificats d’immigration de Berthe et Charles. Il y a un petit doute sur la date d’arrivée, les documents maritimes évoquant le 12 mars pour le débarquement. On peut très bien imaginer que les autorités d’immigration sont montés à bord le 11, à l’arrivée, mais que le désembarquement ne s’est effectué que le lendemain pour tenir compte des délais de quarantaine de 48 heures. Le bateau est ensuite reparti pour le Havre, chargé de viande congelée… Reste que certains documents manquent, comme les registres de l’immigration confiés au CEMLA et évaporés pour les années 1882-1925… Pour cette raison, on ne peut pas retrouver l’écriture correspondant au certificat 122 de l’immigration. Certains en profitent pour diminuer la force de l’origine française, s’appuyant aussi sur l’absence du registre de création des passeports français pour les années entourant le départ supposés des Gardes.
Courriers et interactions avec sa famille française
Carte postale envoyé à ses grands parents, en France
Carte postale de Carlos Gardel à ses grands-parents en France
Mes chers grands parents / Bonne et heureuse Année Je vous envoie cette petite carte postale pour vous dire que toujours je pense à vous avec affection, ainsi qu’ à ma bonne tante Charlotte et à mon bon oncle Jean. Ici, nous sommes trés contents que vous soyez en bonne santé. Nous allons bien, et bientôt, Si Dieu le veut, je reviendrai passer quelques moments avec vous. Sans autre chose à ajouter, votre petit fils qui vous aime et n’oublie pas.
Carlos rendra également visite à sa famille en France, notamment à Toulouse et Albi. Là encore, ces documents sont précieux pour prouver ses origines. Quel serait l’intérêt d’un artiste célèbre comme Carlos Gardel de s’inventer une famille « bidon » en France.
Une des photos prises à Albi en 1934 avec à la gauche de Gardel (à droite sur la photo), son oncle Jean Marie Gardes et sa tante Charlotte Laurence, seconde femme de Jean et belle-sœur de Berthe.
Arbre généalogique de Carlos Gardel réalisé par Georges Galopa en 2013 d’après celui d’Henri Brune.
Pourquoi Gardel changea d’identités à plusieurs reprises…
Raúl Torre et Juan José Fenoglio réalisèrent une enquête judiciaire, relevant notamment les empreintes de Carlos Gardel dans les documents judiciaires de l’époque, ce qui permet de confirmer que le Carlos Gardel chanteur du tango et le Carlos Gardez(s) né en France en 1890, sont bien le même.
Différentes empreintes de Carlos Gardel permettant de confirmer que l’on parle toujours du même.
Dans un article paru dans Pagina 12 en 2012, on retrouve les principales raisons qui ont fait que Gardel, escroc, se devait de changer régulièrement d’identité, y compris avec l’aide d’un président argentin (Marcelo T. de Alvear)…
Empreintes de Carlos Gardel âgé de 13 ans et 6 mois, lors de sa fugue.
Le père naturel de Carlos Gardel
Si on retient l’origine française, le père le plus probable est Paul Lasserre. Ce jeune homme, alors âgé de 24 ans est parti pour Paris deux mois avant la naissance de Carlos Gardel.
Paul Lasserre, la véritable photo selon Todo Tango. En effet, la photo habituelle, serait celle de l’oncle et pas du père.
À Paris, il a intégré la bande des Ternes et finalement a écopé de trois ans de prison. De retour à Toulouse, il fonde une famille et meurt jeune. Sa fille, âgée de 2 ans à sa mort, dit qu’il est parti en Argentine pour aider à élever le jeune Gardel. Cependant, il n’était pas sur le bateau et ses exploits parisiens sont contemporains de cette aventure argentine. Il me semble donc plus probable que devant deux faits gênants, la famille Lasserre a choisi le moins dérangeant. Partir trois ans en Argentine pour aider à élever son fils, même obtenu hors mariage (il était célibataire à l’époque), c’est moins déshonorant que de passer trois ans en prison.
Documents et références
Les éléments précédents sont en principe suffisants pour prouver que Carlos Gardel est le Charles Romuald Gardes né à Toulouse le 11 décembre 1890. Cependant, ce serait sans compter sur l’ingéniosité des Urugayens qui n’a d’égale que leur gentillesse.
La thèse urugayenne
En prenant les documents qui ont servi à établir une fausse identité à Carlos Gardel, comme nous l’avons évoqué ci-dessus, ils avaient monté une origine plausible.
Cependant, il devenait beaucoup plus difficile de remettre en doute les documents comme le certificat de naissance, le voyage en bateau et les visites à la famille.
D’autres documents que nous n’avons pas présentés sont d’autres témoignages de l’origine française, comme les certificats du consulat de France, son testament et autre. Ces documents sont remis en cause par certains Urugayens. Admettons, comme eux, que le testament est un faux établi pour s’accaparer la fortune de Gardel. Cela n’enlève rien à la force des premeirs documents. Voici donc en résumé la nouvelle thèse :
Il y a bien un Charles Gardes né en France, mais le Carlos Gardel, chanteur fameux est en fait une autre personne, le fameux Urugayen né à Valle Edén, Tacuarembó, aux alentours de 1882-1884, et qui serait le fils du Coronel Carlos Escayola y de María Lelia Oliva, sa belle soeur… Deux personnes qui rappellons-le étaient mortes au moment où Gardel avait fait établir cette identité pour pouvoir voyager en Europe.
Je vous passe d’autres versions selon laquelle Berte Gardes serait en fait sa maîtresse et pas sa mère et qu’avec le factotum, de Gardel, Armando Defino, elle aurait monté une entourloupe pour bénéficier de l’héritage.
Je laisse la conclusion au Docteur Marti, cet Urugayen pein de sagesse :
Hoy ya el mito está bien consolidado en sus lineamientos y no cambia por el detalle de que Gardel haya nacido en Toulouse y no haya sido el padre de Leguisamo ni el abuelo de Julio Sosa. Este hijo natural de una lavandera y de un padre desconocido no fue uruguayo ni argentino, pero pertenece de un modo más profundo y raigal que el accidente de un parto a las dos orillas del Plata, donde todo el mundo -sin distinción de clases sociales- lo escucha con una asiduidad y una devoción que ningún pueblo puede haber tenido nunca en mayor grado por ningún cantante que haya nacido en su suelo. Lo escucha y comprueba que, émulo lírico del Cid, cada día canta mejor.
Traduction : Aujourd’hui, le mythe est bien consolidé dans ses contours et ne change pas car Gardel est né à Toulouse et n’était pas le père de Leguisamo ni le grand-père de Julio Sosa. Ce fils naturel d’une lavandière et d’un père inconnu n’était ni uruguayen ni argentin, mais il appartient d’une manière plus profonde et plus fondamentale que l’accident de l’accouchement sur les deux rives de la Plata, où tout le monde – sans distinction de classe sociale – l’écoute avec une assiduité et un dévouement qu’aucun peuple n’a jamais pu avoir à un plus haut degré pour un chanteur né sur son sol. Il l’écoute et constate qu’en émule lyrique du Cid, il chante chaque jour un peu mieux. Dr. Carlos Martínez Moreno
Dans les milongas, on ne diffuse que des enregistrements postérieurs à 1926. Savez-vous pourquoi ?
La vieja guardia n’est pas toujours intéressante à danser.
Les orchestres ne jouaient pas vraiment du tango avant 1926.
La qualité des enregistrements antérieurs n’est pas assez bonne.
La première raison n’est pas exacte. Si à Buenos Aires la Vieja guardia est très peu diffusée, c’est loin d’être le cas en Europe. Disons que ces enregistrements sont souvent un peu pauvres et moyens à danser, mais ils sont diffusables quand ils ont été enregistrés après 1926…
La seconde n’est pas exacte non plus. La combinaison entre les différents rythmes originaux, candombe, chansons de payador, habanera, canyengue et autres avait déjà donné naissance à de véritables tango (2X4 notamment). Certains morceaux assez lents ont été ensuite accélérés et sont devenus des milongas, d’autres ont gardé le caractère du tango. Donc, ce n’est pas la seconde raison.
Phonographe Edison 1877. Il enregistrait sur un cylindre d’étain. Il servait aussi à la reproduction.Phonographe à cylindre Pathé Le Coquet, 1903 (Collection Charles Cros)Enregistrement d’un chef amérindien Pied Noir par Frances Densmore en 1916Orchestre enregistrant en acoustique. Remarquez le grand pavillon pointant vers l’enregistreur et comment les musiciens sont « empilés » pour être en face du pavillon. Le violoniste au premier plan à un violon à pavillon qui permet de donner un son plus fort et plus directionnel.Julio de Caro jouant de son violon à pavillon avec son orchestre.Orchestre enregistrant en acoustique. Dans la cabine, l’enregistreur sur disque de cire.
Dans cet extrait on peut voir une reconstitution des condition d’enregistrement d’avant 1926. « El último payador » de Homero Manzi et Ralph Pappier 1950 (scénario d’Homero Manzi). Hugo del Carril joue le rôle du payador José Bettinotti, enregistrant « Pobre mi madre querida » un des succès de Bettinotti.
Dans le film d’Homero Manzi, le son est bien sûr celui de 1950, pas celui de 1912 que l’on peut entendre ici :
José Bettinotti. Pobre mi madre quarida, Circa 1912
En 1925, l’enregistrement électrique va rapidement mettre au rebut ce type d’équipement… En Argentine, il faudra attendre 1926 pour trouver les premiers enregistrements électriques, les éditeurs cherchant à écouler leur vieux stock…
L’enregistrement électrique
En 1906, l’invention du microphone a un peu amélioré le dispositif, mais ce n’est qu’en 1925 que l’enregistrement électrique a vu le jour de façon industrielle.
Le microphone est associé à un amplificateur qui permet de graver avec une grande précision les masters (disques qui serviront après moulage au pressage des disques diffusés).
Orchestre Victor jouant devant un microphone à charbonEn coulisse, l’ingénieur du son surveille la gravure du master…
Les microphones, l’âme de l’enregistrement électrique
Microphone à charbon Voxia de 1925. Il est utilisé pour les premiers enregistrements électriques (1926 pour le tango) et jusqu’à la fin des années 20.
Microphone à condensateur Western Electric 47A, utilisé de 1928 à 1935 environ.Microphone à ruban RCA 44 A (Brevet RCA de 1931). Il est utilisé de 1935 à 1949 environ. C’est le microphone de l’âge d’or du tango.
U47 de Georg Neumann GmbH. De 1947 à nos jour, ce microphone électrostatique (« the Telly » était le fétiche de Frank Sinatra).
Écoutons la différence entre acoustique et électrique
L’orchestre de Francisco Canaro a enregistré à deux reprises le tango Caricias. Une fois en 1924, avec un système d’enregistrement acoustique et une fois en 1927, avec un système électronique.
Il est très intéressant de voir comment la qualité a été améliorée en l’espace de quelques mois…
Écoutez la différence de qualité entre l’enregistrement acoustique et l’enregistrement électrique.
Voilà donc pourquoi on n’écoute généralement pas de tangos enregistrés avant 1926 dans les milongas
Pour vous en convaincre, écoutez ces deux extraits du même thème avec des interprétations très différentes et une qualité technique fort dissemblable.
Début de : El criollo falsificado (el Porteñito) 1906 – Alfredo Gobbi y Flora – Vous voyez-vous danser là-dessus ?Début de : El Porteñito 1928-09-26. Típica Victor (direction Carabelli). Ce titre est tout à fait passable en milonga. La qualité d’exécution et technique est très satisfaisante. Évidemment, ce style canyengue n’est pas le plus raffiné, mais de temps à autre, dans une milonga, c’est sympa. Fin de : El Porteñito 1943-03-23. Angel d’Agostino y Angel Vargas. On notera comme le rythme s’est également accéléré, passant du canyengue à la milonga. La qualité sonore est excellente, même si celle de la Típica Victor de 1928 n’a pas à rougir.
Phonographe Edison 1877. Il enregistrait sur un cylindre d’étain. Il servait aussi à la reproduction.
Je pense que vous êtes nombreux à penser que les premiers enregistrements sonores datent environ de 1877, avec l’invention d’Edison et Marie qui a un petit agneau.
En effet, si le Phonographe d’Edison est probablement le plus ancien à avoir diffusé un son enregistré, deux inventions françaises antérieures l’ont précédé.
La première et la plus ancienne est celle d’Édouard-Léon Scott de Martinville qui permettait de voir le son grâce à son Phonautographe.
La demande de brevet a été déposée le 25 mars 1857 sous la référence 1 BB 31470.
Phonautographe d’Édouard-Léon Scott de Martinville fabriqué par Rudolph Kœnig.
Édouard-Léon Scott de Martinville (1817-1879) a réalisé les premières captures de son dès 1853, soit 24 ans plus tôt qu’Edison. Mais alors, pourquoi ne lui donne-t-on pas la palme du premier enregistreur ?
Pour le comprendre, il faut étudier le fonctionnement de l’engin.
Dessin du phonautographe, joint au dossier de brevet de Scott de Martinville (version de 1859). Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Un pavillon canalise les sons entrants. Ce système était courant, car le cornet acoustique utilisé par les personnes ayant une baisse de l’audition utilisait déjà ce principe depuis plusieurs siècles.
Antonias Nuck (1650—1692) Cornet en forme de cor de chasse équipé d’une poignée
Cependant, contrairement aux procédés ultérieurs d’Edison, le système de Scott de Martinville enregistre la déviation d’un faisceau lumineux sur une feuille de papier sensible à la lumière.
Phonautogramme réalisé par Scott de Martinville en 1859
Le catalogue de Rudolph Kœnig
Rudolph Kœnig, fabricant de matériel de laboratoire, obtient un accord d’exclusivité pour la fabrication des Phonautographes à partir de 1859. Voici comment il décrit ce matériel dans son catalogue. Tout d’abord, dans la préface : « Dans le présent catalogue, j’ai ajouté aux instruments d’acoustique réunis dans la dernière édition du Catalogue de M. Marloye, de 1851, et aujourd’hui partout adoptés dans les cabinets de physique, un nombre assez considérable d’appareils nouveaux. Une partie de ces appareils sont devenus, dans l’état actuel de la science, presque indispensables pour l’étude de l’acoustique ; les autres offrent encore assez d’intérêt pour figurer dans les cours et les collections, d’instruments de physique. Je crois devoir attirer particulièrement l’attention des savants sur l’appareil de phonautographie (fixation graphique du son) reposant sur les brevets de M. L. Scott, et dont je suis le seul constructeur, parce que cet instrument ne permet pas seulement de répéter une longue série d’expériences très-intéressantes, mais qu’il donne aussi le moyen de faire un grand nombre de recherches scientifiques qui jusqu’à présent étaient restées absolument inabordables. »
Puis vient la description de l’équipement :
48. Phonautographe de M. t. Scott. 500 »
49. Le même, avec cylindre et porte-membrane en bois. 400 » Par les trois moyens sur lesquels s’appuient les brevets de M. L. Scott, c’est-à-dire : 1° l’emploi d’un style souple et tout à fait léger ; 2° l’application de ce style sur une membrane placée à l’extrémité d’un conduit ou récepteur du son, et 3° la fixation des figures obtenues sur un papier ou tissu revêtu d’une couche d’un noir de lampe spécial, il devient possible d’obtenir avec cet appareil non seulement le tracé de tous les mouvements vibratoires des corps solides d’une manière beaucoup plus facile et complète, et sur une étendue beaucoup plus grande qu’avec les deux instruments des Nos 46 et 47, mais on peut aussi imprimer directement tous les mouvements qui s’accomplissent dans l’air ou dans d’autres fluides, et c’est par là surtout que l’appareil ouvre un champ nouveau et vaste à des recherches de ce genre. Dans le prospectus ci-joint de M. Scott, on trouve encore des détails sur cet instrument et l’énumération d’une série d’expériences qui nous ont déjà réussi au point de pouvoir être répétées sans difficulté par tout le monde, car le maniement de l’appareil est rendu excessivement facile par la manière dont il est disposé.
50. Collection d’épreuves de tout genre obtenues par l’appareil précédent.
Extrait du catalogue de Rudolph Kœnig 1859 – Page de couverture et fascicule sur le Phonautographe.
Phonautogramme des vibrations sonores émises par des tuyaux d’orgue (Rudolph Kœnig, 1862).
Ce principe de l’enregistrement optique est viable, car il a été utilisé pendant des décennies pour le cinéma, notamment pour les grands classiques hollywoodiens qui utilisaient le son optique (procédé Movietone).
Ce qui manquait à l’époque de Scott de Martinville, c’était le système de lecture de ce que l’on avait enregistré.
L’invention de Charles Cros
Il manquait donc la partie de reproduction du son enregistré avec le Phonautographe. Charles Hortensius Émile Cros a eu l’idée vers 1876 de graver par gravure chimique des tracés réalisés avec un Phonautographe. Les gravures obtenues devaient permettre d’être reproduite en faisant se déplacer une aiguille reliée à une membrane connectée à un pavillon.
Allant plus loin dans sa logique, il considère l’idée de graver directement, sans passer par l’étape optique. Il dépose alors le 18 octobre 1876, un document décrivant « un procédé d’enregistrement et de reproduction des phénomènes perçus par l’ouïe ». Ce document est finalement enregistré par l’Académie des sciences le 30 avril 1877 et ouvert le 8 décembre, à la demande de Charles Cros, soit deux jours après l’enregistrement d’Edison (Mary has a little lamb) et plus d’une semaine avant la demande de brevet d’Edison.
Son appareil qu’il a nommé Paléophone est constitué d’une membrane vibrante dotée en son centre d’une pointe qui repose sur un « disque animé d’un double mouvement de rotation et de progression rectiligne » (c’est le principe des platines à bras tangentiel pour disques vinyles).
Paléophone de Charles Cros. Il n’est pas sûr que ce matériel ait été fabriqué, même si l’abbé Lenoir a essayé sans succès de le réaliser.
Dans le dispositif décrit par Charles Cros, le son de la voix fait vibrer la membrane qui elle-même anime l’aiguille qui trace un sillon sur le disque. Lorsque l’aiguille parcourt le sillon produit, elle transmet une vibration à la membrane qui reproduit le son du départ.
Le petit doute sur la viabilité de la solution par rapport à celle d’Edison, c’est l’utilisation de la feuille d’étain ou cuivre mince qui n’est pas clairement mentionnée dans le brevet, mais dans des écrits antérieurs, non-déposés.
Contrairement au Phonautographe, le procédé est réversible. Il enregistre et restitue les sons.
Edison est-il inventeur ou copieur ?
Si on en croit les « on-dit », l’idée qu’Edison se serait approprié l’idée de Scott de Martinville et celle de Cros ne serait pas si étonnante, si on se souvient qu’on l’accuse d’avoir également volé les idées :
de la lampe à incandescence à Humphry Davy
de la chaise électrique à Harold P. Brown
de la caméra à William Dickson
du négatif sur papier ciré à Gustave Le Gray
de l’utilisation des rayons X (fluoroscope) à Wilhelm Röntgen
Je ne me lancerai pas dans le débat, c’est un peu comme Gardel qui, bien que né en France, est revendiqué par les Uruguayens. L’enregistrement sonore est né en France et Edison qui était parfaitement documenté a eu plusieurs mois pour avoir connaissance du procédé imaginé par Charles Cros, d’autant plus que ce dernier a été publié par l’abbé Lenoir dans la Semaine du Clergé et que donc Edison avait tous les éléments sous la main. Le Phonautographe de Scott de Martinville et la description du dispositif de Charles Cros.
Récemment, FirstSound a essayé de donner la parole aux enregistrements de Scott Martinville. L’idée a été de transformer les tracés en sons.
Je n’entrerai pas dans le détail des deux méthodes employées, mais vous pourrez avoir des précisions dans le site de FirstSound.
Sur ce site, vous pourrez également entendre divers enregistrements restitués, comme « Au clair de la Lune » (dans deux versions de 1860).
Parmi les enregistrements restitués, j’attire votre attention sur « Diapason at 435 Hz – at sequential stages of restoration (1859 Phonautogram) [#33] ». On peut y écouter successivement différents états de restauration du signal, le dernier étant digne d’un enregistrement moderne. Cependant, il y a plusieurs biais dans leur restitution.
La première est que ce serait l’enregistrement d’un diapason à 435 Hz. Pour ma part, je pense qu’il s’agit plutôt du diapason à 512 Hz dans la mesure où dans son catalogue, Rudolph Kœnig vend sur la même page que le Phonautographe, un diapason à 512 Hz (Ut). Ce serait assez curieux qu’il utilise un autre matériel que celui qu’il vend pour son enregistrement…
C’est d’autant plus embêtant que cela discrédite un peu les restitutions. Ils sont partis de ce qu’ils voulaient obtenir pour faire « parler » l’enregistrement. On se fiera donc plutôt au début du fichier sonore en imaginant que Rudolph Kœnig a enregistré un son plus aigu que celui qu’ils restituent.
Pour les autres enregistrements, comme « Au clair de la Lune », il faut espérer que la part d’interprétation n’est pas exagérée.
Quoi qu’il en soit, avec un siècle et demi de retard, les enregistrements de Scott de Martinville parlent et même chantent.
Merci à FirstSound pour cet exploit et Monsieur Edison, arrêtez de piquer les idées des autres.
Dans un autre article, nous évoquons l’histoire des enregistrements de tango, domaine qui nous intéresse particulièrement. Vous le trouverez au bout de ce lien.
Quelques trésors du National Recording Preservation Board de la Library of Congress
Enrique Santos Discépolo (1901-1951), cité par Ernesto Sabato (1911-2011) dans « Tango, discussion y clave » (1963).
Le tango est une pensée joyeuse qui se danse (DJ BYC Bernardo 😉
Pour certains, le tango est une musique compassée, triste, à la limite dépressive.
Cette impression est bien souvent causée par une méconnaissance de cette culture, ou pour le moins par la prise en compte d’une partie trop restreinte du répertoire.
En regardant rapidement dans ma collection, j’identifie environ 200 titres clairement à classer comme faisant preuve d’humour, voire à la limite de la farce.
Bien sûr, l’humour n’est pas universel et ce qui faisait rire les Argentins dans les années 40 n’est sans doute pas ce qui fait rire un européen d’aujourd’hui.
Tout d’abord, quand on est DJ, un des buts est que les gens s’amusent. Je sais que mon travail est réussi quand les gens sourient, voire rigolent.
Beaucoup de milongas son hilarantes à danser, mais aussi certaines valses et des tangos ne manquent pas d’humour. Même ce cher Pugliese a fait des enregistrements amusants.
Le DJ joue avec les sentiments pour alterner des tandas gaies et d’autres plus romantiques voire tristes, mais avec modération, les danseurs sont là pour s’amuser, pas pour ce couper les veines.
C’est d’ailleurs une grande différence entre les milongas d’Europe et celles de Buenos Aires. Dans les premières, on se prend au sérieux, dans les secondes, on vient passer un bon moment. C’est peut-être ce genre d’attitudes qui incitent certains DJs européens à adopter des répertoires peu euphorisants.
Avec plus de 20 ans d’expérience dans le domaine, je peux témoigner que même dans les plus sérieux encuentros, l’humour a sa place et que finalement, les danseurs apprécient les musiques divertissantes, même si leur proportion est sans doute moindre dans ce type d’événement.
La vie est trop courte pour la gâcher en étant triste, la milonga est une fête et oublier que le tango est avant tout un divertissement populaire est à mon sens une erreur.
Je pense que je vais faire un article sur le sujet pour mon blog, car cela me désole de voir des danseurs s’ennuyer avec des DJs dépressifs. Ces derniers croient bien faire, mais ainsi, ils desservent l’âme du tango et c’est dommage.
Entre la vulgarité d’un Rodriguez, la joie nostalgique d’un Firpo, l’énergie euphorisante de D’Arienzo ou l’éclectisme de Canaro il y a de quoi faire.
Rions le tango !
For some, tango is a piece of compassed, sad music, bordering on depression.
This impression is often caused by a lack of knowledge of this culture, or at least by considering too small a part of the repertoire.
By quickly looking through my collection, I identify about 200 titles clearly to classify as humorous, even bordering on farce.
Of course, humour is not universal and what made Argentines laugh in the ’40s is probably not what makes a European laugh today.
First, when you’re a DJ, one of the goals is for people to have fun. I know that my work is successful when people smile or even laugh.
Many milongas are hilarious to dance, but some waltzes and tangos do not lack humour. Even this dear Pugliese made some funny recordings.
The DJ plays with feelings to alternate cheerful tandas and other more romantic or even sad ones, but in moderation, the dancers are there to have fun, not to cut the veins.
This is also a big difference between the milongas of Europe and those of Buenos Aires. In the first, we take ourselves seriously, in the second, we come to have a good time. It is perhaps this kind of attitude that encourages some European DJs to adopt repertoires that are not very euphoric.
With more than 20 years of experience in the field, I can testify that even in the most serious encuentros, humour has its place and that finally, dancers appreciate entertaining music, even if their proportion is probably lower in this type of event.
Life is too short to ruin it by being sad, the milonga is a party, and forgetting that tango is above all a popular entertainment is, in my opinion, a mistake.
I think I’m going to do an article on the subject for my blog because it saddens me to see dancers bored with depressed DJs. The latter think they are doing well, but in this way, they serve the tango’s soul, which is a shame.
Between the vulgarity of a Rodriguez, the nostalgic joy of a Firpo, the euphoriant energy of D’Arienzo, or the eclecticism of Canaro there is plenty to do.
Let’s laugh at the tango!
Le tango, une pensée joyeuse qui se danse (DJ BYC Bernardo)
« Il faut du travail, mais aussi de la sensibilité, sans doute la capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité… quelles sont pour toi les qualités d’un bon DJ ? ».
Sonia, je vais répondre sur chacun des points avec le code couleur que j’ai utilisé pour mettre en valeur ta question :
Il faut du travail
Moins qu’avant, car la musique est largement disponible, bien mieux classée et de meilleure qualité qu’il y a vingt ans ou trente ans.
L’ordinateur permet de gagner beaucoup de temps pour le classement, la facilité d’écoute et la recherche des musiques.
Les choses ont tellement été simplifiées sur ces plans que toute personne ayant mis la main sur une playlist de tango et ayant un ordinateur se déclare DJ.
Si c’était si simple, cela ferait longtemps que l’on aurait créé la « playlist idéale » et qu’on la passerait dans toutes les milongas du monde.
Les humains étant versatiles, différents, les conditions de bal, les cultures, les habitudes et autres différant d’un lieu à l’autre et d’un jour à l’autre, cette fameuse playlist idéale sera obsolète dès sa deuxième tentative d’utilisation.
Tout au plus, dans des milongas régulières, on peut se permettre de passer le même type de playlist chaque semaine.
Si on intervient sur un événement différent de sa zone habituelle, les ennuis vont être bien plus importants pour ces pseudo-DJ, car ils vont se confronter à d’autres goûts et attitudes.
Ils devront donc être capables de repérer le plus rapidement possible ce qui va rencontrer le public.
La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité
Pour déterminer les goûts des danseurs, il faut savoir observer, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera difficilement un excellent DJ, car il fera préférentiellement passer ses goûts avant ceux de son public, en admettant même qu’il s’en soucie…
La sensibilité, c’est aussi avoir une culture musicale permettant de se repérer dans les époques, les styles afin de pouvoir varier les musiques et éviter les « tunnels » (succession de tandas semblables qui génèrent l’ennui).
La connexion avec le groupe, cela dépend de la personnalité du DJ. Certains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont très attentifs à eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borelli.
Un autre, très différent, est Marcelo Rojas (également de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va parler à son public et se tenir majoritairement debout.
Ceux qui me connaissent savent que j’abuse parfois de cette recherche de complicité avec les danseurs. Ceux qui préfèrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me demandent d’être discret, ce que je peux faire, bien qu’avec difficulté 😉 Jeudi prochain, je serai DJ dans une milonga très traditionnelle de Buenos Aires et je serai discret, si, si…
Les goûts des danseurs sont différents et avoir un éventail de personnalités de DJ est intéressant.
En ce qui concerne le sens psychologique, je parlerai plutôt de sens de l’observation. Remarquer la hauteur des talons, les âges, les proportions de danseurs et danseuses, leurs capacités d’écoute de la musique, comment les gens sont entre eux, s’ils se connaissent, s’ils sont plutôt joyeux ou introvertis (le but peut être de les faire changer d’attitude s’ils sont un peu trop compassés ; —)
La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public
Une fois qu’on a mis en place les éléments précédents, c’est-à-dire que l’on a :
Une bonne diversité de musique en stock et bien sûr, tous les « incontournables »
Une excellente connaissance de sa base de musique
Une bonne détermination des goûts et attentes des danseurs
Une connexion intéressante avec le groupe
On peut alors essayer de sortir des sentiers battus. Cependant, il me semble qu’il faut développer ce point avant d’aller plus loin.
Le tango est une danse assez particulière, basée sur l’improvisation. Les couples évoluent sur la musique, sans aucune chorégraphie préalable et dans une construction mutuelle de la danse. Ils doivent également tenir compte des contraintes du lieu, des déplacements des autres couples et d’autres critères pouvant aller d’un trou dans le plancher à une personne assise avec les pieds qui traînent sur la piste en passant par le serveur qui passe avec un plateau chargé de verrerie.
Toutes ces « contraintes » sont en fait des enrichissements qui permettent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire toujours la même chose. Mais les plus grandes aides à l’improvisation sont bien sûr la musique et le (la) partenaire.
Le partenaire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il propose des tandas roses, américaines, des femmes, des bonbons ou d’autres suggestions et encouragements à ne pas être trop strict sur les règles d’invitation et acceptation de l’invitation. Ce levier est aussi aux mains de l’organisateur.
Tout cela pour en venir à la sortie des sentiers battus. Le DJ peut apporter une note de fantaisie, mais il me semble qu’il a également la responsabilité de conduire les danseurs vers « le tango » et pas vers une danse « créative », mais qui aurait perdu les caractères de la danse originale.
Je n’ai rien contre les milongas alternatives, j’en ai même musicalisé, cependant, je suis certain qu’il est quasiment impossible de danser le tango sur ces musiques. On peut faire des « figures » de tango, adopter un abrazo milonguero ou salón, mais il manquera l’impulsion, la variété compréhensible qui rend la musique propice à l’improvisation pour que les danseurs se sentent en sécurité avec la musique.
Si la musique est hyper connue, les danseurs pourront improviser. Si la musique n’est pas connue, il faudra que les danseurs soient capables de deviner la suite, de la pressentir. C’est la limite que devra s’imposer le DJ pour ne pas déstabiliser les danseurs et leur ouvrir de nouveaux horizons.
La plupart des musiques actuelles sont à quatre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adaptées au tango. Ce n’est malheureusement pas souvent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « traditionnels ». Ils ne trouvent pas dans des musiques trop éloignées de leur zone de confort, ce qu’ils recherchent pour construire leur danse.
Avec des danseurs moins connaisseurs, les musiques alternatives ou les tangos plus « originaux » passent relativement bien, car très peu dansent la musique. Ils peuvent danser sur la musique, mais pas la musique.
Danser sur la musique, c’est poser les pieds sur les temps et faire des pauses quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une écoute attentive pour danser tantôt sur un instrument, tantôt sur un autre (les tangos de danse proposent d’eux-mêmes une diversité d’interprétation dans les différentes reprises du même thème). C’est prévoir les variations de rythme pour préparer sa partenaire (ou se préparer si on préfère être suiveur.
Donc, sortir des sentiers battus, ça peut tout aussi bien être de proposer un tango traditionnel, mais plus rare ou proposer une musique qui n’est pas de tango, mais qui sera à la portée des danseurs. Dans ce dernier cas, on remarquera que le plus les danseurs sont familiers avec le tango et plus ils auront du mal à s’adapter à une musique trop « étrange ».
Sortir des sentiers battus, c’est cependant une responsabilité du DJ d’un lieu donné. Dans des communautés où il y a peu de diversité dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goût des danseurs en leur proposant un type de musique atypique. Ces danseurs seront donc habitués à d’autres sentiers et le jour où ils iront dans une milonga plus classique, ils seront déroutés et perdront ce qui fait une des grandes richesses du tango, pouvoir danser avec n’importe qui dans le monde à condition de savoir guider et suivre. On pourrait dire la même chose des « professeurs », d’ailleurs.
Pour reprendre le chemin de la question initiale, un DJ invité devra à la fois se couler dans les habitudes du lieu, mais aussi apporter sa voix/voie originale. S’il passe la même musique que le DJ résident, quel est l’intérêt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en créant un climat de confiance. À la limite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pourra renverser le saladier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues à l’esprit des danseurs.
Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son public ». Le DJ est avant tout un animateur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les satisfaire. Il construit ses tandas pour que les danseurs se séparent comblés. Par exemple, une des règles de base qui consiste à alterner les styles est une forme très simplifiée de « donner envie ».
Après une tanda énergique, comme une tanda de milongas, il est courant de proposer une tanda plus calme, voire romantique. Si on propose une tanda tonique à la place de cette tanda calme, il faudra qu’elle soit irrésistible. Les danseurs se jetteront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussé à la tanda suivante. Ils ne l’apprécieront que mieux.
La construction de la tanda suscite aussi l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tandas de quatre que de trois, car on a plus de graduation pour guider les danseurs. On peut commencer calme et terminer avec beaucoup d’énergie. Dans une tanda de trois, les transitions risquent d’être plus heurtées ou il faudra se limiter dans la progression.
En résumé, il y a tellement de facteurs à prendre en compte que toutes les qualités possibles seront utiles au DJ de tango qui n’est pas un créateur comme le DJ de boîte de nuit. Il est celui qui propose avec empathie, avec le seul but de faire passer une excellente soirée aux danseurs.
Un dernier point, il doit aussi être masochiste, car la responsabilité du DJ rend le travail très stressant et il est frustrant de ne pas pouvoir danser avec les danseurs quand le bal est magnifique.
Être un bon DJ est une énorme quantité de travail. Posséder beaucoup de musique n’est pas suffisant. Cela nécessite également des connaissances, du goût et une préparation extrêmement longue. Ça ne m’intéresse pas de le faire, parce que c’est beaucoup trop de travail, et je préfère danser (l’article est écrit par une danseuse londonienne (NDT BYC). Il n’est bien fait que par des gens qui aiment vraiment le faire pour eux-mêmes, et qui aiment vraiment faire le travail qui est requis.
Les danseurs mal informés et sans attentes créent un mauvais DJing et l’aident à persister, et un mauvais DJing limite la qualité globale de la danse en rendant la danse sociale beaucoup plus difficile qu’elle ne devrait l’être.
J’aimerais que les DJ soient plus appréciés. Cette check-list a pour but d’aider le danseur, en particulier le débutant, à réfléchir au DJing. Il ne suppose pas plus de connaissances musicales que la capacité de faire la différence entre le tango, la milonga et la valse, mais il repose en partie sur le fait que la musique de tango a un sens pour vous et vous donne envie de bouger. Certaines sont très subjectives, mais d’autres ne le sont pas. Profitez des morceaux de grâce habituels.
Commencez à 0. Ajoutez ou déduisez des points comme indiqué pour comparer les DJ. Vous pouvez choisir plus d’une réponse pour certaines questions. Si vous vouliez le personnaliser en fonction de vos priorités, vous pouvez évidemment modifier les scores. J’ai tendance à pénaliser les mauvaises performances sur les choses les plus mécaniques et les plus mesurables, parce qu’il n’y a aucune bonne raison de se tromper.
Bases musicales Est-ce que certaines musiques ne convenaient pas à la danse du tango en société ? Par exemple :
Elle vous demande de rester immobile et de poser, comme un pavé, plutôt que de danser
Il est impossible de s’y adapter à moins de connaître l’enregistrement particulier par cœur
Elle suggère fortement de grands mouvements dramatiques rapides et des changements soudains de vitesse qui sont grossiers et peu pratiques pour la danse sociale dans l’espace disponible
C’est de la bonne musique de danse, mais elle fait ressortir le pire des danseurs qui sont là.
En cas de doute, regardez la salle dans son ensemble : les indices sont que la ligne de danse cesse de se dérouler et sombre dans le chaos, il y a beaucoup de chutes, et la plupart des danseurs vraiment bons s’assoient, se cachent ou vont fumer à moins que quelqu’un ne les attrape. Si c’est ce à quoi ressemble normalement votre milonga, ajustez votre jugement en conséquence. [Édit. : Ce que vous cherchez, c’est si le DJ, ou une tanda individuelle font la différence].
Aucun de ces problèmes ne s’est produit (+10)
Un ou deux moments douteux (-5)
Plusieurs sections douteuses (-7)
Tanda après tanda, je m’ennuyais, j’ai reçu des coups, ou les deux (-10)
Avez-vous déjà été surpris par une pièce qui ne correspondait pas à cette tanda et qui vous a causé des difficultés, de l’embarras ou de la déception à vous ou à votre partenaire ? Par exemple :
Un changement d’humeur ou de style choquant au milieu de la tanda, de sorte que vous avez senti que vous deviez dévisser votre tête et la revisser
Une ouverture trompeuse qui signifiait que vous passiez à côté d’une tanda que vous auriez autrement aimée
Une pièce faible ou décevante au milieu, ou à finir
Changements de vitesse excessivement brusques
Une tanda mélangée de musique que vous auriez préféré danser avec deux personnes différentes – ou une partie pas du tout.
Aucun de ces problèmes ne s’est produit (+10)
Une ou deux fois, peut-être une question d’opinion (-3)
Plus, peut-être une question d’opinion (-5)
Une ou deux fois, sans aucun doute ! (-7)
Plus que cela (-10)
Tout le temps de retournement ! (-15)
Dans l’ensemble, sans se soucier de pistes spécifiques, quelle était la qualité du son ?
Bon – j’ai pu sentir la musique et vraiment m’y plonger (+7)
OK – Je l’entendais de partout (+5)
Médiocre – je ne pouvais pas l’entendre assez clairement pour entrer dedans correctement – étouffé / pas de détail / pas de profondeur / trop silencieux / fort, mais boueux / déformé / trop fort parce que DJ est sourd (-5)
Ne s’applique pas, l’équipement de ce lieu est médiocre, donc je ne peux pas le dire (0)
Y a-t-il eu de mauvais choix de pistes spécifiques, comme quelque chose de beaucoup trop rapide, beaucoup trop lent, ou avec une qualité sonore inacceptable ?
Non (+5)
Un ou deux, incertains (0)
Plus que cela (-5)
Les cortinas vous ont-elles rendu heureux ?
Oui (+5)
Elles ont rendu les gens heureux, mais pas moi en particulier (+3)
Non, elles étaient généralement ennuyeuses (-3)
Elles n’ont pas fait le travail, je n’ai pas toujours pu dire ce qui était une cortina ou s’il y en a eu (-5)
Ne s’applique pas – cette milonga a une politique de non-cortinas (0)
Il y avait-il suffisamment de tandas de vals (V) et milonga (M) par rapport au tango (T), et elles étaient-ils jouées de manière régulière pour que vous sachiez où vous étiez ?
À peu près à droite – quelque part dans la gamme TTVTTM ou TTTTVTTTTM, tout ce qui avait du sens compte tenu de la longueur de cette milonga (+5)
Pas assez – TTTTTTTTTTM ou quelque chose comme ça (-5)
Trop – TVTMTVTMTVTM DJ WTF ? (-7)
Tellement chaotique que je ne pouvais pas dire – TT VV TTTTVTTTTTMTMV, ou quelque chose comme ça. (-10)
« Tanda » n’est pas le bon mot. (-15).
Les cortinas étaient-elles assez longues pour que vous puissiez dégager la piste et trouver votre prochain partenaire sans obstruer la vue de quelqu’un d’autre, compte tenu de la taille de la pièce, et en supposant qu’il y ait un endroit pour s’asseoir ?
Oui (+3)
Non (-3)
Le DJ a-t-il diffusé gracieusement à la fin avec de la musique qui n’est pas du tango pour que les gens se calment et s’éclaircissent, en supposant que cela soit possible ?
Oui (+4)
Non, il a utilisé le temps prévu et s’est arrêté là (0)
Professionnalisme
La musique a-t-elle retenu toute l’attention du DJ ?
Oui, tout ou presque tout le temps (+5)
Oui, autant que nécessaire dans la situation (+3)
Moins que cela (-3)
Non, il est sorti fumer et la musique s’est arrêtée (-10)
Non, il a mis une playlist/CD et s’est fâché avec les danseurs (-20)
S’il y avait des problèmes avec l’équipement, le DJ les a-t-il traités calmement et avec compétence ?
Oui, exceptionnel – par exemple, il est rentré chez lui et a acheté un meilleur équipement. Il a trouvé un autre ordinateur (+7)
Satisfait aux attentes – contournement du problème et correction (+5)
Un drame ! Mais il s’en est sorti (+3)
Non (-5)
Sans objet (0)
Le DJ a-t-il eu de la difficulté à utiliser l’équipement de sonorisation ?
Non (+2)
Il y a eu quelques conneries faites (-2)
Il y a eu quelques problèmes, mais compréhensibles dans les circonstances (0)
Le DJ n’était clairement pas préparé (-7)
Le DJ a-t-il semblé à un moment donné oublier pourquoi il/elle était là ? A-t-il, par exemple, suivi une performance de vingt minutes, dans une milonga de trois heures, avec une piste de jive de cinq minutes pour qu’un seul couple puisse danser dans une performance bonus non officielle, pendant que tous les autres attendaient comme des citrons, comme s’ils attendaient les photos d’un mariage qui se retourne, et dans la position inconfortable de devoir prétendre qu’ils n’étaient pas du tout ennuyés et qu’ils n’avaient rien de mieux à faire que de regarder cette vanité ?
Non (0)
Oui (-5)
Oui, et ce couple se comprenait lui-même ou son conjoint/partenaire et/ou au moins un membre du couple qui venait de se produire (-10)
Oui, mais, j’étais d’accord avec ça dans les circonstances (0)
S’il y avait un intermède de danse traditionnelle, comme la chacarera, ou une autre danse comme le jive ou la salsa, était-il bien programmé, pas trop long et agréable pour un nombre raisonnable de personnes présentes ?
Oui, c’était amusant, ça m’a plu / ça ne m’a pas dérangé de regarder (0)
Non, c’était un bordel fastidieux, personne ne pouvait danser dessus, ou ça prenait la dernière heure avant le dernier métro ! (-5)
C’était ennuyeux, mais c’était exigé par les professeurs invités ou le lieu (0)
Questions
La musique était-elle :
Prétentieusement salé avec l’indansable, l’obscur ou l’inapproprié (-10)
Disposés de manière irréfléchie au fil du temps, avec de bonnes choses gâchées par le fait d’être trop proches les unes des autres (-5)
D’accord, mais à un rythme, trop d’un genre de chose (+5)
Bon, mais avec un style de DJ qui n’est tout simplement pas à mon goût (+10)
Convenablement variée, avec un bon mélange entre rythmique et lyrique et dramatique, compte tenu de la situation (+15)
Brillamment mixé, chaque tanda donnant l’impression d’être un changement parfait après le précédent (+20)
Qu’avez-vous ressenti par rapport à « l’énergie » dans la pièce ?
Confus et chaotique. (-7)
Bas. Ni moi ni mes partenaires préférés n’avons pu entrer dans la musique. (-5)
Un peu plat, j’aimais bien la musique, mais je n’avais pas vraiment eu envie de m’y plonger (-2)
Bien, ça se passait toujours bien (+5)
Magnifique, il a réussi avec de bonnes sensations, variées (+10)
Fantastique, j’ai passé une excellente soirée, tout le monde était en effervescence, tout coulait de source et j’étais aussi très heureux quand j’étais assis (+15)
Choisissez trois très bons danseurs sociaux qui étaient là, de préférence célibataires. À quel point semblaient-ils danser ?
Pas du tout, peut-être une ou deux tandas avec la bonne personne (-5)
Un peu, comme d’habitude en fait (0)
Plus que d’habitude (+5)
Tout le temps, et en prenant plus de risques que d’habitude avec le choix du partenaire (+10)
Subjectivement, qu’en avez-vous pensé ? Pas de scores ici – comparez avec ce que vous avez obtenu ci-dessus.
C’était génial / ça a été une révélation pour moi / ça a transformé le lieu ou la situation pour le mieux.
C’était très bien. J’en étais très content.
C’était bien, mais il y avait quelques défauts, ou c’était bien fait, mais ce n’était pas mon truc.
C’était bon et constant, je pouvais lui faire confiance, mais peut-être que ce n’était pas inspirant.
C’était généralement inoffensif et ne m’a pas causé de problèmes sérieux.
Pas bon – c’était faible ou m’a ennuyé plusieurs fois.
C’était pauvre. Je ne pouvais pas lui faire confiance. Si quelque chose de bien se présentait, je devais prendre quelqu’un.
C’était mauvais – moi, ou mes partenaires envisagés, nous ne voulions tout simplement pas danser. Inutile de rester.
Je tracerais la ligne de démarcation entre 4 et 5.
Un organisateur me disait il y a quelques temps qu’il suffisait de secouer un arbre pour que 10 « DJ » en tombent. L’arrivée de l’ordinateur dans le DJiing et la diffusion de tangos via Internet ont très clairement démocratisé le métier de DJ de tango. Il suffit désormais de télécharger des playlists pour se dire DJ. C’est un peu facile, mais est-ce souhaitable pour les danseurs ? Bien sûr, ce phénomène existait auparavant avec les compilations organisées en tandas, vendues par certaines milongas et DJ portègnes, ou par divers autres canaux. Ce qui est nouveau maintenant, c’est que la facilité d’utilisation de l’ordinateur permet de mélanger ces morceaux, sans avoir à maîtriser les outils en temps réel. Et c’est là que le bât blesse. En effet, une compilation, qu’elle soit en provenance d’une milonga de Buenos Aires, ou qu’elle ait été réalisée à la maison par l’apprenti DJ, NE PEUT CONVENIR À COUP SÛR À LA MILONGA en cours de musicalisation.
Sentir la milonga
Le rôle du DJ est de diffuser le bon morceau au bon moment. Si c’est pour diffuser une playlist, il suffit d’un CD gravé, d’un lecteur mp3 ou d’un ordinateur. Je me demande quel peut être l’intérêt pour le DJ qui reste 5 heures ou plus derrière son ordi à faire semblant de bricoler une playlist qui est de toute façon immuable…
Je comprends mieux les motivations de ce DJ qui se contente de couper la fin de la cortina sur son lecteur mp3 pour être le premier sur la piste. Lui, il veut danser sur les musiques qu’il aime et peu importe le vécu des danseurs (ou non-danseurs qui voient le DJ, s’agiter sur la piste alors qu’eux attendent un titre à peu près à leur goût).
Pour moi, le DJ doit sentir la milonga, regarder ceux qui ne dansent pas, repérer ce qui fait lever certains et pas d’autres, afin que chaque sensibilité puisse trouver de quoi avoir envie de danser. Il pourra faire des tests, par exemple en variant les cortinas, ou en observant les réactions devant un morceau un peu plus surprenant.
Mais dans tous les cas, c’est l’adéquation entre les envies des danseurs et la programmation qui fera le succès de la soirée.
Le choix du DJ
J’ai été très interpelé il y a quelque temps en discutant avec un organisateur qui me disait qu’il sélectionnait ses DJ par rapport à leur style. Je crois qu’il pensait que mettre un DJ « catalogué » d’un style proche de sa milonga était un gage de qualité. De fait, s’il lui arrive de faire venir de bons DJ, il recrute finalement, surtout des maniaques de la playlist.
Vous avez tous en tête certains DJ capables de musicaliser un festival, une milonga de Buenos Aires ou un encuentro milonguero avec le même bonheur, mais pas avec la même musique. C’est que ce DJ sait jouer des paramètres offerts par la musique et des moyens techniques à sa disposition pour s’adapter réellement à son public.
Paramètres à la disposition du DJ pour adapter sa musicalisation
Les orchestres sont la première variable. Il est possible de varier les orchestres pour éviter la monotonie.
Les styles des orchestres est un facteur important. Notons aussi qu’un même orchestre, suivant les périodes peut avoir des ambiances différentes.
Les formes de tangos (chantés, instrumentaux, canyengue ou autres) sont très directement ressenties par les danseurs. Cependant, globalement, les titres chantés sont majoritaires car ils sont plus plaisants à danser à condition de choisir des tangos chantés et pas des chansons de tango, ce qui est une erreur beaucoup trop fréquente chez les apprentis DJ et qui plombent assurément la tanda…
L’énergie des morceaux est sans doute le paramètre essentiel et souvent mal géré. Il ne faut en effet pas confondre énergie et vitesse. Des morceaux d’apparence calmes comme certains titres de Calo peuvent être très énergiques et inversement, des tangos bruyants et rapides peuvent être complètement plats à danser. Certains DJ confondent ces paramètres et vont diffuser des orchestres de style ou sonorité différents, mais qui ont tous la même énergie. Cela créé l’ennui à coup sûr…
L’organisation des tandas est très importante selon moi. En effet, si le premier morceau est destiné à faire se lever le plus de danseurs que possible, il ne faut pas que les autres déçoivent. Ils doivent être donc d’une énergie semblable et de préférence ascendante. Les danseurs ne doivent pas non plus subir de choc causés par des titres mal assemblés.
Réactivité et adaptation sont très importantes. Il m’arrive fréquemment de changer une tanda en cours de diffusion en fonction de ce qui se passe sur et autour de la piste. Si le premier titre n’a pas fait lever assez de monde, je place un second titre plus efficace, voire, je change l’ambiance de la tanda en la faisant évoluer. Je pense par exemple à une tanda de canyengue qui peut selon les publics passer parfaitement ou bien fatiguer. Je fais alors évoluer la tanda vers des canyengues plus rapides, voire plus du tout canyengue si cela n’a pas du tout de succès.
L’organisation des tandas en ronda est aussi un élément sur lequel le DJ peut jouer. Pour ma part, je diffuse quasiment toujours des tandas de quatre, y compris pour les valses et sauf pour les milongas ou des titres nuevos parfois plus longs. J’adopte cependant parfois les tandas de trois, sur une partie de la milonga, par exemple lorsque la durée est très courte et s’il y a un gros déséquilibre des partenaires. C’est cependant quelque chose que je répugne un peu à faire car cela entre dans la mode du « zapping » et l’on s’éloigne du tango. Il me semble préférable de faire des milongas qui durent plus longtemps afin d’offrir à tout le monde une chance de bien danser (c’est d’ailleurs le choix effectué par les portègnes…). La ronda comporte traditionnellement des successions de styles du type T T V T T M ou T = Tango, V = Vals et M = Milonga). Pour les milongas courtes où quand je veux donner beaucoup d’énergie, il m’arrive de faire T V T M, ou T V T T M. Il n’est pas possible d’utiliser cette ronda toute une milonga, car elle est très fatigante pour les danseurs… D’autres DJ vont multiplier au contraire les tandas de tango pour diminuer le nombre de Vals et Milongas.
Le volume sonore est aussi très important à considérer. Il arrive souvent que les cortinas soient plus fortes que les morceaux dansés. Je trouve cela illogique. C’est à mon avis les tandas qui doivent donner l’ambiance. Les cortinas sont là pour échanger quelques mots et se préparer à la prochaine tanda. Je pense aussi que la musique doit être jouée suffisamment forte pour que l’on puisse enter dedans sans être obligé de tendre l’oreille. Une cortina moins forte permettra de se reposer l’oreille et évitera d’avoir à pousser exagérément le volume de la tanda suivante pour couvrir les conversations qui auront été poussées pour couvrir le bruit de la cortina.
Je reste bref sur le choix des morceaux pour chaque compositeur et orchestre. C’est un des rôles majeur du DJ, mais ce n’est pas souvent là qu’est le plus gros problème (si on excepte la question des chansons diffusées comma tangos chantés). Le sérieux point noir vient de ce que ces morceaux sont diffusés dans un ordre hasardeux ou à mauvais escient. Deux excellentes tandas peuvent se tuer si elles se succèdent car elles peuvent être d’une énergie trop proche (ou trop différente).
L’utilisation de l’ordinateur conduit aussi à ne pas exploiter un des facteurs qui est l’intervalle entre les morceaux. Par défaut, j’ai un intervalle de 3,7 secondes entre les titres, mais il m’arrive de raccourcir ou prolonger cette durée en fonction du lieu, des danseurs et de l’énergie à diffuser. Par exemple, dans une tanda où il y a une dynamique mécanique très entraînante comme dans certains vals de d’Arienzo, il peut être intéressant de ne pas laisser de trop grands blancs pour que l’énergie reste en progression constante.
La longueur des cortinas est aussi à prendre en considération. Trop courtes, elles empêchent d’avoir le temps de retourner s’assoir, ce qui pénalise le renouvellement des couples. Il faut avoir le temps de raccompagner sa danseuse et de préparer la suite… Il ne faut pas qu’elle soit trop longue non plus. Une fois que les plus rapides ont fait leur choix, il est intéressant de lancer la tanda suivante…
Dans la pratique, il y a des dizaines d’autres paramètres que doit pouvoir estimer et maîtriser le DJ. Je prendrai juste pour exemple la diffusion d’une tanda de milonga dans la dernière heure d’une soirée. Certains DJ se l’interdisent par principe. En fait, c’est assez idiot dans la mesure où, où la milonga est appréciée, cette dernière tanda sera hyper bien vécue, dans le style éclate finale. Il m’arrive dans d’autres endroits, de remplacer une tanda de milonga par des vals, ou plus rarement l’inverse.
Aux organisateurs
J’espère que ces petits éléments vous permettront de voir plus clair sur comment choisir un DJ. Lorsque je suis danseur, j’ai envie de passer une bonne soirée et si je peux faire des kilomètres pour un DJ et même si tous les danseurs ne sont pas aussi exigeants, ils sont globalement tous sensibles à la musique et ils passeront, ou pas, une excellente soirée, avec fatigue, ou sans. Le DJ doit donc pouvoir veiller sur eux, en les ménageant ou en les tonifiant en fonction de l’ambiance du moment.
Un bon DJ a effectué un énorme travail en amont pour connaître et organiser sa musique, de façon à pouvoir programmer avec efficacité en direct. Ce travail mérite salaire et il me semble que l’on devrait payer le DJ en fonction de sa réussite. J’ai proposé à certains organisateurs un paiement à l’entrée. Curieusement, cela en gène beaucoup. Pourtant, quand le DJ fait venir deux fois plus de monde que le public habituel, il semblerait logique qu’il soit mieux payé.
Bienvenue dans cette merveilleuse activité qui consiste à faire danser le tango en choisissant des musiques. Je vous conseille très vite d’abandonner les playlists pour vous concentrer sur ce qui se passe dans la salle (y compris autour de la piste).
Vous pouvez en revanche organiser des tandas toutes faites, que vous diffuserez dans l’ordre qui convient à l’ambiance du moment. C’est un premier pas vers l’adaptation. Ainsi, si vous avez besoin d’une tanda plus calme ou plus tonique, vous en aurez quelques-unes toutes prêtes que vous pourrez diffuser en confiance, sachant que vous en ferez pas de grave faute de goût.
Lorsque vous aurez acquis de l’assurance, vous pourrez vous détacher de ces tandas préfabriquées pour en créer de nouvelles en direct. Pour acquérir cette liberté, il vous faut deux choses :
Bien connaître votre musique
Avoir bien organisé sa musique (rien de plus bête que de passer une milonga ou une ranchera au milieu d’une tanda de vals car on a mal étiqueté sa musique…).
Cela ne vous dispensera pas de la pré-écoute, notamment pour les cortinas… En général, j’ai au moins deux musiques en même temps dans les oreilles. La musique de la salle, la musique de la cortina et/ou la tanda que je suis en train de préparer. Il faut éviter de s’isoler de la salle pour toujours avoir conscience de la qualité sonore de la diffusion. Même si j’utilise en général des casques avec réduction de bruit, je n’active cette fonctionnalité que quelques instants, par exemple pour caler le début d’un morceau dont je ne souhaite pas diffuser l’introduction.
Existe-t-il une influence des vinyles sur l’ordre des morceaux d’une tanda ?
Byc Bernardo j’ai lu avec intérêt ton article. Concernant l’apport des vinyles, je me suis fait la remarque que certaines tandas « classiques » que l’on entend parfois (du genre où on peut prédire le morceau suivant) semblaient correspondre à l’ordre des morceaux sur un vinyle d’origine. Je me suis donc demandé si certains DJ à l’époque, peut-être par facilité, laissaient les quatre morceaux dans l’ordre du disque (un peu comme pour les cassettes) et que, par habitude auditive, certains DJ actuels reprenaient ce même ordre sans forcément savoir qu’il avait été dicté par.un aspect pratique au début. Qu’en penses-tu ? As-tu pu observer cela ?
Danseur anonyme, car je ne me souviens pas…
Ma réponse…
Excellente question, dont la réponse est facile à donner, c’est non 😉
Les disques des tangos de l’âge d’or étaient des 78 tours qui ne comportaient qu’un morceau par face. Il n’y avait donc pas d’obligation d’enchaîner deux morceaux.
Les publications vinyles étaient réalisées par des éditeurs qui ne cherchaient pas forcément à satisfaire les danseurs. Les morceaux sont dans un ordre quelconque, ou plutôt, ils sont organisés d’un point de vue « esthétique », pas du tout par tanda.
Le concept de disque tanda est même assez récent et quelques orchestres comme la Romantica Milonguera se sont lancés dans cette stratégie. C’est d’ailleurs un problème pour les orchestres contemporains qui n’ont pas leur style propre, ils font un morceau dans le style de d’Arienzo, un dans le style de Di Sarli et ainsi de suite et il est impossible d’en faire une belle tanda. Évidemment, les orchestres monostyles, comme la Juan d’Arienzo, sont plus faciles à utiliser.
Sur l’organisation à l’identique de tandas par différents « DJs », j’attribuerai cela plutôt à l’origine commune des tandas. À Buenos Aires, chaque DJ arrondit ses fins de mois en vendant des Playlists, y compris avec les cortinas toutes faites.
Tu l’auras compris, c’est du tout-venant et rarement de bonne qualité, les DJ conservent jalousement leurs meilleurs atouts.
D’autres récupèrent des playlists sur YouTube ou autres endroits, cela ne relève pas le niveau.
Mais, on peut en dire plus…
Cependant, il y a des logiques.
Les titres d’une tanda ne sont pas mis en œuvre de façon aléatoire. Pour moi, c’est comme une exposition de peinture, il doit y avoir une harmonie d’ensemble. Cela peut se faire en ayant des titres de la même période, mais ce n’est pas totalement sûr, les orchestres pouvant avoir enregistré le même jour une version à écouter et une à danser, ou des titres à la mode qui n’ont rien à voir. Après la pandémie, à Buenos Aires, plusieurs DJ s’étaient mis à mélanger dans les tandas des tangos instrumentaux et des chantés. C’est un peu passé de mode maintenant. Depuis la pandémie, beaucoup de choses ont changé et les organisateurs/DJ, cherchent des formules pour attirer la manne des touristes qui ont un taux de change très avantageux.
Une tanda est un voyage. On propose au début un morceau qui donne envie de se lever, puis on propose une progression. Le couple augmente en compétence et la dernière pièce est donc une apothéose, les danseurs étant parfaitement accordés, il est possible de se « lâcher » (ce qui est étonnant si on considère que l’abrazo est serré). Lorsque l’orchestre est très prolifique, il y a beaucoup de façon d’organiser les thèmes. Quand il a moins enregistré, c’est plus compliqué. Si on respecte l’harmonie des titres et le voyage, il reste peu de choix et donc, la redite est probable.
La cassette, ferait-elle un coupable idéal ?
Maintenant que j’ai donné plusieurs pistes, je vais te donner une raison bien plus probable. En effet, lorsque Philips a sorti la cassette, les DJ se sont jetés dessus. Pour des raisons de solidité, les DJ utilisaient uniquement les C60 qui avaient 30 minutes par face. Elles permettaient donc de caser 2X5 titres sur une face.
Ainsi, sur une cassette D’Arienzo, il y avait 4 tandas possibles (de 5 titres chacune). Cela conduisait à lire les titres dans le même ordre et pire, les tandas dans le même ordre. Car il est impossible de rembobiner les K7 en cours de milonga. On passe donc la première tanda, ensuite la cortina sur une autre cassette (qui elle est rembobinée à chaque passage pour revenir au début de la cortina qui était toujours la même). Ensuite, le DJ choisissait la cassette d’un autre orchestre et quand il voulait revenir à D’Arienzo, il jouait la deuxième tanda de la première face de la disquette.
Pour en savoir plus sur ce thème et la raison du nombre de titres d’une tanda, je t’invite à lire un article que j’ai proposé sur le sujet : https://dj-byc.com/tandas-de-5-4-3-2-ou-1/
Je pourrai rajouter plusieurs explications, du genre, la paresse de certains qui fabriquent des playlists à l’avance et qui ne se donnent pas la peine de composer les tandas en direct. Dans une certaine mesure, ils ont raison, si les organisateurs font appel à eux et dépensent de l’argent pour payer quelqu’un qui pourrait être remplacé par un lecteur de CD… ils auraient tort de se priver. J’ai vu certains de ces DJ passer des playlists qui portaient le nom d’autres événements, ou qui passent toujours les mêmes titres, car ils sont itinérants et que donc personne ne se rend compte qu’ils passent toujours la même chose.
Je pense que si tu as participé à une milonga que j’anime tu as eu un peu plus de mal à deviner ce qui va suivre, car justement, j’essaye de proposer des titres moins connus ou de les enchaîner de façon plus originale pour susciter l’intérêt et la curiosité. Ce sont les danseurs qui me donnent des idées et je tire le fil. Un titre s’impose à moi et selon le moment, je trouve de quoi l’accompagner pour renforcer le thème. Par exemple, hier, plusieurs thèmes me sont passés par la tête, comme les oiseaux (au jardin Massey à Tarbes), le café (pour la buvette du jardin).
Ensuite, le DJ conduit aussi les danseurs. En mettant un titre qui en évoque un autre, il place à l’insu des danseurs, l’idée du titre plus connu et quand celui-ci arrive, c’est comme une délivrance (au sens paysan du terme ; —)
Hommage à un extraordinaire DJ
Mon DJ préféré, Daniel Borelli (Buenos Aires) est un as dans la composition des tandas et dans la succession des tandas. Ma grande fierté est de deviner quel orchestre il va mettre après la tanda qu’il vient de passer. Cela fait près de quinze ans que je le suis, et il arrive toujours à me surprendre dans la composition des tandas, mais plus rarement dans l’enchaînement des tandas 😉
Choisir une chacarera / Elegir una chacarera / To choose a chacarera
Dans la plupart des milongas portègnes, on pratique des danses folkloriques. Depuis une quinzaine d’années, j’essaye de proposer une tanda de folklore dans les milongas que j’anime. La chacarera commence à bien prendre et j’ai même eu le bonheur de voir des zambas dansées en France. Pour aider au développement du phénomène, je vous propose quelques conseils pour choisir des chacareras qui ne vont pas dérouter les danseurs novices.
In most milongas of Buenos Aires, folk dances are performed. For the past fifteen years, I have been trying to offer a tanda of folklore in the milongas that I do. The chacarera is starting to take well and I even had the pleasure to see zambas danced in France. To help develop the phenomenon, I offer some tips for choosing chacareras that will not confuse novice dancers.
En la mayoría de las milongas porteñas hay bailes tradicionales. Durante los últimos quince años, he tratado ofrecer una tanda del folclore en las milongas que asumo. La chacarera está empezando a tomar bien y tuve el placer ver zambas bailado en Francia también. Para ayudar a desarrollar el fenómeno, doy acá algunos consejos para elegir chacareras que no confundirán a los principiantes.
Animer une chacarera / Guiar a una chacarera / How to help for a chacarera
Animer une chacarera
Lorsque les danseurs sont peu familiers avec la chacarera, il est utile de les aider pour que le résultat ne vire pas à la pagaille. Voici quelques conseils.
Annoncer l’intermède de folklore
Il faut laisser le temps aux danseurs de se placer. Le mieux est de lancer une introduction bien marquée qui signifiera aux danseurs que l’on va danser une chacarera. Cette introduction peut être une introduction spécifique ou le début d’une chacarera, pas forcément celle que l’on dansera. Attention à ne pas laisser se dérouler plus que les introductions pour éviter que les danseurs plus avancés commencent. On peut mettre une intro en boucle pour quand les danseurs sont longs à s’organiser.
Penser à annoncer de se munir d’un pañuelo si on a prévu une zamba dans l’intermède de folklore.
Positionner les danseurs
En général, on place les hommes sur une ligne en face d’une ligne de femmes. Il est souvent utile de proposer que les danseurs se positionnent à un endroit précis. Par exemple : « Les hommes du côté des fenêtres ». Les femmes se positionneront en face de leur partenaire.
Si les danseurs sont nombreux, on peut proposer de faire deux ou plusieurs lignes. Mais en général, quand ils sont nombreux, ils savent à peu près s’organiser.
Les danseurs sont dans leurs lignes, face à leurs partenaires. Le DJ peut lancer la musique de la chacarera qui sera dansée.
Annoncer le début « adentro »
Même à Buenos Aires, il est courant d’annoncer le début de la danse par « adentro ». Si vos danseurs ont lu le guide pour choisir les chacareras, ils n’auront pas besoin de cette aide, car ils auront écouté l’introduction. Cependant, beaucoup de musiques de folklore contiennent l’adentro annoncé par l’orchestre.
Cela me semble donc indispensable de l’annoncer, même si l’orchestre le dit, car les danseurs européens ne sont pas tous bien familiers avec cela.
Cela permet un départ plutôt franc et le résultat d’ensemble aura plus de chance d’être harmonieux.
Pour mémoire, voici la chorégraphie. On peut annoncer les différentes phases si les danseurs se décalent et plus particulièrement ce qui est en gras, car c’est le début et l’annonce du final. Cela évite que certains commencent trop tard ou termine trop tard…
Coreografía de la chacarera. Eduardo J. Ocaranza Zavalía
Voz preventiva: Adentro 1º Figura : Avance y retroceso 4 compases 2º Figura : Giro – 4 Compases 3º Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases 4º Figura : Zapateo y zarandeo – 8 compases 5º Figura : Vuelta entera — 6 u 8 compases 6º Figura : Zapateo y Zarandeo – 8 compases Voz preventiva: Aura 7º Figura : Media vuelta – 4 compases 8º Figura : Giro y coronación 4 compases
Pour la seconde partie, on peut en général se contenter de adentro et aura.
Et après la première chacarera
Si tout s’est bien passé et qu’il y a une bonne partie des danseurs sur la piste, on fait en général une seconde chacarera.
Pas de consigne particulière. On peut encourager le frappé des mains en annonçant palmas. Pour ma part, je marque le rythme avec des claquements de langue au microphone.
Il me semble moins utile de le faire pour la première chacarera, car les danseurs se mettent en place et on peut avoir des consignes à donner. Cela peut aussi gêner pour l’écoute du nombre de compases (6 ou 8).
Pour la seconde, cela me semble utile, car ça permet d’entretenir l’ambiance et d’éviter que les danseurs retournent à leur place. On peut aussi en profiter pour encourager les timides qui n’ont pas dansé la première chacarera à rejoindre la piste.
En général, on propose toujours une chacarera à 8 compases pour la première et si on décide de proposer une chacarera à 6 compases pour la seconde, c’est que le niveau est satisfaisant, mais il faudra veiller à ce que les danseurs ne se laissent pas surprendre en terminant trop tard leurs vueltas.
Si on a la chance d’être dans un lieu où les danseurs pratiquent aussi la zamba, on terminera l’intermède de folklore par une zamba. Le fait d’avoir annoncé de prendre le pañuelo à l’avance permet de savoir si la proposition d’une zamba est pertinente.
Si personne ne danse la zamba, cela fera une belle cortina…
En général, je laisse la zamba même s’il n’y a qu’un ou deux couples. Cela fait un peu démo, mais c’est une façon d’encourager le développement de cette danse magnifique.
Michèle et Christophe, deux danseurs ayant dansé magnifiquement une zamba dans une milonga que j’animais. Sûr qu’ils ont créé des vocations car depuis, je passe un peu plus de zambas…
Web Archive est un service qui mémorise des millions de sites Internet. Par chance, il a enregistré le site à différentes reprises, ce qui peut vous permettre de retrouver d’anciens articles qui ont été détruits suite au piratage du site.
Vous pouvez retrouver la plupart des anciens articles
Le premier site a été mis en ligne au tout début des années 2000 et a été à maintes reprises remanié. Web Archive a gardé des traces de certaines ces versions.
Les anciens articles qui sont toujours d’actualité seront réécris progressivement. Vous pouvez toutefois me réclamer les articles que vous souhaitez retrouver en priorité en me contactant.
Je ne vais pas vous parler de la chanson de Vincent Scotto et René Sarvil, le Plus Beau Tango du Monde, mais des tangos préférés des danseurs de tango.
Comme DJ, dès que je capte une information sur les goûts d’un danseur, je le note dans les commentaires du fichier. Ainsi, lors d’une milonga où est présent ce danseur, je peux annoncer que je lui dédicace le titre ou la tanda.
Je vais ainsi passer le plus beau tango du Monde, pour ce danseur. Mais il n’est pas seul sur la piste. Je ne parle pas des bras qu’il devra trouver pour le danser, mais de tous les autres participants de la milonga.
En général, quand j’annonce cette dédicace, la communauté de bal fait preuve d’empathie et est prête à danser sur le tango proposé. Parfois, j’annonce que si ça ne plaît pas il faudra aller se plaindre à l’inspirateur de la tanda, mais en fait, personne ne va se plaindre.
En effet, la seconde partie et le sujet que je souhaite traiter ici est, quel est le meilleur tango de danse ?
Bien que je ne sois pas Normand, je vais répondre par ça dépend. Ce « ça dépend » fait qu’il est utile d’avoir un DJ pour animer la milonga. Sinon, cela ferait longtemps que l’on aurait une playlist « parfaite » que l’on pourrait la servir en toutes les occasions.
Les goûts changent d’une milonga à l’autre, d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. La musique des milongas italienne ne ressemble pas à celles d’Angleterre. La musique d’un encuentro milonguero n’est pas identique à celle d’un festival et selon l’âge des danseurs, les goûts diffèrent également. Pour entrer plus en avant dans la complexité, les goûts évoluent d’un jour à l’autre et même durant la milonga.
1 Ces statistiques de 2014 ont été établies par Tango Tecnia. CE qui nous intéresse ici, ce ne sont pas les résultats, mais l’observation que selon différents critères, comme la zone géographique, le sexe ou l’âge, les résultats sont différents.
Le DJ, en découvrant une milonga, fera rapidement une analyse en fonction des personnes présentes, les vêtements, les chaussures, l’âge et il pourra s’aider de connaissances dont il connaît les goûts. L’organisateur lui-même pourra avoir donné des consignes, mais le DJ doit savoir les interpréter et relativiser…
Durant la milonga, il continuera son évaluation, enregistrant ce qui semble mieux fonctionner pour proposer d’autres tandas de ce type plus tard dans la milonga.
Des sondages en direct
Ces tests des danseurs s’appuient sur l’expérience du DJ, mais aussi sur des méthodes. Pour simplifier, disons qu’il existe quatre grands types musiques. Les musiques à dominante intellectuelles comme la musique classique, la musique sentimentale, les musiques urbaines et les musiques de divertissement.
Ces quatre types de musique se rencontrons en tango et ont donné lieu aux quatre piliers du tango. Le classique, c’est le courant Pugliese (De Caro…), le romantique, Di Sarli (Calo…), l’urbain, Troilo et le ludique, D’Arienzo.
On considère que ces quatre orchestres sont incontournables dans une milonga, car ils représentent les quatre aspects, émotions, qui permettent d’éviter la monotonie et qui donnent satisfaction aux quatre principales sensibilités de danseurs.
Bien sûr, certains pourraient danser cinq heures sur du d’Arienzo ou des musiques de la même catégorie, mais dans une milonga, il y a forcément des danseurs qui aiment mieux d’autres styles et il convient de les identifier et d’alterner les tendances.
On entend parfois qu’il faut proposer une tanda rythmique, puis une plus lyrique, ce n’est pas faux, mais c’est une simplification de ce qui précède. Le ludique et l’urbain en opposition à l’intellectuel et au romantique. On peut/doit, entrer plus dans les détails quand on est DJ pour éviter le gros problème des milongas, les danseurs qui restent deux tandas d’affilé sans danser…
Le DJ remarquera, par exemple, que les danseurs sont plutôt ludiques. Il proposera donc plus de tandas d’un style comparable à d’Arienzo et ainsi de suite. En fin de milonga, il y a parfois besoin de plus d’intimité et de romantisme. Le DJ va progressivement baisser « le feu » pour terminer avec une tanda hyper romantique. D’autres fois c’est l’inverse. Il faut donner la pêche quand les gens vont devoir faire de la route pour rentrer chez eux afin qu’ils restent avec des étoiles dans les yeux le plus longtemps possible.
Il n’y a donc pas de règle absolue… Le plus beau tango du Monde ne sera pas le même dans les deux cas.
Mais quel est le plus beau tango du Monde ?
Je ne vais pas vous demander de relire ce que j’ai écrit au-dessus, je vais vous donner des indications. De nombreux sites, pages Facebook, ont fait ce type d’enquêtes, avec des résultats très divers.
La réalité est qu’il s’agit de données très instables. Ainsi, les statistiques de TangoTecnia donnaient des scores disproportionnés pour le Sexteto Milonguero. En analysant plus précisément les données, on se rendait compte que les femmes aimaient deux fois plus cet orchestre que les hommes. Je pense que le charisme et la voix de Javier di Ciriaco ne sont pas étrangers à ces statistiques.
Le fait de passer par un orchestre contemporain (même si ce sexteto n’existe plus) permet d’avoir une autre source de données, les musiques jouées par les orchestres.
D’Arienzo et souvent les d’Arienzo tardifs ont la faveur des orchestres de danse. Anibal Troilo et Pugliese sont aussi surreprésentés dans les orchestres actuels.
Les danseurs en entendant régulièrement les mêmes thèmes, s’y habituent, les dansent mieux, car ils deviennent plus faciles à improviser et finalement, il en résulte une meilleure impression et une montée dans le classement.
Les DJ, notamment ceux qui utilisent des playlists, en passant toujours les mêmes titres, augmentent cet effet de reconnaissance.
Hier, le DJ résidant d’une milonga de Buenos Aires a passé deux fois de suite Poema (Canaro Maida), par suite d’une mauvaise manipulation dans son logiciel. Les danseurs ont souri et ont dansé une deuxième fois Poema, d’autant plus que le DJ dansait avec sa fiancée et qu’on pouvait pardonner ce doublon romantique. Lorsque Poema a commencé pour la troisième fois, le DJ a couru à son poste pour lancer Invierno. Les danseurs ont pris la chose avec beaucoup de sympathie et ont beaucoup applaudi le DJ (ce qui est rare à Buenos Aires).
Ce type de raté sur un titre moyennement apprécié aurait été plus sévèrement apprécié.
Poema est en effet un des tangos préférés des danseurs, comme en témoignait une enquête de 2014 de TangoTecnia qui indiquait que près de 18 % des sondés en faisaient leur tango préféré.
2 Tangos préférés pour danser (liste établie par TangoTecnia en 2014 sur un panel de 1282 votants).
Si vous prenez la peine de consulter cette liste qui a désormais dix ans, vous constaterez tout de même que la plupart des titres proposés sont encore dans le domaine des titres qui « marchent ».
Dans cette observation, on peut découvrir l’empreinte des DJ qui ont forcément encouragé les titres à succès, ce qui a renforcé l’estime pour ces titres.
D’autres titres ont été victimes de ce succès, car ils correspondaient à un effet de mode, par exemple car il a été mis en avant par un orchestre à succès.
Prenons l’exemple de Mi Vieja Linda (ne la cherchez pas dans cette liste, elle n’y est pas, car en 2014, personne n’aimait ce titre qui avait été peu enregistré avant que le « Sexteto Cristal » en fasse un tube (en 2018). Dans un autre genre, le phénomène Sexteto Milonguero de l’époque est totalement éteint aujourd’hui et même chez les femmes, ce n’est plus le premier orchestre du Monde.
Une autre source de données est constituée par les publications de musique. Certains titres ont été enregistrés par dix orchestres et parfois à plusieurs reprises et d’autres n’ont été enregistrés qu’une fois. Les dates d’enregistrements sont également très utiles pour retracer les modes au vingtième siècle. Un titre va être enregistré cinq ou six fois en deux ou trois ans, puis devenir silencieux pour ne réapparaître que dix ou vingt ans plus tard.
Un excellent outil pour découvrir cela est la base de données de tango-dj.at. Dans la copie d’écran suivante, on peut voir la discographie de Poema qui a été enregistré principalement dans les années 30, mais qui est resté sur le devant de la scène et parfois de façon renouvelée grâce à des orchestres contemporains comme la Romantica Milonguera.
3 Dans la base de données de tango-dj.at, on trouve Poema enregistré 29 fois par 28 orchestres (Héctor Pacheco l’a enregistré deux fois).
Les spécialistes se pencheront sur les catalogues des éditeurs de l’époque, mais il faut suivre les orchestres quand ils ont changé d’éditeur et la compilation pour un orchestre donnée n’existe pas toujours si on excepte des sommes, comme le catalogue Canaro de Christoph Lanner. https://sites.google.com/site/franciscocanarodiscografia/prefacio
4 Les enregistrements de Francisco Canaro (le chef d’orchestre qui a le plus enregistré) représentent 200 pages de données. Le formidable travail de Christoph Lanner vous permettra de vous y retrouver si vous vous passionnez pour son œuvre.
Signalons aussi tango.info qui n’est pas très complet, mais que vous croiserez sûrement si vous faites une recherche Google… https://tango.info/T0030142643 pour y trouver Poema…
5 Les statistiques selon les goûts des visiteurs du site El Recodo tango.
Une enquête plus récente puisqu’elle est mise à jour en temps réelle est celle qui est réalisée par le site El Recodo. Poema n’est pas dans la liste. On découvre à la place une sélection bien différente et par certains aspects surprenants, mais qui témoignent d’une évolution.
Par exemple, en 2014, année du centenaire de sa naissance, Troilo était peu joué en France, ce qui n’était pas le cas à Buenos Aires où il est adoré. Je me souviens cette année avoir fait une année Troilo avec parfois cinq tandas de lui dans une milonga. Ma petite pierre et celle d’autres collègues DJ et de certains orchestres ont fait que désormais, Troilo est incontournable en France, également.
En regardant cette liste, on se rend compte que beaucoup de titres sont classés des deux côtés, tangos à écouter et à danser. Certains, superbes à danser, sont seulement du côté de l’écoute, comme Café Dominguez (qui a cependant la difficulté d’être difficile à caser dans une tanda cohérente et que l’on va généralement associer à des titres plus anciens avec Vargas). Je pense qu’il manque une véritable liste de tangos à écouter et qui ne seraient pas à danser et que la liste des tangos à danser pourrait être optimisée. Garua apparaissant deux fois dans les plus dansables peut être surprenant, ainsi que le peu de titres de d’Arienzo ou Di Sarli en regard du nombre de titres de Calo…
Faisons bouger les lignes
Le rôle du DJ n’est pas seulement de savoir proposer ce qui plaît, mais aussi d’éduquer les danseurs en les poussant à aborder des musiques moins familières.
Ce type de statistiques est donc utile pour définir les genres, les tendances du moment, mais cela ne dispense pas le DJ d’interroger le riche répertoire pour trouver des équivalents.
Lorsqu’un tango peu connu fait un succès lors d’un événement, le titre monte rapidement en renommée, car le monde du tango est tout petit. Rapidement, il fera le tour du Monde et finira par devenir un incontournable ou une scie, voire de retomber dans l’oubli.
Le « bon tango » est le tango d’un moment. Pour être un excellent tango de danse, il doit disposer de qualités propres permettant d’enrichir l’improvisation. C’est surtout important là où il y a d’excellents danseurs (ceux qui dansent avec la musique ou plutôt, qui dansent la musique). Ces derniers sont très exigeants et s’ils dansent avec conviction sur les grands succès des milongas, ils seront enchantés lorsque le DJ lui proposera un titre moins ressassé, voire inconnu, mais qui a toutes les qualités pour être Le plus beau tango du Monde pour la tanda en cours.
Après la perte de mon ancien profil Facebook, je recherche des souvenirs pour recréer l’histoire. Ici, des éléments sur mes activités de DJ et d’ami de DJs à Buenos Aires.
Después de perder mi antiguo perfil de Facebook, busco recuerdos para recrear la historia. Aquí, elementos sobre mis actividades como DJ y amigo de DJs en Buenos Aires.
After losing my old Facebook profile, I searched for memories to recreate history. Here, are elements about my activities as a DJ and friend of DJs in Buenos Aires.
Ici, quelques éléments envoyés par le grand DJ et ami, Quique Camargo, que j’ai retrouvés dans la messagerie d’Instagram de mon ancien compte , que je n’avais pas pu consulter depuis bien longtemps, suite aux problèmes avec Facebook… J’en profite pour les mémoriser ici et remercier Quique Camargo qui me les avait envoyé, sans que je le sache à l’époque.
Depuis quelques mois, je me bagarre avec des pirates qui essayent de bloquer toutes mes activités de DJ. Malgré les précautions paranoïaques prises, ce site a été bien malade.
J’ai changé d’hébergeur, car le serveur Gandi.net utilisé était la cause des premiers piratages, car c’était leur serveur qui était piraté et malgré un abonnement à Sucuri, les pirates intervenaient directement sur les répertoires pour y stocker des fichiers. Mon site de photographie a été victime des mêmes pirates pour les mêmes raisons.
Je suis passé ensuite à OVH, mais le service technique est absolument minable et très lent. Je teste donc un nouvel hébergeur et j’espère que ce sera au top.
La transition n’est pas achevée à ce jour et mon adresse mail associée à ce site est entre les deux hébergeurs et je pense avoir perdu quelques messages… Si des courriels vous sont revenus ou si je ne vous ai pas répondu, retentez un peu plus tard, ou écrivez-moi sur mon adresse argentine (celle qui se termine par yahoo.com.ar).
La guerre sur Facebook
Là, les choses ne sont pas en voie de rétablissement complet.
En effet, en juillet 2023, un pirate a posté sur mon profil des images de guerre. Cela a provoqué le blocage instantané de mon compte.
En fait, ce qui intéressait le pirate n’était pas d’avoir accès à mon profil, mais à ma page de DJ qui compte 11000 abonnés.
Celui-ci a ouvert des campagnes publicitaires pour plusieurs milliers d’euros. J’ai réussi à bloquer ces campagnes sans trop de dégâts financiers, mais maintenant, je ne suis plus administrateur de ma page DJ de Facebook : https://www.facebook.com/DJBernardoTango. ATTENTION cette page est toujours aux mains du pirate . J’en ai la preuve par le fait qu’il répond à ma place à des messages des visiteurs, messages que l’on m’a transmis.
Facebook ne réponds pas à mes courriers recommandés envoyés à Meta en Irlande, je crains de ne pas pouvoir récupérer ma page. Pour l’instant, il est toujours possible de consulter une dizaine d’années de photographies et d’informations que j’avais partagées, jusqu’en juillet 2023, date du piratage.
Pour ce qui est de mon ancien profil Facebook, je n’ai plus du tout accès, Facebook l’a bloqué et m’indique que si je ne suis pas d’accord, je peux faire appel aux tribunaux. Malheureusement, je n’ai aucun élément indiquant pourquoi ma page est bloquée. Je pense que le pirate a continué à mettre des saletées sur mon profil jusquà ce que Facebook prenne cette décision, sans appel possible.
J’ai donc créé un nouveau profil Facebook auquel je souhaite vous inviter. En effet, Facebook me laisse inviter très peu, y compris des amis proches, indiquant que je ne connais pas ces personnes.
Message aux organisateurs d’événements Tango
La fermeture de mon compte Facebook a entraîné la perte de tous les messages postés via Messenger. Plusieurs dates calées pour 2024 l’ont été par ce canal et je n’ai donc plus les coordonnées des organisateurs et les dates des événements.
Si vous m’avez réservé un créneau, merci de me contacter pour tout mettre au clair. Étant encore pour trois mois en Argentine, merci de passer de préférence par courriel ou WhatsApp (français ou argentin).
Redevenons amis !
En résumé, méfiez-vous des évolutions de ma page de DJ et reprenons contact via mon nouveau profil Facebook : https://www.facebook.com/dj.byc.bernardo/ ou via le formulaire de contact de ce site.
Dans une milonga traditionnelle, les musiques sont regroupées par plages du même type et interprétées par le même orchestre et les mêmes chanteurs à la même période.
Ces plages regroupant de trois ou quatre compositions s’appellent des tandas.
Une tanda est un petit voyage que l’on va faire avec le même partenaire. Il importe donc que le DJ la construise avec logique. Les morceaux doivent bien aller ensemble et être placés dans un ordre cohérent, comme des tableaux dans une exposition. Rien n’est plus désagréable d’inviter sur une musique qui plaît et de devoir se forcer sur la musique suivante, ou inversement, avoir envie de danser sur le second ou troisième titre lorsque la piste ne permet plus la mirada facile…
Les cortinas
Pour séparer deux tandas, il y a une cortina. C’est une courte composition musicale, de quelques dizaines de secondes permettant aux danseurs d’aller s’asseoir et de se préparer à l’invitation suivante.
Une bonne cortina n’est pas « dansable » et doit permettre de rester dans l’ambiance ou de préparer à ce qui va suivre.
Dans certaines milongas modernes, les cortinas sont supprimées ou remplacées par des silences. Les couples ont alors la responsabilité de se séparer après trois ou autre danses.
L’intérêt principal des cortinas est de pouvoir vider la piste, ce qui facilite la mirada (invitation au regard). Si des danseurs indélicats restent sur la piste, ils empêchent les autres d’inviter et sont donc mal vus (car trop vus…). Si vous souhaitez redanser avec la même danseuse, sortez de la piste et retournez-y quand la musique reprend. Cela vous évitera aussi de vous retrouver tout bête si la musique de la nouvelle tanda ne vous convient pas…
Les milongas traditionnelles comportent tandas et cortinas. En général, deux tandas de tango (TTTT), puis une de milonga (MMM) ou de valse (VVVV ou VVV). Cette organisation peut varier d’un DJ à un autre, suivant les événements ou le moment de la soirée, mais une milonga traditionnelle est généralement de la forme suivante :
TTTT
cortina
TTTT
cortina
VVVV
cortina
TTTT
cortina
TTTT
cortina
MMM
Quelques intermèdes de folklore argentin, de rock ou de tropical ponctuent généralement la milonga portègne.
Aujourd’hui se pose de plus en plus souvent la question du nombre de titres dans une tanda. Pour ma part, sans consigne particulière, je propose 4 tangos, 4 valses et 3 milongas, mais de plus en plus souvent (même à Buenos Aires), cela devient 3 tangos, 3 valses et 3 milongas. Je sépare les tandas par une cortina et de temps à autre, je propose un intermède de Folklore (chacarera et parfois zamba), Tropical (cumbia, cuarteto, salsa…) ou Rock, voire autre chose en fonction du lieu. Dans certaines régions, on milite pour la tanda de trois tangos, dans le but espéré de faire plus souvent tourner et ainsi limiter le temps d’attente, généralement des femmes, pour ceux qui ne dansent pas, faute d’un équilibre du nombre de partenaires. La notion de tanda est cependant une notion assez récente.
Le temps des orchestres, tandas de 2 et de 1
À l’âge d’or du tango, celui où on pouvait danser tous les soirs sur un orchestre, les choses étaient bien différentes. En fait, elles étaient absolument identiques à ce que l’on trouve dans nos actuels bals musette en France. L’orchestre jouait deux tangos, puis le même orchestre ou un second orchestre jouait un autre air, du jazz, ou un foxtrot, par exemple.
Ensuite, ils jouaient une valse, suivie d’un nouveau morceau Jazz, puis à nouveau deux tangas, du jazz, et enfin une milonga et on recommençait.
Mais alors, me direz-vous, les danseurs se séparaient à chaque morceau, par exemple après la valse s’ils ne souhaitaient par faire le jazz ?
Ben oui, mais la différence est que les sièges n’étaient pas encore la règle dans les lieux de danse. Les danseurs rejoignaient le milieu de la piste et se dirigaient ensuite vers les femmes situées au bord de la piste.
Cette stratégie pourrait être intéressante pour les événements double-rôle. Les guideurs au milieu, les suiveurs autour…
Je vous propose ici un extrait de l’entrevue de Toto Faraldo interrogé par Pepa Palazon. https://www.youtube.com/watch?v=HDwAVXI0zWs Je vous engage à voir en entier cette entrevue, car elle est passionnante, comme toutes celles de la série. Ici, j’ai isolé la partie qui concernait l’origine des tandas et apporté une traduction en français. Vous trouverez en fin de cet extrait, un aspect intéressant et peu connu sur le tango, mais qui vous aidera à comprendre l’importance de la calecita que l’on retrouve dans plusieurs tangos.
Bailarín de contraseña – d’après un mural dans la rue Oruro, Buenos Aires.
L’apparition des tables et des enregistrements sur cassettes, tandas de 5 et cortina
Philips, en inventant la cassette musicale a modifié les comportements dans les bals. Chaque face de cassette, à l’époque de 60 minutes pouvait comporter 10 titres. Donc, entre la face A et la face B, une cassette comportait 20 titres.
L’animateur découpait donc sa programmation en 5 morceaux de la première face, une cortina sur une autre cassette. Ah, je vous vois venir, pourquoi la cortina ?
C’est que sont apparues aussi les tables. Il fallait donc prévoir le temps nécessaire pour que les couples se défassent, se reposent (après 5 tangos) et se recomposent.
Pourquoi une deuxième cassette ? Ben, le temps pour effectuer toutes ces opérations pouvant être très variables d’un jour à l’autre ou d’une salle à l’autre, il est plus simple d’avoir une cassette avec la cortina et de la rembobiner pour repositionner la cortina à son début. Certains le faisaient avec un crayon car c’était plus précis qu’avec le lecteur de cassette car il suffisait de trouver le repère, généralement l’amorce. À mes débuts, je coupais les amorces pour que le rembobinage soit plus simple… Il me suffisait de rembobiner et j’étais au début. Mais j’avais un double-cassettes. Sans cela, j’aurais procédé comme Felix Picherna, au crayon…
De cette période reste aussi la mode de la cortina unique pour toute la soirée. C’est la même cassette qui servait et était rembobinée.
Les tables et le service à icelles a aussi favorisé le développement des cortinas pour permettre aux serveurs de rejoindre les tables avec moins de risque d’accident…
L’apparition du CD, Tandas de 4 et cortinas
Je n’ai pas évoqué l’utilisation du disque noir, car elle n’a pas apporté de grandes innovations sur ce point. En permettant l’accès direct à chaque titre, elle permettait en principe de créer les tandas en direct, mais cela n’a pas d’influence sur le nombre de titres. On retrouve cette facilité sans la difficulté d’accéder à une plage précise avec les CD (il fallait bien viser pour positionner la tête de lecture pile au bon endroit du sillon et ne pas se tromper de plage, non plus…).
De cette époque, on retrouve la normalisation des tandas comme aujourd’hui dans les milongas traditionnelles avec 4T, 4T, 4V, 4T, 4T et 3M (T=Tango, V=Valse, M=Milonga).
Je n’ai pas encore d’explication pour ce passage de cinq à quatre, si ce n’est, peut-être déjà l’idée de réduire l’attente en cas de déséquilibre entre partenaires. Il y avait aussi, sans doute le fait que beaucoup de danseurs n’invitaient que sur le second titre…
La démocratisation du graveur de CD a fait apparaître un nouveau phénomène, la « Playlist ». Le CD est alors tout bonnement lu en continu.
L’apparition de l’ordinateur portable
Dans les années 90, l’ordinateur et l’apparition des disques durs ont favorisé son utilisation en musique.
Pour ma part, je suis passé par le stade intermédiaire du Minidisk qui permettait de conserver une qualité CD, sans se ruiner. C’est l’époque où j’ai numérisé beaucoup de disques de pâte (Shellac et Vinyles) grâce à ma regrettée platine Thorens TD 124…
L’ordinateur a offert une grande facilité pour proposer des tandas construites à la volée. En fait, c’est l’ordinateur portable qui permettait cela, difficile de se trimbaler avec les tours et surtout les écrans cathodiques de l’époque.
Cet outil est donc merveilleux pour le DJ et dès que j’ai pu avoir un ordinateur portable, je l’ai adopté.
J’utilisais Winamp à l’époque, ce que de très nombreux DJs continuent à faire, mais c’est une autre histoire.
L’ère de l’ordinateur, encore plus que celle du graveur de CD a fait la part belle aux Playlists. Et je ne parle pas des mp3… Tiens, à ce sujet, j’ai eu aussi un épisode mp3, avec deux petits iPods nano et classic (avec affichage) qui me permettaient de choisir une tanda pendant que l’autre défilait. C’était pour ma milonga en plein air.
Donc, aujourd’hui, l’ordinateur domine le domaine. C’est très bien, car c’est l’outil qui permet la plus grande souplesse pour l’organisation en direct de la musique. Il sert aussi beaucoup pour les « DJs » à Playlists, qui font leur courrier, échangent sur Facebook ou tout autre activité pour ne pas s’ennuyer (et pour que les danseurs les croient absorbés dans la création…). C’est une raison supplémentaire pour ne pas encourager ce type de DJs (je ne parle pas des bénévoles qui officient dans les associations et qui ont le mérite de se dévouer pour le plaisir des autres). Ces playlisteurs n’ont aucune raison d’être attentifs au bal, puisque de toute façon, ils ne pourront pas changer son déroulement. Un véritable DJ, à mon sens est l’animateur de la soirée, rebondissant sur l’actualité de la salle, pour offrir le plus souvent possible le bon titre au bon moment.
Et mes tandas dans tout cela ?
Ah, oui. Les tandas. Ben, avec l’ordinateur, on peut faire ce que l’on veut. Passer la musique en mode aléatoire. C’est l’ordinateur qui « choisit » la musique à suivre. Diffuser une playlist, ou, s’en servir pour rechercher rapidement le bon titre à diffuser.
J’espère que vous aurez deviné quelle stratégie est la mienne.
Je construis donc à la volée, des tandas de quatre, ou trois selon les circonstances.
Je ne sais pas ce que deviendront les tandas dans le futur. Ici, à Buenos Aires, les tandas sont de quatre, y compris pour les valses (trois pour les milongas) dans les milongas traditionnelles. C’est le modèle auquel je m’accroche et que j’essaye de faire partager, car je le trouve bien adapté au fonctionnement actuel avec tables, chaises et mirada. Le voyage sur quatre titres est aussi idéal avec la danseuse. Trois donne un impression de frustration (et parfois, avouons-le de soulagement, mais dans ce cas, il fallait mieux inviter…).
Peut-être qu’ailleurs, la réduction du nombre de titres va se généraliser (dans certaines milongas à Buenos Aires, il existe des tandas de trois valses). D’ailleurs, je vais respecter cela lors de ma prochaine musicalisation à Gricel…
En descendant le nombre de titres par tanda, on risque de retrouver le fonctionnement des milongas de l’âge d’or, à la limite pourquoi pas. C’est peut-être à essayer dans les milongas où il n’y a pas de sièges…
Par contre, les hommes au milieu qui vont chercher les femmes, pas sûr que ce soit apprécié.
À suivre…
Merci à Dany Borelli, DJ à Los Consagrados, Nueveo Chique, Milonga de Buenos Aires et autres, d’avoir échangé sur ce sujet, ce qui me permet de confirmer certaines idées qui peuvent paraître surprenantes aux néophytes.
Il y a plusieurs explications à l’origine de l’utilisation des cortinas. L’une d’entre-elle était le changement d’orchestre qui donnait lieu à la fermeture du rideau de scène (Telon ou Cortina) pour que les orchestres s’installent plus discrètement. Une autre vient de la nécessité de donner du temps au DJ pour préparer la tanda suivante à l’époque où les DJ utilisaient des cassettes. Mais la cortina fait désormais partie intégrante de la milonga, même s’il n’y a plus les contingences techniques du début. Nous allons voir pourquoi.
Les cortinas sont des coupures dans un bal tango
Elles servent à marquer les changements de style de musique (changement d’orchestre, de style de danse…). En effet, le tango est organisé par tandas, groupe de trois ou quatre compositions semblables qui permettent à un couple de danseurs d’aller plus loin dans l’expérience. La première danse pour s’apprivoiser, les suivantes pour danser de mieux en mieux, en parfaite harmonie.
Quelle musique pour les cortinas ?
Généralement, une cortina ne se danse pas. Il faut donc éviter de mettre des danses, comme du rock, car certains danseurs risquent de la danser et par conséquent, ils ne libéreront pas la piste. Il y a deux pratiques, celle qui consiste à mettre des cortinas différentes, éventuellement sur un thème tout au long de la soirée et une autre qui consiste à mettre tout le temps la même cortina dans la soirée. Certains DJ utilisent même la même cortina pour toutes leurs milongas. Toutefois, la mode fait que maintenant, on privilégie les milongas variées. Cela permet d’avoir plus d’action sur l’ambiance de la milonga et de tester la disponibilité des danseurs aux différents intermèdes.
Pourquoi des cortinas ?
Pour moi, la cortina est d’abord associée à la mirada. Il faut que la piste soit dégagée pour que les invitations au regard puissent se faire. De cela découle un autre point, il faut des sièges pour les danseurs pour éviter qu’ils encombrent la piste.
Si ces conditions idéales ne sont pas réunies, on peut effectivement se poser la question de la cortina. Voici quelques réflexions qui la justifient.
La tanda est une coupure dans le flux de la danse.
Elle permet de se rééquilibrer des émotions de la tanda précédente et de se préparer à la suite.
Elle permet une discussion plus libre et une socialisation, très importante pour les Argentins et qui peut se traduire par des échanges vocaux parfois soutenus…
Les danseurs débutants et ceux qui n’écoutent pas la musique ne se rendent pas toujours compte du changement de style de la musique et donc de la fin d’une tanda. Le problème est qu’alors la danseuse abandonnée au milieu d’une tanda se retrouve décalée par rapport aux autres danseurs qui ne seront disponibles qu’à la fin de la tanda. Certains DJ rendent les choses encore plus difficiles en mélangeant dans une tanda des styles qui ne vont pas ensemble…
Cette interrogation sur les cortinas est assez typique des danseurs qui manquent un peu d’expérience. Lorsque l’on a goûté à l’ambiance des belles milongas traditionnelles, il est difficile de revenir en arrière et de trouver du plaisir dans des milongas décousues, où les musiques s’enchaînent sans ordre et sans pause. Chaque tanda est un petit voyage avec la danseuse. Si on prend la tanda en cours, ce voyage sera réduit, mais il aura une logique. Si on reste à cheval sur deux tandas, on risque de se trouver dans une situation où l’on n’a pas envie de danser la seconde tanda avec cette danseuse.
L’élégance veut que l’on n’invite pas une danseuse sur les derniers morceaux d’une tanda pour ne pas donner l’impression que l’on fait un « test ». Pourtant, cela se pratique régulièrement et une danseuse peu invitée préférera sans doute deux danses à rien… Et puis, si la tanda suivante vous plaît à tous les deux, vous pouvez toujours vous réinviter du regard, cette fois-ci pour une tanda complète.
Je vois cependant deux occasions où la cortina peut être une gêne, au tout début de la soirée, lorsque le bal n’a pas vraiment démarré, il m’arrive de ne pas mettre de cortina pour faire lever plus rapidement les gens. L’autre cas est la milonga « boîte de nuit » (souvent utilisé pour les milongas alternatives), où on recherche plus la transe que le voyage avec une danseuse. Dans ce cas, on garde les danseurs sur la piste, le but étant de ne jamais les lâcher.
Une dernière remarque, lorsqu’il n’y a pas de cortina, les danseurs tendent à garder leurs danseuses plus longtemps, de crainte de ne pas pouvoir en inviter une autre. En effet, comme tout le monde est sur la piste, lorsque l’on arrête, on risque de se retrouver sans possibilité d’inviter. Lorsqu’il y a beaucoup de danseuses qui attendent, il m’arrive de faire des tandas de trois pour permettre une rotation plus rapide. Sans cortina, les danseurs feraient six danses au lieu de trois ou quatre.
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