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Escalas en azul 1950-05-17 – Orquesta Osmar Maderna

Osmar Maderna

Vous n’avez sans doute jamais dansé sur des musiques de Maderna et c’est sans doute rassurant quant aux choix des DJ. Cependant, la culture tango va au-delà de la danse et il me semble intéressant de s’intéresser à cet OVNI du tango qu’est Osmar Maderna. Je vous invite à gravir les degrés d’une gamme bleue pour découvrir ce compositeur et chef d’orchestre à part.

 Extrait musical

Partition de Escalas en azul de Osmar Maderna.
Escalas en azul 1950-05-17 – Orquesta Osmar Maderna

Il n’est pas très difficile de deviner d’où vient le titre. Le terme de escalas en musique peut être traduit par gammes. On notera que le piano joue tout au long de l’œuvre des gammes, c’est-à-dire des successions de notes ascendantes ou descendantes. Ce style ornemental est typique de Maderna.
Le reste de l’orchestre semble dédié à l’accompagnement du piano qui voltige au-dessus des autres instruments.
Le tempo est bien marqué, souligné par les bandonéons et les cordes qui effectuent des pauses précédées d’élans, un peu comme dans une .
La musique est interprétée de façon virtuose qui donne une impression de très grande .
Des danseurs piégés par un DJ facétieux qui se retrouveraient sur la piste pourraient s’appuyer sur cette présence du rythme pour garder une cadence raisonnable et ne pas se lancer dans des pas fébriles et ridiculement rapides.
Même si on n’est pas dans un rythme ternaire de valse, une éventuelle interprétation dansée de ce titre pourrait s’apparenter à celui d’une valse. Des temps bien marqués et des mouvements tournants, toniques, mais pas vertigineux.
On notera les nombreux changements de et la richesse des variations et des parties. On est plus en face d’une composition de musique classique que d’un tango traditionnel.
Je ne vous encouragerai pas à danser ce titre, mais à l’écouter attentivement, assurément.
Osmar Maderna

Maderna a relativement peu enregistré. Avec un peu plus d’une soixantaine d’enregistrements, c’est presque étonnant que son nom nous soit parvenu.

Des orchestres plus prolifiques sont passés aux oubliettes.

Les musiciens de Maderna

Il a commencé à enregistrer en 1946, en Uruguay, puis, la même année pour la Victor, et cela jusqu’en 1951. Les musiciens des derniers enregistrements sont un peu différents, mais je vous propose ici, ceux qui ont participé à l’enregistrement de Escalas en azul, enregistré le 17 mai 1947.
Osmar Maderna (Direction et piano)
, , et (bandonéon). Comme on peut le remarquer, des musiciens de premier plan et plutôt virtuoses.
Aquiles Roggero, Haroldo Ghesagui et (violon)
Ariel Pedernera (contrebasse)

Une partie de ces musiciens vient, tout comme Maderna (qui avait remplacé Stamponi au piano en 1939), de l’orchestre de Miguel Caló (1941-1945), ce sont donc des estrellas (étoiles). Ces transfuges sont :
Felipe Ricciardi et José Cambareri (le mage du bandonéon, connu pour ses tempos de folie). Attention, au pupitre des bandonéons de Caló, on trouve aussi un Federico, Domingo de son prénom, mais il n’est pas apparenté à Leopoldo.
À la contrebasse, c’est le même Ariel Pederna qui œuvre.

Pour l’anecdote, on notera qu’il y avait un violoniste prénommé Aquiles dans les deux orchestres. Aguilar pour Caló et Roggero pour Maderna. Ce dernier, Aguilar Roggero, dirigera un orchestre en l’honneur de Maderna qui était décédé dans un accident d’avion (28/04/1951), l’orchestre Símbolo « Osmar Maderna ».

La « Osmar Maderna »

L’année suivant la mort de Maderna, l’orchestre Símbolo « Osmar Maderna » reprend une partie du répertoire et des compositions de Maderna.
Orlando Tripodi remplace Osmar Maderna au piano.
Aquiles Roggero, continue à tenir le violon, tout en dirigeant et établissant les arrangements de l’orchestre. Le pupitre des violons est complété par Carlos Taverna, Edmundo Baya, et Esteban Cañete.
Au bandonéon, on retrouve Felipe Ricciardi, son frère Jorge, Héctor Lettera et Toto Panti pour compléter le pupitre des bandonéons.
Víctor Monteleone tient la contrebasse.

L’orchestre semble avoir cessé les enregistrements après la mort de Aquiles Roggero, ce dernier étant justement mort d’une crise cardiaque lors d’une séance, en 1977. Ces enregistrements ne semblent pas avoir été publiés.

Autres versions

Escalas en azul 1950-05-17 – Orquesta Osmar Maderna. C’est notre tango du jour.
Escalas en azul 1959-06-17 – Orquesta Símbolo « Osmar Maderna » dir. Aquiles Roggero.

Un immense merci au collègue et collectionneur Michael Sattler qui m’a procuré ce titre en bonne qualité.

Cette version est proche de celle enregistrée en 1950, comme on peut l’entendre et même voir dans l’ ci-dessous. Le tempo est le même, les pauses sont synchronisées et les deux versions peuvent être jouées ensemble durant les 40 premières secondes sans problèmes notables.

En haut, en vert la version de 1950 par Osmar Maderna. En bas, en violet, la version de 1959 par la Orquesta Símbolo.

Cette similitude vraiment frappante est la preuve que l’hommage à Osmar Maderna, tragiquement disparu n’est pas seulement dans le nom de l’orchestre, mais aussi dans le respect de son style.

Ce respect est peut-être une autre explication, avec sa mort gardelienne, du fait que Maderna n’est pas tombé dans l’oubli. Les versions brillantes étaient bien adaptées aux années 60-70, années où la danse était passé au second plan.

Selección de Osmar Maderna 1968 (Potpourri) – Orquesta Símbolo « Osmar Maderna » dir. Aquiles Roggero.

Encore dix ans plus tard, une autre version de Escalas en azul. Ce potpourri comporte trois titres composés par Maderna ; Escalas en azul, Lluvia de estrellas et Concierto en la luna. Un DJ facétieux pourrait en faire une tanda…
Dans ces trois titres, on reconnaît la prépondérance du piano, comme dans les enregistrements de Maderna. La tâche de Orlando Tripodi a été de continuer à faire vivre le style de jeu si particulier de Maderna.

Ce titre, comme la plupart des enregistrements de Maderna, n’est pas destiné à la danse, tout comme son célèbre vol du bourdon (El vuelo del moscardón) qu’il a adapté de l’œuvre de Nikolai Rimsky-Korsakov et que je vous propose d’écouter pour terminer ce petit hommage à Osmar Maderna.

El vuelo del moscardón 1946-05-13 – Orquesta Osmar Maderna.

Dans ce thème, le piano est le bourdon qui volette et la sensation de rapidité est encore plus vive que dans notre tango du jour. L’orchestre est moins présent pour donner tout son envol au bourdon à dents blanches et noires.

El vuelo del moscardón

À bientôt, les amis !

Y todavía te quiero 1956-06-21 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel

Letra: Abel Mariano Aznar

Voici le type même du tango qui rendait fou Jorge Luis Borges. Du sentimental à haute dose, pour lui qui ne voyait dans le tango que des affaires de compadritos, des histoires d’hommes virils dans les zones interlopes des bas quartiers de Buenos Aires. Il vouait une haine féroce à Gardel, l’accusant d’avoir dénaturé le tango en le rendant niais. Mais comme le mal est fait, plongeons-nous avec délice, ou horreur, dans la guimauve du sentimentalisme.

Extrait musical

Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orquesta con Jorge Maciel
Partition des éditions Julio Korn avec Pacheco en couverture.

Paroles

C’est le genre de tango où les Argentins s’exclament « ¡Que letra, por Dios! »

Cada vez que te tengo en mis brazos,
que miro tus ojos, que escucho tu voz,
y que pienso en mi vida en pedazos
el pago de todo lo que hago por vos,
me pregunto: ¿por qué no termino
con tanta amargura, con tanto dolor?…
Si a tu lado no tengo destino…
¿Por qué no me arranco del pecho este amor?

¿Por qué…
sí mentís una vez,
sí mentís otra vez
y volvés a mentir?…

¿Por qué…
yo te vuelvo a abrazar,
yo te vuelvo a besar
aunque me hagas sufrir?

Yo sé
que es tu amor una herida,
que es la cruz de mi vida,
y mi perdición…

¿Por qué
me atormento por vos
y mi angustia por vos
es peor cada vez?…

¿Y por qué,
con el alma en pedazos,
me abrazo a tus brazos,
si no me querés ?

Yo no puedo vivir como vivo…
Lo sé, lo comprendo con toda razón,
sí a tu lado tan sólo recibo
la amarga caricia de tu compasión…

Sin embargo… ¿Por qué yo no grito
que es toda mentira, mentira tu amor
y por qué de tu amor necesito,
sí en él sólo encuentro martirio y dolor?

Luciano Leocata Letra: Abel Mariano Aznar

Traduction libre et indications

Chaque fois que je te tiens dans mes bras, que je regarde tes yeux, que j’écoute ta voix, et que je pense à ma vie en miettes, au prix de tout ce que je fais pour toi, je me demande :
Pourquoi je n’arrête pas avec tant d’amertume, avec tant de douleur ?…
Si à tes côtés, je n’ai pas d’avenir…
Pourquoi est-ce que je n’arrache pas cet amour de ma poitrine ?
Pourquoi…
si vous mentez une fois, si vous mentez encore recommencez à mentir ?… (là, on passe au vouvoiement, ce qui n’est pas habituel en Argentine. Est-ce une façon de prendre ses distances ?).
Pourquoi…
Je te reprends dans mes bras, je t’embrasse à nouveau bien que tu me fasses souffrir ?
Je sais que ton amour est une blessure, qu’il est la croix de ma vie, et ma perte…
Pourquoi est-ce que je me tourmente pour toi et que mon angoisse pour toi est pire chaque fois ?…
Et pourquoi, avec mon âme en morceaux, je me serre dans tes bras, si tu ne m’aimes pas ?
Je ne peux pas vivre comme je vis… je le sais, je le comprends avec toute ma raison, si je ne reçois à tes côtés que l’amère caresse de ta compassion…
Cependant… Pourquoi je ne crie pas que tout est mensonge, mensonge ton amour et pourquoi ai-je besoin de ton amour, si je n’y trouve que le martyre et la douleur ?

Autres versions

L’année de la sortie de ce titre, en 1956 le succès fut immense et tous les orchestres ayant une fibre sentimentale, ou pas, ont essayé de l’enregistrer. Pas moins de 11 enregistrements en cette année 1956, sans doute un record pour un titre.
Prenez votre mouchoir, on retourne en 1956, année romantique.

Y todavía te quiero 1956 — y su Orquesta dir. por Carlos García. Avec les clochettes du début, une version kitch à souhait.

C’est peut-être la première version, car il travailla étroitement avec Leocata à partir de cette époque. On trouve également son portrait sur la partition éditée par Julio Korn.

Y todavía te quiero 1956-02-17 – Orquesta con Jorge Casal.

Jorge Casal est aussi un bon candidat pour être le premier, pour les mêmes raisons que Pacheco, sauf la photo sur la partition.

Y todavía te quiero 1956-03-22 – « Osmar Maderna » dir. Aquiles Roggero con Horacio Casares
Y todavía te quiero 1956-05-18 – Orquesta Alfredo De Angelis con
Y todavía te quiero 1956-06-11 – Orquesta José Basso con Floreal Ruiz
Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel. C’est notre tango du jour.
Y todavía te quiero 1956-06-29 – Orquesta con
Y todavía te quiero 1956-07-24 – Orquesta Héctor Varela con
Y todavía te quiero 1956-07-25 – Alberto Morán con acomp. de Orquesta dir. Armando Cupo
Y todavía te quiero 1956-10-19 – Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Florio
Y todavía te quiero 1956-12-10 — Orquesta Juan D’Arienzo con Libertad Lamarque

Et un enregistrement qui a raté la fenêtre en arrivant l’année suivante…

Y todavía te quiero 1957 — Los Señores Del Tango con Oscar Serpa

Par la suite, d’autres orchestres ont enregistré, mais je vous propose pour terminer et les encourager Los Caballeros del Tango qui est un orchestre de jeunes Colombiens. La chanteuse est Nathalie Giraldo (Nagica).

Los Caballeros del Tango interprètent Y todavia te quiero (2022).

Cela fait plaisir de voir que la génération Z continue de s’intéresser au tango. Attendons qu’ils prennent un peu d’assurance pour qu’ils assurent la relève.

Histoire de « Y »

Non, je ne vais pas vous parler de la génération Y, celle qui a succédé aux X, V Baby-boomers, mais plutôt de la lettre Y qui précède le titre de ce tango. Y en espagnol, c’est et. En voici l’histoire, telle qu’on la raconte généralement dans le petit monde du tango.

La SADAIC est l’organisme qui enregistre les morceaux de musique en Argentine et qui distribue les droits d’auteurs en fonction des mérites respectifs de chacun des auteurs (je sais, c’est purement théorique ; —).
Donc, quand Luciano Leocota a voulu déposer la musique du tango « Volvemos a querernos » le 13 mai 1948, il n’a pas pu le faire, car ce titre était déjà pris.
J’ai voulu savoir quel était ce Volvemos a querernos initial. J’ai donc consulté le registre de la SADAIC et il y a bien deux musiques avec un titre proche. Mais la surprise est à venir :

Sous le numéro 333294, on trouve une œuvre enregistrée en 1988, soit 40 ans après la soi-disant date de collision des titres.

Registrada el 01/12/1988
T | VOLVAMOS A QUERERNOS OTRA
SANCHEZ NESTOR FERNANDO / BELLATO MARIA GABRIELA

On notera que le titre est VolvAmos a querernos et pas VolvEmos a querernos.
Mais il y a une deuxième surprise lorsque l’on vérifie l’enregistrement du tango déposé par Leocota et Aznar :

4772 | ISWC T0370051196
Registrada el 13/05/1948
T | Y VOLVEMOS A QUERERNOS (C’est le titre que nous connaissons)
S | VOLVAMOS A QUERERNOS (Avec VolvAmos), le sous-titre apporte une autre variante.
S | CHANTER LEOCATA AZNAR
S | Y VOLVAMOS A QUERERNOS LEOCATA AZ
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Il se peut donc que ce titre ait été enregistré ailleurs qu’en Argentine et je me suis tourné vers Leo Marini, un chanteur Argentin parti en 1950 à Cuba, Che. Justement, celui-ci a enregistré un boléro nommé « Volvamos a querernos ». Je le propose donc comme candidat pour la collision.
Cependant, j’ai un autre candidat…
Il s’agit de Y no te voy a llorar.

1200 | ISWC T0370013629
Registrada el 16/03/1948
T | NO TE VOY A LLORAR
CALO MIGUEL/NIEVAS ROBERTO HIGINIO

L’intrus est dans ce cas une composition de Miguel Calo déposée en mars.

# 28897 | ISWC T0370310761
Registrada el 31/08/1953
T | Y NO TE VOY A LLORAR
S | NO TE VOY A LLORAR
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Ce dépôt est postérieur à celui de Y Volvemos a querernos, et il n’est donc sans doute pas le premier.
Je ne suis pas certain d’avoir trouvé le « gêneur », ni même si cette histoire est vraie. ET vous allez me faire remarquer que je parle d’un tango différent et vous avez tout à fait raison. Je reviens donc au Y.
Si Y Volvemos a querernos est le premier de la série des compositions de Leocata à être précédé d’un Y, beaucoup de ses compositions (environ 1/3) subiront le même sort. C’est devenu sa marque de fabrique.

Œuvres avec enregistrement disponible

  • Y volvemos a querernos 1949 (déposé à la SADAIC le 13 mai 1948)
  • Y mientes todavía 1950 (Déposé à la SADAIC le 23 octobre 1950)
  • Y no te voy a llorar 1953 (déposé à la SADAIC le 16 mars 1948) avec la collision de noms avec un titre de Miguel Calo).
  • Y todavía te quiero 1956 (notre titre du jour, déposé à la SADAIC le 18 janvier 1956). Il y a 22 thèmes avec un titre similaire, voire exactement le même. La règle de ne pas avoir deux œuvres du même nom semble avoir sauté… Le plus ancien semble être notre tango, car si plusieurs enregistrements ne sont pas datés, celui-ci a le numéro le plus petit.
  • Y te tengo que esperar 1957 (déposé à la SADAIC le 8 mars 1957)

Œuvres probablement sans enregistrement disponible.

  • Y a mi me gusta el tango (déposé à la SADAIC le 19 mai 1981)
  • Y deshojando el tiempo (déposé à la SADAIC le 13/03/1992)
  • Y el invierno queda atrás (déposé à la SADAIC le 8 juillet 2003)
  • Y esperando tu regreso (déposé à la SADAIC le 20 octobre 2005)
  • Y estás desesperado (déposé à la SADAIC le 6 novembre 1978)
  • Y este es el amor (déposé à la SADAIC le 15 décembre 1995)
  • Y fue en aquel mes de mayo (déposé à la SADAIC le 18 mars 1998)
  • Y fue tan solo por amor (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y fue un sueño imposible (déposé à la SADAIC le 6 avril 1976)
  • Y hoy vuelvo a revivir (déposé à la SADAIC le 17 novembre 1989)
  • Y la quise con locura (déposé à la SADAIC le 17 septembre 1981)
  • Y la vida sigue igual (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y le canto a mi ciudad (déposé à la SADAIC le 8 avril 1991)
  • Y mentira fue tu amor (déposé à la SADAIC le 6 mai 1971)
  • Y no fue sin querer (déposé à la SADAIC le 22 mai 1989)
  • Y no me cuentes tu tristeza (déposé à la SADAIC le 1er août 1984)
  • Y no pudieron separarnos. Ce titre mentionné par Anamaria Blasseti n’est pas dans le listing de la SADAIC. J’ai vérifié les œuvres déposées par le co-auteur mentionné, Félix Arena (), la seule œuvre avec Y est Y mentira fue tu amor de 1971 et aucune autre de ses productions a un titre approchant.
  • Y no puedo vivir sin vos (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y no te creo (déposé à la SADAIC le 17 mai 1955)
  • Y para qué seguir fingiendo (déposé à la SADAIC le 15 décembre 1993)
  • Y pretendes que empecemos otra vez (déposé à la SADAIC le 24 février 1982)
  • Y quiero estar a tu lado (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y quiero que vuelvas a mí (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y rogaré por vos (déposé à la SADAIC le 6 février 1975)
  • Y te acordás que fue una tarde (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y te deje partir (déposé à la SADAIC le 19 avril 2005)
  • Y todo es mentira (déposé à la SADAIC le31 janvier 1958)
  • Y uniremos nuestro amor (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y vivamos nuestro carnaval (déposé à la SADAIC le 15 décembre 1980)
  • Y vuelvo a ser felix (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y yo tenía quince años (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)

Cela fait une belle liste. À ma connaissance, seuls les titres où j’ai indiqué la date ont été enregistrés (j’ai mentionné la date du plus ancien enregistrement connu).

À demain, les amis !

Fueron tres años 1956-05-18 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Lorsque Varela lance les quatre notes initiales, tous les danseurs réagissent. Elles raisonnent comme le pom pom pom pom de la 5e symphonie de Beethoven. Le destin des danseurs est fixé, ils doivent danser ce titre. Cette fascination date des premiers temps de ce titre qui a été enregistré, il n’y a pas trois ans, mais 68 ans et il nous parle toujours.

Le pom pom pom pom de Varela dans la version avec Ledesma.

Même si la partition ne comporte que les notes en rouge pour les trois premières notes, Varela fait jouer une double croche à la place de la croche du début de la seconde mesure à ses violons. C’est relativement discret. Je l’ai indiqué en plaçant deux points rouges avec un petit point bleu au centre. Varela fait jouer les deux petits points à la place de la croche qu’ils encadrent. Cela correspond aux paroles (me/ha), Ledesma chantant deux syllabes sur une seule note ; Varela demande à ses violons de faire pareil, par un très léger accent. On se retrouve donc avec environ trois double croches (No-me-ha), puis la croche pointée (las). On notera que les violons, comme Ledesma, chantent le (las) sur la note supérieure de l’accord (dernière note en rouge).
Cela atténue la syncope initiale que devrait provoquer l’anacrouse avec la double croche initiale suivie d’une croche. L’interprétation est plus proche de trois doubles croches, ce qui est semblable aux coups du destin dans la cinquième symphonie de Beethoven. Trois coups brefs suivi d’un plus long. Varela utilise une montée à la quinte, alors que Beethoven utilise une descente à la tierce. Ce démarrage est différent suivant les orchestres et si Varela l’utilise pour la version de 1973, il ne le fait pas pour la version chantée par Mauré enregistrée la même année (1956).
À la fin de la croche pointée rouge, on trouve (te-so-ro-mi) sur trois double croches et une croche qui fait durer le double de temps le (mi), puis le (o) qui dispose de toute une noire et qui dure donc quatre fois plus longtemps que les trois premières notes bleues.

Juan Pablo Marín

Juan Pablo Marín était guitariste et a écrit trois titres un peu connus. Fueron tres años, notre tango du jour en 1956, et l’année suivante, Reflexionemos qui a été enregistré trois fois en 1957, par Mauré, Gobbi et Nina Miranda et Serenata mía enregistré par Carlos Di Sarli avec le duo de et Jorge Durán. Ces deux titres de 1957 ne sont pas comparables avec Fueron tres años ce qui explique un peu leur oubli. Je les laisse donc tranquillement dormir pour vous offrir notre tango du jour.

Extrait musical

Fueron tres años 1956-05-18 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma.
Partition de Fueron tres años

Paroles

No me hablas, tesoro mío,
no me hablas ni me has mirado.
Fueron tres años, mi vida,
tres años muy lejos de tu corazón.
¡Háblame, rompe el silencio!
¿No ves que me estoy muriendo?
Y quítame este tormento,
porque tu silencio ya me dice adiós.

¡Qué cosas que tiene la vida!
¡Qué cosas tener que llorar!
¡Qué cosas que tiene el destino!
Será mi camino sufrir y penar.
Pero deja que bese tus labios,
un solo momento, y después me voy;
y quítame este tormento,
porque tu silencio ya me dice adiós.

Aún tengo fuego en los labios,
del beso de despedida.
¿Cómo pensar que mentías,
sí tus negros ojos lloraban por mí?
¡Háblame, rompe el silencio!
¿No ves que me estoy muriendo?
Y quítame este tormento,
porque tu silencio ya me dice adiós.

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Traduction libre

Tu ne me parles pas, mon trésor,
Tu ne me parles pas ni ne m’as regardé.
Ce furent trois ans, ma vie,
trois ans très loin de ton cœur.
Parle-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tourment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Que de choses tient la vie !
Que de choses à tenir pour pleurer !
Que de choses tient le destin !
Ce sera mon chemin, souffrir et être peiné.
Mais laisse-moi baiser tes lèvres,
un seul instant, et ensuite je m’en vais ;
Et enlève-moi ce tourment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

J’ai encore du feu sur les lèvres,
du baiser d’adieu.
Comment penser que tu mentais,
quand tes yeux noirs pleuraient pour moi ?
Parle-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tourment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Autres versions

Seules les deux versions de Varela avec Ledesma et Falcón sont courantes, pourtant d’autres méritent d’être écoutées, voire dansées.

Fueron tres años 1956 — Héctor Mauré con acomp. de Orquesta Héctor Varela.

Cette version n’est pas précisément datée. Elle est peut-être postérieure à celle avec Ledesma, mais j’ai souhaité la mettre en premier pour la mettre en valeur. Même si ce n’est pas une version de danse, elle est magnifique et je pense que vous aurez plaisir à l’écouter. On notera que le début est différent. On peut l’attribuer au fait que Ledesma chante durant tout le titre et que par conséquent, faire un premier passage instrumental aurait été trop long. Varela l’a donc raccourci et il n’y a pas le pom pom pom pom initial.

Fueron tres años 1956-05-18 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma. C’est notre tango du jour.
Fueron tres años 1956-06-18 – Orquesta con Nina Miranda.

Le pom pom pom pom est remplacée une montée des cordes et bandonéons. Cela donne un départ assez spectaculaire et très différent. On connait Nina Miranda, une des grandes chanteuses uruguayennes. C’est vif et enlevé, mais ça manque sans doute de l’émotion que l’on trouve dans les versions de Varela.

Fueron tres años 1956-06-25 – Jorge Vidal con guitarras.

Un mois après la version enregistrée par Varela avec Ledesma, Jorge Vidal propose une version en chanson accompagnée par des guitares. On est dans un tout autre registre. Je trouve que l’on perd, là aussi un peu d’émotion.

Fueron tres años 1956-07-18 – ‘Osmar Maderna’ dir. Aquiles Roggero con Jorge Hidalgo.

Roggero choisit la même option que Gómez, un debut lié, mais plus doux.

Fueron tres años 1956-07-27 – Orquesta Enrique Mario Francini con Podestá.

Des nuances sans doute un peu exagérées démarrent le thème, avec des violons énervés. Podestá qui fait un peu de même ne me semble pas totalement convaincant. C’est de toute façon une version d’écoute et j’ai donc une excuse pour ne pas la passer en milonga…

Fueron tres años 1956-08-06 — Orquesta Donato Racciatti con Olga Delgrossi

On trouve pour la même année, 1956, une version de Rodriguez avec Moreno, mais j’ai un gros doute, car je n’y reconnais ni l’un ni l’autre dans cette interprétation qui de toute façon n’a rien de génial. Je préfère m’abstenir… Il y a donc au moins huit versions et peut-être plus enregistrées sur la seule année 1956.
Il faudra attendre 1973, pour que Varela relance la machine à tubes (pour les non-francophones, machine à ). Cette fois avec Jorge Falcón.

Fueron tres años 1973 — Orquesta Héctor Varela con Jorge Falcón.

C’est une autre sublime version, bravo, Monsieur Varela, trois versions merveilleuses du même thème, chapeau bas !

Fueron tres años 1974 — Orquesta Con .

Ce n’est pas inintéressant. Nous n’aurions pas les versions de Varela, on s’en contenterait peut-être. Ces artistes méritent cependant une écoute et comme ils ont enregistré dans un répertoire proche, on peut même faire une tanda pour accompagner ce titre.

Fueron tres años 2014 — Sexteto Milonguero con Javier Di Ciriaco.

C’est dommage que cet orchestre ne soit plus. Il avait une sympathique dynamique impulsée par son chanteur et directeur. On en a peut-être abusé, mais c’était un des orchestres qui avait un style qui n’était pas qu’une copie de ceux du passé. Je les avais fait venir au festival de Toulouse lorsque j’étais en charge des orchestres de bals et ils furent époustouflants et en plus, ils faisaient du tropical génial qu’il est dommage de ne pas plus avoir dans leurs disques, tournés sur le tango.

Fueron tres años 2016-12 — Orquesta Romántica Milonguera con .

Un autre orchestre qui a cherché un style propre et qui l’a trouvé. La très belle voix de Roberto Minondi et la sonorité particulière de l’orchestre donne une autre teinte au titre.

Fueron tres años 2018 — Cuarteto Mulenga con Maximiliano Agüero.

L’orchestre marque son originalité en déplaçant la syncope initiale du désormais fameux pom pom pom pom…

Fueron tres años 2023 — Conjuncto Berretin con .

La version la plus récente en ma possession de ce titre. Si vous aimez, vous pouvez acquérir une version en haute qualité sur BandCamp https://tangoberretin.bandcamp.com/album/tangos-del-berretin.

Même si j’ai un faible pour les versions de Varela, je pense que vous avez écouté des choses qui vous plaisent dans ce tango tardif, puisque né après l’âge d’or du tango de danse. Si vous n’aimez rien de tous ces titres, je vous propose quelque chose de très différent qui prouve le succès majeur de ce thème écrit il y a 68 ans…

Fueron tres años — Los Rangers De Venezuela.

Aïe, ne me tapez pas sur la tête ! Vous avez la preuve que ce n’est pas nécessaire… C’est la cortina…
Je vous propose de retrouver tout de suite votre titre préféré dans la liste qui précède.

À demain les amis !

Hablame, rompe silencio.