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La canción de los pescadores de perlas 1968-08-30 y 1971 — Orquesta Florindo Sassone

Georges Bizet. Florindo Sassone, Othmar Klose et Rudi Luksch (adaptation en tango)

Beau­coup de tan­gos sont inspirés de musiques européennes. Les valses, notam­ment, mais pas seule­ment. Ces titres sont adap­tés et devi­en­nent de « vrais tan­gos », mais ce n’est pas tou­jours le cas.
En France, cer­tains danseurs de tan­go appré­cient des titres un peu étranges, des titres qui n’ont jamais été écrits pour cette danse. On appelle générale­ment cela le « tan­go alter­natif ».
Un des titres les plus con­nus dans le genre est la reprise d’un opéra du XIXe siè­cle effec­tuée par Florindo Sas­sone. Le fait qu’un chef d’orchestre de tan­go reprenne un titre n’en fait pas un tan­go de danse. Cela reste donc de l’alternatif. Je vous laisse en juger avec los pescadores de per­las, les pêcheurs de per­les, de Bizet et Sas­sone…

Écoutes

Tout d’abord, voyons l’original com­posé par Bizet. Je vous pro­pose une ver­sion par un orchestre et un chanteur français, celle du ténor Rober­to Alagna avec l’orchestre de Paris, qui est dirigé par Michel Plas­son. Cette inter­pré­ta­tion a été enreg­istrée le 9 juil­let 2009 au Bassin de Nep­tune du château de Ver­sailles. Ce soir-là, il chantera trois œuvres de Bizet, dont un extrait de Car­men, même si ce n’est pas la célèbre habanera qui a tant à voir avec un des rythmes de base du tan­go et de la milon­ga. Vous pou­vez voir le con­cert en entier avec cette vidéo…
https://youtu.be/Jx5CNgsw3S0. Ne vous fiez pas à la prise de son un peu médiocre du début, par la suite, cela devient excel­lent. Pour aller directe­ment au but, je vous pro­pose ici l’extrait, sub­lime où Alagna va à la pêche aux per­les d’émotion en inter­pré­tant notre titre du jour.

Rober­to Alagna et l’orchestre de Paris dirigé par Michel Plas­son dans Les Pêcheurs de Per­les de Georges Bizet. L’air de Nadir « Je crois enten­dre encore ».

Deux mots de l’opéra de Bizet

Les pêcheurs de per­les est le pre­mier opéra com­posé par Bizet, âgé de 25 ans, en 1863). L’intrigue est sim­pliste.
L’opéra se passe sur l’île de Cey­lan, où deux amis d’enfance, Zur­ga et Nadir, évo­quent leur pas­sion de jeunesse pour une prêtresse de Can­di nom­mé Leïla.
Pour ne pas nuire à leur ami­tié, ils avaient renon­cé à leur amour, surtout Zur­ga, car Nadir avait secrète­ment revu Leïla.
Zur­ga était mécon­tent, mais, finale­ment, il décide de sauver les deux amants en met­tant le feu au vil­lage.
L’air célèbre qui a été repris par Sas­sone est celui de Nadir, au moment où il recon­naît la voix de Leïla. En voici les paroles :

Je crois enten­dre encore,
Caché sous les palmiers,
Sa voix ten­dre et sonore
Comme un chant de rami­er !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !
Aux clartés des étoiles,
Je crois encore la voir,
Entrou­vrir ses longs voiles
Aux vents tièdes du soir !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !

Avant de pass­er aux ver­sions de Florindo Sas­sone, une ver­sion par Alfre­do Kraus, un ténor espag­nol qui chante en Ital­ien… La scène provient du film “Gayarre” de 1959 réal­isé par Domin­go Vilado­mat Pancor­bo. Ce film est un hom­mage à un autre ténor espag­nol, mais du XIXe siè­cle, Julián Gayarre (1844–1890).
La vie, ou plutôt la mort de ce chanteur, est liée à notre titre du jour, puisqu’en décem­bre 1889, Gayarre chan­ta Los pescadores de per­las mal­gré une bron­chop­neu­monie (provo­quée par l’épidémie de grippe russe qui fit 500 000 morts).
Lors de l’exécution, qui fut aus­si la sienne, sa voix se cas­sa sur une note aigüe et il s’évanouit. Les effets con­jugués de la mal­adie et de la dépres­sion causée par son échec artis­tique l’emportèrent peu après, le 2 jan­vi­er 1890 ; il avait seule­ment 45 ans. Cette his­toire était suff­isante pour en faire un mythe. D’ailleurs trois films furent con­sacrés à sa vie, dont voici un extrait du sec­ond, “Gayarre” où Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les.

Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les dans le film Gayarre.

Sas­sone pou­vait donc con­naître cette œuvre, par les deux pre­miers films, “El Can­to del Ruiseñor” de 1932 et “Gayarre” de 1959 (le troisième, Roman­za final est de 1986) ou tout sim­ple­ment, car bizet fut un com­pos­i­teur influ­ent et que Les pêcheurs de Per­les est son deux­ième plus gros suc­cès der­rière Car­men.

J’en viens enfin aux versions de Sassone

La can­ción de los pescadores de per­las 1968-08-30 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

C’est une ver­sion “adap­tée” en tan­go. Je vous laisse juger de la dans­abil­ité. Cer­tains adorent.
Dès le début la harpe apporte une ambiance par­ti­c­ulière, peut-être l’ondoiement des vagues, que ponctue le vibra­phone. L’orchestre majestueux accom­pa­g­né par des bass­es pro­fondes qui mar­quent la marche alterne les expres­sions suaves et d’autres plus autori­taires. On est dans du Sasonne typ­ique de cette péri­ode, comme on l’a vu dans d’autres anec­dotes, comme dans Féli­cia du même Sas­sone. https://dj-byc.com/felicia-1966–03-11-orquesta-florindo-sassone/
La présence d’un rythme rel­a­tive­ment réguli­er, souligné par les ban­donéons, peut inspir­er cer­tains danseurs de tan­go. Pour d’autres, cela pour­rait trop rap­pel­er le rythme réguli­er du tan­go musette et au con­traire les gên­er.

Cet aspect musette est sans doute le fait d’Oth­mar Klose et Rudi Luksch qui sont inter­venus dans l’orches­tra­tion. Luksch était accordéon­iste et Klose était un des com­pos­i­teurs d’Adal­bert Lut­ter (tan­go alle­mand).

C’est cepen­dant un titre qui peut intéress­er cer­tains danseurs de spec­ta­cle par sa vari­a­tion d’expressivité.

La can­ción de los pescadores de per­las 1971 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Trois ans plus tard, Sas­sone enreg­istre une ver­sion assez dif­férente et sans doute encore plus éloignée de la danse. Là encore, elle pour­rait trou­ver des ama­teurs…
Cette ver­sion démarre plus suave­ment. La harpe est moins expres­sive et les vio­lons ont pris plus de présence. La con­tre­basse et le vio­lon­celle sont bien présents et don­nent le rythme. Cepen­dant, cette ver­sion est peut-être plus lisse et moins expres­sive. Quitte à pro­pos­er une musique orig­i­nale, je jouerai, plutôt le jeu de la pre­mière ver­sion, même si elle risque d’inciter cer­tains danseurs à dépass­er les lim­ites générale­ment admis­es en tan­go social.

Cette ver­sion est sou­vent datée de 1974, mais l’en­reg­istrement est bien de 1971 et a été réal­isé à Buenos Aires, dans les stu­dios ION. Los Estu­dios ION qui exis­tent tou­jours ont été des pio­nniers pour les nou­veaux tal­ents et notam­ment ceux du Rock nacional à par­tir des années 60. Le fait que Sas­sone enreg­istre chez eux pour­rait être inter­prété comme une indi­ca­tion que ce titre et l’évo­lu­tion de Sas­sone s’é­taient un peu éloigné du tan­go “tra­di­tion­nel”, mais tout autant que les maisons d’édi­tions tra­di­tion­nelles s’é­taient éloignées du tan­go. Balle au cen­tre.

Com­para­i­son des ver­sions de 1968 et 1971. On voit rapi­de­ment que la ver­sion de 1968, à gauche est mar­quée par des nuances bien plus fortes. Elle a plus de con­traste. L’autre est plus plate. Elle relève plus du genre « musique d’ascenseur » que son aînée.

Le DJ de tango est-il un chercheur de perles ?

Le DJ est au ser­vice des danseurs et doit donc leur pro­pos­er des musiques qui leur don­nent envie de danser. Cepen­dant, il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­serv­er et faire vivre un pat­ri­moine.
Je prendrai la com­para­i­son avec un con­ser­va­teur de musée d’art pour me faire mieux com­pren­dre.
Le con­ser­va­teur de musée comme son nom l’indique (au moins en français ou ital­ien et un peu moins en espag­nol ou en anglais où il se nomme respec­tive­ment curador et cura­tor) est cen­sé con­serv­er les œuvres dont il a la respon­s­abil­ité. Il les étudie, il les fait restau­r­er quand elles ont des soucis, il fait des pub­li­ca­tions et des expo­si­tions pour les met­tre en valeur. Il enri­chit égale­ment les col­lec­tions de son insti­tu­tion par des acqui­si­tions ou la récep­tion de dons.
Son tra­vail con­siste prin­ci­pale­ment à faire con­naître le pat­ri­moine et à le faire vivre sans lui porter préju­dice en le préser­vant pour les généra­tions futures.
Le DJ fait de même. Il recherche des œuvres, les restau­re (pas tou­jours avec tal­ent) et les mets en valeur en les faisant écouter dans les milon­gas.
Par­fois, cer­tains déci­dent de jouer avec le pat­ri­moine en pas­sant des dis­ques d’époque. Cela n’a aucun intérêt d’un point de vue de la qual­ité du son et c’est très risqué pour les dis­ques, notam­ment les 78 tours qui devi­en­nent rares et qui sont très frag­iles. Si on veut vrai­ment faire du show, il est préférable de faire press­er des dis­ques noirs et de les pass­er à la place des orig­in­aux.
Bon, à force d’enfiler les idées comme des per­les, j’ai per­du le fil de ma canne à pêch­er les nou­veautés. Le DJ de tan­go, comme le con­ser­va­teur de musée avec ses vis­i­teurs, a le devoir de renou­vel­er l’intérêt des danseurs en leur pro­posant des choses nou­velles, ou pour le moins mécon­nues et intéres­santes.
Évidem­ment, cela n’est pas très facile dans la mesure où trou­ver des titres orig­in­aux demande un peu de tra­vail et notam­ment un goût assez sûr pour définir si une œuvre est bonne pour la danse, et dans quelles con­di­tions.
Enfin, ce n’est pas si dif­fi­cile si on fait sauter la lim­ite qui est de rester dans le genre tan­go. C’est la brèche dans laque­lle se sont engouf­fré un très fort pour­cent­age de DJ, encour­agés par des danseurs insuff­isam­ment for­més pour se ren­dre compte de la supercherie.
C’est comme si un con­ser­va­teur de musée d’art se met­tait à affich­er unique­ment des œuvres sans inten­tion artis­tique au détri­ment des œuvres ayant une valeur artis­tique probante.
Je pense par exem­ple à ces pro­duc­tions en série que l’on trou­ve dans les mag­a­sins de sou­venir du monde entier, ces chro­mos dégouli­nants de couleurs ou ces « stat­ues » en plas­tique ou résine. Sous pré­texte que c’est facile d’abord, on pour­rait espér­er voir des vis­i­teurs aus­si nom­breux que sur les stands des bor­ds de plage des sta­tions bal­néaires pop­u­laires.
Revenons au DJ de tan­go. Le par­al­lèle est de pass­er des musiques de var­iété, des musiques appré­ciées par le plus grand monde, des pro­duits mar­ket­ing matraqués par les radios et les télévi­sions, ou des musiques de film et qui, à force d’êtres omniprésentes, sont donc dev­enues famil­ières, voire con­sti­tu­tive des goûts des audi­teurs.
Je n’écris pas qu’il faut rejeter toutes les musiques, mais qu’avant de les faire entr­er dans le réper­toire du tan­go, il faut sérieuse­ment les étudi­er.
C’est assez facile pour les valses, car le Poum Tchi Tchi du rythme à trois temps avec le pre­mier temps mar­qué est suff­isam­ment por­teur pour ne pas désta­bilis­er les danseurs. Bien sûr, les puristes seront out­rés, mais c’est plus une (op)position de principe qu’une véri­ta­ble indig­na­tion.
Pour les autres rythmes, c’est moins évi­dent. Les zam­bas ou les boléros dan­sés en tan­go, c’est mal­heureuse­ment trop courant. Pareil pour les chamames, fox­trots et autres rythmes qui sont bougés en forme de milon­ga. Avec ces exem­ples, je suis resté dans ce qu’on peut enten­dre dans cer­taines milon­gas habituelles, mais, bien sûr, d’autres vont beau­coup plus loin avec des musiques n’ayant absol­u­ment aucun rap­port avec l’Amérique du Sud et les rythmes qui y étaient pra­tiqués.
Pour ma part, je cherche des per­les, mais je les cherche dans des enreg­istrements per­dus, oubliés, masqués par des ver­sions plus con­nues et dev­enues uniques, car peu de col­lègues font l’effort de puis­er dans des ver­sions moins faciles d’accès.
Vous aurez sans doute remar­qué, si vous êtes un fidèle de mes anec­dotes de tan­go, que je pro­pose de nom­breuses ver­sions. Sou­vent avec un petit com­men­taire qui explique pourquoi je ne passerais pas en milon­ga cette ver­sion, ou au con­traire, pourquoi je trou­ve que c’est injuste­ment lais­sé de côté.
Le DJ est donc, à sa façon un pêcheur de per­les, mais son tra­vail ne vaut que s’il est partagé et respectueux des par­tic­u­lar­ités du tan­go, cette cul­ture, riche en per­les.
Bon, je ren­tre dans ma coquille pour me pro­téger des réac­tions que cette anec­dote risque de provo­quer…

Ces réac­tions n’ont pas man­qué, quelques répons­es ici…

Tango ou pas tango ?

Une réac­tion de Jean-Philippe Kbcoo m’incite à dévelop­per un peu ce point.

“Les pêcheurs de per­les” classés en alter­natif !!!! Wouhaaa ! Quelle bril­lan­tis­sime audace ! Sur la dans­abil­ité, je le trou­ve net­te­ment plus inter­prétable qu’un bon Gardel, pour­tant classé dans les tan­gos purs et durs, non ? En tout cas, mer­ci de cet arti­cle à la phy­logéné­tique très inat­ten­due 🙂

Il est sou­vent assez dif­fi­cile de faire com­pren­dre ce qui fait la dans­abil­ité d’une musique de tan­go.
J’ai fait un petit arti­cle sur le sujet il y a quelques années : https://dj-byc.com/les-styles-du-tango/
Il est fort pos­si­ble qu’aujourd’hui, je n’écrirai pas la même chose. Cepen­dant, Gardel n’a jamais été con­sid­éré comme étant des­tiné à la danse. Le tan­go a divers aspects et là encore, pour sim­pli­fi­er, il y a le tan­go à écouter et le tan­go à danser.
Les deux relèvent de la cul­ture Tan­go, mais si les fron­tières sem­blent floues aujourd’hui, elles étaient par­faite­ment claires à l’époque. C’était inscrit sur les dis­ques…
Gardel, pour y revenir, avait sur ses dis­ques la men­tion :
“Car­los Gardel con acomp. de gui­tar­ras” ou “con la orques­ta Canaro”, par exem­ple.
Les tan­gos de danse étaient indiqués :
“Orques­ta Juan Canaro con Ernesto Famá”
Dans le cas de Gardel, qui ne fai­sait pas de tan­gos de danse, on n’a, bien sûr, pas cette men­tion. Cepen­dant, pour repren­dre Famá et Canaro, il y a eu aus­si des enreg­istrements des­tinés à l’écoute et, dans ce cas, ils étaient notés :
“Ernesto Famá con acomp. de Fran­cis­co Canaro”.
Dans le cas des enreg­istrements de Sas­sone, ils sont tardifs et ces dis­tinc­tions n’étaient plus de rigueur.
Toute­fois, le fait qu’ils aient été arrangés par des com­pos­i­teurs de musette ou de tan­go alle­mand, Oth­mar Klose et Rudi Luksch, ce qui est très net dans la ver­sion de 1968, fait que ce n’est pas du tan­go argentin au sens strict, même si le tan­go musette est l’héritier des bébés tan­gos lais­sés par les Argentins comme les Gobi ou les Canaro en France.
Je con­firme donc qu’au sens strict, ces enreg­istrements de Sas­sone ne relèvent pas du réper­toire tra­di­tion­nel du tan­go et qu’ils peu­vent donc être con­sid­érés comme alter­nat­ifs, car pas accep­tés par les danseurs tra­di­tion­nels.
Bien sûr, en Europe, où la cul­ture tan­go a évolué de façon dif­férente, on pour­rait plac­er la lim­ite à un autre endroit. La ver­sion de 1968 n’est pas du pur musette et peut donc être plus facile­ment assim­ilée. Celle de 1971 cepen­dant, est dans une tout autre dimen­sion et ne présente aucun intérêt pour la danse de tan­go.
On notera d’ailleurs que, sur le disque de 1971 réédité en CD en 1998, il y a la men­tion « Tan­go inter­na­tion­al » et que les titres sont classés en deux caté­gories :
« Tan­gos europeos et norteam­er­i­canos » et « Melo­dias japone­sas ».

Le CD de 1998 reprenant les enreg­istrements de 1971 est très clair sur le fait que ce n’est pas du tan­go argentin.

Cette men­tion de « Tan­go inter­na­tion­al » est à met­tre en par­al­lèle avec d’autres dis­ques des­tinés à un pub­lic étranger et éti­quetés « Tan­go for export ». C’est à mon avis un élé­ment qui classe vrai­ment ce titre hors du champ du tan­go clas­sique.
Cela ne sig­ni­fie pas que c’est de la mau­vaise musique ou que l’on ne peut pas la danser. Cer­tains sont capa­bles de danser sur n’importe quoi, mais cette musique ne porte pas cette danse si par­ti­c­ulière qu’est le tan­go argentin.

Cela n’empêche pas de la pass­er en milon­ga, en con­nais­sance de cause et, car cela fait plaisir à cer­tains danseurs. Il ne faut jamais dire jamais…

Une suggestion d’une collègue, Roselyne Deberdt

Mer­ci à Rose­lyne pour cette propo­si­tion qui per­met de met­tre en avant une autre ver­sion française.

Les pêcheurs de per­les 1936 — Tino Rossi Accom­pa­g­né par l’Orchestre de Mar­cel Cariv­en. Disque Colum­bia France (label rouge) BF-31. Numéro de matrice CL5975‑1.

Sur la face B du disque, La berceuse de Joce­lyn. Joce­lyn est un opéra du com­pos­i­teur français Ben­jamin Godard, créé en 1888 avec un livret d’Ar­mand Sylvestre et Vic­tor Capoul. Il est inspiré du roman en vers éponyme de Lamar­tine. Cepen­dant, même si la voix de Tino est mer­veilleuse, ce thème n’a pas sa place en milon­ga, mal­gré ses airs de de “Petit Papa Noël”…
N’oublions pas que Tino Rossi a chan­té plusieurs tan­gos, dont le plus beau tan­go du monde, mais aus­si :

  • C’est à Capri
  • C’é­tait un musi­cien
  • Écris-Moi
  • Le tan­go bleu
  • Le tan­go des jours heureux
  • Tan­go de Mar­ilou

Et le mer­veilleux, Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ?, que je rajoute pour le plaisir ici :

Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ? 1933-11-09 — Tino Rossi Accomp. Miguel Orlan­do et son Orchestre du Bag­dad.

Le Bag­dad était à Paris au 168, rue du Faubourg Saint-Hon­oré. Miguel Orlan­do était un ban­donéon­iste argentin, importé par Fran­cis­co Canaro à Paris et grand-oncle de notre ami DJ de Buenos Aires, Mario Orlan­do… Le monde est petit, non ?

Mentías (vals) 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un mes­sage d’un organ­isa­teur de milon­ga me deman­dant quelle valse pro­pos­er pour un anniver­saire, avec la con­trainte que ce soit une valse du mois de jan­vi­er vu que l’anniversaire était aujourd’hui. J’ai pro­posé cette valse, Men­tías, pour deux raisons. La pre­mière est que c’est une valse qui cor­re­spond bien à l’occasion et la sec­onde est que sa date d’enregistrement coïn­cide avec la date de nais­sance de la danseuse à fêter. Je te dédi­cace donc, Mar­tine de Saint-Pierre (La Réu­nion), cette valse, en te souhai­tant un excel­lent anniver­saire.

Extrait musical

Disque RCA Vic­tor (38 138 face B) de Men­tías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138‑A) il y a El apronte, enreg­istré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548–1.
Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Cette valse com­mence sur un rythme rapi­de, avec une intro­duc­tion au piano par Rodol­fo Bia­gi, qui pro­posera de nom­breuses ponc­tu­a­tions et tran­si­tions légères (comme la pre­mière à 13s).
Durant toute la pre­mière par­tie (jusqu’à 28s), tous les instru­ments sont au ser­vice du rythme.
Ensuite, les ban­donéons s’individualisent pour la par­tie B et ensuite cèdent le pas aux mag­nifiques vio­lons.
À 1:50, la vari­a­tion apporte une impres­sion de vitesse, sans toute­fois chang­er le tem­po, sim­ple­ment, comme le fait presque sys­té­ma­tique­ment D’Arienzo, en sub­di­visant les temps en employ­ant des dou­ble-croches au lieu de croches.
Le rythme rapi­de, mais sans exagéra­tion et la fin somme toute tran­quille, laisse la place à des titres plus énergiques pour ter­min­er la tan­da dans une explo­sion.
Ce titre est un bon pre­mier titre, ce qui ren­force ma con­vic­tion qu’il peut faire l’affaire pour un anniver­saire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en lati­dos
¡Lati­dos que acu­naron nue­stro amor!
Amor que flo­recía con tus besos
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me val­ió la cruz del llan­to
¡Y el llan­to por mis ojos te arro­jó!

¡Men­tías…!
Con cari­cias… estu­di­adas…
¡Cin­is­mo…!
Del car­iño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu madre…
¡Mira si no es crim­i­nal!
Los seres
Que han mata­do y se red­i­men,
Mere­cen el olvi­do y el perdón…
Cien vidas
No podrán bor­rar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y aho­ra que mi vida está vacía
Ancla­da en un silen­cio sin dolor,
Gol­pea el ald­abón de tu recuer­do
Las puer­tas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idil­ios rotos
Mire­mos cara a cara la ver­dad,
No vuel­vas a ron­dar por mi car­iño
¡Que el sueño que se fue no tor­na más!
Juan Car­los Casaret­to Letra: Alfre­do Navar­rine

Traduction libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descen­due de l’e­sprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en pal­pi­tant.
Des bat­te­ments de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes bais­ers. Tes bais­ers ont cou­vert la trahi­son, la trahi­son qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à tra­vers mes yeux t’ont rejetée !

Men­songes…!
Avec des caress­es… Étudiées…
Cynisme…!
D’af­fec­tion déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas crim­inel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méri­tent l’ou­bli et le par­don…
Cent vies ne pour­ront pas effac­er ton crime
Tuer l’il­lu­sion !

Et main­tenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indo­lore, le heur­toir de ton sou­venir frappe les portes de mon pau­vre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regar­dons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est par­ti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyen­nement adap­tées à une fête d’anniversaire. Cepen­dant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enreg­istrées et la musique les dément totale­ment.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le com­pos­i­teur de cette valse, Juan Car­los Casaret­to n’est con­nu que pour un seul autre titre, un tan­go, Chi­clana y Boe­do (avec J. Tre­viño, encore plus incon­nu). Il en existe un enreg­istrement tardif par Enrique Rodriguez et Rober­to Flo­res, mais ce n’est pas pour la danse.
Alfre­do Navar­rine (Pig­meo), en revanche, est à la tête d’une riche pro­duc­tion. Avec son frère, Julio Plá­ci­do Navar­rine, il a fourni bon nom­bre de titres de tan­go.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alar­i­dos 1942
  • Jua­na 1958
  • Mil nove­cien­tos trein­ta y siete 1937 (plus José Domin­go Péco­ra)
  • Lechuza 1928
  • Oiga ami­go 1933
  • Sos de Chi­clana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Tril­la e recuer­dos

De Julio Navarrine :

  • A la luz del can­dil 1927
  • Bar­cos amar­ra­dos
  • Catorce pri­mav­eras
  • El anil­li­to de pla­ta
  • El vina­cho Milon­ga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga ami­go
  • Oro muer­to (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milon­ga
  • Tra­go amar­go 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüi­ta e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Ban­do­neones en la noche
  • Bar­rio reo 1927
  • Brindis de olvi­do 1945
  • Can­ción del reloj
  • Can­to estrellero 1943
  • Cieli­to del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licen­cia 1955
  • Corazón en som­bras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmien­to 1940
  • Escúcheme, gringo ami­go 1944
  • Esmer­al­da
  • Estam­pa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gaji­to de cedrón 1973 Can­ción criol­la
  • Gal­le­gui­ta 1925
  • He per­di­do un beso 1940
  • Humil­dad 1938
  • La condi­ción 1946
  • La Fed­er­al
  • Lati­do porteño
  • Luna pam­pa 1951
  • Men­tías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milon­ga de un argenti­no 1972
  • No nos ver­e­mos más 1939
  • Noche de pla­ta 1930 (Vals)
  • Noc­turno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajara­da 1945
  • Qué lin­da es la vida
  • Rancherian­do
  • Res­i­gnación
  • Ron­da de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • San­gre porteña 1946
  • Sé hom­bre
  • Señor Juez 1941
  • Señue­lo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tan­go lin­do
  • Tan­go para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Tor­caci­ta
  • Tucumana (Zam­ba)
  • Tucumano 1961
  • Vidali­ta
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre ver­sion de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres con­tem­po­rains pour enreg­istr­er des valses. Ils nous don­nent des dizaines de ver­sions de quelques tan­gos, mais très peu de valses ou de milon­gas.
Si cette valse n’a pas été enreg­istrée par la suite, nous avons un tan­go du même titre com­posé par Juan de Dios Fil­ib­er­to avec des paroles de Milon E. Muji­ca.
Je vous pro­pose deux enreg­istrements de celui-ci et on ter­min­era par la valse du jour.

Men­tías 1923 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Un enreg­istrement acous­tique. Bien sûr on réserve cela pour l’écoute et pas pour le bal.

Men­tías 1927-10-20 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une jolie ver­sion. C’est assez léger et pas trop mar­qué en canyengue intense… Cela reste cepen­dant un peu monot­o­ne, mais le joli vio­lon de Cayetano Puglisi, déli­cieuse­ment lar­moy­ant, fait par­don­ner cela.

Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Men­tías 1937-04-01 (vals) — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre valse du jour. On ter­mine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des tra­di­tions dont on ne con­naît pas vrai­ment l’origine. La valse d’anniversaire dans les milon­gas en fait sans doute par­tie. Il se peut aus­si que ce soit une igno­rance de ma part.
Voici ce qui me sem­ble à peu près véri­fi­able.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nou­veaux mar­iés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à cer­tains pro­fesseurs de danse une petite rente. Ils met­tent en scène une petite choré­gra­phie, les mar­iés l’apprennent par cœur et le jour de la noce, ils émer­veil­lent les invités et la famille, soigneuse­ment anesthésiés au préal­able par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spé­ci­fique­ment en Amérique latine, il y a la tra­di­tion des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette céré­monie, peut-être issue des cul­tures pré­colom­bi­ennes, per­dure de nos jours avec des formes, sou­vent très élaborées. Il existe des bou­tiques de robes spé­ciales pour les 15 ans, des maîtres de céré­monie et des vidéastes spé­cial­isés.
Ce sont des fêtes fort coû­teuses et les familles s’endettent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tra­di­tion évolue, mais en général, la jeune femme est présen­tée par le père (ou par­rain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’enfance, éventuels pré­ten­dants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’article de Wikipé­dia pour des élé­ments plus con­crets.
En Europe, chez les puis­sants, on peut trou­ver une céré­monie par­al­lèle, le bal des débu­tantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez recon­nu l’organisation de la valse d’anniversaire telle qu’elle se pra­tique dans les milon­gas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beau­coup d’organisateurs ne souhait­ent pas qu’on « perde » du temps à cette man­i­fes­ta­tion. D’autres, comme celui qui m’a com­mandé la valse ce matin, mar­quent plus d’attention pour cette tra­di­tion.
En Argen­tine, les amis tangueros fêtent l’anniversaire à la milon­ga. Ils réser­vent une table et c’est une des occa­sions où il est autorisé d’apporter de la nour­ri­t­ure de l’extérieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syn­cope un nutri­tion­niste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « cham­pagne » local, qui lui est celui ven­du dans la milon­ga, par­ticipe à la fête, ain­si que sou­vent, des déguise­ments et autres fan­taisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’anniversaire est du temps per­du pour les danseurs. C’est un peu vrai, mais c’est aus­si oubli­er la dimen­sion sociale du tan­go. Nous sommes une com­mu­nauté et c’est impor­tant de la ren­forcer par des mar­ques d’amitié. Le tan­go n’est pas un club de gym où on fait son entraîne­ment avec des écou­teurs sur les oreilles. On par­le, on chante et on partage.
Comme DJ, il est impor­tant d’aider à trou­ver l’équilibre. Si l’organisateur refuse que l’on fête un anniver­saire, je me con­tente d’une dédi­cace avant la tan­da de valse. Libre aux danseurs qui le souhait­ent d’organiser un moment con­vivial.
Lorsque c’est l’organisateur qui le demande, il y a plusieurs pos­si­bil­ités. Par­fois, tous les danseurs/danseuses veu­lent danser avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’auront pas réus­si à partager quelques sec­on­des de valse. Par­fois, cela dure toute la tan­da.
Cela peut être effec­tive­ment frus­trant pour ceux qui ne danseront pas avec la per­son­ne dont c’est l’anniversaire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniver­saire, ou les hommes dans le cas con­traire). Cela risque de faire baiss­er l’énergie dans le bal et à moins que l’ambiance soit très ami­cale, je pense que cette organ­i­sa­tion est à éviter.
Plus intéres­sante est la mise en place d’un dou­ble par­cours. On invite le héros de soirée à se plac­er au cen­tre de la piste et les parte­naires intéressés s’alignent. Les autres danseurs peu­vent les entour­er en dansant autour. Je trou­ve cela assez sym­pa­thique et cela ne frus­tre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhait­ent partager quelques sec­on­des de danse avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Il me sem­ble qu’il est intéres­sant de pro­pos­er cette organ­i­sa­tion, ce que peut faire le DJ avec l’accord de l’organisateur, ou l’organisateur, de son pro­pre chef. Pour bien met­tre en valeur l’anniversaire, on peut réserv­er une par­tie du pre­mier thème au seul anniver­saire et rem­plir pro­gres­sive­ment la piste. S’il y a beau­coup de pré­ten­dants, cela peut impli­quer de réserv­er tout le pre­mier titre de la tan­da à la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Comme DJ qui aime pro­pos­er des valses, je pro­pose, en plus de la valse d’anniversaire, une tan­da com­plète. Cela per­met aux danseurs qui ont par­ticipé au manège de danser avec un autre parte­naire. La tan­da fera donc au moins qua­tre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tan­das de 4 et que le pre­mier titre a été entière­ment util­isé pour souhaiter l’anniversaire.
Les danseurs qui vont inviter la per­son­ne dont c’est l’anniversaire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spec­ta­cle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au con­traire, être aux petits soins pour le parte­naire), mais dans la manière de pren­dre son tour (ou de le don­ner). Cela apporte une dis­trac­tion à ceux qui ne par­ticipent pas.
Dans mon ancien pro­fil Face­book, mal­heureuse­ment fer­mé pour d’obscures raisons, j’avais réal­isé une vidéo en direct où les danseurs qui s’étaient mis en file indi­enne se sont mis à se bal­ancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événement se bal­ançant d’une même cadence, dans l’attente de partager quelques sec­on­des de bal.

Men­tías. L’illustration n’est pas exacte­ment fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’utilisation que j’en pro­pose, une valse d’anniversaire.

Heureux anniver­saire Mar­tine !

À bien­tôt les amis !

Milonga querida 1938-11-09 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan Larenza Letra: Lito Bayardo

Ceux qui aiment les milon­gas dynamiques se ruent en général sur la piste aux pre­mières notes de Milon­ga queri­da inter­prétés par D’Arienzo et Echagüe et ils ont bien rai­son. Mal­gré un rythme qui sem­ble soutenu, cette milon­ga aide les danseurs à s’amuser, ce qui n’est pas autant le cas avec ces milon­gas que l’on met trop sou­vent en pen­sant que les danseurs ne sont pas au niveau… Au con­traire, il faut ce type de milon­ga pour les faire pro­gress­er et danser avec joie. Le canyengue n’est pas de la milon­ga…

Extrait musical

Milon­ga queri­da 1938-11-09 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.

Le piano incisif de Juan Poli­to qui venait de repren­dre la main (je devrais dire les deux mains, puisqu’il s’agit de piano) après l’exclusion de Rodol­fo Bia­gi de l’orchestre. Deux accords posent le tem­po et le piano lance la milon­ga immé­di­ate­ment. Des pas­sages traspies (stac­ca­to) alter­nent avec des pas­sages liss­es (lega­to), ce qui per­met aux danseurs, à la fois de vari­er les impro­vi­sa­tions et de se repos­er un peu, ou pour le moins de pren­dre leur mar­que dans le flot de la milon­ga pour s’intégrer dans l’harmonie du bal.
La vitesse sem­ble très rapi­de, mais elle est suff­isam­ment mod­érée pour pou­voir par­faite­ment jouer avec la musique.
L’attention est soutenue par l’alternance des par­ties et quand Echagüe com­mence à chanter, il reste totale­ment dans le rythme, ce rythme cher à D’Arienzo et qu’il ne sac­ri­fiera surtout pas pour une milon­ga.
Les instru­ments, notam­ment les cordes et les ban­donéons, sem­blent lancer des piques. Les accords sont brefs, nerveux. On se représente bien D’Arienzo, penché en avant avec l’avant-bras dont le poing est ser­ré, encour­ageant ses musi­ciens à don­ner ces accords, un par un ou par salves nettes dans un stac­ca­to très intense, jusqu’aux délivrances des pas­sages liés.
Si vous êtes danseur et intéressé par la musi­cal­ité, vous trou­verez sans doute pas mal d’inspiration dans cette milon­ga ponc­tuée par les fior­i­t­ures du piano de Poli­to dans la lignée de Bia­gi.
La dic­tion de Echagüe, sans doute à son apogée dans cette inter­pré­ta­tion, per­met de capter les paroles, tout en util­isant la voix comme un instru­ment ryth­mique, favorisant la con­ti­nu­ité styl­is­tique avec les par­ties orches­trales.
La fin arrive de façon abrupte, comme si D’Arienzo après avoir lancé les danseurs dans une danse effrénée, voulait les pouss­er à la faute en les faisant con­tin­uer de bouger alors que la musique s’est arrêtée.
Bien sûr, cet enreg­istrement est telle­ment con­nu que les danseurs ne se lais­sent pas sur­pren­dre, mais on peut imag­in­er l’ambiance que le titre provo­quait lors de ses pre­mières exé­cu­tions.

Paroles

No la pin­taron los poet­as
en sus ver­sos seduc­tores,
ni conocieron su vida
ni el amor de sus amores.
Fue la más lin­da del bar­rio
y por lin­da, cod­i­ci­a­da,
y más de cien entreveros
su belleza provocó.

Pero ella bien conocía
quién en silen­cio la ama­ba
y a nadie al fin com­prendía
pues con ninguno se daba;
por ver­la sola, muy sola,
mil comen­tar­ios se hicieron
y difamaron su nom­bre
al no con­seguir su amor.

Aquel mucha­cho tan triste,
tan humilde y tan sen­cil­lo,
se fue en silen­cio una noche
del ale­gre con­ven­til­lo.
Y aque­l­la piba boni­ta
por boni­ta cod­i­ci­a­da,
cargó una tarde sus cosas,
y a su bar­rio no volvió.

Juan Laren­za Letra: Lito Bayardo

Traduction libre

Les poètes ne l’ont pas peinte dans leurs vers séduc­teurs ni ne con­nurent sa vie ni l’amour de ses amours.
C’é­tait la plus belle du quarti­er et parce qu’elle était belle, con­voitée, et plus d’une cen­taine de bagar­res, sa beauté a provo­qué.
Mais elle savait bien qui l’aimait en silence, et elle ne com­pre­nait per­son­ne à la fin, car à aucun elle se don­nait ;
À la voir seule, très seule, mille com­men­taires se firent et dif­famèrent son nom, car ils n’avaient pas obtenu son amour.
Ce garçon, si triste, si hum­ble et si sim­ple, sor­tit en silence une nuit du joyeux con­ven­til­lo (loge­ment col­lec­tif pau­vre).
Et cette jolie fille, con­voitée pour sa beauté, une après-midi, a emporté ses affaires, et elle n’est pas rev­enue dans son quarti­er.

Autres versions

Milon­ga queri­da 1938-11-09 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe. C’est notre milon­ga du jour.
Milon­ga queri­da 1990c — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Avec l’Uruguayen Vil­las­boas, on reste dans une dimen­sion joueuse. On recon­naît son style et ses arrange­ments par­ti­c­uliers. Son piano est sans doute moins présent que celui de Poli­to, cela laisse plus de clarté pour les vio­lons et ban­donéons. On pour­ra peut être moins appréci­er la trop grande régu­lar­ité qui peu­vent engen­dr­er de la monot­o­nie. Je pense qu’écouter cette ver­sion après celles de D’Arienzo qui lui est antérieure d’un demi-siè­cle mon­tre bien la dif­férence d’une musique par­faite pour la danse par rap­port à une musique sym­pa­thique, mais qui ne porte pas aus­si bien.

Et un titre iden­tique, mais totale­ment dif­férent. C’est une créa­tion de Eduar­do Pereyra (El Chon) qui est encore dans l’esprit canyengue.

Milon­ga queri­da 1931-11-23 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Teó­fi­lo Ibáñez.


On ne peut pas dire que ce soit vilain, mais sauf pour les ama­teurs d’encuentros, dif­fi­cile de résis­ter (dans le sens sup­port­er) à une tan­da de ce type…
La fin un peu plus vivante ne sauve pas for­cé­ment l’ensemble…

Vous aurez com­pris que si on me demande « Milon­ga queri­da » je pro­poserai sys­té­ma­tique­ment la ver­sion de D’Arienzo et Echagüe.

Paroles du tango « Milongua querida » de Eduardo Pereyra

Milon­gui­ta queren­dona
Mi más vie­ja com­pañera,
Te lle­vo en el corazón
Como al más fiel de mis amores.

Tu can­ción es el recuer­do
De mi vida aven­tur­era,
Que me embria­ga de dolor
Al recor­dar aquel tiem­po mejor.

Eduar­do Pereyra (El Chon) (Paroles et musique)

Traduction libre du texte de Eduardo Pereyra (El Chon)

Petite milon­ga amoureuse (qui s’énamoure facile­ment)
Ma plus vieille com­pagne,
Je te porte dans mon cœur
Comme le plus fidèle de mes amours.


Ta chan­son est le sou­venir
De ma vie aven­tureuse,
Qui m’enivre de douleur
Au sou­venir de ces temps meilleurs.
Le texte fait sans doute plus penser aux textes des milon­gas des payadores qu’au rythme allè­gre qui en repren­dra le nom.

Les auteurs

La col­lab­o­ra­tion entre Juan Laren­za et Lito Bayardo a don­né la très célèbre zam­ba, Mama vie­ja, que De Ange­lis enreg­istr­era en forme de valse, comme la mag­nifique valse Flo­res del alma (dont les paroles ont été coécrites avec Alfre­do Lucero).

Juan Larenza (1911–1980), pianiste et compositeur

Juan Laren­za

Les com­po­si­tions de Laren­za ont été enreg­istrées par de nom­breux orchestres, dont De Ange­lis, D’Arienzo, Aníbal Troi­lo (avec le fameux Gua­pe­an­do) et même Di Sar­li.
Sa plus célèbre biogra­phie a été écrite ; juste­ment par Lito Bayardo dans son ouvrage « Mis 50 años con la can­ción argenti­na »

Le livre de Lito Bayardo50 años con la can­ción argenti­na” dans lequel il par­le de son ami Juan Laren­za. À droite, Laren­za est le deux­ième en par­tant de la droite et Bayardo le troisième.

Manuel Juan García Ferrari (1905–1986), plus connu comme Lito Bayardo, guitariste, chanteur, compositeur et parolier

Bayardo a écrit à la fois des textes de tan­gos et a com­posé des tan­gos dont il était égale­ment le paroli­er. Un des plus con­nus est sans doute Cua­tro lágri­mas enreg­istré, notam­ment, par Ricar­do Tan­turi avec Enrique Cam­pos, Fran­cis­co Canaro avec Alber­to Are­nas et Rodol­fo Bia­gi avec Alber­to Amor.

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan D’Arienzo ; Fulvio Salamanca (Fulvio Werfil Salamanca); Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Quand les auteurs de tan­go se lan­cent dans la philoso­phie de la vie, cela donne cela ; des con­seils pour nav­iguer entre les canailles et les giles. Juan D’Arienzo et son pianiste de l’époque, Ful­vio Sala­man­ca se sont asso­ciés avec Car­los Bahr pour éla­bor­er la musique et les paroles. Pour les danseurs, la philoso­phie est sim­ple, sauter sur la piste aux pre­mières notes et s’éclater à danser ce titre énergique servi par l’orchestre de D’Arienzo et la voix prenante de Echagüe.

La bande des auteurs

Générale­ment, on attribue à D’Arienzo et Sala­man­ca la musique et à Car­los Bahr les paroles, mais l’enregistrement à la SADAIC (Société des auteurs argentins) donne la pater­nité aux trois pour les deux élé­ments.

Reg­istre de la SADAIC indi­quant l’en­reg­istrement de l’œu­vre le 20 avril 1953.

On notera que pour les trois, la men­tion est auteur et com­pos­i­teur. Les pour­cent­ages pour cha­cun des trois ne sont pas déter­minés. C’est qu’ils esti­maient avoir col­laboré de façon com­pa­ra­ble et qu’ils devraient donc recevoir à parts égales les droits afférents.
On notera au pas­sage les pseu­do­nymes de Sala­man­ca et Bahr. Tony Cayena pour le pre­mier et Alfas et Luke J Y C pour le sec­ond.

Car­los Bahr, Juan D’Arien­zo et Ful­vio Sala­man­ca, les trois auteurs, com­pos­i­teurs du tan­go du jour.

Ce tra­vail à trois n’est pas éton­nant dans la mesure où Sala­man­ca et Bahr étaient des amis proches et que D’Arienzo aimait met­tre en musique les textes de Bahr. Ce trio a d’ailleurs réal­isé dans les mêmes con­di­tions d’autres titres joués par l’orchestre de D’Arienzo, comme : Ganzúa, La son­risa de mamá, Sin balur­do, Tomá estas mon­edas!, Tram­pa et notre tan­go du jour, Y suma y sigue…
D’autres titres ont été com­posés par D’Arienzo et Sala­man­ca avec un texte de Bahr comme : Hoy me vas a escuchar, Nece­si­to tu car­iño et Se-Pe-Ño-Po-Ri-Py-Ta-Pa et d’autres, enfin, ont été créé par Bahr (texte) et Sala­man­ca (musique) sans l’apport de D’Arienzo, comme : Amar­ga sospecha, Aqui he venido a can­tar, Dale dale, cabal­li­to, Des­de aque­l­la noche et Eter­na.

De gauche à droite, debout : Héc­tor Varela, Juan D’Arien­zo, Arman­do Labor­de, Alber­to Echagüe et Ful­vio Sala­man­ca au piano.

Y suma y sigue

Le titre peut inter­roger. Ce terme venant des livres compt­a­bles invite à tourn­er la page pour con­sul­ter la suite d’un compte, mais il a plusieurs autres sig­ni­fi­ca­tions.

  • Expres­sion indi­quant en bas de page, que le cal­cul va se con­tin­uer sur la page suiv­ante.
  • Équiv­a­lent de etc. du latín et cetera, pour indi­quer que la liste pour­rait con­tin­uer (et le reste, et les autres choses).
  • Indique que ça va con­tin­uer à aug­menter.
  • Indique que quelque chose se répète.

Je vous laisse choisir votre inter­pré­ta­tion à la présen­ta­tion des paroles ci-dessous.

Extrait musical

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.
Par­ti­tion de Suma y sigue…

Paroles

No me gus­ta andar con vivos y a los giles les doy pase
a los otros si es pre­ciso los atien­do y se acabó.
Si la mala se encabri­ta me la aguan­to has­ta que amanse
y aunque siem­pre hay un ami­go, curo a solas mi dolor.
Me enseñó la mala racha que la suerte es mina ilusa,
Que, al final, se que­da siem­pre con aquel que está gril­lao.
Y aprendí en los des­en­can­tos, que si aflo­ja el de la zur­da,
es mejor que te amasi­jes porque al fin irás pal­mao.

Aunque seas bien dere­cho si andas seco te dan pifia.
Tra­ba­jan­do sos cualquiera y afanan­do sos señor.
Porque, al fin, has­ta la grela que com­parte tu cobi­ja
cuan­do ve man­gos en fila solo pien­sa “¿cuán­tos son?”.
Además, nadie pre­gun­ta de que “lao” llegó la bue­na,
la impor­tan­cia está en los man­gos aunque sal­gan de lo peor.
Y apren­des al triste pre­cio de tu cre­do en esta feria
que ni tiñe la vergüen­za, ni la gui­ta tiene hon­or.

Me enseñaron los ami­gos que estas firme si hay rebusque,
aprendí de los extraños que hay que abrirse del favor.
Y la vez, que por humano le di cuar­ta a un gil “cualunque”,
me dejó en la puer­ca vía sin con­fi­an­za y sin colchón.
Los demás te ven sacan­do por la pin­ta, como al naipe,
y al mar­carte “gil en puer­ta”, preg­o­nan­do que hay amor,
te saque­an has­ta el alma y después te dan el raje…
¡Pero nadie mira nun­ca que tenés un corazón!
Juan D’Arien­zo ; Ful­vio Sala­man­ca (Ful­vio Wer­fil Sala­man­ca); Car­los Bahr (Car­los Andrés Bahr)

Traduction libre

Je n’aime pas aller avec les canailles et aux giles (XXXX voir anec­dote sur le sujet) je donne un lais­sez-pass­er, quant aux autres si néces­saire, je m’oc­cupe d’eux et c’est tout.
Si le mau­vais se déchaîne, je le sup­porte jusqu’à ce qu’il se lève et bien qu’il y ait tou­jours un ami, je guéris ma douleur seul.
La mau­vaise série m’a appris que la chance est une gamine illu­soire, qu’à la fin, elle reste tou­jours avec celui qui est gril­lé.
Et j’ai appris dans les décep­tions, que si le sincère se détend, cela vaut mieux que de se pétrir (de coups), car à la fin vous finis­sez dans les pommes (pal­mao de pal­ma­do est endormir en lun­far­do).
Même si tu es très droit, si tu es sec, ils se moquent de toi.
En tra­vail­lant, tu es quel­conque et en trompant (arnaquant, volant), tu es un Mon­sieur.
Parce qu’en fin de compte, même la gonzesse (femme) qui partage votre cou­ver­ture (lit) quand elle voit des bif­fe­tons (bil­lets de 1 peso) alignés elle pense unique­ment à « com­bi­en il y en a ? ».
D’ailleurs, per­son­ne ne demande de quel côté vient le bon, l’im­por­tant ce sont les bil­lets même s’ils sor­tent du pire.
Et tu apprends au triste prix de ton cre­do dans cette foire qui ni la honte tache, ni le flouze (l’argent) n’a d’hon­neur.
Les amis m’ont appris à être ferme s’il y a une petite occa­sion (rebusque est un petit tra­vail sup­plé­men­taire, voire un amour pas­sager), j’ai appris d’in­con­nus qu’il faut s’ou­vrir à la faveur (peut aus­si sig­ni­fi­er prof­iter sex­uelle­ment).
Et la fois, que pour être humain, j’ai porté assis­tance à un gil quel­conque, il m’a lais­sé des scro­fules, sans con­fi­ance et sans mate­las (je ne suis pas sûr du sens).
Les autres te voient venir pour l’allure, comme aux cartes, et dès qu’ils te mar­quent « gil à la porte », procla­mant qu’il y a de l’amour, ils te pil­lent jusqu’à l’âme et ensuite ils te jet­tent dehors…
Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur !
Ces con­seils de vie, se ter­mi­nent par Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur ! Les con­seils cachent en fait un regard cri­tique et dés­abusé sur le monde con­tem­po­rain, sur les rela­tions humaines. En cela, ce tan­go rejoint d’autres tan­gos comme cam­bal­ache, tor­men­ta et tant d’autres qui dénon­cent les injus­tices et les abus.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enreg­istrement de ce titre, mais D’Arienzo et Echagüe ont enreg­istré plusieurs tan­gos faisant appel au lun­far­do. En 1964, RCA a édité une sélec­tion de 12 de ces tan­gos dans un disque 33 tours.

Acad­e­mia del lun­far­do (1964). 12 tan­gos avec des paroles en lun­far­do par D’Arien­zo et Echagüe. Notre tan­go du jour est le pre­mier titre de la face 2.
Joyas del Lun­far­do (1996) reprend les 12 titres de 1964 et en rajoute 8.

Voici la liste des 20 titres du CD. Ceux qui sont en gras étaient dans le CD de 1964

1 Cartón junao (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela/Carlos Waiss)
2 Chichipía(Juan (D‘Arienzo / Héc­tor Varela / Car­los Waiss)
3 Bien pulen­ta (Car­los Waiss)
4 El nene del Abas­to (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
5 Sarampión (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
6 Cam­bal­ache (Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
7 Pitu­ca (Enrique Cadícamo/José Fer­reyra)

8 El raje (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela)
9 Amar­ro­to (Miguel Buci­no / Juan Cao)
10 Bara­jan­do (Eduar­do Escaris Mendez)
11 Don Juan Mon­di­o­la (Anto­nio Oscar Arona)
12 Farabute (Joaquín Bar­reiro / Anto­nio Cas­ciani)
13 Cor­ri­entes y Esmer­al­da (Cele­do­nio Flo­res / Fran­cis­co Pracáni­co)
14 Y suma y sigue (Car­los Bahr / Juan D‘Arienzo / Ful­vio Sala­man­ca)
15 Che exis­ten­cial­ista (Mario Lan­di / Rodol­fo Mar­t­in­cho)
16 Pan comi­do (Enrique Dizeo)
17 Las cuarenta (Froilán Gor­rindo)
18 Que mufa che (Jorge Sturla (Tito Pueblo) / Luis Zam­bal­di)
19 Mi queri­da Sisebu­ta (Arman­do Gat­ti / Car­los Láz­zari / Anto­nio Poli­to)
20 Peringundín (Pin­tín Castel­lanos)

Voilà, les amis, c’est tout pour aujourd’hui.

Je ne vous dis pas à demain, car je vais faire une pause dans les anec­dotes, notam­ment pour essay­er de résoudre les prob­lèmes avec Face­book que cela énerve, mais aus­si, car le site sat­ure et que mon hébergeur me fait aus­si les gros yeux.

Un abra­zo énorme, des­de Buenos Aires où il fait encore bien froid…

Salud… dinero y amor 1939-07-25 – Orquesta Enrique Rodríguez con Roberto Flores

Rodolfo Aníbal Sciammarella (paroles et musique)

Voilà que le tan­go et plus pré­cisé­ment la valse (mais on ver­ra que ce n’est pas si sim­ple) vous prodigue des con­seils de vie. Chers amis, je vous enjoins de les suiv­re et de chanter avec Rober­to Flo­res le refrain de cette valse entraî­nante com­posée et mise en paroles par Rodol­fo Aníbal Sci­ammarel­la et inter­prété par l’orchestre chéri de mon ami Chris­t­ian, Enrique Rodriguez.

Selon Mar­i­ano Mores, Rodol­fo Sci­ammarel­la aurait com­posé une zam­ba (voir l’anecdote du 7 avril sur la zam­ba). Comme il n’était pas très doué pour écrire la musique, il a demandé à Mar­i­ano de la tran­scrire pour lui. Celui-ci a trou­vé que c’était plus joli en valse et aurait donc adap­té la musique à ce rythme…

Une édi­tion de Julio Korn de Salud… dinero y amor en zam­ba

Extrait musical

Salud… dinero y amor 1939-07-25 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Rober­to Flo­res.

Pas de doute, notre ver­sion du jour est par­faite­ment une valse, sans trace de zam­ba. Je me demande toute­fois si la ver­sion en zam­ba n’a pas été util­isée dans d’autres occa­sions. Nous y revien­drons avec la liste des ver­sions.

Avis de recherche

Le 7 mars 1939, un film est sor­ti. Son titre était Mandi­ga en la sier­ra. Ce film a été réal­isé par Isidoro Navar­ro sur un scé­nario de Arturo Lorus­so et Rafael J. de Rosas. Ce film était basé sur la pièce de théâtre homonyme. Par­mi les acteurs, Luisa Vehil, Eduar­do San­dri­ni, Nicolás Fregues et Pedro Quar­tuc­ci, mais celui qui m’intéresse est Fran­cis­co Amor qui y inter­prète Salud…dinero y amor.

Luisa Vehil, Nicolás Fregues et Pedro Quar­tuc­ci dans Mandin­ga en la sier­ra (1939)

Dans ce film, en plus de Fran­cis­co Amor, il y a Myr­na Mores et sa sœur Mar­got. Depuis 1938, Mar­i­ano Mores, celui qui a couché sur la par­ti­tion l’idée musi­cale de Rodol­fo Sci­ammarel­la fai­sait un trio avec les deux sœurs Mores. En 1943, il épousera Myr­na. On voit comme ce film est assez cen­tral autour des Mores et de cette valse.
Si vous savez où trou­ver ce film, je suis pre­neur…
Vous pou­vez trou­ver sa fiche tech­nique ici : https://www.imdb.com/title/tt0316217/?ref_=nm_knf_t_1

La pièce de théâtre était jouée en 1938. Est-ce que la ver­sion chan­tée ou jouée dans la pièce était sous forme de zam­ba, je ne le sais pas. En ce qui con­cerne le film, même si je ne l’ai pas encore trou­vé, j’imagine que c’est en valse, car le suc­cès du thème qui a été enreg­istré majori­taire­ment sous cette forme. Je vous réserve deux sur­pris­es dans les « autres ver­sions » qui pour­raient faire men­tir ou con­firmer cette his­toire.

Paroles

Tres cosas hay en la vida:
salud, dinero y amor.
El que ten­ga esas tres cosas
que le dé gra­cias a Dios.
Pues, con ellas uno vive
libre de pre­ocu­pación,
por eso quiero que apren­dan
el refrán de esta can­ción.

El que ten­ga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la plati­ta,
que no la tire, que no la tire.
Hay que guardar, eso con­viene
que aquel que guar­da, siem­pre tiene.
El que ten­ga un amor,
que lo cuide, que lo cuide.
La salud y la plati­ta,
que no la tire, que no la tire.

Un gran amor he tenido
y tan­to en él me con­fié.
Nun­ca pen­sé que un des­cui­do
pudo hacérme­lo perder.
Con la salud y el dinero
lo mis­mo me sucedió,
por eso pido que can­ten
el refrán de esta can­ción.

Rodol­fo Aníbal Sci­ammarel­la (paroles et musiques)

Traduction libre des paroles

Il y a trois choses dans la vie :
la san­té, l’argent et l’amour.
Quiconque pos­sède ces trois choses devrait remerci­er Dieu.
Eh bien, avec eux, on vit sans souci, c’est pourquoi je veux que vous appre­niez le dic­ton de cette chan­son.

Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La san­té et la mon­naie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.
Il faut garder, il con­vient que celui qui garde, tou­jours a.
Celui qui a un amour, qu’il en prenne soin, qu’il en prenne soin.
La san­té et la mon­naie, ne la jetez pas, ne la jetez pas.

J’ai eu un grand amour et j’ai telle­ment cru en lui.
Je n’ai jamais pen­sé qu’un manque d’attention pou­vait me le faire per­dre.
La même chose m’est arrivée avec la san­té et l’argent, alors je vous demande de chanter le dic­ton de cette chan­son.

Autres versions

Salud, dinero y amor 1930 — Duo Irus­ta-Fuga­zot accomp. de Orques­ta Argenti­na (Barcelona).

Je pen­sé que vous avez remar­qué plusieurs points étranges avec cette ver­sion. Le son a beau­coup d’écho, ce qui ne fai­sait pas à l’époque. Je pense donc que c’est une édi­tion « trafiquée ». Mon exem­plaire vient de l’éditeur El Ban­doneón qui a édité entre 1987 et 2005 dif­férents titres dont cer­tains assez rares. Cet enreg­istrement est sur leur CD El Tan­go en Barcelona CD 2 — (EBCD-046) de 1997. Je n’en con­nais pas d’autre. Sur la date d’enregistrement de 1930, en revanche, c’est très prob­a­ble, car cela cor­re­spond à l’époque où le trio était act­if en France et Barcelone.
L’autre point étrange est qu’il s’agit d’une valse et pas d’une zam­ba. Si Sci­ammarel­la a « écrit » une zam­ba et que Mar­i­ano Mores l’a trans­for­mé en valse seule­ment en 1938, il y a un prob­lème. Cet enreg­istrement devrait être une zam­ba. Je pense donc que Sci­ammarel­la a fait vivre con­join­te­ment les deux ver­sions et que c’est la ver­sion valse qu’a adap­tée le tout jeune Mar­i­ano Mores. Mais on va revenir sur ce point plus loin…

Salud… dinero y amor 1939-07-25 — Orques­ta Enrique Rodríguez con Rober­to Flo­res.

C’est notre valse du jour. Vos chaus­sures, si vous êtes danseur, doivent être désor­mais capa­bles de la danser seules. Le rythme est assez rapi­de et le style haché de Rodríguez fait mer­veille pour inciter à don­ner de l’énergie dans la danse. La voix de Flo­res, plus élé­gante de celle de Moreno, l’autre chanteur vedette de Rodríguez est agréable. L’orchestration de la fin de la valse est superbe, même si Rodríguez décide, une fois de plus, d’y plac­er un chœur, habi­tude qui peut sus­citer quelques réti­cences.

Salud, dinero y amor 1939-08-08 — Fran­cis­co Lomu­to C Jorge Omar.

Une ver­sion assez piquée et pesante. Elle est moins con­nue que la ver­sion de Rodriguez. On com­prend pourquoi, sans toute­fois qu’elle soit à met­tre au rebut. Comme chez Canaro, Lomu­to fait inter­venir une clar­inette, scorie de la vieille garde. La fin est cepen­dant assez intéres­sante, donc si un DJ la passe, cette valse ne devrait pas laiss­er une mau­vaise impres­sion.

Salud, dinero y amor 1939-09-11 — Fran­cis­co Canaro y Fran­cis­co Amor.

Sur le même rythme que Lomu­to, Canaro pro­pose une ver­sion plus légère. Les vents (instru­ments à vent) aux­quels Canaro reste fidèle don­nent la couleur par­ti­c­ulière de l’orchestre. Fran­cis­co Amor chante de façon décon­trac­tée avec un peu de gouaille.

Salud, dinero y amor 1939-09-27 — Juan Arvizu con orques­ta.

L’accent mex­i­cain d’Arvizu, sur­prend, on est plus accou­tumé à l’entendre dans des boléros. L’orchestre où les gui­tares ont une présence mar­quée est un peu léger après l’écoute des ver­sions précé­dentes. Buenos Aires lui aurait don­né le surnom de ténor à la voix de soie (El Tenor de la Voz de Seda). Je vous laisse en juger…

Salud… dinero y amor 1939-11-03 — Char­lo con gui­tar­ras (zam­ba cue­ca).

Ce titre n’est pas une valse, on recon­naît le rythme de la cue­ca à la gui­tare dans la pre­mière par­tie, puis le rythme s’apaise et passe en zam­ba avec des roucoule­ments étranges.
Finale­ment, ce n’est pas une zam­ba, pas une cue­ca. C’est un ovni.
Le nom de zam­ba cue­ca existe et cou­vre dif­férentes var­iétés de dans­es, notam­ment du Chili.
La dis­tinc­tion de la ving­taine de var­iétés de cue­cas, le fait que la zam­ba cue­ca serait aus­si dénom­mée zam­bacue­ca, zamacue­ca ou zam­ba­clue­ca, ce dernier terme évo­querait encore plus claire­ment la poule pon­deuse, la cue­ca se référant à la parade d’oiseaux, font que pour moi, cela reste assez mys­térieux.
Le témoignage de Mario Mores, appuyé par la par­ti­tion qui men­tionne zam­ba et cette inter­pré­ta­tion de Char­lo prou­ve que Salud… dinero y amor n’est pas seule­ment une valse.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irus­ta acc. Orques­ta de Terig Tuc­ci.

Salud… dinero y amor 1940-07-02 – Agustín Irus­ta acc. Orques­ta de Terig Tuc­ci. On retrou­ve Irus­ta qui a enreg­istré pour Dec­ca à New York, accom­pa­g­né de l’orchestre de Terig Tuc­ci. Ce n’est pas vilain et si ce n’est pas le top de la danse, c’est plus dans­able que la ver­sion du duo de 1930.

Après la « folie » accom­pa­g­nant la sor­tie du fameux film que je n’ai pas trou­vé, l’intérêt pour cette valse s’atténue. On la retrou­ve cepen­dant un peu plus tard dans quelques ver­sions que voici.

Salud… dinero y amor 1955 c — Inesi­ta Pena — La Orques­ta Martín De La Rosa y coro.

Pour un enreg­istrement des années 1950, ça fait plutôt vieil­lot. Ne comptez pas sur moi pour vous la pro­pos­er en milon­ga.

Salud… dinero y amor 1966 — Típi­ca Sakamo­to con Ikuo Abo.

On con­naît l’engouement incroy­able du Japon pour le tan­go, la Típi­ca Sakamo­to nous en donne un exem­ple. Vous aurez facile­ment recon­nu la voix très typée de Ikuo Abo. Les chœurs sont assez élé­gants. Il me sem­ble enten­dre une par­tie de sopra­no dans le chœur tenue par une femme.

Salud… dinero y amor 1969 — Alber­to Podestá con Orques­ta Lucho Ibar­ra.

Bon, il faut bien du tan­go à écouter, aus­si. Et la voix de Podestá est tout de même une mer­veille, non ?

À demain, les amis, je vous souhaite san­té, argent et amour.

Tres Esquinas 1941-07-24 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Ángel D’Agostino y Alfredo Attadía Letra: Enrique Cadícamo

Je suis aux anges de vous par­ler aujourd’hui de Tres Esquinas (trois coins de rue), car ce mer­veilleux tan­go immor­tal­isé par les deux angeli­tos (D’Agostino et Var­gas) par­le à tous les danseurs. C’est une com­po­si­tion de Ángel D’Agosti­no et Alfre­do Attadía, Enrique Cadí­camo lui a don­né ses paroles et son nom. Par­tons en train jusqu’à Tres Esquinas à la décou­verte du berceau de ce tan­go.

Naissance de Tres Esquinas

En 1920, Ángel D’Agosti­no a com­posé ce titre dans une ver­sion som­maire pour une saynète nom­mée « Armenonville » mon­tée par Luis Ara­ta, Leopol­do Simari et José Fran­co. Comme on peut s’en douter, cette pièce par­lait de la vie des pau­vres filles du cabaret Armenonville.
Ángel D’Agosti­no jouait cette com­po­si­tion au piano sous le titre, Pobre Piba (Pau­vre gamine).

Ara­ta-Simari-Fran­co

Une ving­taine d’années plus tard selon la légende (his­toire) D’Agostino fre­donnait le titre que reprit Var­gas à la sor­tie de la salle où ils venaient d’intervenir. Cadí­camo imag­i­na le pre­mier vers « Yo soy del bar­rio de Tres Esquinas ». Alfre­do Attadía qui était le pre­mier ban­donéon et l’arrangeur de l’orchestre de D’Agostino s’occupa des arrange­ments. Il doit cepen­dant d’avoir son nom à la par­ti­tion par son apport sur le phrasé des ban­donéons, phrasé inspiré par la façon de chanter de Var­gas qui devrait donc à ce dou­ble titre avoir aus­si son nom sur la par­ti­tion 😉

Extrait musical

Com­mençons par écouter cette mer­veille pour se met­tre dans l’humeur prop­ice à notre décou­verte.

Tres Esquinas 1941-07-24 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.
Tres Esquinas. Ángel D’Agosti­no y Alfre­do Attadía Letra: Enrique Cadí­camo. À gauche, deux cou­ver­tures, puis par­ti­tion et accords gui­tare et disque.

Je pense que vous avez remar­qué ce fameux phrasé dès le début. On y telle­ment habitué main­tenant que l’on pense que cela a tou­jours existé… Lorsque Var­gas chante, le ban­donéon se fait dis­cret, se con­tentant au même titre que les autres instru­ments de mar­quer le rythme et de pro­pos­er quelques orne­ments pour les ponts. On notera le superbe solo de vio­lon de Hol­ga­do Bar­rio après la voix de Var­gas et la reprise du ban­donéon (vers 2:20). Var­gas a le dernier mot et ter­mine le titre.

Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement de Pobre piba pour juger de l’apport de Atta­dia, mais il y a fort à pari­er que ce titre éphémère, lié à une pièce qui n’a pas accédé à une gloire intem­porelle n’a pas inspiré les maisons de disque.

Paroles

Yo soy del bar­rio de Tres Esquinas,
viejo balu­arte de un arra­bal
donde flo­re­cen como glic­i­nas
las lin­das pibas de delan­tal.
Donde en la noche tib­ia y ser­e­na
su antiguo aro­ma vuel­ca el malvón
y bajo el cielo de luna llena
duer­men las chatas del cor­ralón.

Soy de ese bar­rio de humilde ran­go,
yo soy el tan­go sen­ti­men­tal.
Soy de ese bar­rio que toma mate
bajo la som­bra que da el par­rral.
En sus ochavas com­padrié de mozo,
tiré la daga por un loco amor,
quemé en los ojos de una mal­e­va
la ardi­ente ceba de mi pasión.

Nada hay más lin­do ni más com­padre
que mi sub­ur­bio mur­mu­rador,
con los chi­men­tos de las comadres
y los piro­pos del Picaflor.
Vie­ja bar­ri­a­da que fue estandarte
de mis arro­jos de juven­tud…
Yo soy del bar­rio que vive aparte
en este siglo de Neo-Lux.

Ángel D’Agosti­no y Alfre­do Attadía Letra: Enrique Cadí­camo

Traduction libre des paroles

Je suis du quarti­er de Tres Esquinas (plus un vil­lage qu’un quarti­er au sens actuel), un ancien bas­tion d’une ban­lieue où les jolies filles en tabli­er fleuris­sent comme des glycines (Il s’ag­it des tra­vailleuses des usines locales).
Où dans la nuit chaude et sere­ine le géra­ni­um déverse son arôme ancien et sous le ciel de la pleine lune dor­ment les logis du cor­ralón (le cor­ralón est un habi­tat col­lec­tif, le pen­dant du con­ven­til­lo, mais à la cam­pagne. Au lieu de don­ner sur un couloir, les pièces qui accueil­lent les familles don­nent sur un bal­con. Au pluriel, cela peut aus­si désign­er le lieu où on par­que le bétail et tout l’attirail de la trac­tion ani­male. Je pense plutôt au loge­ment dans ce cas à cause des géra­ni­ums qui me font plus penser à un habi­tat, même si les cor­ralones étaient proches. Les géra­ni­ums éloignent les mouch­es qui devaient pul­luler à cause de la prox­im­ité du bétail).
Je viens de ce quarti­er de rang mod­este, je suis le tan­go sen­ti­men­tal.
Je suis de ce quarti­er qui boit du maté à l’om­bre de la vigne.
Dans ses ochavas (la ocha­va est la découpe des angles des rues qui au lieu d’être vifs à 90 % présen­tent un petit pan de façade oblique) j’é­tais un jeune homme, j’ai jeté le poignard pour un amour fou, j’ai brûlé dans les yeux d’une mau­vaise l’ap­pât brûlant de ma pas­sion.
Il n’y a rien de plus beau ni de plus com­padre que mon faubourg mur­mu­rant, avec les com­mérages des com­mères et les com­pli­ments du Picaflor (les piro­pos sont des com­pli­ments pour séduire et un picaflor [oiseau-mouche] est un homme qui butine de femme en femme).
Un vieux quarti­er qui fut l’é­ten­dard de mon audace de jeunesse…
Je suis du quarti­er qui vit à part en ce siè­cle de Néo-Lux.

Autres versions

Comme sou­vent, les ver­sions immenses sem­blent intimider les suiveurs et il n’existe pas d’enregistrement remar­quable de l’époque, si on exclut Hugo Del Car­ril à la gui­tare et notre sur­prise du jour, mais patience…

Tres Esquinas 1941-07-24 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour.
Tres Esquinas 1942-05-07 — Hugo Del Car­ril con gui­tar­ras.

Il me sem­ble dif­fi­cile de s’attacher à cette ver­sion une fois que l’on a décou­vert celle des deux anges. On retrou­ve l’ambiance de Gardel, mais cet enreg­istrement ne sera nor­male­ment jamais pro­posé dans une milon­ga.

Tres Esquinas 2010 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

Tres Esquinas 2010 — Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co. J’ai eu le bon­heur de décou­vrir cet orchestre à ses débuts à Buenos Aires où il met­tait une ambiance de folie. Je l’ai fait venir à Tan­go­postale (Toulouse France) où il a sus­cité un ent­hou­si­asme déli­rant. Il nous reste le disque pour nous sou­venir de ces moments intens­es mag­nifiés par la voix de Javier Di Ciri­a­co.

Le jeune Ariel Ardit relève toute­fois le défi et pro­pose plusieurs ver­sions élec­trisantes de ce titre. Voici un enreg­istrement pub­lic en vidéo datant de 2010.

Ariel Ardit inter­prète Tres Esquinas en 2010.

Ce n’est pas non plus pour la danse (du moins dans sa forme tra­di­tion­nelle), mais c’est une mag­nifique ver­sion avec une grande richesse des con­tre­points. Ariel Ardit donne beau­coup d’expression et l’orchestre n’est pas en reste. On com­prend l’approbation du pub­lic.

SURPRISE : il reste une ver­sion en réserve à décou­vrir à la fin de cette anec­dote, vous ne pou­vez pas vous la per­dre ! Avis pour Thier­ry, mon tal­entueux cor­recteur, ce n’est pas une coquille, mais une for­mu­la­tion calquée sur l’espagnol…

Un petit mot sur Tres Esquinas

Il faut imag­in­er un lieu rel­a­tive­ment rur­al qui com­por­tait des espaces de ter­rains vagues, des usines, des maisons pour les pau­vres (cor­ralones) et des cafés, dont un qui se nom­mait Tres Esquinas du nom de ce quarti­er qui dis­po­sait toute­fois d’une sta­tion fer­rovi­aire du même nom… Voici de quoi vous repér­er. Atten­tion, cette zone n’est pas trop à recom­man­der aux touristes, mais on y organ­ise des peñas mag­nifiques ! Pas des peñas pour touristes dans un café plus ou moins branché, mais des hangars rem­plis de cen­taines de danseurs qui s’éclatent sur des orchestres fab­uleux en dansant, chacar­eras, gatos, zam­bas et une bonne dizaine d’autres titres. Ce qui est le plus sur­prenant est que quand l’orchestre enchaîne deux titres, les danseurs adoptent automa­tique­ment le style de la nou­velle danse en moins de deux sec­on­des. Si vous avez lu mes con­seils pour la chacar­era, vous savez déjà recon­naître celles à 6 et 8 com­pas­es et les dobles, c’est la par­tie fon­due de l’iceberg du folk­lore argentin.

Le café Tres Esquinas est ici cer­clé de rouge.

On voit qu’on est au bord de l’eau (Riachue­lo) qui mar­que la lim­ite sud de la ville de Buenos Aires (Vue Google). Comme on peut le voir, le quarti­er est d’usines, de ter­rains vagues et est main­tenant bor­dé par l’autoroute qui va à La Pla­ta (la cap­i­tale de la Province de Buenos Aires). Le café pro­pre­ment dit n’est plus que l’ombre de lui-même. Notez toute­fois la ocha­va  qui coupe l’angle de l’immeuble et qui mar­que l’entrée de ce qui était ce café his­torique.
La sta­tion de train por­tait aus­si logique­ment le nom du quarti­er.

À gauche la gare de Tres Esquinas vers 1909. À droite, une vue aéri­enne de Google.

Le cer­cle rouge est le café Tres Esquinas. Le cer­cle jaune mar­que la zone où était située la gare de Tres Esquinas détru­ite en 1955. L’autoroute qui a été créée en 1994–1996 a coupé en deux le quarti­er et prob­a­ble­ment mis un peu de désor­dre dans les baraque­ments de latas (voir Del bar­rio de las latas, le berceau du tan­go pour en savoir plus sur ce type de con­struc­tion)

Et pour ter­min­er, un court-métrage recon­sti­tu­ant l’ambiance d’un bar comme celui de Tres Esquinas, réal­isée par Enrique Cadí­camo en 1943.

Voici la vidéo au moment où D’Agostino et Var­gas enta­ment Tres Esquinas, mais je vous recom­mande de voir les 9 min­utes du court-métrage en entier, c’est intéres­sant dès le début et après Tres Esquinas, il y a El cuar­teador de Bar­ra­cas

Court-métrage sur un scé­nario et sous la direc­tion de Enrique Cadí­camo où l’on voit des scènes de café, pit­toresques et l’interprétation de Tres esquinas et de El cuar­teador de Bar­ra­cas par Ángel D’Agostino et Ángel Var­gas.

À demain, les amis !

La siete de abril (zamba)

Andrés Avelino Chazarreta et Pedro Evaristo Díaz, ou Ñato Carrillo, ou Agenor Reynoso ou Gómez Carrillo ou El Ciego Chazaou…

Les Argentins adorent avoir des règles pour pou­voir les trans­gress­er. Comme le jour de la zam­ba est le 29 sep­tem­bre (anniver­saire de Gus­ta­vo «Cuchi» Leguiza­món) et le jour nation­al du folk­loriste argentin le 29 mai (anniver­saire de Andrés Aveli­no Chaz­arreta, auteur [pos­si­ble] de cette zam­ba), ils fêtent la zam­ba le 7 avril, jour men­tion­né dans le titre de cette zam­ba qui est la «Cumpar­si­ta» (selon l’expression de Daniel Borel­li) des danseurs de zam­ba. ¡A bailar la zam­ba chicos!

Pour vous per­me­t­tre d’avoir une idée de cette danse, je vous pro­pose cette inter­pré­ta­tion de zam­ba par Car­ol Reta­moso et Juan Manuel Sote­lo.

Zam­ba dan­sée par Car­ol Reta­moso et Juan Manuel Sote­lo. Musi­ciens : Cris­t­ian Bautista (vio­lon) ; Alef Car­do­zo Madaf (gui­tare) Eduar­do Lobos, (Bom­bo).

Qui est l’auteur de cette zamba ?

L’auteur de cette zam­ba n’est pas vrai­ment con­nu. J’ai listé les créa­teurs poten­tiels, mais le nom générale­ment retenu est le pre­mier qui l’a déposé à la SADAIC (société des auteurs argentins), Andrés Aveli­no Chaz­arreta.
Manuel Gomez Car­il­lo l’a col­lec­tée et déposée à son tour en 1923. Il n’en est donc pas l’auteur, il l’a seule­ment col­lec­tée et sur sa ver­sion, Manuel Val­ladares Leda a rajouté des paroles postérieure­ment. Plusieurs autres ver­sions exis­tent.
L’auteur orig­i­nal, s’il n’est pas Chaz­arreta peut-être Pedro Evaris­to Díaz, ou Ñato Car­ril­lo, ou Agenor Reynoso ou Gómez Car­ril­lo ou El Ciego Chaza­ou ou un autre qui reste anonyme. Cela n’a pas beau­coup d’intérêt en fait.

Extrait musical

Il y a des dizaines de ver­sions de cette zam­ba. En voici quelques-unes, rel­a­tive­ment dif­férentes, mais c’est une toute petite par­tie de celles qui exis­tent. Si vous êtes en Argen­tine le 7 avril, vous allez l’entendre de tout côté…

La 7 de abril — Los Manseros San­ti­agueños. Sans doute la plus con­nue.
La 7 de abril — Pitin Salazar. Avec annonce des fig­ures de la choré­gra­phie. Comme DJ, cette ver­sion peut aider les danseurs un peu frag­iles dans la pra­tique de la zam­ba, mais le DJ peut aus­si faire les annonces.
La 7 de abril — .
La 7 de abril — Dino Saluzzi
La 7 de abril — Andrés Chaz­arreta à la gui­tare. Je ne pro­poserai pas cette ver­sion à la danse, mais elle est intéres­sante, car inter­prétée par « l’auteur ».

ZZZ’avez dit zamba ou samba ?

Zamba, comme vous l’avez con­staté avec la vidéo, cette danse n’a absol­u­ment rien à voir avec la danse brésili­enne qui enflamme les rues de Rio durant le car­naval, pas plus que la zem­ba, sem­ba ou la zum­ba.
Cette danse, orig­i­naire de… Bon, on se retrou­ve devant une autre dif­fi­culté. Les reven­di­ca­tions sont nom­breuses. Des orig­ines africaines (j’imagine que les auteurs con­fondent avec la sam­ba ou la zem­ba, sem­ba) ou des orig­ines péru­vi­ennes. En effet, on attribue sou­vent à l’évolution de la zamacue­ca en une ver­sion plus rapi­de, l’origine de la zam­ba. J’écris la zam­ba, mais il y a en fait des zam­bas. Pour éviter de me met­tre à dos la moitié des danseurs de folk­lore argentins, je vais rester vague et juste dire que cette danse se pra­tique avec des foulards (pañue­los) dans toutes les provinces argen­tines et même à Buenos Aires.
Il y a d’ailleurs beau­coup plus de danseurs de folk­lore en Argen­tine que de danseurs de tan­go.

Comment ça se danse ?

C’est un peu la suite de la ques­tion précé­dente. Il n’y a pas une, mais, des zam­bas. Pour sim­pli­fi­er, on dit que les rythmes sont un peu dif­férents d’une province à l’autre, mais les choré­gra­phies sont égale­ment var­iées.
En fait, il s’agit d’une danse tra­di­tion­nelle et chaque groupe eth­nique l’a mise à sa sauce, l’a conçue, l’a con­stru­ite et décon­stru­ite. Les eth­no­logues et musi­co­logues ont figé ces dans­es dans des choré­gra­phies, ce qui a appau­vri la diver­sité, car c’est de ces col­lectes que sont par­tis les groupes folk­loriques pour mon­ter leurs spec­ta­cles. Je con­nais bien le phénomène, étant maître de dans­es tra­di­tion­nelles et ayant fait mon mémoire, juste­ment sur ce sujet…
La base de la danse est une danse de cou­ple, sans con­tact. C’est une danse de séduc­tion. L’homme et la femme se dépla­cent en agi­tant leur mou­choir (foulard). Dans la pre­mière par­tie, la femme rejette les avances de l’homme, mais, dans la sec­onde, elle se fait plus tolérante et finale­ment se laisse con­quérir.
Les deux par­ties sont donc dis­tinctes. Dans la pre­mière, l’homme est entre­prenant, il mobilise son foulard et essaye d’attirer l’attention de la dame. La femme est pudique, se masque le vis­age, n’accepte pas l’invitation. Elle donne même sou­vent le dos à la fin de la pre­mière par­tie. Dans la sec­onde par­tie, en revanche, elle devient plus entre­prenante et accepte les avances. Sou­vent, les danseurs jouent les deux par­ties de la même façon, ou toute la durée est en séduc­tion réciproque, ce qui est à mon avis une petite trahi­son de l’esprit de cette danse.
D’autres la dansent comme si c’était une choré­gra­phie de coun­try, mais c’est une autre his­toire…

Je pen­sais vous faire un petit cours de zam­ba et me suis plongé dans ma bib­lio­thèque à la recherche de quelque manuel d’où je pour­rais tir­er des élé­ments utiles. Las, ces petits dessins sem­blent telle­ment com­pliqués à com­pren­dre que j’ai aban­don­né l’idée.
Je vais juste vous men­tion­ner les fig­ures de la forme la plus courante à Buenos Aires, qui est très loin d’être l’endroit où elle se danse le plus, mais dans les milon­gas, il y a sou­vent un inter­mède de folk­lore com­por­tant chacar­era et zam­ba et comme vous me suiv­ez pour le tan­go, vous avez cer­taine­ment une atti­rance pour cette ville.
Les phras­es musi­cales sont de 8 temps. Elles don­nent la durée des « fig­ures ».
L’introduction. On peut frap­per dans les mains.
La pre­mière vuelta. Elle com­mence avec le chant (quand c’est une zam­ba chan­tée, bien sûr). À la fin de la pre­mière phrase, on a un échange de place avec sa parte­naire. À la fin de la sec­onde, on est ren­tré dans une sorte de spi­rale et on s’arrête, on change de direc­tion (arresto) au début de la troisième phrase et on revient au point de départ en faisant l’escargot à l’envers.
On revient au cen­tre et ont fait trois arrestos (ce qui donne l’impression que les parte­naires se tour­nent autour), puis ont revient au point de départ.
La musique change de tonal­ité, de car­ac­tère. Cela annonce le dernier escar­got.
Et sur la dernière phrase, le cou­ple se réu­nit au cen­tre (la femme dos à l’homme dans la pre­mière par­tie et de face et com­plice dans la sec­onde).
Je pense que vous n’aurez rien com­pris, ce n’est pas grave car en admet­tant que vous ayez com­pris la choré­gra­phie, il vous resterait à acquérir la manip­u­la­tion du foulard et c’est tout un autre univers. Toute­fois, pour le foulard, on peut amélior­er son jeu en jouant l’histoire de la danse. Dans la pre­mière par­tie, l’homme cherche à capter l’attention et la femme se cache et rejette, dans la sec­onde, ils s’accordent et peu­vent enlac­er les foulard, se caress­er avec…

La siete de abril

Le titre peut sem­bler est une date (7 avril). On se demande alors immé­di­ate­ment qu’à cette date par­ti­c­ulière pour qu’on en fasse une zam­ba (ou même une chan­son).
Une date prob­a­ble est le 7 avril 1840, où Mar­cos Avel­lane­da qui dirigeait une insur­rec­tion (la Ligue du Nord) a per­du la tête qui a été exposée par l’armée de Rosas sur la place cen­trale de San Miguel de Tucumán.
La défaite de l’insurrection a eu lieu à Famail­lá, mais Avel­lane­da s’est enfuit vers le Nord et il se peut que ce soit sur l’emplacement de 7 de Abril qu’il a été rat­trapé et décapité.

Cette local­ité qui compte aujourd’hui un mil­li­er de per­son­nes s’était dévelop­pée à prox­im­ité d’une sta­tion de chemin de fer des­tinée à trans­porter vers des lieux plus peu­plés, la canne à sucre pro­duite ici et le bois récolté dans les bois avoisi­nants.

Quoi qu’il en soit, il est dif­fi­cile de faire le lien entre cet événe­ment sanglant et la zam­ba. Il reste deux hypothès­es. La belle est de 7 de Abril, où il s’agit d’un 7 de Abril, date d’une ren­con­tre et donc, une date plutôt d’ordre privé.
Tournons-nous du côté des paroles pour voir si on a d’autres pistes.

Les paroles

Il y a en fait divers­es paroles. La ver­sion la plus courante aujourd’hui est celle de Pedro Evaris­to Díaz sur la musique déposée par Andrés Aveli­no Chaz­arreta.

Triste y con penas me voy
Voy can­tan­do mi can­ción
{Bus­can­do con­sue­lo en una zam­ba
Porque me ha pedi­do el corazón} bis
Lejos se escucha una (mi) voz
Y ella dice en su can­tar
{En aque­l­las noches silen­ciosas
Can­to porque aliv­io mi pesar} bis
Estri­bil­lo
Otros andarán por ahí
Igual­i­tos como yo
{Can­tan­do triste sus penas
Zam­ba sos mi can­ción} bis

Como el per­fume de flor
Suave, acom­pasa­da sos
{Has hecho bailar a muchos criol­los
Hacien­do vivir la tradi­ción} bis
Tus melodías quizás
Siem­pre han sido para mí
{La que muchas noches he soña­do
Y así la nom­bré siete de abril} bis

Andrés Aveli­no Chaz­arreta Letra : Pedro Evaris­to Díaz

Si vous voulez con­naître d’autres ver­sions, mais qui ne don­nent pas plus d’indication sur l’origine, vous pou­vez con­sul­ter cet excel­lent arti­cle :

https://raicesmusical.blogspot.com/p/zambas-y-sus-versiones.html

Ver­sion archivée au cas où la page deviendrait indisponible : https://web.archive.org/web/20220909213526/https://raicesmusical.blogspot.com/p/zambas-y-sus-versiones.html

Traduction libre

Triste et chargé de peine je m’en vais
Je m’en vais en chan­tant ma chan­son
Cher­chant du récon­fort dans une zam­ba
{Parce que mon cœur me l’a demandé} bis
Au loin s’entend une voix
Et elle dit dans sa chan­son
{Dans ces nuits silen­cieuses
Je chante pour alléger mon cha­grin} bis
Refrain
D’autres vien­dront par là
Tous égaux, comme moi
{Chan­tant tris­te­ment leurs peines
Zam­ba tu es ma chan­son} bis

Comme le par­fum de la fleur
Tu es douce et ryth­mée
{Tu as fait danser beau­coup de criol­los
Faisant revivre la tra­di­tion} bis
Tes mélodies peut-être
Ont tou­jours été pour moi
{Celle dont j’ai rêvé de nom­breuses nuits
C’est ain­si que je l’ai nom­mée 7 avril} bis

Alors, allez-vous danser la zamba ?

Comme DJ, j’adore voir les danseurs danser une belle zam­ba. Ce plaisir est rare en Europe, alors j’espère que vous vous y met­trez, pour me faire plaisir, mais surtout pour vous faire plaisir.
J’essaye tou­jours de plac­er un inter­mède de folk­lore dans les milon­gas que j’anime. En Europe, ça a rarement du suc­cès et ça se ter­mine en corti­na, mais désor­mais, la chacar­era est bien ren­trée dans les mœurs. La zam­ba, c’est un peu plus dif­fi­cile, mais j’ai eu quelques occa­sions, donc celle qui m’a servi pour la pho­to de cou­ver­ture où deux danseurs français ont réal­isé une très belle zam­ba. Ils se sont retrou­vés seuls sur la piste, mais ils ont pro­duit une vive émo­tion et je suis sûr que cela a don­né une petite envie à cer­tains.
L’an dernier à Tarbes, j’ai aus­si pu faire danser quelques cou­ples sur une zam­ba.

Une autre zamba pour vous décider à la danser, par Argentino Luna

Il existe des cen­taines de Zam­bas, cha­cune dans de nom­breuses ver­sions. C’est un champ immense.

Gal­li­tos del aire par Argenti­no Luna. Les Gal­li­tos del Aire (petits coqs de l’air) sont les foulards.

Les Gal­li­tos del Aire (petits coqs de l’air) sont les foulards.

À Buenos Aires, cette ver­sion plaît beau­coup.

Je vous en donne les paroles et leur tra­duc­tion, car ce titre décrit exacte­ment la danse et son sen­ti­ment.

Paroles de Gallitos del aire

Comen­zó la zam­ba y con el pañue­lo
Te invité a bailar­la y fue como un ruego
Cuan­do te acer­caste, casi sin alien­to
Con mucha vergüen­za, dijiste baile­mos
Y así comen­zamos a bailar la zam­ba
Ponien­do en el baile, el cuer­po y el alma

La Luna traviesa bril­l­a­ba en tu pelo
Yo te pre­sen­tía palo­ma en ace­cho
En la media vuelta me puse a tu lado
Bus­can­do tus ojos, mis ojos jugaron
Giraste y te fuiste, tími­da y calla­da
Tem­blorosa­mente bai­lan­do la zam­ba

Una vuelta entera, nos puso de frente
Mis labios desea­ban tus labios ardi­entes
Gal­li­tos del aire fueron los pañue­los
Que en blan­co y celeste pin­taron el cielo
Ya la media zam­ba mar­ca­ba el final
Y yo pre­sen­tía tus ganas de amar

Se va la segun­da, dijo el musi­quero
Y yo enam­ora­do seguía tu vue­lo
Pre­sen­tí tus miedos casi con asom­bro
Mien­tras me mirabas por arri­ba del hom­bro
Con la mano izquier­da me toque el som­brero
Como pa’ decirte aquí voy de nue­vo

Lo demás fue un juego de amagues y esquives
Un tan­tear de cer­ca, tu cuer­po de mim­bre
For­man­do un arresto, mi pañue­lo blan­co
Lo entre­lazó al tuyo que and­a­ba volan­do
Y fue con el baile, vio­lín y gui­tar­ra
La noche más noche, la zam­ba más zam­ba

Una vuelta entera nos puso de frente
Mis labios desea­ban tus labios ardi­entes
Gal­li­tos del aire, fueron los pañue­los
Que en blan­co y celeste pin­taron el cielo
Mi pañue­lo blan­co te tra­jo hacia mí
Y tú enam­ora­da dijiste que sí

Argenti­no Luna

Traduction libre de Gallitos del aire et indications

La zam­ba a com­mencé et avec le foulard
Je t’ai invitée à la danser et c’était comme une prière
Quand tu t’es approchée, presque essouf­flée
Avec beau­coup de honte, tu as dit, dan­sons
C’est ain­si que nous avons com­mencé à danser la zam­ba
Met­tant dans la danse corps et âme

La lune coquine bril­lait dans tes cheveux
J’ai sen­ti que tu étais une colombe traquée
Dans la media vuelta (fig­ure de la zam­ba), je me tenais à ton côté
Mes yeux jouant à chercher tes yeux
Tu t’es retourné et tu es par­tie, timide et silen­cieuse
Dansant la zam­ba en trem­blant

Un vuelta entera (fig­ure de zam­ba, tour entier), nous a mis face à face
Mes lèvres désir­aient tes lèvres brûlantes
Les coqs de l’air étaient les foulards
Qui en blanc et bleu céleste ont peint le ciel. (Ce sont les couleurs de la ban­dera argen­tine. Les femmes ont tra­di­tion­nelle­ment le foulard céleste et les hommes le blanc. Les foulard sont agités en l’air et don­nent l’impression de pein­dre le ciel)
Déjà la demi-zam­ba mar­quait la fin
Et j’ai pressen­ti ton désir d’aimer. (C’est la fin de la pre­mière par­tie. Le danseur rac­com­pa­gne la femme et la sec­onde par­tie com­mence).

La sec­onde démarre, dit le musi­cien (il annonce la sec­onde par­tie)
Et moi, amoureux, j’ai suivi ton vol
J’ai sen­ti tes craintes presque avec éton­nement
Alors que tu me regar­dais par-dessus ton épaule
De ma main gauche, j’ai touché mon cha­peau
Comme pour te dire que je reviens.

Le reste n’était qu’un jeu de feintes et d’esquives
Une sen­sa­tion de prox­im­ité, ton corps en osier
For­mant une arresto (fig­ure de la zam­ba con­sis­tant à chang­er de sens, comme une sim­u­la­tion de court après-moi que je t’attrape), mon foulard blanc
Je l’ai entrelacé avec le tien qui allait, volant
Et ce fut avec la danse, le vio­lon et la gui­tare
La nuit la plus nuit, la zam­ba la plus zam­ba

Un tour entier nous a mis face à face
Mes lèvres désir­aient tes lèvres brûlantes
Coqs de l’air, c’étaient les foulards
Qui en blanc et bleu clair ont peint le ciel
Mon foulard blanc t’a amené jusqu’à moi
Et toi, énamourée, tu as dit oui.

Les styles du tango

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Il sem­ble que tout a été dit sur les styles de tan­go. Je vous pro­pose cepen­dant un petit point, vu essen­tielle­ment sur l’aspect du tan­go de danse.

Ce qu’il con­vient de pren­dre en compte, c’est que les péri­odes générale­ment admis­es sont en fait toutes rel­a­tives.

Les orchestres ont, selon les cas, con­tin­ué un style qui leur réus­sis­sait au-delà d’autres orchestres et a con­trario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remet­tant en avant des élé­ments dis­parus depuis plusieurs décen­nies.

On peut donc avoir deux enreg­istrements con­tem­po­rains appar­tenant à des courants forts dif­férents. C’est par­ti­c­ulière­ment sen­si­ble à par­tir des années 50, où la baisse de la pra­tique de danse a incité les orchestres à dévelop­per de nou­veaux hori­zons, sou­vent en réchauf­fant des plats plus anciens.

Les origines (avant le tango)

Il ne s’agit pas ici de tranch­er dans un des nom­breux débats entre spé­cial­istes des orig­ines. Du strict point de vue de la danse, les pre­miers tan­gos sont proche du style habanero et par con­séquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il con­vient de trou­ver la forme de danse.

La habanera

Vous con­nais­sez ce rythme. DaaaTa­daTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les bar­res rouges (croches pointées) cor­re­spon­dent à 3 unités tem­porelles rel­a­tives (dou­ble croche), les bar­res bleues à une unité tem­porelle (dou­ble croche) et les bar­res vertes à deux unités tem­porelles (croche). Les bar­res sont donc pro­por­tion­nelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela sig­ni­fie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux bar­res ver­ti­cales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les dou­bles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous con­nais­sez la lec­ture du rythme en musique (ou pas…).
Rythme de la habanera au piano. retrou­vez le DaaaTa­daTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une resti­tu­tion d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a com­posé El arregli­to (le petit arrange­ment) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rap­pel­er quelque chose.

Axiv­il Criol­lo — El Arregli­to — Com­pos­i­teur Sebastián de Iradier vers 1840.

Avez-vous trou­vé ?

Oui, vous avez trou­vé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.

Tere­sa Bergan­za chante la Habanera de Car­men de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, très présent dans les pre­miers tan­gos, est devenu plus dis­cret, sauf pour les milon­gas qui l’ont large­ment exploité.

Dans la milon­ga criol­la (ici par l’orchestre de Fran­cis­co Canaro 1936-10-06), on recon­nait par­faite­ment le rythme de la habanera qui a été accélérée et est dev­enue une des pier­res de con­struc­tion des milon­gas.

Lorsque le tan­go de danse a per­du de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes tra­di­tion­nelles, au point que les com­pos­i­teurs l’on réin­tro­duit très large­ment.

Autres apports

En par­al­lèle, des formes chan­tées, notam­ment par les payadors et des dans­es, tra­di­tion­nelles, voire trib­ales, ont influ­encé ces prémices, don­nant une grande richesse à ce qui devien­dra le tan­go, notam­ment à tra­vers ses trois formes dan­sées, le tan­go, la milon­ga et la valse.

Les payadors

On lit par­fois que Gardel était un payador. Cepen­dant, même s’il était ami de José Bet­tinot­ti, il n’a pas été directe­ment l’un de ces chanteurs qui s’ac­com­pa­g­naient à la gui­tare en impro­visant. Cepen­dant, l’influence des payadors est indé­ni­able pour le tan­go, comme vous pou­vez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’ha­banera pour­rait s’ap­procher d’une milon­ga lente ou d’un canyengue.

José Bet­tinot­ti, El cabrero cir­ca 1913

Exemple d’influence africaine

Par­mi les sources, on met en avant des orig­ines africaines. Même si l’Ar­gen­tine n’a pas été une terre d’esclavage très mar­quée, con­traire­ment à beau­coup d’autres payés du con­ti­nent améri­cain, il y a eu une com­mu­nauté d’o­rig­ine africaine rel­a­tive­ment impor­tante au XIXe siè­cle. Celle-ci s’est atténuée par l’émi­gra­tion, les mariages avec des pop­u­la­tions d’autre orig­ines et quelques faits guer­ri­ers où ils ont servi de chair à canon.

Même si l’Ar­gen­tine a absorbé des élé­ments, c’est plutôt la province de l’Est, l’U­ruguay qui a le plus été influ­encé par ces musiques, notam­ment les per­cus­sions.

Can­dombe solo para Uruguayos — Hugo Fat­toru­so — “Cam­i­nan­do” , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le can­dombe et la milon­ga can­dombe se retrou­vent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Car­los Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dirigé par Ángel Con­der­curi.

La dénom­i­na­tion “tan­go” est sou­vent asso­ciée à la défor­ma­tion de “tam­bo” et désig­nait des lieux ou la com­mu­nauté noire dan­sait. Il faut voir un juge­ment négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu syn­onyme de bam­boche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’é­tait pas issue des Africains a hérité de ce voca­ble péjo­ratif, lorsque le tan­go s’est dévelop­pé dans les bor­dels et autres lieux choquants pour la bonne société.

Les origines européennes

L’im­mi­gra­tion européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criol­lo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adop­té des valses vien­nois­es.

Pour la milon­ga, c”est un peu moins évi­dent de retrou­ver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde lati­noaméri­cain ont favorisé sa dif­fu­sion. La habanera sym­bol­i­sait le marin pour l’Eu­rope. La milon­ga, on devrait même écrire les milon­gas sont une sal­sa, un mélange d’in­flu­ences.

Les débuts du tan­go dans les faubourgs et les milieux inter­lopes ont con­duit celui-ci à des formes assez pop­u­laires, voire out­rées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en total­ité.

La naissance européenne

Dis­ons-le, tout bon­nement, ce tan­go d’avant le tan­go n’est pas au sens strict du tan­go. À cela se rajoute que les rares enreg­istrements de l’époque ont été réal­isés par voie acous­tique et qu’ils ne sont donc pas du tout adap­tés à nos oreilles con­tem­po­raines.

Voir les pro­grès de l’en­reg­istrement pour plus d’in­for­ma­tions sur l’en­reg­istrement acous­tique.

Vu les lieux où le tan­go était joué et mal­gré la fréquen­ta­tion par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tan­go ne s’est pas fait une place impor­tante en Argen­tine avant d’ac­quérir ses let­tres de noblesse en Europe et notam­ment en France.
Il y a une théorie dif­férente qui se base sur un film réal­isé en 1900 à Buenos Aires par Eugene Py. Le prob­lème est que si Py a bien réalise un film, on ne l’a pas retrou­vé. Un film est con­sid­éré par cer­tains comme le film de Py qui aurait été retrou­vé.

Dans ce film, on voit deux danseurs dans un décor pra­ti­quer une forme de tan­go. Ce film est par­fois qual­i­fié de pre­mier film de tan­go qui cor­re­spondrait à un film enreg­istré en 1900 par Eugène Py. La qual­ité de l’im­age, le vête­ment de la femme, le style de danse font plutôt dater ce film des années 1920. Les par­ti­sans de l’at­tri­bu­tion à Eugène Py indique que le film orig­i­nal a été réal­isé en extérieur, sur la ter­rasse de l’en­tre­prise Casa Lep­age À Buenos Aires. On peut voir qu’i­ci, il s’ag­it d’un décor qui peut avoir été placé en extérieur pour faire croire a un intérieur. Cela sem­ble un peu exagéré pour ce type de film. En admet­tant que ce soit le cas, les danseurs seraient des gens de la haute société. Aus­si, pourquoi servi­raient-ils de fig­u­rants ? Il est plus sim­ple d’imag­in­er que ce sont des danseurs qui jouent un rôle. Donc, si ce film est de 1900 (ce dont je doute), il peut s’a­gir de danseurs fig­u­rants. Si le film est de 1920, il peut s’a­gir de per­son­nes plus for­tunées qui présen­tent leurs per­for­mances de danse. Je pro­pose donc de rester sur les témoignages écrits et nom­breux et de ne pas suiv­re l’hy­pothèse qui ferait de ce film la preuve que le tan­go était dan­sé dans la haute société dès 1900.

Le style du tango, avant le tango… (Prototango)

Avant 1926, date des pre­miers enreg­istrements élec­triques, pas d’enregistrements util­is­ables en danse.

Argañaraz — Orques­ta Típi­ca Criol­la Alfre­do Gob­bi (1913)

Comme vous pou­vez vous en ren­dre compte, le style som­maire et monot­o­ne de la musique est ren­for­cé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavil­lon puisse graver le sup­port d’enregistrement. On retrou­ve cepen­dant cer­tains élé­ments « Canyengue » que l’on con­naît par les enreg­istrements élec­triques.

Je vous pro­pose à titre d’exemple, Zor­ro gris un enreg­istrement élec­trique de 1927 par Fran­cis­co Canaro.

Zor­ro gris 1927-08-22, Fran­cis­co Canaro (enreg­istrement élec­trique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gob­bi et Canaro, dans la pre­mière par­tie de leur car­rière, sont des représen­tants de ce que l’on a nom­mé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes dif­férents avaient vu le jour. Se détachant pro­gres­sive­ment du style clau­di­cant du canyengue, les orchestres aban­don­nent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue devi­en­nent des milon­gas, comme par exem­ple : Milon­ga de mis amores, ici dans la ver­sion de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1937-05-26, Fran­cis­co Canaro

con­traire­ment à la ver­sion de la même année par Pedro Lau­renz :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1937-07-14, Pedro Lau­renz can­ta Héc­tor Far­rel

Ou celle du même de 1944 :

Extrait de Milon­ga de mis amores 1944-01-14, Pedro Lau­renz

Des orchestres anciens évolu­ent, comme Di Sar­li ou d’Arien­zo, notam­ment à l’ar­rivée de Bia­gi dans l’orchestre et on arrive à la grande péri­ode du tan­go, l’âge d’or.

L’âge d’or (Edad de oro)

C’est la péri­ode con­sid­érée comme la plus adap­tée au tan­go de danse. C’est logique, car à l’époque, le tan­go était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se pro­dui­saient.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944. En rouge, les 4 piliers se pro­duisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de sec­ond plan, tout à fait dans­ables et en vert, des orchestres un peu moins per­ti­nents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux danseurs. Les musi­ciens jouaient ensem­ble plusieurs fois par semaine et il y avait un cli­mat d’émulation pour ne pas dire de com­péti­tion entre les orchestres.

On remar­quera qu’en face de cha­cun des orchestres de tan­go, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des gen­res var­iés et les orchestres se spé­cial­i­saient.

Cer­tains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui per­me­t­tait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuiv­res dans son orchestre de tan­go, il jouait donc de la lim­ite entre les deux for­ma­tions. Vous avez pu écouter cela dans l’ex­trait de Milon­ga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se dis­tin­guait par un style pro­pre. Cer­tains étaient plus intel­lectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus roman­tiques, comme Di Sar­li ou Frese­do et d’autres plus urbains, comme Troi­lo.

Aujourd’hui, dans les milon­gas, le DJ s’arrange pour pro­pos­er ces qua­tre ori­en­ta­tions pour éviter la monot­o­nie et con­tenter les dif­férentes sen­si­bil­ités des danseurs.

Même si la pro­duc­tion de l’époque est essen­tielle­ment tournée vers la danse, il y a égale­ment une pro­duc­tion pour l’écoute.

Sur les dis­ques de l’époque, il est facile de faire la dif­férence, notam­ment pour les tan­gos avec chanteur. En effet, un tan­go à danser est indiqué : Nom de l’orchestre can­ta ou estri­bil­lo can­ta­do por Nom du chanteur. Un tan­go à écouter est indiqué Nom du chanteur y su orques­ta dirigi­do por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui con­cerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de cours/conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il con­vient seule­ment de savoir recon­naître le tan­go de danse et de savoir appréci­er les dif­férences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est impor­tant de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est sou­vent moins grave de mélanger deux orchestres enreg­istrés à la même époque que de mélanger deux enreg­istrements d’époques styl­is­tique­ment dif­férentes du même orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui ini­tié par De Caro, repris ensuite par Troi­lo, Pugliese et Piaz­zol­la, par exem­ple. Il est encore très vivant, notam­ment chez les orchestres de con­cert.

À not­er que Pugliese et Troi­lo sont bien sûr des piliers du tan­go de bal et que leurs incur­sions nuevos, pas tou­jours pour la danse, ne doivent pas mas­quer leur impor­tance dans le bal tra­di­tion­nel.

N’oublions pas que Pugliese a aus­si bien enreg­istré du canyengue, que du tan­go clas­sique avant de faire du Nue­vo… Curieuse­ment, le tan­go dit nue­vo reprend sou­vent des motifs les plus anciens, notam­ment la habanera des tout pre­miers titres du XIXe siè­cle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se car­ac­térise prin­ci­pale­ment par une bat­terie et l’utilisation d’instruments élec­tron­iques. Curieuse­ment, il est par­fois assez proche, d’un point de vue ryth­mique, du tan­go musette qui est l’évolution européenne et notam­ment fran­co-ital­i­enne, du tan­go du début du XXe siè­cle.

Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas, car cette musique est très répéti­tive et ne con­vient pas aux danseurs avancés. Cepen­dant, il faut recon­naître que cette musique a fait venir de nou­veaux adeptes au tan­go.

Tango alternatif (neotango)

Le tan­go alter­natif con­siste à danser avec des repères « tan­go » sur des musiques qui ne sont absol­u­ment pas conçues comme telles.

Par exem­ple, la Cole­giala de Ramirez est un tan­go alter­natif, puisqu’on le danse en “milon­ga” alors que c’est un fox-trot.

Cer­tains DJ européens pla­cent des zam­bas que les danseurs dansent en tan­go. Quel dom­mage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique « néotan­go » qui con­siste à danser sur toute musique, chan­son, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des hori­zons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et per­met donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque sou­vent à cette musique, c’est le sup­port à l’improvisation. On peut lui recon­naître une forme de créa­tiv­ité dans la mesure où elle per­met / oblige de sor­tir des repères et donc d’in­nover. Mais est-t-il vrai­ment pos­si­ble d’in­nover en tan­go ? C’est un autre débat.

Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse

Si on étudie un tan­go de l’âge d’or, on y décou­vri­ra plusieurs qual­ités favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instru­ment (dont le chanteur), puis pass­er à un autre. On peut aus­si choisir de danser unique­ment la mar­ca­tion (tem­po). Les instru­ments se répon­dent. On peut ain­si se répar­tir les rôles avec les parte­naires en recon­sti­tu­ant le dia­logue en le dansant.
  • La musique se répète plusieurs fois, mais avec des vari­a­tions. Cela per­met de décou­vrir le tan­go au cas où il ne serait pas con­nu et la sec­onde fois, l’oreille est plus famil­ière et l’improvisation est plus con­fort­able. Cette reprise est en général dif­férente de la pre­mière expo­si­tion, mais reste tout à fait com­pa­ra­ble. Par exem­ple, la pre­mière fois le thème est joué au vio­lon ou au ban­donéon et la sec­onde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instru­ment. Si c’est le même instru­ment, il y aura de légères dif­férences dans l’orchestration qui ren­dra l’écoute moins monot­o­ne.
  • Les change­ments de rythme, phras­es, par­ties, sont annon­cés. Un danseur musi­cien ou exer­cé sait recon­naître les par­ties et peut « devin­er » ce qui va suiv­re, ce qui lui per­met d’improviser plus facile­ment sans dérouter sa parte­naire. Je devrais plutôt met­tre cela au pluriel, car les deux mem­bres du cou­ple par­ticipent à l’improvisation. Si la per­son­ne guidée a envie d’appuyer, de mar­quer un élé­ment qui va arriv­er, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alter­na­tives ou des musiques d’inspiration pus clas­siques, comme cer­taines com­po­si­tions de Piaz­zol­la » pro­posent sou­vent des sur­pris­es qui font qu’elles ne per­me­t­tent pas de devin­er la suite, ou au con­traire, sont telle­ment répéti­tives, que quand revient le même thème de façon iden­tique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nou­velles idées et finis­sent par tomber dans une rou­tine. Évidem­ment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se con­tentent de dérouler des choré­gra­phies ne ver­ront pas de dif­férences entre les dif­férents types de tan­go. Ceci explique le suc­cès des pra­tiques neotan­go auprès des débu­tants, même si ces bals ont aus­si du suc­cès auprès de danseurs plus affir­més. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la men­ace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tan­go…

Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?

Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde com­por­tent des titres sub­limes et très amu­sants ou intéres­sants à danser. Cer­tains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’af­filée sur ces rythmes. Cepen­dant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharp­er…

Quelques musiques mod­ernes don­nent des idées agréables à danser. Pour ma part, je pro­pose sou­vent une tan­da de valses « orig­i­nales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tan­gos tra­di­tion­nels et le besoin d’improvisation est moins impor­tant, car il s’agit surtout de… tourn­er.

Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechig­nent pas tou­jours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nom­breux danseurs. C’est donc un domaine à pro­pos­er aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont par­ti­c­ulière­ment nom­breux. C’est bien le signe que c’est tou­jours dans l’air du temps.

Pour ter­min­er, je pré­cise que je suis DJ et que par con­séquent, mon tra­vail est de ren­dre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sen­si­bil­ité.

Pour un DJ rési­dent, en revanche, il est impor­tant d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans cer­tains endroits, le DJ met tou­jours le même type de musique, pas for­cé­ment de la meilleure qual­ité pour la danse. Le prob­lème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me sem­ble qu’il faut tou­jours garder un fond de cul­ture « authen­tique » pour que le tan­go reste du tan­go.

Photos (fotos) de tango

Photographe de tango — Tango Photograph — Fotografo of tango

Depuis 1976, je suis pho­tographe pro­fes­sion­nel. Je mets cette com­pé­tence au ser­vice des danseurs en réal­isant des pho­togra­phies quand je suis DJ.

Il arrive égale­ment que des organ­isa­teurs me demande d’être le pho­tographe offi­ciel de leurs événe­ments.

Agenda et souvenirs

Témoignages et avis de danseurs et organ­isa­teurs

À venir :

  • DJ Milon­gas usuelles Buenos Aires Novem­bre 2025 à Mars 2026
  • DJ Milon­ga La Coque­ta (Fréjus) 4 avril 2026
  • DJ VJ Milon­ga Tres Castil­los (Saint-Paul-Trois-Châteaux, France) 5 avril 2026

2025

  • DJVJ Milon­ga de l’Au­ra (Noirétable, France) 11 octo­bre 2025

  • DJVJ Milon­ga du Jive (Nîmes, France) 23 sep­tem­bre 2025

  • DJ Fes­ti­val Gorges du Tarn en Tan­go 2025-09-14

  • DJ Jeud­is de Nîmes (France) 2025-08-14

  • DJ Camar­go Tan­go (El Beso, Buenos Aires) 2025-07-21
  • DJ Nue­vo Chique la Milon­ga del Cora­zon (Buenos Aires) 2025-07-15

  • DJ Camar­go Tan­go (El Beso, Buenos Aires) Julio 2025

  • DJ Camar­go Tan­go (El Beso, Buenos Aires) Junio 2025

  • DJ Camar­go Tan­go (El Beso, Buenos Aires) (Enero y Febrero 2025)

  • DJ-VJ Milon­ga Tres Castil­los (Fran­cia) 2025-04-06

  • DJ VJ Milon­ga du Jive (Nîmes, Fran­cia) 2025-04-15
  • DJ VJ Fes­ti­val Los Tangueros (Yzeure, Fran­cia) 2025-04-19
  • DJ VJ Lo de Lola (Vedène, Fran­cia) 2025-04-27

2024

  • DJ Buenos Aires (las milon­gas usuales) Enero has­ta mar­zo de 2024
  • DJVJ Milon­ga du Jive (France) 11/09/2024
Milon­ga du Jive 2024-06-11
  • DJ Milon­ga con­sulaire, Val­ros (France) 21/06/2024
Milon­ga con­sulaire 2024-06-21
  • DJ Buenos Aires (las milon­gas usuales) 27 de junio has­ta el 11 de agos­to 2024
DJ BYC Bernar­do en Camar­go tan­go — Salon El Beso — Buenos Aires.

https://www.facebook.com/DJ.BYC.Bernardo.page/posts/pfbid021b9mbSs5KBbPLTc72M1U9ZVvwX84xBDEEbBXaRMEFD1r7dyqnp2qk1Da44rnH8ztl


DJ Sainte-Énimie (France) 13–15/09/2024

  • DJVJ Nan­cy (France) 21/09/2024.
J’animerai la milon­ga du 21 sep­tem­bre avec Tan­go Sonos.

DJ Cave Aubais Mema (France) 29/09/2024

Milon­ga Mema 2024-09-29

DJ La milon­ga de L’Au­ra. Noirétable (France) 12/10/2024

Milon­ga de L’Au­ra, 2024-11-12

DJVJ Nior­tan­go 18–20/10/2024 (Niort, France), 3 milon­gas et 2 class­es de musi­cal­ité.

Pro­gramme Nior­tan­go 2024

2023

  • DJ Buenos Aires (las milon­gas usuales) Octubre 2023
  • DJ Fes­ti­val des Gorges du Tarn en Tan­go (Sainte-Énimie, France) Deux milon­gas, dont 12 h de des­pe­di­da sans coupure 15–17/09/2023
  • DJ Les Jeud­is de Nîmes (Nîmes, France) 24/08/2023
  • DJ Tarbes en tan­go (Tarbes, France) 17–18-19/08/2023
    Tarbes
  • DJ Buenos Aires (las milon­gas usuales) junio has­ta agos­to de 2023
  • DJ 4e Esti­vales de Tan­go (Bag­nères-de-Big­orre, France) 9/06/2023
    Bag­nères
  • DJ et Pho­tographe, Encuen­tri­to (Roque­brune-Sur-Argens, France) 26–28/05/2023
    Encuen­tri­to
  • DJ et VJ, Milon­ga Tan­go­ma­nia (Montcuq, France) 22/04/2023
    Montcuq
  • DJ Fes­ti­val de Pâques, Tan­goe­moi (Rouen, France) 08/04/2023
    Pâques
  • DJ Buenos Aires (las milon­gas usuales) Enero has­ta mar­zo de 2023

2022

2021

  • DJ La milon­ga Mema (Aubais, Nîmes) 07/11/2021
  • DJ La Dominguera (Mont­pel­li­er) 30/10/2021
  • DJVJ Limouzi Tan­go Mix (France) 28/10/2021
  • DJ Fes­ti­val Ty Tan­go (Vannes)
  • DJVJ Luna milonguera (Vichy) 9/10/2021
  • DJ Fes­ti­val­i­to C. (sur invi­ta­tion et com­plet)
  • DJ Lo de Car­men (Nev­ers) 25/09/2021
  • DJ La Mira­da (Alès) 12/09/2021
  • DJ Le Vic­to­ria (Mont­pel­li­er) 24 & 26/08/2021
  • DJ Week-end Tan­go L. (sur invi­ta­tion et com­plet) 18/07/2021
  • DJ Milon­ga con­sulaire Val­ros (France) 30/06/2021
  • DJ La Grande Bouffe 2 (France) 11–12-13/06/2021

2020

  • COVID (Milon­gas en vivo, vir­tuales)
    • DJVJ Milon­ga Porteña (vir­tu­al, cada sába­do de la COVID) 20 dates sur l’an­née)
    • DJ Milon­ga Inter­na­cional (vir­tu­al Des­de argenti­na))
    • DJ Earth Vir­tu­al Milon­ga (Esta­dos Unidos)
    • DJ Milon­ga vir­tu­al San Peters­bur­go (Rus­sia)
    • DJ Mundi­al de los musi­cal­izadores de tan­go (Mex­i­co)
    • DJVJ Milon­ga Neotan­go (Italia)
  • DJVJ Buenos Aires (las milon­gas usuales en enero y febrero)

2019

2018

2017

2016

  • DJ La Maleni­ta Nev­ers Com­mande pho­tos
  • DJ Encuen­tro Milonguero Milonguero (Calp Spain) 
  • DJ Fes­ti­val de la côte basque 
  • DJ Fes­ti­val de Béziers 
  • DJ Grande Nuit du Tan­go Argentin / Marathon des DJ  (Som­mières) 
  • DJ Maquina tanguera (Toulouse) 09/2016 
  • DJ Fes­ti­val des Gorges du Tarn (Sainte-Énimie) 
  • DJ Fes­ti­val du Lac du Paty (Car­omb) 
  • DJ Fes­ti­val Tan­go­postale (Toulouse) 
  • DJ Fes­ti­val Thau­tan­go (Mèze)
  • DJ Milon­ga Dan­zarin (Toulouse)
  • DJ Fes­ti­val Cora­zon en fies­ta (Nev­ers)
  • DJ Tan­goloft (Vichy)
  • DJ Mas milonguero que nun­ca (Toulouse)
  • DJ Labo Tan­go (Nîmes)
  • DJ ParisTangoDjPart’3 (Capo­dan­no Milonguero) Pomerid­i­ana di Bernar­do BYC (Paris)
  • DJ Milon­ga Porteña (ma milon­ga)

2015

  • DJ Encuen­tro Milonguero Milonguero (Calp Spain)
  • DJ Encuen­tro milonguero des 3 M (Roanne)
  • DJ Fes­ti­val Arte­tan­go (Albi)
  • DJ Fes­ti­val Tan­go­postale (Toulouse)
  • DJ Fes­ti­val Thau­tan­go (Mèze) 
  • DJ Fes­ti­val Cora­zon en fies­ta (Nev­ers)
  • DJ Fes­ti­val Des­ti­na­tion Tan­go (Roanne)
  • DJ Fes­ti­val Les Milonguettes (Cahuzac)
  • DJ Fes­ti­val de Prayssac
  • DJ Fes­ti­val des Gorges du Tarn (Sainte-Énimie)
  • DJ Fes­ti­val de Moulins (Yzeure)
  • DJ Fes­ti­val du Lac du Paty (Car­omb)
  • DJ Encuen­tro des Fumades
  • DJ Milon­ga del Angel (Nîmes)
  • DJ Grande Nuit du Tan­go Argentin / Marathon des DJ  (Som­mières)
  • DJ Lo de Car­men (Nev­ers)
  • DJ Los marineros (Mar­seille)
  • DJ La Pluma (Mont­pel­li­er)
  • DJ Tem­po di tan­go (Car­cas­sonne)
  • DJ Tangue­dia de ParisDJ Milon­ga XXL la Belleviloise (Paris)
  • DJ Pava­di­ta Milon­ga (Béziers)
  • DJ La Vic­to­ria – Chalet du Lac (Paris)
  • DJ L’Oka (Toulouse)
  • DJ Las Moro­chas (Toulouse)
  • DJ Milon­ga Porteña (ma milon­ga)

2014 et avant… 2014 and before… 2014 y antes…

  • DJ Encuen­tro Milonguero Milonguero (Calp Spain) 2014
  • DJ Encuen­tro milonguero des 3 M (Roanne) 201
  • 4DJ Fes­ti­val Tan­go­postale (Toulouse) 2011–2012-2013–2014
  • DJ Fes­ti­val Arte­tan­go (Albi) 2014
  • DJ Fes­ti­val Les Milonguettes (Cahuzac) 2014
  • DJ Grande Nuit du Tan­go Argentin / Marathon des DJ  (Som­mières) 2014
  • DJ Lo de Car­men (Nev­ers) 2014
  • DJ Tangue­dia de Paris (2013–2014)
  • DJ Esprit Tan­go (Paris) 2010–2011-2012
  • DJ La Pluma (Mont­pel­li­er) 2014
  • DJ Tangue­an­do (Toulouse) 2012–2013-2014
  • DJ La Platière (Lyon) 2010DJ Milon­ga du via­duc (Mil­lau) 2008
  • DJ Recoules-Prév­inquières (Avey­ron France) de 2005 à 2010
  • DJ Milon­ga Porteña (ma milon­ga) de 2001 à aujour­d’hui (has­ta hoy)