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Ils ont détruit la maison de Pichuco !

Même si con­sid­érait que sa véri­ta­ble mai­son était celle de la rue Sol­er au 3280, c’est bien au 2937 de la rue José Anto­nio Cabr­era qu’il est né, le 11 juil­let 1914. La mère d’Aníbal n’est retournée rue Sol­er qu’à la mort du père de Troi­lo, en 1922.
Cette mai­son a con­nu divers usages au du temps, comme en témoignent quelques pho­tos his­toriques.
Si j’ai décidé d’en par­ler aujour­d’hui, c’est qu’elle vient d’être détru­ite pour un pro­jet immo­bili­er.

La maison natale de

La mai­son natale de Pichu­co, rue José Anto­nio Cabr­era 2937

Aníbal Carme­lo Troi­lo, le père, et Felisa Bag­no­lo, la mère, louèrent cette mai­son, par suite du drame de la mort de Con­cep­ción, celle qui aurait dû être la grande sœur du ban­doneón may­or de .

Les par­ents et Mar­cos, l’aîné, démé­nagèrent donc dans la mai­son de la rue Cabr­era où naquit le petit Pichu­co.

Ils y restèrent peu de temps, car, en 1922, le père mourait à son tour. La mère retour­na alors dans la mai­son famil­iale de la rue Sol­er, celle qu’a donc le mieux con­nue Aníbal et qui en dis­ait :

“Yo nací en una casa de Cabr­era 2937, pero mi casa fue la de Sol­er 3280”.

Je suis né dans une mai­son de Cabr­era 2937, mais ma mai­son fut celle de Sol­er 3280.

Mai­son natale de Troi­lo à dif­férentes épo­ques. Avant 1998, à gauche, vers 2011 (présence d’une milon­ga), 2024, une des dernières pho­tos avec le bâti­ment debout. Celui à sa gauche a déjà été rem­placé. 2025, pen­dant la destruc­tion de la semaine du 21 au 25 avril.
La plaque posée en 2008 déclarant la mai­son comme site d’in­térêt cul­turel. Cela n’a pas empêché sa destruc­tion…

La maison de Soler 3280

C’est la mai­son famil­iale jusqu’en 1914 et après 1922. Celle que Pichu­co con­sid­ère comme la sienne.

La mai­son de la rue Sol­er au 3280. À droite, la plaque posée le 11 juil­let 1976 pour l’an­niver­saire de la nais­sance, l’an­née suiv­ant la mort de Pichu­co.

La fausse maison de Aníbal Troilo

Au 2540 rue Car­los Cal­vo, il y a eu “La Casa de Aníbal Troi­lo”. Cet étab­lisse­ment de spec­ta­cle n’a pas de rap­port direct avec notre gros, favori. Plus tard, le bâti­ment a été réu­til­isé par , l’au­teur de Café la Humedad, chan­son qui a don­né le nom à son étab­lisse­ment.

Atten­tion, le Café de la Humedad de la rue Car­los Cal­vo n’est pas le café orig­i­nal. En effet, celui-ci était, comme le dit la chan­son, à l’an­gle de Gaona y Boy­a­ca.

L’emplacement orig­i­nal du Café la Humedad, à l’an­gle de Gaona y Boy­a­ca.

Les paroles de la chanson de Cacho Castaña

Humedad, lloviz­na y
Mi alien­to empaña el vidrio azul del viejo bar
No me pre­gun­ten si hace mucho que la espero
Un café que ya está frío y hace var­ios ceniceros

Aunque sé que nun­ca lle­ga
Siem­pre que llueve voy cor­rien­do has­ta el café
Y solo cuen­to con la com­pañía de un gato
Que al cordón de mi zap­a­to lo destroza con plac­er

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Yo sola­mente nece­si­to agrade­certe
La enseñan­za de tus noches
Que me ale­jan de la muerte

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Eter­na­mente te agradez­co las poesías
Que la escuela de tus noches
Le enseñaron a mis días

Soledad, soledad de soltería
Son trein­ta abriles ya cansa­dos de soñar
Por eso vuel­vo has­ta la esquina del boliche
A bus­car la bar­ra eter­na de Gaona y Boy­a­ca

Ya son pocos los ami­gos que me quedan
Vamos, mucha­chos, esta noche a recor­dar
Una por una las haz­a­ñas de otros tiem­pos
Y el del boliche que lla­mamos La Humedad

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Yo sola­mente nece­si­to agrade­certe
La enseñan­za de tus noches
Que me ale­jan de la muerte

Café La Humedad, bil­lar y reunión
Sába­do con tram­pas, qué lin­da fun­ción
Eter­na­mente te agradez­co las poesías
Que la escuela de tus noches
Le enseñaron a mis días

Cacho Cas­taña

libre

L’hu­mid­ité, la bru­ine et le froid
Mon haleine embue les vit­res bleues du vieux bar
Ne me deman­dez pas si je l’at­tends depuis longtemps
Un café déjà froid et ça fait plusieurs cen­dri­ers.
Bien que je sache qu’elle ne vient jamais.
Quand il pleut, je cours au café.
Et je n’ai que la com­pag­nie d’un chat.
Qui détru­it le lacet de ma chaus­sure avec plaisir
Café La Humedad, et ren­con­tre
Same­di avec des tromperies, quel beau pro­gramme
J’ai juste besoin de te remerci­er
L’en­seigne­ment de tes nuits
Qui me tien­nent à l’é­cart de la mort
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
same­di avec des pièges, quel beau spec­ta­cle
Éter­nelle­ment, je te remer­cie pour les poèmes
Que l’é­cole de tes nuits
A enseigné à mes jours
Soli­tude, soli­tude du céli­bataire
C’est trente avrils, déjà fatigué de rêver
C’est pourquoi je retourne à l’an­gle du danc­ing
Pour chercher l’éter­nelle bande de Gaona et Boy­a­ca
Il ne me reste que peu d’amis
Allons‑y, les gars, ce soir, pour nous remé­mor­er
Un à un les exploits d’autre­fois
Et le sou­venir du danc­ing que nous appelons La Humedad.
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
Same­di avec des tromperies, quel beau pro­gramme
J’ai juste besoin de te remerci­er
L’en­seigne­ment de tes nuits
Qui me tien­nent à l’é­cart de la mort
Café La Humedad, bil­lard et ren­con­tre
same­di avec des pièges, quel beau spec­ta­cle
Éter­nelle­ment, je te remer­cie pour les poèmes
Que l’é­cole de tes nuits
A enseigné à mes jours.

Cacho Cas­taña

Je vous pro­pose de ter­min­er sur la chan­son de Cacho Cas­taña, chan­té par lui-même dans son étab­lisse­ment, Café la Humedad.

Café la Humedad, chan­té dans le théâtre Café la Humedad par son pro­prié­taire et auteur, Cacho Cas­taña.

La canción de los pescadores de perlas 1968-08-30 y 1971 — Orquesta Florindo Sassone

Georges Bizet. Florindo Sassone, Othmar Klose et Rudi Luksch (adaptation en tango)

Beau­coup de tan­gos sont inspirés de musiques européennes. Les valses, notam­ment, mais pas seule­ment. Ces titres sont adap­tés et devi­en­nent de « vrais tan­gos », mais ce n’est pas tou­jours le cas.
En France, cer­tains danseurs de tan­go appré­cient des titres un peu étranges, des titres qui n’ont jamais été écrits pour cette danse. On appelle générale­ment cela le « tan­go alter­natif ».
Un des titres les plus con­nus dans le genre est la reprise d’un opéra du XIXe siè­cle effec­tuée par Florindo Sas­sone. Le fait qu’un chef d’orchestre de tan­go reprenne un titre n’en fait pas un tan­go de danse. Cela reste donc de l’al­ter­natif. Je vous laisse en juger avec los pescadores de per­las, les pêcheurs de per­les, de Bizet et Sas­sone…

Écoutes

Tout d’abord, voyons l’o­rig­i­nal com­posé par Bizet. Je vous pro­pose une ver­sion par un orchestre et un chanteur français, celle du ténor Rober­to Alagna avec l’orchestre de , qui est dirigé par Michel Plas­son. Cette inter­pré­ta­tion a été enreg­istrée le 9 juil­let 2009 au Bassin de Nep­tune du château de Ver­sailles. Ce soir-là, il chantera trois œuvres de Bizet, dont un extrait de Car­men, même si ce n’est pas la célèbre habanera qui a tant à voir avec un des rythmes de base du tan­go et de la milon­ga. Vous pou­vez voir le con­cert en entier avec cette vidéo…
https://youtu.be/Jx5CNgsw3S0. Ne vous fiez pas à la prise de son un peu médiocre du début, par la suite, cela devient excel­lent. Pour aller directe­ment au but, je vous pro­pose ici l’ex­trait, sub­lime où Alagna va à la pêche aux per­les d’é­mo­tion en inter­pré­tant notre titre du jour.

Rober­to Alagna et l’orchestre de Paris dirigé par Michel Plas­son dans Les Pêcheurs de Per­les de Georges Bizet. L’air de Nadir « Je crois enten­dre encore ».

Deux mots de l’opéra de Bizet

Les pêcheurs de per­les est le pre­mier opéra com­posé par Bizet, âgé de 25 ans, en 1863). L’in­trigue est sim­pliste.
L’opéra se passe sur l’île de Cey­lan, où deux amis d’en­fance, Zur­ga et Nadir, évo­quent leur pas­sion de jeunesse pour une prêtresse de Can­di nom­mé Leïla.
Pour ne pas nuire à leur ami­tié, ils avaient renon­cé à leur amour, surtout Zur­ga, car Nadir avait secrète­ment revu Leïla.
Zur­ga était mécon­tent, mais, finale­ment, il décide de sauver les deux amants en met­tant le feu au vil­lage.
L’air célèbre qui a été repris par Sas­sone est celui de Nadir, au moment où il recon­naît la voix de Leïla. En voici les paroles :

Je crois enten­dre encore,
Caché sous les palmiers,
Sa voix ten­dre et sonore
Comme un chant de rami­er !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !
Aux clartés des étoiles,
Je crois encore la voir,
Entrou­vrir ses longs voiles
Aux vents tièdes du soir !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !

Avant de pass­er aux ver­sions de Florindo Sas­sone, une ver­sion par Alfre­do Kraus, un ténor espag­nol qui chante en Ital­ien… La scène provient du film “Gayarre” de 1959 réal­isé par Domin­go Vilado­mat Pancor­bo. Ce film est un hom­mage à un autre ténor espag­nol, mais du XIXe siè­cle, Julián Gayarre (1844–1890).
La vie, ou plutôt la mort de ce chanteur, est liée à notre titre du jour, puisqu’en décem­bre 1889, Gayarre chan­ta Los pescadores de per­las mal­gré une bron­chop­neu­monie (provo­quée par l’épidémie de grippe russe qui fit 500 000 morts).
Lors de l’exé­cu­tion, qui fut aus­si la sienne, sa voix se cas­sa sur une note aigüe et il s’é­vanouit. Les effets con­jugués de la mal­adie et de la dépres­sion causée par son échec artis­tique l’emportèrent peu après, le 2 jan­vi­er 1890 ; il avait seule­ment 45 ans. Cette était suff­isante pour en faire un mythe. D’ailleurs trois films furent con­sacrés à sa vie, dont voici un extrait du sec­ond, “Gayarre” où Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les.

Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les dans le film Gayarre.

Sas­sone pou­vait donc con­naître cette œuvre, par les deux pre­miers films, “El Can­to del Ruiseñor” de 1932 et “Gayarre” de 1959 (le troisième, Roman­za final est de 1986) ou tout sim­ple­ment, car bizet fut un com­pos­i­teur influ­ent et que Les pêcheurs de Per­les est son deux­ième plus gros der­rière Car­men.

J’en viens enfin aux versions de Sassone

La can­ción de los pescadores de per­las 1968-08-30 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

C’est une ver­sion “adap­tée” en tan­go. Je vous laisse juger de la . Cer­tains adorent.
Dès le début la harpe apporte une ambiance par­ti­c­ulière, peut-être l’on­doiement des vagues, que ponctue le vibra­phone. L’orchestre majestueux accom­pa­g­né par des bass­es pro­fondes qui mar­quent la marche alterne les expres­sions suaves et d’autres plus autori­taires. On est dans du Sasonne typ­ique de cette péri­ode, comme on l’a vu dans d’autres anec­dotes, comme dans Féli­cia du même Sas­sone. https://dj-byc.com/WP/felicia-1966–03-11-orquesta-florindo-sassone/
La présence d’un rythme rel­a­tive­ment réguli­er, souligné par les ban­donéons, peut inspir­er cer­tains danseurs de tan­go. Pour d’autres, cela pour­rait trop rap­pel­er le rythme réguli­er du tan­go musette et au con­traire les gên­er.

Cet aspect musette est sans doute le fait d’Oth­mar Klose et Rudi Luksch qui sont inter­venus dans l’orches­tra­tion. Luksch était accordéon­iste et Klose était un des com­pos­i­teurs d’Adal­bert Lut­ter (tan­go alle­mand).

C’est cepen­dant un titre qui peut intéress­er cer­tains danseurs de spec­ta­cle par sa vari­a­tion d’ex­pres­siv­ité.

La can­ción de los pescadores de per­las 1971 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Trois ans plus tard, Sas­sone enreg­istre une ver­sion assez dif­férente et sans doute encore plus éloignée de la danse. Là encore, elle pour­rait trou­ver des ama­teurs…
Cette ver­sion démarre plus suave­ment. La est moins expres­sive et les vio­lons ont pris plus de présence. La con­tre­basse et le vio­lon­celle sont bien présents et don­nent le rythme. Cepen­dant, cette ver­sion est peut-être plus lisse et moins expres­sive. Quitte à pro­pos­er une musique orig­i­nale, je jouerai, plutôt le jeu de la pre­mière ver­sion, même si elle risque d’inciter cer­tains danseurs à dépass­er les lim­ites générale­ment admis­es en tan­go social.

Cette ver­sion est sou­vent datée de 1974, mais l’ est bien de 1971 et a été réal­isé à Buenos Aires, dans les stu­dios ION. Los Estu­dios ION qui exis­tent tou­jours ont été des pio­nniers pour les nou­veaux tal­ents et notam­ment ceux du Rock nacional à par­tir des années 60. Le fait que Sas­sone enreg­istre chez eux pour­rait être inter­prété comme une indi­ca­tion que ce titre et l’évo­lu­tion de Sas­sone s’é­taient un peu éloigné du tan­go “tra­di­tion­nel”, mais tout autant que les maisons d’édi­tions tra­di­tion­nelles s’é­taient éloignées du tan­go. Balle au cen­tre.

Com­para­i­son des ver­sions de 1968 et 1971. On voit rapi­de­ment que la ver­sion de 1968, à gauche est mar­quée par des nuances bien plus fortes. Elle a plus de con­traste. L’autre est plus plate. Elle relève plus du genre « musique d’as­censeur » que son aînée.

Le DJ de tango est-il un chercheur de perles ?

Le DJ est au ser­vice des danseurs et doit donc leur pro­pos­er des musiques qui leur don­nent envie de danser. Cepen­dant, il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­serv­er et faire vivre un pat­ri­moine.
Je prendrai la com­para­i­son avec un con­ser­va­teur de musée d’art pour me faire mieux com­pren­dre.
Le con­ser­va­teur de musée comme son nom l’indique (au moins en français ou ital­ien et un peu moins en espag­nol ou en anglais où il se nomme respec­tive­ment curador et cura­tor) est cen­sé con­serv­er les œuvres dont il a la respon­s­abil­ité. Il les étudie, il les fait restau­r­er quand elles ont des soucis, il fait des pub­li­ca­tions et des expo­si­tions pour les met­tre en valeur. Il enri­chit égale­ment les col­lec­tions de son insti­tu­tion par des acqui­si­tions ou la récep­tion de dons.
Son tra­vail con­siste prin­ci­pale­ment à faire con­naître le pat­ri­moine et à le faire vivre sans lui porter préju­dice en le préser­vant pour les généra­tions futures.
Le DJ fait de même. Il recherche des œuvres, les restau­re (pas tou­jours avec tal­ent) et les mets en valeur en les faisant écouter dans les milon­gas.
Par­fois, cer­tains déci­dent de jouer avec le pat­ri­moine en pas­sant des dis­ques d’époque. Cela n’a aucun intérêt d’un point de vue de la qual­ité du son et c’est très risqué pour les dis­ques, notam­ment les 78 tours qui devi­en­nent rares et qui sont très frag­iles. Si on veut vrai­ment faire du show, il est préférable de faire press­er des dis­ques noirs et de les pass­er à la place des orig­in­aux.
Bon, à force d’en­fil­er les idées comme des per­les, j’ai per­du le fil de ma canne à pêch­er les nou­veautés. Le DJ de tan­go, comme le con­ser­va­teur de musée avec ses vis­i­teurs, a le devoir de renou­vel­er l’in­térêt des danseurs en leur pro­posant des choses nou­velles, ou pour le moins mécon­nues et intéres­santes.
Évidem­ment, cela n’est pas très facile dans la mesure où trou­ver des titres orig­in­aux demande un peu de tra­vail et notam­ment un goût assez sûr pour définir si une œuvre est bonne pour la danse, et dans quelles con­di­tions.
Enfin, ce n’est pas si dif­fi­cile si on fait sauter la lim­ite qui est de rester dans le genre tan­go. C’est la brèche dans laque­lle se sont engouf­fré un très fort pour­cent­age de DJ, encour­agés par des danseurs insuff­isam­ment for­més pour se ren­dre compte de la supercherie.
C’est comme si un con­ser­va­teur de musée d’art se met­tait à affich­er unique­ment des œuvres sans inten­tion artis­tique au détri­ment des œuvres ayant une valeur artis­tique probante.
Je pense par exem­ple à ces pro­duc­tions en série que l’on trou­ve dans les mag­a­sins de sou­venir du monde entier, ces chro­mos dégouli­nants de couleurs ou ces « stat­ues » en plas­tique ou résine. Sous pré­texte que c’est facile d’abord, on pour­rait espér­er voir des vis­i­teurs aus­si nom­breux que sur les stands des bor­ds de plage des sta­tions bal­néaires pop­u­laires.
Revenons au DJ de tan­go. Le par­al­lèle est de pass­er des musiques de var­iété, des musiques appré­ciées par le plus grand monde, des pro­duits mar­ket­ing matraqués par les radios et les télévi­sions, ou des musiques de film et qui, à force d’êtres omniprésentes, sont donc dev­enues famil­ières, voire con­sti­tu­tive des goûts des audi­teurs.
Je n’écris pas qu’il faut rejeter toutes les musiques, mais qu’a­vant de les faire entr­er dans le réper­toire du tan­go, il faut sérieuse­ment les étudi­er.
C’est assez facile pour les valses, car le Poum Tchi Tchi du rythme à trois temps avec le pre­mier temps mar­qué est suff­isam­ment por­teur pour ne pas désta­bilis­er les danseurs. Bien sûr, les puristes seront out­rés, mais c’est plus une (op)position de principe qu’une véri­ta­ble indig­na­tion.
Pour les autres rythmes, c’est moins évi­dent. Les zam­bas ou les boléros dan­sés en tan­go, c’est mal­heureuse­ment trop courant. Pareil pour les chamames, fox­trots et autres rythmes qui sont bougés en forme de milon­ga. Avec ces exem­ples, je suis resté dans ce qu’on peut enten­dre dans cer­taines milon­gas habituelles, mais, bien sûr, d’autres vont beau­coup plus loin avec des musiques n’ayant absol­u­ment aucun rap­port avec l’Amérique du Sud et les rythmes qui y étaient pra­tiqués.
Pour ma part, je cherche des per­les, mais je les cherche dans des enreg­istrements per­dus, oubliés, masqués par des ver­sions plus con­nues et dev­enues uniques, car peu de col­lègues font l’ef­fort de puis­er dans des ver­sions moins faciles d’ac­cès.
Vous aurez sans doute remar­qué, si vous êtes un fidèle de mes anec­dotes de tan­go, que je pro­pose de nom­breuses ver­sions. Sou­vent avec un petit com­men­taire qui explique pourquoi je ne passerais pas en milon­ga cette ver­sion, ou au con­traire, pourquoi je trou­ve que c’est injuste­ment lais­sé de côté.
Le DJ est donc, à sa façon un pêcheur de per­les, mais son tra­vail ne vaut que s’il est partagé et respectueux des par­tic­u­lar­ités du tan­go, cette cul­ture, riche en per­les.
Bon, je ren­tre dans ma coquille pour me pro­téger des réac­tions que cette anec­dote risque de provo­quer…

Ces réac­tions n’ont pas man­qué, quelques répons­es ici…

Tango ou pas tango ?

Une réac­tion de Jean-Philippe Kbcoo m’incite à dévelop­per un peu ce point.

“Les pêcheurs de per­les” classés en alter­natif !!!! Wouhaaa ! Quelle bril­lan­tis­sime audace ! Sur la dans­abil­ité, je le trou­ve net­te­ment plus inter­prétable qu’un bon Gardel, pour­tant classé dans les tan­gos purs et durs, non ? En tout cas, mer­ci de cet arti­cle à la phy­logéné­tique très inat­ten­due 🙂

Il est sou­vent assez dif­fi­cile de faire com­pren­dre ce qui fait la dans­abil­ité d’une musique de tan­go.
J’ai fait un petit arti­cle sur le sujet il y a quelques années : https://dj-byc.com/WP/les-styles-du-tango/
Il est fort pos­si­ble qu’au­jour­d’hui, je n’écrirai pas la même chose. Cepen­dant, Gardel n’a jamais été con­sid­éré comme étant des­tiné à la danse. Le tan­go a divers aspects et là encore, pour sim­pli­fi­er, il y a le tan­go à écouter et le tan­go à danser.
Les deux relèvent de la cul­ture Tan­go, mais si les fron­tières sem­blent floues aujour­d’hui, elles étaient par­faite­ment claires à l’époque. C’é­tait inscrit sur les dis­ques…
Gardel, pour y revenir, avait sur ses dis­ques la men­tion :
con acomp. de gui­tar­ras” ou “con la orques­ta Canaro”, par exem­ple.
Les tan­gos de danse étaient indiqués :
“Orques­ta Juan Canaro con Ernesto Famá”
Dans le cas de Gardel, qui ne fai­sait pas de tan­gos de danse, on n’a, bien sûr, pas cette men­tion. Cepen­dant, pour repren­dre Famá et Canaro, il y a eu aus­si des enreg­istrements des­tinés à l’é­coute et, dans ce cas, ils étaient notés :
“Ernesto Famá con acomp. de Fran­cis­co Canaro”.
Dans le cas des enreg­istrements de Sas­sone, ils sont tardifs et ces dis­tinc­tions n’é­taient plus de rigueur.
Toute­fois, le fait qu’ils aient été arrangés par des com­pos­i­teurs de musette ou de tan­go alle­mand, Oth­mar Klose et Rudi Luksch, ce qui est très net dans la ver­sion de 1968, fait que ce n’est pas du tan­go argentin au sens strict, même si le tan­go musette est l’héri­ti­er des bébés tan­gos lais­sés par les Argentins comme les Gobi ou les Canaro en France.
Je con­firme donc qu’au sens strict, ces enreg­istrements de Sas­sone ne relèvent pas du réper­toire tra­di­tion­nel du tan­go et qu’ils peu­vent donc être con­sid­érés comme alter­nat­ifs, car pas accep­tés par les danseurs tra­di­tion­nels.
Bien sûr, en Europe, où la cul­ture tan­go a évolué de façon dif­férente, on pour­rait plac­er la lim­ite à un autre endroit. La ver­sion de 1968 n’est pas du pur musette et peut donc être plus facile­ment assim­ilée. Celle de 1971 cepen­dant, est dans une tout autre dimen­sion et ne présente aucun intérêt pour la danse de tan­go.
On notera d’ailleurs que, sur le disque de 1971 réédité en CD en 1998, il y a la men­tion « Tan­go  » et que les titres sont classés en deux caté­gories :
« Tan­gos europeos et norteam­er­i­canos » et « Melo­dias japone­sas ».

Le CD de 1998 reprenant les enreg­istrements de 1971 est très clair sur le fait que ce n’est pas du tan­go argentin.

Cette men­tion de « Tan­go inter­na­tion­al » est à met­tre en par­al­lèle avec d’autres dis­ques des­tinés à un pub­lic étranger et éti­quetés « Tan­go for export ». C’est à mon avis un élé­ment qui classe vrai­ment ce titre hors du champ du tan­go clas­sique.
Cela ne sig­ni­fie pas que c’est de la mau­vaise musique ou que l’on ne peut pas la danser. Cer­tains sont capa­bles de danser sur n’im­porte quoi, mais cette musique ne porte pas cette danse si par­ti­c­ulière qu’est le tan­go argentin.

Cela n’empêche pas de la pass­er en milon­ga, en con­nais­sance de cause et, car cela fait plaisir à cer­tains danseurs. Il ne faut jamais dire jamais…

Une suggestion d’une collègue, Roselyne Deberdt

Mer­ci à Rose­lyne pour cette propo­si­tion qui per­met de met­tre en avant une autre ver­sion française.

Les pêcheurs de per­les 1936 — Tino Rossi Accom­pa­g­né par l’Orchestre de Mar­cel Cariv­en. Disque France (label rouge) BF-31. Numéro de matrice CL5975‑1.

Sur la face B du disque, La berceuse de Joce­lyn. Joce­lyn est un opéra du com­pos­i­teur français Ben­jamin Godard, créé en 1888 avec un livret d’Ar­mand Sylvestre et Vic­tor Capoul. Il est inspiré du roman en vers éponyme de Lamar­tine. Cepen­dant, même si la voix de Tino est mer­veilleuse, ce thème n’a pas sa place en milon­ga, mal­gré ses airs de de “Petit Papa Noël”…
N’ou­blions pas que Tino Rossi a chan­té plusieurs tan­gos, dont le plus beau tan­go du monde, mais aus­si :

  • C’est à Capri
  • C’é­tait un musi­cien
  • Écris-Moi
  • Le tan­go bleu
  • Le tan­go des jours heureux
  • Tan­go de Mar­ilou

Et le mer­veilleux, Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ?, que je rajoute pour le plaisir ici :

Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ? 1933-11-09 — Tino Rossi Accomp. et son Orchestre du Bag­dad.

Le Bag­dad était à Paris au 168, rue du Faubourg Saint-Hon­oré. Miguel Orlan­do était un ban­donéon­iste argentin, importé par Fran­cis­co Canaro à Paris et grand-oncle de notre ami DJ de Buenos Aires, Mario Orlan­do… Le monde est petit, non ?

Les femmes et le tango

8 mars, journée internationale (des droits) des femmes

Le 8 mars est la journée inter­na­tionale (des droits) des femmes. Il me sem­ble d’ac­tu­al­ité, d’abor­der la ques­tion des femmes dans le tan­go. Il faudrait plus qu’un arti­cle, qu’un livre et sans doute une véri­ta­ble ency­clopédie pour traiter ce sujet, aus­si, je vous pro­pose unique­ment quelques petites indi­ca­tions qui rap­pel­lent que le tan­go est aus­si une his­toire de femmes.

“We can do it” (on peut le faire). Affiche de pro­pa­gande de la société West­ing­house Elec­tric pour motiv­er les femmes dans l’ef­fort de guerre en 1943. Elle a été créée par J. Howard Miller en 1943.

Cette affiche rap­pelle, mal­gré elle, que la journée du 8 mars était au début la journée des femmes tra­vailleuses, journée créée en mémoire des 129 ouvrières tuées dans l’in­cendie de leur man­u­fac­ture le 8 mars 1908. Ce sont les pro­pres pro­prié­taires de cette usine, la Cot­ton Tex­tile Fac­to­ry, qui ont mis le feu pour régler le prob­lème avec leurs employées qui récla­maient de meilleurs salaires et con­di­tions de vie avec le slo­gan « du pain et des ros­es »…

Du pain et des ros­es, un slo­gan qui coûtera la vie de 129 ouvrières du tex­tile le 8 mars 1908 à New York.

On se sou­vient en Argen­tine de faits sem­blables, lors de la semaine trag­ique de jan­vi­er 1919 où des cen­taines d’ou­vri­ers furent assas­s­inés, faits qui se renou­vèleront deux ans plus tard en Patag­o­nie où plus de 1000 ouvri­ers grévistes ont été tués.
Aujour­d’hui, la journée des femmes cherche plutôt à établir l’é­gal­ité de traite­ment entre les sex­es, ce qui est un autre type de lutte, mais qui ren­con­tre, notam­ment dans l’Ar­gen­tine d’au­jour­d’hui, une oppo­si­tion farouche du gou­verne­ment.

Une petite musique de fond pour la lecture de cette anecdote…

Las mujeres y el amor (Ranchera) 1934-08-16 – Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray.

Il s’ag­it d’une ranchera écrite par Eduar­do Vet­ere avec des paroles de Manuel R. López. Le thème (les femmes et l’amour) me sem­blait bien se prêter à notre thème du jour).

Les origines du tango et les femmes

Je passerai sous silence les affir­ma­tions dis­ant que le tan­go se dan­sait ini­tiale­ment entre hommes, car, si, on a quelques pho­tos mon­trant des hommes dansant de façon plus ou moins grotesque, cela relève plus de la charge, de la moquerie, que du désir de pra­ti­quer l’art de la danse.
Le tan­go a divers­es orig­ines. Par­mi celles-ci, le monde du spec­ta­cle, de la scène, du moins pour ses par­tic­u­lar­ités musi­cales. Dans les spec­ta­cles qui étaient joués dans la sec­onde moitié du dix-neu­vième siè­cle, il y avait des femmes sur scène. Elles chan­taient, dan­saient. Elles étaient actri­ces. Les thèmes de ces spec­ta­cles étaient les mêmes qu’en Europe et sou­vent inspirés par les pro­duc­tions du Vieux Con­ti­nent. Elles étaient des­tinées à ceux qui pou­vaient pay­er, et donc à une cer­taine élite. Je ferai le par­al­lèle avec Car­men de Jorge Bizet, pas à cause de , mais pour mon­tr­er à quoi pou­vait ressem­bler une des pro­duc­tions de l’époque. Des his­toires, sou­vent sen­ti­men­tales, des fig­u­rants et dif­férents tableaux qui se suc­cé­daient. La plu­part du temps, ces spec­ta­cles relèvent du genre « vaude­ville ». Les femmes, comme Car­men, étaient sou­vent les héroïnes et a min­i­ma, elles étaient indis­pens­ables et présentes. Au vingtième siè­cle, lorsque le tan­go a mûri, on retrou­ve le même principe dans le théâtre ( est la ville du Monde qui compte le plus de théâtres), mais aus­si dans le ciné­ma. Je pense que vous aurez remar­qué à la lec­ture de mes anec­dotes qu’une part impor­tante des tan­gos provient de films et de pièces de théâtre.
Une autre orig­ine tourne autour des faubourgs de Buenos Aires, du mal-être d’hommes en manque de com­pag­nie fémi­nine. Dans ce monde dur, où les couteaux sor­taient facile­ment, où on tra­vail­lait dans des usines, aux abat­toirs ou aux travaux agri­coles et notam­ment l’él­e­vage, les femmes étaient rares et con­voitées. Cela don­nait lieu à des bagar­res et on se sou­vient que le tan­go canyengue évo­quait par ses pass­es des fig­ures de com­bat au couteau. Les hommes qui avaient la pos­si­bil­ité de danser avec une femme d’ac­cès facile jouaient une sorte de comédie pour les com­pagnons qui regar­daient, cher­chant à se met­tre en valeur, se lançant, comme en témoignent les paroles des tan­gos, dans des fig­ures auda­cieuses et com­bat­ives, comme les fentes. La pénurie de femmes, mal­gré les impor­ta­tions à grande échelle de grisettes français­es et de pau­vres hères d’autres par­ties de l’Eu­rope, fait que c’est dans les bor­dels qu’il était le plus facile de les abor­der. Dans ces maisons, clos­es, il y avait une par­tie de spec­ta­cle, de déco­rum et la danse pou­vait être un moyen de con­tact. Il suff­i­sait de pay­er une petite somme, comme on l’a vu, par exem­ple pour Lo de Lau­ra. Dans cet univers, le tan­go tour­nait autour des femmes, comme en témoigne la très grande majorité des paroles, et ce sont des femmes, dans les meilleurs quartiers qui tenaient les « maisons ». Dans les faubourgs, c’é­tait plutôt le cabareti­er qui favori­sait les activ­ités pour que les clients de sa pulpe­ria passe du temps et con­somme.
Une dernière orig­ine du tan­go, notam­ment en Uruguay est l’im­mi­gra­tion (for­cée) d’Afrique noire. Ces esclaves, puis affran­chis, tout comme ce fut le cas dans le Sud des USA, ont dévelop­pé un art musi­cal et choré­graphique pour exprimer leur peine et enjo­liv­er leur vie pénible. Là encore, les femmes sont omniprésentes. Elles dan­saient et chan­taient. Elles étaient cepen­dant absentes comme instru­men­tiste, les tam­bours du can­dombe étaient plutôt frap­pés par des hommes, mais ce n’est pas une par­tic­u­lar­ité de la branche noire du tan­go.

Les femmes comme source d’inspiration

Si on décidait de se priv­er des tan­gos par­lant des femmes, il n’en resterait sans doute pas beau­coup. Que ces dernières soient une étoile inac­ces­si­ble, une traitresse infidèle, une com­pagne aimante, une femme de pas­sage entre­vue et per­due ou une mère. En effet, le thème de la mère est forte­ment présent dans le tan­go. Même les mau­vais gar­ne­ments, comme Gardel, n’ont qu’une seule mère.

Madre hay una sola 1930-12-10 — con acomp. de Fran­cis­co Canaro ( Letra : José de la Vega).

Je vous pro­pose une ver­sion chan­tée par une femme, la maîtresse mal­heureuse de Fran­cis­co Canaro, Ada Fal­cón.

Je ne ferai pas le tour du thème des femmes inspi­ra­tri­ces, car vous le retrou­verez dans la plu­part de mes anec­dotes de tan­go.

Les femmes danseuses

Je n’abor­derai pas non plus le thème des femmes danseuses, mais il me sem­ble impor­tant de les men­tion­ner, car, comme je l’indi­quais au début de cet arti­cle, c’est aus­si pour approcher les femmes que les hommes se con­ver­tis­sent en danseurs…

Car­menci­ta Calderón et Ben­i­to Bian­quet (El Cachafaz) dansent El Entr­erri­ano de Ansel­mo Rosendo Men­dizábal, dans le film « Tan­go » (1933) de Luis Moglia Barth.

Les femmes et la musique

La musique en Europe était surtout une affaire d’hommes si on se réfère à la com­po­si­tion ou à la direc­tion d’orchestre. Les femmes tenaient des rôles plus dis­crets, comme vio­lonistes dans un orchestre, ou, plus sûre­ment, elles jouaient du piano famil­ial. Le manque de femmes dans la com­po­si­tion et la direc­tion d’orchestre n’est donc pas un phénomène pro­pre au tan­go. C’est plutôt un tra­vers de la société patri­ar­cale ou la femme reste à la mai­son et développe une cul­ture artis­tique des­tinée à l’a­gré­ment de sa famille et des invités du « maître » de mai­son.
Cepen­dant, quelques femmes ont su domin­er le tabou et se faire un nom dans ce domaine.

Les femmes musiciennes

Aujour­d’hui, on trou­ve des orchestres de femmes, mais il faut recon­naître que les femmes ont tenu peu de pupitres à l’âge d’or du tan­go.
Fran­cis­ca Bernar­do, plus con­nue sous son pseu­do­nyme de Paqui­ta Bernar­do, est la pio­nnière des ban­donéon­istes femmes.

Paqui­ta Bernar­do (1900–1925) , pre­mière femme con­nue pour jouer du ban­donéon, un instru­ment réservé aux hommes aupar­a­vant.

Morte à 25 ans, elle n’a pas eu le temps de laiss­er une mar­que pro­fonde dans l’, car elle n’a pas enreg­istré de disque. Cepen­dant on con­naît ses tal­ents de com­positrice à tra­vers quelques œuvres qui nous sont par­v­enues comme Flo­re­al, un titre enreg­istré en 1923 par .

Flo­re­al 1923-08-14 — Orques­ta Juan Car­los Cobián.

L’en­reg­istrement acous­tique ne rend pas vrai­ment jus­tice à la com­positrice. C’est un autre incon­vénient que d’être décédé avant l’ap­pari­tion de l’en­reg­istrement élec­trique…

Je vous pro­pose égale­ment deux autres de ses com­po­si­tions enreg­istrées par Car­los Gardel, mal­heureuse­ment encore, tou­jours à l’ère de l’en­reg­istrement acous­tique.

La enmas­cara­da 1924 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras), avec des paroles de .
Soñan­do 1925 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras), avec des paroles de Euge­nio Cár­de­nas.

Mais d’autres femmes furent com­positri­ces.

Les femmes compositrices

L’ex­em­ple de musique com­posée par une femme le plus célèbre est sans doute la mer­veilleuse valse, «  » com­posée par Rosa Clotilde Mele Luciano, con­nue comme Melo. Cette pianiste uruguayenne a une page offi­cielle où vous pour­rez trou­ver de nom­breux élé­ments.

Rosi­ta Melo, com­positrice de Des­de el Alma.
Des­de el alma (Valse) 1947-10-22 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Nel­ly Omar.

Je vous pro­pose une des plus belles ver­sions, chan­tée par l’in­croy­able Nel­ly Omar (qui vécut 102 ans).

Là encore, c’est une courte cita­tion et une femme un peu par­ti­c­ulière va me per­me­t­tre de faire la tran­si­tion avec les auteures de paroles de tan­go. Il s’ag­it de María Luisa Gar­nel­li.

Les femmes auteures

María Luisa Gar­nel­li est à la fois com­positrice et auteure. J’ai par­lé d’elle au sujet d’une de ses com­po­si­tions, La naran­ja nacio verde.

María Luisa Gar­nel­li, alias Luis Mario et Mario Cas­tro.

Retenons qu’elle a pris divers pseu­do­nymes mas­culins, comme Luis Mario ou Mario Cas­tro, ce qui lui per­mit d’écrire des paroles de tan­go en lun­far­do, sans que sa famille bour­geoise le sache… Elle fut égale­ment jour­nal­iste et cor­re­spon­dante de guerre…
Je vous pro­pose d’é­couter un autre des titres dont elle a écrit les paroles, El male­vo, sur une musique de Julio de Caro. Ici, une ver­sion chan­tée par une femme, Rosi­ta Quiroga.

El male­vo 1928 — Rosi­ta Quiroga con gui­tar­ras.

Si vous souhaitez en con­naître plus sur sa tra­jec­toire par­ti­c­ulière, vous pou­vez con­sul­ter une biogra­phie écrite par Nél­i­da Beat­riz Cirigliano dans Buenos Aires His­to­ria.

Les femmes chanteuses

Je ne me lancerai pas dans la liste des chanteuses de tan­go, mais je vous pro­pose une petite galerie de pho­tos. Elle est très loin d’être exhaus­tive, mais je vous encour­age à décou­vrir celles que vous pour­riez ne pas con­naître.
Je vous pro­pose d’é­couter une ver­sion de la cumpar­si­ta par Mer­cedes Simone pour nous quit­ter en musique en regar­dant quelques por­traits de chanteuses de tan­go.

La cumpar­si­ta (Si supieras) 1966 — Mer­cedes Simone accom­pa­g­née par l’orchestre d’Emilio Brameri.

Je dédi­cace cette anec­dote à Vic­to­ria, ma femme, à ma fille, à ma mère et à mes grand-mères, mais aus­si à Thier­ry qui m’a pro­posé de faire une anec­dote sur ce sujet. Il est aus­si le cor­recteur de mes anec­dotes.
À bien­tôt, les amis !

Patotero sentimental 1941-06-06 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Letra: Manuel Romero

Qui n’a pas été ému par la voix de Rober­to Rufi­no chan­tant Patotero sen­ti­men­tal ? Mais savez-vous que cet enreg­istrement suit de presque 20 ans un suc­cès phénomé­nal qui oblig­eait Igna­cio Corsi­ni à rechanter cet air sou­vent plus de cinq fois à la suite. Je vous invite à vous plonger dans l’his­toire de ce patotero, émou­vant par ses regrets et par là-même décou­vrir un peu plus cet univers des cabarets, repaire des patoteros.

Je pub­lie cet arti­cle le 26 jan­vi­er qui est la date anniver­saire de la ver­sion de Di Sar­li avec Mario Pomar et pas celle que je mets en avant, avec Rober­to Rufi­no. Je triche donc un petit peu, on pour­ra tou­jours en repar­ler un 6 juin…

Patoteros, apaches, youth gangs…

Un patotero est le mem­bre d’une pato­ta, un groupe de jeunes enclins à la vio­lence et à la délin­quance. Ce phénomène de ban­des de jeunes est sans doute une des con­séquences de la révo­lu­tion indus­trielle qui a jeté des généra­tions de paysans dans les villes. Si les par­ents y tra­vail­laient, les jeunes qui voy­aient les con­di­tions mépris­ables de vie de leurs par­ents trou­vaient refuge dans des activ­ités, plus ou moins lucra­tives à défaut d’être hon­nêtes.
Si à Paris, les Apach­es (ban­des de jeunes délin­quants surnom­mées ain­si par le jour­nal­iste Hen­ri Fouquier en référence à la bru­tal­ité de leurs crimes qui rap­pelaient les romans de Fen­i­more Coop­er col­por­tant des idées colo­nial­istes sur la vio­lence des Indi­ens améri­cains) étaient par­ti­c­ulière­ment vio­lents, à Buenos Aires, les patoteros étaient un peu moins craints par la pop­u­la­tion. Pour juger de la dif­férence, on peut s’in­téress­er à leurs dans­es, vrai­ment très dif­férentes.
Pour les Argentins, je ne vous pro­pose pas de vidéo, il vous suf­fit d’imag­in­er un tan­go canyengue accen­tu­ant l’aspect « canaille », les fentes et autres pass­es (fig­ures) inspirées du com­bat au couteau.

Un bal en 1900. Peut-être du tan­go.

Pour le côté parisien, la danse des apach­es est une danse qui alterne des moments vio­lents et des moments plus sen­suels. C’est une drama­ti­sa­tion des rela­tions entre femmes et hommes. Cette danse per­dur­era en France jusque dans les années 60. On retrou­vera ses fig­ures, repris­es dans d’autres dans­es comme le lindy-hop, le rock acro­ba­tique, de show, voire le tan­go de danse sportive.

Trois présen­ta­tions de chaloupée en 1904, 1910 et 1935. Cette danse présente des choré­gra­phies bru­tales, d’ap­parence machiste, même si les femmes peu­vent y être égale­ment agres­sives. On con­sid­ère que c’est une mise en scène des rela­tions tumultueuses entre une pros­ti­tuée et son souteneur. Quand on imag­ine le nom­bre de femmes « volées » à Paris et mise au tra­vail comme pros­ti­tuées en Argen­tine, on com­prend mieux ce phénomène, fait d’al­ter­nance de moments de ten­sions extrêmes et de moments de pas­sion amoureuse.

Extrait musical

Par­ti­tion de patotero sen­ti­men­tal. Trois cou­ver­tures. Avec Manuel Jovés et Igna­cio Corsi­ni à gauche et sur la cou­ver­ture de droite, Loren­zo Bar­bero qui l’a enreg­istrée en 1950 avec le chanteur .
Patotero sen­ti­men­tal 1941-06-06 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no.

Le patotero s’a­vance avec des pas bien mar­qués qui alter­nent avec de longs glis­san­dos des vio­lons.
Rufi­no com­mence à chanter, en respec­tant le rythme ini­tial. Sa voix est expres­sive et il ne som­bre pas dans le pathos que peu­vent présen­ter d’autres chanteurs. Cette sen­si­bil­ité asso­ciée à la pres­sion con­stante de l’orchestre fait que les trou­veront leur compte dans cette ver­sion idéale pour la danse. Le plaisir des oreilles et des jambes.
Nous ver­rons que cet équili­bre qui sem­ble si sim­ple et naturel dans cette ver­sion a du mal à se retrou­ver dans les nom­breux autres enreg­istrements du titre, du moins dans les ver­sions de danse, celles pour l’é­coute entre dans une autre caté­gorie. Par exem­ple, le même Di Sar­li, avec l’ex­cel­lent Mario Pomar fait un autre enreg­istrement en 1954 et il est dif­fi­cile d’y trou­ver la même dans­abil­ité, même si bien sûr de nom­breux danseurs tomberont sous le charme de cette autre ver­sion (qui est la vraie ver­sion du jour, puisqu’en­reg­istrée un 26 jan­vi­er).

Rober­to Rufi­no. À gauche à Mar del Pla­ta en 1970 et à droite à Radio Bel­gra­no en 1944.

Paroles

Patotero, rey del bai­lon­go
Patotero sen­ti­men­tal
Escondés bajo tu risa
Muchas ganas de llo­rar
Ya los años se van pasan­do
Y en mi pecho, no entra un quer­er
En mi vida tuve muchas, muchas minas
Pero nun­ca una mujer
Cuan­do ten­go dos copas de más
En mi pecho comien­za a sur­gir
El recuer­do de aque­l­la fiel mujer
Que me quiso de ver­dad y que ingra­to aban­doné
De su amor, me burlé sin mirar
Que pudiera sen­tir­lo después
Sin pen­sar que los años al cor­rer
Iban cru­eles a amar­gar, a este rey del cabaret
Pobrecita, cómo llora­ba
Cuan­do ciego la eche a rodar
La pato­ta me mira­ba, y
No es de hom­bre el aflo­jar
Patotero, rey del bai­lon­go
Siem­pre de ella te acor­darás
Hoy reís, pero en tu risa
Solo hay ganas de llo­rar
Manuel Jovés Letra: Manuel Romero

Traduction libre des paroles

Patotero, roi du bal
Patotero sen­ti­men­tal
Tu caches sous ton rire beau­coup d’en­vies de pleur­er.
Et les années passent et, dans ma poitrine, aucun amour n’en­tre.
Dans ma vie, j’ai eu beau­coup, beau­coup de poulettes (chéries), mais jamais une femme.
Quand j’ai deux ver­res de trop, dans ma poitrine com­mence à resur­gir le sou­venir de cette femme fidèle qui m’aimait vrai­ment et que j’ai aban­don­née ingrate­ment.
De son amour, je me moquais sans voir que je pour­rais le ressen­tir plus tard, sans penser que les années, à mesure qu’elles s’é­coulaient, étaient cru­elles à aigrir ce roi du cabaret.
Pau­vre petite, comme elle pleu­rait quand aveu­gle j’ai com­mencé à la larguer.
La bande (pato­ta) m’ob­ser­vait, et ce n’est pas à un homme de se relâch­er (se laiss­er atten­drir).
Patotero, roi du bal, tou­jours, tu te sou­vien­dras d’elle.
Aujour­d’hui tu ris, mais, dans ton rire, il n’y a que l’en­vie de pleur­er.

Autres versions

El patotero sen­ti­men­tal 1922-03-29 — Igna­cio Corsi­ni con Orques­ta Rober­to Fir­po.

C’est Corsi­ni qui a créé le titre. Nous ver­rons cela en fin d’ar­ti­cle. Ce fut son pre­mier grand suc­cès, ce tan­go a lancé sa car­rière.

Igna­cio Corsi­ni en 1922

La même année, décide d’en­reg­istr­er le titre. Cette vidéo de Sin­fo­nia Mal­e­va per­met de suiv­re les paroles chan­tées par Car­los Gardel.

El patotero sen­ti­men­tal 1922 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, (gui­tar­ras)
Sub­mergé d’é­mo­tion Raul (Hugo Del Car­ril) chante Patotero sen­ti­men­tal quand il com­prend qu’il va per­dre elisa. dans le film La vida est une tan­go (1939)
Patotero sen­ti­men­tal 1941-06-06 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no. C’est notre (faux) tan­go du jour.
Patotero sen­ti­men­tal 1949-11-25 — Orques­ta José Bas­so con Oscar Fer­rari.

La voix un peu acide de Fer­rari ne sert pas aus­si bien le thème que celle de Rufi­no ou de Corsi­ni. D’un point de vue de la danse, les manières de Fer­rari ren­dent cet enreg­istrement peu prop­ice à la danse. C’est un peu dom­mage, car l’orchestre fait un assez joli tra­vail.

Patotero sen­ti­men­tal 1950-12-28 — Loren­zo Bar­bero y su orques­ta de la argen­tinidad con Osval­do Brizuela.

Une Jolie ver­sion qui ne détrôn­era pas celle de Di Sar­li et Rufi­no, mais qui se laisse écouter et qui a obtenu un cer­tain suc­cès à son époque, comme en témoigne la par­ti­tion présen­tée au début de cet arti­cle.

Patotero sen­ti­men­tal 1952-10-16 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Héc­tor Pacheco.

Dans la veine des tan­gos à écouter il y a cette ver­sion. La voix pré­cieuse de Pacheco est-elle réelle­ment adap­tée au rôle d’un patotero, même con­ver­ti ? On a du mal à croire à cette his­toire, d’au­tant plus que Frese­do mul­ti­plie ses fior­i­t­ures, tout aus­si peu prop­ices à la danse que celles de Florindo Sasonne de la même époque.

Patotero sen­ti­men­tal 1954-01-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Mario Pomar.

J’adore Mario Pomar et son inter­pré­ta­tion ne souf­fre d’au­cune cri­tique. C’est juste que le choix un peu moins tonique rend, à mon sens, le titre un peu moins agréable à danser que la ver­sion avec Rufi­no enreg­istrée 13 ans plus tôt. C’est cette ver­sion qui a été enreg­istrée un 26 jan­vi­er et qui devrait donc offi­cielle­ment être le tan­go du jour.

Patotero sen­ti­men­tal 1974 — Orques­ta con .

J’ai par­lé des bruitages de Sas­sone à pro­pos de la ver­sion de 1952 de Frese­do, je pense que vous remar­querez que Sas­sone ne les pro­pose pas dans cet enreg­istrement. C’est assez logique, car ces bruitages sont le témoignage d’une époque et qu’ils furent aban­don­nés par la suite. Vous noterez toute­fois les moments où Sas­sone quelques années plus tôt aurait abusé de ces effets. Si Sas­sone n’est pas un pour­voyeur de tan­go de danse, il faut recon­naître qu’avec l’in­ter­pré­ta­tion inspirée de Macri, le résul­tat est plutôt sym­pa, même si à mon avis, il ne devrait pas franchir la porte de la milon­ga (en tous cas pas trop sou­vent 😉

Patotero sen­ti­men­tal 1974 — Hugo Díaz.

L’har­mon­i­ca d’Hugo Díaz, une voix à lui tout seul. L’am­biance jazzy don­née par le piano et la gui­tare ne sat­is­fera cepen­dant pas les danseurs qui réserveront le titre pour une écoute au coin du feu.

Patotero sen­ti­men­tal 1974c — Leopol­do Fed­eri­co con Car­los Gari.

Le ban­donéon expres­sif de Leopol­do Fed­eri­co nous offre un duo avec Car­los Gari dont la voix puis­sante con­traste avec tous les instru­ments. C’est une belle inter­pré­ta­tion, pleine d’é­mo­tion. L’op­po­si­tion, voix et instru­ments du début s’a­paise pro­gres­sive­ment pour nous offrir un paysage sonore par­faite­ment cohérent. Moi, j’aime bien, mais bien sûr, ça reste entre mon ordi­na­teur et moi, cela ne passera pas sur les haut-par­leurs de la milon­ga.

Patotero sen­ti­men­tal 1991-03 — Car­los Gar­cía solo de piano.

Le piano sait sou­vent être expres­sif. Je vous laisse juger si Car­los Gar­cía a su suff­isam­ment faire par­ler son instru­ment…

Patotero sen­ti­men­tal 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja con Omar de Luca (ou Dario Paz ou Fabi­an Vidarte…). Je ne suis pas sûr de qui chante.
Patotero sen­ti­men­tal 2006 — Aure­liano Tan­go Club C Aure­liano Marin.

Une ver­sion très dif­férente mais pas inin­téres­sante. Vous pou­vez jeter un œil à leur site, celui d’Au­re­liano Marin, arrangeur, directeur et con­tre­bassiste du trio en plus d’en être le chanteur.

Patotero sen­ti­men­tal 2011 — Orques­ta Típi­ca Gente de Tan­go con Héc­tor Mora­no.

On ter­mine ici, avec une ver­sion plus tra­di­tion­nelle.

Origine de ce tango

Comme nous l’avons vu à de nom­breuses repris­es, les tan­gos qui ani­ment nos milon­gas ont sou­vent été créés pour des revues musi­cales, des pièces de théâtre ou des films. Celui-ci ne fait pas excep­tion. Il était une des scènes de la pièce “El bailarín del cabaret” (le danseur de cabaret) qui fut lancée le 12 mai 1922 au théâtre Apo­lo par la com­pag­nie de Cesar Rat­ti, et qui eut un suc­cès immense, notam­ment pour l’in­ter­pré­ta­tion par Igna­cio Corsi­ni de notre tan­go du jour.
Les spec­ta­teurs bis­saient de nom­breuses fois ce titre que Corsi­ni chan­tait, appuyé sur le dossier d’une chaise et avec le genou droit sur l’as­sise. On con­nait ce détail par Osval­do Sosa Cordero dans “His­to­ria de las vari­etés en Buenos Aires 1900–1925” qui nous apprend égale­ment que 800 dis­ques de ce titre ont été gravés en 1922 et comme nous l’avons vu, Gardel s’est aus­si emparé du phénomène, la même année.

Osval­do Sosa Cordero; His­to­ria de las vari­etés en Buenos Aires 1900–1925. À gauche, édi­tion orig­i­nale de 1978 et à droite, la réédi­tion de 1999.

Il me sem­ble intéres­sant de voir com­ment s’ar­tic­u­laient ces var­iétés.

El bailarín del cabaret — Cou­ver­ture de la 4ème édi­tion (19 août 1922 et déjà 319 représen­ta­tions suc­ces­sives)… À droite, l’ex­trait du livret avec les paroles du tan­go chan­té par Igna­cio Corsi­ni.

Dans la pièce de Manuel Romero, El bailarín del cabaret, où se trou­ve cette pièce, il y a 4 tableaux. L’ap­pari­tion de ce tan­go est dans le troisième.
La scène se passe dans un cabaret lux­ueux et tous dansent un fox­trot joué par l’orchestre dirigé par Félix Sco­lat­ti Almey­da, sauf Maria qui est triste à sa table et une famille qui décou­vre cet univers.
Je vous repro­duis ici un dia­logue savoureux où un jeune homme (Tron­coso) souhaite inviter la fille de la famille de vis­i­teurs (Cayetana) et qui se ter­mine par l’in­tro­duc­tion de notre tan­go, Patotero sen­ti­men­tal.

Dialogues liminaires au tango Patotero sentimental

TRONCOSO.- Bue­nas noches. ¿ Me acom­paña ese tan­go señori­ta?
CAYETANA.-Yo no me coman­do sola. Pídale per­miso a me papá.
D. GAETANO.-E iñu­dole, cabayere. Me nena non “bala”.
TRONCOSO.-¿Cómo es eso? ¿Aca­so ust­ed. no sabe que toda mujer que entra aquí está oblig­a­da a bailar?
D. GAETANO.-Ma nun. diga.
TRONCOSO.–Si, señor, sino va a haber tiros.
CAYETANA.-Papá, vamo in casa. (Tron­coso saca un revólver.)
D. GAETANO.-Boeno … boeno .. . que “bale” pero no me lam­prete mucho. (Bailan ridic­u­la­mente.)
CATALINA.-Gaetano; roa mire como le hace co la pier­na.
D. GAETANO.-(Parándolo.) ¡Ah! ¡No covenci­to, eso no, pe la madon­na!
Me hija non he una melunguera cualunque. E osté, non debe hac­er­le cosquiyite inta la gam­ba, Sabe?
TRONCOSO.-¿Dónde le he hecho cosquil­las?
D. GAETANO.-¿E me lo pre­gun­ta todavía? ¡Chan­cho!
TRONCOSO.-¡Salí de ahí otario!(Le da un bife,y lo sacan a bofe­tadas
has­ta la calle, madre e hija van detras, la orques­ta ata­ca un paso doble. Tumul­to, risas y todos bailan.) ¿ Vamos a bailar, Mar­ta?
MARTA.-No: dejame, no quiero bailar hoy.
TRONCOSO.-¿ Qué te pasa?
MARTA.-Nada. Dejame.
TRONCOSO.-¿Pero qué tenés vos esta noche?
MARTA.-Nada. Se van a reir si lo digo.
PANCHITO.-Dejala; algún nue­vo.
MARTA.-No, nada de eso, les juro.
MARGOT.-A ver, dec­ime­lo ami. Yo soy tu ami­ga .
M‑ARTA.-¡Es qué! … Pero no, es ridícu­lo.
MARGOT.-Deci … .
MARTA.-Pero no se rían. He deja­do a mi nene en casa con cuarenta
gra­dos de fiebre y se me va a morir y yo no quiero que se me muera. (Llo­ran­do.)
LA BEBA.-¡Já, já, já! Dejate de sen­ti­men­tal­is­mos.
TRONCOSO.-¡Qué des­gra­ci­a­da! (Todos rien.)
LORENA.-¿Por qué se ríen de ella?
TRONCOSO.-A vos que te pasa? De un tiem­po a esta parte el mozo se ha puesto muy sen­ti­men­tal.
LA BEBA.-En cuan­to toma dos copas se pone imposi­ble.
LORENA.-Para ust­edes no hay nada respetable en la vida …
TRONCOSO.-Pero her­mano! Vos, el rey de los patateros, hablan­do asi! …
LORENA.-¿ Y qué? ¿Aca­so un patatero no puede ten­er alma? Si ust­edes supier­an …

Traduction des dialogues

TRONCOSO.- Bon­soir. M’ac­com­pa­g­ner­iez-vous pour ce tan­go, made­moi­selle ?
CAYETANA : Je ne me com­mande pas. Deman­dez la per­mis­sion à mon père.
D. GAETANO.- C’est inutile jeune-homme. Ma fille ne « danse » pas.
(Les guillemets soulig­nent l’opin­ion que le père a de ces dans­es de cabaret).
TRONCOSO.- Com­ment cela se fait-il ? Vrai­ment? Ne savez-vous pas que chaque femme qui entre ici est oblig­ée de danser ?
D. GAETANO.-Mais nul me l’a dit.
TRONCOSO.–Oui, mon­sieur, sinon il y aura des coups de feu.
CAYETANA.-Papa, ren­trons à la mai­son. (Tron­coso sort un revolver.)
D. GAETANO.-Bien … Bien .. . qu’ils « dansent » cette « danse » mais ne la ser­rez pas trop. (Ils dansent ridicule­ment.)
CATALINA.-Gaetano ; Roa, regarde com­ment il fait avec sa jambe.
D. GAETANO.- (L’ar­rê­tant.) Ah ! Non jeune homme, pas ça, par la Madone !
Ma fille n’est pas une melunguera (milonguera, le père ne con­nait pas bien et déforme le mot) quel­conque. Et il ne faut pas cha­touiller la jambe, vous savez ?
TRONCOSO : Où l’ai-je cha­touil­lée ?
D. GAETANO : Et vous me deman­dez en plus ? Cochon!
TRONCOSO : Sors d’i­ci, otario !
(Otario, cave, naïf, idiot) (Il le gifle, et ils le sor­tent avec des baffes) jusqu’à la rue. La mère et la fille se glis­sent der­rière, l’orchestre attaque un paso doble. Tumulte, rires et tout le monde danse.) On va danser, Mar­ta ?
MARTHA : Non, laisse-moi, je ne veux pas danser aujour­d’hui.
TRONCOSO : Que t’ar­rive-t-il ?
MARTA.-Rien, laisse-moi.
TRONCOSO : Mais qu’as-tu ce soir ?
MARTA : Rien, ils vont rire si je le dis.
PANCHITO : Laisse-la ; quelque chose d’une nou­velle amourette.
MARTA : Non, rien de tel, je vous jure.
MARGOT : Eh bien, dis-le-moi. Je suis ton amie.
MARTA.-C’est que ! … Mais non, c’est ridicule.
MARGOT.-Parle… .
MARTA : Mais ne riez pas. J’ai lais­sé mon bébé à la mai­son avec quar­ante degrés de fièvre et il va mourir et je ne veux pas qu’il meure. (En pleurs.)
LA BEBA.-Ah-Ah-Ah Arrête avec la sen­ti­men­tal­ité.
TRONCOSO : Quelle malchance ! (Tout le monde rit.)
LORENA.-Pourquoi vous moquez-vous d’elle ?
TRONCOSO : Qu’est-ce qui ne va pas chez toi ? Depuis quelque temps, le mon­sieur (beau jeune-homme) est devenu très sen­ti­men­tal.
LE BÉBÉ : Dès qu’il boit deux ver­res il devient impos­si­ble.
LORENA.-Pour vous, il n’y a rien de respectable dans la vie…
TRONCOSO : Mais frère ! Toi, le roi des patateros, tu par­les ain­si !…
LORENA : Et alors ? Un patatero ne peut-il pas avoir une âme ? Si vous saviez…

Et là, Igna­cio Corsi­ni retourne une chaise, pose un genou sur l’as­sise et s’ap­puie au dossier avant d’en­tamer cette chan­son qu’il repren­dra de nom­breuses fois à la demande des spec­ta­teurs.
Lors d’une représen­ta­tion, le chef de la troupe, Cesar Rat­ti, a essayé d’in­ter­dire les bis mul­ti­ples. Finale­ment, il a dû céder devant la pres­sion du pub­lic et il y a eu cinq bis.
Voilà, vous en savez sans doute un peu plus sur l’his­toire de ce tan­go et du lien entre notre musique favorite, les cabarets, théâtres et autres lieux de spec­ta­cle du début du vingtième siè­cle.

À bien­tôt, les amis !

El espiante 1932-01-17 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Osvaldo Fresedo

Le dix-neu­vième siè­cle a vu le développe­ment du fer­rovi­aire et du ciné­ma. On se sou­vent que l’un des pre­mier films, (film n° 653 de Louis Lumière), a été tourné durant l’été 1895 et présen­té au pub­lic le 25 jan­vi­er 1896. Mon grand-père, né qua­tre ans après les faits, me con­tait que les spec­ta­teurs furent pris de panique. L’œu­vre d’au­jour­d’hui est à sa manière, une glo­ri­fi­ca­tion des deux nou­veautés. Le chemin de fer argentin, le plus dévelop­pé d’Amérique du Sud, et le ciné­ma où les orchestres pro­po­saient la musique man­quant aux films de l’époque…

L’ar­rivée d’un train en gare de La Cio­tat (film n° 653 de Louis Lumière) — Musique el Espi­ante 1932-01-17 Osval­do Frese­do.

L’e­spi­ante peut désign­er en lun­far­do une arnaque ou le départ, par exem­ple, pour met­tre fin à une rela­tion me tomo el espi­ante. Dans le cas présent, vous allez le com­pren­dre à l’é­coute, il s’ag­it d’un train, que nous allons pren­dre ensem­ble. En voiture !

Extrait musical

Par­ti­tions de El espi­ante. On notera que l’on ne voit pas de train. Peut-être que le cou­ple se fait l’e­spi­ante en sor­tant d’une milon­ga ennuyeuse…
El espi­ante 1932-01-17 — Orques­ta Osval­do Frese­do con can­to.

Tout com­mence par la cloche suiv­ie par le sif­flet du chef de gare. Le souf­fle bruyant des pis­tons aide au démar­rage du train. Le voy­age se déroule ensuite les sons d’im­i­ta­tion et ceux de l’orchestre se mélangeant. Le bruit de la vapeur suit le train sur une bonne par­tie du tra­jet.
À 1:00 et 2:00, en entend l’an­nonce de la voiture-restau­rant.
Le tra­jet se fait par des suc­ces­sions de mon­tées et descentes, et la musique pour­suit son par­cours, jusqu’au final où les pas­sagers s’in­ter­pel­lent et où le train s’ar­rête dans l’an­nonce de la gare, Rosario…
Ce titre est sans doute à class­er dans la rubrique des tan­gos ludiques et à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, mais d’autres pas­sagers, par­don, peu­vent le danser avec entrain.

Autres versions

Même si c’est une com­po­si­tion de Frese­do, le plus ancien enreg­istrement disponible est par . Ce n’est pas très éton­nant, c’est le grand orchestre du moment et Fir­po aime bien les titres aux sons réal­istes.
On pensera par exem­ple à où il intro­duit des chants d’oiseaux joués au vio­lon. Mais il a sans doute un attache­ment au train, égale­ment, puisqu’il écrira le tan­go El rápi­do qui évoque égale­ment le même train, celui de Rosario…

El rápi­do 1931-08-27 — Orques­ta Rober­to Fir­po con estri­bil­lo core­a­do.

Ce titre est sig­nalé comme tan­go humoris­tique et est donc de la même veine que celui de Frese­do. Il est ponc­tué de voix de « pas­sagers ». Comme la ver­sion de Frese­do de 1932 (notre , l’an­nonce finale est égale­ment « Rosario ».

On peut imag­in­er que Fir­po répond à son com­père. L’e­spi­ante et El rápi­do désig­nent égale­ment les trains. On notera qu’à l’époque, il fal­lait seule­ment trois heures pour ral­li­er Retiro (gare de Buenos Aires) à Rosario, soit presque trois fois moins que main­tenant…
Fir­po avait déjà enreg­istré ce titre en 1927 et je rap­pelle que Bia­gi a aus­si enreg­istré, El rápi­do ain­si que Rodriguez, Piaz­zol­la, Vil­las­boas et Varel­la.
Revenons main­tenant aux espi­antes, on pren­dra le rapi­de une autre fois…

El espi­ante 1916 — Sex­te­to Rober­to Fir­po. Il s’ag­it d’un .

Pas de bruitage de train, ce que les musi­ciens de l’époque auraient pu pro­duire sans prob­lème, car ils le fai­saient pour le ciné­ma qui était muet à l’époque. J’imag­ine que cet ajout de bruitages s’est fait au fur et à mesure des con­certs. Fir­po n’est pas hos­tile à cela, bien au con­traire si on écoute ce qu’il a fait dans El rápi­do de 1931.

El espi­ante 1927-12-01 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Si le car­ac­tère du train qui alterne les mon­tées pous­sives et les descentes de pente pré­cip­itées est bien présent, les bruitages ne sont pas encore à l’or­dre du jour. Il fau­dra peut-être atten­dre le délire de Fir­po en 1931 avec El rápi­do, pour que cela devi­enne une habi­tude chez Frese­do égale­ment. Même si on n’est pas fan du canyengue, il faut recon­naître à cette œuvre, de belles trou­vailles musi­cales, que Frese­do exploit­era tout au long de sa car­rière comme ses fameuses descentes et chutes.

El espi­ante 1932-01-17 — Orques­ta Osval­do Frese­do con can­to (Rosario). C’est notre tan­go du jour.
El espi­ante 1933-03-16 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

On pour­rait con­fon­dre cette ver­sion avec la précé­dente, mais elle se dis­tingue prin­ci­pale­ment de son aînée par l’ab­sence des paroles finales et une fin dif­férente. On notera aus­si une accen­tu­a­tion moin­dre du car­ac­tère fer­rovi­aire de cet enreg­istrement. Il y a tout de même le sif­flet et la cloche au début, des sons de pis­tons (souf­fles à la voix) et le sif­flet à env­i­ron 1:00, 2:10 et 2:30. Et un dernier souf­fle des pis­tons ter­mine l’œu­vre.

El espi­ante 1939-07-07 — Orques­ta Julio De Caro.

Julio De Caro n’al­lait pas laiss­er ses copains s’a­muser avec la musique du train sans par­ticiper. Lui aus­si aime pro­pos­er des musiques descrip­tives. On notera que son train est plus un rapi­de qu’un espi­ante. Cette ver­sion très joueuse est sans doute dans­able par les danseurs allergiques au canyengue, car elle est vrai­ment très sym­pa et le train qui n’a rien de pous­sif devrait les entraîn­er jusqu’à Rosario (ou ailleurs) sans prob­lème.

El espi­ante 1954-11-25 — Orques­ta .

À part un sem­blant de cloche, au début, les bruitages fer­rovi­aires sont absents de cette ver­sion. L’ar­rivée en gare se fait avec un ban­donéon nerveux, peut-être celui de Varela. En effet, en 1954, Varela est venu grossir les rangs de son orchestre comme ban­donéon­iste en plus de Anto­nio March­ese et San Miguel. Trois autres ban­donéon­istes s’ad­join­dront à l’orchestre à cette époque : Luis Pinot­ti, Sal­vador Alon­so et Eduar­do Otero. Le freinage final se fait au vio­lon.

El espi­ante 1955-12-29 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

En 1955, Frese­do remet sur les rails son espi­ante. On retrou­ve dans cette ver­sion la cloche, le sif­flet et la trompe du train. Cepen­dant la musique va vers plus de joliesse. Le train sem­ble tra­vers­er de beaux paysages, même si par moment, le rythme retrou­ve la res­pi­ra­tion des pis­tons.

El espi­ante 1974 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Comme dans la ver­sion de 1954, le car­ac­tère fer­rovi­aire sous forme de bruitages est absent, mais on reste tout de même dans l’am­biance avec la musique qui évoque irré­sistible­ment le déplace­ment d’un train. L’ar­rivée est ici, entière­ment réal­isée par le ban­donéon nerveux qui ne laisse pas la place au vio­lon, comme en 1954. Varela priv­ilégie son instru­ment…

El espi­ante 1979-11-06 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

En 1979, Frese­do fait par­tir son train avec un sif­flet ini­tial et lui fera émet­tre ses célèbres coups de trompes, mais on sent qu’il file comme le vent, au moins dans cer­tains pas­sages qui alter­nent avec des pas­sages plus pous­sifs, rap­pelant le train des débuts. Comme en 1955 et sans doute encore plus, le train sem­ble tra­vers­er d’élé­gants paysages. Le résul­tat décevra sans doute les ama­teurs du « vieux » Frese­do, mais ravi­ra ceux qui aiment Sas­sone ou Varela. Le titre se ter­mine par un jin­gle au vibra­phone.

Et pour ter­min­er notre voy­age, prenons deux trains tirés par des loco­mo­tives à vapeur « Pacif­ic 231 ». 231 pour 2 roues à l’a­vant (direc­tri­ces), Trois grandes roues motri­ces et 1 dernière roue à l’ar­rière pour l’équili­bre. 2–3‑1 (4–6‑2) si on envis­age les deux côtés de la loco­mo­tive. La musique est celle d’, qui, comme Fir­po et Frese­do, était fan des trains.

Pacif­ic 231 1931- – Arthur Honeg­ger (film russe).

Ce court métrage mag­nifique fait le par­al­lèle entre les mécan­ismes de la loco­mo­tive et le jeu des instru­ments, l’u­til­i­sa­tion des surim­pres­sions et des fon­dus enchaînés fait que la bête humaine (nom d’un film de Jean Renoir en 1938 ayant pour thème le chemin de fer à vapeur) et l’orchestre se mélan­gent.

Pacif­ic 231 1949 — Jean Mit­ry — Arthur Honeg­ger (film français).

L’esthé­tique du film de Jean Mit­ry est bien dif­férente. De belles images de trains accom­pa­g­nent la musique. C’est cer­taine­ment beau­coup moins créatif que le film de Tsekhanovsky, mais intéres­sant tout de même, ne serait-ce que par l’aspect doc­u­men­taire qui fait revivre ses mon­stres se nour­ris­sant de char­bon.

Ter­mi­nus, tout le monde descend !
À bien­tôt, les amis !

Mentías (vals) 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un mes­sage d’un organ­isa­teur de milon­ga me deman­dant quelle valse pro­pos­er pour un anniver­saire, avec la con­trainte que ce soit une valse du mois de jan­vi­er vu que l’an­niver­saire était aujour­d’hui. J’ai pro­posé cette valse, Men­tías, pour deux raisons. La pre­mière est que c’est une valse qui cor­re­spond bien à l’oc­ca­sion et la sec­onde est que sa date d’en­reg­istrement coïn­cide avec la date de nais­sance de la danseuse à fêter. Je te donc, Mar­tine de Saint-Pierre (La Réu­nion), cette valse, en te souhai­tant un excel­lent anniver­saire.

Extrait musical

Disque RCA Vic­tor (38 138 face B) de Men­tías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138‑A) il y a , enreg­istré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548–1.
Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Cette valse com­mence sur un rythme rapi­de, avec une intro­duc­tion au piano par Rodol­fo Bia­gi, qui pro­posera de nom­breuses ponc­tu­a­tions et tran­si­tions légères (comme la pre­mière à 13s).
Durant toute la pre­mière par­tie (jusqu’à 28s), tous les instru­ments sont au ser­vice du rythme.
Ensuite, les ban­donéons s’in­di­vid­u­alisent pour la par­tie B et ensuite cèdent le pas aux mag­nifiques vio­lons.
À 1:50, la vari­a­tion apporte une impres­sion de vitesse, sans toute­fois chang­er le tem­po, sim­ple­ment, comme le fait presque sys­té­ma­tique­ment D’Arien­zo, en sub­di­visant les temps en employ­ant des dou­ble-croches au lieu de croches.
Le rythme rapi­de, mais sans exagéra­tion et la fin somme toute tran­quille, laisse la place à des titres plus énergiques pour ter­min­er la tan­da dans une explo­sion.
Ce titre est un bon pre­mier titre, ce qui ren­force ma con­vic­tion qu’il peut faire l’af­faire pour un anniver­saire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en lati­dos
¡Lati­dos que acu­naron nue­stro amor!
Amor que flo­recía
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me val­ió la cruz del llan­to
¡Y el llan­to por mis ojos te arro­jó!

¡Men­tías…!
Con cari­cias… estu­di­adas…
¡Cin­is­mo…!
Del car­iño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu
¡Mira si no es crim­i­nal!
Los seres
Que han mata­do y se red­i­men,
Mere­cen el olvi­do y el perdón…
Cien vidas
No podrán bor­rar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y aho­ra que mi vida está vacía
Ancla­da en un silen­cio sin dolor,
Gol­pea el ald­abón de tu recuer­do
Las puer­tas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idil­ios rotos
Mire­mos cara a cara la ver­dad,
No vuel­vas a ron­dar por mi car­iño
¡Que el sueño que se fue no tor­na más!
Juan Car­los Casaret­to Letra: Alfre­do Navar­rine

Traduction libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descen­due de l’e­sprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en pal­pi­tant.
Des bat­te­ments de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes bais­ers. Tes bais­ers ont cou­vert la trahi­son, la trahi­son qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à tra­vers mes yeux t’ont rejetée !

Men­songes…!
Avec des caress­es… Étudiées…
Cynisme…!
D’af­fec­tion déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas crim­inel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méri­tent l’ou­bli et le par­don…
Cent vies ne pour­ront pas effac­er ton crime
Tuer l’il­lu­sion !

Et main­tenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indo­lore, le heur­toir de ton sou­venir frappe les portes de mon pau­vre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regar­dons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est par­ti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyen­nement adap­tées à une fête d’an­niver­saire. Cepen­dant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enreg­istrées et la musique les dément totale­ment.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le com­pos­i­teur de cette valse, Juan Car­los Casaret­to n’est con­nu que pour un seul autre titre, un tan­go, Chi­clana y Boe­do (avec J. Tre­viño, encore plus incon­nu). Il en existe un enreg­istrement tardif par Enrique Rodriguez et Rober­to Flo­res, mais ce n’est pas pour la danse.
, en revanche, est à la tête d’une riche pro­duc­tion. Avec son frère, Julio Plá­ci­do Navar­rine, il a fourni bon nom­bre de titres de tan­go.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alar­i­dos 1942
  • Jua­na 1958
  • Mil nove­cien­tos trein­ta y siete 1937 (plus José Domin­go Péco­ra)
  • Lechuza 1928
  • Oiga ami­go 1933
  • Sos de Chi­clana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Tril­la e

De Julio Navarrine :

  • A la luz del can­dil 1927
  • Bar­cos amar­ra­dos
  • Catorce pri­mav­eras
  • El anil­li­to de pla­ta
  • El vina­cho Milon­ga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga ami­go
  • Oro muer­to (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milon­ga
  • Tra­go amar­go 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüi­ta e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Ban­do­neones en la noche
  • Bar­rio reo 1927
  • Brindis de olvi­do 1945
  • Can­ción del reloj
  • Can­to estrellero 1943
  • Cieli­to del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licen­cia 1955
  • Corazón en som­bras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmien­to 1940
  • Escúcheme, gringo ami­go 1944
  • Estam­pa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gaji­to de cedrón 1973 Can­ción criol­la
  • Gal­le­gui­ta 1925
  • He per­di­do un beso 1940
  • Humil­dad 1938
  • La condi­ción 1946
  • La Fed­er­al
  • Lati­do porteño
  • Luna pam­pa 1951
  • Men­tías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milon­ga de un argenti­no 1972
  • No nos ver­e­mos más 1939
  • Noche de pla­ta 1930 (Vals)
  • Noc­turno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajara­da 1945
  • Qué lin­da es la vida
  • Rancherian­do
  • Res­i­gnación
  • Ron­da de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • San­gre porteña 1946
  • Sé hom­bre
  • Señor Juez 1941
  • Señue­lo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tan­go lin­do
  • Tan­go para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Tor­caci­ta
  • Tucumana (Zam­ba)
  • Tucumano 1961
  • Vidali­ta
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre ver­sion de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres con­tem­po­rains pour enreg­istr­er des valses. Ils nous don­nent des dizaines de ver­sions de quelques tan­gos, mais très peu de valses ou de milon­gas.
Si cette valse n’a pas été enreg­istrée par la suite, nous avons un tan­go du même titre com­posé par Juan de Dios Fil­ib­er­to avec des paroles de Milon E. Muji­ca.
Je vous pro­pose deux enreg­istrements de celui-ci et on ter­min­era par la valse du jour.

Men­tías 1923 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Un enreg­istrement acous­tique. Bien sûr on réserve cela pour l’é­coute et pas pour le bal.

Men­tías 1927-10-20 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une jolie ver­sion. C’est assez léger et pas trop mar­qué en intense… Cela reste cepen­dant un peu monot­o­ne, mais le joli vio­lon de Cayetano Puglisi, déli­cieuse­ment lar­moy­ant, fait par­don­ner cela.

Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Men­tías 1937-04-01 (vals) — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre valse du jour. On ter­mine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des tra­di­tions dont on ne con­naît pas vrai­ment l’o­rig­ine. La valse d’an­niver­saire dans les milon­gas en fait sans doute par­tie. Il se peut aus­si que ce soit une igno­rance de ma part.
Voici ce qui me sem­ble à peu près véri­fi­able.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nou­veaux mar­iés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à cer­tains pro­fesseurs de danse une petite rente. Ils met­tent en scène une petite choré­gra­phie, les mar­iés l’ap­pren­nent par cœur et le jour de la noce, ils émer­veil­lent les invités et la famille, soigneuse­ment anesthésiés au préal­able par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spé­ci­fique­ment en Amérique latine, il y a la tra­di­tion des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette céré­monie, peut-être issue des cul­tures pré­colom­bi­ennes, per­dure de nos jours avec des formes, sou­vent très élaborées. Il existe des bou­tiques de robes spé­ciales pour les 15 ans, des maîtres de céré­monie et des vidéastes spé­cial­isés.
Ce sont des fêtes fort coû­teuses et les familles s’en­det­tent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tra­di­tion évolue, mais en général, la jeune femme est présen­tée par le père (ou par­rain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’en­fance, éventuels pré­ten­dants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’ar­ti­cle de Wikipé­dia pour des élé­ments plus con­crets.
En Europe, chez les puis­sants, on peut trou­ver une céré­monie par­al­lèle, le bal des débu­tantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez recon­nu l’or­gan­i­sa­tion de la valse d’an­niver­saire telle qu’elle se pra­tique dans les milon­gas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beau­coup d’or­gan­isa­teurs ne souhait­ent pas qu’on « perde » du temps à cette man­i­fes­ta­tion. D’autres, comme celui qui m’a com­mandé la valse ce matin, mar­quent plus d’at­ten­tion pour cette tra­di­tion.
En Argen­tine, les amis tangueros fêtent l’an­niver­saire à la milon­ga. Ils réser­vent une table et c’est une des occa­sions où il est autorisé d’ap­porter de la nour­ri­t­ure de l’ex­térieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syn­cope un nutri­tion­niste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « cham­pagne » local, qui lui est celui ven­du dans la milon­ga, par­ticipe à la fête, ain­si que sou­vent, des déguise­ments et autres fan­taisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’an­niver­saire est du temps per­du pour les danseurs. C’est un peu vrai, mais c’est aus­si oubli­er la dimen­sion sociale du tan­go. Nous sommes une com­mu­nauté et c’est impor­tant de la ren­forcer par des mar­ques d’ami­tié. n’est pas un club de gym où on fait son entraîne­ment avec des écou­teurs sur les oreilles. On par­le, on chante et on partage.
Comme DJ, il est impor­tant d’aider à trou­ver l’équili­bre. Si l’or­gan­isa­teur refuse que l’on fête un anniver­saire, je me con­tente d’une dédi­cace avant la tan­da de valse. Libre aux danseurs qui le souhait­ent d’or­gan­is­er un moment con­vivial.
Lorsque c’est l’or­gan­isa­teur qui le demande, il y a plusieurs pos­si­bil­ités. Par­fois, tous les danseurs/danseuses veu­lent danser avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’au­ront pas réus­si à partager quelques sec­on­des de valse. Par­fois, cela dure toute la tan­da.
Cela peut être effec­tive­ment frus­trant pour ceux qui ne danseront pas avec la per­son­ne dont c’est l’an­niver­saire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniver­saire, ou les hommes dans le cas con­traire). Cela risque de faire baiss­er l’én­ergie dans le bal et à moins que l’am­biance soit très ami­cale, je pense que cette organ­i­sa­tion est à éviter.
Plus intéres­sante est la mise en place d’un dou­ble par­cours. On invite le héros de soirée à se plac­er au cen­tre de la piste et les parte­naires intéressés s’alig­nent. Les autres danseurs peu­vent les entour­er en dansant autour. Je trou­ve cela assez sym­pa­thique et cela ne frus­tre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhait­ent partager quelques sec­on­des de danse avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Il me sem­ble qu’il est intéres­sant de pro­pos­er cette organ­i­sa­tion, ce que peut faire le DJ avec l’ac­cord de l’or­gan­isa­teur, ou l’or­gan­isa­teur, de son pro­pre chef. Pour bien met­tre en valeur l’an­niver­saire, on peut réserv­er une par­tie du pre­mier thème au seul anniver­saire et rem­plir pro­gres­sive­ment la piste. S’il y a beau­coup de pré­ten­dants, cela peut impli­quer de réserv­er tout le pre­mier titre de la tan­da à la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Comme DJ qui aime pro­pos­er des valses, je pro­pose, en plus de la valse d’an­niver­saire, une tan­da com­plète. Cela per­met aux danseurs qui ont par­ticipé au manège de danser avec un autre parte­naire. La tan­da fera donc au moins qua­tre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tan­das de 4 et que le pre­mier titre a été entière­ment util­isé pour souhaiter l’an­niver­saire.
Les danseurs qui vont inviter la per­son­ne dont c’est l’an­niver­saire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spec­ta­cle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au con­traire, être aux petits soins pour le parte­naire), mais dans la manière de pren­dre son tour (ou de le don­ner). Cela apporte une dis­trac­tion à ceux qui ne par­ticipent pas.
Dans mon ancien pro­fil Face­book, mal­heureuse­ment fer­mé pour d’ob­scures raisons, j’avais réal­isé une vidéo en direct où les danseurs qui s’é­taient mis en file indi­enne se sont mis à se bal­ancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événe­ment se bal­ançant d’une même cadence, dans l’at­tente de partager quelques sec­on­des de bal.

Men­tías. L’ n’est pas exacte­ment fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’u­til­i­sa­tion que j’en pro­pose, une valse d’an­niver­saire.

Heureux anniver­saire Mar­tine !

À bien­tôt les amis !

Otra vez carnaval (Noche de carnaval) 1942-01-03 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Carlos Di Sarli Letra:

Le était, chaque année, , des orchestres se regroupaient pour pro­pos­er des orchestres immenses et des mil­liers de danseurs “tan­guaient” sur les pistes plus ou moins impro­visées, dans les rues, les places ou les salles de con­cert, , , l’oc­ca­sion de ren­con­tres, comme celle que nous narre ce tan­go de Di Sar­li.

Extrait musical

Otra vez car­naval (Noche de car­naval) 1942-01-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no.
Par­ti­tion de piano de Otra vez car­naval de Di Sar­li et Jiménez.

Paroles

En los ojos llev­a­ba la noche
y el amor en la boca…
Car­naval en su coche
la pasea­ba tri­un­fal.
Ser­penti­na de mági­co vue­lo
fue su amor de una noche;
ser­penti­na que luego arras­tró mi dolor
enreda­da en las ruedas de un coche
cuan­do el cor­so en la som­bra quedó…

Otra vez, Car­naval,
en tu noche me cita
la mis­ma boni­ta
y audaz mas­cari­ta…
Otra vez, Car­naval,
otra vez, como ayer,
sus locos amores
le vuel­vo a creer.
Y aca­so la llore
mañana otra vez…

Fugi­ti­vas se irán en la auro­ra
la ven­tu­ra y la risa…
¡Ten­drán todas mis horas
una gris soledad!
En mis labios habrá la ceniza
de su nue­vo desaire;
y despo­jos del sueño tan sólo serán,
un per­fume ron­dan­do en el aire
y en el sue­lo un pequeño antifaz…
Car­los Di Sar­li Letra: Fran­cis­co Gar­cía Jiménez

Traduction libre

Dans ses yeux, elle por­tait la nuit et l’amour à la bouche…
Car­naval dans son char la fai­sait défil­er tri­om­phale­ment.
Un ser­pentin de vol mag­ique fut son amour d’une nuit ;
ser­pentin qui ensuite traî­na ma douleur empêtrée dans les roues d’une voiture lorsque le char dans l’om­bre s’im­mo­bil­isa…

Encore une fois, Car­naval, dans ta nuit, me don­na ren­dez-vous, la même belle et auda­cieuse, masquée…
Encore une fois, Car­naval, encore une fois, comme hier, ses amours folles, je reviens à les croire.
Et peut-être que je la pleur­erai demain, encore une fois…

Les fugi­tives s’en iront dans l’au­rore, la for­tune et les rires…
Toutes mes heures auront une soli­tude grise !
Sur mes lèvres res­teront les cen­dres de son nou­veau cam­ou­flet ;
et les restes du rêve ne seront plus qu’un par­fum planant dans l’air et sur le sol un petit masque…

Autres versions

Otra vez car­naval (Noche de car­naval) 1942-01-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no. C’est notre tan­go du jour.
Otra vez car­naval (Noche de car­naval) 1947-01-14 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Jorge Durán. Cinq ans plus tard, nou­veau chanteur. Di Sar­li réen­reg­istre sa com­po­si­tion.
Otra vez car­naval 1981-08-12 — con . Une ver­sion à écouter.

Carnaval

Les fes­tiv­ités de Car­naval se sont vues à plusieurs repris­es inter­dites en Argen­tine. Il faut dire qu’au XIXe siè­cle, cela don­nait sou­vent lieu à des débor­de­ments.
Il s’agis­sait de man­i­fes­ta­tions plutôt spon­tanées jusqu’au dix-neu­vième siè­cle, elles furent inter­dites ou lim­itées à cer­tains lieux, notam­ment dans le cadre de la lim­i­ta­tion des pop­u­la­tions d’o­rig­ine africaines.

1869, l’état autorise le carnaval et l’organise

C’est Sarmien­to, de retour d’un voy­age en Ital­ie où il avait assisté aux fes­tiv­ités de Car­naval, qui les a rétablies offi­cielle­ment en 1869 sous la forme du défilé.

Défilé en 1931, 1940 et de nos jours (Gualeguay­chú, province de Entre Ríos).

Tango et carnaval

Les orchestres étaient mis à con­tri­bu­tion et, durant les décen­nies tan­go, les orchestres de tan­go fai­saient danser plusieurs mil­liers de cou­ples. Pas seule­ment à , mais aus­si à Mon­te­v­ideo et Rosario, notam­ment.

Affich­es de car­navals. 1917 Fir­po et Canaro — 1940 (Jazz), Canaro, Frese­do et D’Arien­zo (voir le petit jeu en fin d’ar­ti­cle). Ensuite, Di Sar­li et enfin une affiche de 1950 avec Troi­lo et De Ange­lis.

Exemple de règlement mis en place durant la dictature militaire (, 1976/02/23)

La plus récente pro­hi­bi­tion fut par­tielle. C’é­tait pen­dant la dernière dic­tature du vingtième siè­cle. Le Car­naval n’avait pas été aboli, mais deux con­di­tions avaient été posées :
“Se pro­híbe el uso de dis­fraces que aten­ten con­tra la moral y la decen­cia públi­cas: uni­formes mil­itares, poli­ciales, vestiduras sac­er­do­tales y los que ridi­culi­cen a las autori­dades del Esta­do u otras naciones.
-Está per­mi­ti­do de 9 a 19, jugar con agua en bue­nas condi­ciones de higiene, glo­bitos y pomos.”
« L’u­til­i­sa­tion de cos­tumes qui vio­lent la moral­ité publique et la décence est inter­dite : uni­formes mil­i­taires, uni­formes de police, vête­ments sac­er­do­taux et ceux qui ridi­culisent les autorités de l’É­tat ou d’autres nations. (On notera que la lec­ture peut être à dou­ble niveau et que l’on pour­rait y con­sid­ér­er les vête­ments mil­i­taires et sac­er­do­taux comme indé­cents…)
-Il est per­mis de 9 h à 19 h de jouer avec l’eau dans de bonnes con­di­tions d’hy­giène, les bal­lons et les pom­meaux. » (Les jeux d’eau sont en effet courants, il faut dire que l’époque du car­naval cor­re­spond au plein été en Argen­tine).

Les jeux avec l’eau sont restés per­mis pen­dant la dic­tature.

Cepen­dant, durant la Dic­tature, il n’y a pas eu de Car­naval pro­pre­ment dit, pas de défilés et de grandes fêtes pop­u­laires.

La fin de la dictature et le retour du Carnaval

Lorsque Alfon­sin fut élu en 1983, il mit en œuvre son pro­gramme « Avec la démoc­ra­tie on mange, on se soigne et on s’é­duque ». L’an­née suiv­ante, le car­naval de nou­veau libéré a pris une saveur par­ti­c­ulière et, peu à peu, les ten­ta­tives de coup d’É­tat se sont espacées et la démoc­ra­tie s’est implan­tée pour une quar­an­taine d’an­nées.

Le car­naval de 1984 est impor­tant, car il fête le retour de la démoc­ra­tie et, par la même, le retour du Car­naval sous sa forme habituelle.

En 2023, le con­grès por­tait des ban­deroles 40 ans de démoc­ra­tie, en sou­venir de cette époque.

Le gou­verne­ment précé­dent avait fait plac­er deux ban­deroles, de part et d’autre de l’en­trée des députés au Con­grès (Con­gre­so). J’ai pris cette pho­to, peu de temps après le change­ment de gou­verne­ment. Une des ban­deroles avait dis­paru. On remar­quera une scène éton­nante, ce livreur qui dort sur la chaussée (emplace­ment réservé aux voitures offi­cielles). Il ne reste bien sûr plus de ban­de­role aujour­d’hui et les indi­gents sont priés de dormir hors de la ville. Les mate­las de for­tune et les mai­gres pos­ses­sions de ces per­son­nes sont brûlés. Cela sem­ble fonc­tion­ner, on ren­con­tre beau­coup moins de per­son­nes dor­mant dehors main­tenant. Mais il suf­fit de franchir les lim­ites de la ville pour con­stater que ce n’est pas une amélio­ra­tion de la sit­u­a­tion des plus pau­vres, mais un sim­ple « net­toy­age ».

Petit jeu (très facile)

Observez cette affiche et attribuez à chaque chef d’orchestre son ou ses chanteurs…

Affiche de la Radio El Mun­do de Buenos Aires pour le Car­naval de 1940.
À gauche les orchestres et à droite les chanteurs…

Réponse au petit jeu

J’imag­ine que vous n’avez pas trop eu de dif­fi­culté pour ce qui est de rac­corder les orchestres avec leurs chanteurs de tan­go.
Il restait ensuite deux noms, Eddie Kay et Rudy Green, qu’il sem­ble donc logique d’as­soci­er, car ils sont moins con­nus.
Eddie Kay, pianiste né en Ital­ie et qui est passé aupar­a­vant par les États-Unis pour sa for­ma­tion musi­cale avant de retourn­er en Ital­ie, puis de s’in­staller en Argen­tine.
Étant don­né son passé en Amérique du Nord, il est ten­tant d’en faire un musi­cien de jazz. On n’au­rait pas tort, mais sa ren­con­tre avec Gardel, qui se trans­for­ma en ami­tié, a fait qu’il a élar­gi ses hori­zons et a égale­ment com­posé des tan­gos. Cepen­dant, en ce qui con­cerne l’af­fiche de notre jeu, il inter­ve­nait bien comme orchestre de jazz (Fox­trots, valses et dans­es importées d’Amérique du Nord). Son groupe Alaba­ma Jazz, a un nom qui mar­que bien les ambi­tions de cet orchestre, tout comme le pseu­do­nyme Eddie Kay car son nom véri­ta­ble était Edmun­do Tul­li, ce qui fait net­te­ment moins, jazzman.
Il reste Rudy Green. Là, je n’ai pas trou­vé trace du bon­homme. Il y a bien un Rudy Green, mais celui-ci était noir et avait com­mencé sa car­rière en 1946 à Nashville alors qu’il avait 14 ans. Il s’ag­it donc for­cé­ment d’un autre Rudy Green, le type sur l’af­fiche n’a pas une tête de gamin noir de 8 ans…
Je ne sais donc pas si ce chanteur était asso­cié à Eddie Kay, mais, par son nom ou pseu­do­nyme, on peut penser qu’il grav­i­tait égale­ment autour du Jazz. Peut-être qu’un jour la lumière se fera sur ce point et alors, je vous en avis­erai.

Les répons­es. Le lien entre Eddie Kay et Rudy Green est une hypothèse, fort prob­a­ble, mais sans garantie…

Un petit cadeau

J’ai mon­té quelques images fix­es et ani­mées de Car­naval. Cela vous per­me­t­tra de vous faire une idée du phénomène.

Quelques images de Car­naval de 1889 à nos jours.

À bien­tôt, les amis !

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) — Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri

A. Riobal ( Castillo) ; (Alberto Losavio ; Héctor Serrao ; Rodolfo Genaro Serrao)

¡Feliz ! Il est minu­it à , c’est l’an­née nou­velle qui com­mence. Les fusées de feu d’ar­ti­fice péta­radent et illu­mi­nent le ciel de Buenos Aires. Ici, pas de majestueux feux d’ar­ti­fice élaborés par des arti­ficiers pro­fes­sion­nels. Ce sont les Argentins qui se char­gent du spec­ta­cle en fonc­tion de leurs moyens financiers et de leurs capac­ités. Notre musique du jour n’est pas un tan­go, mais est chan­tée par un de ses chanteurs, Alber­to Castil­lo, qui en est égale­ment un des auteurs.

Riobal y los Halcones

Quelques mots sur les auteurs de ce titre.

Riobal

Riobal, alias Alber­to Castil­lo, alias…, alias…, alias…, alias…

Riobal est un des pseu­do­nymes de Alber­to Castil­lo, ou plutôt de Alber­to Sal­vador De Luc­ca, puisque que Castil­lo est égale­ment un pseu­do­nyme des­tiné à faire plus espag­nol, ce qui était courant pour les chanteurs de tan­go.
Les orchestres avaient besoin d’un chanteur ital­ien et d’un chanteur espag­nol pour sat­is­faire les deux prin­ci­pales com­mu­nautés portègnes. Peu importe qu’ils soient réelle­ment orig­i­naires de ces pays. D’ailleurs ses pre­miers pseu­do­nymes ont été Alber­to Dual et Car­los Duval
Cette foi­son de pseu­do­nymes était égale­ment des­tinée à tromper la vig­i­lance pater­nelle.
Pour son père, il était étu­di­ant en médecine et, effec­tive­ment, il devait être médecin gyné­co­logue.
Un jour, en écoutant son fils à la radio, il s’ex­cla­ma, « il chante très bien, il a une voix sem­blable à celle de Alber­ti­to », et pour cause…
Cepen­dant, a pris le dessus et Alber­to a rejoint l’orchestre d’un den­tiste, celui de Ricar­do Tan­turi, avant de ter­min­er sa dernière année… Il n’é­tait donc pas à pro­pre­ment par­ler gyné­co­logue, comme on le lit en général dans ses biogra­phies.

Trío Los Halcones

Ce trio a chan­té avec Miguel Caló, mais leur spé­cial­ité était plutôt le boléro et autres musiques tra­di­tion­nelles ou folk­loriques. Ils ont col­laboré avec Castil­lo pour l’écri­t­ure de la musique et des paroles de ce titre. Il ne sem­ble pas y avoir d’en­reg­istrement de Año nue­vo par ce trio.

Trío Los Hal­cones.

Extrait musical

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por .
Par­ti­tion de sax­o­phone ténor de Año nue­vo.

Ángel Condercuri ou  ?

Año nue­vo a été enreg­istré le 31 jan­vi­er 1956. Je n’ai pas respec­té le choix d’un thème enreg­istré le jour de l’anec­dote, pour vous pro­pos­er un air gai et de cir­con­stance. Nous sommes donc en 1956 et Alber­to Castil­lo a son orchestre dirigé par un chef. Selon les sources, il y a un doute sur le chef qui tenait la baguette le jour de l’en­reg­istrement.

  • Gabriel Valiente dans son Enci­clo­pe­dia del Tan­go indique que l’orchestre de Castil­lo est dirigé par Ángel Con­der­curi de 1951 à 1954 puis de nou­veau à par­tir de 1959 et par Jorge Drag­one de 1955 à 1958. Ce tra­vail est une somme, mais il y a de nom­breuses impré­ci­sions et un cer­tain nom­bre d’er­reurs. C’est une bonne source, mais qui demande à être véri­fiée.
  • Tango.info indique que Con­der­curi dirige l’orchestre de Castil­lo pour l’en­reg­istrement de Año nue­vo. https://tango.info/fra/track/T0370371359
  • Todo Tan­go, qui est le site de référence incon­tourn­able pro­pose une entre­vue avec Jorge Drag­one dans laque­lle celui-ci indique qu’il était dans l’orchestre de Con­der­curi à cette époque. https://www.todotango.com/historias/cronica/238/Dragone-Un-eterno-viajero/ Par con­séquent, s’il est le pianiste de l’orchestre, il n’en est pas le directeur. En 1957, donc l’an­née suiv­ante, il indique avoir son pro­pre orchestre en alter­nance pour lequel il recourt à la voix de Argenti­no Ledes­ma. Même s’il est envis­age­able que, pour une séance d’en­reg­istrement par­ti­c­ulière, Con­der­curi ait lais­sé la direc­tion à son pianiste, cela mérit­erait d’être doc­u­men­té.
  • Tango-DJ.AT, qui est en général bien ren­seigné et qui cor­rige les erreurs quand on les sig­nale, ce qui n’est pas le cas de tous (référence à d’autres sites qui ne pren­nent même pas la peine de véri­fi­er, ou qui te dis­ent que c’est ain­si et qui cor­ri­gent ensuite, en douce…), indique que c’est Con­der­curi.
    https://tango-dj.at/database/index.htm
    https://tango-dj.at/database/index.htm?titlesearch=ano+nuevo&genresearch=marcha (pour ceux qui sont abon­nés).

La solu­tion serait d’avoir le cat­a­logue ou le disque d’o­rig­ine, mal­heureuse­ment, je n’ai pas trou­vé le cat­a­logue de Odeón cor­re­spon­dant et les CD ne sont pas pré­cis sur la ques­tion (soit ils n’indiquent rien, soit ils met­tent les deux noms, sans pré­cis­er à quels titres, cela se rap­porte). Quant aux dis­ques d’o­rig­ine, ils indiquent juste Alber­to Castil­lo y su Orques­ta.
Bern­hard Gehberg­er, le créa­teur du site Tango-DJ.AT, con­firme avec les mêmes argu­ments. Il m’a même rap­pelé que cer­tains enreg­istrements étaient don­nés avec à la direc­tion. Cepen­dant, cela ne sem­ble con­cern­er que la péri­ode 1953–1955. En 1956, Bianchi était à Rosario. On notera toute­fois, que Bianchi était pianiste, comme Drag­one. Serait-ce une habi­tude chez Con­der­curi de laiss­er ses pianistes diriger ?
En atten­dant d’en savoir plus, je con­serve Ángel Con­der­curi comme Directeur de l’orchestre de Castil­lo pour cet enreg­istrement.

Paroles

Il y a dif­férentes vari­antes, mais qui ne changent pas le sens. Vous aurez la ver­sion du film en fin d’ar­ti­cle avec les paroles en sous-titrage.

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más,
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Mas ale­gre los días serán
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

Entre pitos y matra­cas entre músi­ca y son­risa
El reloj ya nos avisa que ha lle­ga­do un año más
Las mujeres y los hom­bres, un besi­to nos dare­mos
Entre todos cantare­mos, llenos de feli­ci­dad
Vamos todos a can­tar

Año nue­vo
Vida nue­va
Más ale­gres los días serán
Año nue­vo
Vida nue­va
Con salud y con pros­peri­dad

Año nue­vo
Vida nue­va
Nues­tras penas deje­mos atrás
Sin prob­le­ma, sin tris­teza
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá
Y un feliz año nue­vo ven­drá…

A. Riobal (Alber­to Castil­lo) ; Trío Los Hal­cones (Alber­to Losavio; Héc­tor Ser­rao; Rodol­fo Genaro Ser­rao)

Traduction libre des paroles

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nouv­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus joyeux
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra

Entre sif­flets et cré­celles
Entre musique et sourire
L’hor­loge nous aver­tit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un bais­er nous nous don­nerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bon­heur
Nous allons tous chanter

Pito y matra­ca (sif­flet et cré­celle)

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Les jours seront plus heureux
Nou­v­el An
Nou­velle vie
Avec la san­té et la prospérité

Nou­v­el An
Nou­velle vie
Nous lais­serons nos peines der­rière
Sans prob­lème et sans tristesse
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra
Et un Nou­v­el An heureux vien­dra…

Autres versions

Año nue­vo 1956-01-31 (Mar­cha) — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Ángel Con­der­curi. C’est notre thème du jour.
Año Nue­vo 1965 — . C’est la ver­sion qui est sans doute la plus con­nue, elle est jouée pour le Nou­v­el An dans la plu­part des pays d’Amérique du Sud et pas seule­ment au Vénézuéla, leur pays.

Pour ter­min­er en vidéo, je vous pro­pose de voir et écouter Alber­to Castil­lo dans le film “Músi­ca, ale­gría y amor” dirigé par Enrique Car­reras.
La scène a été enreg­istrée en 1955, cepen­dant, le film sor­ti­ra après le disque, le 9 mai 1956.
J’ai indiqué les paroles pour vous per­me­t­tre de suiv­re…

Año nue­vo dans le film Músi­ca, ale­gría y amor. Dans cet extrait, en plus de Alber­to Castil­lo, on remar­que Beat­riz Tai­bo, Ubal­do Martínez et Tito Gómez. Il y a aus­si une courte appari­tion de Leonor Rinal­di et Fran­cis­co Álvarez, les per­son­nes âgées.

Alber­to Castil­lo, qui tient le rôle prin­ci­pal (Alber­to Morán) est un jeune homme bohème qui rêve de devenir pein­tre, mais qui finale­ment aura du suc­cès comme chanteur (Raúl Man­rupe & María Ale­jan­dra Portela — Un Dic­cionario de Films Argenti­nos 1995, page 401). Ce film con­tient beau­coup de chan­sons par Castil­lo, dont notre titre du jour.

L’in­trigue du film serait tirée de Loute, une comédie française (vaude­ville) en qua­tre actes de Pierre Veber dont l’in­trigue tourne autour de Dupont, un homme qui mène une vie de débauche sous l’in­flu­ence de son « ami » Castil­lon. Dupont décide de se mari­er avec Renée, une jeune femme de bonne famille, mais il est rapi­de­ment rat­trapé par son passé tumultueux. Loute, une anci­enne maîtresse de Dupont, réap­pa­raît et cause des com­pli­ca­tions. Les malen­ten­dus et les quipro­qu­os s’en­chaî­nent, notam­ment avec l’ar­rivée de Fran­col­in, un cousin de Dupont, qui cherche à se venger de lui. Finale­ment, après de nom­breux rebondisse­ments, les per­son­nages ten­tent de se réc­on­cili­er et de trou­ver un équili­bre entre leurs vies passées et présentes. Le lien entre la pièce et le film réal­isé par Enrique Car­reras sur un scé­nario de Enrique San­tés Morel­lo me sem­ble un peu dis­ten­du, d’au­tant plus que la pièce a eu son heure de gloire plus de 50 ans avant la réal­i­sa­tion du film. Cela témoigne tout de même de la fran­cophilie qui était encore vive à l’époque.
Dis­ons que la base du syn­op­sis a été de faire une comédie musi­cale pour met­tre en avant Alber­to Castil­lo

L’af­fiche du film réal­isée par le car­i­ca­tur­iste argentin Nar­ciso González Bayón. On y recon­naît Alber­to Castil­lo et Ameli­ta Var­gas. À la table, de gauche à droite, Fran­cis­co Álvarez, Leonor Rinal­di, Ger­ar­do Chiarel­la et Ubal­do Mar­tinez. La taille démesurée de Castil­lo mon­tre bien que c’é­tait lui la vedette du film…

Voilà de quoi bien débuter l’an­née, en chan­son.

De camino al 2025

Je souhaite une merveilleuse année,
la santé et le bonheur,
à tous les humains de la Terre,
tous.

De floreo 1950-03-29 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Julio Carrasco

De flo­reo de Julio Car­ras­co est l’élé­ment cen­tral d’une trilo­gie de trois tan­gos. (1945), De flo­reo (1950) et Mi lamen­to (1954). De flo­reo peut avoir dif­férentes sig­ni­fi­ca­tions allant d’un bavardage inutile ou léger, par exem­ple, un piropo (com­pli­ment à une femme que l’on cherche à con­quérir) à une danse par­faite­ment maîtrisée. Pour ma part, j’ai choisi une autre accep­tion, celle du musi­cien épanoui qui domine son instru­ment. Il n’est qu’à écouter le solo de vio­lon de Enrique Cam­er­a­no pour se con­forter dans cette idée.

Extrait musical

De flo­reo. Par­ti­tion, Disque Odeon 30610B (matrice 17601), pochette et disque vinyle 4334 de EMI. De flo­reo est le six­ième et dernier titre de la face A, mais aus­si le nom de l’al­bum, ce qui témoigne de son suc­cès.
De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta .

Les ban­donéons lan­cent un rythme très mar­qué, lié par quelques glis­san­dos des vio­lons. Puis à 0 h 35 les vio­lons pren­nent le dessus dans le stac­ca­to avec de légers motifs de piano de Pugliese.
Comme il est habituel à cette époque pour Pugliese, l’œu­vre est con­stru­ite par des touch­es suc­ces­sives en lega­to et stac­ca­to. Cette organ­i­sa­tion sem­ble indi­quer aux quoi faire. Encore faut-il que les danseurs soient atten­tifs aux change­ments d’ex­pres­sion, car une écoute trop légère ferait man­quer les tran­si­tions et danser à con­tre­courant. C’est ce qui peut ren­dre cer­tains titres de Pugliese si pas­sion­nants, mais par­fois dif­fi­ciles à danser. Con­traire­ment à ce qui est générale­ment exprimé, je ne pense pas que Pugliese soit à réserv­er aux excel­lents danseurs.
Cer­tains y voient une musique roman­tique et tran­quille, à danser avec une per­son­ne de cœur. D’autres se déchaî­nent dans des envolées incom­préhen­si­bles, pen­sant révo­lu­tion­ner l’art de la danse et laiss­er un pub­lic ébloui à la lim­ite de l’é­vanouisse­ment devant tant de génie.
Entre ces deux extrêmes, il y a les danseurs qui écoutent la musique et qui savent adapter leur danse aux évo­lu­tions de la musique, tout en respec­tant les autres danseurs.
Il n’y a donc pas besoin d’être un excel­lent danseur, seule­ment un excel­lent audi­teur.
Bien sûr, ceux qui peu­vent être les deux exis­tent, mais dans un beau bal, avec des danseurs qui dansent en musique, il y a une vibra­tion par­ti­c­ulière sur la piste durant les tan­das de Pugliese.
À 1:40 com­mence le pas­sage que l’on ne peut pas louper et danser mal, le sub­lime solo de vio­lon de Enrique Cam­er­a­no qui se dilue ensuite dans les accords nerveux des ban­donéons, puis des autres instru­ments.
Le thème du solo de vio­lon ressur­git ensuite jusqu’au final et l’in­ter­pré­ta­tion se ter­mine par les deux accords tra­di­tion­nels chez beau­coup d’orchestres, dont celui de Pugliese.

Détail du revers de la pochette du disque 33 tours De flo­reo édité par EMI sous le numéro 4334.

Autres versions

De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est notre tan­go du jour.
De flo­reo 2004 — de .

On retrou­vera bien sûr des accents de Pugliese dans cette ver­sion de Col­or Tan­go. Son créa­teur, Rober­to Álvarez, était l’un des arrangeurs de Pugliese (même si dans son orchestre, la plu­part des musi­ciens étaient aus­si arrangeurs). J’en prof­ite pour rap­pel­er qu’il y a eu deux et même trois orchestres Col­or Tan­go, tous héri­tiers de Pugliese. L’orchestre orig­inel “Col­or Tan­go” créé par Rober­to Álvarez (ban­donéon­iste de Pugliese), Amíl­car Tolosa (vio­loniste de Pugliese) et Fer­nan­do Rodríguez (con­tre­bassiste de Pugliese).
À la suite d’un désac­cord, l’orchestre se scin­da en deux par­ties égales et Rober­to Álvarez et Amíl­car Tolosa dirigèrent cha­cun un orchestre “Col­or Tan­go”. Comme les deux orchestres avaient les mêmes droits à porter ce nom, ce fut un peu com­pliqué, mais un accord a été trou­vé et les deux orchestres ont coex­isté avec le nom de leur directeur accolé. Col­or Tan­go de Rober­to Álvarez et .
À ce sujet, une petite remar­que. Les orchestres ne restent pas tous immuables et au fil du temps, des musi­ciens sont rem­placés. Aujour­d’hui, la sit­u­a­tion est encore plus mar­quée. Les orchestres voy­ageant à tra­vers le monde, ils ont sou­vent recours à des musi­ciens dif­férents suiv­ant les lieux de la tournée ou suiv­ant les engage­ments déjà pris avec un autre orchestre par un instru­men­tiste. La sépa­ra­tion de l’orchestre avec le même nom n’est donc pas si sur­prenante, mais c’est bien que le nom les dif­féren­cie, même si la plu­part des édi­tions restent vagues sur le sujet. Un Col­or Tan­go peut en cacher un autre.

Voici une ver­sion en vidéo par Mar­tin Klett & Ensem­ble.

De flo­reo 2019c — Mar­tin Klett & Ensem­ble

La trilogie de Julio Carrasco

Comme indiqué ci-dessus, De flo­reo fait par­tie d’une trilo­gie com­posée par Julio Car­ras­co.
Voici les trois titres à l’é­coute. Je pense qu’il est intéres­sant de not­er l’évo­lu­tion et les simil­i­tudes sur la décen­nie de cette trilo­gie.

Flor de tan­go 1945-08-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese

La musique est sans doute un peu trop déstruc­turée pour les danseurs d’au­jour­d’hui. L’al­ter­nance des légatos et stac­catos, par exem­ple, peut sur­pren­dre. On est dans l’héritage de De Caro, cet orchestre qu’ad­mi­rait Pugliese. Cela rend donc l’œu­vre plus dif­fi­cile à danser pour les danseurs con­tem­po­rains qui sont moins habitués à l’im­pro­vi­sa­tion, car dansant sur des enreg­istrements con­nus par cœur.
À l’âge d’or, les danseurs décou­vraient « en direct » les nou­veautés et ils devaient donc être plus atten­tifs à la musique.
En résumé, je ne passerai ce titre en milon­ga qu’avec des danseurs bien famil­iarisés avec cette façon de danser, d’au­tant plus que le mode mineur adop­té peut don­ner une pincée de tristesse qui pour­rait s’a­jouter aux hési­ta­tions provo­quées par les sur­pris­es (richess­es) de la musique et faire que le moment ne soit pas aus­si agréable que pos­si­ble.
On notera toute­fois la beauté de la musique avec le beau solo de vio­lon à 1:30 et la vari­a­tion vir­tu­ose des ban­donéons en final.

De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est notre tan­go du jour.

Pour rester dans la dans­abil­ité. On remar­quera que la présence d’un rythme bien mar­qué au début inspire la con­fi­ance des danseurs. Les phras­es musi­cales sont plus claires et les tran­si­tions de danse plus faciles à prévoir. Cer­tains motifs peu­vent sus­citer de belles impro­vi­sa­tions ou a min­i­ma des fior­i­t­ures élé­gantes, per­me­t­tant ain­si de danser de flo­reo…
Et le solo de vio­lon devrait faire fon­dre les danseurs à coup sûr et donc par­ticiper au suc­cès de la danse.

Mi lamen­to 1954-03-17 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Mi lamen­to démarre avec une ryth­mique appuyée qui sécurise les danseurs, mais, par la suite, on retrou­ve des élé­ments d’in­sécu­rité, comme avec Flor de tan­go dont il partage la de Fa # mineur. Cer­tains pas­sages comme à 1:35, sans doute un peu trop calmes, peu­vent enlever un peu d’én­ergie aux danseurs. Cela n’empêche pas de le pass­er, mais il con­vient de bien juger de l’at­mo­sphère du bal pour le pass­er à bon escient en étant prêt à relancer la machine si l’on sent que les danseurs ne suiv­ent pas cette propo­si­tion.

Comme dans les deux œuvres précé­dentes, on retrou­ve le solo de vio­lon à 1:50. Après tout Julio Car­ras­co et il est donc logique qu’il mette en valeur son instru­ment. Là encore, c’est Enrique Cam­er­a­no qui inter­prète en sa qual­ité de pre­mier vio­lon le solo qui sera évo­qué jusqu’à la fin, comme pour De flo­reo et con­traire­ment à Flor de tan­go, où il est effacé par les ban­donéons à la fin.
La répu­ta­tion de Julio Car­ras­co aurait pu lui ouvrir la car­rière de pre­mier vio­lon dans l’orchestre de Pugliese, mais celui-ci a décliné l’in­vi­ta­tion lors du départ de l’orchestre de Enrique Cam­er­a­no.
Cette évo­lu­tion va donc d’une musique très decaréenne (de De Caro) a une musique au rythme plus appuyé, plus facile à danser. Les solos de vio­lons sont tous les trois intéres­sants, mais celui de De flo­reo a sans doute ma préférence et comme il est sur le titre le plus dans­able des trois, je passerai De flo­reo en pri­or­ité.

Et s’il fallait faire une tanda avec De floreo

Je pro­pose cet exer­ci­ce qui con­siste à faire une tan­da de Pugliese un peu moins con­sen­suelle. Dans une milon­ga courte, je ne m’y ris­querai sans doute pas et je resterai avec la ving­taine de titres validés par les danseurs. Mais admet­tons que je sois en présence de danseurs curieux, n’ayant pas peur de se met­tre en « dan­ger ».
Dans cette tan­da, je ne passerai prob­a­ble­ment pas deux des titres de la trilo­gie, sauf si je vois que l’ac­cueil est très bon et seule­ment pour des tan­das de qua­tre titres et pas de trois comme cela se fait de plus en plus (dif­fi­cile de pass­er un de ces titres en pre­mier et en dernier, il en faut donc a min­i­ma un avant et un après).
Pour don­ner un peu de var­iété à la tan­da en gar­dant un esprit un peu decaréen, je pour­rais pro­pos­er.

1) 1948-07-14 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Une com­po­si­tion de De Caro, assez con­nue et qui peut donc ras­sur­er en pre­mier thème.

2) De flo­reo en deux­ième, car pas suff­isam­ment con­nu pour bien faire lever les danseurs. Ce titre servi­ra d’aigu­il­lage. Si je vois qu’il est par­faite­ment adop­té, je pour­rai envis­ager de pass­er Mi lamen­to en 3e titre. Si je sens que c’est pass­able, sans plus, je reviendrais à un peu plus facile avec, par exem­ple :

3) Bien milon­ga 1951-07-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas trop dif­fi­cile à danser et avec un beau solo de vio­lon pour rester dans l’e­sprit de De flo­reo.

4) La cachi­la 1952-11-24 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Avec des pas­sages très “”. Ce titre très con­nu, plus facile à danser, pour­rait ter­min­er la tan­da.

Si je vois qu’il faut rac­crocher les wag­ons, je pour­rais pass­er à en troisième titre de la tan­da, qui est plus ras­sur­ant pour les danseurs et qui com­porte de mag­nifiques solos de ban­donéon et de vio­lon­celle.

3) alter­na­tive selon la récep­tion de De flo­reo. Canaro en París 1949-11-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese

Le 4e titre pour­ra être un titre « phare de Pugliese », même si cela nuit un peu à l’har­monie de la tan­da. Sinon, La Cachi­la pour­ra faire l’af­faire.

Si je vois que Boe­do ne passe pas très bien (tous les danseurs ne sont pas sur la piste), j’ac­tiverai l’aigu­il­lage plus tôt et je bas­culerai vers les grands stan­dards, en ne pas­sant donc pas De flo­reo et autres.
Pass­er une tan­da de Pugliese avec des titres peu con­nus donne des sueurs froides au DJ. Pour cette rai­son, il est indis­pens­able, lorsque l’on ne con­naît pas le pub­lic, d’être prêt à tout chang­er à la volée et c’est un bon exem­ple de l’im­pos­si­bil­ité de faire des playlists à l’a­vance, sauf si on est DJ rési­dent et que l’on passe la musique toutes les semaines dans le même lieu, car, dans ce cas, on apprivoise les danseurs en for­mant leur goût. C’est d’ailleurs une respon­s­abil­ité du DJ rési­dent, car à rou­tin­er les danseurs sur un style de musique, on risque de les éloign­er de la com­mu­nauté tanguera. Par exem­ple, dans cer­taines milon­gas, le DJ rési­dent met beau­coup de tan­go alter­natif ou des titres peu typ­iques. Les danseurs s’y habituent et ont ensuite du mal à aller dans des milon­gas « nor­males ». Ouvrir les oreilles et les hori­zons, c’est bien, mais il ne faut pas oubli­er le cœur du tan­go.
À bien­tôt les amis !

De flo­reo 1950-03-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese – L’é­coute des tour­bil­lons de musique qui entrent dans les oreilles.

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orquesta Juan D’Arienzo

Carlos Ángel Lázzari

Adiós, Coco est un au revoir, ou plutôt un adieu à Rafael D’Agosti­no, le neveu de Ángel D’Agosti­no qui était pianiste, com­pos­i­teur, auteur et jour­nal­iste spé­cial­isé dans les spec­ta­cles (notam­ment au jour­nal La Razón à l’Ed­i­to­r­i­al Anahi et à Radio Colo­nia). Par son oncle et ses activ­ités, il était mem­bre de la grande famille du tan­go et sa mort trag­ique dans un acci­dent de la route a sec­oué la com­mu­nauté, comme en témoigne ce tan­go com­posé par Láz­zari, ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre de D’Arien­zo et l’en­reg­istrement par l’orchestre de ce dernier, un mois seule­ment, après la mort de Coco. Main­tenant, il me reste à vous expli­quer pourquoi un dinosaure con­duit une voiture…

Extrait musical

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Adiós, Coco s’in­scrit dans la lignée des tan­gos tardifs enreg­istrés par D’Arien­zo. La puis­sance est énorme. Les vio­lons vir­tu­os­es et les longs breaks ren­dent ce style recon­naiss­able immé­di­ate­ment. Le piano de Juan Poli­to est en ponc­tu­a­tion per­ma­nente et bien sûr, les ban­donéons (instru­ment du com­pos­i­teur, Car­los Ángel Láz­zari) et la con­tre­basse assurent la base ryth­mique que repren­nent les autres instru­ments.
Dans cette ver­sion, quelques solos de vio­lons font taire le martelle­ment du rythme, une pointe de roman­tisme en l’hon­neur de Coco.
Cet orchestre tardif de D’Arien­zo, le dernier de sa car­rière était com­posé de la façon suiv­ante :
Car­los Láz­zari (ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre. C’est lui qui repren­dra la direc­tion à la mort de D’Arien­zo et qui enreg­istr­era des titres du même type de dynamisme avec las solis­tas de D’Arien­zo (les solistes de D’Arien­zo, orchestre créé en 1973 avec l’au­tori­sa­tion de D’Arien­zo). Voyons donc ces autres solistes :
Enrique Alessio, Felipe Ric­cia­r­di et Aldo Jun­nis­si (ban­donéon­istes de D’Arien­zo, comme Láz­zari de 1950 à 1975).

Juan D’Arien­zo dans une atti­tude typ­ique, ani­me ses ban­donénistes. De gauche à droite, Enrique Alessio, Car­los Láz­zari, celui de droite me sem­ble être Aldo Jun­nis­si plus que Felipe Ric­cia­r­di, mais je ne garan­tis rien… Les qua­tre ban­donéon­istes de D’Arien­zo sont restés les mêmes de 1950 à 1975. Cette pho­to sem­ble dater de la décen­nie précé­dente, prob­a­ble­ment les années 60.

Juan Poli­to (pianiste de l’orchestre de D’Arien­zo en 1929, 1938–1939, 1957–1975)
Cayetano Puglisi, Blas Pen­sato, Jaime Fer­rer et Clemente Arnaiz (vio­lonistes de D’Arien­zo depuis 1940. Cette longévité explique la mer­veille des vio­lons de D’Arien­zo qui était lui-même vio­loniste).
Vic­to­rio Vir­gili­to (con­tre-bassiste de D’Arien­zo depuis 1950).

Cette ver­sion est instru­men­tale, mais je pense intéres­sant de présen­ter les chanteurs de l’époque :
(ténor). C’est le père de Pablo Ramos qui dirige l’orchestre Los Herederos del Com­pás que vous pour­rez enten­dre et voir dans ce titre en fin d’ar­ti­cle.
Alber­to Echagüe et (bary­tons)
(mez­zo-sopra­no).

Rafael D’Agostino (Coco)

Son oncle, Ángel D’Agosti­no, est bien plus con­nu et j’ai eu à divers­es repris­es l’hon­neur de présen­ter cer­taines de ses inter­pré­ta­tions. Je vous pro­pose un petit éclairage sur le neveu, Coco, objet de cet hom­mage.
L’ com­mence entre Juan D’Arien­zo et Ángel D’Agosti­no, les D’ du tan­go. D’Arien­zo vio­loniste et D’Agosti­no pianiste sont amis depuis l’ado­les­cence.
Lorsqu’en 1928 naquit Rafael, ce dernier est entré dans le cer­cle d’ami­tié des deux hommes qui l’ont accom­pa­g­né dans son entrée dans la car­rière musi­cale.
Mal­gré ses capac­ités de pianiste, Rafael s’est dirigé vers le jour­nal­isme, notam­ment de spec­ta­cle. Il fut util­isa­teur dans ses chroniques de surnoms pour les artistes. Cette mode a été ini­tiée par Felix Laiño, le sous-directeur du jour­nal La Razón. Coco s’est expliqué sur cette cou­tume, par exem­ple en par­lant de Tita Merel­lo :

“Nadie puede negar que Tita Merel­lo es las­timera; todos los días se que­ja de su mis­e­ria, sus años y su mala suerte, Estos apo­dos nacen de sus pro­pios defec­tos y vir­tudes.”

(Per­son­ne ne peut nier que Tita Merel­lo est pitoy­able ; chaque jour elle se plaint de sa mis­ère, de son âge et de sa malchance. Ces surnoms nais­sent de leurs pro­pres défauts et ver­tus.)

On attribue un cer­tain nom­bre d’œu­vres à Coco :
Pasión milonguera
Vida bohemia
(avec Ricar­do Gar­cía)
Paica ale­gre
Mis
(Pas le pas­sil­lo colom­biano arrangé en valse que chan­ta Gardel)
Noches de Cabaret
(pas celui d’Héc­tor Varela avec )
Mi cov­acha

On voit que ces œuvres sont peu con­nues et celles qui le sont por­tent le nom d’autres auteurs. Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin. On lui attribue égale­ment . Voyons un peu de ce côté…

El Plesiosauro

Ce sym­pa­thique ani­mal marin, un dinosaure, aime faire des farces. En Écosse, il s’ap­pelle Nes­si et hante le Loch Ness. En Argen­tine, on l’ap­pelle par son nom sci­en­tifique, El Ple­siosauro, mais il porte aus­si le nom de , car il serait apparu au Lac Nahuel Huapi (Bar­iloche) ou à un autre lac bien plus au sud, el lago Epuyén.
Con­traire­ment à son cousin d’É­cosse, ce dernier s’est offert le luxe d’écrire une let­tre que pub­lia le jour­nal La Nación, en mars 1922, dont voici les ter­mes :
“El obje­ti­vo de mi car­ta es per­suadir­los de que me dejen en paz, ya que soy un mon­struo dis­cre­to y desin­tere­sa­do”
“L’ob­jet de ma let­tre est de vous per­suad­er de me laiss­er en paix, car je suis un mon­stre dis­cret et dés­in­téressé.“
Je pense que vous com­mencez à penser à un can­u­lar, voici l’his­toire :
La pre­mière men­tion de cet ani­mal date de 1910 et c’est la pub­li­ca­tion en 1922 de cette « vision » par George Gar­ret qui don­na l’idée à un Nord Améri­cain nom­mé Martín Sheffield d’an­non­cer la présence de cet ani­mal.
Cela arri­va aux oreilles du Doc­teur Clemente Onel­li, directeur du Zoo de Buenos Aires, qui aurait bien aimé le met­tre dans ses col­lec­tions. Il envoya des fonds à Martín Sheffield et organ­isa une expédi­tion.
À son arrivée, Martín Sheffield avait dis­paru avec l’ar­gent et vous vous en doutez, la quête de El Nahueli­to s’est avérée vaine, mal­gré les descrip­tions qu’en ont faites les pré­ten­dus témoins.
La bête aurait un long cou, la taille d’une vache et serait car­ni­vore. Cer­tains sci­en­tifiques y voy­aient la descrip­tion d’un plé­siosaure, d’où le nom le plus courant à l’époque et d’autres d’un ichtyosaure. Des pho­tos auraient été réal­isées, mais où sont-elles ?

L’af­faire du Plé­siosaure à Bar­iloche. De gauche à droite. Mar­tin Shi­ef­feld, l’aven­turi­er d’Amérique du Nord. Il a quit­té les lieux avec l’ar­gent et n’a pas fait par­tie de l’ex­pédi­tion. Doc­teur Clemente Onel­li, le directeur du Zoo et organ­isa­teur de l’ex­pédi­tion. Sur la pho­to cen­trale : Alber­to Merkle, un taxi­der­miste alle­mand qui aurait pu con­serv­er El Nahueli­to si ses col­lègues l’avaient abat­tu comme prévu. Emilio Frey, un ingénieur, ami de Clemente Onel­li qui est à droite de lui sur la pho­to cen­trale San­ti­a­go Andueza et José Cinaghi, les chas­seurs. La pho­to de droite représente une recon­sti­tu­tion du Plé­siosaure à Bar­iloche.

Le Plé­siosaure a sus­cité des pas­sions, des rires et plusieurs musiques ont exploité le filon.
Par­mi celles-ci, la par­ti­tion attribuée à Rafael D’Agosti­no.

La par­ti­tion attribuée à Rafael D’Agosti­no du Ple­siosauro. Elle serait de 1922. On remar­que la à Clemente Onel­li, le Directeur de l’ex­pédi­tion, et à un Manuel Gar­cia que je n’ai pas iden­ti­fié. Est-il de la famille de Ricar­do Gar­cía avec qui il a com­posé Vida Bohémia ?

Tous les auteurs qui par­lent de ce tan­go men­tion­nent sans hési­ta­tion Coco, Rafael D’Agosti­no comme le com­pos­i­teur du Ple­siosauro.
Le fait qui m’in­trigue est que la par­ti­tion serait datée de 1922, ce qui est logique vu que c’est l’époque des faits. Ce qui est moins logique, c’est que Rafael D’Agosti­no est né en 1928 (il avait 40 ans en 1968 selon une inter­view, et 44 à a sa mort en 1972). Un prodi­ge comme Mozart peut écrire une œuvre à six ans, mais pas six ans avant sa nais­sance…
Il faut donc soit con­sid­ér­er que la par­ti­tion n’est pas de 1922, soit que c’est d’un autre Rafael D’Agosti­no.
Le fait que Coco soit un plaisan­tin pour­rait laiss­er penser qu’il aurait réal­isé un faux. Dans le sens de cette hypothèse, je met­trai la réal­i­sa­tion assez som­maire de la cou­ver­ture de la par­ti­tion.
Ce qui ne fait pas de doute, c’est l’ex­pédi­tion à Bar­iloche de Onel­li, les doc­u­ments sont suff­isam­ment pré­cis sur la ques­tion et ce sci­en­tifique n’au­rait pas mis en jeu sa répu­ta­tion pour un can­u­lar.
Le fait qu’il soit cité sur la par­ti­tion est un peu plus éton­nant. En effet, comme il est ren­tré bre­douille, il est peu prob­a­ble qu’il ait appré­cié l’at­ten­tion. Avoir un tan­go dédi­cacé à son nom et qui rap­pelle un échec n’est sans doute pas des plus réjouis­sant. Cela me con­forte dans l’idée du faux que j’at­tribuerai à Rafael D’Agosti­no, un drôle de coco (« drôle de coco » en français peut sig­ni­fi­er un farceur, quelqu’un d’un peu orig­i­nal).
Son com­parse, l’au­teur des paroles, serait Amíl­car Mor­bidel­li, un « poète » dont on n’a pas vrai­ment de traces. Est-ce aus­si un élé­ment de la blague ? Nous ver­rons que les paroles peu­vent ren­forcer cette impres­sion.
L’orchestre Sci­ammarel­la tan­go a pro­duit la seule ver­sion enreg­istrée de cette œuvre.

El Ple­siosauro 2023 — Sci­ammarel­la tan­go.

Sci­ammarel­la aurait retrou­vé la par­ti­tion et exé­cuté l’œu­vre. Est-ce une com­po­si­tion orig­i­nale de cet orchestre ou réelle­ment une œuvre écrite en 1922, ou un can­u­lar tardif de Coco ?
Le site très sérieux et extrême­ment bien doc­u­men­té Todo Tan­go cite l’œu­vre, donne Rafael D’Agosti­no comme com­pos­i­teur et Amíl­car Mor­bidel­li comme auteur des paroles.
https://www.todotango.com/musica/tema/6341/El-plesiosauro/
Cet élé­ment peut faire pencher la bal­ance du côté de l’œu­vre authen­tique, dont voici les paroles.

Paroles de El Plesiosauro

Yo soy un pobre ani­mal bus­ca­do
por los ingratos y sin con­cien­cia.
Porque soy raro y tam­bién lo soy curioso
(según dice la gente allí).

Deje­men solo aquí, gozan­do
en la soledad de este lago
¿Qué es lo que haréis con sacarme si es en vano
lle­varme vivo de este lugar ?

¿No saben los señores
que esto no es coger flo­res?
Pre­tenden aquí cazarme y lle­var
como si nada fuera.

¡Maldito! No me nom­bres.
Nada te debo Onel­li.
Deja que yo viva con igual pre­rrog­a­ti­vas
como tú vives allí.
Rafael D’Agosti­no Letra: Amíl­car Mor­bidel­li

libre et indications

Je suis un pau­vre ani­mal recher­ché par les ingrats et sans con­science.
Parce que je suis bizarre et que je suis aus­si curieux (selon ce que dis­ent les gens de là-bas).
Lais­sez-moi seul ici, prof­i­tant de la soli­tude de ce lac
Que fer­ez-vous de me sor­tir, si c’est en vain que vous voulez m’en­lever vivant d’i­ci ? (Les mem­bres de l’ex­pédi­tion sont armés et deux chas­seurs y par­ticipent. La présence d’une grande seringue dans l’équipement est par­fois men­tion­née, mais mise en doute. Ils pen­saient tuer le « mon­stre » et l’empailler « d’où la présence d’un empailleur dans l’ex­pédi­tion.
Ces messieurs ne savent-ils pas qu’il ne s’ag­it pas de cueil­lir des fleurs ?
Ils ont l’in­ten­tion de me tra­quer et de m’emmener comme si de rien n’é­tait.
Mau­dit ! Ne me nom­mez pas.
Je ne te dois rien, Onel­li.
Lais­sez-moi, que je vive avec les mêmes prérog­a­tives que vous là-bas.

On voit que l’au­teur a pris la parole pour el Nahueli­to. À moins que ce soit lui, puisqu’il avait déjà pub­lié une let­tre dans le jour­nal La Nación.
On remar­quera que, si la cou­ver­ture dédi­cace l’œu­vre à Onel­li, le texte n’est pas du tout à sa gloire. Cela me fait encore hésiter. Un auteur aurait-il dédi­cacé un tan­go où il traite de mau­dit son dédi­cataire ? Cela me sem­ble bien étrange.
Si on tient compte que le Plé­siosaure est un dinosaure qui vit dans l’eau, on pour­rait penser à un pois­son d’avril, cou­tume qui con­siste à racon­ter un truc incroy­able que l’on retrou­ve dans quelques pays d’Eu­rope et dans le Monde, mais pas en Argen­tine.
On pour­rait aus­si voir dans cette his­toire un rap­pel de la coloni­sa­tion… Ces Indi­ens et gau­chos que l’on a déplacés et mas­sacrés sans ménage­ment pour con­quérir leur ter­ri­toire.

Autres versions de Adiós, Coco

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre tan­go du jour.

Du fait qu’il s’ag­it d’un tan­go tardif, il n’a pas eu le temps d’en­tr­er dans le réper­toire des orchestres. Une excep­tion toute­fois, Los Herederos del Com­pás, l’orchestre ani­mé par Pablo Ramos, le fils de l’an­cien chanteur de D’Arien­zo, Osval­do Ramos, et qui tra­vaille ardem­ment à entretenir le sou­venir de son père et de la Orques­ta Del Rey del Com­pás.
Cet orchestre joue régulière­ment le thème, et je l’ai donc écouté par eux à divers­es repris­es avec des évo­lu­tions intéres­santes.

Adiós Coco 2021 — Pablo Ramos & Los Herederos del Com­pás. C’est la ver­sion du disque “Que siga el encuen­tro de 2021”.

Mais je pense que vous serez con­tent de voir l’une de leurs presta­tions. C’é­tait l’an passé, le 8 avril 2023, à la huitième édi­tion du fes­ti­val de La Pla­ta.

Adiós Coco 2023-04-08 — Pablo Ramos & Los Herederos del Com­pás, en La Pla­ta Baila Tan­go (8va edi­ción).

Avec cette vidéo, je pense que l’on peut dire Adiós Coco, au revoir, les amis. Soyez pru­dent sur les routes, un dinosaure pour­rait tra­vers­er sans crier gare !

Rancho alegre 1941-12-10 — Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán y coro (Corrido)

Felipe Bermejo (Música y letra).

Les bals « tan­go » de l’âge d’or com­por­taient du tan­go, sous ses trois formes, mais aus­si du « jazz » et d’autres dans­es, plus ou moins tra­di­tion­nelles. Notre musique du jour est Argen­tine (voire uruguayenne si on se réfère aux orig­ines de Canaro), mais le rythme (un cor­ri­do), les paroles et l’in­spi­ra­tion sont mex­i­cains.

J’u­tilise par­fois ce titre pour « chauf­fer » la salle avant la . Le cor­ri­do se danse en principe en cou­ple, c’est une forme qui rap­pelle la pol­ka, mais aus­si le pasodoble. Les Argentins le dansent surtout en marche, tout comme ils font avec le pasodoble, d’ailleurs…

Extrait musical

1941-12-10 — Orques­ta con Car­los Roldán y coro.
Par­ti­tion et cou­ver­tures de Ran­cho ale­gre de . On notera la présence de par­ti­tions brésili­ennes. Le cor­ri­do est bien sor­ti du et pas seule­ment pour les pays his­panophones, comme l’Ar­gen­tine.

Le ran­cho ale­gre (ranch joyeux) est vrai­ment joyeux et je suis sûr que cette musique vous donne envie de bouger.

Paroles

Y soy del mero Ran­cho Ale­gre (Yo soy char­ro mex­i­cano)
Un ranchero de ver­dad, com­padre
Jálese, pari­ente
Pa’ la gente del ran­cho, pa’ la gente de pueblo

Soy del mero Ran­cho Ale­gre
Un ranchero de ver­dad
Que tra­ba­ja
De labriero, may­or­do­mo y capo­ral

Mi queren­cia es este ran­cho
Donde vivo tan feliz
Escon­di­do entre mon­taña
De col­or azul anís

Ran­cho Ale­gre
Mi nid­i­to
Mi nid­i­to per­fuma­do y de jas­mín
Donde guar­do
Mi amorci­to
Que tiene ojos de lucero y capulín

En mi ran­cho
Ten­go todo
Ani­males, agua y sol
Y una tier­ra bril­lante y bue­na
Que tra­ba­jo con ardor

Cuan­do acabo mis labores
Ya que se ha meti­do el sol
A la luz de las estrel­las
Can­to ale­gre mi can­ción

Ran­cho Ale­gre
Mi nid­i­to
Mi nid­i­to per­fuma­do y de jas­mín
Donde guar­do
Mi amorci­to
Que tiene ojos de lucero y capulín

Solo fal­ta
Una cosa
Que muy pron­to, yo ten­dré
Como estoy recién casa­do
Adi­ví­nen­me lo que es

Ha de ser un chilpal­late
Grande y fuerte a no dudar
Que tam­bién será labriero
May­or­do­mo y capo­ral

Ran­cho Ale­gre
Mi nid­i­to
Mi nid­i­to per­fuma­do y de jas­mín

Donde guar­do
Mi amorci­to
Que tiene ojos de lucero y capulín
Felipe Berme­jo Arau­jo

Car­los Roldán chante seule­ment ce qui est en gras.

En rouge, la ver­sion orig­i­nale mex­i­caine qui par­le de char­ro (cow­boy, ).

libre des paroles

Et je suis du sim­ple Ran­cho Ale­gre (ranch joyeux) un vrai éleveur, com­padre bien « tiré » (C’est quelque chose de posi­tif, bon com­pagnon), par­ent pour les gens du ranch, pour les gens du vil­lage.
Je suis du sim­ple Ran­cho Ale­gre, un vrai éleveur qui tra­vaille comme agricul­teur, major­dome et con­tremaître.
Mon amour c’est ce ranch où je vis si heureux, caché dans les mon­tagnes bleu anis

Refrain
Ran­cho Ale­gre
Mon petit nid
Mon petit nid par­fumé et de jas­min où je garde ma petite chérie qui a les yeux d’une étoile et de cerise (les capu­lines sont de petites ceris­es de couleur noir rougeâtre. On les appelle aus­si, ceris­es mex­i­caines).

Sur mon ranch j’ai tout, des ani­maux, de l’eau et du soleil et une terre bril­lante et bonne que je tra­vaille avec ardeur
Quand je finis mes travaux parce que le soleil s’est couché. À la lumière des étoiles, je chante joyeuse­ment ma chan­son.
Il ne manque qu’une seule chose, que très bien­tôt j’au­rai, car, je viens de me mari­er. Devinez ce que c’est.
Il doit être un gamin grand et fort (chilpal­late est une expres­sion mex­i­caine) sans aucun doute qu’il sera aus­si un fer­mi­er, major­dome et con­tremaître.

Autres versions

Le thème est tout de même assez rare en Argen­tine. Out­re cette ver­sion de Canaro, on peut citer les chanteurs de l’aube qui ont fait un disque aux sonorités mex­i­caines. Je vous pro­pose aus­si une ver­sion mex­i­caine avec un jeu intéres­sant de l’ac­cordéon (oui, le Mex­ique utilise de plus gros pianos à bretelles).

Ran­cho ale­gre 1941-12-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán y coro. C’est notre musique du jour.
Ran­cho ale­gre 1976 — .
Ran­cho ale­gre 2020 — .

À bien­tôt les amis !

😉

Mano Blanca 1943-12-07 — Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Emilio Balcarce

Letra:

L’ex­cel­lent fileteador porteño, Gus­ta­vo Fer­rari, alors que je pas­sais ce titre dans une milon­ga m’a indiqué que ce titre était l’hymne des fileteadores (pein­tres déco­ra­teurs, spé­cial­istes des filets déco­rat­ifs typ­iques de Buenos Aires). Comme j’adore ce tan­go, je le passe assez sou­vent, mais pas for­cé­ment dans la ver­sion du jour, celle d’Al­ber­to Castil­lo qui était égale­ment un fan de ce tan­go comme nous le ver­rons.
J’imag­ine que vous avez dans l’or­eille l’en­reg­istrement des deux anges, D’Agosti­no et Var­gas. Mais, comme l’anec­dote d’a­vant-hier était avec ces deux inter­prètes, il faut laiss­er de la place aux autres.
C’est d’au­tant plus impor­tant que Var­gas et D’Agosti­no sem­ble s’être emparé du titre, lais­sant peu de place à d’autres enreg­istrements. Pour­tant, plusieurs sont intéres­sants.
À not­er que, sur cer­tains dis­ques, on trou­ve Manoblan­ca, en un seul mot. J’ai unifié la présen­ta­tion en Mano Blan­ca, mais les deux orthographes exis­tent

Extrait musical

Mano Blan­ca 1943-12-07 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Emilio Bal­carce.

Bien que ce soit un titre plutôt des­tiné à l’é­coute, puisque le disque men­tionne que Alber­to Castil­lo est accom­pa­g­né par son orchestre dirigé par Emilio Bal­carce. Cepen­dant cet enreg­istrement reste tout à fait présentable dans une milon­ga et c’est même presque éton­nant que l’on ne l’en­tende qua­si­ment jamais.

Par­ti­tion de Mano Blan­ca. Arturo De Bassi Letra: Home­ro Manzi et l’an­gle de rue où se trou­ve le « musée Manoblan­ca ».

Paroles

Dónde vas car­reri­to del este
cas­ti­gan­do tu yun­ta de ruanos,
y mostran­do en la cha­ta celeste
las dos ini­ciales pin­tadas a mano.

Relu­cien­do la estrel­la de bronce
clavetea­da en la suela de cuero,
dónde vas car­reri­to del Once,
cruzan­do ligero las calles del Sur.

¡Porteñi­to!… ¡Manoblan­ca!…
Vamos ¡fuerza, que viene bar­ran­ca!
¡Manoblan­ca!… ¡Porteñi­to!
¡Fuerza! ¡vamos, que fal­ta un poquito!

¡Bueno! ¡bueno!… ¡Ya sal­imos!…
Aho­ra sigan pare­jo otra vez,
que esta noche me esper­an sus ojos
en la Aveni­da Cen­ten­era y Tabaré.

Dónde vas car­reri­to porteño
con tu cha­ta fla­mante y coque­ta,
con los ojos cer­ra­dos de sueño
y un gajo de ruda detrás de la ore­ja.

El orgul­lo de ser bien queri­do
se adiv­ina en tu estrel­la de bronce,
car­reri­to del bar­rio del Once
que vuelves trotan­do para el cor­ralón.

¡Bueno! ¡bueno!… ¡Ya sal­imos!…
Aho­ra sigan pare­jo otra vez
mien­tras sueño en los ojos aque­l­los
de la Aveni­da Cen­ten­era y Tabaré.
Arturo De Bassi Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre des paroles

Où vas-tu petit meneur (con­duc­teur de char­i­ot hip­po­mo­bile) de l’est en punis­sant ton atte­lage de rouans (chevaux de couleur rouanne), et en mon­trant sur la char­rette bleue les deux ini­tiales peintes à la main.
Elle brille l’é­toile de bronze clouée sur le har­nais de cuir. Où vas-tu, petit meneur de Once, en tra­ver­sant rapi­de­ment (légère­ment, peut-être à vide), les rues du Sud.
Porteñi­to… Manoblan­ca… (Ce sont les noms des deux chevaux)
Allons, force, un fos­sé arrive !
Manoblan­ca… Porteñi­to !
Force ! Allons, il reste peu à faire !
Bien ! Bien !… Nous voilà sor­tis (de l’ornière, fos­sé)…
Main­tenant, con­tin­uez ensem­ble à nou­veau, car ce soir, ses yeux m’at­ten­dent sur l’Aveni­da Cen­ten­era et Tabaré. (l’an­gle de ces deux avenues mar­que “La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa” que le même Home­ro Manzi men­tionne dans son tan­go “Sur”.
Où vas-tu, petit meneur portègne avec ta char­rette flam­boy­ante et coquette, avec les yeux fer­més de som­meil (ou rêve) et un brin de rue (le gajo de ruda est une plante qui est cen­sée éloign­er le mal) der­rière l’or­eille.
La fierté d’être bien aimé se devine dans ton étoile de bronze, petit meneur du quarti­er de Once, car tu reviens en trot­tant au cor­ralón (hangar, garage).
Bien ! Bien !… Nous voilà sor­tis.
Main­tenant, ils con­tin­u­ent en cou­ple (chevaux en har­monie) de nou­veau pen­dant que je rêve à ces yeux de l’Aveni­da Cen­ten­era et de Tabaré.

Les fileteados

Les filetea­d­os son une expres­sion artis­tique typ­ique de Buenos Aires. Elle est apparue en pre­mier sur les char­i­ots et s’est éten­due jusqu’à aujour­d’hui dans tous les domaines.

Un char­i­ot hip­po­mo­bile décoré de filetea­d­os. Cette char­rette com­porte des ridelles, ce que n’avait peut-être pas celle de la chan­son qui est une sim­ple cha­ta (fond plat et qui avait sans doute qua­tre roues).
Un véhicule de qua­tre saisons riche­ment décoré de filetea­d­os. La cha­ta de la chan­son devait plutôt avoir 4 roues, mais l’idée est là…

Je vous invite à regarder l’ar­ti­cle de Wikipé­dia sur le sujet si vrai­ment vous ne con­nais­sez pas…
https://es.wikipedia.org/wiki/Fileteado

Autres versions

Les deux pre­miers enreg­istrements, par Canaro, sont bien de a com­po­si­tion Arturo de Bassi, mais elles avaient été pub­liées à l’époque sous le titre El román­ti­co fulero. Cette musique était une petite pièce à l’in­térieur d’un tableau inti­t­ulé Román­ti­cos fuleros, lui-même inclus dans le spec­ta­cle Copamos la ban­ca. Les paroles apportées par Home­ro Manzi 15 ans plus tard, à la demande de Bassi, ont don­né une autre dimen­sion à l’œu­vre et lui ont per­mis de pass­er à la postérité.

El román­ti­co fulero 1924 — Orques­ta .

C’est un enreg­istrement acous­tique, donc, d’une qual­ité sonore un peu com­pliquée, mais on recon­naît par­faite­ment le thème du tan­go du jour.

El román­ti­co fulero 1926-09 — Azu­ce­na Maizani con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Le même Canaro enreg­istre, cette fois en enreg­istrement élec­trique le titre avec des paroles de .

Paroles de Carlos Schaefer Gallo

Manyeme que’l bacán no la embro­ca,
par­leme que’l boton no la juna
y en la noche que pin­ta la luna
la pun­ga de un beso le tiró en la boca.
Aquí estoy en la calle desier­ta
como un gil pa’ mirar su her­mo­sura
cam­pane­an­do que me abra la puer­ta
pa’ dar­le a escon­di­das un beso de amor.

Se lo juro que no hablo al cohete
y que le pon­go pa’usté cacho e cielo
un cotor­ro que ni Marce­lo
lo tiene puesto con más fir­ulete.
Si usté quiere la pianto aho­ra
si usté lo quiere digame­lo,
será mi piba mi nena la auro­ra,
en esta som­bra que’n el alma cayó.

Le pon­dré garçon­nière a la gur­da
y ten­drá vuaturé limu­sine,
y la noche que nos cache cur­da
ver­e­mos al chor­ro Tom Mix en el cine.
Berretín que me das esper­an­za
que pro­te­je la noche,
piantare­mos en auto o en coche
como unos pun­guis­tas que fanan amor.
Car­los Schae­fer Gal­lo

Hon­nête­ment, ces paroles en pour un diver­tisse­ment pop­u­laire d’en­trée de gamme ne méri­tent pas vrai­ment de pass­er à la postérité. Je ne vous en don­nerai donc pas la tra­duc­tion. On notera toute­fois que le texte fait référence au prési­dent de l’époque, Marce­lo Tor­cu­a­to de Alvear et à Tom Mix, un héros de west­ern… L’au­teur n’a reculé devant rien pour recueil­lir l’assen­ti­ment du pub­lic.

Mano Blan­ca 1943-12-07 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Emilio Bal­carce. C’est notre tan­go du jour.
Mano Blan­ca 1944-03-09 — Orques­ta .

C’est la ver­sion de référence, une mer­veille absolue. Mag­nifique piano et voix des deux anges.

Mano Blan­ca 1960 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. y arr. por .

Cette ver­sion, très dif­férente de celle que Castil­lo a enreg­istrée en 1944, est claire­ment une chan­son. Pas ques­tion de la pass­er en bal. Il me sem­ble que Castil­lo sur­joue un peu le titre, mais on peut appréci­er.

Mano Blan­ca 1976 — José Canet con .

Tou­jours la belle asso­ci­a­tion entre la gui­tare de José Canet et la voix de Nel­ly Omar.

Mano Blan­ca c2010 — .

Une ver­sion en chan­son que j’ai trou­vée dans ma col­lec­tion, sans savoir d’où j’avais acheté ce disque.

Mano Blan­ca 2013, Juan Car­los “Tata” Cedrón.

J’ai un petit faible pour “Tata” que j’ai con­nu ado­les­cent (moi, pas lui). Cet enreg­istrement en stu­dio mon­tre qu’il a tou­jours le tan­go dans les veines. Cette vidéo vient de l’ex­cel­lente chaine cul­turelle argen­tine « encuen­tro ».
À bien­tôt, les amis, je monte sur mon petit char­i­ot et je pars sur les rues du Sud, au rythme de mes petits chevaux rouans.

Una vez 1946-11-08 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán

Osvaldo Pugliese Letra : Cátulo Castillo

Nous avons vu le 9 août un tan­go du même titre Una vez inter­prété par la Orques­ta Típi­ca Vic­tor dirigée par Mario Mau­ra­no avec le chant de . La ver­sion du jour est celle com­posée par Osval­do Pugliese et n’a donc rien à voir avec celle de . Je vous pro­pose d’en savoir un peu plus sur cette œuvre roman­tique et mag­nifique.

Extrait musical

Una vez 1946-11-08 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Morán (Osval­do Pugliese Letra : Cátu­lo Castil­lo).
Par­ti­tion de Una vez de Osval­do Pugliese et Cátu­lo Castil­lo. Alfre­do Gob­bi est en pho­to avec son vio­lon en haut à gauche et en bas à droite, le sourire de Mar­i­ano Mores.

Un pre­mier appel est lancé par les ban­donéons, qui est repris par les cordes et le piano. Rapi­de­ment, les cordes passent en pizzi­cati et Morán lance sa voix charmeuse et cares­sante. On retrou­ve donc un peu le principe de la ver­sion de Mar­cuc­ci avec la voix en con­tre­point avec les cordes. L’har­monie est cepen­dant plus tra­vail­lée, avec un enchevêtrement des par­ties plus com­plexe. Le soliste laisse par­fois la place aux instru­ments qui don­nent le motif avec leur voix pro­pre. On notera que Morán chante durant toute la durée du morceau, ce qui n’é­tait pas si courant à l’époque pour les tan­gos de danse. On pour­rait en déduire qu’il était plus conçu pour l’é­coute, mais aujour­d’hui, les sont telle­ment habitués à ce type de com­po­si­tion qu’ils seraient bien frus­trés si le DJ se les inter­di­s­ait.

Paroles

Una vez fue su amor que llamó
y sobre el abis­mo rodó,
la que amé más que a mí mis­mo fue.
Luz de su mira­da, siem­pre, siem­pre hela­da.
Sabor de , mi amor,
amor que no era nada.
Pequeñez de su burla mor­daz,
una vez, sólo en la vida, una vez.

Pudo lla­marse Renée
o aca­so fuera Manón,
ya no me impor­ta quien fue,
Manón o Renée, si la olvidé…
Muchas lle­garon a mí,
pero pasaron igual,
un mal quer­er me hizo así,
gané en el perder, ya no creí.

Luz lejana y mansa
que ya no me alcan­za.
Mi voz gritó ayer,
hoy, amor, sin esper­an­za.
Una vez, fue su espina tenaz
una vez, sólo en la vida, una vez.
Osval­do Pugliese Letra : Cátu­lo Castil­lo

Traduction libre

Une fois, c’é­tait son amour qui m’ap­pelait puis vagabondait au-dessus de l’abîme, celle que j’aimais plus que moi-même.
La lumière de son regard, tou­jours, tou­jours glaciale.
Le goût sans goût, mon amour, amour qui n’é­tait rien.
La petitesse de sa moquerie mor­dante, une fois, seule­ment dans la vie, une fois.
Elle aurait pu s’ap­pel­er Renée ou peut-être que c’é­tait Manón, je m’en moque de qui c’é­tait, Manón ou Renée, si je l’ai oubliée…
Beau­coup sont venues à moi, mais elles sont passés égale­ment, un mau­vais amour m’a fait comme ça, j’ai gag­né en per­dant, je n’y croy­ais plus.
Lumière loin­taine et douce qui ne m’at­teint plus.
Ma voix a crié hier, aujour­d’hui, amour, sans espoir.
Une fois, ce fut son aigu­il­lon tenace une fois, seule­ment dans la vie, une fois.

Autres versions

Con­traire­ment à la ver­sion de Car­los Mar­cuc­ci, il y a divers enreg­istrements de ce titre com­posé par Pugliese avec des paroles de Castil­lo.

Una vez 1945 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con .

Un an avant Pugliese, Dona­to pro­pose son . Si on retrou­ve la puis­sance de la com­po­si­tion de l’an­tim­u­fa, la voix de Morel a un peu de mal à con­va­in­cre, mal­gré son prénom d’Os­val­do. Le résul­tat n’est pas vilain, mais à mon avis, ce n’est pas trop per­ti­nent pour Dona­to d’avoir voulu met­tre à son réper­toire, ce titre qui s’éloigne trop de son style, style qu’il cher­chait à mod­erniser pour rat­trap­er l’évo­lu­tion.

Una vez 1946-10-31 — Orques­ta Osmar Mader­na con Pedro Dáti­la.

Précé­dant de peu la ver­sion enreg­istrée par Pugliese, celle de Mader­na avec Pedro Dáti­la est intéres­sante. Le piano de Mader­na est plus déco­ratif que celui de Pugliese et la voix de Pedro Dáti­la est expres­sive, sans doute autant que celle de Alber­to Morán, si on peut préfér­er ce dernier, c’est peut-être aus­si, car sa voix nous est plus famil­ière. Même si on préfère la ver­sion de Pugliese, celle de Mader­na est tout à fait dansante, voire plus que celle de l’au­teur de la musique.

Una vez 1946-11-08 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán. C’est notre .
Una vez 1964 — Orques­ta Ful­vio Sala­man­ca con Luis Roca.

Sala­man­ca n’a pas la répu­ta­tion de faire de la musique pour la danse et cet enreg­istrement ne con­tredi­ra pas ce fait. Cela n’in­ter­dit pas d’aimer cette ver­sion et de détester le DJ qui vous la pro­poserait en bal 😉

Una vez 1968-05-31 — Alber­to Morán accom­pa­g­né par una Orques­ta dirigée par .

Si Cupo a fait quelques enreg­istrements intéres­sants et que le chanteur, Morán, est le même que dans la ver­sion de Pugliese (24 ans plus tard), il est dif­fi­cile de s’en­t­hou­si­as­mer pour cette ver­sion.

Photos

Le fait que ce soit Mores et Gob­bi sur la par­ti­tion m’a don­né l’idée de vous pro­pos­er des pho­tos de Pugliese et de Castil­lo.

Pugliese, Pugliese, Pugliese, lancé par les artistes et tech­ni­ciens du spec­ta­cle pour con­jur­er le mau­vais sort. Pugliese, antim­u­fa…
Castil­lo, Castil­lo, Castil­lo, mais là, cela n’a aucun effet antim­u­fa (anti-poisse).

Shusheta (El aristócrata) 1940-10-08 — Orquesta Carlos Di Sarli

Letra: Enrique Cadícamo

Shusheta ou sa vari­ante shushetín désigne un dandy, un jeune homme élé­gant, avec une nuance qui peut aus­si qual­i­fi­er un mouchard. Les Dic­ta­teurs de la Décen­nie infâme ne s’y sont pas trompés et l’his­toire des paroles en témoigne. Ce por­trait de ce shusheta, peint crû­ment par Cadí­camo sur la musique de Cobián n’est pas si flat­teur.

Extrait musical

1940-10-08 — Orques­ta Car­los Di Sar­li
Par­ti­tion de Shusheta « Gran tan­go de salón para piano ».

Paroles usuelles (1938)

a été écrit en 1920 et était donc instru­men­tal, jusqu’à ce que Cadí­camo accède à la demande de son ami de lui écrire des paroles pour ce titre. Il le fit en 1934, mais la ver­sion habituelle est celle déposée à la SADAIC en 1938.

Toda la calle Flori­da lo vio
con sus polainas, galera y bastón…

Dicen que fue, allá por su juven­tud,
un gran Don Juan del de ayer.
Engalanó la puer­ta (las fies­tas) del Jock­ey Club
y en el ojal siem­pre llev­a­ba un clav­el.

Toda la calle Flori­da lo vio
con sus polainas, cham­ber­go (galera) y bastón.

Apel­li­do dis­tin­gui­do,
gran señor en las reuniones,
por las damas sus­pira­ba
y con­quista­ba
sus cora­zones.
Y en las tardes de Paler­mo
en su coche se pasea­ba
y en procu­ra de un encuen­tro
iba el porteño
con­quis­ta­dor.

Ah, tiem­pos del Petit Salón…
Cuán­ta locu­ra juve­nil…
Ah, tiem­po de la
sec­ción Cham­pán Tan­go
del “Armenonville”.

Todo pasó como un fugaz
instante lleno de emo­ción…
Hoy sólo quedan
de tu corazón…

Toda la calle Flori­da lo vio
con sus polainas, galera y bastón.
Juan Car­los Cobián Letra: Enrique Cadí­camo

Var­gas ne chante pas ce qui est en bleu. Cette par­tie des paroles est peut-être un peu plus faible et de toute façon, cela aurait été trop long pour un tan­go de danse.
En gras les mots chan­tés par Var­gas à la place de ceux de Cadí­camo.

libre des paroles usuelles et indications

Toute la rue Flori­da l’a vu avec ses guêtres, son cha­peau et sa canne… (Polainas, c’est aus­si con­trar­iété, revers, décep­tion, Galera, c’est aus­si la prison ou la boîte à gâteau des fils de bonne famille. On peut donc avoir deux lec­tures des paroles, ce que con­firme la ver­sion, orig­i­nale, plus noire. Pré­cisons toute­fois que la par­ti­tion déposée à la SADAIC indique cham­ber­go, cha­peau. Ce serait donc Var­gas qui aurait adap­té les paroles).
On dit qu’il était, dans sa jeunesse, un grand Don Juan du Buenos Aires d’an­tan.
Il déco­rait la porte (Var­gas chante les fêtes) du Jock­ey Club et por­tait tou­jours un œil­let à la bou­ton­nière.
Toute la rue Flori­da l’a vu avec ses guêtres, son cha­peau et sa canne.
Un nom de famille dis­tin­gué, un grand seigneur dans les réu­nions, il soupi­rait pour les dames et con­quérait leurs cœurs.
Et les après-midi de Paler­mo, il se prom­e­nait dans sa voiture à la recherche d’un ren­dez-vous, ain­si allait le porteño con­quérant.
Ah, l’époque du Petit Salón… (Deux tan­gos s’ap­pel­lent Petit Salón, dont un de Vil­lo­do [mort en 1919]. L’autre est de Vicente Demar­co né en 1912 et qui n’a sans doute pas con­nu le Petit Salón).

Com­bi­en de folie juvénile…
Ah, c’est l’heure du Tan­go Cham­pagne de l’Ar­menonville.
Tout s’est passé comme un instant fugace et plein d’é­mo­tion…
Aujour­d’hui, il ne reste que des sou­venirs de ton cœur…
Toute la rue Flori­da l’a vu avec ses guêtres, son cha­peau et sa canne

Premières paroles (1934)

Ces paroles n’ont sem­ble-t-il jamais été éditées. Selon Juan Ángel Rus­so, Cadí­camo les aurait écrites en 1934.
Cette ver­sion n’a été enreg­istrée que par Osval­do Ribó accom­pa­g­né à la gui­tare par Hugo Rivas.
On notera qu’elles men­tion­nent shusheta, ce que ne fait pas la ver­sion de 1938 :

Pobre shusheta, tu tri­un­fo de ayer
hoy es la causa de tu pade­cer…
Te has apa­gao como se apa­ga un can­dil
y de sha­cao sólo te que­da el per­fil,
hoy la vejez el armazón te ha aflo­jao
y parecés un ban­doneón desin­flao.
Pobre shusheta, tu tri­un­fo de ayer
hoy es la causa de tu pade­cer.

Yo me acuer­do cuan­do entonces,
al influ­jo de tus guiyes,
te mima­ban las minusas,
las más papusas
de Armenonville.
Con tu smok­ing relu­ciente
y tu pin­ta de alto ran­go,
eras rey bai­lan­do el tan­go
tenías patente de gigoló.

Madam Gior­get te supo dar
su gran amor de gigo­let,
la Ñata Inés te hizo soñar…
¡y te empeñó la vuaturé !
Y te acordás cuan­do a Renée
le regalaste un reló
y al otro día
la fulería
se paró.
Juan Car­los Cobián Letra: Enrique Cadí­camo

Traduction libre de la première version de 1934

Pau­vre shusheta (un shusheta est un jeune vêtu à la mode en lun­far­do, voire un “petit maître”), ton tri­om­phe d’hi­er est aujour­d’hui la cause de tes souf­frances…
Tu t’es éteint comme s’éteint une chan­delle et de sha­cao (je n’ai pas trou­vé la référence) il ne te reste que le pro­fil, aujour­d’hui la vieil­lesse t’a relâché le squelette et tu ressem­bles à un ban­donéon dégon­flé.
Pau­vre shusheta, ton tri­om­phe d’hi­er est aujour­d’hui la cause de ta souf­france.
Je me sou­viens qu’alors, sous l’in­flu­ence de tes guiyes (gilles, copains ?), tu étais choyé par les minusas (les filles), les plus papusas (poupées, filles) d’Ar­menonville.
Avec ton smok­ing bril­lant et ton look de haut rang, tu étais le roi en dansant le tan­go, tu tenais un brevet de gigo­lo.
Madame Gior­get a su vous don­ner son grand amour de gigo­lette, Ñata Inés vous a fait rêver… (le salon de Ñata Inés était un étab­lisse­ment de San­ti­a­go, au Chili, appré­cié par Pablo Neru­da) et a mis ta décapotable (vuaturé est une voiture avec capote rabat­table à deux portes. Pronon­ci­a­tion à la française.) en gage !
Et tu te sou­viens quand tu as offert une mon­tre à Renée (sans doute une Française…) et que le lende­main les choses se sont arrêtées.

Dans El mis­te­rio de la Ñata Inés, Luis Sánchez Latorre dans le jour­nal chilien Las Últi­mas Noti­cias du 15 juil­let 2006, s’in­ter­roge sur ce qu’é­tait réelle­ment la Ñata Inés. Sans doute un étab­lisse­ment mixte pou­vant aller de la scène à la pros­ti­tu­tion, comme les étab­lisse­ments de ce type en Argen­tine.

D’Agostino et la censure

Vous l’au­rez com­pris, le terme Shusheta qui peut qual­i­fi­er un « mouchard » a fait que le tan­go a été cen­suré et qu’il a dû chang­er de nom.
En effet, pour éviter la cen­sure, D’Agosti­no a demandé à Cadí­camo une ver­sion expurgée que je vous pro­pose ci-dessous.
On notera toute­fois que la ver­sion chan­tée en 1945 par Var­gas prend les paroles habituelles, celles de 1938, mais débar­rassée du titre polémique au prof­it du plus neu­tre El aristócra­ta. C’est la rai­son pour laque­lle, les ver­sions d’a­vant 1944 (la cen­sure a com­mencé à s’ex­ercer en 1943) s’ap­pel­lent Shusheta et les postérieures El aristócra­ta. Aujour­d’hui, on donne sou­vent les deux titres, ensem­ble ou indif­férem­ment. On trou­ve aus­si par­fois El ele­gante.

Paroles de El aristócrata, version validée par la censure en 1944

Toda la calle Flori­da te vio
con tus polainas, galera y bastón.

Hoy quien te ve…
en fal­sa escuadra y cha­cao,
toman­do sol con un nieti­to a tu lao.
Vos, que una vez romp­iste un cabaré,
hoy, reti­rao… ni amor, ni guer­ra querés.

Toda la calle Flori­da te vio
con tus polainas, galera y bastón.

Te apod­a­ban el shusheta
por lo bien que te vestías.
Peleador y calav­era
a tu man­era te divertías…
Y hecho un dandy, medio en copas,
en los altos del Casi­no
la pato­ta te aclam­a­ba
sí milongue­abas un buen gotán.

Ah, tiem­po del Petit Salón,
cuán­ta locu­ra juve­nil…
Ah, tiem­po aquel de la Sec­ción
Cham­pán-Tan­go de Armenonvil.
Todo pasó como un fugaz
instante lleno de emo­ción.
Hoy solo quedan
recuer­dos en tu corazón.

Toda la calle Flori­da te vio
con tus polainas, galera y bastón.

Traduction libre de la version de 1944

Toute la rue Flori­da t’a vu avec tes guêtres, ton cha­peau et ta canne.
Aujour­d’hui, qui te voit…
Avec une pochette fac­tice et cha­cao (???), prenant le soleil avec un petit-fils à tes côtés.
Toi, qui as autre­fois dévasté un cabaret, tu prends aujour­d’hui ta retraite… Tu ne veux ni amour ni guerre.
Toute la rue Flori­da t’a vu avec tes guêtres, ton cha­peau et ta canne.
On te surnom­mait le shusheta à cause de la façon dont tu t’ha­bil­lais.
Bagar­reur et crâneur, à ta manière, tu t’es amusé…
Et fait un dandy, les coupes à moitié bues, depuis les hau­teurs (galeries) du Casi­no, la bande t’en­cour­agerait si tu milonguéais un bon gotan (Tan­go en ver­lan).
Ah, cette époque du Petit Salon, que de folie juvénile…
Ah, cette époque de la sec­tion Cham­pagne-Tan­go de l’Ar­menonville.
Tout est passé comme un instant fugace et plein d’é­mo­tion.
Aujour­d’hui, il ne reste que des sou­venirs dans ton cœur.
Toute la rue Flori­da t’a vu avec tes guêtres, ton cha­peau et ta canne.

Autres versions

Shusheta 1923-03-27 — Orques­ta Juan Car­los Cobián.

Le pre­mier , par le com­pos­i­teur, Juan Car­los Cobián. C’est bien sûr une ver­sion instru­men­tale, puisque les paroles n’ont été écrites que onze ans plus tard.

Shusheta (El aristócra­ta) 1940-10-08 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour.
El aristócra­ta (El Shusheta) 1945-04-05 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

Cette ver­sion, sans doute la plus con­nue, utilise les paroles non cen­surées de 1938. Le titre a été mod­i­fié pour éviter la cen­sure. Il est vrai qu’en dehors de Shusheta qui pou­vait irrit­er un censeur très sus­picieux, le texte n’é­tait pas si sub­ver­sif. J’imag­ine que D’Agosti­no qui avait envie d’en­reg­istr­er le titre avec Var­gas a demandé les paroles cen­surées, puis y a renon­cé, peut-être en ayant acquis la cer­ti­tude que la cen­sure n’in­ter­di­rait pas ce titre. Var­gas a apporté de très légères mod­i­fi­ca­tions au texte, mais sans que cela soit pour des raisons de cen­sure, ces mod­i­fi­ca­tions étant anodines.

Shusheta 1951-05-30 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion éton­nante, pour l’au­di­teur, mais encore plus pour le danseur qui pour­rait bien se venger d’un DJ qui la dif­fuserait en milon­ga. Je n’ai pas dit qu’il fal­lait jeter cet enreg­istrement, juste le réserv­er pour l’é­coute.

El aristócra­ta (Shusheta) 1952 — Juan Poli­to y su Orques­ta Típi­ca.

L’an­cien com­plice de D’Arien­zo a ses débuts et de nou­veau, quand il a rem­placé Biag­gi qui venait de se faire vir­er, pro­pose une ver­sion nerveuse et ma foi sym­pa­thique de Shusheta. La ryth­mique pour­rait décon­cen­tr­er des danseurs très habitués à d’autres ver­sions, mais on peut s’a­muser, lorsque l’on con­naît un peu le titre avec les facéties de Poli­to au piano. On se sou­vient que quand il avait rem­placé Bia­gi, il avait con­tin­ué les fior­i­t­ures de son prédécesseur. Là, ces orne­men­ta­tions sont bien per­son­nelles et ne doivent rien à Bia­gi.

Shusheta (El aristócra­ta) 1957-08-30 — Ángel Var­gas y su Orques­ta dirigi­da por .

Var­gas fait cav­a­lier seul, sans D’Agosti­no. Je vous con­seille de vous sou­venir plutôt de la ver­sion de 1945.

Shusheta (El Ele­gante) 1970 — con cuer­das arreg­los de .

Une ver­sion des­tinée à l’é­coute, au con­cert.

Shusheta 2019-08-28 ou 29 – Sex­te­to Cristal.

Je vous pro­pose d’ar­rêter là, il existe bien d’autres ver­sions, mais rien qui puisse faire oubli­er les mer­veilleuses ver­sions de D’Agosti­no et Var­gas et celle de Di Sar­li.

El cuarteador 1941-09-08 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino

Rosendo Luna (Enrique Domingo Cadícamo) (Musique et paroles)

Rosendo Luna, de son nom com­plet Enrique Domin­go Cadí­camo a com­posé et écrit les paroles de notre , El cuar­teador. C’est pour nous l’oc­ca­sion de décou­vrir un méti­er oublié, ban­ni de Buenos Aires en 1966 avec l’in­ter­dic­tion des moteurs de sang (la trac­tion ani­male). El cuar­teador est un cav­a­lier muni d’une forte mon­ture qui loue ses ser­vices aux voi­turi­ers embour­bés ou en mau­vaise passe.

Enrique Cadí­camo a com­posé ce titre sur le mini piano qu’il venait d’a­cheter.

Schroed­er, le peanuts créé par Charles M. Schulz et son mini piano.

Je me suis posé la ques­tion de savoir ce qu’é­tait un mini piano. En fait, ce n’est prob­a­ble­ment pas un instru­ment dans le genre de celui de Schroed­er, mais tout sim­ple­ment un piano droit, sans doute un peu moins large avec seule­ment cinq ou six octaves. Son instru­ment était de la mai­son John Car­litt, une mai­son alle­mande de la ville de Dres­de et ce fac­teur fai­sait dans le piano tra­di­tion­nel, pas dans le jou­et. Cadí­camo sem­ble avoir été assez dis­cret sur l’usage de cet instru­ment, il n’a sans doute pas été un véri­ta­ble pianiste, son tal­ent n’en a absol­u­ment pas souf­fert comme on peut l’en­ten­dre dans cette com­po­si­tion.
Curieuse­ment, n’a pas com­posé ce titre ou un autre du même genre alors qu’il a tra­vail­lé comme cuar­teador. Ce sont deux autres Ángel, D’Agosti­no et Var­gas qui l’en­reg­istreront à la suite de Troi­lo-Fiorenti­no et Canaro-Amor.
Atten­tion, nous allons patauger dans la boue, dans la boue de Bar­ra­cas.

Extrait musical

El cuar­teador 1941-09-08 — Orques­ta con . Le titre com­mence par une annonce.

Paroles

Fue en un café de la Boca y allá por el ano dos, donde este tan­go nació. Esta­ba lin­da la fies­ta. Y com­padre­an­do la orques­ta de esta man­era empezó.
Yo soy Pru­den­cio Navar­ro,
.
Ten­go un pin­go que en el bar­ro
cualquier car­ro
tira y saca.
Overo de anca par­ti­da,
que en un tra­ba­jo de cuar­ta
de la zan­ja siem­pre aparta
¡Chiche!
la rue­da que se ha quedao.

Yo que tan­ta cuar­ta di,
yo que a todos los prendí
a la cin­cha de mi percherón,
hoy, que el car­ro de mi amor se me enca­jó,
no hay uno que pa’ mi
ten­ga un tirón.

En la calle del quer­er
el amor de una mujer
en un bache hundió mi corazón…
¡Hoy, ni mi overo me saca
de este pro­fun­do zan­jón!

Yo soy Pru­den­cio Navar­ro,
el cuar­teador de Bar­ra­cas.
Cuan­do ve mi overo un car­ro
com­padre­an­do
se le atra­ca.

No hay car­ga que me lo achique,
porque mi chu­zo es valiente;
yo lo llamo suave­mente
¡Chiche!
Y el pin­go pega el tirón.

Rosendo Luna (Enrique Domin­go Cadí­camo) (Musique et paroles)

Traduction libre et indications

C’é­tait dans un café de La Boca et en l’an 2 (1902) que ce tan­go est né. La fête était sym­pa. Et l’orchestre ami­cale­ment com­mença de cette façon.

Je suis Pru­den­cio Navar­ro, le cuar­teador de Bar­ra­cas.
J’ai un pin­go (cheval en ) qui tire et sort de la boue n’im­porte quel char­i­ot.
Overo (Cheval couleur de pêche, aubère ou alezan) avec la croupe fendue (car mus­clée), qui dans un tra­vail de cuar­ta (tra­vail du cuar­teador qui con­siste à tir­er des char­i­ots embour­bés. Le nom vient du fait que l’on pli­ait la san­gle de tirage pour la ren­dre quadru­ple et ain­si plus résis­tante), du fos­sé sort tou­jours, Chiche ! (Nom du cheval, ou expres­sion pour le mobilis­er) la roue qui était coincée.
Moi qui ai don­né tant de cuar­tas, moi qui les ai tous accrochés à la san­gle de mon percheron, aujour­d’hui, que la voiture de mon amour s’est coincée, il n’y en a pas un qui pour moi ferait une trac­tion.
Dans la rue de l’amour, l’amour d’une femme dans un nid-de-poule a fait som­br­er mon cœur…
Aujour­d’hui, même mon overo ne peut pas me sor­tir de ce fos­sé pro­fond !
Je suis Pru­den­cio Navar­ro, le cuar­teador de Bar­ra­cas.
Quand mon overo voit une voiture, il s’y colle (comme un amoureux qui recherche le con­tact d’une femme, jeu de mots, car c’est aus­si attach­er le char­i­ot).
Il n’y a pas de fardeau qui puisse le rétré­cir, parce que mon chu­zo (aigu­il­lon) est courageux ; je l’ap­pelle douce­ment Chiche ! Et le pin­go (cheval, mais peut aus­si avoir un sens plus coquin) tire.

Autres versions

El cuar­teador 1941-09-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est notre tan­go du jour.
El cuar­teador 1941-10-06 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con .
El cuar­teador 1942 Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

Mais Enrique Cadí­camo a aus­si réal­isé un court métrage où on peut enten­dre les deux anges inter­préter ce thème. Nous en avons déjà par­lé à pro­pos de .

Voici la vidéo au moment où D’Agosti­no et Var­gas enta­ment El cuar­teador de Bar­ra­cas, mais je vous recom­mande de voir les 9 min­utes du court-métrage en entier, c’est intéres­sant dès le début et avant El cuar­teador de Bar­ra­cas, il y a Tres Esquinas

El cuar­teador de Bar­ra­cas à 6:54 du film de Enrique Cadí­camo.
Tim­bre uruguayen met­tant en avant un cuar­teador. Remar­quez le har­nache­ment du cheval.

Los cuarteadores

Nous avons vu qu’Ángel Vil­lol­do avait exer­cé ce méti­er, mais il avait aus­si été clown dans un cirque, typographe et a de fait exercer de nom­breux petits métiers pour sur­vivre.
Pour les mêmes raisons, les gau­chos dont les ter­ri­toires ont été rat­trapés par l’ur­ban­i­sa­tion de Buenos Aires se sont adap­tés et sont passés du gar­di­en­nage des vach­es au sauve­tage des char­i­ots et tran­vias (tramways) en péril dans la boue ou dans des décliv­ités trop fortes.
Pour les voy­ages en char­i­ot, il était pru­dent de s’at­tach­er les ser­vices d’un ou plusieurs cuar­teadores pour pou­voir se tir­er d’embarras dans les chemins défon­cés qui ser­vaient de routes à l’époque.

À gauche, Pru­den­cio Navar­ro par Rodol­fo Ramos et à droite, des voyageurs atten­dant les cuar­teadores…

Voici com­ment les voyageurs J. et G. Robert­son, nar­rèrent leur tra­ver­sée de la pam­pa entre Buenos Aires et San­ta Fe.

« Après avoir attaché l’at­te­lage à la malle-poste (dili­gence), sous la direc­tion du cocher, on adjoignit qua­tre cuar­teadores, mal vêtus, cha­cun sur son cheval, sans autre har­nais que la san­gle.
Celle-ci était attachée par une extrémité à la selle et de l’autre au tim­on de la voiture…
À peine avions-nous atteint les faubourgs que nous ren­con­trâmes un de ces ter­ri­bles marécages.
Ce sont des mass­es de boue épaisse de trois à trois mètres et demi de pro­fondeur et trente à cinquante de largeur (la pro­fondeur sem­ble exagérée, mais retenons que c’é­tait boueux).
Les cuar­teadores éclaboussèrent dans la boue, puis la deux­ième équipe les suiv­it, et lorsque les deux équipes quit­tèrent le marais et, par con­séquent, furent sur la terre ferme, avant que la voiture n’en­tre dans le bour­bier, elles avaient gag­né un endroit où se tenir pour dévelop­per leur force.
À coups de fou­et et d’éper­on, encour­agés par les cris des pos­til­lons, les chevaux nous traînèrent tri­om­phale­ment hors du marais.
De cette façon, nous avons tra­ver­sé avec tous les bour­biers, marécages et ruis­seaux qui sépar­ent Buenos Aires et San­ta Fe. »

La gravure du 19e siè­cle qui m’a servie pour réalis­er l’ de l’anec­dote.

On remar­quera la san­gle (ici qui n’est pas quadru­ple), entre la selle et le tim­on. Il s’ag­it d’aider dans une mon­tée. J’ai rajouté de la boue dans ma ver­sion pour ren­dre l’ex­péri­ence encore plus probante. Cette gravure est indiquée comme étant de Buenos Aires, mais je n’ai pas trou­vé le lieu. On remar­quera au pre­mier plan à droite, un autre cuar­teador se relax­ant avec le pied sur la san­gle de tirage posée sur la croupe du cheval. Il attend à son tour que des char­i­ots fassent appel à ses ser­vices.
Voilà, cette anec­dote tire à sa fin, vous écouterez sans doute de façon dif­férente les belles ver­sions de cette com­po­si­tion de Rosendo Luna.

El marajá 1951-08-03 – Orquesta Domingo Federico

Francisco Federico

Notre tan­go du Jour est très orig­i­nal, par son titre, par sonorité et par sa rareté. Un mara­já (mahara­já) est bien sûr un maharad­jah qui pour l’époque qui nous intéresse est un des princes feu­dataires de l’Inde. La sonorité de la musique le con­firme rapi­de­ment si on avait un doute.

Un Federico peut en cacher un autre

Qua­tre âges de Domin­go Fed­eri­co.

Domin­go Fed­eri­co (1916–2000) avait une petite sœur, Nél­i­da Cristi­na Fed­eri­co (1920–2007). Ban­donéon­iste, (1920–2007). Cette dernière indique que son père, Fed­eri­co était vio­loniste et même pro­fesseur de vio­lon selon son frère, Domin­go et c’est là que les prob­lèmes com­men­cent.
Un Fran­cis­co Fed­eri­co, on en a un en stock, mais il était con­tre­bassiste, notam­ment dans l’orchestre de Miguel Caló. Il était égale­ment com­pos­i­teur, par exem­ple de El mara­já dont on par­le aujour­d’hui.
Selon Nél­i­da, c’est son père et Domin­go qui l’ont ini­tié à la musique. Il est donc fort prob­a­ble que le Fran­cis­co auteur de ce tan­go soit le père de Nél­i­da et Domin­go, sinon, pourquoi ne pas par­ler de son autre frère qui comme com­pos­i­teur et con­tre­bassiste aurait pu aus­si con­tribuer à la for­ma­tion musi­cale de la jeune femme ?
Une autre indi­ca­tion est le fait que le tan­go Salu­dos est cosigné Domin­go et Fran­cis­co Fed­eri­co et qu’à cette époque, Fran­cis­co Fed­eri­co était con­tre­bassiste dans l’orchestre de Miguel Caló.
Sur le fait de jouer plusieurs instru­ments, c’é­tait une par­tic­u­lar­ité de la famille et de nom­breux autres musi­ciens de tan­go. Nél­i­da aurait com­mencé à étudi­er le vio­lon, puis serait passé au piano et au ban­donéon.
En effet, le pre­mier jan­vi­er 1931, avec son frère Domin­go, elle jouait au Café Tokyo de Junín en com­pag­nie de son frère âgé de 14 ans (elle devait donc avoir env­i­ron 11 ans). Lui au ban­donéon et elle au piano. Le clou du spec­ta­cle est qu’ils échangèrent les rôles, lui au piano et elle au ban­donéon, le père étant le con­seiller musi­cal du duo qui fut appelé, le Duo Fed­eri­co.
J’avais donc mon­té l’hy­pothèse que le Fran­cis­co de et de El mara­já était le père ou sinon le frère de Nél­i­da et Domin­go. Pour lever cette ambiguïté, j’ai con­tac­té des col­lègues et l’ex­cel­lent Cami­lo Gat­i­ca m’a ori­en­té vers une source que j’avais con­sultée, mais dans une ver­sion inac­ces­si­ble pour moi.
Cette source com­plète con­firme toutes mes hypothès­es, je cite donc la con­clu­sion de Cami­lo (avec des ajouts entre par­en­thès­es) : « Ain­si, Fran­cis­co était pianiste, ban­donéon­iste, vio­loniste (et même pro­fesseur de vio­lon selon son fils), con­tre­bassiste (dans l’orchestre de Miguel Calo) et avait des con­nais­sances en musique. Il était le père de Domin­go et Nél­i­da ».

Domin­go et Nél­i­da Fed­eri­co avant…
Domin­go et Nél­i­da après une vie d’artiste (Nél­i­da avait aban­don­né le ban­donéon pour la pein­ture, mais est rev­enue ensuite au ban­donéon).

Extrait musical

El mara­já 1951-08-03 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co.
El mara­já 1951-08-03 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co.

Un motif très léger de flûte eth­nique com­mence l’œu­vre. La mélodie prin­ci­pale a des car­ac­téris­tiques qui la rap­prochent de la musique ori­en­tale. On ne peut donc à aucun moment écarter la volon­té de référence à un ori­ent.
On notera la grande richesse des con­tre­points, les instru­ments se lançant à tour de rôle de dans de belles phras­es qui s’en­la­cent et s’enchevêtre, tout en gar­dant une grande clarté.
Les motifs, plus typ­ique­ment ori­en­taux, revi­en­nent régulière­ment pour rap­pel­er le thème.
Étant igno­rant en musique indi­enne, je ne peux pas vous pro­pos­er d’œu­vres de com­para­i­son qui per­me­t­traient de définir la source d’in­spi­ra­tion de Fran­cis­co Fed­eri­co. Cepen­dant, ceux qui con­nais­sent Ravi Shankar ou George Har­ri­son (le gui­tariste des Bea­t­les)ver­ront toute de suite des analo­gies, même si Fran­cis­co et Domin­go Fed­eri­co ne font pas appel au sitar. Que ce soit un ori­ent de fan­taisie ou savant, cela évoque l’Inde et l’un de ses princes, un mahara­já.

Mais qui est ce  ?

Le fait que le père de Domin­go soit l’au­teur de ce tan­go est impor­tant, car en 1925, un mahârâ­jah est venu en Argen­tine et a été reçu en grande pompe, au point que le Prési­dent Alvear a dû sor­tir de sa poche une par­tie du finance­ment, car l’en­veloppe de dépense avait explosé.
Le voyageur était le mahârâ­jah de Kapurtha­la, Jagatjit Singh Sahib Bahadur. Ce prince indi­en était forte­ment européanisé et par­lait français, ce qui était courant dans la haute société argen­tine de l’époque. Il effec­tua son voy­age en habits européens, sans son tur­ban.

Le mahara­jah (au cen­tre de face) en com­pag­nie du prési­dent argentin Alvear (au cen­tre, de pro­fil avec la canne) et du (le deux­ième à par­tir de la gauche).

Le mahara­jah relate son périple dans son jour­nal :
My Tour in South, Cen­tral, and North Amer­i­ca (1926). On y apprend qu’il fai­sait froid à son arrivée à Buenos Aires en prove­nance d’U­ruguay et que Buenos Aires est le lieu qui lui a le plus plu de son voy­age. On peut le croire quand on con­state qu’un quart de son livre est con­sacré à son pas­sage dans la province. Par­mi ses vis­ites, en plus du théâtre Colon et les récep­tions habituelles, il est allé à Tigre et dans un site inso­lite que j’ai choisi de met­tre en fond de la pho­to de cou­ver­ture.
Il s’ag­it du château estancia Hue­tel situé à 200 km de Buenos Aires, dans la . Il pas­sa deux jours dans ce château imi­tant le style français Louis XIII appar­tenant à doña Con­cep­ción Unzué de Casares.

Quelques vues du château estancia Hue­tel con­stru­it par l’ar­chi­tecte fran­co-suisse Jacques Dunant. Né à Genève, Jacques Dunant fit ses études d’ar­chi­tecte aux Beaux-Arts de Paris. Pour l’ex­po­si­tion uni­verselle de 1889 (celle où a été con­stru­ite la Tour Eif­fel), il tra­vail­la au pavil­lon de l’Ar­gen­tine. En 1995, il fut appelé à Buenos Aires pour juger du con­cours pour l’at­tri­bu­tion de la con­struc­tion du Con­gres­so. Il se fixa en Argen­tine et y réal­isa de nom­breux édi­fices (ain­si qu’en Uruguay). La con­struc­tion de l’es­tancia Hue­tel a com­mencé en 1906.

Au pro­gramme, un con­cert de . Un chanteur d’o­rig­ine française, dans un château de style français par un archi­tecte français, il n’en fal­lait pas plus pour ravir le mahârâ­jah fran­cophile.
Pour être pré­cis, Gardel n’é­tait pas seul. Il était accom­pa­g­né de Raz­zano et de leurs gui­taristes Ricar­do et Bar­bi­eri et d’un instru­men­tiste impromp­tu…
Gardel et Raz­zano com­mencèrent à inter­préter Lin­da provin­ciani­ta, Gal­le­gui­ta, , et . Alors, Le Prince de Galles qui était égale­ment invité est par­ti dans sa suite chercher un ukulélé et il se mit à en jouer y com­pris sur les chan­sons de Gardel et Raz­zano.
Jagatjit Singh Sahib Bahadur (le mahara­jah) racon­te dans son jour­nal que l’ac­cueil de la pop­u­la­tion argen­tine a été ent­hou­si­aste dans tous les points de son voy­age dans le pays et qu’on l’ac­cueil­lait aux cris de “Viva el Mahara­já”, y com­pris aux haltes du train qui le mena par la suite vers le Chili.

My Tour in South, Cen­tral, and North Amer­i­ca (1926). Sur la pho­to du mahara­jah de Kapurtha­la, Jagatjit Singh Sahib Bahadur, en cos­tume tra­di­tion­nel, on peut voir un fau­teuil qui lui avait été offert à La Pla­ta par le gou­verneur Can­til­lo en août 1925.

La vis­ite d’un prince venu de si loin sem­ble avoir impres­sion­né la pop­u­la­tion et j’imag­ine que c’est bien cette vis­ite qui a don­né l’idée à Fran­cis­co Fed­eri­co d’écrire ce titre.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre ver­sion de ce tan­go, je vous pro­pose de le réé­couter.

El mara­já 1951-08-03 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co.

Domin­go Fed­eri­co est sans doute un musi­cien un peu oublié. Sa retraite à l’éloignant de Buenos Aires a peut-être lim­ité sa vis­i­bil­ité. Je suis donc con­tent, une fois de plus, de lui redonner un peu de présence.

À propos de l’image de couverture

J’ai assem­blé deux images. Une vue de l’estancia Hue­tel et au pre­mier plan, un por­trait du mahara­jah de Kapurtha­la, Jagatjit Singh Sahib Bahadur. Ce por­trait n’est pas d’époque, mais je tenais à présen­ter un mahara­jah avec son tur­ban.

El mara­já (mahârâ­jah) de Kapurtha­la, Jagatjit Singh Sahib Bahadur.

La tablada 1942-07-23 — Orquesta Aníbal Troilo

Francisco Canaro

Quand on pense à l’Argen­tine, on pense à sa viande et ce n’est pas un cliché sans rai­son. Les Argentins sont de très grands ama­teurs et con­som­ma­teurs de viande. Chaque mai­son a sa par­il­la (bar­be­cue) et en ville, cer­tains vont jusqu’à impro­vis­er leurs par­il­las dans la rue avec un demi-bidon d’huile. Dans les espaces verts, il y a égale­ment des par­il­las amé­nagées et si vous préférez aller au restau­rant, vous n’au­rez pas beau­coup à marcher pour obtenir un bon asa­do. Le tan­go du jour, la tabla­da a à voir avec cette tra­di­tion. En effet, la tabla­da est le lieu où est regroupé le bétail avant d’aller au matadero

, matadero, la tabla­da…

Extrait musical

La tabla­da 1942-07-23 — Orques­ta
La tabla­da. La cou­ver­ture de gauche est plus proche du sujet de ce tan­go que celle de droite…
La par­ti­tion est dédi­cacée par Canaro à des amis d’U­ruguay (auteurs, musi­ciens…).

Autres versions

La tabla­da 1927-06-09 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Une ver­sion presque gaie. Les vach­es « gam­badent », du pas lourd du .

La tabla­da 1929-08-02 — Orques­ta .

Une ver­sion pesante comme les coups coups don­nés par les mataderos pour sac­ri­fi­er les ani­maux.

La tabla­da 1929-12-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Cette ver­sion est assez orig­i­nale, on dirait par moment, une musique de dessin ani­mé. Cette ver­sion s’est dégagée de la lour­deur des ver­sions précé­dentes et c’est suff­isam­ment joueur pour amuser les danseurs les plus créat­ifs.

La tabla­da 1936-08-06 — Orques­ta Edgar­do Dona­to.

Une des ver­sions le plus con­nues de cette œuvre.

La tabla­da 1938-07-11 — Orques­ta Típi­ca Bernar­do Ale­many.

Cette ver­sion française fait preuve d’une belle imag­i­na­tion musi­cale. Ale­many est prob­a­ble­ment Argentin de nais­sance avec des par­ents Polon­ais. Son nom était-il vrai­ment Ale­many, ou est-ce un pseu­do­nyme, car il a tra­vail­lé en Alle­magne avant la sec­onde guerre mon­di­ale avant d’aller en France où il a fait quelques enreg­istrements comme cette belle ver­sion de la tabla­da avant d’émi­gr­er aux USA. Ses musi­ciens étaient majori­taire­ment argentins, car il avait fait le voy­age en Argen­tine en 1936 pour les recruter. Cette ver­sion est donc fran­co-argen­tine pour être pré­cis…

La tabla­da 1942-07-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. C’est notre tan­go du jour.
La tabla­da 1946-09-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

L’in­tro­duc­tion en appels sif­flés se répon­dant est par­ti­c­ulière­ment longue dans cette ver­sion. Il s’ag­it de la référence au train qui trans­portait la viande depuis La Tabla­da jusqu’à Buenos Aires. Les employés devaient sif­fler pour sig­naler le départ, comme cela se fait encore dans quelques gares de cam­pagne.

La tabla­da 1950-11-03 — Enrique Mora y su .

Encore une ver­sion bien guillerette et plutôt sym­pa­thique, non ?

La tabla­da 1951 — Orques­ta Rober­to Caló.

C’est le frère qui était aus­si chanteur, mais aus­si pianiste (comme on peut l’en­ten­dre dans cet enreg­istrement), de Miguel Caló.

La tabla­da 1951-12-07 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion qui se veut résol­u­ment mod­erne, et qui explore plein de direc­tions. À écouter atten­tive­ment.

La tabla­da 1955-04-19 — Orques­ta José Bas­so.

Dans cette ver­sion, très intéres­sante et éton­nante, Bas­so s’é­clate au piano, mais les autres instru­ments ne sont pas en reste et si les danseurs peu­vent être éton­nés, je suis sûr que cer­tains apprécieront et que d’autres me maudiront.

La tabla­da 1957 — Mar­i­ano Mores y su Gran Orques­ta Pop­u­lar.

L’hu­mour de Mar­i­ano Mores explose tout au long de cette ver­sion. Là encore, c’est encore un coup à se faire maudire par les danseurs, mais si vous avez envie de rigol­er, c’est à pré­conis­er.

La tabla­da 1957-03-29 — Orques­ta Héc­tor Varela. Varela est plus sérieux, mais sa ver­sion est égale­ment assez foi­son­nante. Décidé­ment, la tabla­da a don­né lieu à beau­coup de créa­tiv­ité.
La tabla­da 1962 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi.

On revient à des choses plus clas­siques avec Rodol­fo Bia­gi qui n’ou­blie pas de fleurir le tout de ses orne­ments au piano. À not­er le jeu des ban­donéons avec le piano et les vio­lons qui domi­nent le tout, insen­si­bles au stac­ca­to des col­lègues.

La tabla­da 1962-08-21 — Cuar­te­to Troi­lo-Grela.

Le duo Grela, Troi­lo est un plaisir raf­finé pour les oreilles. À écouter bien au chaud pour se laiss­er emporter par le dia­logue savoureux entre ces deux génies.

La tabla­da 1965-08-11 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

La spa­tial­i­sa­tion stéréo­phonique est sans doute un peu exagérée, avec le ban­donéon à droite et les vio­lons à gauche. Beau­coup de DJ passent les titres en mono. C’est logique, car tout l’âge d’or et ce qui le précède est mono. Cepen­dant, pour les corti­nas et les enreg­istrements plus récents, le pas­sage en mono peut être une lim­i­ta­tion. Vous ne pour­rez pas vous en ren­dre compte ici, car pour pou­voir met­tre en ligne les extraits sonores, je dois les pass­er en mono (deux fois moins gros) en plus de les com­press­er au max­i­mum afin qu’ils ren­trent dans la lim­ite autorisée de taille. Mes morceaux orig­in­aux font autour de 50 Mo cha­cun. Pour revenir à la dif­fu­sion en stéréo, le DJ doit penser que les danseurs tour­nent autour de la piste et qu’un titre comme celui leur don­nera à enten­dre le ban­donéon dans une zone de la salle et les vio­lons dans une autre. Dans ce cas, il fau­dra lim­iter le panoramique en rap­prochant du cen­tre les deux canaux. Encore un truc que ne peu­vent pas faire les DJ qui se branchent sur l’en­trée ligne où les deux canaux sont déjà regroupés et ne peu­vent donc pas être placés spa­tiale­ment de façon indi­vidu­elle (sans par­ler du fait que l’en­trée ligne com­porte générale­ment moins de réglage de que les entrées prin­ci­pales).

La tabla­da 1966-03-10 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Une meilleure util­i­sa­tion de la spa­tial­i­sa­tion stéréo­phonique, mais ça reste du Sas­sone qui n’est donc pas très pas­sion­nant à écouter et encore moins à danser.

La tabla­da 1968 — Orques­ta Típi­ca Atilio Stam­pone.

Stam­pone a explosé la fron­tière entre la musique clas­sique et le tan­go avec cette ver­sion très, très orig­i­nale. J’adore et je la passe par­fois avant la en musique d’am­biance, ça intrigue les pre­miers danseurs en attente du début de la milon­ga.

La tabla­da 1968-06-05 — Cuar­te­to Aníbal Troi­lo.

On ter­mine, car il faut bien une fin, avec et son cuar­te­to afin d’avoir une autre ver­sion de notre musi­cien du jour qui nous pro­pose la tabla­da.

Après ce menu musi­cal assez riche, je vous pro­pose un petit asa­do

L’asado

Je suis resté dis­cret sur le thème matadero évo­qué dans l’in­tro­duc­tion. Matar en espag­nol est tuer (à ne pas con­fon­dre avec mate) qui est la bois­son nationale. Si vous écrivez « maté », vous voulez dire « tué ». Il ne faut donc surtout pas met­tre d’ac­cent, même si ça prononce maté, ça s’écrit mate. L’ac­cent tonique est sur le ma et pas sur le te. J’ar­rête de tourn­er autour du pot, le matadero, c’est l’a­bat­toir.

À la fin du 16e siè­cle, Jean de Garay appor­ta 500 vach­es d’Eu­rope (et bien sûr quelques tau­reaux). Ces ani­maux se plurent, l’herbe de la était abon­dante et nour­ris­sante aus­si les bovins prospérèrent au point que deux siè­cles plus tard, Félix de Azara, un nat­u­ral­iste espag­nol con­statait que les criol­los ne con­som­maient que de la viande, sans pain.
Plus éton­nant, ils pou­vaient tuer une pour ne manger que la langue ou la par­tie qui les intéres­sait.
Puis, la coloni­sa­tion s’in­ten­si­fi­ant, la viande est dev­enue la nour­ri­t­ure de tous, y com­pris des nou­veaux arrivants. Cer­taines par­ties délais­sées par la « cui­sine » tra­di­tion­nelle furent l’aubaine des plus pau­vres, mais cer­taines par­ties qui étaient très appré­ciées par les per­son­nes raf­finées et nég­ligées par les con­som­ma­teurs tra­di­tion­nels con­tin­u­ent à faire le bon­heur des com­merçants avisés qui répar­tis­sent les par­ties de l’an­i­mal selon les quartiers.
Le tra­vail du cuir est aus­si une ressource impor­tante de l’Ar­gen­tine, mais dans cer­taines provinces, l’asa­do (la gril­lade) se fait avec la peau et dans ce cas, le cuir est per­du. C’est un reste de l’habi­tude de tuer une vache pour n’u­tilis­er que la por­tion néces­saire à un moment don­né.
Les Argentins con­som­ment un kilo de viande et par per­son­ne chaque semaine. Je devrais écrire qui con­som­maient, car depuis l’ar­rivée du nou­veau gou­verne­ment en Argen­tine, le prix de la viande a triplé et la con­som­ma­tion a forte­ment bais­sée en quan­tité (de l’or­dre de 700 grammes par semaine et surtout en qual­ité, les vian­des les moins nobles étant désor­mais plus recher­chées, car moins chères).

Asa­do a la esta­ca (sur des pieux) — Asa­do con cuero (avec la peau de l’an­i­mal) Asa­do dans un restau­rant, les chaînes per­me­t­tent de régler la hau­teur des dif­férentes grilles — asa­do famil­iar.

Tira de asa­do
La viande est attachée à l’os. C’est assez spec­tac­u­laire et plein d’os que cer­tains enlèvent avec leur couteau ou en cro­quant entre les restes de côtes.

Vacio (Vide)
Un morceau de choix, sans os, ten­dre et à odeur forte. IL se cuit lente­ment à feu indi­rect.

Matam­bre
Entre la peau et les os, le matam­bre est recher­ché. Il est égale­ment util­isé roulé, avec un rem­plis­sage entre chaque couche. Une fois découpé en ron­delle, comme une bûche de Noël, c’est très joli. Le rem­plis­sage peut être des œufs durs, des légumes ou autres.

Col­i­ta de cuadril
Par­tie de l’aloy­au (croupe) proche de la queue, d’où le nom.

Entraña
Par­tie intérieure des côtes de veaux.

Bife de chori­zo
Bifteck de chori­zo, un steack à ne pas con­fon­dre avec la saucisse espag­nole de ce nom.

Bife Ancho
Un steack large, épais avec graisse.

Bife angos­to
Le con­traire du précé­dent, plus fin.

Lomo
La longe, une pièce de viande peu grasse.

Palomi­ta
Une coupe par­mi tant d’autres. J’imag­ine que cer­tains y voient une colombe, mais c’est bien du bœuf.

Picaña
Arrière de la longe de bœuf de forme tri­an­gu­laire.

Achuras
Ce sont les abats.
Ils sont présen­tés en tripes, chori­zos, boudins, ris de veau, rognons et autres.
Ils ne font pas l’u­na­nim­ité chez les Argentins, mais un asa­do sans achuras, ce n’est pas un asa­do pour beau­coup.

Bon­di­o­la
Le porc passe aus­si un sale moment sur la par­il­la.
Beau­coup la man­gent en sand­wich dans du pain français (rien à voir avec le pain de France). Le pain peut être chauf­fé sur la par­il­la.

Pechi­to de cer­do
La poitrine de porc fait aus­si par­tie des morceaux de choix de l’asa­do. Elle est con­sid­érée ici comme une viande plus saine (comme quoi tout est relatif).

Des légumes, poivrons, aubergines peu­vent rejoin­dre l’asa­do, mais ce ne sera pas le met préféré des Argentins, même si on y fait cuire un œuf afin de ne pas man­quer de pro­téines…

Le tra­vail de l’asador

C’est la per­son­ne qui pré­pare l’asa­do. Son tra­vail peut paraître sim­ple, mais ce n’est pas le cas.
Il faut pré­par­er les morceaux, par­fois les condi­menter (mod­éré­ment) et la cuis­son est tout un art. Une fois que le bois ou le char­bon de bois sont prêts, il faut régler la hau­teur de la grille afin que la viande cuise douce­ment et longue­ment et de façon adap­tée selon les pièces qui se trou­vent aux dif­férents endroits de la grille.
Beau­coup d’Ar­gentins aiment la viande bien cuite, les steaks tartares sont une idée qui n’est pas dans le vent ici. D’autres l’ai­ment à point et la bonne viande se coupe à la cuil­lère, voire avec le manche de la cuil­lère.
Hors de l’Ar­gen­tine, il est assez dif­fi­cile de con­va­in­cre un bouch­er de découper la viande à l’Ar­gen­tine, à moins de bien lui expli­quer et d’a­cheter 40 kilos d’un coup. Il vous fau­dra donc aller en Argen­tine ou dans un restau­rant argentin qui s’ap­pro­vi­sionne bien sou­vent en bœuf de l’Aubrac (France).
La cou­tume veut qu’on applaud­isse l’asador qui a passé des heures à faire cuire amoureuse­ment les ani­maux.
L’Ar­gen­tine n’est pas le par­adis des végé­tariens, d’au­tant plus que les légumes sont sou­vent plus chers que la viande (même si en ce moment, c’est moins le cas). Il faut compter entre 4 et 10 $ le kilo, voire moins si vous achetez de gross­es quan­tités, si vous payez en liq­uide, si vous avez la carte de telle ou telle banque… L’Ar­gen­tine four­mille d’as­tuces pour pay­er un peu moins cher.
Ne sortez pas l’Amer­i­can Express ici son slo­gan est plutôt « ne sortez pas avec elle » si vous ne voulez pas pay­er plus cher.
En ce qui con­cerne les autres pro­duits d’o­rig­ine ani­male, le lait et les pro­duits laitiers ne sont pas les grands favoris et le pois­son coûte le même prix qu’en Europe et par con­séquent est hors de prix pour la majorité des Argentins, sauf peut-être le mer­lu que l’on peut trou­ver à moins de 10 $ con­tre 30 ou 40 $ le saumon (d’él­e­vage, con­gelé et à la chair très pâle et grasse).
Bon, je me suis un peu échap­pé du domaine du tan­go, mais n’é­tant pas ama­teur de viande, il me fal­lait faire une forme de cathar­sis…

À demain, les amis !

Selección de tangos de Julio de Caro 1949-07-22 — Orquesta Aníbal Troilo

Julio De Caro – Aníbal Troilo

Hier, je vous ai pro­posé un titre « pop­urrí ». C’est-à-dire qu’il était con­sti­tué par l’assem­blage de plusieurs tan­gos. Cet exer­ci­ce est pra­tiqué par dif­férents orchestres. Troi­lo en a fait plusieurs. Notre pot-pour­ri du jour s’ap­pelle Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro, il est con­sti­tué de sept com­po­si­tions de… Julio de Caro, bra­vo, vous avez dev­iné.

Extrait musical

Selec­ción de tan­gos de 1949-07-22 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Avez-vous recon­nu tous les thèmes présen­tés ?

Voici les titres sur des par­ti­tions qui sont bien sûr toutes des com­po­si­tions de Julio de Caro. Elles datent des années 20 du vingtième siè­cle.

Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro. Les cou­ver­tures des par­ti­tions des com­po­si­tions de De Caro util­isé dans cette sélec­tion.

Les pièces du puzzle

Voici toutes les pièces, dans l’or­dre. Le tan­go du jour a été enreg­istré en 1949. Ani­bal Troi­lo avait donc comme mod­èles, les ver­sions antérieures, mais n’ou­blions pas que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’en­reg­istrement que les orchestres ne jouaient pas leurs titres. Troi­lo peut très bien avoir enten­du jouer Julio de Caro au moment où il assem­blait le pot-pour­ri. Il avait donc des références qui ne nous sont plus acces­si­bles.

Buen ami­go 1925-05-12 — Orques­ta Julio De Caro
Buen ami­go 1930-02-26 – Orques­ta Julio De Caro
Buen ami­go 1942-09-16 – Orques­ta Julio De Caro con Agustín Volpe
Buen ami­go 1950-12-18 – Orques­ta Julio De Caro con

Mala pinta

Mala pin­ta (Mala estam­pa) 1928-08-27 – Orques­ta Julio De Caro
Mala pin­ta (Mala estam­pa) 1951-11-16 – Orques­ta Julio De Caro

Guarda vieja

Guardia vie­ja 1926-10-06 — Orques­ta Julio De Caro
Guardia vie­ja 1943-09-07 — Orques­ta Julio De Caro
Guardia vie­ja 1949-11-18 — Orques­ta Julio De Caro

Boe­do 1928-11-16 – Orques­ta Julio De Caro
Boe­do 1939-07-07 – Orques­ta Julio De Caro con pal­abras de Héc­tor Far­rel
Boe­do 1950-08-09 – Orques­ta Julio De Caro
Boe­do 1952-09-17 — Orques­ta Julio De Caro. J’aime beau­coup le début, mais par la suite, je trou­ve que ça fait un peu fouil­lis. Ce n’est pas pour la danse, alors je vous laisse au plaisir d’é­couter ou d’é­courter.

Tier­ra queri­da 1927-09-12 – Orques­ta Julio De Caro
Tier­ra queri­da 1936-12-15 – Quin­te­to Los Vir­tu­osos (piano), Pedro Maf­fia et (ban­donéon), Julio De Caro (vio­lon à cor­net), (vio­lon). Si Elvi­no Vara­do mérite l’ép­ithète de vir­tu­ose, c’est un peu moins le cas pour Julio de Caro et son vio­lon par­ti­c­uli­er (avec un cor­net).
Tier­ra queri­da 1952-11-27 — Orques­ta Julio De Caro

El monito

Je vous pro­pose de vous reporter à l’anec­dote sur El moni­to pour en savoir plus sur ce titre.

El moni­to 1925-07-23 — Orques­ta Julio De Caro. On notera les par­ties sif­flées.
El moni­to 1928-07-19 — Julio De Caro y su Orques­ta Típi­ca.
El moni­to 1939-05-23 — Orques­ta Julio De Caro. Une ver­sion énergique. On retrou­ve les sif­fle­ments et appa­raît un dia­logue “Raah­h­hh, Moni­to / Si / Quieres Café? / No / Por qué?”. C’est sans doute un sou­venir du tan­go humoris­tique. On imag­ine que les clients devaient s’a­muser lorsque l’orchestre évo­quait le titre. Peut-être que l’idée vient d’un client imi­tant le singe et que cette scénette impro­visée au départ s’est invitée dans la presta­tion de l’orchestre.
El moni­to 1949-09-29 — Orques­ta Julio De Caro. Une dizaine d’an­nées plus tard, De Caro nous offre une nou­velle ver­sion superbe. Les simil­i­tudes avec Pugliese sont encore plus mar­quées, notam­ment avec le tem­po net­te­ment plus lent et proche de celui de Pugliese. On retrou­ve toute­fois le dia­logue de la ver­sion de 1939, dans une ver­sion un plus large. “Ah, ah ah, Moni­to / Si / Quieres Café? / No / Por qué? / Quiero carame­lo” (je veux un bon­bon). Avec ces dia­logues imi­tant la « voix » d’un singe, De Caro s’éloigne des paroles de en renouant avec le côté tan­go humoris­tique. Mais tous les orchestres se sont éloignés des paroles, du moins pour l’en­reg­istrement, car toutes les ver­sions disponibles aujour­d’hui sont instru­men­tales (si on excepte ).
Ce qui est sûr est que cette ver­sion con­vient par­faite­ment à la danse, ce qui fait men­tir ceux qui classe De Caro dans le défini­tive­ment indans­able.

Mala junta

Mala jun­ta 1927-09-13 – Orques­ta Julio De Caro
Mala jun­ta 1938-11-16 – Orques­ta Julio De Caro
Mala jun­ta 1949-10-10 – Orques­ta Julio De Caro

Assembler le puzzle

Il y a des pots-pour­ris beau­coup plus sim­ples à repér­er que celui-ci. Troi­lo a fait œuvre de créa­tion avec des ponts (tran­si­tion entre les dif­férentes pièces du puz­zle) rel­a­tive­ment élaborés et en sélec­tion­nant des par­ties pas for­cé­ment prin­ci­pales des œuvres citées.
Vous devriez arriv­er à résoudre le puz­zle en véri­fi­ant les ver­sions des titres que vous con­nais­sez moins bien (De Caro ne passe qua­si­ment jamais en milon­ga, mais ses com­po­si­tions, si). Indice, par­fois, c’est la par­tie chan­tée qui est util­isée. Par­fois, c’est une ver­sion plus anci­enne qu’il faut pren­dre comme référence et dans quelques cas, une ver­sion postérieure, ce qui con­firme que Troi­lo con­nais­sait l’é­tat des inter­pré­ta­tions de De Caro à l’époque, même si elles n’ont pas été enreg­istrées. Il se peut aus­si que De Caro ait copié en reprenant les idées de Troi­lo. C’est le principe de l’é­mu­la­tion entre deux grands musi­ciens qui se respec­taient.
On peut le véri­fi­er en con­statant que Troi­lo a réal­isé ces hom­mages à De Caro (les sélec­tions) et que De Caro a com­posé « Aníbal Troi­lo » qu’il a d’ailleurs été le seul à enreg­istr­er.

Aníbal Troi­lo 1949-09-29 — Orques­ta Julio De Caro.

Autres versions

Ani­bal Troi­lo a réal­isé plusieurs pop­urri (Selec­ción). Une seule utilise les mêmes titres, la ver­sion de 1966. Vous allez pou­voir com­par­er les deux ver­sions.

Selec­ción de tan­gos de Julio de Caro 1949-07-22 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. C’est notre tan­go, ou notre paquet de tan­gos du jour.
Selec­ción de Julio de Caro 1966-12-06 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

À demain, les amis !

El esquinazo 1951-07-20 – Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro con refrán por Francisco Canaro

Ángel Gregorio Villoldo Letra : Carlos Pesce ; A. Timarni (Antonio Polito)

Au début des années 2000, dans une milon­ga en France où j’é­tais danseur, l’or­gan­isa­teur est venu me dire qu’il ne fal­lait pas frap­per du pied, que ça ne se fai­sait pas en tan­go. Il ne savait sans doute pas qu’il repro­dui­sait l’in­ter­dic­tion de Ansel­mo Tarana, un siè­cle plus tôt. Je vais donc vous racon­ter l’ frap­pante de El esquina­zo.

Extrait musical

El esquina­zo — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra : Car­los Pesce ; A. Timarni (Anto­nio Poli­to). Par­ti­tion pour piano et deux cou­ver­tures, dont une avec Canaro.
El esquina­zo 1951-07-20 — Quin­te­to dir. con refrán por Fran­cis­co Canaro.

Vous aurez remar­qué, dès le début, l’inci­ta­tion à frap­per du pied. On retrou­ve cette invi­ta­tion sur les par­ti­tions par la men­tion golpes (coups).

El esquina­zo — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra: Car­los Pesce ; A. Timarni (Anto­nio Poli­to). Par­ti­tion pour gui­tare (1939).

El Esquinazo, un succès à tout rompre (partie 1) anatomie du pousse-au-crime

Dès le début de la par­ti­tion, on voit inscrit « Golpes » (coups).

La zone en rouge, ici au début de la par­ti­tion, est la mon­tée chro­ma­tique en tri­o­lets de dou­ble-croche et en dou­ble-croche. C’est donc un pas­sage vif, d’au­tant plus que l’on remar­que des appog­gia­tures brèves.Ce sont ces petites notes bar­rées qui indiquent que l’on doit (peut) jouer une note sup­plé­men­taire, une frac­tion de temps avant, voire en même temps que la note qu’elle com­plète. Ces appog­gia­tures aug­mentent donc le nom­bre de notes et par con­séquent l’im­pres­sion de vitesse.
Après cette mon­tée rapi­de, on s’at­tend à une suite, mais Vil­lol­do nous offre une sur­prise, un silence (la zone verte), mar­qué ici par un quart de soupir pour la ligne mélodique supérieure et un demi-soupir suivi d’un soupir pour l’ac­com­pa­g­ne­ment.
La zone bleue com­porte des signes de per­cus­sion et le texte indique Golpes en el puente (coup dans le pont). Ras­surez-vous, il ne s’ag­it pas d’un pont au sens com­mun, mais de la tran­si­tion entre deux par­ties d’une musique. Ici, il est donc con­sti­tué seule­ment de coups, coups que fai­saient les musi­ciens avec les talons et que bien­tôt le pub­lic imi­ta de divers­es manières.

Mar­i­ano Mores copiera cette struc­ture pour son célèbre « Taquito mil­i­tar ».
Voici la ver­sion enreg­istrée en 1997 par Mar­i­ano Mores de Taquito mil­i­tar. Cette ver­sion com­mence par le fameux motif suivi de coups.

Taquito mil­i­tar 1997 — Mar­i­ano Mores.

Cette ver­sion à l’orgue Ham­mond est un peu par­ti­c­ulière, mais vous pour­rez enten­dre toutes les ver­sions clas­siques dans l’ar­ti­cle dédié à Taquito mil­i­tar.

El Esquinazo, un succès à tout rompre (partie 2) les paroles

Ángel Vil­lol­do a com­posé ce tan­go avec des paroles. Même si Vil­lol­do était lui-même chanteur, c’est à Pepi­ta Avel­lane­da (Jose­fa Calat­ti) que revint l’hon­neur de les inau­gur­er. Mal­heureuse­ment, ces paroles orig­i­nales sem­blent per­dues, tout comme celles de El entr­erri­ano qu’il avait « écrites » pour la même Pepi­ta.
J’émets l’hy­pothèse que les célèbres coups don­nés au planch­er au départ par les musi­ciens devaient avoir une expli­ca­tion dans les paroles. El esquina­zo, c’est pren­dre la tan­gente dans une rela­tion amoureuse, s’en­fuir, ne plus répon­dre aux ten­dress­es, pren­dre ses dis­tances, pos­er un lapin (ne pas venir à un ren­dez-vous). On peut donc sup­pos­er que les pre­mières paroles devaient exprimer d’une façon imagée cette fuite, ou la façon dont elle était ressen­tie par le parte­naire.
J’ai indiqué « écrites » au sujet des paroles, mais à l’époque, les paroles et même la musique n’é­taient pas tou­jours écrites. Elles sont donc prob­a­ble­ment restées orales et retrou­ver un témoin de l’époque est désor­mais impos­si­ble.
Cepen­dant, notre tan­go du jour nous apporte un éclairage intéres­sant sur l’his­toire, grâce aux quelques mots que lâche Canaro après les séries de coups. En effet, dans sa ver­sion, il est plutôt ques­tion de quelqu’un qui frappe à la porte pour ne pas dormir dehors sous la pluie…
Je serai assez ten­té d’y voir un reflet des paroles orig­i­nales qui jus­ti­fieraient bien plus les coups que les paroles de Pesce et Timarni. Le désamour (esquina­zo) pour­rait expli­quer qu’une porte reste fer­mée, l’oc­cu­pant restant sourd aux sup­pli­ca­tions de lui (dans le Canaro) ou d’elle (dans le cas de Pepi­ta Avel­lane­da).

Paroles dites par Canaro dans sa version de 1951

Les paroles pronon­cées par Fran­cis­co Canaro dans sa ver­sion de 1951

Canaro inter­vient qua­tre fois durant le thème pour don­ner des phras­es, un peu énig­ma­tiques, mais que j’aime à imag­in­er, tirées ou inspirées des paroles orig­i­nales de Vil­lol­do.

  1. Frappe, qu’ils vien­nent t’ou­vrir.
  2. Suis là, puisque tu l’as
  3. Ils fêtent l’esquina­zo
  4. Ouvre que je suis en train de me mouiller. Ne me fais pas dormir dehors

Ces paroles de Canaro, sont-elles inspirées directe­ment de celles de Vil­lol­do ? En l’ab­sence des paroles orig­i­nales, on ne le saura pas, alors, pas­sons aux paroles postérieures, qui n’ont sans doute pas la « saveur » de celles de la pre­mière ver­sion.

Paroles

Nada me impor­ta de tu amor, golpeá nomás…
el corazón me dijo,
que tu amor (car­iño) fue una fal­sía,
aunque juraste y juraste que eras mía.
No llames más, no insis­tas más, yo te daré…
el libro del recuer­do,
para que guardes las flo­res del olvi­do
porque vos lo has queri­do
el esquina­zo yo te doy.

Fue por tu cul­pa que he toma­do otro camino
sin tino… .
Jamás pen­sé que lle­garía este momen­to
que sien­to,
la más ter­ri­ble real­i­dad…
Tu ingrat­i­tud me ha hecho sufrir un des­en­can­to
si tan­to… te quería.
Mas no te creas que por esto guar­do encono
Per­dono
tu más injus­ta falsedad.

Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do Letra: Car­los Pesce; A. Timarni (Anto­nio Poli­to)

Traduction libre et indications

Je me fiche de ton amour, une tocade, rien de plus (gol­pear, c’est don­ner un coup, mais aus­si droguer, intox­i­quer. Cer­tains y voient la jus­ti­fi­ca­tion des coups frap­pés par les musi­ciens, mais il me sem­ble que c’est un peu léger et que les paroles ini­tiales devaient être plus con­va­in­cantes et cer­taine­ment moins accept­a­bles par un pub­lic de plus en plus raf­finé. C’est peut-être aus­si une sim­ple évo­ca­tion des coups frap­pés à la porte de la ver­sion chan­tée par Canaro, ce qui pour­rait ren­forcer l’hy­pothèse que Canaro chante des bribes des paroles d’o­rig­ine)…
Mon cœur me dis­ait que ton amour était un men­songe, bien que tu aies juré et juré que tu étais à moi.
N’ap­pelle plus, (le tan­go s’est mod­ernisé. Si à l’o­rig­ine, l’im­pé­trant venait frap­per à la porte, main­tenant, il utilise le télé­phone…) n’in­siste plus, je te don­nerai… le livre de , pour que tu gardes les fleurs de l’ou­bli parce que toi tu l’as, l’esquina­zo (dif­fi­cile de trou­ver un équiv­a­lent. C’est l’a­ban­don, la non-réponse aux sen­ti­ments, la fuite, le lapin dans le cas d’un ren­dez-vous…) que je te donne.
C’est ta faute si j’ai pris un autre chemin sans but… (tino, peut sig­ni­fi­er l’ha­bileté à touch­er la cible)
Ma vie.
Je n’ai jamais pen­sé que ce moment, dont je ressens la ter­ri­ble réal­ité, arriverait…
Ton ingrat­i­tude m’a fait subir un désamour si toute­fois… Je t’aimais.
Mais, ne crois pas que, pour cette rai­son, je con­serve de l’amer­tume. Je par­donne ton men­songe le plus injuste.

El Esquinazo, un succès à tout rompre (partie 3) le succès du pousse-au-crime.

Nous avons vu dans la pre­mière par­tie com­ment était pré­paré le frappe­ment du talon. Dans la sec­onde et avec les paroles, nous avons essayé de trou­ver un sens à ces frap­pés, à ces taquitos qui à défaut d’être mil­i­taires, sont bien ten­tants à imiter, comme nous l’al­lons voir.
Le pre­mier témoignage sur la repro­duc­tion des coups par le pub­lic est celui de Pintin Castel­lanos qui racon­te dans Entre cortes y que­bradas, can­dombes, milon­gas y tan­gos en su his­to­ria y comen­tar­ios. Mon­te­v­ideo, 1948 la fureur autour de El esquina­zo.
La com­po­si­tion de Vil­lol­do a été un tri­om­phe […]. L’ac­cueil du pub­lic fut tel que, soir après soir, il gran­dis­sait et le rythme dia­bolique du tan­go sus­men­tion­né com­mença à ren­dre peu à peu tout le monde fou.
Tout d’abord, et avec une cer­taine pru­dence, les clients ont accom­pa­g­né la musique de « El Esquina­zo » en tapant légère­ment avec leurs mains sur les tables.
Mais les jours pas­saient et l’en­goue­ment pour le tan­go dia­bolique ne ces­sait de croître.
Les clients du
Café Tarana (voir l’ar­ti­cle sur En Lo de Lau­ra où je donne des pré­ci­sions sur Lo de Hansen/Café Tarana) ne se con­tentaient plus d’ac­com­pa­g­n­er avec le talon et leurs mains. Les coups, en gar­dant le rythme, aug­men­tèrent peu à peu et furent rejoints par des tass­es, des ver­res, des chais­es, etc.
Mais cela ne s’est pas arrêté là […] Et il arri­va une nuit, une nuit fatale, où se pro­duisit ce que le pro­prié­taire de l’étab­lisse­ment floris­sant ressen­tait depuis des jours. À l’an­nonce de l’exé­cu­tion du tan­go déjà con­sacré de
Vil­lol­do, une cer­taine ner­vosité était per­cep­ti­ble dans le pub­lic nom­breux […] l’orchestre a com­mencé la cadence de « El Esquina­zo » et tous les assis­tants ont con­tin­ué à suiv­re le rythme avec tout ce qu’ils avaient sous la main : chais­es, tables, ver­res, bouteilles, talons, etc. […]. Patiem­ment, le pro­prié­taire (Ansel­mo R. Tarana) a atten­du la fin du tan­go du démon, mais le dernier accord a reçu une stand­ing ova­tion de la part du pub­lic. La répéti­tion ne se fit pas atten­dre ; et c’est ain­si qu’il a été exé­cuté un, deux, trois, cinq, sept… Finale­ment, de nom­breuses fois et à chaque inter­pré­ta­tion, une salve d’ap­plaud­isse­ments ; et d’autres choses cassées […] Cette nuit inou­bli­able a coûté au pro­prié­taire plusieurs cen­taines de pesos, irré­cou­vrables. Mais le prob­lème le plus grave […] n’é­tait pas ce qui s’é­tait passé, mais ce qui allait con­tin­uer à se pro­duire dans les nuits suiv­antes.
Après mûre réflex­ion, le mal­heureux « 
Pagani­ni » des « assi­ettes brisées » prit une réso­lu­tion héroïque. Le lende­main, les clients du café Tarana ont eu la désagréable sur­prise de lire une pan­car­te qui, près de l’orchestre, dis­ait : « Est stricte­ment inter­dite l’exé­cu­tion du tan­go el esquina­zo ; La pru­dence est de mise à cet égard. »

Ce tan­go fut donc inter­dit dans cet étab­lisse­ment, mais bien sûr, il a con­tin­ué sa car­rière, comme le prou­ve le témoignage suiv­ant.

Témoignage de Francisco García Jiménez, vers 1921

La orques­ta arrancó con el tan­go El esquina­zo, de Vil­lol­do, que tiene en su desar­rol­lo esos golpes reg­u­la­dos que los bailar­ines de antes mar­ca­ban a tacón limpio. En este caso, el con­jun­to de La Palo­ma hacía lo mis­mo en el piso del palquito, con tal fuerza, que las vie­jas tablas deja­ban caer una nube de tier­ra sobre la máquina del café express, la caja reg­istrado­ra y el patrón. Este ech­a­ba denuestos; los de arri­ba seguían muy serios su tan­go ; y los par­ro­quianos del cafetín se rego­ci­ja­ban.

Témoignage de Fran­cis­co Gar­cía Jiménez

Traduction libre du témoignage de Francisco García Jiménez

L’orchestre a com­mencé avec le tan­go El esquina­zo, de Vil­lol­do, qui a dans son développe­ment ces rythmes réglés que les danseurs d’an­tan mar­quaient d’un talon clair.
Dans ce cas, le con­jun­to La Palo­ma a fait de même sur le sol de la tri­bune des musi­ciens, avec une telle force que les vieilles planch­es ont lais­sé tomber un nuage de saleté sur la machine à expres­so, la caisse enreg­istreuse et le patron. Il leur fit des reproches ; Ceux d’en haut suiv­aient leur tan­go très sérieuse­ment, et les clients du café se réjouis­saient.
On con­state qu’en 1921, l’usage de frap­per du pied chez les danseurs était moin­dre, voire absent. Cet argu­ment peut venir du fait que l’in­ter­dit de Tarana a été effi­cace sur les danseurs, mais j’imag­ine tout autant que les paroles et l’in­ter­pré­ta­tion orig­inelle étaient plus prop­ices à ces débor­de­ments.
L’idée des coups frap­pés à une porte, comme les coups du des­tin dans la 5e sym­phonie de Lud­wig Van Beethoven, ou ceux de la stat­ue du com­man­deur dans Don Gio­van­ni de Wolf­gang Amadeus Mozart, me plaît bien…

Autres versions

El esquina­zo 1910-03 05 — Estu­di­anti­na Cen­te­nario dirige par Vicente Abad.

Cette ver­sion anci­enne est plutôt un tan­go qu’une milon­ga, comme il le devien­dra par la suite. On entend les coups frap­pés et la man­do­line. On note un petit ralen­tisse­ment avant les frap­pés, ralen­tisse­ment que l’on retrou­vera ampli­fié dans la ver­sion de 1961 de Canaro.

El esquina­zo 1913 — — Dir. Fer­di­nand Litschauer.

Encore une ver­sion anci­enne, enreg­istrée à Berlin (Alle­magne) en 1913, preuve que le tan­go était dès cette époque totale­ment inter­na­tion­al. Les frap­pés sont rem­placés par de frêles per­cus­sions, mais on notera le gong au début…

Le disque de El esquina­zo par l’orchestre du Moulin Rouge (alle­mand, mal­gré ce que pour­rait faire penser son nom) et la ver­sion Russe du disque… On notera que les indi­ca­tions sont en anglais, russe et français. La Inter­na­tion­al Talk­ing Machine est la société qui a fondé Odeon… S’il en fal­lait une de plus, cette preuve témoigne de la mon­di­al­i­sa­tion du tan­go à une date pré­coce (1913).
El esquina­zo 1938-01-04 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Est-il néces­saire de présen­ter la ver­sion de D’Arien­zo, prob­a­ble­ment pas, car vous l’avez déjà enten­du des mil­liers de fois. Tout l’orchestre se tait pour laiss­er enten­dre les frap­pés. Même Bia­gi renonce à ses habituelles fior­i­t­ures au moment des coups. En résumé, c’est une exé­cu­tion par­faite et une des milon­gas les plus réjouis­santes du réper­toire. On notera les courts pas­sages de vio­lons en lega­to qui con­trastent avec le stac­ca­to général de tous les instru­ments.

El esquina­zo 1939-03-31 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co.

Rober­to Fir­po au piano démarre la mon­tée chro­ma­tique une octave plus grave, mais reprend ensuite sur l’oc­tave com­mune. Cela crée une petite impres­sion de sur­prise chez les danseurs qui con­nais­sent. La suite est joueuse, avec peut être un petit manque de clarté qui pour­ra décon­te­nancer les danseurs débu­tants, mais de toute façon, cette ver­sion est assez dif­fi­cile à danser, mais elle ravi­ra les bons danseurs, car elle est prob­a­ble­ment la plus joueuse.

El esquina­zo 1951-07-20 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro con refrán por Fran­cis­co Canaro.

C’est notre tan­go du jour. Fran­cis­co Canaro nous donne sans doute des clefs dans les quelques paroles qu’il dit. Cette ver­sion est de vitesse mod­érée, entre canyengue et milon­ga. Elle sera plus adap­tée aux danseurs mod­estes.

El esquina­zo 1958 — Los Mucha­chos De Antes.

Avec clar­inette et gui­tare en vedette, cette ver­sion est très dynamique et sym­pa­thique. Ce n’est bien sûr pas le top pour la danse, mais on a d’autres ver­sions pour cela…

El esquina­zo 1960 — Orques­ta Car­los Figari con Enrique Dumas.

Une ver­sion en chan­son qui perd le car­ac­tère joueur de la milon­ga, même si quelques coups de claves rap­pel­lent les frap­pés fameux. En revanche, cette chan­son nous présente les paroles de Car­los Pesce et A. Timarni. J’aime beau­coup, même si ce n’est pas à pro­pos­er aux danseurs.

El esquina­zo 1961-12-01 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro (en vivo al Teatro Koma de Tokyo, Japón).

El esquina­zo 1961-12-01 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro (en vivo al Teatro Koma de Tokyo, Japón). Cette ver­sion très joueuse com­mence par la célèbre invite à frap­per du pied, répétée trois fois. Les deux pre­mières sont très lentes et la troisième fois, la pause est beau­coup plus longue, ce qui provoque un effet irré­sistible. C’est un exem­ple, bien que tardif de com­ment les orchestres jouaient avec les danseurs, jeux que nous avons per­dus à cause des ver­sions figées par le disque. Bien sûr, il s’ag­it ici d’un con­cert, mais un DJ taquin pour­rait pro­pos­er cette ver­sion à danser, notam­ment à cause des paus­es et de l’ac­céléra­tion finale qui peu­vent sur­pren­dre (aus­si dans le bon sens du terme), les danseurs.

El esquina­zo 1962 — Los Vio­lines De Oro Del Tan­go.

Une ver­sion à la lim­ite de l’ex­cès de vitesse, même sur autoroute. Je trou­ve cela très sym­pa, mais j’y réfléchi­rai à deux fois avant de dif­fuser en milon­ga…

El esquina­zo 1970 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Je pense que vous avez repéré Juan Cam­bareri, ce ban­donéon­iste vir­tu­ose qui après une car­rière dans dif­férents orchestres s’est mis « à son compte » avec un orchestre, dans les années 50 et un peu plus tard (1968) dans un cuar­te­to com­posé de :

Juan Riz­zo au piano, Juan Gan­dol­fo et Felipe Escomabache aux vio­lons et Juan Cam­bareri au ban­donéon. Cet enreg­istrement date de cette péri­ode. Comme à son habi­tude, il imprime une cadence d’en­fer que les doigts vir­tu­os­es des qua­tre musi­ciens peu­vent jouer, mais qui posera des prob­lèmes à un grand nom­bre de danseurs.

El esquina­zo 1974 — Sex­te­to Tan­go.

Le début sem­ble s’in­spir­er de la ver­sion de Canaro au en 1961, mais la suite vous détrompera bien vite. C’est claire­ment une ver­sion de con­cert qui a bien sa place dans un fau­teuil d’orchestre, mais qui vous don­nera des sueurs froides sur la piste de danse.

El esquina­zo 1976 — Di Mat­teo y su trio.

La ver­sion pro­posée par le trio Di Mat­teo ne ras­sur­era pas les danseurs, mais c’est plaisant à écouter. À réserv­er donc pour le salon, au coin du feu (j’écris depuis Buenos Aires et ici, c’est l’hiv­er et cette année, il est par­ti­c­ulière­ment froid…).

El esquina­zo 1983 — Orques­ta .

Une assez belle ver­sion, orches­trale. Pour la milon­ga, on peut éventuelle­ment lui reprocher un peu de mor­dant en com­para­i­son de la ver­sion de D’Arien­zo. On notera égale­ment que quelques frap­pés sont joués au piano et non en per­cus­sion.

El esquina­zo 1991 — Los Tubatan­go.

Comme tou­jours, cet orchestre sym­pa­thique se pro­pose de retrou­ver les sen­sa­tions du début du vingtième siè­cle. Out­re le tuba qui donne le nom à l’orchestre et la basse de la musique, on notera les beaux con­tre­points de la flûte et du ban­donéon qui dis­cu­tent ensem­ble et en même temps comme savent si bien le faire les Argentins…

El esquina­zo 2002 — Armenonville.

Une intro­duc­tion presque comme une musique de la renais­sance, puis la con­tre­basse lance la mon­tée chro­ma­tique, des coups don­nés et la musique est lancée. Elle se déroule ensuite de façon sym­pa­thique, mais pas assez struc­turée pour la danse. Une accéléra­tion, puis un ralen­tisse­ment et l’ est chan­té en guise de con­clu­sion.

El esquina­zo 2007 — Cuar­te­to.

Une ver­sion légère et rapi­de pour ter­min­er tran­quille­ment cette anec­dote du jour.

À demain, les amis !

Une autre façon de cass­er la vais­selle…

Meneca 1927–07-19(20) — ¿Por qué?  1955-07-19 — Orquesta Osvaldo Fresedo

Meneca — E. Mercado
¿Por qué ? — Osvaldo Fresedo Letra :

Les dates d’en­reg­istrement qui me ser­vent de base pour les anec­dotes de tan­go ne sont pas des don­nées immuables. J’avais prévu d’as­soci­er deux titres de Frese­do enreg­istrés le même jour, un 19 juil­let, mais à 28 ans d’in­ter­valle. Quand j’ai com­mencé à écrire, je me suis ren­du compte qu’à la suite des travaux de Enrique Bin­da, la date de Meneca avait changé pour le 20 juil­let. J’ai toute­fois décidé de con­serv­er mon idée ini­tiale, car la com­para­i­son des deux titres me sem­ble intéres­sante, vous le com­pren­drez que mieux en prenant con­nais­sance des paroles de Por qué..

Una meneca est une belle jeune femme. Pour être appelé ain­si, elle doit avoir les deux attrib­uts. Le tan­go est instru­men­tal, mais d’autres employ­ant ce terme sont avec des paroles et il con­vient donc de rester avec cette sig­ni­fi­ca­tion. J’imag­ine que le terme étant proche de muñe­ca (poupée) explique qu’on l’u­tilise unique­ment pour des jeunes femmes.
Meneca désigne égale­ment une langue qua­si dis­parue qui existe (exis­tait) entre le Pérou et la Colom­bie.

Le choix dans la date de la Meneca

Enrique Bin­da est une ressource impor­tante pour qui s’in­téresse au tan­go.
https://www.todotango.com/comunidad/colaboradores/colaborador.aspx?id=73
Il a étudié de nom­breux cat­a­logues et notam­ment pour la péri­ode acous­tique (avant l’en­reg­istrement élec­trique). Par con­séquent, son avis fait autorité.
Dans le cas présent, Frese­do a enreg­istré le 19 et le 20 juil­let 1927, ou seule­ment le 19 ou seule­ment le 20 les qua­tre tan­gos instru­men­taux suiv­ants :

  • Flo­res (Ángel Massi­ni) – Matrice 1037–1 (face A du disque 5159)
  • Mucha can­cha – (Alber­to Richieri) Matrice 1038 (face B du disque 5159)
  • Coque­ta (A. Mil­i­to) – Matrice 1039 (Face A du disque 5160)
  • Meneca (E. Mer­ca­do) – Matrice 1040 (Face B du disque 5160)

À l’époque, les orchestres enreg­istrent en moyenne deux tan­gos à qua­tre tan­gos par jour. Tous ne vont pas au disque. On notera que l’en­reg­istrement de Flo­res sem­ble avoir été com­pliqué dans la mesure où il y a plusieurs pris­es.
Meneca a le numéro de matrice le plus élevé (1040) ce qui con­firme que Meneca a été enreg­istré en dernier et donc prob­a­ble­ment le 20 et pas le 19 s’il y a eu deux jours, comme c’est indiqué dans le livret du disque édité par CTA, mais aus­si dans la Enci­clo­pe­dia del Tan­go de Gabriel Valiente et dans le Frese­do Project qui pla­cent les qua­tre tan­gos à la même date, le 19 juil­let 1927.
Pour l’an­née 1927, on trou­ve plusieurs jours avec qua­tre enreg­istrements, on ne peut donc pas être affir­matif sur l’ex­is­tence d’un sec­ond jour d’en­reg­istrement néces­saire. Que tout soit du 19, tout du 20 ou panaché, ce n’est peut-être pas si impor­tant. Je con­serve donc mon idée de met­tre en rela­tion les deux tan­gos, d’au­tant plus que je vous réserve une sur­prise en fin d’ar­ti­cle sur le sujet…

Extrait musical

Meneca 1927-07-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Meneca 1927-07-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do. Osval­do Frese­do inter­vient comme ban­donéon­iste et on remar­quera la très jolie par­tie de vio­lon. Je vous présente les musi­ciens qui ont fait cette petite mer­veille.
Osval­do Frese­do et Alber­to Rodríguez (ban­donéon­istes), José María Riz­zut­ti (piano), Man­lio Fran­cia, Adol­fo Muzzi et Juan Koller (vio­lonistes), Hum­ber­to Con­stan­zo (con­tre­bassiste).

¿Por qué ? 1955-07-19 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Ce qui frappe dans ce titre est l’ qui revient régulière­ment et notam­ment sur les par­ties chan­tées.

Par­ti­tion de ¿Por qué ? On note sur la page de gauche que c’est la ver­sion passée à la Radio Fenix. À droite, la ver­sion en ré pour les chanteurs.

LR9 est une radio de Buenos Aires qui a démar­ré le 11 févri­er 1927 et qui se nom­mera ensuite Antár­ti­da puis AM1190 Améri­ca.
La par­ti­tion pour les chanteurs est en ré. Elle com­mence en ré mineur, puis con­tin­ue en ré majeur pour revenir à la dernière ligne en ré mineur. C’est donc une alter­nance de sonorités plus tristes et plus gaies.

Paroles

¿Por qué
si yo soy el mis­mo querés cam­biar
mi pilcha ‘e varón?
¿Por qué
si mi pobre ajuar
dio a can­tar
mi hon­da tris­teza?
¿Por qué
si no está en mi san­gre vos me adornás
p’ hac­erme amar­gar?

Yo soy
sen­ti­men­tal.
Mi nom­bre es macho
soy el gotán.
Vestí de negro con fun­yi claro…
Y me quisieron.
Me respetaron.
Y fue muy pura mi vida entera
y hay quien ven­era mi cuna de ayer.

¿Por qué
quieren que me vista tan ataviao
con tan­to tren­zao?
¿Por qué
quieren verme así
hecho un gil
de fan­tasía?
¿ Por qué
si he naci­do tan­go y así latió
mi gran ?

Osval­do Frese­do Letra: Emilio Augus­to Oscar Frese­do

libre de ¿Por qué ?

Pourquoi, si je suis le même, veux tu chang­er mes fringues, hein, mec ?
Pourquoi, si mon pau­vre trousseau don­nait à chanter ma pro­fonde tristesse ?
Pourquoi, si ce n’est pas dans mon sang, me fais-tu des orne­ments pour me ren­dre amer ?
Je suis milon­ga sen­ti­men­tale.
Je m’ap­pelle macho, je suis le gotan (tan­go).
Je suis habil­lé de noir avec un cha­peau clair (fun­yi, cha­peau en forme de champignon).
Et ils m’aimaient.
Ils me respec­taient.
Et toute ma vie était très pure et il y a ceux qui vénèrent mon berceau d’hi­er.
Pourquoi veu­lent-ils que je revête tant de parures avec tant de galons ?
Pourquoi, veu­lent-ils me voir comme ça, faisant un idiot de fan­taisie ?
Pourquoi, si je suis né tan­go et ain­si bat­tait mon grand cœur.

Autres versions

Il ne sem­ble pas y avoir d’autres enreg­istrements de Meneca, cepen­dant, il est intéres­sant de voir ce que devient Por Qué….

Meneca 1927-07-20 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Un de nos deux tan­gos du jour, pour mémoire et com­para­i­son…

Dif­férents dis­ques de ¿Por qué ? Alber­to Vila, Frese­do avec Ibanez, Ser­pa et instru­men­tal (33 tours avec pochette) et Pugliese avec Chanel et Moran.
¿Por qué ? 1931-08-18 – Alber­to Vila accomp. Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Ce pre­mier enreg­istrement qui est une chan­son est superbe­ment inter­prétée par Alber­to Vila (dont la voix est rem­plie de tré­mo­los) accom­pa­g­né par l’orchestre Típi­ca Vic­tor dirigé par Cara­bel­li.

¿Por qué ? 1931-10-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Teó­fi­lo Ibáñez.

L’osti­na­to de la con­tre­basse est assez éton­nant et il s’achève en ralen­tis­sant sur la toute fin de la musique.

¿Por qué ? 1943-01-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa.

¿Por qué ? 1943-01-25 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa. Le rythme est plus rapi­de et quelques sonorités de vibra­phone se super­posent aux instru­ments habituels. L’osti­na­to la vedette de ce thème démarre désor­mais le titre et est accom­pa­g­né du vibra­phone.
L’ex­pres­siv­ité est plus mar­quée. On pour­rait qual­i­fi­er cette ver­sion de plus roman­tique.
Petit inter­lude pour vous présen­ter Frese­do jouant ce titre dans un film qui reste à iden­ti­fi­er (ce n’est pas Tan­go comme tous l’écrivent).

¿Por qué ? — Osval­do Frese­do y su Orques­ta
¿Por qué ? 1945-08-28 — Orques­ta con Alber­to Morán y Rober­to Chanel.

L’osti­na­to que vous con­nais­sez bien démarre le titre, come dans la ver­sion de 1943 de Frese­do, puis pro­gres­sive­ment Pugliese déstruc­ture le titre pour le ren­dre com­pat­i­ble avec son style. L’osti­no revient de temps à autre et notam­ment sous la voix des chanteurs. L’ef­fet est superbe les voix se mêlent pen­dant que l’osti­na­to s’at­ténue et que les vio­lons ond­u­lent dans un con­tre­point splen­dide. C’est assuré­ment un chef d’œu­vre. Peut-être plus dif­fi­cile à danser que les guimauves trop sou­vent passées dans cer­taines milon­gas, mais à tester à mon avis…

¿Por qué ? 1955-07-19 — Orques­ta Osval­do Frese­do. C’est notre autre tan­go du jour.

Le vibra­phone prend un peu plus ses ais­es, libéré par l’ab­sence du chanteur qui est représen­té par le piano. Le résul­tat est plutôt joli, mais pas con­va­in­quant pour la danse.

¿Por qué ? 1979-10-30 — Orques­ta Osval­do Frese­do.

Le titre démarre en trombe, mais avec l’in­tro­duc­tion que Frese­do avait aban­don­né depuis 1943. Les vio­lons cou­vrent un peu trop l’osti­na­to, enl­e­vant une par­tie de l’o­rig­i­nal­ité de ce titre. La bat­terie s’est rajoutée, mais sans pour autant ren­forcer la du morceau, sauf à le danser en tan­go musette…

¿Por qué ? — y su Sex­te­to Rít­mi­co Mod­er­no.

C’est une ver­sion très orig­i­nale que signe Mar­i­ano Mores. L’osti­na­to est assez dis­cret et prin­ci­pale­ment don­né par le piano. Les per­cus­sions sont à l’hon­neur. Dif­férents motifs éclosent et don­nent une impres­sion de var­iété. Bien sûr, pas ques­tion de pro­pos­er cela à des danseurs, mais l’é­couter de temps à autre est une activ­ité sym­pa.
Elle clô­ture la liste des ver­sions et il est temps d’ou­vrir le débat.

Faites ce que je dis et pas ce que je fais

Comme vous l’avez remar­qué, les paroles du tan­go ¿Por qué? Des frères Frese­do sem­blent regret­ter un tan­go plus épuré. Ils font par­ler le tan­go qui regrette le temps où il n’é­tait pas ridi­culisé par des fior­i­t­ures.
Dans les inter­pré­ta­tions de 1931 et 1943, Osval­do Frese­do respecte ces (ses) direc­tives. Tout comme bien sûr, dans Meneca de 1927.
Par con­tre, dans notre tan­go du jour, la ver­sion de 1955 de ¿Por qué? On peut se deman­der s’il n’a pas un peu per­du cela de vue. D’ailleurs, cette ver­sion est instru­men­tale, peut-être pour éviter que les paroles met­tent en valeur cette dichotomie.
Pugliese, en 1945, avait peut-être com­mencé cette bifur­ca­tion, mais il ne me sem­ble pas que l’on puisse l’ac­cuser de faire de l’orne­men­ta­tion gra­tu­ite. D’ailleurs, il a con­servé les paroles. Je l’en­lèverai donc des pièces du procès…
Frese­do aggrave très sen­si­ble­ment son cas en 1979, avec une ver­sion con­sti­tuée majori­taire­ment de fior­i­t­ures. Là, je dois le déclar­er coupable. Il a déguisé le tan­go et renon­cé à ses principes énon­cés dans les années 30. Avec son goût pour les instru­ments orig­in­aux, il cour­rait cer­taine­ment ce risque et il est tombé dans son pro­pre piège.
Je pense que vous avez sans doute fait le rap­proche­ment avec le débat plus con­tem­po­rain sur le tan­go, le néotan­go et autres vari­a­tions. Le tan­go, comme les autres œuvres de l’hu­man­ité, ne résiste pas aux , tel que l’a vécu l’Académie française à la fin du 17e siè­cle.
Tous les goûts sont dans la nature et le tra­vail du DJ est à la fois de dévelop­per les goûts et de sat­is­faire ceux qui sont exis­tants. C’est pas­sion­nant.

À demain, les amis !

Buenos Aires es una papa 1928-07-18 — Orquesta Francisco Canaro con Charlo

Enrique Pedro Delfino (Delfy) Letra :

Nous avons vu dans beau­coup de tan­gos que le lun­far­do, l’ar­got de Buenos Aires était très appré­cié des paroliers qui ne pre­naient pas tous les pré­cau­tions de Juan Bautista Abad Reyes qui a écrit que « Le risque est de penser en faubourien et de con­cevoir les œuvres en lun­far­do ». Notre tan­go du jour est à des­ti­na­tion des néo­phytes et plus par­ti­c­ulière­ment des Français qui béné­fi­cient d’un dic­tio­n­naire chan­té par une Française qui s’est instal­lée à Buenos Aires et qui trou­ve cela épatant !

Extrait musical

Buenos Aires es una papa (Buenos Aires c’est épatant) 1928-07-18 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo.
Buenos Aires es una papa (Buenos Aires, c’est épatant) — Enrique Pedro Delfi­no (Delfy) Letra : Juan Fer­nan­do Camil­lo Darthés.

L’il­lus­tra­tion de cou­ver­ture est de Roger de Valério. Le disque Odeon porte le numéro 4474. Ce tan­go est la face A. La face B est Tal­is­mán (1928–04-25), tan­go instru­men­tal. On notera le nom de qui inau­gur­era cette œuvre à Paris, puis à Buenos Aires.

Paroles

Paroles de cet

Ce tan­go de Delfy (Enrique Pedro Delfi­no) a des paroles éton­nantes, car elles ont été écrites en français par un Argentin, Juan Fer­nan­do Camil­lo Darthés. Notre ver­sion du jour, chan­tée par Char­lo ne vous pro­posera pas l’in­té­gral­ité des paroles et même ne vous en don­nera que des bribes. Nous ver­rons après les paroles « offi­cielles », mais voici la retran­scrip­tion des paroles de notre tan­go du jour.

Des­de el pasa­do no encon­tró
Ici l’amour c’est l’mete­jón
Des­de el pasar “et bien voila”
À la can­ción de can­tar

Ver­sión de Char­lo

Oui, vous avez bien lu/entendu. C’est un texte mélangeant le français et l’es­pag­nol.

Paroles originales (en français)

Quand je me suis embar­quée pour l’Ar­gen­tine,
j’é­tais pour mes par­ents la p’tite Titine.
Main­tenant, voici, c’est drôle, j’ne com­prends pas !
Tout le monde ici m’ap­pelle « La Porotá ».
Pour dire par­ler, main­tenant je dis « chamuyo » ;
au lieu de dire un franc, je dis « un grul­lo ».
À mon fiancé je l’ap­pelle « un gran bacán ».
Oh, Buenos Aires, messieurs, c’est épatant !

C’est épatant
comme nous changeons.
Ici l’amour
c’est l’me­te­jón.
C’est épatant
et bien, voilà,
en Argen­tine
on dit comme ça.

J’ai appris cette langue à peine dans une semaine
et ils m’ont changé, c’est triste, tout de même.
Pour dire le lit je dis « la catr­era »,
pour dire sor­tir il faut dire « espi­antá ».
Le pain a table je l’ap­pelle «  » ;
quand j’ai mal à la tête, « me duele el coco ».
Je dis « la gui­ta » au lieu de dire l’ar­gent…
Oh, Buenos Aires, messieurs, c’est épatant !

Enrique Pedro Delfi­no (Delfy) Letra: Juan Fer­nan­do Camil­lo Darthés

Paroles en espagnol

Cuan­do me embar­qué hacia la Argenti­na
Yo era, para mis padres, la pequeña Titine.
Aho­ra vea ust­ed, es gra­cioso, no entien­do nada:
Todo el mun­do aquí me lla­ma: “la Porotá”.
Para decir hablar, aho­ra digo “chamuyo”,
En lugar de decir un fran­co, digo “un grul­lo”,
A mi novio lo llamo “un gran bacán” …
¡Oh, Buenos Aires, señores, es asom­broso!

Es asom­broso
Cómo cam­bi­amos,
Aquí el amor
Es el mete­jón.
Es asom­broso
Y sin embar­go,
En Argenti­na
Se dice así.

Aprendí esta lengua en ape­nas una sem­ana
Y ellos sin embar­go, me cam­biaron, es triste,
Para decir la cama, digo “la catr­erá”,
Para decir salir, hay que decir “espi­antá”,
Al pan sobre la mesa lo lla­man “mar­ro­co”,
Cuan­do ten­go dolor de cabeza, “me duele el coco”.
Digo “la gui­ta” en lugar de decir el dinero…
¡Oh, Buenos Aires, señores, es asom­broso!

Enrique Pedro Delfi­no (Delfy) Letra: Juan Fer­nan­do Camil­lo Darthés

libre et indications

Bon, ceux qui lisent cette anec­dote et français ou en espag­nol ne vont pas com­pren­dre, puisque j’ai don­né ci-dessus les ver­sions en français (orig­i­nal) et en espag­nol. Ce texte est donc des­tiné à ceux qui lisent dans une autre de ces langues. La dif­fi­culté est que le texte en français donne à la fois les paroles en français et en espag­nol. Vous risquez de voir donc deux fois le même mot ou des trucs étranges, je vous en demande par­don par avance.

Voyons tout d’abord le titre qui est à la fois en espag­nol et en français. « Buenos Aires es una papa / Buenos Aires, c’est épatant”. Le terme épatant, très “français”, même si un peu vieil­li n’est pas la tra­duc­tion lit­térale. En effet, la papa, c’est la pomme de terre, à ne pas con­fon­dre avec papá qui est le père en lan­gage enfan­tin. Cepen­dant, même si pour l’il­lus­tra­tion de cou­ver­ture j’ai choisi de vous présen­ter une pomme de terre, il faut pren­dre papa dans un autre sens. En effet, papa veut aus­si dire que c’est facile. C’est donc facile pour elle de s’adapter à l’Ar­gen­tine, ce qui n’est pas for­cé­ment l’avis de toutes les grisettes qui ont vécu de ter­ri­bles his­toires lors de leur arrivée en Argen­tine.

Quand je me suis embar­quée pour l’Ar­gen­tine,
j’é­tais pour mes par­ents la p’tite Titine (Titine peut être le gen­tilé du prénom Chris­tine, mais aus­si un surnom sans rela­tion directe avec le prénom d’o­rig­ine).
Main­tenant, voici, c’est drôle, j’ne com­prends pas !
Tout le monde ici m’ap­pelle « La Porotá » (un surnom).
Pour dire par­ler, main­tenant je dis « chamuyo » ;
au lieu de dire un franc, je dis « un grul­lo » (de Man­grul­lo, un bil­let d’un peso).
À mon fiancé je l’ap­pelle « un gran bacán ».
Oh, Buenos Aires, messieurs, c’est épatant !

C’est épatant
comme nous changeons.
Ici l’amour
c’est l’me­te­jón.
C’est épatant
et bien, voilà,
en Argen­tine
on dit comme ça.

J’ai appris cette langue à peine dans une semaine
et ils m’ont changé, c’est triste, tout de même.
Pour dire le lit je dis « la catr­era »,
pour dire sor­tir il faut dire « espi­antá ».
Le pain à table je l’ap­pelle « mar­ro­co » ;
quand j’ai mal à la tête, « me duele el coco ».
Je dis « la gui­ta » au lieu de dire l’ar­gent…
Oh, Buenos Aires, messieurs, c’est épatant !

Fin du de lun­far­do…

On voit donc les emprunts faits par Char­lo dans sa ver­sion qui est une ampu­ta­tion très sévère du texte d’o­rig­ine…

Autres versions

Je n’ai pas d’autres ver­sions à pro­pos­er.
Dans le cat­a­logue Odéon de 1929, on trou­ve un enreg­istrement par Delfy (l’au­teur de la musique), mais je n’ai pas réus­si à trou­ver ce disque.

Sous la référence de disque 7000 B, Delfy a enreg­istré un disque avec Odeón de “Buenos Aires c’est epatant” (sic).

Quand le tango va de Paris à Buenos Aires

Notre tan­go du jour a été inau­guré à Paris par Marthe Berthy dans le spec­ta­cle « Paris aux nues », une des revues du qui fit une tournée en Amérique du Sud en 1928.
Durant cette tournée, avant d’être présen­tée à Buenos Aires, le 15 juil­let 1928 au Teatro Ópera, la revue a été présen­tée à Rio de Janeiro. Le jour­nal de Rio de Janeiro, Cor­reio da Man­hã du 6 mai 1928 nous présente l’équipe du Moulin Rouge.
On y apprend que la troupe com­posée de 90 per­son­nes arrivées à bord du Lute­cia. Un repas a été offert aux artistes, par­mi lesquels on trou­ve :
Jacques Charles, créa­teur de plus de 110 revues, dont « Ça c’est Paris ! » (immor­tal­isé par ), « Ça c’est Mont­martre », « Paris aux nues » dont est tiré notre tan­go du jour « Oh ! Paris ! Mon Paris ! »…

Le Moulin Rouge — Simon Girard (Aimé Simon-Girard), Marthe Berthy, Mar­ta Albaicín (Pepi­ta Gar­cía Escud­ero), mem­bres prin­ci­paux de la troupe du Moulin rouge durant la tournée en Amérique du Sud.

Simon Girard, acteur de ciné­ma (Aimé Simon-Girard a joué dans Le vert galant 1924, Fan­fan-la-Tulipe 1925 et Les trois mous­que­taires 1932), Mar­ta Albaicín (Pepi­ta Gar­cía Escud­ero), danseuse de fla­men­co d’o­rig­ine espag­nole, Marthe Berthy, chanteuse (et danseuse, même si ce n’est pas pré­cisé dans l’ar­ti­cle) ayant rem­placé Mist­inguett au Moulin Rouge, Baldri­ni, chanteur déjà inter­venu à Buenos Aires et beau­coup d’autres.

L’in­tran­sigeant 1927-04-03 – La revue Ça c’est Paris avec Mist­inguett et Marthe Berthy.
Le jour­nal de Rio de Janeiro, Cor­reio da Man­hã du 6 mai 1928 annonçant que le spec­ta­cle va être joué à Rio de Janeiro et à Buenos Aires.

Dans le même jour­nal, dans l’édi­tion du 15 juin 1928, on trou­ve la pour le spec­ta­cle qui aura lieu le 10 juil­let 1928 (cinq jours avant la représen­ta­tion de Buenos Aires) au Pala­cio The­atro de Rio de Janeiro.

Le jour­nal de Rio de Janeiro, Cor­reio da Man­hã du 15 juin 1928 avec la pub­lic­ité pour le spec­ta­cle du Moulin Rouge au Pala­cio The­atro. À gauche, l’an­nonce com­plète, à droite, l’an­nonce découpée pour la ren­dre plus lis­i­ble.

On notera le titre des dif­férentes revues présen­tées, Paris à la dia­ble, Paris aux étoiles, Paris au feu, Paris aux nues (celle qui nous intéresse aujour­d’hui) et Adieu Paris.
Dans ce spec­ta­cle, il y avait donc divers­es pièces musi­cales qui étaient égale­ment un pré­texte pour présen­ter ce qui a fait le suc­cès du Moulin Rouge. Dans « Mont­martre aux nues » une des 110 revues crées par Jacques-Charles, on trou­vera par exem­ple un tan­go-fox-trot Lola de Valence, Fleur du mal avec des paroles de Jacques-Charles et Ch. L. Poth­ier et une musique de René Merci­er.
Les revues parisi­ennes qui fai­saient fureur dans le monde entier et notam­ment en Amérique du Nord et du Sud s’al­i­men­taient donc égale­ment des musiques et dans­es des pays d’ex­por­ta­tion. Même si on a du mal à l’imag­in­er aujour­d’hui, le Monde du tan­go et du spec­ta­cle était pour le moins tri­an­gu­laire, entre les Amériques et l’Eu­rope et notam­ment Paris dans le cas du tan­go et des revues du type Moulin Rouge.
En , je vous pro­pose un French Can­can, une musique qui date de la péri­ode précé­dant celle que nous venons d’évo­quer (1890 au lieu de 1928) mais qui a tou­jours du suc­cès dans les milon­gas en corti­na

Bande-annonce de French Can­can (29/04/1955) réal­isé par Jean Renoir en 1954–55.

À demain, les amis !

La siete de abril (zamba)

Andrés Avelino Chazarreta et Pedro Evaristo Díaz, ou , ou Agenor Reynoso ou Gómez Carrillo ou El Ciego Chazaou…

Les Argentins adorent avoir des règles pour pou­voir les trans­gress­er. Comme le jour de la est le 29 sep­tem­bre (anniver­saire de Gus­ta­vo «Cuchi» Leguiza­món) et le jour nation­al du folk­loriste argentin le 29 mai (anniver­saire de Andrés Aveli­no Chaz­arreta, auteur [pos­si­ble] de cette zam­ba), ils fêtent la zam­ba le 7 avril, jour men­tion­né dans le titre de cette zam­ba qui est la «Cumpar­si­ta» (selon l’ex­pres­sion de Daniel Borel­li) des de zam­ba. ¡A bailar la zam­ba chicos!

Pour vous per­me­t­tre d’avoir une idée de cette danse, je vous pro­pose cette inter­pré­ta­tion de zam­ba par et Juan Manuel Sote­lo.

Zam­ba dan­sée par Car­ol Reta­moso et Juan Manuel Sote­lo. Musi­ciens : Cris­t­ian Bautista (vio­lon) ; Alef Car­do­zo Madaf (gui­tare) Eduar­do Lobos, (Bom­bo).

Qui est l’auteur de cette zamba ?

L’au­teur de cette zam­ba n’est pas vrai­ment con­nu. J’ai listé les créa­teurs poten­tiels, mais le nom générale­ment retenu est le pre­mier qui l’a déposé à la SADAIC (société des auteurs argentins), Andrés Aveli­no Chaz­arreta.
Manuel Gomez Car­il­lo l’a col­lec­tée et déposée à son tour en 1923. Il n’en est donc pas l’au­teur, il l’a seule­ment col­lec­tée et sur sa ver­sion, Manuel Val­ladares Leda a rajouté des paroles postérieure­ment. Plusieurs autres ver­sions exis­tent.
L’au­teur orig­i­nal, s’il n’est pas Chaz­arreta peut-être Pedro Evaris­to Díaz, ou Ñato Car­ril­lo, ou Agenor Reynoso ou Gómez Car­ril­lo ou El Ciego Chaza­ou ou un autre qui reste anonyme. Cela n’a pas beau­coup d’in­térêt en fait.

Extrait musical

Il y a des dizaines de ver­sions de cette zam­ba. En voici quelques-unes, rel­a­tive­ment dif­férentes, mais c’est une toute petite par­tie de celles qui exis­tent. Si vous êtes en Argen­tine le 7 avril, vous allez l’en­ten­dre de tout côté…

La 7 de abril — . Sans doute la plus con­nue.
La 7 de abril — . Avec annonce des fig­ures de la choré­gra­phie. Comme DJ, cette ver­sion peut aider les danseurs un peu frag­iles dans la pra­tique de la zam­ba, mais le DJ peut aus­si faire les annonces.
La 7 de abril — .
La 7 de abril — Dino Saluzzi
La 7 de abril — Andrés Chaz­arreta à la gui­tare. Je ne pro­poserai pas cette ver­sion à la danse, mais elle est intéres­sante, car inter­prétée par « l’au­teur ».

ZZZ’avez dit zamba ou samba ?

Zamba, comme vous l’avez con­staté avec la vidéo, cette danse n’a absol­u­ment rien à voir avec la danse brésili­enne qui enflamme les rues de Rio durant le , pas plus que la zem­ba, sem­ba ou la zum­ba.
Cette danse, orig­i­naire de… Bon, on se retrou­ve devant une autre dif­fi­culté. Les reven­di­ca­tions sont nom­breuses. Des orig­ines africaines (j’imag­ine que les auteurs con­fondent avec la sam­ba ou la zem­ba, sem­ba) ou des orig­ines péru­vi­ennes. En effet, on attribue sou­vent à l’évo­lu­tion de la zamacue­ca en une ver­sion plus rapi­de, l’o­rig­ine de la zam­ba. J’écris la zam­ba, mais il y a en fait des zam­bas. Pour éviter de me met­tre à dos la moitié des danseurs de folk­lore argentins, je vais rester vague et juste dire que cette danse se pra­tique avec des foulards (pañue­los) dans toutes les provinces argen­tines et même à Buenos Aires.
Il y a d’ailleurs beau­coup plus de danseurs de folk­lore en Argen­tine que de danseurs de tan­go.

Comment ça se danse ?

C’est un peu la suite de la ques­tion précé­dente. Il n’y a pas une, mais, des zam­bas. Pour sim­pli­fi­er, on dit que les rythmes sont un peu dif­férents d’une province à l’autre, mais les choré­gra­phies sont égale­ment var­iées.
En fait, il s’ag­it d’une danse tra­di­tion­nelle et chaque groupe eth­nique l’a mise à sa sauce, l’a conçue, l’a con­stru­ite et décon­stru­ite. Les eth­no­logues et musi­co­logues ont figé ces dans­es dans des choré­gra­phies, ce qui a appau­vri la diver­sité, car c’est de ces col­lectes que sont par­tis les groupes folk­loriques pour mon­ter leurs spec­ta­cles. Je con­nais bien le phénomène, étant maître de dans­es tra­di­tion­nelles et ayant fait mon mémoire, juste­ment sur ce sujet…
La base de la danse est une danse de cou­ple, sans con­tact. C’est une danse de séduc­tion. L’homme et la femme se dépla­cent en agi­tant leur mou­choir (foulard). Dans la pre­mière par­tie, la femme rejette les avances de l’homme, mais, dans la sec­onde, elle se fait plus tolérante et finale­ment se laisse con­quérir.
Les deux par­ties sont donc dis­tinctes. Dans la pre­mière, l’homme est entre­prenant, il mobilise son foulard et essaye d’at­tir­er l’at­ten­tion de la dame. La femme est pudique, se masque le vis­age, n’ac­cepte pas l’in­vi­ta­tion. Elle donne même sou­vent le dos à la fin de la pre­mière par­tie. Dans la sec­onde par­tie, en revanche, elle devient plus entre­prenante et accepte les avances. Sou­vent, les danseurs jouent les deux par­ties de la même façon, ou toute la durée est en séduc­tion réciproque, ce qui est à mon avis une petite trahi­son de l’e­sprit de cette danse.
D’autres la dansent comme si c’é­tait une choré­gra­phie de coun­try, mais c’est une autre his­toire…

Je pen­sais vous faire un petit cours de zam­ba et me suis plongé dans ma bib­lio­thèque à la recherche de quelque manuel d’où je pour­rais tir­er des élé­ments utiles. Las, ces petits dessins sem­blent telle­ment com­pliqués à com­pren­dre que j’ai aban­don­né l’idée.
Je vais juste vous men­tion­ner les fig­ures de la forme la plus courante à Buenos Aires, qui est très loin d’être l’en­droit où elle se danse le plus, mais dans les milon­gas, il y a sou­vent un inter­mède de folk­lore com­por­tant chacar­era et zam­ba et comme vous me suiv­ez pour le tan­go, vous avez cer­taine­ment une atti­rance pour cette ville.
Les phras­es musi­cales sont de 8 temps. Elles don­nent la durée des « fig­ures ».
L’in­tro­duc­tion. On peut frap­per dans les mains.
La pre­mière vuelta. Elle com­mence avec le chant (quand c’est une zam­ba chan­tée, bien sûr). À la fin de la pre­mière phrase, on a un échange de place avec sa parte­naire. À la fin de la sec­onde, on est ren­tré dans une sorte de spi­rale et on s’ar­rête, on change de direc­tion (arresto) au début de la troisième phrase et on revient au point de départ en faisant l’escar­got à l’en­vers.
On revient au cen­tre et ont fait trois arrestos (ce qui donne l’im­pres­sion que les parte­naires se tour­nent autour), puis ont revient au point de départ.
La musique change de tonal­ité, de car­ac­tère. Cela annonce le dernier escar­got.
Et sur la dernière phrase, le cou­ple se réu­nit au cen­tre (la femme dos à l’homme dans la pre­mière par­tie et de face et com­plice dans la sec­onde).
Je pense que vous n’au­rez rien com­pris, ce n’est pas grave car en admet­tant que vous ayez com­pris la choré­gra­phie, il vous resterait à acquérir la manip­u­la­tion du foulard et c’est tout un autre univers. Toute­fois, pour le foulard, on peut amélior­er son jeu en jouant l’his­toire de la danse. Dans la pre­mière par­tie, l’homme cherche à capter l’at­ten­tion et la femme se cache et rejette, dans la sec­onde, ils s’ac­cor­dent et peu­vent enlac­er les foulard, se caress­er avec…

La siete de abril

Le titre peut sem­bler est une date (7 avril). On se demande alors immé­di­ate­ment qu’à cette date par­ti­c­ulière pour qu’on en fasse une zam­ba (ou même une chan­son).
Une date prob­a­ble est le 7 avril 1840, où Mar­cos Avel­lane­da qui dirigeait une insur­rec­tion (la Ligue du Nord) a per­du la tête qui a été exposée par l’ar­mée de Rosas sur la place cen­trale de San Miguel de Tucumán.
La défaite de l’in­sur­rec­tion a eu lieu à Famail­lá, mais Avel­lane­da s’est enfuit vers le Nord et il se peut que ce soit sur l’emplacement de 7 de Abril qu’il a été rat­trapé et décapité.

Cette local­ité qui compte aujour­d’hui un mil­li­er de per­son­nes s’é­tait dévelop­pée à prox­im­ité d’une sta­tion de chemin de fer des­tinée à trans­porter vers des lieux plus peu­plés, la canne à sucre pro­duite ici et le bois récolté dans les bois avoisi­nants.

Quoi qu’il en soit, il est dif­fi­cile de faire le lien entre cet événe­ment sanglant et la zam­ba. Il reste deux hypothès­es. La belle est de 7 de Abril, où il s’ag­it d’un 7 de Abril, date d’une ren­con­tre et donc, une date plutôt d’or­dre privé.
Tournons-nous du côté des paroles pour voir si on a d’autres pistes.

Les paroles

Il y a en fait divers­es paroles. La ver­sion la plus courante aujour­d’hui est celle de Pedro Evaris­to Díaz sur la musique déposée par Andrés Aveli­no Chaz­arreta.

Triste y con penas me voy
Voy can­tan­do mi can­ción
{Bus­can­do con­sue­lo en una zam­ba
Porque me ha pedi­do el corazón} bis
Lejos se escucha una (mi) voz
Y ella dice en su can­tar
{En aque­l­las noches silen­ciosas
Can­to porque aliv­io mi pesar} bis
Estri­bil­lo
Otros andarán por ahí
Igual­i­tos como yo
{Can­tan­do triste sus penas
Zam­ba sos mi can­ción} bis

Como el per­fume de flor
Suave, acom­pasa­da sos
{Has hecho bailar a muchos criol­los
Hacien­do vivir la tradi­ción} bis
Tus melodías quizás
Siem­pre han sido para mí
{La que muchas noches he soña­do
Y así la nom­bré siete de abril} bis

Andrés Aveli­no Chaz­arreta Letra : Pedro Evaris­to Díaz

Si vous voulez con­naître d’autres ver­sions, mais qui ne don­nent pas plus d’indi­ca­tion sur l’o­rig­ine, vous pou­vez con­sul­ter cet excel­lent arti­cle :

https://raicesmusical.blogspot.com/p/zambas-y-sus-versiones.html

Ver­sion archivée au cas où la page deviendrait indisponible : https://web.archive.org/web/20220909213526/https://raicesmusical.blogspot.com/p/zambas-y-sus-versiones.html

Traduction libre

Triste et chargé de peine je m’en vais
Je m’en vais en chan­tant ma chan­son
Cher­chant du récon­fort dans une zam­ba
{Parce que mon cœur me l’a demandé} bis
Au loin s’en­tend une voix
Et elle dit dans sa chan­son
{Dans ces nuits silen­cieuses
Je chante pour alléger mon cha­grin} bis
Refrain
D’autres vien­dront par là
Tous égaux, comme moi
{Chan­tant tris­te­ment leurs peines
Zam­ba tu es ma chan­son} bis

Comme le par­fum de la fleur
Tu es douce et ryth­mée
{Tu as fait danser beau­coup de criol­los
Faisant revivre la tra­di­tion} bis
Tes mélodies peut-être
Ont tou­jours été pour moi
{Celle dont j’ai rêvé de nom­breuses nuits
C’est ain­si que je l’ai nom­mée 7 avril} bis

Alors, allez-vous danser la zamba ?

Comme DJ, j’adore voir les danseurs danser une belle zam­ba. Ce plaisir est rare en Europe, alors j’e­spère que vous vous y met­trez, pour me faire plaisir, mais surtout pour vous faire plaisir.
J’es­saye tou­jours de plac­er un inter­mède de folk­lore dans les milon­gas que j’anime. En Europe, ça a rarement du suc­cès et ça se ter­mine en corti­na, mais désor­mais, la chacar­era est bien ren­trée dans les mœurs. La zam­ba, c’est un peu plus dif­fi­cile, mais j’ai eu quelques occa­sions, donc celle qui m’a servi pour la pho­to de cou­ver­ture où deux danseurs français ont réal­isé une très belle zam­ba. Ils se sont retrou­vés seuls sur la piste, mais ils ont pro­duit une vive émo­tion et je suis sûr que cela a don­né une petite envie à cer­tains.
L’an dernier à Tarbes, j’ai aus­si pu faire danser quelques cou­ples sur une zam­ba.

Une autre zamba pour vous décider à la danser, par

Il existe des cen­taines de Zam­bas, cha­cune dans de nom­breuses ver­sions. C’est un champ immense.

Gal­li­tos del aire par Argenti­no Luna. Les Gal­li­tos del Aire (petits coqs de l’air) sont les foulards.

Les (petits coqs de l’air) sont les foulards.

À Buenos Aires, cette ver­sion plaît beau­coup.

Je vous en donne les paroles et leur tra­duc­tion, car ce titre décrit exacte­ment la danse et son sen­ti­ment.

Paroles de Gallitos del aire

Comen­zó la zam­ba y con el pañue­lo
Te invité a bailar­la y fue como un ruego
Cuan­do te acer­caste, casi sin alien­to
Con mucha vergüen­za, dijiste baile­mos
Y así comen­zamos a bailar la zam­ba
Ponien­do en el baile, el cuer­po y el alma

La Luna traviesa bril­l­a­ba en tu pelo
Yo te pre­sen­tía palo­ma en ace­cho
En la media vuelta me puse a tu lado
Bus­can­do tus ojos, mis ojos jugaron
Giraste y te fuiste, tími­da y calla­da
Tem­blorosa­mente bai­lan­do la zam­ba

Una vuelta entera, nos puso de frente
Mis labios desea­ban tus labios ardi­entes
Gal­li­tos del aire fueron los pañue­los
Que en blan­co y celeste pin­taron el cielo
Ya la media zam­ba mar­ca­ba el final
Y yo pre­sen­tía tus ganas de amar

Se va la segun­da, dijo el musi­quero
Y yo enam­ora­do seguía tu vue­lo
Pre­sen­tí tus miedos casi con asom­bro
Mien­tras me mirabas por arri­ba del hom­bro
Con la mano izquier­da me toque el som­brero
Como pa’ decirte aquí voy de nue­vo

Lo demás fue un juego de amagues y esquives
Un tan­tear de cer­ca, tu cuer­po de mim­bre
For­man­do un arresto, mi pañue­lo blan­co
Lo entre­lazó al tuyo que and­a­ba volan­do
Y fue con el baile, vio­lín y gui­tar­ra
La noche más noche, la zam­ba más zam­ba

Una vuelta entera nos puso de frente
Mis labios desea­ban tus labios ardi­entes
Gal­li­tos del aire, fueron los pañue­los
Que en blan­co y celeste pin­taron el cielo
Mi pañue­lo blan­co te tra­jo hacia mí
Y tú enam­ora­da dijiste que sí

Argenti­no Luna

Traduction libre de Gallitos del aire et indications

La zam­ba a com­mencé et avec le foulard
Je t’ai invitée à la danser et c’é­tait comme une prière
Quand tu t’es approchée, presque essouf­flée
Avec beau­coup de honte, tu as dit, dan­sons
C’est ain­si que nous avons com­mencé à danser la zam­ba
Met­tant dans la danse corps et âme

La lune coquine bril­lait dans tes cheveux
J’ai sen­ti que tu étais une colombe traquée
Dans la media vuelta (fig­ure de la zam­ba), je me tenais à ton côté
Mes yeux jouant à chercher tes yeux
Tu t’es retourné et tu es par­tie, timide et silen­cieuse
Dansant la zam­ba en trem­blant

Un vuelta entera (fig­ure de zam­ba, tour entier), nous a mis face à face
Mes lèvres désir­aient tes lèvres brûlantes
Les coqs de l’air étaient les foulards
Qui en blanc et bleu céleste ont peint le ciel. (Ce sont les couleurs de la ban­dera argen­tine. Les femmes ont tra­di­tion­nelle­ment le foulard céleste et les hommes le blanc. Les foulard sont agités en l’air et don­nent l’im­pres­sion de pein­dre le ciel)
Déjà la demi-zam­ba mar­quait la fin
Et j’ai pressen­ti ton désir d’aimer. (C’est la fin de la pre­mière par­tie. Le danseur rac­com­pa­gne la femme et la sec­onde par­tie com­mence).

La sec­onde démarre, dit le musi­cien (il annonce la sec­onde par­tie)
Et moi, amoureux, j’ai suivi ton vol
J’ai sen­ti tes craintes presque avec éton­nement
Alors que tu me regar­dais par-dessus ton épaule
De ma main gauche, j’ai touché mon cha­peau
Comme pour te dire que je reviens.

Le reste n’é­tait qu’un jeu de feintes et d’esquives
Une sen­sa­tion de prox­im­ité, ton corps en osier
For­mant une arresto (fig­ure de la zam­ba con­sis­tant à chang­er de sens, comme une sim­u­la­tion de court après-moi que je t’at­trape), mon foulard blanc
Je l’ai entrelacé avec le tien qui allait, volant
Et ce fut avec la danse, le vio­lon et la gui­tare
La nuit la plus nuit, la zam­ba la plus zam­ba

Un tour entier nous a mis face à face
Mes lèvres désir­aient tes lèvres brûlantes
Coqs de l’air, c’é­taient les foulards
Qui en blanc et bleu clair ont peint le ciel
Mon foulard blanc t’a amené jusqu’à moi
Et toi, énamourée, tu as dit oui.

Recuerdo, 1944-03-31 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Adolfo et/ou Osvaldo Pugliese Letra : Eduardo Moreno

serait le pre­mier tan­go écrit par Osval­do Pugliese. Ayant été édité en 1924, cela voudrait dire qu’il l’au­rait écrit avant l’âge de 19 ans. Rien d’é­ton­nant de la part d’un génie, mais ce qui est éton­nant, c’est le titre, Recuer­do (sou­venir), sem­ble plus le titre d’une per­son­ne d’âge mûr que d’un tout jeune homme, surtout pour une pre­mière œuvre. Essayons d’y voir plus clair en regroupant nos sou­venirs…

La famille Pugliese, une famille de musiciens

Osval­do est né en 1905, le 2 décem­bre. Bien que d’une famille mod­este, son père lui offre un vio­lon à l’âge de neuf ans, mais Osval­do préféra le piano.
Je vais vous présen­ter sa famille, tout d’abord avec un arbre généalogique, puis nous entrerons dans les détails en présen­tant les musi­ciens.

(1876–06-24 — 1945-02-09), le père, flûtiste, compositeur (?) et éditeur de musique

Comme com­pos­i­teur, on lui attribue :

(Tan­go mío) (Tan­go de 1931), mais nous ver­rons, à la fin de cet arti­cle, qu’il y en a peut-être un autre, ou pas…
La légende veut qu’il soit un mod­este ouvri­er du cuir, comme son père qui était cor­don­nier, mais il était aus­si édi­teur de musique et flûtiste. Il avait donc plusieurs cordes à son arc.
De plus, quand son fils Osval­do a souhaité faire du piano, cela ne sem­ble pas avoir posé de prob­lème alors qu’il venait de lui fournir un vio­lon (qui pou­vait être partagé avec son frère aîné, cepen­dant). Les familles qui ont un piano ne sont pas les plus dému­nies…
Même si Adol­fo a écrit, sem­ble-t-il, écrit peu (ou pas) de tan­go, il en a en revanche édité, notam­ment ceux de ses enfants…
Voici deux exem­ples de par­ti­tion qu’il édi­tait. À droite, celle de Recuer­co, notre tan­go du jour. On remar­quera qu’il indique « musique d’Adol­fo Pugliese » et la sec­onde de « Por una car­ta », une com­po­si­tion de son fils Alber­to, frère d’Os­val­do, donc.

Sur la cou­ver­ture de Recuer­do, le nom des musi­ciens de Julio de Caro, à savoir : Julio de Caro, recon­naiss­able à son vio­lon avec cor­net qui est égale­ment le directeur de l’orchestre., puis de gauche à droite, Fran­cis­co de Caro au piano, Pedro Maf­fia au ban­donéon (que l’on retrou­ve sur la par­ti­tion de Por una car­ta), Enrike Krauss à la con­tre­basse, Pedro Lau­renz au ban­donéon et Emilio de Caro, le 3e De Caro de l’orchestre…
Sur la par­ti­tion de Por una car­ta, les sig­na­tures des mem­bres de l’orchestre de Pedro Maf­fia : Elvi­no Var­daro, le mer­veilleux vio­loniste, Osval­do Pugliese au piano, Pedro Maf­fia au ban­donéon et directeur de l’orchestre, Fran­cis­co De à la con­tre­basse, Alfre­do De Fran­co au ban­donéon et au vio­lon.

On voir qu’Adol­fo gérait ses affaires et que donc l’idée d’un Osval­do Pugliese né dans un milieu déshérité est bien exagérée. Cela n’a pas empêché Osval­do d’avoir des idées généreuses comme en témoignent son engage­ment au par­ti com­mu­niste argentin et sa con­cep­tion de la répar­ti­tion des gains avec son orchestre. Il divi­sait les émol­u­ments en por­tions égales à cha­cun des mem­bres de l’orchestre, ce qui n’é­tait pas la façon de faire d’autres orchestres ou le leader était le mieux payé…

Antonio Pugliese (1878–11-21— ????), oncle d’Osvaldo. Musicien et compositeur d’au moins un tango

Ce tan­go d’An­to­nio est : Qué mal hiciste avec des paroles d’Andrés Gaos (fils). Il fut enreg­istré en 1930 par Anto­nio Bonave­na. Je n’ai pas de pho­to du ton­ton, alors je vous pro­pose d’é­couter son tan­go dans cette ver­sion instru­men­tale.

Que mal hiciste 1930 Orques­ta Anto­nio Bonave­na (ver­sion instru­men­tale)

Alberto Pugliese (1901–01-29- 1965-05-15), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Curieuse­ment, les grands frères d’Os­val­do sont peu cités dans les textes sur le tan­go. Alber­to a pour­tant réal­isé des com­po­si­tions sym­pa­thiques, par­mi lesquelles on pour­rait citer :

  • Ado­ración (Tan­go) enreg­istré Orques­ta Juan Maglio « Pacho » avec Car­los Viván (1930–03-28).
  • Cabecitas blan­cas (Tan­go) enreg­istré par Osval­do et Chanel (1947–10-14)
  • Car­iño gau­cho (Milon­ga)
  • El char­quero (Tan­go de 1964)
  • El remate (Tan­go) dont son petit frère a fait une mag­nifique ver­sion (1944–06-01). Mais de nom­breux autres orchestres l’ont égale­ment enreg­istré.
  • Espinas (Tan­go) Enreg­istré par Fir­po (1927–02-27)
  • Milon­ga de mi tier­ra (Milon­ga) enreg­istrée par Osval­do et Jorge Rubi­no (1943–10-21)
  • Por una car­ta (Tan­go) enreg­istré par la Típi­ca Vic­tor (1928–06-26)
  • Soñan­do el Charleston (Charleston) enreg­istré par Adol­fo Cara­bel­li Jazz Band (1926–12-02).

Il en a cer­taine­ment écrit d’autres, mais elles sont encore à iden­ti­fi­er et à faire jouer par un orchestre qui les enreg­istr­era…
On notera que sa petite fille, Marcela est chanteuse de tan­go. Les gènes ont aus­si été trans­mis à la descen­dance d’Al­ber­to.

Adolfo Vicente (Fito) Pugliese (1899— ????), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Adol­fo Vicente (surnom­mé Fito pour mieux le dis­tinguer de son père Adol­fo, Adolfito devient Fito) ne sem­ble pas avoir écrit ou enreg­istré sous son nom. Ce n’est en revanche pas si sûr. En effet, il était un bril­lant vio­loniste et étant le plus âgé des garçons, c’est un peu lui qui fai­sait tourn­er la bou­tique quand son père se livrait à ses frasques (il buvait et courait les femmes).
Cepen­dant, la mésen­tente avec le père a fini par le faire par­tir de Buenos Aires et il est allé s’in­staller à Mar del Pla­ta où il a délais­sé la musique et le vio­lon, ce qui explique que l’on perde sa trace par la suite.

Beba (Lucela Delma) Pugliese (1936— …), pianiste, chef d’orchestre et compositrice

C’est la fille d’Os­val­do et de María Con­cep­ción Flo­rio et donc la petite fille d’Adol­fo, le flûtiste et édi­teur.
Par­mi ses com­po­si­tions, Catire et Chichar­ri­ta qu’elle a joué avec son quin­te­to…

Carla Pugliese (María Carla Novelli) Pugliese (1977— …), Pianiste et compositrice

Petite fille d’Os­val­do et fille de Beba, la tra­di­tion famil­iale con­tin­ue de nos jours, même si Car­la s’ori­ente vers d’autres musiques.
Si vous voulez en savoir plus sur ce jeune tal­ent :

https://www.todotango.com/creadores/biografia/1505/Carla-Pugliese/ (en espag­nol)

https://www.todotango.com/english/artists/biography/1505/Carla-Pugliese/ (en anglais)

Les grands-parents de Pugliese

Je ne sais pas s’ils étaient musi­ciens. Le père était zap­a­tero (cor­don­nier). Ce sont eux qui ont fait le voy­age en Argen­tine où sont nés leurs 5 enfants. Ce sont deux par­mi les mil­liers d’Eu­ropéens qui ont émi­gré vers l’Ar­gen­tine, comme le fit la mère de Car­los Gardel quelques années plus tard.

Roque PUGLIESE Padula

Né le 5 octo­bre 1853 — Tri­cari­co, Mat­era, Basil­i­ca­ta, Ital­ie
Zap­a­tero. C’est de lui que vient le nom de Pugliese qu’il a cer­taine­ment adop­té en sou­venir de sa terre natale.

Filomena Vulcano

Née en 1852 — Rossano, Cosen­za, Cal­abria, Ital­ie
Ils se sont mar­iés le 28 novem­bre 1896, dans l’église Nues­tra Seño­ra de la Piedad, de Buenos Aires.
Leurs enfants :

  • Adol­fo Juan PUGLIESE Vul­cano 1876–1943 (Père d’Os­val­do, com­pos­i­teur, édi­teur et flûtiste)
  • Anto­nio PUGLIESE Vul­cano 1878 (Musi­cien et com­pos­i­teur)
  • Luisa María Mar­gari­ta PUGLIESE Vul­cano 1881
  • Luisa María PUGLIESE Vul­cano 1883
  • Con­cep­ción María Ana PUGLIESE Vul­cano 1885

Extrait musical

Recuer­do, 1944-03-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Dans cette ver­sion il y a déjà tout le Pugliese à venir. Les ver­sions enreg­istrées aupar­a­vant avaient déjà pour cer­taines des into­na­tions proches. On peut donc penser que la puis­sance de l’écri­t­ure de Pugliese a influ­encé les orchestres qui ont inter­prété son œuvre. À l’é­coute on se pose la ques­tion de la pater­nité de la com­po­si­tion. Alfre­do, Osval­do ou un autre ? Nous y revien­drons.

Les paroles

Ayer can­taron las poet­as
y llo­raron las orques­tas
en las suaves noches del ambi­ente del plac­er.
Donde la bohemia y la frágil juven­tud
apri­sion­adas a un encan­to de mujer
se mar­chi­taron en el bar del bar­rio sud,
murien­do de ilusión
murien­do su can­ción.

Mujer
de mi poe­ma mejor.
¡Mujer!
Yo nun­ca tuve un amor.
¡Perdón!
Si eres mi glo­ria ide­al
Perdón,
serás mi ver­so ini­cial.

Y la voz en el bar
para siem­pre se apagó
su moti­vo sin par
se oyó.

Embria­ga­da Mimí,
que llegó de París,
sigu­ien­do tus pasos
la glo­ria se fue
de aque­l­los mucha­chos
del viejo café.

Quedó su nom­bre graba­do
por la mano del pasa­do
en la vie­ja mesa del café del bar­rio sur,
donde anoche mis­mo una som­bra de ayer,
por el recuer­do de su frágil juven­tud
y por la cul­pa de un olvi­do de mujer
dur­mióse sin quer­er
en el Café Con­cert.

Adol­fo et/ou Osval­do Pugliese Letra : Eduar­do Moreno

Dans la ver­sion de la Típi­ca Vic­tor de 1930, ne chante que la par­tie en gras. Rosi­ta Mon­temar chante deux fois tout ce qui est en bleu.

Traduction libre et indications

Hier, les poètes ont chan­té et les orchestres ont pleuré dans les douces nuits de l’at­mo­sphère de plaisir.
Où la bohème et la jeunesse frag­ile pris­on­nière du charme d’une femme se flétris­saient dans le bar du quarti­er sud, mourant d’il­lu­sion et mourant de leur chan­son.
Femme de mon meilleur poème.

Femme !
Je n’ai jamais eu d’amour.
Par­don !
Si tu es ma gloire idéale
Désolé, tu seras mon cou­plet d’ou­ver­ture.

Et la voix dans le bar s’éteignit à jamais, son motif sans pareil ne fut plus jamais enten­du.
Mimì ivre, qui venait de Paris, suiv­ant tes traces, la gloire s’en est allée à ces garçons du vieux café.

Son nom était gravé par la main du passé sur la vieille table du café du quarti­er sud, où hier soir une ombre d’hi­er, par le sou­venir de sa jeunesse frag­ile et par la faute de l’ou­bli d’une femme, s’est endormie involon­taire­ment dans le Café-Con­cert.

Dans ce tan­go, on voit l’im­por­tance du sud de Buenos Aires.

Autres versions

Recuer­do, 1926-12-09 — Orques­ta Julio De Caro. C’est l’orchestre qui est sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion éditée avec le nom d’Adol­fo. Remar­quez que dès cette ver­sion, la vari­a­tion finale si célèbre est déjà présente.
Recuer­do 1927 — Rosi­ta Mon­temar con orques­ta. Une ver­sion chan­son. Juste pour l’in­térêt his­torique et pour avoir les paroles chan­tées…
Recuer­do, 1928-01-28 — Orques­ta Bian­co-Bachicha. On trou­ve dans cette ver­sion enreg­istrée à Paris, quelques accents qui seront mieux dévelop­pés dans les enreg­istrements de Pugliese. Ce n’est pas inin­téres­sant. Cela reste cepen­dant dif­fi­cile de pass­er à la place de « La référence ».
Recuer­do, 1930-04-23 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Rober­to Díaz. Une des rares ver­sions chan­tées et seule­ment sur le refrain (en gras dans les paroles ci-dessus). Un bas­son apporte une sonorité éton­nante à cette ver­sion. On l’en­tend par­ti­c­ulière­ment après le pas­sage chan­té.
Recuer­do, 1941-08-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to. Une ver­sion très intéres­sante. Que je pour­rais éventuelle­ment pass­er en bal.
Recuer­do 1941 Orques­ta Aníbal Troi­lo. La prise de son qui a été réal­isée à Mon­te­v­ideo est sur acé­tate, donc le son est mau­vais. Elle n’est là que pour la référence.
Recuer­do, 1942-11-04 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi. Une ver­sion sur­prenante pour du Tan­turi et pas si loin de ce que fera Pugliese, deux ans plus tard. Heureuse­ment qu’il y a la fin typ­ique de Tan­turi, une dom­i­nante suiv­ie bien plus tard par la tonique pour nous cer­ti­fi­er que c’est bien Tan­turi 😉
Recuer­do, 1944-03-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est le tan­go du jour. Il est intéres­sant de voir com­ment cette ver­sion avait été annon­cée par quelques inter­pré­ta­tions antérieures. On se pose tou­jours la ques­tion ; Alfre­do ou Osval­do ? Sus­pens…
Recuer­do, 1952-09-17 — Orques­ta Julio De Caro. De Caro enreg­istre 26 ans plus tard le titre qu’il a lancé. L’évo­lu­tion est très nette. L’u­til­i­sa­tion d’un orchestre au lieu du sex­te­to, donne de l’am­pleur à la musique.
Recuer­do 1966-09 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. On retrou­ve Pugliese, 22 ans après son pre­mier enreg­istrement. Cette fois, la voix de Maciel. Celui-ci chante les paroles, mais avec beau­coup de mod­i­fi­ca­tions. Je ne sais pas quoi en penser pour la danse. C’est sûr qu’en Europe, cela fait un mal­heur. L’in­ter­pré­ta­tion de Maciel ne se prête pas à la danse, mais c’est telle­ment joli que l’on pour­rait s’ar­rêter de danser pour écouter.

En 1985, on a au moins trois ver­sions de Rucuer­do par Pugliese. Celle de « Grandes Val­ores », une émis­sion de télévi­sion, mais avec un son moyen, mais une vidéo. Alors, je vous la présente.

Recuer­do par Osval­do Pugliese dans l’émis­sion Grandes Val­ores de 1985.

Puisqu’on est dans les films, je vous pro­pose aus­si la ver­sion au théâtre Colon, cette salle de spec­ta­cle fameuse de Buenos Aires.

Recuer­do par Osval­do Pugliese au Théa­tre Colon, le 12 décem­bre 1985.

Pour ter­min­er, tou­jours de 1985, l’en­reg­istrement en stu­dio du 25 avril.

Recuer­do, 1985-04-25 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a con­tin­ué à jouer à de nom­breuses repris­es sa pre­mière œuvre. Vous pou­vez écouter les dif­férentes ver­sions, mais elles sont glob­ale­ment sem­blables et je vous pro­pose d’ar­rêter là notre par­cours, pour traiter de notre fil rouge. Qui est le com­pos­i­teur de Recuer­do ?

Qui est le compositeur de Recuerdo ?

On a vu que la par­ti­tion éditée en 1926 par Adol­fo Pugliese men­tionne son nom comme auteur. Cepen­dant, la tra­di­tion veut que ce soit la pre­mière com­po­si­tion d’Os­val­do.
Écou­tons le seul tan­go qui soit éti­queté Adol­fo :
Ausen­cia, 1926-09-16 — José Bohr y su Orques­ta Típi­ca. C’est mignon, mais c’est loin d’avoir la puis­sance de Recuer­do.
On notera toute­fois que la réédi­tion de cette par­ti­tion est signée Adol­fo et Osval­do. La seule com­po­si­tion d’Adol­fo serait-elle en fait de son fils ? C’est à mon avis très prob­a­ble. Le père et sa vie peu équili­brée et n’ayant pas don­né d’autres com­po­si­tions, con­traire­ment à ses garçons, pour­rait ne pas être com­pos­i­teur, en fait.

Pour cer­tains, c’est, car Osval­do était mineur, que son père a édité la par­ti­tion à son nom. Le prob­lème est que plusieurs tan­gos d’Os­val­do avaient été antérieure­ment édités à son nom. Donc, l’ar­gu­ment ne tient pas.

Pour ren­dre la chose plus com­plexe, il faut pren­dre en compte l’his­toire de son frère aîné
Adol­fo (Fito). Ce dernier était un bril­lant vio­loniste et com­pos­i­teur.
Pedro Lau­renz, alors Ban­donéiste dans l’orchestre de Julio De Caro, indique qu’il était avec Eduar­do Moreno quand un vio­loniste Emilio Marchi­ano serait venu lui deman­der d’aller chercher ce tan­go chez Fito pour lui ajouter des paroles.
Marchi­ano tra­vail­lait alors au café ABC, comme l’indique Osval­do qui était ami avec le ban­donéon­iste Enrique Pol­let (France­si­to) et qui aurait recom­mandé les deux titres mar­qués Adol­fo (Ausen­cia et Recuer­do).
On est sur le fil avec ces deux his­toires avec les mêmes acteurs. Dans un cas, l’au­teur serait Adolfi­to qui don­nerait la musique pour qu’elle soit jouée par De Caro et dans l’autre, ce serait Pol­let qui aurait fait la pro­mo­tion des com­po­si­tions qui seraient toutes deux d’Os­val­do et pas de son père, ni de son grand frère.
Pour expli­quer que le nom de son père soit sur les par­ti­tions de ces deux œuvres, je donne la parole à Osval­do qui indique qu’il est bien l’au­teur de ces tan­gos, et notam­ment de Recuer­do qu’il aurait don­né à son père, car ce dernier, flûtiste avait du mal à trou­ver du tra­vail et qu’il avait décidé de se recon­ver­tir comme édi­teur de par­ti­tion. En effet, la flûte, très présente dans la vieille garde n’é­tait plus guère util­isée dans les nou­veaux orchestres. Cette anec­dote est par Oscar del Pri­ore et Irene Amuchástegui dans Cien tan­gos fun­da­men­tales.
Tou­jours selon Pedro Lau­renz, la vari­a­tion finale, qui donne cette touche magis­trale à la pièce, serait d’En­rique Pol­let, alias El Francés, (1901–1973) le ban­donéon­iste qui tra­vail­lait avec Eduar­do Moreno au moment de l’adap­ta­tion de l’œu­vre aux paroles.
Cepen­dant, la ver­sion de 1927 chan­tée par Rosi­ta Mon­temar ne con­tient pas la vari­a­tion finale alors que l’en­reg­istrement de 1926 par De Caro, si. Plus grave, la ver­sion de 1957, chan­tée par Maciel ne com­porte pas non plus cette vari­a­tion. On pour­rait donc presque dire que pour adapter au chant Recuer­do, on a sup­primé la vari­a­tion finale.

Et en conclusion ?

Ben, il y a plein d’hy­pothès­es et toutes ne sont pas fauss­es. Pour ma part, je pense que l’on a min­imisé le rôle Fito et qu’Adol­fo le père n’a pas d’autre mérite que d’avoir don­né le goût de la musique à ses enfants. Il sem­ble avoir été un père moins par­fait sur d’autres plans, comme en témoigne l’ex­il d’Adolfi­to (Vicente).
Mais finale­ment, ce qui compte, c’est que cette œuvre mer­veilleuse nous soit par­v­enue dans tant de ver­sions pas­sion­nantes et qu’elle ver­ra sans doute régulière­ment de nou­velles ver­sions pour le plus grand plaisir de nos oreilles, voire de nos pieds.
Recuer­do restera un sou­venir vivant.

Percal 1943-02-25 (Tango) — Orquesta Miguel Caló con Alberto Podestá

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Ne me dites pas que la voix chaude d’ Podestá quand il lance le pre­mier « Per­cal » ne vous émeut pas, je ne vous croirais pas. Mais avant le thème créé par Domin­go Fed­eri­co et magis­trale­ment pro­posé par l’orchestre de Caló a instau­ré une ambiance de mys­tère.

Je ne sais pas pourquoi, mais les pre­mières notes m’ont tou­jours fait penser aux mille et une nuit. L’évo­ca­tion de la per­cale qui est un tis­su de qual­ité en France pour­rait ren­forcer cette impres­sion de luxe.
Cepen­dant, le per­cal qui est mas­culin en espag­nol, est une étoffe mod­este des­tinée aux femmes pau­vres. Vous le décou­vrirez plus large­ment avec les paroles, ci-dessous.

Podestá a com­mencé à chanter pour Caló à 15 ans. Il a passé une audi­tion dans l’après-midi et le soir-même il com­mençait avec l’orchestre. Miguel Caló savait décel­er les tal­ents…

Extrait musical

Qué tiem­po aquel 1938-02-24 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar

Les paroles

Per­cal…
¿Te acuer­das del per­cal?
Tenías quince abriles,
Anh­e­los de sufrir y amar,
De ir al cen­tro, tri­un­far
Y olvi­dar el per­cal.
Per­cal…
Camino del per­cal,
Te fuiste de tu casa…
Tal vez nos enter­amos mal.
Solo sé que al final
Te olvi­daste el per­cal.

La juven­tud se fue…
Tu casa ya no está…
Y en el ayer tira­dos
Se han queda­do
Aco­bar­da­dos
Tu per­cal y mi pasa­do.
La juven­tud se fue…
Yo ya no espero más…
Mejor dejar per­di­dos
Los anh­e­los que no han sido
Y el vesti­do de per­cal.

Llo­rar…
¿Por qué vas a llo­rar?…
¿Aca­so no has vivi­do,
Aca­so no aprendiste a amar,
A sufrir, a esper­ar,
Y tam­bién a callar?
Per­cal…
Son cosas del per­cal…
Saber que estás sufrien­do
Saber que sufrirás aún más
Y saber que al final
No olvi­daste el per­cal.
Per­cal…
Tris­tezas del per­cal.

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Parlons chiffons

Per­cal est men­tion­né sept fois dans les paroles de ce tan­go d’Home­ro Expósi­to. Il est donc très impor­tant de ne pas faire un con­tre­sens sur la sig­ni­fi­ca­tion de ce mot.
Wikipé­dia nous dit que : « La per­cale est un tis­su de coton de qual­ité supérieure fait de fil fin ser­ré à plat. Elle est appré­ciée en literie pour son touch­er lisse, doux, et sa résis­tance ».
Vous aurez com­pris qu’il ne faut pas en rester là, car une fois de plus, c’est le , l’ar­got argentin qu’il faut inter­roger pour com­pren­dre.
En lun­far­do, il s’ag­it d’un tis­su de coton util­isé pour les robes des femmes de con­di­tion mod­este. On retrou­ve dans cette déri­va­tion du mot en lun­far­do, la déri­sion de la mode de la haute société qui se piquait d’être à la française. Nom­mer une toile mod­este du nom d’une toile pres­tigieuse était une façon de se moquer de sa con­di­tion de mis­ère.
En français, on dirait donc plutôt « cal­i­cot » que per­cale pour ce type de tis­su de basse qual­ité.
Voici ce qu’a écrit Athos Espín­dola dans son « Dic­cionario del lun­far­do » :

Per­cal. l. p. Tela de mod­es­ta cal­i­dad que se emplea­ba para vesti­dos de mujer, la más común entre la gente humilde. Fue lle­va­da por el can­to, la poesía y el teatro pop­u­lares a con­ver­tirse en sím­bo­lo de sen­cillez y pureza que rep­re­senta­ba a la mujer de bar­rio entre­ga­da a su hog­ar y a la obr­era que sucum­bía doce horas diarias en el taller de plan­cha­do o en la fábri­ca para lle­var unos míseros pesos a la pobreza de su famil­ia. A esa que luego, a la tardecita, salía con su vesti­do de per­cal a la puer­ta de su casa a echar a volar sueños e ilu­siones. Pero tam­bién fue sím­bo­lo dis­crim­i­na­to­rio prop­i­cio para que las grandes seño­ras de seda y de petit-gris tuvier­an otro moti­vo descal­i­fi­ca­to­rio para esa pobreza ofen­si­va e insul­tante que, afor­tu­nada­mente, esta­ba tan allá, en aque­l­los bar­rios adonde no alcan­z­a­ban sus miradas. ¿Cómo iba a deten­erse a con­ver­sar con una mujer que viste de per­cal?

Athos Espín­dola, Dic­cionario del lun­far­do

Ce tan­go évoque donc la malé­dic­tion de celles qui sont nées pau­vres et qui ne sor­tiront pas de l’u­nivers des tis­sus de basse qual­ité, con­traire­ment à celles qui vivent dans la soie et le petit-gris.
Pour infor­ma­tion, le petit-gris est appar­en­té au vair des chaus­sures de Cen­drillon, le vair étant une four­rure à base de peaux d’écureuils. Le petit-gris, c’est pire dans le domaine de la cru­auté, car il faut le dou­ble d’écureuils. Au lieu d’u­tilis­er le dos et le ven­tre, on n’u­tilise que le dos des écureuils pour avoir une four­rure de couleur unie et non pas en dami­er comme le vair.

Tenías quince abriles, en français on emploi sou­vent l’ex­pres­sion avoir quinze print­emps pour dire quinze ans. En Argen­tine, les quinze ans sont un âge tout par­ti­c­uli­er pour les femmes. Les familles mod­estes s’en­det­tent pour offrir une robe de fête pour leur fille, pour cet anniver­saire le plus spec­tac­u­laire de leur vie. Le fait que la robe de la chan­son soit dans un tis­sus hum­ble, accentue l’idée de pau­vreté.
Il existe d’ailleurs des valses de quinz­ième anniver­saire et pas pour les autres années.
Dans les milon­gas, la tra­di­tion de fêter les anniver­saires en valse vient de là.

El vals de los quince años pour l’an­niver­saire de Quique Camar­go par .
Milon­ga Camar­go Tan­go — El Beso — Buenos Aires — 2024-02-17. .
Parole et musique Agustín Car­los Minot­ti.
Grabación DJ BYC Bernar­do

Les enregistrements de Percal

Per­cal 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con . C’est le .
Per­cal 1943-03-25 — Orques­ta con Fran­cis­co Fiorenti­no.

Enreg­istrée un mois, jour pour jour après celle de Calo, cette ver­sion est superbe. Cepen­dant, il me sem­ble que la voix de Fiorenti­no et en par­ti­c­uli­er sa pre­mière attaque de « Per­cal » sont en deçà de ce qu’ont pro­posé Caló et Podestá. Mais bien sûr, ce titre est égale­ment mer­veilleux à danser.

Per­cal 1943-05-13 Hugo Del Car­ril accom­pa­g­né par Tito Ribero.

Cette chan­son, ce n’est pas un tan­go de danse, com­mence avec une musique très par­ti­c­ulière et Hugo Del Car­ril démarre très rapi­de­ment (nor­mal, c’est une chan­son) le thème d’une voix très chaude et vibrante.

Per­cal 1947 ou 1948 — Fran­cis­co González et son Orchestre typ­ique argentin con Rober­to Rodríguez.

Je n’ai pas cette musique dans ma col­lec­tion. Le cat­a­logue de la Bib­lio­thèque nationale de France (Notice FRBNF38023941) l’indique de 1948 sous la bonne référence du disque : Selmer ST3003. La bible Tan­go l’indique de 1947 et avec le numéro de matrice 3728.

Per­cal 1952-08-25 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Arman­do Moreno et réc­i­tatif por Julia de Alba.

Il est intéres­sant d’é­couter cette ver­sion enreg­istrée par l’au­teur de la musique, même si c’est plus tardif. En plus des paroles chan­tées par Arman­do Moreno, il y a un réc­i­tatif dit par Julia de Alba, une célébrité de la radio. Son inter­ven­tion ren­force le thème du tan­go en évo­quant le chemin de per­cale, la des­tinée que lui prédi­s­ait sa mère et qui s’est avérée la réal­ité. Elle l’a com­pris plus tard, pleu­rant les bais­ers de sa mère qui ne peut plus l’embrasser.

Per­cal 1969 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con .
Per­cal 1969-09-24 — Domin­go Fed­eri­co (ban­donéon) Oscar Bron­del (gui­tare) con Rubén Maciel.

La par­tic­u­lar­ité de cet enreg­istrement est qu’il est chan­té en esperan­to par Rubén Maciel. Fed­eri­co était un mil­i­tant de l’es­peran­to, ce lan­gage des­tin­er à unir les hommes dans une grande fra­ter­nité. Le même jour, ils ont aus­si enreg­istré une ver­sion de la cumpar­si­ta, tou­jours en esperan­to.

Per­cal 1990-12 — Orques­ta Juve­nil de Tan­go de la U.N.R. dir Domin­go Fed­eri­co con .

Vous pou­vez acheter ce titre ou tout l’al­bum sur Band­Camp, y com­pris dans des for­mats sans perte (ALAC, FLAC…). Pour mémoire, les fichiers que je pro­pose ici sont en très basse qual­ité pour être autorisé sur le serveur (lim­ite 1 Mo par fichi­er).

Autre titre enregistré un 25 février

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con . Musique et paroles de Luis Rubis­tein.

Ce tan­go a été enreg­istré le même jour que Per­cal, , Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.

Ya sale el tren 1943-02-25 — Orques­ta Miguel Caló con Jorge Ortiz. Musique et paroles de Luis Rubis­tein. Ce tan­go a été enreg­istré le même jour que Per­cal, mais avec un chanteur dif­férent, Jorge Ortiz. On entend la cloche du train au début.

Archives de l’ancien site DJ BYC Bernardo (Avant 2023)

dj-byc.com est sur WebArchive

Web Archive est un ser­vice qui mémorise des mil­lions de sites Inter­net. Par chance, il a enreg­istré le site à dif­férentes repris­es, ce qui peut vous per­me­t­tre de retrou­ver d’an­ciens arti­cles qui ont été détru­its suite au piratage du site.

Vous pouvez retrouver la plupart des anciens articles

Le pre­mier site a été mis en ligne au tout début des années 2000 et a été à maintes repris­es remanié. Web Archive a gardé des traces de cer­taines ces ver­sions.

Si vous recherchez un arti­cle plus ancien, vous pour­rez donc le retrou­ver grâce à Web Archive : https://web.archive.org/web/20221129045910/https://dj-byc.com/

Web a sauve­g­ardé une grande par­tie de l’an­cien site, ce qui vous per­met de con­sul­ter les arti­cles qui n’ont pas été rétab­lis.

Les mod­i­fi­ca­tions de 2022 et 2023 ont surtout été mar­quées par les ten­ta­tives de déjouer les pirates…

Les anciens arti­cles qui sont tou­jours d’ac­tu­al­ité seront réécris pro­gres­sive­ment. Vous pou­vez toute­fois me réclamer les arti­cles que vous souhaitez retrou­ver en pri­or­ité en me con­tac­tant.

Testimonios, témoignages, testimonials

Quelques gen­tils mes­sages de danseurs et organ­isa­teurs
Some nice mes­sages from dancers and orga­niz­ers
Algunos lin­dos men­sajes de bailar­ines y orga­ni­zadores

  • Solange V pour vos félic­i­ta­tions quant au choix du DJ !
    Il est vrai que BYC Bernar­do est un dj qui s’im­plique à 100 %
    Des per­son­nes sen­si­bles au laser ont beau­coup appré­ciés! (Pas laser, mais vidéo­pro­jecteur avec nom des orchestres et musiques).
    Il rég­nait une aura une éma­na­tion incon­testable, rarement aus­si ressen­tie !
    MERCI, MERCI à tous! Mer­ci à Byc !
    À refaire!!! Je vous promets sitôt que cela sera pos­si­ble (Une date a été fixée 😉
  • Gus­ta­vo Ben­ze­cry Sabá , DJ Bernar­do BYC, por la músi­ca y las fotos. ¡Abra­zos!
  • Odette R Mer­ci Bernar­do pour tes belles pho­tos… musique et gen­til­lesse appré­ciées de tous les danseuses et danseurs…
  • Mireille S Mer­ci Byc pour ta musique tes pho­tos et ta bonne humeur !!!
  • Isabelle et Richard T Mer­ci pour la musique et ces belles pho­tos.
  • Robert P À bien­tôt j’e­spère
  • Gérard D Remar­quable tout sim­ple­ment.
  • Lone N Thank you for the nice music and the pic­tures, too Love­ly.
  • Monique R Mer­ci Bernar­do pour ces mag­nifiques pho­tos de cou­ples reflé­tant le bon­heur et la joie de tanguer­er sur des musiques excellem­ment choisies. Au plaisir de revivre cette ambiance.
  • Rose-Marie A Un grand mer­ci Bernar­do d’être tel que tu es : pas­sion­né par , tou­jours agréable et si généreux ! Oui, ce fes­ti­val a été mer­veilleux par sa musique et la joie qu’il a trans­mis.
  • Annick L. Mer­ci pour ta musique, les pho­tos et tout et tout !
  • Bernadette C. Pre­mière soirée très joyeuse ! Mer­ci Bernar­do pour la musique.
  • Rose­lyne D Mer­ci Byc pour ces belles tan­das. L’am­biance était plus qu’au top. J’ai adoré
  • Annick L Mer­ci pour ta musi­cal­i­sa­tion, ton dynamisme, ton ent­hou­si­asme ! Tu nous as vrai­ment régalés !!!
  • Mims Bc Mer­ci Byc Bernar­do pour une mer­veilleuse pro­gram­ma­tion musi­cale. La soirée a été grandiose.
  • Luis P one of the most inter­est­ing DJs I’ve heard in Tarbes this year. Thank you so much.
  • José M (mae­stro) Un grand mer­ci à toi Byc Bernar­do pour le choix des musiques de notre démon­stra­tion, pour ton énergie, ton tal­ent de pho­tographe et ta bonne humeur Bra­vo et mer­ci
  • Chris­tine B Presta­tion, musique, organ­i­sa­tion ont con­tribué à une des­pe­di­da top­is­sime ! (j’ai passé la musique pen­dant 12 heures en con­tinu)
  • Daniel Nor­be­to L Grande Bernar­do … Genial !
  • Roland A Mer­ci pour ton dynamisme et ce bon­heur com­mu­ni­catif à tra­vers de mag­nifiques tan­das 
  • Mims Bc Mer­ci Byc Bernar­do pour une mer­veilleuse pro­gram­ma­tion musi­cale. La soirée a été grandiose.
  • K Capísi­mo!!!!
  • D y M Superbe comme d’habi­tude. Bisous. Mer­ci Byc.
  • Arielle C Mer­ci Bernar­do pour ta musique inspirée et pour tes clichés ten­dres.
  • Chrys­telle R On s’est régalés !
  • Tan­go C C’est une tout nou­velle caté­gorie TDJPho­tographe ! … Mer­ci pour la fan­tas­tique sélec­tion musi­cale adap­tée et ces clichés de haute qual­ité visuelle que reflète les dif­férentes formes d’ex­primer la sen­si­bil­ité humaine. Un abra­zo !
  • Tata L La musique c’é­tait top
  • Arielle C Mer­ci Bernar­do pour ta musique inspirée et pour tes clichés ten­dres.
  • Chrys­telle R On s’est régalés !
  • Tan­go C C’est une tout nou­velle caté­gorie TDJPho­tographe ! …
    Mer­ci pour la fan­tas­tique sélec­tion musi­cale adap­tée et ces clichés de haute qual­ité visuelle que reflète les dif­férentes formes d’ex­primer la sen­si­bil­ité humaine. Un abra­zo !
  • Tata L La musique c’é­tait top
  • Luis P one of the most inter­est­ing DJs I’ve heard in Tarbes this year. Thank you so much.
  • Sev­er­ine P un DJ génial Bernar­do Byc
  • Mireille S Tou­jours au top BYC!!!! Tu nous as régalés à Tarbes comme tou­jours!!! Un grand MERCIII et ce n’est pas fini !! A très vite!!!!!
  • Chrys­tele D Très belle milon­ga. Mer­ci pour ta musi­cal­i­sa­tion DJ Bernar­do. CT Super
  • Rose­lyne J Gean­tis­sime
  • Daniel P Byc Bernar­do prue­ba super­a­da!
  • Tanguera Emi­li­enne R Mer­ci pour tes choix musi­caux et ton par­ti pris que j’ai trou­vé JOYEUX… Comme tu l’es.
  • Marie C Quelle ambiance ! Mer­ci pour cette des­pe­di­da fab­uleuse 
  • Alain D Bon­jour. J’é­tais ce week-end à St EMINIE. Mer­ci pour votre musi­cal­i­sa­tion de grande qual­ité. Au plaisir de vous réen­ten­dre. Je vais à 2, 3 endroits en Ital­ie je men­tion­nerai votre nom…
  • Béa­trice B Ta musique en a enchan­té plus d’un , tu vis vrai­ment en inter­ac­tion avec la salle… ce n’est pas si courant ! Cer­tains DJ déroulent leur playlist sans mesur­er l’am­biance… Toi, tu mets le feu. Tu vis la musique et ça se ressent ! C’est du ton­nerre
  • Mireille S Bra­vo Bernar­do, pour ta très belle musique ta gen­til­lesse ton ent­hou­si­asme con­tagieux… À l’u­na­nim­ité tu as ani­mé mag­nifique­ment la des­pe­di­da avec bcp de créa­tiv­ité !! Bref…c’était top top!!! En 2023… la barre va être très haute!!! RV dans 1 an…
  • José M Nous avons passé un agréable week-end et encore mer­ci pour ta musique. Tu es très pro­fes­sion­nel, nous sommes par­tants de t’in­viter chez nous pour pass­er ta musique. Abra­zo fuerte
  • Jeanne R E Sainte-Énimie ce fut un plaisir  Une men­tion par­ti­c­ulière pour la longue route de Byc Bernar­do à la ressource inépuis­able.
  • Julia D Gra­cias¡ Bernar­do mar­avil­losa musi­cal­ización en sueño porteño
  • Maria T que lin­do verte ami­go!!! muy bue­na tu musi­ca.
  • Quique C : Un gran DJ, exce­lente, le encan­ta pasar músi­ca,
  • Daniel B : Bernar­do, gran cole­ga, gran ami­go un tipo muy exper­i­men­ta­do en el arte de musi­calizar tan­go, no solo un DJ, además hace VJ lo que es muy impor­tante, espec­tac­u­lar…
  • Vic­to­ria V : Un grand mer­ci à Bernar­do BYC … Quelle soirée for­mi­da­ble !!
  • Diana B G : Una noche pre­ciosa, gra­cias por hac­er­lo siem­pre tan acoge­dor!! un abra­zo
  • Guiller­mo N : DJ Bernar­do que hace un tra­ba­jo fab­u­loso en Fran­cia.
  • José M, J’ai trop adoré la musique
  • Jean D En plus, le dj nous fait des pho­tos ressen­ties dans la de sa musique… What else? Bra­vo ami Byc
  • Odette R Comme tou­jours mag­nifiques ! Musique et pho­tos sont au top… J’adore.
  • Lucia S : BYC ES BUENISIMO ¡¡¡¡Y SUPER FAMOSO EN FRANCIA PASANDO TANGO Y ACA TAMBIEN¡¡¡¡¡¡¡
  • Cyrille M : Mer­ci beau­coup Bernar­do, tou­jours aus­si bien et cela fait tou­jours plaisir.  Abra­zos
  • Antoine F : CHAPEAU L’ARTISTE.
  • André L C : Mer­ci Bernar­do Byc ! Superbe maitrise de l’é­clairage. et belles .
  • Belles maîtris­es des images, du son et une l’am­biance au top! 
  • Arte Tan­go Albi : Une superbe soirée vidéo DJ avec Bernar­do Byc
  • Jean D : Moi je viens pour mon ami Byc 
  • Rose­lyne L : Mer­ci Bernar­do pour les pho­tos et…la musique ! 
  • Odette R : Mer­ci Bernardo.…pour tes superbes photos…également pour l’am­biance que tu fais partager avec ta musique...
  • Jean D : DJ Bernar­do BYC je n’ai jamais oublié ta musi­cal­i­sa­tion à Besançon, avant le covid.
  • Marie J E : Mer­ci Bernar­do Byc, j’adore ta façon de nous ren­dre beaux et heureux
  • Anny L : Mer­ci pour les pho­tos, Bernar­do (et pour la musique !)
  • Mireille S : J’adore tes pho­tos BYC !!! Tous les tal­ents !!! Et quelle soirée !!! Ambiance de folie !!! Merci­i­i­i­i­ii
  • Luna M : remer­cie “DJ BYC Bernar­do” pour sa gen­til­lesse, sa bonne humeur et son pro­fes­sion­nal­isme !!
  • Marie-Noëlle H : Bra­vo Bernar­do Byc pour la pro­gram­ma­tion musi­cale.
  • Chris­t­ian T : BYC musi­cal­i­sait en pre­mière par­tie (2 heures de musi­cal­i­sa­tion à BsAs, c’est qu’il est en train de gag­n­er ses galons de Maréchal notre ami Bernar­do). Très bien, comme d’habi­tude. Et comme d’habi­tude, il a mis presque aus­sitôt après mon arrivée une série de Rodriguez. À mon inten­tion. Si ! C’é­tait pour moi. Il l’a même annon­cé au micro. Voyez bien qu’on m’aime par­fois.
  • Mar­i­ana L : C’é­tait une très belle milon­ga chez les amis de , très bonne pro­gram­ma­tion musi­cale !! Bra­vo Dj Byc Bernar­do ! Has­ta pron­to !
  • Nedj E : DJ Byc Bernar­do n’est pas seule­ment un super DJ, c’est un super pho­tographe. La pre­mière fois c’é­tait en 2014, une pho­to mag­nifique qui cap­turait com­plète­ment qui j’é­tais à ce moment-là. 4 ans plus tard et après beau­coup de change­ments, il cap­ture aus­si qui je suis aujour­d’hui. Mer­ci Byc!
  • Eva J mer­ci Byc très belle soirée et par­ti­c­ulière­ment ta pro­gram­ma­tion en noc­turne
  • Quique C : Un gran DJ, le encan­ta pasar musi­ca,
  • Maria B : C’é­tait for­mi­da­ble hier ! Très bonne musique.
  • Frédéric Z : Mer­ci à toi surtout : c’é­tait MAGIQUE ! Ta pro­gram’ nous a trans­porté-e‑s dans un autre monde, avec le Paty, la lune, les arbres, le lac, une très très belle énergie col­lec­tive cir­cu­lait <3
  • Daniel G : Une superbe soirée au clair de lune et un grand mer­ci au DJ Bernar­do pour sa belle musique et ses superbes à l’é­coute des danseurs … sou­venir inou­bli­able d’une tan­da avec pour seule lumière la lueur de la pleine lune
  • Julia D: ¡Gra­cias Bernar­do mar­avil­losa musi­cal­ización en Sueño porteño.
  • Doris S: Fab­uleuse milon­ga au lac de Paty grâce à l’én­ergie lunaire, aux parte­naires…. mais surtout au Dj Bernar­do Byc hors du com­mun, très à l’é­coute des mou­ve­ments ent­hou­si­astes sur la piste. Un grand mer­ci à lui et aux organ­isa­teurs. Belle décou­verte!
  • MB: C’é­tait for­mi­da­ble hier ! Très bonne musique.
  • Jean D : Grand mer­ci ami pour ta mer­veilleuse musique et ces belles pho­tos si grat­i­fi­antes… 
  • Armelle T : La Nuit Blanche des allumés à Nantes  DJ Bernar­do Byc – Un pur régal ! Lien Youtube : https://youtu.be/zVVjUKdSh 
  • Armelle T : tu donnes le max­i­mum, en musique en ambiance, en bonne humeur … !
  • Jean-Pierre VL : Apart from being an excel­lent tan­go dj, BYC Bernar­do is also a skill­ful video tech­ni­cian who can put on tan­go music accom­pa­nied by har­mo­niz­ing video images and clips. And also worth men­tion­ing is that he’s man with the heart at the right place. So I high­ly rec­om­mend!
  • Rubén G : !!!salute bernar­do !!avant…sempre!!°me gus­ta esa milon­ga !!te felic­i­to.!! estoy feliz.
  • Anik L : Un DJ Bernar­do BYC à l’é­coute et qui a le bon « oeil »
  • Catha­ri­na B : Un DJ à l’é­coute !
  • PMS : Très belle soirée, excel­lente musique et très belles pho­tos. Mer­ci Bernar­do. ABRAZO!
  • YD : Mer­ci pour cette bonne musique à Nantes.
  • NJB : felic­ita­ciones Bernar­do, gra­cias por difundir nue­stro tan­go
  • BB :  c’é­tait par­fait !
  • EP : Gra­cias !!!, se nota mucho tu pasión de DJ 
  • OR : Mer­ci Bernardo…pour ces pho­tos… ton entrain…et la qual­ité de tes presta­tions. Très beau fes­ti­val…!
  • JD : Me encan­to tu músi­ca. Espero que te hayas lle­va­do orques­tas nuevas como la o el cachivache quin­te­to harán furor en Fran­cia te esper­amos con car­iño abra­zo enorme.
  • Gra­cias a vos.
  • SM : Que lin­do fue verte otra vez, gra­cias por esas tan­das div­inas que bail­am­os y tu músi­ca fue la mejor de todo el encuen­tro. Has­ta pron­to
  • RC : Quelle superbe soirée tu nous a fait pass­er avec une pro­gram­ma­tion excep­tion­nelle. Mer­ci pour tous ces mer­veilleux moments de bon­heur et ces beaux sou­venirs 
  • ADP : Love­ly músic and fun­ny milon­ga. Enchanter­esse Dj 
  • MDG : Enhorabue­na Byc, fuiste el mejor musi­cal­izador de encuen­tro de Calpe, abra­zo
  • AT : DJ Bernar­do Byc hyper sym­pa et souri­ant, et bien sûr sa musique exquise, jusqu’à l’om­bre des arbres en pas­sant par l’am­biance et l’échange ….. !!! 
  • GG : Gra­cias Bernar­do por la Musi­ca y el partege Cul­tur­al Argenti­no!!! Has­ta la Prox­i­ma!!! Abra­zos
  • SM : El mejor DJ de Fran­cia. Cuan­do nos vemos?
  • AL : Moment vécu …top­is­sime, mer­ci Byc Bernar­do
  • AT : Absol­u­ment génial !!!
  • Mets une bonne ambiance en annonçant les musiques choisies pour chaque tan­da.
  • Et aime faire des sur­pris­es, du genre vidéos pen­dant les morceaux lorsque c’est pos­si­ble !!!
  • Luisa T : com­par­tió tu video en vivo. « Une super soirée avec de la super musique !! »
  • RC : Coucou BERNARDO encore une superbe soirée tu es le meilleur bra­vo pour tous ces moments de dans­es
  • MS : Un grand mer­ci pour cette année encore pour tous ces mer­veilleux moments que tu nous as don­nés par tous tes tal­ents réu­nis et ta gen­til­lesse  
  • Mer­ci pour ta musique
  • Mer­ci pour ta bonne humeur et ta générosité
  • Tous ont été ravis et pressés de s’in­scrire pour l’an prochain!!
  • C’é­tait mag­ique !!
  • Du mal à atter­rir !!
  • AA : Mer­ci pour cette belle presta­tion musi­cale
  • DR : Muchas gra­cias Bernar­do, además de pon­er bue­na músi­ca, haces una fotos geniales
  • VH : Además de un exce­lente Dj. ¡¡Ten­go que decir que eres muy guapo!! 🙂 Muchas gra­cias por tan­ta pro­fe­sion­al­i­dad y has­ta el año que viene
  • GG : Grande Bernar­do!!!
  • AM : Musi­cal­i­sa­tion tou­jours au top ! C’est tou­jours un régal de danser sur ta musique. Surtout ne change rien !
  • RB : Une ova­tion pour le DJ
  • JRM : Byc Bernar­do, gra­cias por con­fi­ar en mi mano para sosten­erte, espero dis­fru­tar nue­va­mente de tu selec­ción musi­cal y deseo que sea pron­to, des­de Grana­da te envío un fuerte abra­zo tanguero!!!
  • AF : Je te félicite le bon choix au bon moment, Super Byc Bernar­do
  • Rony C : WAOU quelle très belle soirée avec un dj hors pair Bisous de Toulouse à bien­tôt
  • EO : Coucou Bernar­do, je fais remon­ter l’im­pres­sion générale après la 1ère milon­ga esti­vale. Tout le monde a été enchan­té par ta presta­tion du mar­di 11/07/17, jugée d’ex­cel­lente. Je te remer­cie et te dis à très bien­tôt. 
  • CS : Belle soirée et DJ au top kiss
  • GM : Milon­ga à Nev­ers, quelle soirée! Mer­ci à l’équipe et en par­ti­c­uli­er à DJ Byc Bernar­do. Les derniers sur la piste…
  • OR : Mer­ci Byc ‚pour ces belles vidéos , ces belles ambiances de milon­ga…que tu sais si bien ani­mer
  • MM : C’est bien le + beau témoignage de cette chou­ette soirée ! Mer­ci Byc Bernar­do pour ton ent­hou­si­asme et ta générosité 
  • BB : Excel­lent dj !excel­lent com­mer­cial …com­ment résis­ter …
  • ML : Milon­ga Esti­vale très bien !! Je me suis vrai­ment amusée 
  • DJ 17,75/20 
  • PT : Mer­ci mer­ci et encore mer­ci
  • FV : Super énergie….merci
  • RC : SUPERBE SOIRÉE A CHAQUE FOIS TU NOUS RÉGALES 
  • BB : Trop bien ce fes­ti­val ! Et te voir sur ton estrade tout ravi de nous voir ravis !!!super partage . Ah te gus­ta Bernard Yves tu tan­go !!!
  • S Sc Mer­ci, BYC, pour cette très belle soirée musi­cale à Tangue­an­do Toulouse, et tes très belles pho­tos. A bien­tôt. Bis­es
  • JV : ça y est de retour notre grand DJ (de retour de Buenos Aires)
  • ED : Ambiance musi­cale extra­or­di­naire ! Mer­ci Bernar­do Byc!
  • EP : Mer­ci Bernar­do Byc pour ces belles pho­tos et pour ta bonne musique à ces 2 soirées  
  • BB : !! Je t’adore autant en danseur qu’en dj ..bis­es
  • ML : Milon­ga des­pe­di­da de Tan­go­postale très bien  un peu fatiguée 
  • DJ 17/20  muy bien
  • CN : Comme tou­jours, je suis éblouie par tant de tal­ents pour un seul homme. …
  • TAM : Mer­ci pour cette belle musi­cal­i­sa­tion !
  • AL : Byc Bernar­do sabe tomar instantes mági­cos que cree con su músi­ca
  • PB : Mer­ci Bernar­do pour cette belle ambiance que tu nous as mis
  • YD : Mer­ci pour cette bonne musique à Nantes
  • ML : Ouver­ture Tan­go­postale aero­scopia 
  • Mer­ci beau­coup Byc Bernar­do pour la Pho­to et les super tan­das 
  • JRE : Une agréable milon­ga de l’om­bre de l’air et une musique exquise
  • B : Nous sommes tous fatigués mais con­tents…. Mer­ci à toi de nous avoir don­né l’en­vie de danser jusqu’à très tard et d’avoir su apporter la bonne humeur néces­saire à cette réus­site. Au plaisir de te ren­con­tr­er à nou­veau à Brest ou ailleurs.
  • TAB : Mer­ci à DJ BYC 
  • MR : Belle soirée hier, mer­ci pour votre musique, votre gen­til­lesse et votre pro­fes­sion­nal­isme !!!
  • MCF : Trip­ti­ca et Maria Belem plus Bernar­do : c’é­tait roy­al ! Mag­nifique soirée !
  • SM : J aime ta musique ta bonne humeur tes pho­tos et tes vidéos! !!
  • Un grrrros Mer­ci encore Bernar­do
  • Plein de bis­es en atten­dant de se revoir à Aubais dimanche
  • AF : Mer­ci de ton excel­lente presta­tion de mar­di dernier
  • RC : Nous avons passé une superbe soirée avec un DJ qui sait met­tre l’am­biance. Mer­ci pour les belles vidéos que de beaux sou­venirs bizzzz à bien­tôt 
  • CT : Bra­vo c’é­tait top !
  • VH : ¡¡ FELICIDADES GRAN DJ !! Qué ganas de verte en Calpe en el Milonguero Milonguero . y dis­fru­tar de tu músi­ca.
  • MS : Bernar­do le mag­nifique!!
  • Tou­jours au top !
  • Merci­i­i­i­ii pour tous tes tal­ents
  • AL : Quand BYC est aux manettes…le temps passe trop vite
  • HO : J‘aime le tango,le festival,Toulouse,l’affiche et…BYC. !
  • EC : wah­hou c’est loin mais à ne pas man­quer !!!
  • (à l’an­nonce d’un événe­ment que je vais ani­mer)
  • JMG : Mer­ci pour cette belle soirée. Tou­jours une excel­lente musi­cal­i­sa­tion avec Dj Byc Bernar­do
  • SD : Mer­ci Bernar­do pour tes belles musiques ; nous avons beau­coup appré­cié.
  • DL : Mer­ci Byc Bernar­do pour avoir ani­mé cette milon­ga de Nev­ers avec tant de bonne humeur 
  • on aurait dit un chef d’orchestre ou mon­sieur cent mille volts
  • CD : Super soirée, grâce à notre excel­lent DJ …et ani­ma­teur….!
  • CT : BYC musi­cal­i­sait en pre­mière par­tie (2 heures de musi­cal­i­sa­tion à BsAs, c’est qu’il est en train de gag­n­er ses galons de Maréchal notre ami Bernar­do). Très bien, comme d’habi­tude. Et comme d’habi­tude, il a mis presque aus­sitôt après mon arrivée une série de Rodriguez. À mon inten­tion. Si ! c’é­tait pour moi. Il l’a même annon­cé au micro. Voyez bien qu’on m’aime par­fois.
  • SM : Bernar­do es un exce­lente bailarín y DJ
  • MJDT : Mer­ci à tous, pour cette superbe soirée same­di à la milon­ga de . Mer­ci à notre dj invité bernar­do, super ambiance!
  • FM : Mer­ci Bernar­do pour ta musique et tes belles pho­tos!!! bisous
  • ALDG : Mer­ci à toi, très belle musi­cal­i­sa­tion, un régal
  • MT : Mer­ci! Une belle soirée musi­cale que les danseurs ont appréciée…Ils auraient bien dan­sé plus tard dans la nuit. Mer­ci pour ta gen­til­lesse et ton pro­fes­sion­nal­isme. A un de ces jours !
  • CR : Un vrai et grand DJ. Une richesse musi­cale très appré­cia­ble. Et qui sait ral­lumer le feu quand une soirée est mal engagée (ça arrive, avec des groupes de tan­gos un peu plans plans, ou une salle pas très engageante…).
  • AL : Ambiance top ‚musi­cal­ité au RV ‚mer­ci Byc Bernar­do
  • P : Une belle soirée où con­vivi­al­ité, bonne humeur, bon tan­go et belle musique étaient réu­nis. Mer­ci Bernar­do pour cette pro­gram­ma­tion musi­cale, mer­ci MC Dance Shoes pour ta présence et mer­ci à tous les danseurs!
  • OG : Mer­ci Byc Byc Bernar­do pour la musique. Un sans faute.
  • HM : trés belle milon­ga et trés bonne musi­cal­ité. Bra­vo au DJ.
  • EC : Et mer­ci aus­si à Byc Bernar­do pour son excel­lente musique
  • VV : Mer­ci pour ta présence et ton amour pour ce méti­er ain­si que pour la bonne musique à LA VICTORIA. Fait moi signe. Je t’embrasse et à très bien­tôt !
  • AP : Mer­ci pour cette belle soirée. Super organ­i­sa­tion, super DJ, super pho­tographe…
  • ECB : Super week-end. Super dj. Mer­ci.
  • AP : chal­lenge bien mené !! et objec­tif atteint !!! c’é­tait super hier soir, bra­vo Bernar­do, des­pe­di­da trés vivante sur la piste et fébril­ité, plaisir et bonne humeur dans la salle !
  • MLA : Milon­ga esti­vale L’O­ka super le DJ Byc Bernar­do géniale la musique 
  • F Z: Mer­ci à toi : c’é­tait MAGIQUE ! Ta pro­gram’ nous a trans­porté-e‑s dans un autre monde, avec le Paty, la lune, les arbres, le lac, une très très belle énergie col­lec­tive cir­cu­lait <3
  • GB : Chou­ette le choix musi­cal : pour tous les goûts, superbes pho­tos, mer­ci Byc Bernar­do.
  • JMM : Après ce week End , le sen­ti­ment d’être comblés par tous ces bons moments que nous avons tra­ver­sés …
  • Mer­ci pour la qual­ité et la générosité  de la « musique   »  et ta disponi­bil­ité ….
  • MH : J’ai beau­coup aimé la musique hier, même et surtout les morceaux que je ne con­nais­sais pas… c’é­tait tou­jours dansant… une fois de plus, mer­ci Bernar­do!
  • AF : Bon­jour Bernar­do, je voulais te remerci­er pour ta musi­cal­i­sa­tion , IMPRESSIONNANT J’ADORE ! Mer­ci et nous nous retrou­vons au week end MEZE? Un abra­zo
  • MA : C’é­tait une très belle soirée… mer­ci pour la musique !!!!
  • BB : C’é­tait très sym­pa , très bon accueil , très bon dj…..
  • AM : Belle musique, belle ambiance, belle soirée !….
  • GC : pour moi, tu reviens quand tu veux ! Has­ta la prox­i­ma.
  • VV :  j’ai beau­coup appré­cié la musique que tu as choisi et la piste été tou­jours pleine !!! mer­ci aus­si pour les pho­tos !!! Infin­i­ment mer­ci. Bonne Bellevil­loise dimanche !!! je t’embrasse.
  • OG : Mer­ci Bernar­do, nous ne t’avons pas assez remer­cié pour cette belle soirée en ta com­pag­nie. Je veux me faire le porte-parole de tous les par­tic­i­pants de la milon­ga hier soir qui ont loué ta musique et exprimés de la sym­pa­thie envers vous . J’e­spère que nous pour­rons renou­vel­er l’ex­péri­ence. Mer­ci pour les superbes pho­tos! Bis­es A bien­tôt.
  • AF : Un super Mer­ci à Byc Bernar­do, vrai­ment, extra, Mer­ci mon ami.
  • TP : Non seule­ment DJ BYC Bernar­do nous a fait danser toute la nuit Same­di 26 avril lors du Gala de Tangueros Per­pig­nan, mais en plus il est un superbe pho­tographe. Je partage dons son album… Mer­ci Bernar­do!
  • DE : Mer­ci bernard pour ta musique et pour ton ami­tié, cela a été un plaisir de te revoir.
  • FCDT : mer­ci pour cette belle musique! au plaisir de te revoir bien­tôt à la casa ou ailleurs.
  • JPD : Dimanche 8 févri­er. Con­tradan­za XXL. Pho­to de Bernar­do Byc dont j’ai beau­coup appré­cié la pro­gram­ma­tion musi­cale
  • FM : Superbe pro­gram­ma­tion à La Pluma!!!!! Un régal!!!! Rien à jeter!!
  • A bien­tôt.
  • BISOUS
  • MA : C’é­tait une très belle soirée avec de la très très bonne musique. Mer­ci Ale­jan­dro et DJ Bernar­do
  • PMS : TRES GROSSE SOIREE avec une super ambiance toute la nuit jusqu’à 7h AM !!!On se serait cru dans une milon­ga de BsAs…
  • ALC : Un Dj entraî­nant, des tan­das var­iées, dansantes et un excel­lent pho­tographe.
  • TV : Et mer­ci encore Bernar­do pour affich­er les noms des orchestres pen­dant la milon­ga, tant d’autres DJs (qui se la pètent par­fois ne pren­nent même pas la peine de partager cela, c’est pour­tant estimable et telle­ment bien­venu. Bonne musique égale­ment, Bra­vo et mer­ci.
  • PB : Mer­ci Bernar­do pour ta musique et l’e­sprit que t’in­flue der­rière tes platines
  • ECB : Un DJ super  un lieu superbe même sous la gri­saille et où on se sent bien dès que l’on y pose les pieds.
  • ML : encore plein de sourires et une belle énergie, encore un super DJ, qui plus est bénév­ole pour la bonne cause, encore 140 danseurs…
  • A : on te garde, Bernar­do !!! très bonne musique de tous les avis et du mien, n’en par­lons pas !! tout fut bon dans ce fes­ti­val, il n’y a rien à jeter, et on l’a dégusté jusqu’à la dernière goutte !
  • F : Mer­ci pour ta musi­cal­i­sa­tion, elle était à la hau­teur de cette mer­veilleuse soirée inou­bli­able, quelle bonne idée d’avoir pro­posé DJ BYC 
  • TP : Très belle soirée de gala hier, un cou­ple de mae­stro sub­lime, une belle salle, une belle piste qui ne désem­plis­sait pas grâce à un excel­lent DJ, une soirée dont on se sou­vien­dra !
  • JV : tou­jours le sourire!!!!!!!!!!!!!!!!Super DJ
  • TM : Excel­lente presta­tion !
  • Belle énergie.
  • MA : Mer­ci pour cette belle soirée PR : Mer­ci pour cette bonne soirée MEB : b !!!IR : Mer­ci Bernar­do ! Tu as mouil­lé la chemise et les platines
  • AL : C’est aus­si le groupe que j’é­coute le plus sou­vent, la pre­mière fois que je les ai enten­dus, c’est avec Byc Bernar­do, quand elle chante , tt y est la sen­su­al­ité, la grav­ité… que du bon­heur, j’es­saie de m’or­gan­is­er pour venir à Limouzi Tan­go
  • EJ: mer­ci BYC très belle soirée et par­ti­c­ulière­ment ta pro­gram­ma­tion en noc­turne
  • MNH : Bra­vo Bernar­do BYC pour la pro­gram­ma­tion musi­cale.

Milonguero Milonguero 2016 – DJ Bernar­do BYC

Témoignage VJ : 

  • HL : ani­ma­tion vidéo par Byc… (et c’é­tait très bien, mais ça c’est juste un avis per­so)
  • Jean-Pierre VL : Apart from being an excel­lent tan­go dj, BYC Bernar­do is also a skill­ful video tech­ni­cian who can put on tan­go music accom­pa­nied by har­mo­niz­ing video images and clips. And also worth men­tion­ing is that he’s man with the heart at the right place. So I high­ly rec­om­mend!
  • ED : Soirée très cool ouatée agréable et sen­suelle que ce soit col­orée ou dans le noir absolu. ..musiques très chou­ettes et ambiance de rêve !
  • NG :MERCI Byc Bernar­do, c’est sur­prenant en tant que D.J. de voir en image l’in­spi­ra­tion du moment.
  • EA : Nom de nom, vous deux en coopéra­tion sur une Néo­lon­ga et j’ai raté ça en étant tout à côté ? De quoi se flinguer…
  • NG : Mer­ci, Bernar­do, j’ai trou­vé que les gens sont restés un peu plus tard que d’habi­tude… Je ne crois pas au hasard !
  • HL : ani­ma­tion vidéo par Byc… (et c’é­tait très bien, mais ça c’est juste un avis per­so)