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Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) — Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri

A. Riobal (Alberto Castillo) ; Trío Los Halcones (Alberto Losavio ; Héctor Serrao ; Rodolfo Genaro Serrao)

¡Feliz año nue­vo! Il est minu­it à Buenos Aires, c’est l’année nou­velle qui com­mence. Les fusées de feu d’artifice péta­radent et illu­mi­nent le ciel de Buenos Aires. Ici, pas de majestueux feux d’artifice élaborés par des arti­ficiers pro­fes­sion­nels. Ce sont les Argentins qui se char­gent du spec­ta­cle en fonc­tion de leurs moyens financiers et de leurs capac­ités. Notre musique du jour n’est pas un tan­go, mais est chan­tée par un de ses chanteurs, Alber­to Castil­lo, qui en est égale­ment un des auteurs.

Riobal y los Halcones

Quelques mots sur les auteurs de ce titre.

Riobal

Riobal, alias Alber­to Castil­lo, alias…, alias…, alias…, alias…

Riobal est un des pseu­do­nymes de Alber­to Castil­lo, ou plutôt de Alber­to Sal­vador De Luc­ca, puisque que Castil­lo est égale­ment un pseu­do­nyme des­tiné à faire plus espag­nol, ce qui était courant pour les chanteurs de tan­go.
Les orchestres avaient besoin d’un chanteur ital­ien et d’un chanteur espag­nol pour sat­is­faire les deux prin­ci­pales com­mu­nautés portègnes. Peu importe qu’ils soient réelle­ment orig­i­naires de ces pays. D’ailleurs ses pre­miers pseu­do­nymes ont été Alber­to Dual et Car­los Duval
Cette foi­son de pseu­do­nymes était égale­ment des­tinée à tromper la vig­i­lance pater­nelle.
Pour son père, il était étu­di­ant en médecine et, effec­tive­ment, il devait être médecin gyné­co­logue.
Un jour, en écoutant son fils à la radio, il s’exclama, « il chante très bien, il a une voix sem­blable à celle de Alber­ti­to », et pour cause…
Cepen­dant, le tan­go a pris le dessus et Alber­to a rejoint l’orchestre d’un den­tiste, celui de Ricar­do Tan­turi, avant de ter­min­er sa dernière année… Il n’était donc pas à pro­pre­ment par­ler gyné­co­logue, comme on le lit en général dans ses biogra­phies.

Trío Los Halcones

Ce trio a chan­té avec Miguel Caló, mais leur spé­cial­ité était plutôt le boléro et autres musiques tra­di­tion­nelles ou folk­loriques. Ils ont col­laboré avec Castil­lo pour l’écriture de la musique et des paroles de ce titre. Il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement de Año nue­vo par ce trio.

Trío Los Hal­cones.

Extrait musical

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi.
Par­ti­tion de sax­o­phone ténor de Año nue­vo.

Ángel Condercuri ou Jorge Dragone ?

Año nue­vo a été enreg­istré le 31 jan­vi­er 1956. Je n’ai pas respec­té le choix d’un thème enreg­istré le jour de l’anecdote, pour vous pro­pos­er un air gai et de cir­con­stance. Nous sommes donc en 1956 et Alber­to Castil­lo a son orchestre dirigé par un chef. Selon les sources, il y a un doute sur le chef qui tenait la baguette le jour de l’enregistrement.

  • Gabriel Valiente dans son Enci­clo­pe­dia del Tan­go indique que l’orchestre de Castil­lo est dirigé par Ángel Con­der­curi de 1951 à 1954 puis de nou­veau à par­tir de 1959 et par Jorge Drag­one de 1955 à 1958. Ce tra­vail est une somme, mais il y a de nom­breuses impré­ci­sions et un cer­tain nom­bre d’erreurs. C’est une bonne source, mais qui demande à être véri­fiée.
  • Tango.info indique que Con­der­curi dirige l’orchestre de Castil­lo pour l’enregistrement de Año nue­vo. https://tango.info/fra/track/T0370371359
  • Todo Tan­go, qui est le site de référence incon­tourn­able pro­pose une entre­vue avec Jorge Drag­one dans laque­lle celui-ci indique qu’il était dans l’orchestre de Con­der­curi à cette époque. https://www.todotango.com/historias/cronica/238/Dragone-Un-eterno-viajero/ Par con­séquent, s’il est le pianiste de l’orchestre, il n’en est pas le directeur. En 1957, donc l’année suiv­ante, il indique avoir son pro­pre orchestre en alter­nance pour lequel il recourt à la voix de Argenti­no Ledes­ma. Même s’il est envis­age­able que, pour une séance d’enregistrement par­ti­c­ulière, Con­der­curi ait lais­sé la direc­tion à son pianiste, cela mérit­erait d’être doc­u­men­té.
  • Tango-DJ.AT, qui est en général bien ren­seigné et qui cor­rige les erreurs quand on les sig­nale, ce qui n’est pas le cas de tous (référence à d’autres sites qui ne pren­nent même pas la peine de véri­fi­er, ou qui te dis­ent que c’est ain­si et qui cor­ri­gent ensuite, en douce…), indique que c’est Con­der­curi.
    https://tango-dj.at/database/index.htm
    https://tango-dj.at/database/index.htm?titlesearch=ano+nuevo&genresearch=marcha (pour ceux qui sont abon­nés).

La solu­tion serait d’avoir le cat­a­logue ou le disque d’origine, mal­heureuse­ment, je n’ai pas trou­vé le cat­a­logue de Odeón cor­re­spon­dant et les CD ne sont pas pré­cis sur la ques­tion (soit ils n’indiquent rien, soit ils met­tent les deux noms, sans pré­cis­er à quels titres, cela se rap­porte). Quant aux dis­ques d’origine, ils indiquent juste Alber­to Castil­lo y su Orques­ta.
Bern­hard Gehberg­er, le créa­teur du site Tango-DJ.AT, con­firme avec les mêmes argu­ments. Il m’a même rap­pelé que cer­tains enreg­istrements étaient don­nés avec Raúl Bianchi à la direc­tion. Cepen­dant, cela ne sem­ble con­cern­er que la péri­ode 1953–1955. En 1956, Bianchi était à Rosario. On notera toute­fois, que Bianchi était pianiste, comme Drag­one. Serait-ce une habi­tude chez Con­der­curi de laiss­er ses pianistes diriger ?
En atten­dant d’en savoir plus, je con­serve Ángel Con­der­curi comme Directeur de l’orchestre de Castil­lo pour cet enreg­istrement.

Paroles

Il y a dif­férentes vari­antes, mais qui ne changent pas le sens. Vous aurez la ver­sion du film en fin d’article avec les paroles en sous-titrage.

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más,
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Mas ale­gre los días serán
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

A. Riobal (Alber­to Castil­lo) ; Trío Los Hal­cones (Alber­to Losavio; Héc­tor Ser­rao; Rodol­fo Genaro Ser­rao)

Traduction libre des paroles

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nouv­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus joyeux
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Pito y matra­ca (sif­flet et cré­celle)

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Nous lais­serons nos peines der­rière
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra…

Autres versions

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi. C’est notre thème du jour.
Año Nue­vo 1965 — Billo’s Cara­cas Boys. C’est la ver­sion qui est sans doute la plus con­nue, elle est jouée pour le Nou­v­el An dans la plu­part des pays d’Amérique du Sud et pas seule­ment au Vénézuéla, leur pays.

Pour ter­min­er en vidéo, je vous pro­pose de voir et écouter Alber­to Castil­lo dans le film “Músi­ca, ale­gría y amor” dirigé par Enrique Car­reras.
La scène a été enreg­istrée en 1955, cepen­dant, le film sor­ti­ra après le disque, le 9 mai 1956.
J’ai indiqué les paroles pour vous per­me­t­tre de suiv­re…

Año nue­vo dans le film Músi­ca, ale­gría y amor. Dans cet extrait, en plus de Alber­to Castil­lo, on remar­que Beat­riz Tai­bo, Ubal­do Martínez et Tito Gómez. Il y a aus­si une courte appari­tion de Leonor Rinal­di et Fran­cis­co Álvarez, les per­son­nes âgées.

Alber­to Castil­lo, qui tient le rôle prin­ci­pal (Alber­to Morán) est un jeune homme bohème qui rêve de devenir pein­tre, mais qui finale­ment aura du suc­cès comme chanteur (Raúl Man­rupe & María Ale­jan­dra Portela — Un Dic­cionario de Films Argenti­nos 1995, page 401). Ce film con­tient beau­coup de chan­sons par Castil­lo, dont notre titre du jour.

L’intrigue du film serait tirée de Loute, une comédie française (vaude­ville) en qua­tre actes de Pierre Veber dont l’in­trigue tourne autour de Dupont, un homme qui mène une vie de débauche sous l’in­flu­ence de son « ami » Castil­lon. Dupont décide de se mari­er avec Renée, une jeune femme de bonne famille, mais il est rapi­de­ment rat­trapé par son passé tumultueux. Loute, une anci­enne maîtresse de Dupont, réap­pa­raît et cause des com­pli­ca­tions. Les malen­ten­dus et les quipro­qu­os s’en­chaî­nent, notam­ment avec l’ar­rivée de Fran­col­in, un cousin de Dupont, qui cherche à se venger de lui. Finale­ment, après de nom­breux rebondisse­ments, les per­son­nages ten­tent de se réc­on­cili­er et de trou­ver un équili­bre entre leurs vies passées et présentes. Le lien entre la pièce et le film réal­isé par Enrique Car­reras sur un scé­nario de Enrique San­tés Morel­lo me sem­ble un peu dis­ten­du, d’autant plus que la pièce a eu son heure de gloire plus de 50 ans avant la réal­i­sa­tion du film. Cela témoigne tout de même de la fran­cophilie qui était encore vive à l’époque.
Dis­ons que la base du syn­op­sis a été de faire une comédie musi­cale pour met­tre en avant Alber­to Castil­lo

L’af­fiche du film réal­isée par le car­i­ca­tur­iste argentin Nar­ciso González Bayón. On y recon­naît Alber­to Castil­lo et Ameli­ta Var­gas. À la table, de gauche à droite, Fran­cis­co Álvarez, Leonor Rinal­di, Ger­ar­do Chiarel­la et Ubal­do Mar­tinez. La taille démesurée de Castil­lo mon­tre bien que c’était lui la vedette du film…

Voilà de quoi bien débuter l’année, en chan­son.

De camino al 2025

Je souhaite une merveilleuse année,
la santé et le bonheur,
à tous les humains de la Terre,
tous.

Fueron tres años 1956-05-18 — Orquesta Héctor Varela con Argentino Ledesma

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Lorsque Varela lance les qua­tre notes ini­tiales, tous les danseurs réagis­sent. Elles raison­nent comme le pom pom pom pom de la 5e sym­phonie de Beethoven. Le des­tin des danseurs est fixé, ils doivent danser ce titre. Cette fas­ci­na­tion date des pre­miers temps de ce titre qui a été enreg­istré, il n’y a pas trois ans, mais 68 ans et il nous par­le tou­jours.

Le pom pom pom pom de Varela dans la ver­sion avec Ledes­ma.

Même si la par­ti­tion ne com­porte que les notes en rouge pour les trois pre­mières notes, Varela fait jouer une dou­ble croche à la place de la croche du début de la sec­onde mesure à ses vio­lons. C’est rel­a­tive­ment dis­cret. Je l’ai indiqué en plaçant deux points rouges avec un petit point bleu au cen­tre. Varela fait jouer les deux petits points à la place de la croche qu’ils enca­drent. Cela cor­re­spond aux paroles (me/ha), Ledes­ma chan­tant deux syl­labes sur une seule note ; Varela demande à ses vio­lons de faire pareil, par un très léger accent. On se retrou­ve donc avec env­i­ron trois dou­ble croches (No-me-ha), puis la croche pointée (las). On notera que les vio­lons, comme Ledes­ma, chantent le (las) sur la note supérieure de l’accord (dernière note en rouge).
Cela atténue la syn­cope ini­tiale que devrait provo­quer l’anacrouse avec la dou­ble croche ini­tiale suiv­ie d’une croche. L’interprétation est plus proche de trois dou­bles croches, ce qui est sem­blable aux coups du des­tin dans la cinquième sym­phonie de Beethoven. Trois coups brefs suivi d’un plus long. Varela utilise une mon­tée à la quinte, alors que Beethoven utilise une descente à la tierce. Ce démar­rage est dif­férent suiv­ant les orchestres et si Varela l’utilise pour la ver­sion de 1973, il ne le fait pas pour la ver­sion chan­tée par Mau­ré enreg­istrée la même année (1956).
À la fin de la croche pointée rouge, on trou­ve (te-so-ro-mi) sur trois dou­ble croches et une croche qui fait dur­er le dou­ble de temps le (mi), puis le (o) qui dis­pose de toute une noire et qui dure donc qua­tre fois plus longtemps que les trois pre­mières notes bleues.

Juan Pablo Marín

Juan Pablo Marín était gui­tariste et a écrit trois titres un peu con­nus. Fueron tres años, notre tan­go du jour en 1956, et l’année suiv­ante, Reflex­ionemos qui a été enreg­istré trois fois en 1957, par Mau­ré, Gob­bi et Nina Miran­da et Ser­e­na­ta mía enreg­istré par Car­los Di Sar­li avec le duo de Rober­to Flo­rio et Jorge Durán. Ces deux titres de 1957 ne sont pas com­pa­ra­bles avec Fueron tres años ce qui explique un peu leur oubli. Je les laisse donc tran­quille­ment dormir pour vous offrir notre tan­go du jour.

Extrait musical

Fueron tres años 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.
Par­ti­tion de Fueron tres años

Paroles

No me hablas, tesoro mío,
no me hablas ni me has mira­do.
Fueron tres años, mi vida,
tres años muy lejos de tu corazón.
¡Háblame, rompe el silen­cio!
¿No ves que me estoy murien­do?
Y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

¡Qué cosas que tiene la vida!
¡Qué cosas ten­er que llo­rar!
¡Qué cosas que tiene el des­ti­no!
Será mi camino sufrir y penar.
Pero deja que bese tus labios,
un solo momen­to, y después me voy;
y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

Aún ten­go fuego en los labios,
del beso de des­pe­di­da.
¿Cómo pen­sar que men­tías,
sí tus negros ojos llora­ban por mí?
¡Háblame, rompe el silen­cio!
¿No ves que me estoy murien­do?
Y quí­tame este tor­men­to,
porque tu silen­cio ya me dice adiós.

Juan Pablo Marín (musique et paroles)

Traduction libre

Tu ne me par­les pas, mon tré­sor,
Tu ne me par­les pas ni ne m’as regardé.
Ce furent trois ans, ma vie,
trois ans très loin de ton cœur.
Par­le-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Que de choses tient la vie !
Que de choses à tenir pour pleur­er !
Que de choses tient le des­tin !
Ce sera mon chemin, souf­frir et être peiné.
Mais laisse-moi bais­er tes lèvres,
un seul instant, et ensuite je m’en vais ;
Et enlève-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

J’ai encore du feu sur les lèvres,
du bais­er d’adieu.
Com­ment penser que tu men­tais,
quand tes yeux noirs pleu­raient pour moi ?
Par­le-moi, rompt le silence !
Ne vois-tu pas que je suis en train de mourir ?
Et ôte-moi ce tour­ment,
car ton silence, déjà, me dit adieu.

Autres versions

Seules les deux ver­sions de Varela avec Ledes­ma et Fal­cón sont courantes, pour­tant d’autres méri­tent d’être écoutées, voire dan­sées.

Fueron tres años 1956 — Héc­tor Mau­ré con acomp. de Orques­ta Héc­tor Varela.

Cette ver­sion n’est pas pré­cisé­ment datée. Elle est peut-être postérieure à celle avec Ledes­ma, mais j’ai souhaité la met­tre en pre­mier pour la met­tre en valeur. Même si ce n’est pas une ver­sion de danse, elle est mag­nifique et je pense que vous aurez plaisir à l’écouter. On notera que le début est dif­férent. On peut l’attribuer au fait que Ledes­ma chante durant tout le titre et que par con­séquent, faire un pre­mier pas­sage instru­men­tal aurait été trop long. Varela l’a donc rac­cour­ci et il n’y a pas le pom pom pom pom ini­tial.

Fueron tres años 1956-05-18 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma. C’est notre tan­go du jour.
Fueron tres años 1956-06-18 — Orques­ta Gra­ciano Gómez con Nina Miran­da.

Le pom pom pom pom est rem­placée une mon­tée des cordes et ban­donéons. Cela donne un départ assez spec­tac­u­laire et très dif­férent. On con­nait Nina Miran­da, une des grandes chanteuses uruguayennes. C’est vif et enlevé, mais ça manque sans doute de l’émotion que l’on trou­ve dans les ver­sions de Varela.

Fueron tres años 1956-06-25 — Jorge Vidal con gui­tar­ras.

Un mois après la ver­sion enreg­istrée par Varela avec Ledes­ma, Jorge Vidal pro­pose une ver­sion en chan­son accom­pa­g­née par des gui­tares. On est dans un tout autre reg­istre. Je trou­ve que l’on perd, là aus­si un peu d’émotion.

Fueron tres años 1956-07-18 — Orques­ta Sím­bo­lo ‘Osmar Mader­na’ dir. Aquiles Rog­gero con Jorge Hidal­go.

Rog­gero choisit la même option que Gómez, un debut lié, mais plus doux.

Fueron tres años 1956-07-27 — Orques­ta Enrique Mario Franci­ni con Alber­to Podestá.

Des nuances sans doute un peu exagérées démar­rent le thème, avec des vio­lons énervés. Podestá qui fait un peu de même ne me sem­ble pas totale­ment con­va­in­cant. C’est de toute façon une ver­sion d’écoute et j’ai donc une excuse pour ne pas la pass­er en milon­ga…

Fueron tres años 1956-08-06 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi

On trou­ve pour la même année, 1956, une ver­sion de Rodriguez avec Moreno, mais j’ai un gros doute, car je n’y recon­nais ni l’un ni l’autre dans cette inter­pré­ta­tion qui de toute façon n’a rien de génial. Je préfère m’abstenir… Il y a donc au moins huit ver­sions et peut-être plus enreg­istrées sur la seule année 1956.
Il fau­dra atten­dre 1973, pour que Varela relance la machine à tubes (pour les non-fran­coph­o­nes, machine à suc­cès). Cette fois avec Jorge Fal­cón.

Fueron tres años 1973 — Orques­ta Héc­tor Varela con Jorge Fal­cón.

C’est une autre sub­lime ver­sion, bra­vo, Mon­sieur Varela, trois ver­sions mer­veilleuses du même thème, cha­peau bas !

Fueron tres años 1974 — Orques­ta Jorge Drag­one Con Diego Solis.

Ce n’est pas inin­téres­sant. Nous n’aurions pas les ver­sions de Varela, on s’en con­tenterait peut-être. Ces artistes méri­tent cepen­dant une écoute et comme ils ont enreg­istré dans un réper­toire proche, on peut même faire une tan­da pour accom­pa­g­n­er ce titre.

Fueron tres años 2014 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

C’est dom­mage que cet orchestre ne soit plus. Il avait une sym­pa­thique dynamique impul­sée par son chanteur et directeur. On en a peut-être abusé, mais c’était un des orchestres qui avait un style qui n’était pas qu’une copie de ceux du passé. Je les avais fait venir au fes­ti­val Tan­go­postale de Toulouse lorsque j’étais en charge des orchestres de bals et ils furent épous­tou­flants et en plus, ils fai­saient du trop­i­cal génial qu’il est dom­mage de ne pas plus avoir dans leurs dis­ques, tournés sur le tan­go.

Fueron tres años 2016-12 — Orques­ta Román­ti­ca Milonguera con Rober­to Minon­di.

Un autre orchestre qui a cher­ché un style pro­pre et qui l’a trou­vé. La très belle voix de Rober­to Minon­di et la sonorité par­ti­c­ulière de l’orchestre donne une autre teinte au titre.

Fueron tres años 2018 — Cuar­te­to Mulen­ga con Max­i­m­il­iano Agüero.

L’orchestre mar­que son orig­i­nal­ité en déplaçant la syn­cope ini­tiale du désor­mais fameux pom pom pom pom…

Fueron tres años 2023 — Con­junc­to Berretin con Megan Yvonne.

La ver­sion la plus récente en ma pos­ses­sion de ce titre. Si vous aimez, vous pou­vez acquérir une ver­sion en haute qual­ité sur Band­Camp https://tangoberretin.bandcamp.com/album/tangos-del-berretin.

Même si j’ai un faible pour les ver­sions de Varela, je pense que vous avez écouté des choses qui vous plaisent dans ce tan­go tardif, puisque né après l’âge d’or du tan­go de danse. Si vous n’aimez rien de tous ces titres, je vous pro­pose quelque chose de très dif­férent qui prou­ve le suc­cès majeur de ce thème écrit il y a 68 ans…

Fueron tres años — Los Rangers De Venezuela.

Aïe, ne me tapez pas sur la tête ! Vous avez la preuve que ce n’est pas néces­saire… C’est la corti­na…
Je vous pro­pose de retrou­ver tout de suite votre titre préféré dans la liste qui précède.

À demain les amis !

Hablame, rompe silen­cio.

Para ti madre 1932-05-04 — Orquesta Francisco Canaro con Agustín Irusta

José Mocciola Letra : Venancio Clauso

¡Madre hay una sola! chan­tait Gardel dans le tan­go du même nom. La valse du jour est une valse pour les mères que l’on fête en Argen­tine le 3dimanche d’octobre. Ce n’est donc pas tout de suite que les Argentins vont pass­er cette valse à leur maman, en revanche, dans beau­coup d’autres pays, cela se fête en mai. Cer­tains vont donc pou­voir l’utiliser bien­tôt…

Extrait musical

Par­ti­tion de Para ti, Madre.
Para ti madre 1932-05-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta. Près de 30 sec­on­des d’introduction, le temps d’aller chercher sa mère pour la faire danser.

Paroles

Este mun­do, donde todo es leve humo,
men­ti­ra, hojaras­ca,
por sobre toda pequeñez humana,
por sobre toda grandeza vac­ua,
como un beso de dios, hecho mate­ria,
un sim­bo­lo, la madre se lev­an­ta

Dichoso tiem­po aquel de la niñez mar­avil­losa,
infan­cia de oro y miel, ben­di­ta edad de ingenuidad,
el mun­do era un edén en donde el bien rein­a­ba
y lleno de ilusión era feliz el corazón.
Cari­cia mater­nal, mano leal y gen­erosa,
ter­nu­ra sin igual, mun­do ide­al, col­or de rosa.
Del ven­tur­oso ayer sólo quedó el recuer­do,
la vida dura y cru­el ya me enseñó lo que es dolor.

Mi corazón san­grante ten­go
en el pesar más cru­el sum­i­do,
extraña el buen calor del nido
y en la can­ción
se der­ra­ma su emo­ción.
Evo­cación del bien per­di­do
es para ti la can­ción
y a acari­ciar tus oídos
irán los lati­dos
de mi corazón.

Aho­ra que no estás, te sien­to más hon­do en el alma
y nadie ha de poder bor­rar, jamás, tu ima­gen fiel.
Aho­ra que no estás es tan tenaz la angus­tia
de haber sido, quizás, algu­na vez un poco cru­el.
El eco de tu voz, que es voz de Dios, vibra en mi oído
y es sop­lo alen­ta­dor que da val­or al abati­do.
Tu beso inma­te­r­i­al pasa mi sien rozan­do
y aunque no estás aquí, muy mater­nal, velas por mí.

José Moc­ci­o­la Letra : Venan­cio Clau­so

Agustín Irus­ta ne chante que ce qui est en gras, c’est-à-dire que le plus triste de la chan­son n’est pas évo­qué. C’est mieux pour le chanter à sa mère si vous avez la chance de l’avoir encore en vie…
En bleu, ce qui est dit ou chan­té selon les ver­sions par Echagüe et seule­ment par lui, dans les années 70.
Car­los Dante et Ada Fal­cón chantent toutes les paroles (sauf ce qui est bleu, qui n’appartient qu’à Echagüe).

Traduction libre

Temps bien­heureux de l’enfance mer­veilleuse, une enfance d’or et de miel, une époque bénie de naïveté. Le monde était un Éden où le bien rég­nait et où le cœur était heureux et plein d’illusions.
Caresse mater­nelle, main loyale et généreuse, ten­dresse sans pareille, monde idéal, couleur de rose. Du passé heureux, il ne reste que le sou­venir, la vie dure et cru­elle m’a déjà appris ce que c’est que la douleur.
Mon cœur saig­nant est sub­mergé par les regrets les plus cru­els, il manque de la bonne chaleur du nid et dans le chant se déverse son émo­tion.
Une évo­ca­tion du bien per­du, la chan­son est pour toi, et en cares­sant tes oreilles, vien­dront les bat­te­ments de mon cœur.
Main­tenant que tu n’es plus, je te sens au plus pro­fond de mon âme et per­son­ne ne pour­ra jamais effac­er ton image fidèle.
Main­tenant que tu es par­tie, l’angoisse d’avoir été, peut-être, par­fois un peu cru­el est si tenace.
L’écho de ta voix, qui est la voix de Dieu, vibre à mon oreille et est un souf­fle encour­ageant qui donne du courage à celui qui est abat­tu.
Ton bais­er immatériel effleure ma tempe et même si tu n’es pas là, tu veilles sur moi d’une manière si mater­nelle.

Autres versions

Quelques-uns des dis­ques présen­tés, de gauche à droite : Canaro Irus­ta, Canaro Fal­con, De Ange­lis Dante, Mader­na Dati­la, Cor­rales et à droite, la pochette d’un 33 tours de Canaro reprenant la ver­sion de 1932.
Para ti madre 1932-05-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Agustín Irus­ta. C’est notre valse du jour.
Para ti madre 1932-07-18 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Fidèle à ses habi­tudes, Canaro réalise dans la foulée une ver­sion en chan­son. Celle-ci, respectueuse des paroles, est donc plus triste. Cepen­dant la jolie voix d’Ada fait que ce titre, bien accom­pa­g­né par Canaro est agréable à écouter.

Para ti madre 1948-07-23 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

Si votre mère est car­diaque ou un peu ban­cale, évitez de la faire valser sur cette ver­sion très rapi­de pro­posée par De Ange­lis et Dante.

Para ti madre 1949-01-26 — Orques­ta Osmar Mader­na con Pedro Dáti­la y Mario Cor­rales (Pomar).

Une ver­sion qui pour­rait être sym­pa si elle n’avait pas été mas­sacrée par un ingénieur du son, fou. Les grands coups de poten­tiomètres pour aug­menter les nuances sont ridicules. Avec un peu de boulot, on peut rétablir un sem­blant de nor­mal­ité dans cette valse, mais quel gâchis.

Para ti madre 1972 — Alber­to Echagüe con orques­ta de Jorge Drag­one.

Mais qu’est-ce qui a pris à Echagüe de s’associer avec Drag­one pour enreg­istr­er cette ver­sion sin­istre ? Même si on arrive à sup­port­er l’orgue élec­tron­ique, la tristesse de l’introduction et l’ambiance de cette valse ren­dent défini­tive­ment impass­able à une mère un tant soit peu aimée… Peut-être que j’ai une petite dent con­tre l’orgue élec­tron­ique, car quand j’étais ado­les­cent et que je jouais sur l’un d’entre eux, celui-ci a décidé de pren­dre feu, chose qui n’arrive pas avec les bons vieux Stein­way Bossendör­fer ou Yama­ha…
Echagüe dit la pre­mière stro­phe, cela donne un air un peu sin­istre.
Pour le reste, il chante les paroles avec de légères vari­antes.

Para ti madre (1972 ? Le disque est sor­ti le 14 jan­vi­er 1974) — Los Solis­tas de D’Arienzo con Alber­to Echagüe.

Echagüe se rachète avec cette ver­sion enreg­istrée avec les anciens musi­ciens de D’Arienzo. Car­los Láz­zari (Ban­donéon, arrange­ments et directeur), Nor­man­do Lázara (Piano), Milo Doj­man (Vio­lín), Enrique Amadeo Guer­ra (Con­tra­ba­jo) et Alber­to Echagüe au chant.
Echagüe change ce qu’il dis­ait dans la ver­sion de Drag­one, ce qui enlève un peu de sin­istre. Le rythme plus rapi­de fait que la valse passe mieux.

Si rien ne vous con­vient, vous trou­verez des dizaines de titres en cher­chant avec Mamá, Madre et Madrecita. Beau­coup sont des valses, forme qui se prête par­ti­c­ulière­ment aux anniver­saires et fêtes en tout genre.
Et si tout cela ne vous suf­fit pas, pour ter­min­er avec un genre dif­férent, je vous pro­pose, Para ti madrecita par le chanteur équa­to­rien Julio Jaramil­lo sur une musique et des paroles de Ser­gio Bedoya.

Para ti madrecita — Julio Jaramil­lo, El Ruiseñor de Améri­ca.
Para ti madre.