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Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan Larenza Letra: Lito Bayardo

Ceux qui aiment les milongas dynamiques se ruent en général sur la piste aux premières notes de querida interprétés par D’Arienzo et Echagüe et ils ont bien raison. Malgré un rythme qui semble soutenu, cette milonga aide les à s’amuser, ce qui n’est pas autant le cas avec ces milongas que l’on met trop souvent en pensant que les danseurs ne sont pas au niveau… Au contraire, il faut ce type de milonga pour les faire progresser et danser avec joie. Le canyengue n’est pas de la milonga…

Extrait musical

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe.

Le piano incisif de Juan Polito qui venait de reprendre la main (je devrais dire les deux mains, puisqu’il s’agit de piano) après l’exclusion de Rodolfo Biagi de l’orchestre. Deux accords posent le tempo et le piano lance la milonga immédiatement. Des passages traspies (staccato) alternent avec des passages lisses (legato), ce qui permet aux danseurs, à la fois de varier les improvisations et de se reposer un peu, ou pour le moins de prendre leur marque dans le flot de la milonga pour s’intégrer dans l’harmonie du bal.
La semble très rapide, mais elle est suffisamment modérée pour pouvoir parfaitement jouer avec la musique.
L’attention est soutenue par l’alternance des parties et quand Echagüe commence à chanter, il reste totalement dans le rythme, ce rythme cher à D’Arienzo et qu’il ne sacrifiera surtout pas pour une milonga.
Les instruments, notamment les cordes et les bandonéons, semblent lancer des piques. Les accords sont brefs, nerveux. On se représente bien D’Arienzo, penché en avant avec l’avant-bras dont le poing est serré, encourageant ses musiciens à donner ces accords, un par un ou par salves nettes dans un staccato très intense, jusqu’aux délivrances des passages liés.
Si vous êtes danseur et intéressé par la , vous trouverez sans doute pas mal d’inspiration dans cette milonga ponctuée par les fioritures du piano de Polito dans la lignée de Biagi.
La diction de Echagüe, sans doute à son apogée dans cette interprétation, permet de capter les paroles, tout en utilisant la voix comme un instrument rythmique, favorisant la continuité stylistique avec les parties orchestrales.
La fin arrive de façon abrupte, comme si D’Arienzo après avoir lancé les danseurs dans une danse effrénée, voulait les pousser à la faute en les faisant continuer de bouger alors que la musique s’est arrêtée.
Bien sûr, cet enregistrement est tellement connu que les danseurs ne se laissent pas surprendre, mais on peut imaginer l’ambiance que le titre provoquait lors de ses premières exécutions.

Paroles

No la pintaron los poetas
en sus versos seductores,
ni conocieron su vida
ni el amor de sus amores.
Fue la más linda del barrio
y por linda, codiciada,
y más de cien entreveros
su belleza provocó.

Pero ella bien conocía
quién en silencio la amaba
y a nadie al fin comprendía
pues con ninguno se daba;
por verla sola, muy sola,
mil comentarios se hicieron
y difamaron su nombre
al no conseguir su amor.

Aquel muchacho tan triste,
tan humilde y tan sencillo,
se fue en silencio una noche
del alegre conventillo.
Y aquella piba bonita
por bonita codiciada,
cargó una tarde sus cosas,
y a su barrio no volvió.

Juan Larenza Letra: Lito Bayardo

Traduction libre

Les poètes ne l’ont pas peinte dans leurs vers séducteurs ni ne connurent sa vie ni l’amour de ses amours.
C’était la plus belle du quartier et parce qu’elle était belle, convoitée, et plus d’une centaine de bagarres, sa beauté a provoqué.
Mais elle savait bien qui l’aimait en silence, et elle ne comprenait personne à la fin, car à aucun elle se donnait ;
À la voir seule, très seule, mille commentaires se firent et diffamèrent son nom, car ils n’avaient pas obtenu son amour.
Ce garçon, si triste, si humble et si simple, sortit en silence une nuit du joyeux conventillo (logement collectif pauvre).
Et cette jolie fille, convoitée pour sa beauté, une après-midi, a emporté ses affaires, et elle n’est pas revenue dans son quartier.

Autres versions

Milonga querida 1938-11-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe. C’est notre milonga du jour.
Milonga querida 1990c – y su Orquesta Típica.

Avec l’Uruguayen Villasboas, on reste dans une dimension joueuse. On reconnaît son style et ses arrangements particuliers. Son piano est sans doute moins présent que celui de Polito, cela laisse plus de clarté pour les violons et bandonéons. On pourra peut être moins apprécier la trop grande régularité qui peuvent engendrer de la monotonie. Je pense qu’écouter cette version après celles de D’Arienzo qui lui est antérieure d’un demi-siècle montre bien la différence d’une musique parfaite pour la danse par rapport à une musique sympathique, mais qui ne porte pas aussi bien.

Et un titre identique, mais totalement différent. C’est une création de Eduardo Pereyra (El Chon) qui est encore dans l’esprit canyengue.

Milonga querida 1931-11-23 – Orquesta Edgardo Donato con Teófilo Ibáñez.


On ne peut pas dire que ce soit vilain, mais sauf pour les amateurs d’encuentros, difficile de résister (dans le sens supporter) à une tanda de ce type…
La fin un peu plus vivante ne sauve pas forcément l’ensemble…

Vous aurez compris que si on me demande « Milonga querida » je proposerai systématiquement la version de D’Arienzo et Echagüe.

Paroles du tango « Milongua querida » de Eduardo Pereyra

Milonguita querendona
Mi más vieja compañera,
Te llevo en el corazón
Como al más fiel de mis amores.

Tu canción es el
De mi vida aventurera,
Que me embriaga de dolor
Al recordar aquel tiempo mejor.

Eduardo Pereyra (El Chon) (Paroles et musique)

Traduction libre du texte de Eduardo Pereyra (El Chon)

Petite milonga amoureuse (qui s’énamoure facilement)
Ma plus vieille compagne,
Je te porte dans mon cœur
Comme le plus fidèle de mes amours.


Ta chanson est le souvenir
De ma vie aventureuse,
Qui m’enivre de douleur
Au souvenir de ces temps meilleurs.
Le texte fait sans doute plus penser aux textes des milongas des payadores qu’au rythme allègre qui en reprendra le nom.

Les auteurs

La collaboration entre Juan Larenza et Lito Bayardo a donné la très célèbre zamba, Mama vieja, que De Angelis enregistrera en forme de valse, comme la magnifique valse Flores del alma (dont les paroles ont été coécrites avec Alfredo Lucero).

Juan Larenza (1911-1980), pianiste et compositeur

Juan Larenza

Les compositions de Larenza ont été enregistrées par de nombreux orchestres, dont De Angelis, D’Arienzo, (avec le fameux Guapeando) et même Di Sarli.
Sa plus célèbre biographie a été écrite ; justement par Lito Bayardo dans son ouvrage « Mis 50 años con la canción argentina »

Le livre de Lito Bayardo50 años con la canción argentina” dans lequel il parle de son ami Juan Larenza. À droite, Larenza est le deuxième en partant de la droite et Bayardo le troisième.

Manuel Juan García Ferrari (1905-1986), plus connu comme Lito Bayardo, guitariste, chanteur, compositeur et parolier

Bayardo a écrit à la fois des textes de tangos et a composé des tangos dont il était également le parolier. Un des plus connus est sans doute Cuatro lágrimas enregistré, notamment, par Ricardo Tanturi avec , Francisco Canaro avec et Rodolfo Biagi avec .

Me vuelves loco (You’re driving me crazy) 1931-11-02 (Fox-Trot) – Orquesta Adolfo Carabelli con Alberto Gómez (Nico)

Walter Donaldson Letra: Francisco Antonio Lío

En Europe, il y a une étonnante coutume qui consiste à danser la sur n’importe quel rythme ; Chamame, polka et même . Il est probable que cette coutume vient d’une méconnaissance par certains DJ de la variété des orchestres de tango qui pour beaucoup ont enregistrée, outre des tangos (valses et milongas), des titres de Jazz (par exemple des fox-trot). De toute bonne foi, ils ont proposé ces airs, pensant qu’il s’agissait de milongas. Comme les danseurs n’étaient pas très familiers avec le rythme de la milonga, ils ont rebondi sur la proposition et, désormais, c’est devenu une habitude bien ancrée que de danser ces danses dans un simulacre de milonga.
Cela dit, le fox-trot est une superbe musique, ludique et joyeuse, et il serait dommage de s’en passer. Alors, même si vous la dansez en « milonga », le principal est de se faire plaisir.
Le plus connu des fox-trots utilisés comme milonga est sans doute de Rodriguez, notamment la version du 23 mars 1938. Notre fox-trot du jour est moins connu, mais assez sympathique, comme vous allez pouvoir en juger. Je ne dis pas qu’il fera une milonga formidable, mais assurément un excellent fox-trot…

Extrait musical

Me vuelves loco (You’re driving me crazy) 1931-11-02 (Fox-Trot) – Orquesta Adolfo Carabelli con .

Paroles

Pour une fois, je ne vais pas explorer les paroles, car chaque version est différente et je vais donc présenter seulement quelques extraits.
Pour commencer, le titre d’origine.

Paroles en anglais

You’re Driving Me Crazy (What Did I Do?)

You left me sad and lonely
Why did you leave me lonely
For here’s a heart that’s only
For nobody but you
I’m burning like a flame, dear
Oh, I’ll never be the same, dear
I’ll always place the blame, dear
On nobody but you
Yes, you, you’re driving me crazy
What did I do? What did I do?
My tears for you make everything hazy
Clouding the skies of blue
How true were the friends who were near me
To cheer me, believe me, they knew
But you were the kind who would hurt me
Desert me when I needed you
Yes, you, you’re driving me crazy
What did I do to you
Walter Donaldson

Traduction libre de la version originale en anglais

Tu m’as laissé triste et seul
Pourquoi m’as-tu laissé seul
Car voici un cœur qui n’est
Pour personne d’autre que vous
Je brûle comme une flamme, ma chère
Oh, je ne serai plus jamais le même, ma chère
Je mettrai toujours le blâme, ma chère
Sur personne d’autre que vous
Oui, toi, tu me rends fou
Qu’est-ce que j’ai fait ? Qu’est-ce que j’ai fait ?
Mes larmes pour toi rendent tout brumeux
Mettant des nuages dans le ciel bleu
Comme les amis qui étaient près de moi étaient sincères
Pour m’encourager, crois-moi, ils savaient
Mais tu étais du genre à me faire du mal
Tu m’abandonnas quand j’avais besoin de toi
Oui, toi, tu me rends fou
Qu’est-ce que je t’ai fait ?

Quelques extraits des différentes versions en espagnol

Les paroles de Francisco Antonio Lío ont été, comme toujours, utilisées en partie par les orchestres. N’ayant pas trouvé de version imprimée, je vous propose des bribes extraites des différentes versions.

Me vuelves loco nena, con tus caprichos vanos.
Tienes que ser más buena para mi corazón. […]
Bien sabes que te quiero y en cambio tú, querida _ me das dolor. Todo mi afán, es amarte con loco _ con fe y devoción. […]
Loco de tanto adorarte nena, ya estoy por ti. […]
Por ti estoy trastornado y no hay razón para sufrir
Por tu desdén tantas desventuras hay dime que si mi amor el cariño que yo te profeso es dicha y pasión
Mi afán es amarte con loco embeleso y devoción
Loco de tanto adorarte nena ya estoy por ti.

Walter Donaldson Letra: Francisco Antonio Lío

Traduction libre des extraits en espagnol

Tu me rends fou, bébé, avec tes vains caprices.
Tu devrais être plus gentille avec mon cœur.
Tu sais bien que je t’aime et en revanche, toi, chère °°°°°°°°, tu me donnes de la peine.
Tout mon empressement est de t’aimer avec une folle °°°°°°°°, avec foi et dévotion.
Fou de t’adorer autant bébé, je le suis déjà pour toi.
Pour toi je suis dérangé et il n’y a pas de raison de souffrir.
Par ton dédain il y a tant de malheurs dis-moi que si mon amour, l’affection que je professe pour toi est joie et passion.
Mon empressement est de t’aimer avec un fou ravissement et de la dévotion.
Fou de tant t’adorer bébé, je le suis déjà pour toi.

°°°°°°°° indique des mots que je n’ai pas identifiés.

Autres versions

En 1930 Walter Donaldson compose et écrit les paroles de You’re driving me crazy qui sera dansé et interprété par Fred et Adèle Astaire dans la comédie musicale « Smiles ».
Le titre est un succès et est repris par différents artistes. D’abord en anglais, puis, dans d’autres pays, comme l’Argentine. Voici quelques-unes des très nombreuses versions de ce fox-trot qui est connu sous différents noms, traduction plus ou moins approximative de You’re driving me crazy.

Fred et Adele (sa sœur aînée) Astaire dans « Smiles » Photo de Hal Phyfe (1930). C’est en effet dans cette comédie musicale de Florenz Ziegfeld Jr. que le titre est devenu célèbre.
You’re driving me crazy 1930 – The New York Twelve.
You’re driving me crazy (What did I do) 1930 – Lee Morse.

What did I do qui est répété trois fois dans la version anglaise est devenu le sous-titre de l’œuvre.

You’re driving me crazy! 1930-12-23 – and His Sebastian New Cotton Club Orchestra avec Les Hite’s Orchestra.

L’enregistrement a été réalisé à Los Angeles le 23 décembre 1930 en réunissant l’orchestre de Louis Armstrong et celui de Les Hite. Jugez de la qualité des musiciens qui composent ce grand orchestre de jazz.
Banjo : Bill Perkins
Basse : Joe Bailey
Percussion : Lionel Hampton
Guitare : Bill Perkins
Piano : Jimmie Prince
Direction de l’orchestre et saxophone alto et baryton : Les Hite
Saxophone alto : Marvin Johnson
Saxophone Tenor: Charlie Jones
Trombone : Luther « Sonny » Craven
Trompette : George Orendorf
Trompette : Harold Scott
Trompette et chant : Louis Armstrong

You’re driving me crazy de Luis Armstrong enregistré à Los Angeles, 23 Décembre 1930. Édition anglaise chez Parlophone.

En 1931, le titre qui est un succès en Argentine, est enregistré par différents orchestres, avec des paroles de Francisco Antonio Lío.

Me vuelves loco (You’re driving me crazy) 1931-11-02 – Orquesta Adolfo Carabelli con Gómez (Nico). C’est notre Foxtrot du jour.
Me estas enloqueciendo 1931-11-17 – Osvaldo Fresedo con Carlos Viván.
Me vuelves loco (You’re driving me crazy) 1931-11-21 – Orquesta Francisco Canaro con Charlo.
Me vuelves loco 1931-11-21 – Orquesta Francisco Canaro con Charlo (qui n’est pas mentionné sur le disque…)
Me estás enloqueciendo 1932 – Sexteto Carlos Di Sarli con Mercedes Carné.

Même Di Sarli a enregistré des fox-trots…

Me vuelves loco – Francisco Canaro et .

Aldo Maietti est le représentant du tango italien. Il est venu à Buenos Aires et il était ami avec Canaro. Cet enregistrement de 1932 les réunit pour une version instrumentale.

Aldo Maietti surnommé El rey del tango italiano a composé plusieurs centaines de tangos qui ont été interprétés, par exemple, par l’orchestre de Orchestre Piero Trombetta. Parmi ses compositions, on peut citer, Alma porteña (à ne pas confondre avec le tango de même nom composé par Vicente Greco avec des paroles de et encore moins avec la milonga de Antonio Polito avec des paroles de , Amico tango, Canaria, Lagrimas perdidas et Tristeza en la pampa.

Parmi ses compositions, on peut citer, Alma porteña (à ne pas confondre avec le tango de même nom composé par Vicente Greco avec des paroles de Julián Porteño et encore moins avec la milonga de Antonio Polito avec des paroles de Francisco Laino, Amico tango, Canaria, Lagrimas perdidas et Tristeza en la pampa.

Le jazz

En Argentine, le jazz a rencontré également du succès, même si l’explosion du tango l’a estompé.
Dans les bals, il y avait souvent deux orchestres. Un pour le tango et un pour le jazz. Certains chefs d’orchestre ont décidé de se lancer dans les domaines, comme Carabelli, Canaro, Fresedo, Rodriguez et bien d’autres.

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. On voit que, pour presque tous les événements, en plus de l’orchestre de tango (entouré), il y a le nom d’un second orchestre, un orchestre de jazz.

Les années folles ont donné naissance au jazz et au tango, genres qui trouveront leur plein développement dans les années 30-40.
Le fox-trot est une danse de couple. Contrairement au tango, il y a peu d’improvisation et les déplacements sont codifiés. Cela pourrait rendre la danse un peu monotone, mais la musique est si entraînante et joueuse que l’on ne s’ennuie pas en le dansant.
Voici un exemple, un peu atypique, mais d’époque. Il s’agit d’un extrait du court-métrage suédois Tango-Foxtrot de 1930. On y voit deux danseurs, Brita Appelgren et Mister Alberto le danser avec la musique de Helge Lindberg et son orchestre (Helge Lindberg’s Polyfonorkester). Le chanteur est Steinar Jøraandstad.
C’est un des nombreux de l’universalité des musiques, en Amérique et Europe.

Extrait du court-métrage suédois Tango-Foxtrot de 1930. On y voit deux danseurs, Brita Appelgren et Mister Alberto, le danser avec la musique de Helge Lindberg et son orchestre (Helge Lindberg’s Polyfonorkester). Le chanteur est Steinar Jøraandstad.

La prochaine fois que vous entendrez un fox-trot dans un bal, peut-être aurez-vous envie de le danser en fox-trot…
À bientôt, les amis.

Symboles musicaux et danse de tango

Très peu de de tango lisent la musique, mais les compositions de tango comportent des éléments qui influent sur la danse.
J’ai recensé quelques éléments courants dans les partitions et mis en face l’effet que cela pourrait produire pour la danse.
Cet élément est un extrait du chapitre 4 du de pour danseurs de tango.

Quelques motifs musicaux à repérer

La musique n’est pas une succession de notes de valeur égale. Nous avons vu que le mode pouvait être majeur, mineur, que les rythmes pouvaient être très différents, qu’il y avait des moments de pause, de ralentissement, des moments plus intenses, plus forts et d’autres plus calmes, plus doux.
Les compositeurs écrivent des indications pour les interprètes afin qu’ils respectent l’esprit de la musique en sortant d’une notation musicale qui est d’ordre mathématique plus qu’artistique.

La première indication est celle du tempo, la vitesse. Cela concerne totalement les musiciens mais pas vraiment les danseurs qui doivent suivre le tempo imposé par la musique. Cependant, comme nous l’avons vu, les danseurs peuvent évoluer en interprétant le rythme, sur les temps, deux fois plus vite, deux fois plus lentement, en faisant des pauses. C’est en général la richesse de la composition musicale des tangos qui permet la variété. Les danseurs peuvent passer d’un instrument à l’autre, par exemple.
Sur la partition, on peut trouver :
largo (« large »), lento (« lent »), adagio (« tranquille »), moderato (« modéré »), allegro (« allègre »), presto (« pressé »). Si la musique est lente, il serait assez mal venu quel les danseurs dansent à toute vitesse et tout autant peu compréhensible s’ils se mettaient à faire les tortues sur une déchaînée.
Sur la partition, on trouve parfois la mention rall pour rallentendo (« en ralentissant »), voire plus rarement ritard pour ritardando (« en retardant »).
Pour ces dernières indications, le couple de danseurs ne le sait pas, mais il doit être attentif à la musique et accompagner le ralentissement en adaptant ses mouvements.
Le cas extrême est le break où la musique s’arrête totalement.

Lorsque deux personnes parlent, elles adaptent différents niveaux sonores. Elles peuvent exprimer des sentiments en variant la voix, par exemple pour marquer la surprise, la colère, l’interrogation… Imaginez comme il serait ennuyeux de voir une pièce de théâtre avec les acteurs qui parleraient avec une voix monocorde sans expression.
En musique, c’est pareil. Pour éviter la monotonie, les musiciens mettent des nuances. Ils augmentent ou baissent le volume sur des parties plus ou moins grandes, voire sur des notes isolées.
pp pianissimo (« tout doux, presque silencieux »), p piano (« avec un volume modéré »), mp mezzo piano (« moyennement doux ») ; mf mezzo forte (« moyennement fort »), f forte (« fort »), ff voir fff fortissimo (« très fort voire très fort ».
Les danseurs ne font pas beaucoup de bruit, mais si la musique est piano ou pianissimo, il serait mal venu de faire de bruyants claquement de talon. La danse sera plus souple et moins percutante. À l’inverse, une musique plus forte peut laisser libre court à des fantaisies plus bruyantes de la part des danseurs, comme des frappés de pieds.
Notez qu’il existe aussi le crescendo et le decrescendo qui sont respectivement une montée du volume et une baisse de volume. Ces indications peuvent aussi donner lieu à interprétation.
ATTENTION, un decrescendo, éventuellement accompagné d’un ralentissement, sert souvent pour annoncer une nouvelle partie, ou le début de la partie chantée. C’est donc une aide pour l’improvisation.
Parfois, le crescendo est suivi immédiatement d’un decrescendo. On appelle cela un soufflet, mais si c’est relativement court, cela peut être facilement interprété, la partie la plus forte étant le point culminant de la figure.
Ces nuances s’appliquent parfois à une seule note. On parle alors d’accent. La note en question est surmontée du signe « > ».
Parfois, le fait de rajouter une altération (dièse ou bémol) à une note lui donne une couleur particulière. Les danseurs qui l’auront remarqué pourront la mettre en valeur.

Les symboles de la musique et la danse

Jamás retornarás 1942-10-09 – Orquesta Miguel Caló con Raúl Berón

 ; (paroles et musique)

On a déjà vu des tangos dont le thème était l’abandon. Ici, c’est la femme qui est partie, probablement pour acheter des cigarettes et qui n’est jamais revenue. Miguel Caló avec son chanteur fétiche, Raúl Berón est sans doute l’orchestre qu’il fallait pour mettre en ondes sonores cette composition de Miguel Caló et Osmar Maderna.

Extrait musical

1942-10-09 – Orquesta Miguel Caló con Raúl Berón
Partition de Jamás retornarás de Miguel Caló et Osmar Héctor Maderna (paroles et musique). La partition est dédicacée par Maderna et Calo à leur ami Quinteiro Assi (je n’ai pas trouvé qui c’était…).

Le violon commence en dessinant une longue phrase rejoint par le piano en contraste avec des accords plaqués. Le titre est construit de cette façon par une alternance de passages legato et d’autres staccato et piqués. La voix de Raúl Berón est accompagnée par le piano qui martèle un rythme très marqué. C’est une des particularités de l’orchestre de Miguel Caló, une base rythmique puissante et une mélodie autonome qui la survole. On comparera à ce que font D’Arienzo ou Biagi à la même époque, chez eux, la mélodie est sacrifiée au rythme et ne s’en distingue pas.

Paroles

Cuando dijo adiós, quise llorar…
Luego sin su amor, quise gritar…
Todos los ensueños que albergó mi
(toda mi ilusión),
cayeron a pedazos.
Pronto volveré, dijo al partir.
Loco la esperé… ¡Pobre de mí!
Y hoy, que tanto tiempo ha transcurrido sin volver,
siento que he perdido su querer.

Jamás retornarás…
lo dice el alma mía,
y en esta soledad
te nombro noche y día.
¿Por qué, por qué te fuiste de mi lado
y tan cruel has destrozado
mi corazón?
Jamás retornarás…
lo dice el alma mía
y, aunque muriendo está,
te espera sin cesar.

Cuánto le imploré: vuelve, mi amor…
Cuánto la besé, ¡con qué fervor!
Algo me decía que jamás iba a volver,
que el anochecer
en mi alma se anidaba.
Pronto volveré, dijo al partir.
Mucho la esperé… ¡Pobre de mí!
Y hoy, que al fin comprendo
la penosa y cruel verdad,
siento que la vida se me va.
Miguel Caló ; Osmar Héctor Maderna

libre

Quand elle m’a dit au revoir, j’avais envie de pleurer…
Puis, sans son amour, j’ai eu envie de crier…
Tous les rêves que mon cœur nourrissait (toutes mes illusions) tombèrent en miettes.
Je serai bientôt de retour, a-t-elle dit en partant.
Fou, je l’ai attendue… Pauvre de moi !
Et aujourd’hui, alors que tant de temps s’est écoulé sans retour, je sens que j’ai perdu son amour.
Tu ne reviendras jamais…
Mon âme le dit, et dans cette solitude je te nomme nuit et jour.
Pourquoi, pourquoi es-tu partie d’à mon côté et si cruellement, tu as brisé mon cœur ?
Tu ne reviendras jamais…
Mon âme le dit, et bien qu’elle soit mourante, elle t’attend sans cesse.
Combien je l’ai imploré : reviens, mon amour…
Combien je l’ai embrassée, avec quelle ferveur !
Quelque chose me disait qu’elle ne reviendrait jamais, que le crépuscule se nichait dans mon âme.
Je serai bientôt de retour, a-t-elle dit en partant.
Je l’ai beaucoup attendue… Pauvre de moi !
Et aujourd’hui, quand je comprends enfin la douloureuse et cruelle vérité, je sens que la vie m’échappe.

Autres versions

Jamás retornarás 1942-10-09 – Orquesta Miguel Caló con Raúl Berón. C’est notre .
Jamás retornarás 1943-06-28 – Orquesta con Oscar Serpa.

On entend tout de suite la différence de style d’avec Miguel Caló. L’orchestre joue ensemble, sans l’opposition entre le rythme et la mélodie. Cela rend sans doute la musique moins agréable à danser pour les danseurs qui aiment avoir un rythme bien présent. Honnêtement, il me semble facile de comprendre pourquoi c’est la version de Miguel Caló qui est passée à la postérité.

Jamás retornarás 2013 – Orquesta Típica con Walter « Chino » Laborde.

Jamás retornarás 2013 – Orquesta Típica Sans Souci con Walter « Chino » Laborde.

La Típica Sans Souci s’est fait une spécialité de à la manière de. Ce titre est extrait d’un disque nommé Ac​ú​stico y Monoaural. Même si on peut le trouver en numérique, il a été réalisé en analogique et en mono (comme les disques 78 tours de l’âge d’or). Sans Souci s’est clairement inspiré de la version de Caló, jusqu’au petit chapelet de notes final. Cette similitude de la musique rend étrange la voix d’el Chino Laborde, un immense chanteur, mais qui me semble bien moins pertinent sur cette orchestration que Raúl Berón.

Le disque de Sans Souci est une volonté de rappeler les techniques d’ de l’âge d’or.
Jamás retornarás 2013-12-05 – Orquesta Típica Andariega con Fabián Villaló.

Vous allez certainement être surpris. En effet, si le titre est le même, il s’agit d’une composition de Luigi Coviello, directeur, arrangeur et contrebassiste de l’orchestre. Vous me pardonnerez cette facétie, j’espère.
Malgré cet ajout illégitime, la récolte est assez maigre.
Peut-être qu’un orchestre contemporain se lancera dans l’aventure. Il y a quelques prémices, sans doute pas totalement convaincants.

Jamás Retornarás 2015-09-18 – Sergio Veloso Con Hugo Rivas y Rudi Flores (guitarras).

Une version en chanson.

Jamás retornarás 2019-07-20 – .

Une version instrumentale, pas vilaine, mais on s’est habitué à la version de Caló et Berón. C’est cependant une assez bonne direction et il me semble que l’on pourrait bien voir apparaître une nouvelle version dans les années à venir.

C’est fini, comme je dis en fin des milongas en France. À bientôt les amis.

La yumba 1946-08-21 – Orquesta Osvaldo Pugliese

Osvaldo Pugliese

Quand on pense à , deux souvenirs reviennent forcément en mémoire. et le concert au Teatro Colón du 26 décembre 1985. Ces deux éléments distants de 40 ans sont intimement liés, nous allons voir comment.

Extrait musical

La yumba 1946-08-21 – Orquesta Osvaldo Pugliese
Partition de La yumba (Osvaldo Pugliese).

Naissance d’un mythe

Lorsque Pugliese a lancé La yumba, cela a été immédiatement un succès. Mais il est intéressant de connaître le parcours. Vous lirez peut-être que cela vient du bruit du bandonéon quand il s’ouvre et se ferme ou d’autres choses plus ou moins fantaisistes. Je préfère, comme toujours, me raccrocher aux sources et donc, dans le cas présent à Osvaldo Pugliese.

Je lui laisse la parole à Osvaldo Pugliese à travers une entrevue avec Arturo Marcos Lozza :

Osvaldo Puglise – Al Colón – Arturo Marcos Lozza (1985)

Nosotros partimos de la etapa de Julio De Caro. Yo, de joven, viví esa etapa. No la viví escuchándola, la viví practicándola. Se deduce que tenía que haber una superación, no porque yo me lo hubiera impuesto, no. Vino solo, vino por necesidad específica, también por necesidad interna, espiritual. Y fuimos impulsando poco a poco una superación, una línea que cristalizó en “La yumba”.

  • En esa partitura, en esa interpretación, usted apela a un ritmo que tiene un sello muy especial…

Le he dado una marcación percusiva. Por ejemplo, los norteamericanos en el jazz hacen una marcación dinámica, mecánica, regular, monocorde. Para mi concepto, la batería no corre en el tango. Ya han hecho experiencias Canaro, Fresedo y qué sé yo cuántos, pero para mí la batería es un elemento que golpea. El tango, en cambio, tiene una característica procedente de la influencia del folclore pampeano, que es el arrastre, muy aplicado por la escuela de , por Di Sarli y por nosotros también. Y viene la marcación que Julio De Caro acentuó en el primer y tercer tiempo, en algunos casos con arrastre. Y nosotros hemos hecho la combinación de las dos cosas: la marcación del primer tiempo y del tercero, y el arrastre percusivo y que sacude.

  • Y esa combinación de marcación percusiva y de arrastre le da al tango una fuerza que es incapaz de dársela una batería.

No, no, la batería no se la puede dar, arruina. No quiero usar ni batería, ni pistón, ni trombones. Lo único que me llama la atención, y que en algún momento lo voy a incorporar, como se lo dije un día al finado Lipesker, es el clarinete bajo, un clarinete que Lipesker ya tocaba en la orquesta de Pedro Maffia y que le sacaba lindo color, oscuro y sedoso. Bueno, con la flauta y un clarinete bajo yo completaría una orquesta típica.

[…]

Le dimos una particularidad a nuestra interpretación y la gente reaccionaba gritándonos « ¡no se mueran nunca!”, “¡viva la sinfónica!”, « ¡al Colón, ”. Bueno, esas son cosas que expresan un sentimiento, pero son exageraciones: ni somos una sinfónica, ni nada por el estilo.

Eso sí, cuando tocamos, ponemos todo.

  • Ponen pólvora, ponen yumba, hay polenta en la interpretación. ¡Cuántos al escuchar a la típica del maestro, terminan con la piel de gallina por la emoción!

Y bueno, yo no sé. Para mí, sentir eso es una satisfacción. Pero me digo a mí mismo: « quédate ahí nomás, Osvaldo, no te fanfarronees y seguí trabajando siempre con la cabeza fría”.

Arturo Marcos Lozza ; Osvaldo Pugliese al Colón.

libre de la l’entrevue entre Osvaldo Pugliese et Arturo Lozza

Nous sommes partis de l’étape de Julio De Caro. Moi, en tant que jeune homme, j’ai vécu cette étape. Je ne l’ai pas vécue en l’écoutant, je l’ai vécue en le pratiquant. Il s’ensuit qu’il devait y avoir une amélioration, non pas parce que je me l’étais imposée, non. Elle est venue seule, elle est venue d’un besoin spécifique, aussi d’un besoin intérieur, spirituel. Et nous avons progressivement promu une amélioration, une ligne qui s’est cristallisée dans « La yumba ».

  • Dans cette partition, dans cette interprétation, vous faites appel à un rythme qui a un cachet très particulier…

Je lui ai donné une marque percussive. Par exemple, les Nord-Américains dans le jazz font un marquage dynamique, mécanique, régulier, monotone. Pour mon concept, la batterie ne va pas dans le tango. Canaro, Fresedo et je ne sais pas combien ont déjà fait des expériences, mais pour moi la batterie est un élément qui frappe. Le tango, d’autre part, a une caractéristique issue de l’influence du de la , qui est l’arrastre (traîner), très utilisé par l’école de Julio De Caro, par Di Sarli et par nous également. Et puis vient le marquage que Julio De Caro a accentué au premier et troisième temps, dans certains cas avec des arrastres. Et nous avons fait la combinaison des deux choses : le marquage du premier et du troisième temps, et l’arrastre percussive et tremblante.

  • Et cette combinaison de marquage percussif et d’arrastre donne au tango une force qu’une batterie est incapable de lui donner.

Non, non, la batterie ne peut pas la donner, elle ruine. Je ne veux pas utiliser de batterie, ni de pistons, ni de trombones. La seule chose qui attire mon attention, et qu’à un moment donné je vais incorporer, comme je l’ai dit un jour au regretté Lipesker, c’est la clarinette basse, une clarinette que Lipesker jouait déjà dans l’orchestre de Pedro Maffia et qui lui a donné une belle couleur sombre et soyeuse. Eh bien, avec la flûte et une clarinette basse, je compléterais un orchestre typique.

[…]

Nous avons donné une particularité à notre interprétation et les gens ont réagi en criant « ne meurs jamais ! », « Vive le symphonique ! », « au Colón, au Colón ! ». Eh bien, ce sont des choses qui expriment un sentiment, mais ce sont des exagérations : nous ne sommes pas un symphonique, ou quelque chose comme ça.

Bien sûr, quand nous jouons, nous y mettons tout ce qu’il faut.

  • Ils ont mis de la poudre à canon, ils ont mis de la yumba, il y a de la polenta (puissance, énergie) dans l’interprétation. Combien en écoutant la Típica du maître finissent par avoir la chair de poule à cause de l’émotion !

Et bien, je ne sais pas. Pour moi, ressentir cela est une satisfaction. Mais je me dis : « reste où tu es, sans plus, Osvaldo, ne te vante pas et continue de travailler, toujours avec la tête froide. »

On voit dans cet extrait la modestie de Pugliese et son attachement à De Caro.

Autres versions

Il existe des dizaines d’enregistrements de La yumba, mais je vous propose de rester dans un cercle très restreint, celui d’Osvaldo Pugliese lui-même.

La yumba 1946-08-21 – Orquesta Osvaldo Pugliese. C’est notre .

Elle allie l’originalité musicale, sans perdre sa dansabilité. Sans doute la meilleure des versions pour la danse avec celle de 1948, mais dont la qualité sonore est moins bonne, car tirée d’un film.

Pugliese jouant la Yumba en 1948 !

La yumba en 1948. Le film “Mis cinco hijos” (mes cinq enfants), nous donne l’occasion de voir Osvaldo Pugliese à l’époque du lancement de La yumba.

Extrait du film « Mis cinco hijos » dirigé par Orestes Caviglia et Bernardo Spoliansky sur un scénario de Nathan Pinzón et Ricardo Setaro. Il est sorti le 2 septembre 1948. Ici, Osvaldo Pugliese interprète La yumba avec son orchestre. On peut voir à la fin de l’extrait le succès qu’il rencontre « Al Colón!« 

La version de 1952

La yumba 1952-11-13 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Une version magnifique. Peut-être celle qui est le plus passée en Europe. On pourra la trouver un peu moins dansante. Cependant, comme cette version est très connue, les danseurs arrivent en général à s’y retrouver.

Le très, très célèbre concert du 26 décembre 1985, où Pugliese arrive enfin Al Colón comme le proclamaient les fans de Pugliese en 1946 (et dans le film de 1948).

1985-12-26, Osvaldo Pugliese Al Colón. La yumba
Version courte (seulement la yumba)
Version longue avec la présentation des musiciens. C’est celle que je vous conseille si vous avez un peu plus de temps.

Osvaldo Pugliese avec Atilio Stampone en 1987.

1987, Une interprétation de La yumba à deux pianos, celui de Osvaldo Pugliese et celui de Atilio Stampone.

Le 26 juin 1989, Astor Piazzolla se joint à l’orchestre de Osvaldo Pugliese. Ils interprètent au Théâtre Carre d’Amsterdam (Pays-Bas), La yumba et Adiós nonino.

Le 26 juin 1989, Astor Piazzolla se joint à l’orchestre de Osvaldo Pugliese. Ils interprètent au Théâtre Carre d’Amsterdam (Pays-Bas), La yumba et Adiós nonino.

Dans le documentaire « San Pugliese », un des musiciens témoigne que les musiciens étaient assez réservés sur l’intervention de Astor Piazzolla. Osvaldo Pugliese, en revanche, considérait cela comme un honneur. Un grand homme, jusqu’au bout.

Pugliese au Japon

La yumba 1989-11 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

La yumba 1989-11 – Orquesta Osvaldo Pugliese. Le dernier de La yumba par San Pugliese, au Japon (Nagoya) en novembre 1989. Si vous écoutez jusqu’à la fin, au début des applaudissements, vous pourrez entendre une petite fantaisie au piano par Osvaldo Pugliese.

Je vous laisse sur ce petit jeu de notre cher maître, à la fois sérieux et facétieux.

La yumba – À partir d’un pochoir mural dans le quartier de Palermo. La ronde d’india, est inspirée par ma fantaisie à l’évocation de Yumba…

Dos amores 1932-08-12 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

Letra: Gerónimo Sureda

Les frères Sureda étaient complémentaires. Antonio, bandonéoniste et compositeur et Gerónimo, poète. Notre tango du jour est un des fruits de leur collaboration. Ceux qui pensent que est une de cocus et de trahison ne s’y retrouveront pas, mais tous les autres adoreront ce très beau thème que les frères Sureda ont peut-être dédié à leur mère…

Parmi leurs collaborations, nous pouvons citer en plus de notre tango du jour Ilusión marina qui est le premier titre de son frère sur lequel Gerónimo a mis des paroles.
Voici d’autres titres que vous connaissez sans doute, car nous en possédons des enregistrements. Ils sont par ordre alphabétique :

  • A oscuras (Gerónimo est aussi crédité de la composition en compagnie de son frère pour ce titre).
  • Adiós juventud
  • Barreras de amor
  • Cacareando
  • Decime adiós
  • Juanillo (pasodoble)
  • Mala suerte
  • Nunca es tarde
  • Parece que fue ayer
  • Ronda del querer
  • Si alguna vez
  • Te quiero mucho más
  • Volvió la princesita
  • Yo quiero que sepas

Finalement Antonio a fait appel à son frère pour la majorité de ses compositions, mais signalons tout de même qu’un petit quart est aussi issu de la collaboration avec Homero Manzi, le reste étant anecdotique.

Extrait musical

Dos amores 1932-08-12 – Orquesta Francisco Canaro con .

Un tango appuyé et marchant tout à fait typique de Canaro. Contrairement à ce que faisaient certains orchestres contemporains, l’orchestration de Canaro se démarque par de beaux contrepoints qui sont souvent surprenants, mais qui donnent de l’intérêt et cassent tout risque de monotonie. Le long passage en pizzicati des violons qui commence à 1:45 après l’estribillo de Famá et le recours aux instruments en cuivre donne une sonorité particulière.
On notera également l’intéressante variation finale qui anime les dernières secondes.

Paroles

Escuche viejecita… yo quiero que se entere
Desde hace mucho tiempo, que tengo ya otro amor,
Si viera qué bonita, qué buena es la muchacha
Hay en sus ojazos más fuego que el sol.
Yo quiero que la quiera con su cariño santo
Con fuerza, con vehemencia, de todo ,
Ella hace mucho tiempo que quiere conocerla
Para llamarla madre… como lo llamo yo.

Fue cerquita del barranco
Donde una tarde la vi,
Y en la tranquera ´e su rancho
El primer beso le di,
Desde entonces mi guitarra
Tiene una cinta ´e color,
Que la prendieron sus manos
Como prueba de su amor.

¿Que pasa?…viejita venga, por qué se pone triste
Acaso no se alegra al ver que soy feliz,
O cree que el cariño de la mujer que amo
Me hará olvidar lo mucho que usted sufrió por mí.
Yo quiero que la quiera con su cariño santo
Con fuerza, con vehemencia, de todo corazón,
Ella hace mucho tiempo que quiere conocerla
Para llamarla madre, como la llamo yo.
Letra:

Traduction libre et indications

Écoutez, ma petite mère (ma petite vieille est un terme affectueux, le texte est un mélange de familiarité et de vouvoiement respectueux). Je veux que vous sachiez que ça fait longtemps déjà que j’ai un autre amour.
Si vous voyez comme elle est jolie, comme elle est bonne la fille.
Il y a plus de feu dans ses grands yeux que dans le soleil.
Je veux que vous l’aimiez de votre sainte affection, avec force, avec véhémence, de tout votre cœur.
Elle, cela fait longtemps qu’elle veut vous connaître, pour vous appeler mère… comme je vous appelle, moi.
C’est près de la tranchée qu’un après-midi je l’ai vue, et à la porte de son ranch, je lui ai donné le premier baiser, depuis lors ma guitare a un ruban de couleur, que ses mains ont attaché comme preuve de son amour.
Que se passe-t-il ?… Ma petite mère, venez, pourquoi êtes-vous triste ?
Peut-être n’êtes-vous pas heureux de voir que je suis heureux, ou pensez-vous que l’affection de la femme que j’aime me fera oublier combien vous avez souffert pour moi.
Je veux que vous l’aimiez de votre sainte affection, avec force, avec véhémence, de tout votre cœur.
Elle, cela fait longtemps qu’elle veut vous connaître, pour vous appeler mère… comme je vous appelle, moi.

Autres versions

Dos amores. À gauche, Canaro chez Odeón, au centre, D’Arienzo chez RCA Victor et à droite, Pugliese chez Philips (Dos amores est la plage 2 de la face 1 du disque LP 33 tours).
Dos amores 1932-08-12 – Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá. C’est notre tango du jour.
Dos amores 1932-09-09 – Santiago Devin con Trio Antonio Sureda.

Santiago Devin est un chanteur relativement rare, mais il avait du dans les années 30. On le connaît surtout avec le Sexteto de Carlos Di Sarli, où il ne chantait que l’estribillo. Il nous propose ici accompagné par le trio Antonio Sureda pour Odeón, une version en chanson, plus à classer du côté de Gardel, Magaldi ou Corsini que du côté du tango de bal. Vu que Santiago Devin enregistre avec le compositeur, on peut penser que Antonio Sureda cautionne cette jolie version. Le trio était composé, en plus de Antonio Sureda au bandonéon, de Oscar Valpreda au violon et de Alpredi au piano.

Dos amores 1947-05-13 – Orquesta Juan D’Arienzo con .

Le tempérament fougueux de D’Arienzo pourrait paraître un contre-emploi, mais la voix travaillée de Laborde fait que cela passe, mais si cela peut se danser, c’est un peu un cran en dessous en matière de romantisme.

Dos amores 1961 – Orquesta Osvaldo Pugliese con .

Dos amores 1961 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel. Pugliese sait faire des versions très personnelles et empreintes de romantisme. Nous en avons là, un exemple. Les 55 premières secondes préparent la venue du chanteur, Jorge Maciel qui prendra ensuite l’essentiel de la présence. L’utilisation par Maciel du port de voix (liaison des notes en glissando), de l’arrastre (laisser traîner) fait que ce titre sera un peu moyen pour la danse, même si je sais que certains adorent. Cette version est cependant bien adaptée à l’expression des sentiments d’amour évoqués par le tango.

Sur ces beaux sentiments, je vous dis, à demain, les amis !

Luz y sombra 1956-08-08 – Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante y Oscar Larroca

Alfredo De Angelis Letra: Gervasio López

Luz y sombra, de lumière et d’ombre, de Angelis, Larroca et Dante peignent un tableau ravissant que je vais vous présenter. Les ombres sont uniquement présentes pour donner du relief à la lumière. Cette valse paisible, mais entraînante, nous fait découvrir un aspect du tango, bien loin de la seule tristesse qu’y voient certains. Mettons cela en lumière.

Extrait musical

Luz y sombra 1956-08-08 – con y .

Dès les premières notes, la gaîté du morceau apparaît, les premiers temps de la valse sont bien marqués. Après 50 secondes, Oscar Larroca commence de sa voix de baryton, suivi de peu par la voix de ténor de Carlos Dante. Les deux voix vont se mêler ainsi jusqu’à la dernière mesure. On sent bien qu’il ne se déroule pas un drame dans cette valse. Les paroles vont nous le confirmer.

Paroles

Los trinos se derraman
Y emergen los arrullos
Ese jardín florido
Que tienen por mansión
Jilgueros y gorriones
Alondras y zorzales
Que entonan himnos bellos
Como una bendición
Viajeras golondrinas
Saludan a su pasó
Y como gentileza
Contesta el ruiseñor
Elabora el
Su rústica morada
Y un pavo rearrumbroso
Critica constructor

Concierto de perfume
De cantos y de alegrías
De la naturaleza
Ofrece al soñador
Maleta de colores
Enjambre delicioso
Que alucinó llevado
Jamás algún pintor

Y cuando cae la tarde
Los pájaros palmeros
Retornan a sus nidos
En busca de calor
Entornan las camelias
Sus pétalos celosos
Por miedo que el rocío
Les quite su esplendor

Enmudece el ambiente
La noche se aproxima
Ensaya un grillo el canto
Monótono y tristón
Palidecen las rosas
Se esfuma la alegría
Y llora la cigarra
Porque se ha puesto el Sol
Y llora la cigarra
Porque se ha puesto el Sol
Alfredo De Angelis Letra: Gervasio López

Traduction libre et indications

Les trilles se répandent et les roucoulements émergent.
Ce jardin fleuri qui est le manoir des chardonnerets et des moineaux, des alouettes et des grives qui chantent de beaux hymnes comme une bénédiction.
Les hirondelles voyageuses les saluent au passage et, par courtoisie, le rossignol répond, le hornero élabore sa demeure rustique et une dinde revêche critique le constructeur.
Un concert de parfums, de chants et de joies, offre la nature au rêveur, une mallette de couleurs, un délicieux essaim qui a halluciné et que n’a jamais porté un peintre. (la mallette, on pourrait dire la palette de couleurs est si riche qu’aucun peintre n’en a jamais eu de pareille).
Et quand tombe le soir, les oiseaux de palmiers retournent à leurs nids à la recherche de chaleur.
Les camélias enveloppent jalousement leurs pétales de peur que la rosée ne leur enlève leur splendeur.
L’ambiance est muette, la nuit approche, un grillon répète le chant monotone et triste, les roses pâlissent et la joie s’évanouit et la cigale pleure parce que le soleil s’est couché.
Et la cigale pleure parce que le soleil s’est couché.

Les duos et trios de chanteurs de De Angelis

Si plusieurs orchestres, j’hésite à dire beaucoup, ont réalisé des duos de chanteurs, De Angelis a eu une prédilection pour le genre. Nous avons vu hier que Edgardo Donato avait enregistré de nombreux chanteurs et avait profité de la profusion pour enregistrer même des trios.

Les duos de chanteurs de De Angelis

De Angelis a fait de même en enregistrant beaucoup de duos et même un quatuor… Voici une liste des associations qu’il a utilisées pour ses enregistrements. D’autres ont existé, mais sans avoir été immortalisée par le disque :

  • Carlos Aguirre et Alberto Cuello
  • Carlos Aguirre et Julián Rosales
  • Carlos Dante et Julio Martel (sans doute le duo le plus connu de De Angelis)
  • Carlos Dante et Oscar Larroca (c’est celui de notre valse du jour)
  • Juan Carlos Godoy et Oscar Larroca
  • Juan Carlos Godoy et Lalo Martel
  • Juan Carlos Godoy et Roberto Mancini
  • Isabel « Gigí » De Angelis et Carlos Boledi (Gigi est la fille de De Angelis)
  • Isabel « Gigí » De Angelis et Ricardo « Chiqui » Pereyra (Exercice de prononciation Gigi y Chiqui).
  • Rubén Linares et Marcelo Biondini

Sur la composition des duos. En général, les orchestres essayaient d’avoir deux chanteurs. Un qui jouait le rôle de l’Espagnol (Oscar Larroca pour cette valse) et un qui jouait le rôle de l’Italien (Carlos Dante pour cette valse). Il y avait aussi la nécessité d’association de voix compatibles et généralement de registres différents (ténor et baryton, par exemple). De Angelis ou Troilo ont particulièrement bien réussi leurs « mariages », d’autres chefs ont eu du mal à contracter les voix qui vont bien ensemble, comme Di Sarli ou D’Arienzo.
Une autre raison qui fait que De Angelis a utilisé des duos est que c’est une caractéristique de la musique traditionnelle et De Angelis a, par exemple, enregistré pas mal de vals criollos. Pour Troilo, il me semble que c’est plus son goût pour les voix, même s’il a aussi investigué du côté du folklore.

Le quatuor de chanteur de De Angelis

  • Ricardo « Chiqui » Pereyra, Jorge Guillermo, Marcelo Biondini et Isabel « Gigí » De Angelis

Comme les quatuors de chanteurs sont tout de même assez rares en tango, je vais vous faire écouter celui-ci dans un titre qui va faire rire certains. La calesita (le manège).

La calesita 1981 – Orquesta Alfredo De Angelis con Ricardo « Chiqui » Pereyra, Jorge Guillermo, Marcelo Biondini y Isabel « Gigí » De Angelis (Mariano Mores Letra: ).

Avec La calesita, on est assez loin du tango auquel nous a habitué De Angelis, mais le titre vaut une explication.
La calesita, c’est le manège. Celui qu’aiment les enfants. À Buenos Aires, ils étaient mus par des moteurs de sang (des chevaux) avant de passer à des motorisations moins cruelles pour les animaux.
Certains qualifiaient De Angelis de , orchestre pour les manèges. Mais contrairement au dédain qu’affichent ceux qui l’affublent de ce nom, ce n’est pas à cause d’un manque de qualité, bien au contraire. Si De Angelis était si joué dans les manèges, c’était que sa musique attirait les femmes qui décidaient de placer leur progéniture sur la machine tournante afin de pouvoir savourer la musique de De Angelis. Les femmes n’étaient pas les seules à être attirées par la musique, certains danseurs profitaient de cette musique « gratuite » pour danser autour du manège. Peut-être que le manège était également propice pour se mettre en ménage (jeu de mot en français, je suis désolé pour ceux qui lisent dans une autre langue).

Autres versions

La valse enregistrée par De Angelis est unique, mais le titre avait auparavant été utilisé pour d’autres œuvres.

Luz y sombra 1930-09-11 – Orquesta Julio De Caro con (Alfredo Oscar Gentile; Atilio Supparo, musique et paroles).

Bon, ce n’est pas vilain, mais cela manque tout de même d’un peu d’euphorie et d’intérêt pour la danse. Je vous propose de mettre ce titre de côté.

Luz y sombra 1955 – y su Orquesta Típica (Astor Piazzolla).

De l’excellent Piazzolla, mais à 1000 lieues de ce qu’enregistrera l’année suivante, De Angelis. La musique de Piazzolla est relativement descriptive. On peut assez facilement identifier les alternances de lumière et d’ombre. De la musique à écouter, dans l’ombre d’un salon cossu.

Luz y sombra 1993-12 – Georges Rabol (Astor Piazzolla).

Luz y sombra 1993-12 – Georges Rabol (Astor Piazzolla). Une interprétation impressionnante, au piano, de Luz y sombra de Piazzolla. Le piano est un merveilleux instrument, capable, comme le prouve Georges Rabol, de remplacer un orchestre.
Nous sommes en 1993, mais rassurez-vous, je vous propose maintenant, pour vous divertir, la version de Luz y sombra de De Angelis, notre valse du jour qui est nettement antérieure de 37 années.

Luz y sombra 1956-08-08 – Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante y Oscar Larroca.

Notre valse du jour est le seul de cette anecdote passable dans une , mais sa bonne humeur permet de compenser cela.

La nuit est en train de tomber sur ce joli jardin.

On remarquera le hornero et sa maison faîte de boue qui lui vaut le titre d’architecte. Le chardonneret élégant, cité dans la chanson, est également présent. Les camélias et les roses pâlissantes. C’est ce beau jardin que j’imagine en entendant cette valse. En passant l’arche, on trouvera un espace dégagé pour danser la valse.

Alors, valsons jusqu’à demain, les amis !

Amurado 1940-07-29 – Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas

Pedro Maffia ; Pedro Laurenz Letra : José Pedro De Grandis

Encore un tango qui ne laisse pas les tangueros se reposer, notamment dans cette version. Les deux Pedro, Laurenz puis Maffia ont créé un monstre qui aspire toute l’énergie vitale des danseurs de la première à la dernière note. Le charme semble aussi avoir opéré également sur les directeurs d’orchestre, car de très nombreuses versions en ont été enregistrées. La version du jour est par l’un des deux compositeurs, Laurenz avec Juan Carlos Casas.

Un démarrage sur les chapeaux de roues

Le point de départ de ce tango a été donné par De Grandis qui avait écrit un texte, sur la misère de l’abandon. En 1925-1926, il était violoniste dans le sexteto du bandonéoniste Enrique Pollet, celui qu’on retrouvera par la suite dans l’orchestre de Pugliese et qui est à l’origine de la superbe variation finale de Recuerdo.

Un jour que ce sexteto jouait dans son lieu habituel, Le Café El Parque (près de Tribunales et assez près du théâtre Colón), Pedro Laurenz qui était ami de Pollet prit connaissance du texte et sur l’instant sur son bandonéon, imagina un air pour la première partie, puis il alla le montrer à Pedro Maffia qui était alors au cinéma Select Lavalle, à proximité, dans l’orchestre de Julio De Caro. Maffia fut tellement enthousiasmé qu’il demanda à Laurenz de pouvoir le terminer.
Et ainsi, le tango intégra le répertoire de Julio De Caro qui l’enregistrera deux ans plus tard, la même année que Gardel et beaucoup d’autres.
Après cette première vague, le tango fut moins enregistré, juste ressuscité à diverses reprises par Laurenz. La seconde vague n’arrivera que dans les années 50 avec une nouvelle folie autour du thème, folie qui dure jusqu’à nos jours où beaucoup d’orchestres ont ce tango à leur répertoire.
Pedro Laurenz l’a enregistré au moins cinq fois, vous pourrez comparer les versions dans la partie « autres versions ».

Extrait musical

Amurado. Pedro Maffia ; Pedro Laurenz Letra: José Pedro de Grandis La dédicace est au Docteur Prospero Deco, qui deviendra le Directeur del Hospital General de Agudos José María Penna de 1945 à 1955. À droite, son buste dans l’hôpital.
Amurado 1940-07-29 – Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas.

Tout commence par un puissant appel du bandonéon qui résonne comme un clairon, puis la machine se met en marche. Le rythme est puissamment martelé, par les bandonéons, la contrebasse, le piano, en contrepoint, des plages de douceur sont données par les violons et en son temps par Juan Carlos Casas, mais à aucun moment le rythme et la tension ne baissent, jusqu’à la fin presque abrupte. On notera aussi un magnifique solo de bandonéon, indispensable pour un titre composé par deux bandonéonistes… L’intervention, courte de Casas, n’exprime pas toute la douleur du texte et les danseurs peuvent prendre du plaisir sans remord. Cette incroyable composition emporte les danseurs et hérisse les poils de bonheur de bout en bout. Cette version est une merveille absolue qui fait regretter que Laurenz et Casas n’ait pas plus enregistré.

Paroles

Campaneo a mi catrera y la encuentro desolada.
Sólo tengo de recuerdo el cuadrito que está ahí,
pilchas viejas, unas flores y mi alma atormentada…
Eso es todo lo que queda desde que se fue de aquí.

Una tarde más tristona que la pena que me aqueja
arregló su bagayito y amurado me dejó.
No le dije una palabra, ni un reproche, ni una queja…
La miré que se alejaba y pensé :
¡Todo acabó!

¡Si me viera ! ¡Estoy tan viejo!
¡Tengo blanca la cabeza!
¿Será acaso la tristeza
de mi negra soledad ?
Debe ser, porque me cruzan
tan fuleros berretines
que voy por los cafetines
a buscar felicidad.

Bulincito que conoces mis amargas desventuras,
no te extrañe que hable solo. ¡Que es tan grande mi dolor !
Si me faltan sus caricias, sus consuelos, sus ternuras,
¿qué me quedará a mis años, si mi vida está en su amor?

¡Cuántas noches voy vagando angustiado, silencioso
recordando mi pasado, con mi amiga la ilusión !…
Voy en curda… No lo niego que será muy vergonzoso,
¡pero llevo más en curda a mi pobre corazón!

Pedro Maffia ; Pedro Laurenz Letra: José Pedro de Grandis

Juan Carlos Casas ne chante que ce qui est en gras.

Traduction libre et indications

Je contemple mon lit et le trouve désolé.
Je n’ai comme souvenir que le petit tableau qui est ici, de vieilles couvertures, quelques fleurs et mon âme tourmentée…
C’est tout ce qui reste depuis qu’elle est partie d’ici.
Un après-midi plus triste que le chagrin qui m’afflige, elle a préparé son petit bagage et m’a laissé emmuré.
Je n’ai pas dit un mot, pas un reproche, pas une plainte…
Je l’ai regardée s’éloigner et j’ai pensé :
Tout à une fin !
Si elle me voyait ! Je suis si vieux !
J’ai la tête blanche !
Est-ce peut-être la tristesse de ma noire solitude ?
Ça doit l’être, parce que j’ai des idées tant débiles que je vais dans les cafés pour chercher le bonheur.
Petit logis, qui connaît mes mésaventures amères, ne t’étonne pas que je parle tout seul. Que ma douleur est grande !
Si me manquent ses caresses, ses consolations, sa tendresse, que me restera-t-il dans mes années, si ma vie est dans son amour ?
Combien de nuits je vais vagabondant, angoissé, silencieux, me souvenant de mon passé, avec mon ami l’illusion…
Je vais me saouler… Je ne nie pas que ce soit honteux, mais je supporte mieux mon pauvre cœur quand je suis bourré (saoul) !

Autres versions

J’ai mis en rouge les versions par les auteurs (Maffia, 1 version et Laurens, 5 versions).

Amurado 1927-02-11 – Orquesta .

Une version calme, sans doute trop calme si on la compare à notre tango du jour…

Amurado 1927-04-08 – Orquesta .

Une autre version tranquille, exécutée avec conscience, mais sans doute pas de quoi susciter la folie.

Amurado 1927-06-08 – con guitarras de Pagés-Pesoa-Maciel.

Une jolie interprétation de Corsini, à écouter, bien sûr.

Amurado 1927-07-20 – Pedro Maffia y (Duo de bandoneones).

Pedro Maffia l’auteur de la seconde partie nous propose ici sa version en duo avec Alfredo De Franco. Une version simple, mais plus rapide que les autres de l’époque. Il nous manque certains instruments auxquels nous sommes désormais habitués pour totalement apprécier cette version qui peut paraître un peu monotone et répétitive.

Amurado 1927-07-22 – Carlos Gardel con acomp. de Guillermo Barbieri, José Ricardo (guitarras).

Avec seulement deux guitares, Gardel donne la réponse à Corsini qui le mois précédent avait enregistré le titre avec trois guitares. C’est également joli et tout autant pour l’écoute et pas pour la danse.

Amurado 1927-08-16 – Orquesta con Agustín Irusta.

Canaro enregistre à son tour, sur un rythme calme, qui est de toute façon une de ses caractéristiques de l’époque. De jolis traits de violon et bandonéon allègent un peu le marquage puissant du rythme. La voix de Irusta, un peu nasale, apporte une petite variation dans cette interprétation qui ne sera sans doute pas à la hauteur des danseurs d’aujourd’hui.

Amurado 1927-09-07 – Agustín Magaldi con guitarras.

Il ne manquait que lui, après Corsini et Gardel, voici Magaldi. Moi, j’aime bien. Bien sûr, ce n’est pas plus pour la danse que les versions des deux concurrents, mais ça se laisse écouter.

Amurado 1927-09-12 – Orquesta Julio De Caro.

Je pense que dès les premières mesures vous aurez remarqué la différence d’ambiance par rapport à toutes les versions précédentes. Le rubato marqué, parfois exagéré et la variation du solo de bandonéon sont déjà très proches de ce que proposera Laurenz 13 ans plus tard. On notera les sonorités étranges qui apparaissent vers la fin du morceau, De Caro aime ajouter des instruments atypiques.

Amurado 1927-12-06 – Orquesta Juan Maglio « Pacho » con .

On revient sans doute un cran en arrière dans la modernité, mais la partie d’orchestre est assez sympathique. La voix de Galarza sera en revanche un peu plus difficile à accepter par les danseurs d’aujourd’hui.

Amurado 1928 – Trío Argentino (Irusta, Fugazot, Demare) y su Orquesta Típica Argentina con Roberto Fugazot.

Le piano de Demare démarre puis laisse la place à la voix de Fugazot qui gardera ensuite la vedette en masquant un peu le beau jeu de Demare au piano qui ne pourra que placer un magnifique accord final.

Amurado 1940-07-29 – Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas.

C’est notre tango du Jour. Si on note la filiation avec l’interprétation de De Caro, la version donnée par Laurenz est éblouissante en tous points. Il a fait le ménage dans les propositions parfois un peu confuses de De Caro et le résultat est parfait pour la danse.

Amurado 1944-11-24 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Tout en restant fidèle à l’écriture de Laurenz, Pugliese propose sa version avec une pointe de Yumba et son alternance de moments tendus et d’autres, relâchés, et des nuances très marquées. Le résultat est comme toujours superbe, mais beaucoup plus difficile à danser pour les danseurs qui ne connaissent pas cette version. En , c’est donc à réserver à des danseurs expérimentés ou motivés. L’accélération de la variation en solo du bandonéon qui nous mène au final est tout aussi belle que celle de Laurenz, les danseurs pourront s’y donner rendez-vous pour oublier les petits pièges des parties précédentes.

Amurado 1946 (transmisión radial) – Orquesta Pedro Laurenz.

Six ans plus tard, Laurenz propose une version instrumentale. Il s’agit d’un enregistrement radiophonique, d’une qualité impossible pour la danse, mais nous avons une version enregistrée l’année suivante.

Amurado 1947-01-16 – Orquesta Pedro Laurenz.

Cette version est très proche et je ne la proposerai sans doute pas, car je suis sûr que le petit chanté par Casas va manquer aux danseurs.

Amurado 1952-09-25 – Orquesta Pedro Laurenz.

Après un peu de temps de réflexion, Laurenz propose une nouvelle version, très différente. On sent qu’il a voulu dans la première partie tirer parti des idées de Pugliese, mais la réalisation est un peu plus sèche, moins coulée et la seconde partie s’enfonce un peu dans la guimauve. Mon petit Pedro, désolé, mais on reste avec ta première version, même si on garde de cette version le final qui est tout aussi beau que dans l’autre.

Amurado 1955-09-16 – Orquesta José Basso.

Basso reprend l’appel initial du bandonéon, en l’accentuant encore plus que Laurenz dans sa version de 1940. Un violon virtuose nous transporte, puis le bandonéon tout aussi agile reprend le flambeau. Par moment on retrouve l’esprit de la version de la version de Laurenz en 1940, mais entrecoupée de passages totalement différents. Je ne sais pas ce qu’en penseraient les danseurs. D’un côté les rappels proches de Laurenz peuvent leur faire regretter l’original, mais les idées différentes peuvent aussi éveiller leur curiosité et les intéresser. Peut-être à tenter dans un lieu rempli de danseurs un peu curieux.

Amurado 1956 – con acomp. de Carlos Figari y su Orquesta.

Une version à écouter, avec la puissance d’un grand orchestre.

Amurado 1956c – Trio Hugo Diaz.

Le trio d’Hugo Diaz, harmoniciste que l’on retrouvera 12 ans plus tard avec une version encore plus intéressante.

Amurado 1959-01-08 – Orquesta José Basso.

Encore Basso, qui s’essaye à l’amélioration de son interprétation et je trouve que c’est une réussite qui devrait intéresser encore plus de danseurs que la version de 1955.

Amurado 1961-09-08 – Jorge Vidal con acomp. de guitarras, cello y contrabajo.

Amurado 1961-09-08 – Jorge Vidal con acomp. de guitarras, cello y contrabajo. Vidal avec ce conjunto de cordes nous propose une version très originale. Sa superbe voix est parfaitement mise en valeur par les cordes qui l’accompagnent. Dommage que ce ne soit pas pour la danse.

Amurado 1962-04-19 Orquesta Leopoldo Federico con Julio Sosa.

Dans la première époque du titre, on avait entendu Corsini, Gardel et Magaldi. Dans cette nouvelle période, après Rivero, voici Julio Sosa, El varón del tango. Une version qui fait se dresser les poils de plaisir. Quelle version !

Amurado 1962-12-19 – Aníbal Troilo y Roberto Grela en vivo.

Un enregistrement avec un public enthousiaste, qui masque parfois la merveille du bandonéon exprimé par Troilo, extraordinaire.

Amurado 1968 Pedro Laurenz con su Quinteto.

La dernière version enregistrée par Pedro Laurenz, avec la guitare électrique en prime. Une version à écouter, mais pas inintéressante.

Amurado 1972 – Hugo Díaz.

Le meilleur harmoniciste nous propose une version plus aboutie.

Amurado 1975 – .
Amurado 1981 – Orquesta Leopoldo Federico.

Bien au-delà de la version avec Sosa, l’orchestre s’exprime magnifiquement. On est bien sûr totalement hors du domaine de la danse, mais c’est une merveille.

Amurado 1990 Roberto Goyeneche con arreglos y dirección de Raúl Garello.

Goyeneche manquait à la liste des chanteurs ayant mis ce titre à son répertoire. Cet enregistrement comble cette lacune.

Amurado 1995-08-23 – Sexteto Tango.

Une version par les anciens musiciens de Pugliese.

Voilà, avec une trentaine de versions, vous avez encore une fois un échantillon de la richesse du tango. En général, seules une ou deux versions passent en milonga, mais quelquefois les modes changent et des titres oubliés redeviennent à la mode. Ainsi, le tango reste vivant et quand des orchestres contemporains se chargent de rénover la chose, c’est parfois une seconde chance pour les titres.

Sur ces entrefaites, je vous dis, à demain, les amis.

Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta Carlos Di Sarli

José “Natalín” Felipetti ; Rosario Mazzeo Letra: Arturo Juan Rodríguez

Le tango du jour est instrumental, et en écoutant la musique sensuelle de Di Sarli, je suis sûr que la plupart de ceux qui ne sont pas uruguayens ont pensé que j’étais tombé sur la tête, une fois de plus, en proposant cette image de couverture. J’ai imaginé cette illustration en me référant à Géricault, un peintre qui a donné à la fois dans le militaire et l’orientalisme. Mais qui sont ces 33 orientales que Di Sarli célébrera trois fois par le disque ?

De l’importance de l’article

Il peut échapper aux personnes qui ne parlent pas bien espagnol, la différence entre las (déterminant pluriel, féminin) et los (déterminant pluriel, masculin). Las 33 orientales, ça pourrait-être ceci,

Los ou las ?

mais los 33 orientales, c’est plutôt cela :

El juramento de los 33 orientales (1878).

Je vous raconterai l’histoire de ces 33 mecs en fin d’article, passons tout de suite à l’écoute.

Extrait musical

Les compositeurs sont José Felipetti (bandonéoniste et éditeur musical) et Alfredo Rosario Mazzeo, violoniste, notamment dans l’orchestre de Juan D’Arienzo, puis de Polito (qui fut pianiste également de D’Arienzo). Rosario Mazzeo avait la particularité d’utiliser un archet de violon alto, plus grand pour avoir un son plus lourd.

Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta .

Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette version que vous puissiez ne pas connaître. Je suis sûr que dans les cinq secondes vous aviez repéré que c’était Di Sarli, avec ses puissants accords sur son 88 touches (le piano) et les légatos des violons. Comme il est d’usage chez lui, les nuances sont bien exprimées. Les successions de fortissimos mourant dans des passages pianos (moins forts) et les accords finaux où dominent le piano font que c’est du 100% Di Sarli.

Il s’agit du troisième enregistrement de Los 33 orientales par Di Sarli. Comme d’habitude, vous aurez droit aux autres dans le chapitre dédié, Autres versions

Les trois disques de Los 33 orientales par Carlos Di Sarli.

On notera que la version de 1952 est un 33 tours Long Play, c’est-à-dire qu’il y a deux tangos par face, ici La Cachila et Los 33 orientales. Sur la face A, il y a Cuatro vidas et . Le passage de 78 à 33 tours permettait de plus que doubler la durée enregistrable. Mais ce n’est que la généralisation du microsillon qui permet d’atteindre des durées plus longues de plus de 20 minutes par face. Ce disque est donc un disque de « transition » entre deux technologies.

Paroles

Bien qu’il soit instrumental dans les versions connues, il y a eu des paroles écrites par Arturo Juan Rodriguez.
Au cas où elles seraient perdues, je vous propose un extrait de celles d’un autre tango appelé également los 33 orientales, à l’origine et rebaptisé par la suite .
Il a été écrit en 1933 par avec des paroles de Daniel López Barreto.
Je vous le propose à l’écoute, dans la version de avec Enrique Campos (1945).

La uruguyaita Lucia 1945-04-12 – Ricardo Tanturi C Enrique Campos

Y mientras en el cerro; de los bravos 33 el se oía
y al mundo una patria nueva anunciaba
un tierno sollozo de mujer, a la gloria reclamaba
el amor de su gaucho, que más fiel a la patria su vida le entregó.
Cabellos negros, los ojos
azules, muy rojos
los labios tenía.
La Uruguayita Lucía,
la flor del pago ‘e Florida.
Hasta los gauchos más fieros,
eternos matreros,
más mansos se hacían.
Sus ojazos parecían
azul del cielo al mirar.

Ningún gaucho jamás
pudo alcanzar
el corazón de Lucía.
Hasta que al pago llegó un día
un gaucho que nadie conocía.
Buen y buen mozo
cantó con voz lastimera.
El gaucho le pidió el corazón,
ella le dio su alma entera.

Fueron felices sus amores
jamás los sinsabores
interrumpió el idilio.
Juntas soñaron sus almitas
cual tiernas palomitas
en un rincón del nido.
Cuando se quema el horizonte
se escucha tras el monte
como un suave murmullo.
Canta la tierna y fiel pareja,
de amores son sus quejas,
suspiros de pasión.

Pero la patria lo llama,
su hijo reclama
y lo ofrece a la gloria.
Junto al clarín de Victoria
también se escucha una queja.
Es que tronchó Lavalleja
a la dulce pareja
el idilio de un día.
Hoy ya no canta Lucía,
su payador no volvió.

Eduardo Pereyra Letra: Daniel López Barreto

libre et indications

Et pendant que tu étais sur la colline ; des braves du 33 le clairon a été entendu et au monde il annonça une nouvelle patrie, un tendre sanglot d’une femme, à la gloire il a revendiqué l’amour de son gaucho, qui le plus fidèle à la patrie lui a donné sa vie.
Cheveux noirs, yeux bleus, lèvres très rouges, elle avait.
La Uruguayita Lucía, la fleur du bled (pago, coin de campagne et la population qui l’habite) Florida.
Même les gauchos les plus féroces, éternels matreros (bourrus, sauvages, qui fuient la justice), se faisaient apprivoiser.
Ses grands yeux semblaient bleus de ciel quand elle regardait.
Aucun gaucho ne put jamais atteindre le cœur de Lucia.
Jusqu’au jour où un gaucho arriva dans le coin et que personne ne connaissait.
Bon payador et bien beau, il chantait d’une voix pitoyable.
Le gaucho lui demanda le cœur, elle lui donna son âme en entier.
Leurs amours étaient heureuses, jamais les ennuis n’interrompirent l’idylle.
Ensemble, leurs petites âmes rêvaient comme de tendres colombes dans un coin du nid.
Lorsque l’horizon brûla, s’entendit derrière la montagne comme un doux murmure.
Le couple tendre et fidèle chante, leurs plaintes sont d’amour, leurs soupirs de passion.
Mais la patrie l’appelle, elle réclame son fils et lui offre la gloire.
Jointe au clairon de victoire, une plainte s’entend également.
C’est Lavalleja (voir en fin d’article) qui a coupé court à l’idylle du couple en une journée.

La version de José « Natalín » Felipetti ; Rosario Mazzeo et Arturo Juan Rodríguez n’a peut-être ou sans doute rien à voir, mais cela permet tout de même d’évoquer un autre titre faisant référence aux 33 orientales et même à Lavalleja, que je vous présenterai dans la dernière partie de l’article.

Autres versions

Je vous propose 5 versions. Trois par Di Sarli plus deux dans le style de Di Sarli

Los 33 orientales 1948-06-22 – Carlos Di Sarli.

La musique avance à petits pas fermes auxquels succèdes des envolées de violons, le tout appuyé par les accords de Di Sarli sur son piano. C’est joli dansant, du Di Sarli efficace pour le bal.

Los 33 orientales 1952-06-10 – Carlos Di Sarli.

Cette version est assez proche de celles de 1948. Le piano est un tout petit plus dissonant, dans certains accords, accentuant, le contraste en les aspects doux des violons et les sons plus martiaux du piano.

Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta Carlos Di Sarli.

Los 33 orientales 1955-07-28 – Orquesta Carlos Di Sarli. C’est notre tango du jour. La musique est plus liée, les violons plus expressifs. Le contraste piano un peu dissonant par moment et les violons, plus lyriques est toujours présent. C’est peut-être ma version préférée, mais les trois conviennent parfaitement au bal.

Los 33 orientales 1960 – Los Señores Del Tango.

En septembre 1955, des chanteurs et musiciens quittèrent, l’orchestre de Di Sarli et fondèrent un nouvel orchestre, Los Señores Del Tango, en gros, le pluriel du surnom de Di Sarli, El Señor del tango… Comme on s’en doute, ils ne se sont pas détachés du style de leur ancien directeur. Vous pouvez l’entendre avec cet enregistrement de 1960 (deux ans après le dernier enregistrement de Di Sarli).

Los 33 orientales 2003 – Gente De Tango ( Di Sarli).

Gente De Tango annonce jouer ce titre dans le style de Di Sarli. Mais on notera quand même des différences, qui ne vont pas forcément toute dans le sens de l’orchestre contemporain ? L’impression de fusion et d’organisation de la musique est bien moins réussie. Le bandonéon semble parfois un intrus. Le systématisme de certains procédés fait que le résultat est un peu monotone. N’est pas Di Sarli qui veut.

Qui sont les 33 orientales ?

Rassurés-vous, je ne vais pas vous donner leur nom et numéro de téléphone, seulement vous parler des grandes lignes.

J’ai évoqué à propos du 9 juillet, jour de l’indépendance de l’Argentine, que les Espagnols avaient été mis à la porte. Ces derniers se sont rabattus sur Montevideo et ont été délogés par les Portugais, qui souhaitaient interpréter en leur faveur le traité de Tordesillas.

Un peu d’histoire

On revient au quinzième siècle, époque des grandes découvertes, Christophe Colomb avait débarqué en 1492, en… Colombie, enfin, non, pas tout à fait. Il se croyait en Asie et a plutôt atteint Saint-Domingue et Cuba pour employer les noms actuels.

Colomb était parti en mission pour le compte de la Castille (Espagne), mais selon le traité d’Alcaçovas, signé en 1479 entre la Castille et le Portugal, la découverte serait plutôt à inclure dans le domaine de domination portugais, puisqu’au sud du parallèle des îles Canaries, ce que le roi du Portugal (Jean II) s’est empressé de remarquer et de mentionner à Colomb. Le pape est intervenu et après différents échanges, le Portugal et la Castille sont arrivés à un accord, celui de Tordesillas qui donnait à la Castille les terres situées à plus de 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. Une lieue espagnole de l’époque valait 4180 m, ce qui fait que tout ce qui est à plus à l’ouest du méridien passant à 1546 km du Cap Vert est Espagnol, mais cela implique également, que ce qui moins loin est Portugais. La découverte de ce qui deviendra le Brésil sera donc une aubaine pour le Portugal.

À gauche, les délimitations des traités d’Alcaçovas et de Tordessillas. À droite, la même chose avec une orientation plus moderne, avec le Nord, au nord…

Je pense que vous avez suivi cette révision de vos cours d’histoire, je passe donc à l’étape suivante…
Les Brésiliens Portugais et les Espagnols, tout autour, cherchaient à étendre leur domination sur la plus grande partie de la Terre nouvelle. Les Portugais ont défoncé la limite du traité de Tortessillas en creusant dans la partie amazonienne du continent, mais ils convoitaient également les terres plus au Sud et qui étaient sous dominance espagnole, là où est l’Uruguay actuel. Les Espagnols, qui avaient un peu négligé cette zone, établirent Montevidéo pour mettre un frein aux prétentions portugaises.
La situation est restée ainsi jusqu’à la fin du 18e siècle, à l’intérieur de ces possessions espagnoles et portugaises, de grands propriétaires commençaient à bien prendre leurs aises. Aussi voyaient-ils d’un mauvais œil les impôts espagnols et portugais et ont donc poussé vers l’indépendance de leur zone géographique.
Les Argentins ont obtenu cela en 1816 (9 juillet), mais les Espagnols se sont retranchés dans la partie est du Pays, l’actuel Uruguay qui n’a donc pas bénéficié de cette indépendance pourtant signée pour toutes les Provinces-Unies du Rio de la Plata.
Le 12 octobre 1822, le Brésil (7 septembre) proclame son indépendance vis-à-vis du Portugal par la voix du prince Pedro de Alcântara qui se serait écrié ce jour-là, l’indépendance ou la mort ! Il est finalement mort, mais en 1934 et le brésil était « libre » depuis au moins 1825.
Dans son Histoire du Brésil, Armelle Enders, remet en cause cette déclaration du prince héritier de la couronne portugaise qui s’il déclare l’indépendance, il instaure une monarchie constitutionnelle et Pedro de Alcântara devient le premier empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. Révolutionnaire, oui, mais empereur…
Donc, en Uruguay, ça ne s’est pas bien passé. Artigas qui avait fait partie des instigateurs de l’indépendance de l’Argentine a été contraint de s’exiler au Paraguay à la suite de trahisons, ainsi que des dizaines de milliers d’Uruguayens. Parmi eux, Juan Antonio Lavalleja et Manuel Oribe.

Juan Antonio Lavalleja (photos de gauche) et Manuel Oribe, les meneurs des 33 orientales. Ils seront tous les deux présidents de le la république uruguayenne.

Où on en vient, enfin, aux 33 orientales

Après de terribles péripéties, notamment de Lavalleja contre les Portugais-Brésiliens qui avaient finalement délogé les Espagnols de Montevideo en 1816, il fut fait prisonnier et exilé jusqu’en 1821. L’année suivante, le Brésil obtenait son indépendance, tout au moins son début d’indépendance. Lavalleja se rallia du côté de Pierre 1er, voyant en lui une meilleure option pour obtenir l’indépendance de son pays.
En 1824, il est déclaré déserteur pour être allé à Buenos Aires. Son but était de reprendre le projet d’Artigas et d’unifier les Provinces du Rio de la Plata.
Une équipe de 33 hommes a donc fait la traversée du Rio Uruguay. Une fois sur l’autre rive, ils ont prêté serment sur la Playa de la Agraciada (ou ailleurs, il y a deux points de débarquement potentiel, mais cela ne change rien à l’affaire).

El juramento de los 33 orientales sur la plage selon le peintre Juan Manuel Blanes et l’emplacement du débarquement (dans le cercle rouge). La pyramide commémore cet événement.

Ce débarquement et ce serment, le juramento de los 33 orientales marquent le début de la guerre d’indépendance qui se prolongera dans d’autres guerres surnommées Grande et Petite. Les Britanniques furent mis dans l’affaire, mais ils pensèrent plus aux leurs, d’affaires, que d’essayer d’aider, n’est-ce pas Monsieur Canning (qui a depuis perdu la rue qui portait son nom et qui s’appelle désormais Scalabrini Ortiz) ? Le salon Canning connu de tous les danseurs de tango est justement situé dans la rue Scalabrini Ortiz (anciennement Canning).
Les Argentins, dont le président Rivadavia espérait unifier l’ancienne province orientale à l’Argentine, ils se sont donc embarqués dans la guerre, mais le coût dépassait sensiblement les ressources disponibles. Le Brésil recevait l’aide directe des Anglais, l’affaire était donc assez mal engagée pour les indépendantistes uruguayens.
Un projet de traité en 1827 fut rejeté, jugé humiliant par les Argentins et futurs Uruguayens indépendants.
La Province de Buenos Aires, dirigée par Dorrego, le Sénat et l’empereur du Brésil se mirent finalement d’accord en 1928. Juan Manuel de Rosas était également favorable au traité rendant l’Uruguay indépendant bien que Dorrego et Rosas ne faisaient pas bon ménage. L’exécution de Dorrego coïncide avec l’ascension au pouvoir de De Rosas et ce n’est pas un hasard…
L’histoire ne se termine pas là. Nos deux héros, Juan Antonio Lavalleja et Manuel Oribe qui avaient fait la traversée des 33 sont tous les deux devenus présidents de l’Uruguay et de grande guerre à petite guerre, ce sont plusieurs décennies de pagaille qui s’en suivirent. L’indépendance et la mise en place de l’Uruguay n’ont pas été simples à mettre en œuvre. Les paroles du tango de Pereyra et Barreto nous rappellent que ces années firent des victimes.
Les 33 orientales restent dans le souvenir des deux peuples voisins du Rio de la Plata. À Buenos Aires, une rue porte ce nom, elle va de l’avenue Rivadavia à l’avenue Caseros et semble se continuer par une des rues les plus courtes de Buenos Aires, puisqu’elle mesure 50 m, la rue Trole… Au nord, de l’autre côté de Rivadavia, elle prend le nom de Rawson, mais, si c’est aussi un tango, c’est aussi une autre histoire.

Alors, à demain, les amis !

Los 33 orientales. La traversée par les 33. Ne soyez pas étonné par le drapeau bleu-blanc-rouge, c’est effectivement celui des 33. Vous pouvez le voir sur le tableau de Juan Manuel Blanes.

La tablada 1942-07-23 – Orquesta Aníbal Troilo

Francisco Canaro

Quand on pense à l’Argentine, on pense à sa viande et ce n’est pas un cliché sans raison. Les Argentins sont de très grands amateurs et consommateurs de viande. Chaque maison a sa parilla (barbecue) et en ville, certains vont jusqu’à improviser leurs parillas dans la rue avec un demi-bidon d’huile. Dans les espaces verts, il y a également des parillas aménagées et si vous préférez aller au restaurant, vous n’aurez pas beaucoup à marcher pour obtenir un bon asado. Le , la tablada a à voir avec cette tradition. En effet, la tablada est le lieu où est regroupé le bétail avant d’aller au matadero

, matadero, la tablada…

Extrait musical

La tablada 1942-07-23 – Orquesta Aníbal Troilo
La tablada. La couverture de gauche est plus proche du sujet de ce tango que celle de droite…
La partition est dédicacée par Canaro à des amis d’Uruguay (auteurs, musiciens…).

Autres versions

La tablada 1927-06-09 – Orquesta Francisco Canaro.

Une version presque gaie. Les vaches « gambadent », du pas lourd du canyengue.

La tablada 1929-08-02 – Orquesta .

Une version pesante comme les coups coups donnés par les mataderos pour sacrifier les animaux.

La tablada 1929-12-23 – Orquesta Francisco Canaro.

Cette version est assez originale, on dirait par moment, une musique de dessin animé. Cette version s’est dégagée de la lourdeur des versions précédentes et c’est suffisamment joueur pour amuser les danseurs les plus créatifs.

La tablada 1936-08-06 – Orquesta Edgardo Donato.

Une des versions le plus connues de cette œuvre.

La tablada 1938-07-11 – Orquesta Típica Bernardo Alemany.

Cette version française fait preuve d’une belle imagination musicale. Alemany est probablement Argentin de naissance avec des parents Polonais. Son nom était-il vraiment Alemany, ou est-ce un pseudonyme, car il a travaillé en Allemagne avant la seconde guerre mondiale avant d’aller en France où il a fait quelques enregistrements comme cette belle version de la tablada avant d’émigrer aux USA. Ses musiciens étaient majoritairement argentins, car il avait fait le voyage en Argentine en 1936 pour les recruter. Cette version est donc franco-argentine pour être précis…

La tablada 1942-07-23 – Orquesta Aníbal Troilo. C’est notre tango du jour.
La tablada 1946-09-10 – Orquesta Francisco Canaro.

L’introduction en appels sifflés se répondant est particulièrement longue dans cette version. Il s’agit de la référence au train qui transportait la viande depuis La Tablada jusqu’à Buenos Aires. Les employés devaient siffler pour signaler le départ, comme cela se fait encore dans quelques gares de campagne.

La tablada 1950-11-03 – y su Cuarteto Típico.

Encore une version bien guillerette et plutôt sympathique, non ?

La tablada 1951 – Orquesta .

C’est le frère qui était aussi chanteur, mais aussi pianiste (comme on peut l’entendre dans cet enregistrement), de Miguel Caló.

La tablada 1951-12-07 – Horacio Salgán y su Orquesta Típica.

Une version qui se veut résolument moderne, et qui explore plein de directions. À écouter attentivement.

La tablada 1955-04-19 – Orquesta José Basso.

Dans cette version, très intéressante et étonnante, Basso s’éclate au piano, mais les autres instruments ne sont pas en reste et si les danseurs peuvent être étonnés, je suis sûr que certains apprécieront et que d’autres me maudiront.

La tablada 1957 – Mariano Mores y su Gran Orquesta Popular.

L’humour de Mariano Mores explose tout au long de cette version. Là encore, c’est encore un coup à se faire maudire par les danseurs, mais si vous avez envie de rigoler, c’est à préconiser.

La tablada 1957-03-29 – Orquesta . Varela est plus sérieux, mais sa version est également assez foisonnante. Décidément, la tablada a donné lieu à beaucoup de créativité.
La tablada 1962 – Orquesta Rodolfo Biagi.

On revient à des choses plus classiques avec Rodolfo Biagi qui n’oublie pas de fleurir le tout de ses ornements au piano. À noter le jeu des bandonéons avec le piano et les violons qui dominent le tout, insensibles au staccato des collègues.

La tablada 1962-08-21 – Cuarteto Troilo-Grela.

Le duo Grela, Troilo est un plaisir raffiné pour les oreilles. À écouter bien au chaud pour se laisser emporter par le dialogue savoureux entre ces deux génies.

La tablada 1965-08-11 – Orquesta Juan D’Arienzo.

La spatialisation stéréophonique est sans doute un peu exagérée, avec le bandonéon à droite et les violons à gauche. Beaucoup de DJ passent les titres en mono. C’est logique, car tout l’âge d’or et ce qui le précède est mono. Cependant, pour les cortinas et les enregistrements plus récents, le passage en mono peut être une limitation. Vous ne pourrez pas vous en rendre compte ici, car pour pouvoir mettre en ligne les extraits sonores, je dois les passer en mono (deux fois moins gros) en plus de les compresser au maximum afin qu’ils rentrent dans la limite autorisée de taille. Mes morceaux originaux font autour de 50 Mo chacun. Pour revenir à la diffusion en stéréo, le DJ doit penser que les danseurs tournent autour de la piste et qu’un titre comme celui leur donnera à entendre le bandonéon dans une zone de la salle et les violons dans une autre. Dans ce cas, il faudra limiter le panoramique en rapprochant du centre les deux canaux. Encore un truc que ne peuvent pas faire les DJ qui se branchent sur l’entrée ligne où les deux canaux sont déjà regroupés et ne peuvent donc pas être placés spatialement de façon individuelle (sans parler du fait que l’entrée ligne comporte généralement moins de réglage de que les entrées principales).

La tablada 1966-03-10 – Orquesta Florindo Sassone.

Une meilleure utilisation de la spatialisation stéréophonique, mais ça reste du Sassone qui n’est donc pas très passionnant à écouter et encore moins à danser.

La tablada 1968 – Orquesta Típica .

Stampone a explosé la frontière entre la musique classique et le tango avec cette version très, très originale. J’adore et je la passe parfois avant la milonga en musique d’ambiance, ça intrigue les premiers danseurs en attente du début de la milonga.

La tablada 1968-06-05 – Cuarteto Aníbal Troilo.

On termine, car il faut bien une fin, avec Pichuco et son cuarteto afin d’avoir une autre version de notre musicien du jour qui nous propose la tablada.

Après ce menu musical assez riche, je vous propose un petit asado

L’asado

Je suis resté discret sur le thème matadero évoqué dans l’introduction. Matar en espagnol est tuer (à ne pas confondre avec mate) qui est la boisson nationale. Si vous écrivez « maté », vous voulez dire « tué ». Il ne faut donc surtout pas mettre d’accent, même si ça prononce maté, ça s’écrit mate. L’accent tonique est sur le ma et pas sur le te. J’arrête de tourner autour du pot, le matadero, c’est l’abattoir.

À la fin du 16e siècle, Jean de Garay apporta 500 vaches d’Europe (et bien sûr quelques taureaux). Ces animaux se plurent, l’herbe de la était abondante et nourrissante aussi les bovins prospérèrent au point que deux siècles plus tard, Félix de Azara, un naturaliste espagnol constatait que les criollos ne consommaient que de la viande, sans pain.
Plus étonnant, ils pouvaient tuer une pour ne manger que la langue ou la partie qui les intéressait.
Puis, la colonisation s’intensifiant, la viande est devenue la nourriture de tous, y compris des nouveaux arrivants. Certaines parties délaissées par la « cuisine » traditionnelle furent l’aubaine des plus pauvres, mais certaines parties qui étaient très appréciées par les personnes raffinées et négligées par les consommateurs traditionnels continuent à faire le bonheur des commerçants avisés qui répartissent les parties de l’animal selon les quartiers.
Le travail du cuir est aussi une ressource importante de l’Argentine, mais dans certaines provinces, l’asado (la grillade) se fait avec la peau et dans ce cas, le cuir est perdu. C’est un reste de l’habitude de tuer une vache pour n’utiliser que la portion nécessaire à un moment donné.
Les Argentins consomment un kilo de viande et par personne chaque semaine. Je devrais écrire qui consommaient, car depuis l’arrivée du nouveau gouvernement en Argentine, le prix de la viande a triplé et la consommation a fortement baissée en quantité (de l’ordre de 700 grammes par semaine et surtout en qualité, les viandes les moins nobles étant désormais plus recherchées, car moins chères).

Asado a la estaca (sur des pieux) — Asado con cuero (avec la peau de l’animal) Asado dans un restaurant, les chaînes permettent de régler la hauteur des différentes grilles — asado familiar.

Tira de asado
La viande est attachée à l’os. C’est assez spectaculaire et plein d’os que certains enlèvent avec leur couteau ou en croquant entre les restes de côtes.

Vacio (Vide)
Un morceau de choix, sans os, tendre et à odeur forte. IL se cuit lentement à feu indirect.

Matambre
Entre la peau et les os, le matambre est recherché. Il est également utilisé roulé, avec un remplissage entre chaque couche. Une fois découpé en rondelle, comme une bûche de Noël, c’est très joli. Le remplissage peut être des œufs durs, des légumes ou autres.

Colita de cuadril
Partie de l’aloyau (croupe) proche de la queue, d’où le nom.

Entraña
Partie intérieure des côtes de veaux.

Bife de chorizo
Bifteck de chorizo, un steack à ne pas confondre avec la saucisse espagnole de ce nom.

Bife Ancho
Un steack large, épais avec graisse.

Bife angosto
Le contraire du précédent, plus fin.

Lomo
La longe, une pièce de viande peu grasse.

Palomita
Une coupe parmi tant d’autres. J’imagine que certains y voient une colombe, mais c’est bien du bœuf.

Picaña
Arrière de la longe de bœuf de forme triangulaire.

Achuras
Ce sont les abats.
Ils sont présentés en tripes, chorizos, boudins, ris de veau, rognons et autres.
Ils ne font pas l’unanimité chez les Argentins, mais un asado sans achuras, ce n’est pas un asado pour beaucoup.

Bondiola
Le porc passe aussi un sale moment sur la parilla.
Beaucoup la mangent en sandwich dans du pain français (rien à voir avec le pain de France). Le pain peut être chauffé sur la parilla.

Pechito de cerdo
La poitrine de porc fait aussi partie des morceaux de choix de l’asado. Elle est considérée ici comme une viande plus saine (comme quoi tout est relatif).

Des légumes, poivrons, aubergines peuvent rejoindre l’asado, mais ce ne sera pas le met préféré des Argentins, même si on y fait cuire un œuf afin de ne pas manquer de protéines…

Le travail de l’asador

C’est la personne qui prépare l’asado. Son travail peut paraître simple, mais ce n’est pas le cas.
Il faut préparer les morceaux, parfois les condimenter (modérément) et la cuisson est tout un art. Une fois que le bois ou le charbon de bois sont prêts, il faut régler la hauteur de la grille afin que la viande cuise doucement et longuement et de façon adaptée selon les pièces qui se trouvent aux différents endroits de la grille.
Beaucoup d’Argentins aiment la viande bien cuite, les steaks tartares sont une idée qui n’est pas dans le vent ici. D’autres l’aiment à point et la bonne viande se coupe à la cuillère, voire avec le manche de la cuillère.
Hors de l’Argentine, il est assez difficile de convaincre un boucher de découper la viande à l’Argentine, à moins de bien lui expliquer et d’acheter 40 kilos d’un coup. Il vous faudra donc aller en Argentine ou dans un restaurant argentin qui s’approvisionne bien souvent en bœuf de l’Aubrac (France).
La coutume veut qu’on applaudisse l’asador qui a passé des heures à faire cuire amoureusement les animaux.
L’Argentine n’est pas le paradis des végétariens, d’autant plus que les légumes sont souvent plus chers que la viande (même si en ce moment, c’est moins le cas). Il faut compter entre 4 et 10 $ le kilo, voire moins si vous achetez de grosses quantités, si vous payez en liquide, si vous avez la carte de telle ou telle banque… L’Argentine fourmille d’astuces pour payer un peu moins cher.
Ne sortez pas l’American Express ici son slogan est plutôt « ne sortez pas avec elle » si vous ne voulez pas payer plus cher.
En ce qui concerne les autres produits d’origine animale, le lait et les produits laitiers ne sont pas les grands favoris et le poisson coûte le même prix qu’en Europe et par conséquent est hors de prix pour la majorité des Argentins, sauf peut-être le merlu que l’on peut trouver à moins de 10 $ contre 30 ou 40 $ le saumon (d’élevage, congelé et à la chair très pâle et grasse).
Bon, je me suis un peu échappé du domaine du tango, mais n’étant pas amateur de viande, il me fallait faire une forme de catharsis…

À demain, les amis !

Mi vieja linda 1941 – Orquesta Emilio Pellejero con Enalmar De María

Ernesto Céspedes Polanco (Musique et paroles)

En 2012, le thème du festival Tangopostale de Toulouse était les deux rives. À cette occasion, j’ai eu l’idée d’alterner les tandas argentines et uruguayennes. Entre les deux, une réalisée pour l’occasion permettait de matérialiser le passage d’une rive à l’autre. Je me souviens de l’accueil enthousiaste pour Mi vieja linda qui était peu connue à l’époque, tout comme les versions de nombreux orchestres uruguayens qui n’étaient alors représentés que par Racciatti et Villasboas… Dix ans plus tard, le Sexteto a eu l’excellente idée de reprendre à l’identique Mi vieja linda, ce qui a permis à de nouvelles générations de danseurs de redécouvrir cette festive, comme beaucoup de musiques uruguayennes.

Extrait musical

Mi vieja linda 1941 – Orquesta Emilio Pellejero con .
Mi vieja linda. Partition pour quatre guitares.

Paroles

Mi vieja linda
Pensando en vos
Se me refresca
El
Desde el día que te vi
Tras de la reja
En mi pecho abrió una flor
Como una luz
Y la pasión
Alumbró mi corazón
Mi vieja linda
Pensando en vos
Me siento bueno
Como el mejor
Y cuando un beso te doy
Boca con boca
Yo paladeo el sabor
De estar en vos
Que estar así
Corazón a corazón

Ernesto Céspedes Polanco

Traduction libre

Ma jolie chérie (vieja est la mère, ou la femme chérie. Vu le reste des paroles, c’est la seconde option la bonne…), en pensant à toi, mon cœur est rafraîchi.
Depuis le jour où je t’ai vu, à travers la grille, une fleur s’est ouverte dans ma poitrine, comme une lumière et la passion a illuminé mon cœur.
Ma jolie chérie, je pense à toi.
Je me sens bien, comme le meilleur et quand je te donne un baiser, bouche contre bouche, je savoure le goût d’être en toi, d’être ainsi, cœur à cœur.

Autres versions

Mi vieja linda 1941 – Orquesta Emilio Pellejero con Enalmar De María. C’est notre milonga du jour.
Mi vieja linda 2022-07-12 – Sexteto Cristal con .

Comparaison des deux versions

Vous l’aurez remarqué, les deux versions sont très semblables. Le Sexteto Cristal a reproduit exactement l’interprétation de Emilio Pellejero. Pour vous permettre de vérifier que le travail est excellent, je vous propose d’écouter les deux musiques en même temps.
Vous pourrez constater que la plupart du temps, la musique est synchronisée. Cela veut dire que les danseurs pourront danser indifféremment sur une version ou l’autre, sans différence notable.

Le Sexteto Crital a eu l’excellente idée d’interpréter « Mi vieja linda » de Ernesto Céspedes Polanco et qui était connu principalement pour la version enregistrée en 1941 par Emilio Pellejero avec la voix d’Enalmar De María. Sa reproduction de la version originale est presque parfaite comme vous le verrez dans cette vidéo. Les deux versions jouent en même temps et sont presque toujours synchronisées.

Les deux rives

L’année dernière au , il y avait le Sexteto Cristal qui a bien sûr joué son titre fétiche. J’intervenais le lendemain dans la et j’ai pu passer la version originale de Pellejero afin de rendre à César (plutôt Emilio) ce qui était à Emilio Pellejero et je pourrais également rajouter Ernesto, Ernesto Céspedes Polanco, l’auteur de la musique et des paroles et qui a réalisé quelques titres principalement interprétés par Emilio Pellejero comme Paloma que vuelas et Quemando recuerdos, les deux avec des paroles de Fernando Silva Valdés.
Il est d’usage de dire que le tango est un enfant des deux rives du Rio de la Plata, Buenos Aires et sa Jumelle orientale, Montevideo. Le passage d’un pays à l’autre était courant pour ne pas dire constant pour les orchestres. La perméabilité entre les deux rives était donc extrême. Cependant, la plupart des artistes qui ont cherché à développer leur carrière se sont centrés sur Buenos Aires, comme , né Uruguayen et naturalisé Argentin.

À Donato Racciatti et Miguel Villasboas, on peut rajouter quelques orchestres uruguayens moins connus :
Nelson Alberti, Julio Arregui, Juan Cao, Antonio Cerviño, Roberto Cuenca, Romeo Gavioli, Álvaro Hagopián, Juan Manuel Mouro, Ángel Sica, Julio Sosa.

Durant la pandémie COVID, je diffusais une milonga hebdomadaire et le fait de passer aussi des orchestres uruguayens m’avait attiré la sympathie d’auditeurs de ce pays et j’avais reçu de nombreuses informations via Messenger. Malheureusement, la fermeture par Facebook de mon compte de l’époque m’a fait perdre toutes ces informations. Je me souviens de contacts d’enfants de musiciens et de témoignages sur les orchestres de l’époque que je n’avais pas mis au propre, par manque de temps de traiter ces informations très riches. Je comptais également enrichir ma discothèque à partir de ces sources. Si mes contacts de l’époque lisent ce blog, qu’ils n’hésitent pas à reprendre

Cruzando el Rio de la Plata – Volver (Chamuyo) et bruitages DJ BYC. Une des cortinas des deux rives de Tangopostale 2012. DJ BYC Bernardo. Les effets stéréo de la traversée sont bien sur perdus à cause de la nécessité de passer les fichiers en mono pour le blog (limite de taille des fichiers à 1Mo).
Mi vieja linda 1941. Femme à la fenêtre Antoine Bourdelle.

Pour réaliser cette image, j’ai utilisé une peinture d’Antoine Bourdelle, un sculpteur génial dont on peut voir les œuvres à Buenos Aires, Toulouse et à Paris où sa maison musée est une merveille.

Antoine Bourdelle, Femme à la fenêtre, Huile sur toile, Paris, musée Bourdelle

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 – La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 – 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juillet pour les Argentins, c’est le 4 juillet des Étasuniens d’Amérique, le 14 juillet des Français, c’est la fête nationale de l’Argentine. Elle commémore l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. José Luis Padula était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la signature de la Déclaration d’indépendance a été effectuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juillet 1816.

Padula prétend avoir écrit ce tango en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre particulier et qu’il a décidé de le dédier au 9 juillet dont on allait fêter le centenaire en 1916.
Difficile de vérifier ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Roberto Firpo l’a enregistrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des signataires (argentins) du traité.

Signature de la déclaration d’indépendance au Congreso de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juillet 1816. Aquarelle de Antonio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padula 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’harmonica et de la guitare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trouvé cette activité pour gagner sa vie). L’image de gauche est une illustration, ce n’est pas Padula. Au centre, Padula vers 1931 sur une partition de avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une photo peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Partition pour piano de 9 de Julio. L’évocation de l’indépendance est manifeste sur les deux couvertures. On notera sur celle de droite la mention de Cardenas pour les paroles.
Autre exemple de partition avec un agrandissement de la dédicace au procurador titular Señor Gervasio Rodriguez. Il n’y a pas de mention de parolier sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 – La Tuba Tango.

Dès les premières notes, on note la truculence du tuba et l’ambiance festive que crée cet instrument. J’ai choisi cette version pour fêter le 9 juillet, car il n’existait pas d’enregistrement intéressant du 9 juillet. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt animer la fête plutôt que d’enregistrer. L’autre raison est que le tuba est associé à la fanfare, au défilé et que donc, il me semblait adapté à l’occasion. Et la dernière raison et d’encourager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est donné pour mission de retrouver la joie des versions du début du vingtième siècle. Je trouve qu’il y répond parfaitement et vous pouvez lui donner un coup de pouce en achetant pour un prix modique ses albums sur Bandcamp.

Paroles

Vous avez sans doute remarqué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait quatre versions. C’est beaucoup pour un titre qui a surtout été enregistré de façon instrumentale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, différents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et toucher les droits afférents. Dans le cas présent, les héritiers de Padula ont fait un procès, preuve que les histoires de sous existent aussi dans le monde du tango. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redistribution aux héritiers de Padula était d’autant diminuée.
Je vous propose de retrouver les paroles en fin d’article pour aborder maintenant les 29 versions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pourront suivre les paroles des rares versions chantées avec la transcription correspondante en la trouvant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 – Orquesta Roberto Firpo.

On y entend les cris de joie des signataires, des espèces de roucoulements que je trouve étranges, mais bon, c’était peut-être la façon de manifester sa joie à l’époque. L’interprétation de la musique, malgré son antiquité, est particulièrement réussie et on ne ressent pas vraiment l’impression de monotonie des très vieux enregistrements. On entend un peu de cuivres, cuivres qui sont totalement à l’honneur dans notre tango du jour avec La Tuba Tango.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 – Orquesta Roberto Firpo.

Encore Firpo qui nous livre une autre belle version ancienne une décennie après la précédente. L’enregistrement électrique améliore sensiblement le confort d’écoute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 – Guillermo Barbieri, José María Aguilar, José Ricardo (guitarras).

Vous aurez reconnu les guitaristes de Gardel. Cet enregistrement a été réalisé à en 1928. C’est un plaisir d’entendre les guitaristes sans la voix de leur « maître ». Cela permet de constater la qualité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 – Orquesta Francisco Canaro.

Je trouve cette version un peu pesante malgré les beaux accents du piano de Luis Riccardi. C’est un titre à réserver aux amateurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière variation plus allègre voit les bandonéons s’illuminer. J’aurais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ainsi…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 – Orquesta Luis Petrucelli.

Le décès à seulement 38 ans de Luis Petrucelli l’a certainement privé de la renommée qu’il méritait. Il était un excellent bandonéoniste, mais aussi, comme en témoigne cet enregistrement, un excellent chef d’orchestre. Je précise toutefois qu’il n’a pas enregistré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent consacrées à sa carrière de bandonéoniste, notamment pour Fresedo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 – Agustín Magaldi con orquesta.

Magaldi n’appréciant pas les paroles de Eugenio Cárdenas fit réaliser une version par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 – Orquesta Típica Columbia con Ernesto Famá.

Famá chante le premier couplet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 – Orquesta Juan D’Arienzo.

C’est une des versions les plus connues, véritable star des milongas. L’impression d’accélération continue est sans doute une des clefs de son succès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Charlo ( et guitare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colección para entendidos – Época de oro vol. 6 (1926-1939). Charlo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les guitaristes de Gardel qui ont enregistré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’enregistrement du 11 octobre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Charlo enregistrait comme chanteur avec ses guitaristes Divagando, No hay tierra como la mía, Solamente tú et un autre titre accordéon et guitare sans chant, la valse Añorando mi tierra.
On trouve d’autres titres sous la mention Charlo avec accordéon et guitare. La cumparsita et Recuerdos de mi infancia le 12 septembre 1939, Pinta brava, Don Juan, Ausencia et La polca del renguito le 8 novembre 1940. Il faut donc certainement en conclure que Charlo jouait aussi de l’accordéon. Pour le prouver, je verserai au dossier, une version étonnante de La cumparsita qu’il a enregistrée en duo avec Sabina Olmos avec un accordéon soliste, probablement lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 – Orquesta Héctor Stamponi.

Une jolie version avec une magnifique variation finale. On notera l’annonce, une pratique courante à l’époque où un locuteur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 – Orquesta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo nous donne une autre version. Il y a de jolis passages, mais je trouve que c’est un peu plus confus que la version de 1935 qui devrait être plus satisfaisante pour les danseurs. relève l’ensemble avec son piano, piano qui est généralement l’épine dorsale de D’Arienzo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 – Orquesta .

Chez De Angelis, le piano est aussi essentiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de donner son interprétation magnifique, secondé par ses excellents violonistes. Pour ceux qui n’aiment pas De Angelis, ce titre pourrait les faire changer d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 – Orquesta Héctor Varela.

Varela nous propose une introduction originale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 – Horacio Salgán y su Orquesta Típica.

Une version sans doute pas évidente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 – Ariel Pedernera y su Quinteto Típico.

Une belle version, malheureusement cette copie a été massacrée par le « collectionneur ». J’espère trouver un disque pour vous proposer une version correcte en milonga, car ce thème le mérite largement.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 – Orquesta José Sala.

Pour l’écoute, bien sûr, mais des passages très sympas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enregistrer sa version du thème. C’est une superbe réalisation, mais qui alterne des passages sans doute trop variés pour les danseurs, mais je suis sûr que certains seront tentés par l’expérience.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 – Luis Machaco.

Une version tranquille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le contrepoint entre le bandonéon en staccato et les violons en legato est particulièrement réussi.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 – con la orquesta de Osvaldo Tarantino.

Marino chante les paroles de Eugenio Cárdenas. Ce n’est bien sûr pas une version pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 – Orquesta Florindo Sassone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 – Orquesta Juan D’Arienzo.

Une version bien connue par D’Arienzo, dans le style souvent proposé par les orchestres contemporains. Spectaculaire, mais, y-a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (Ranchera-Pericón) – Orquesta Enrique Rodríguez.

Second OVNI du jour, cette ranchera-Pericón nacional avec ses flonflons, bien propice à faire la fête. Peut-être une cortina pour demain (aujourd’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 – Cuarteto Juan Cambareri.

Une version virtuose et enthousiasmante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tanda de Cambareri… Si cela semble lent pour du Cambareri, attendez la variation finale et vous comprendrez pourquoi Cambareri était nommé le mage du bandonéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 – Orquesta .

Une version originale, mais pas forcément indispensable, malgré le beau bandonéon d’Armando Pontier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 – Orquesta Donato Racciatti.

Même si la Provincia Orientale tombait en 1916 sous la coupe du Portugal / Brésil, les Uruguayens sont sensibles à l’émancipation d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aussi proposé leurs versions du 9 juillet.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 – Palermo Trío.

Avec un trio, forcément, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au programme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 – Miguel Villasboas y su Sexteto Típico.

Dans le style hésitant de Villasboas entre tango et milonga qu’affectionnent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que avait été inventé par un indécis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 – Miguel Villasboas y Wáshington Quintas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosarina 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait apprécié la version en duo de piano de Villasboas et Wáshington. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux versions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 – Los Tubatango.

Cet orchestre original par la présence du tuba et sa volonté de retrouver l’ambiance du tango des années 1900 a été créé par Guillermo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tango du jour qui est désormais dirigé par Lucas Kohan sous l’appellation La Tuba Tango au lieu du nom original de Los Tubatango.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 – La Tuba Tango.

C’est notre tango du jour. Les musiciens en sont : Ignacio Risso (tuba), Matias Rullo (bandonéon), Gonzalo Braz (clarinette) et Lucas Kohan (Direction et guitare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facilement deux fois plus longue montre la diversité de la production du tango.
En ce qui concerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remarqué que d’autres étaient aussi intéressants pour le bal. La question est surtout de savoir les proposer au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’intérêt du métier de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres inconnus et étranges afin de recueillir les applaudissements des néophytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant prendre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à magnifier leur improvisation et leur plaisir de danser.

Je reviens maintenant, comme promis aux quatre versions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hogar cuando partí
porque jamás quise sentir
un sollozar por mí.
Triste amanecer
que nunca más he de olvidar
hoy para qué rememorar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana divina
mi corazón siempre fiel quiso cantar
y por el mundo poder peregrinar,
infatigable vagar de soñador
marchando en pos del ideal con todo amor
hasta que al fin dejé
mi madre y el querer
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de gloria regresar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, vencido y sin fe
no hallé mi amor ni hallé mi hogar
y con dolor lloré.

Cual vagabundo cargado de pena
yo llevo en el alma la desilusión
y desde entonces así me condena
la angustia infinita de mi corazón
¡Qué puedo hacer si ya mis horas de alegría
también se fueron desde aquel día
que con las glorias de mis triunfos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juventud!

José Luis Padula Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

C’est la version que chante Magaldi, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante également cette version, mais seulement le premier couplet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quitté ma maison quand je suis parti parce que je ne voulais jamais ressentir un sanglot pour moi.
Une triste aube que je n’oublierai jamais aujourd’hui, pour qu’elle se souvienne de tout ce que j’ai souffert.
Lointain 9 juillet, d’un matin divin, mon cœur toujours fidèle a voulu chanter et à travers le monde faire le pèlerinage,
infatigable errance d’un rêveur marchant à la poursuite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’enfin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’adorais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pouvoir l’offrir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vaincu et sans foi je n’ai pas trouvé mon amour ni ma maison et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond accablé de chagrin, je porte la déception dans mon âme, et depuis lors, l’angoisse infinie de mon cœur me condamne.
Que pourrais-je faire si mes heures de joie sont déjà parties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes triomphes, rêves lointains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un conventillo mugriento y fulero,
con un canflinfero
te espiantaste vos ;
abandonaste a tus pobres viejos
que siempre te daban
consejos de Dios;
abandonaste a tus pobres hermanos,
¡tus hermanitos,
que te querían!
Abandonastes el negro laburo
donde ganabas el pan con honor.

Y te espiantaste una noche
escabullida en el coche
donde esperaba el bacán;
todo, todo el conventillo
por tu espiante ha sollozado,
mientras que vos te has mezclado
a las farras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la gloria
de tener un buen bulín;
pobre pebeta inocente
que engrupida por la farra,
te metiste con la barra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, piadoso,
un hospital te dé cama,
cuando no brille tu fama
en el salón;
cuando en el « yiro » no hagas
más « sport »;
cuando se canse el cafisio
de tu amor ;
y te espiante rechiflado
del bulín;
cuando te den el « olivo »
los que hoy tanto te aplauden
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu decadencia,
perdida tu esencia,
tu amor, tu champagne ;
sólo el recuerdo quedará en tu vida
de aquella perdida
gloria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con puras,
tus amarguras
derramarás;
y sentirás en tu noche enfermiza,
la ingrata risa
del primer bacán.

José Luis Padula Letra: Ricardo M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeuble (le conventillo est un système d’habitation pour les pauvres où les familles s’entassent dans une pièce desservie par un corridor qui a les seules fenêtres sur l’extérieur) sale et vilain, avec un proxénète, tu t’es enfuie ;
tu as abandonné tes pauvres parents qui t’ont toujours prodigué des conseils de Dieu ;
Tu as abandonné tes pauvres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as abandonné le travail noir où tu gagnais ton pain avec honneur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te faufilant dans la voiture où le bacán (homme qui entretient une femme) attendait ;
Tout, tout l’immeuble à cause de ta fuite a sangloté, tandis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tango) ;
Mais où vas-tu t’arrêter ?
Pauvre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pauvre fille innocente qui, enflée par la fête, s’est acoquinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieusement, un hôpital te donnera un lit, quand ta renommée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (prostitution) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voyou de ton amour se fatigue ;
et tu t’évades folle du logis ;
Quand ils te renvoient (dar el olivo = renvoyer en lunfardo), ceux qui vous applaudissent tant aujourd’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta décadence, perte de ton essence, de ton amour, de ton champagne ;
Seul le souvenir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pauvre créature, avec des larmes pures, ton amertume tu déverseras ;
Et tu sentiras dans ta nuit maladive, le rire ingrat du premier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mientras los clarines tocan diana
y el vibrar de las campanas
repercute en los confines,
mil recuerdos a los pechos
los inflama la alegría
por la gloria de este día
que nunca se ha de olvidar.
Deja, con su música, el pampero
sobre los patrios aleros
una belleza que encanta.
Y al conjuro de sus notas
las campiñas se levantan
saludando, reverentes,
al sol de la Libertad.

Brota, majestuoso, el Himno
de todo labio argentino.
Y las almas tremulantes de emoción,
a la Patria sólo saben bendecir
mientras los ecos repiten la canción
que dos genios han legado al porvenir.
Que la hermosa canción
por siempre vivirá
al calor del corazón.

Los campos están de fiesta
y por la floresta
el sol se derrama,
y a sus destellos de mágicas lumbres,
el llano y la cumbre
se envuelven de llamas.
Mientras que un criollo patriarcal
narra las horas
de las campañas
libertadoras,
cuando los hijos de este suelo
americano
por justa causa
demostraron
su valor.

José Luis Padula Letra: Eugenio Cárdenas

C’est la version chantée par Alberto Marino en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tandis que les clairons sonnent le réveil et que la vibration des cloches résonne aux confins,
mille souvenirs enflamment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pampero laisse sur les patriotes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la campagne se lève avec révérence, au soleil de la Liberté.
L’hymne de chaque lèvre argentine germe, majestueux.
Et les âmes, tremblantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tandis que les échos répètent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chanson vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les campagnes sont en fête et le soleil se déverse à travers la forêt, et avec ses éclairs de feux magiques, la plaine et le sommet sont enveloppés de flammes.
Tandis qu’un criollo patriarcal raconte les heures des campagnes de libération, lorsque les enfants de ce sol américain pour une cause juste ont démontré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy siento en mí
el despertar de algo feliz.
Quiero evocar aquel ayer
que me brindó placer,
pues no he de olvidar
cuando tembló mi corazón
al escuchar, con emoción,
esta feliz canción:

Brota, majestuoso, el Himno
de todo labio argentino.
Y las almas tremulantes de emoción,
a la Patria sólo saben bendecir
mientras los ecos repiten la canción
que dos genios han legado al porvenir.
Que la hermosa canción
por siempre vivirá
al calor del corazón.

En los ranchos hay
un revivir de mocedad;
los criollos ven en su
pasión
todo el amor llegar.
Por las huellas van
llenos de fe y de ilusión,
los gauchos que oí cantar
al resplandor lunar.

Los campos están de fiesta
y por la floresta
el sol se derrama,
y a sus destellos de mágicas lumbres,
el llano y la cumbre
se envuelven de llamas.
Mientras que un criollo patriarcal
narra las horas
de las campañas
libertadoras,
cuando los hijos de este suelo
americano
por justa causa
demostraron
su valor.

José Luis Padula Letra: Eugenio Cárdenas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujourd’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évoquer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oublier quand mon cœur a tremblé quand j’ai entendu, avec émotion, cette chanson joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argentine germe, majestueux.
Et les âmes, tremblantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tandis que les échos répètent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chanson vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (maison sommaire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criollos voient dans leur passion tout l’amour arriver.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’illusion, les gauchos que j’ai entendus chanter au clair de lune.
Les campagnes sont en fête et le soleil se déverse à travers la forêt, et avec ses éclairs de feux magiques, la plaine et le sommet sont enveloppés de flammes.
Tandis qu’un criollo patriarcal raconte les heures des campagnes de libération, quand les enfants de ce sol américain pour une juste cause ont démontré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

Danzarín 1963-04-25 – Orquesta Aníbal Troilo arr. de Julián Plaza

Julián Plaza

On me demande parfois ce tango en disant, ce tango de Piazzolla, ou de Pugliese. Ben, il est en fait de Plaza et c’est De Angelis qui l’a interprété pour la première fois et c’est Troilo qui l’a rendu célèbre. Analysons ce chef d’œuvre qui annonce un tournant important dans le microcosme tango à la fin des années 50.

On date souvent l’apparition du de Piazzolla et des années 60. Mais comme toujours, c’est bien plus compliqué que cela.
Dans les années 30, Francisco Canaro était déjà à la recherche de nouveaux styles de tango, mais en fait, les principaux orchestres ont cherché à innover en ajoutant des instruments et en en enlevant d’autres. La flûte a été remplacée par le bandonéon, le piano a fait son apparition, la harpe a été remplacée par la guitare, puis est revenue et repartie, puis des instruments plus ou moins étranges comme la parfois remplacée par le qui donne un son très proche bien que purement électronique. Parmi les joueurs de scie musicale, on pourrait citer ou Juan Caldarella.

On entend la scie musicale dans de Roberto Firpo en 1916 et dans de nombreuses compositions. Les sons un peu étranges et planants ne datent pas d’aujourd’hui…
 Pour le theremine, voici un exemple de jeu sur une pièce classique, le de Saint-Saëns.

Dans les années 40, Canaro, toujours lui, fut un des premiers à utiliser l’Orgue Hammond. Un instrument électromécanique, produisant des sons à l’aide de roues phoniques. Le principe en est simple. Une roue portant des aimants tourne. Elle déclenche un microphone électromagnétique lors de sa rotation (du même type que ceux des guitares électriques). Si un aimant passe devant le microphone 100 fois par seconde, un son de 100 Hz est émis. Il y a plusieurs roues dont le nombre d’aimants est différent. Avec le double d’aiment, à de rotation égale, le son est deux fois plus aigu.
En faisant varier la vitesse de rotation, on change la hauteur du son de façon continue.
On peut entendre l’orgue Hammond dans (1944-06-03) de Francisco Canaro (à partir de 1 minute, ou dans Garras (1945-03-15) à partir de 32 secondes. Si vous écoutez ces titres, écoutez-les en entier pour profiter de la jolie interprétation du chanteur, .

Garras 1945-03-15 – Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán. Finalement, je vous propose garras, peut-être moins connu que Cristal que je vous invite à écouter de votre côté pour repérer les cloches, autre instrument original…

Piazzolla introduit la guitare électrique qui utilise donc les mêmes microphones que l’orgue Hammond, une décennie plus tard. C’est un nouvel instrument, mais il est loin d’être le premier à l’avoir fait.
J’arrête là la liste des innovations, il y en a trop. C’était juste pour vous démontrer que les nouveautés en tango, c’est vieux. Sinon, on serait toujours au tango des Gobbi et autres joyeusetés.

Extrait musical

Voici enfin le titre que vous souhaitez écouter… C’est également une innovation, dans l’orchestration et le rendu de la musique. C’est également un tango nouveau, une marche dans l’évolution du tango.
Plaza l’a écrit pour la danse, disons pour la danse de scène. Il souhaitait inclure dans sa composition des motifs permettant de pratiquer toutes les figures possibles pour un danzarín, un excellent danseur.

Danzarín 1963-04-25 — Orquesta Aníbal Troilo arr. de Julián Plaza.

Vous aurez noté qu’il y a ajouté arr. de Julián Plaza pour arrangement de Julián Plaza. Même s’il est l’auteur du titre, il l’a retravaillé pour Troilo. Nous verrons cependant la limite de cette intervention un peu plus loin dans cette anecdote…
N’oublions pas que c’est De Angelis qui l’a joué en premier, en 1956, mais sans l’enregistrer. Cela peut sembler étonnant. Il est certain que le résultat devait être très différent de celui du premier enregistrement par Troilo en 1958. Sans doute pour aller plus loin, Troilo a demandé à Plaza de revoir sa partition pour l’adapter encore plus à son orchestre.

Autres versions

Il y a des centaines d’enregistrements de Danzarin. Faute de pouvoir produire la version de De Angelis, je vais me contenter des deux enregistrements de Troilo. En effet, la très grande majorité des enregistrements postérieurs ont pris la version de Troilo comme modèle et elles n’apportent donc pas grand-chose à l’histoire. La grande époque du tango est terminée, les orchestres cherchent à perdurer, en proposant de nouvelles pistes pour l’écoute et les nouveaux orchestres restent dans les pas des aînés.

Danzarín 1958-12-15 — Orquesta Aníbal Troilo.
Danzarín 1963-04-25 — Orquesta Aníbal Troilo arr. de Julián Plaza. C’est notre tango du jour.

La sonorité est très différente entre les deux enregistrements.
Pour comprendre ce qui se passe, regardons l’analyse du spectre :

La stéréo de la version de 1963 donne une impression d’espace. Les instruments sont aussi séparés spatialement. Cela ne change pas grand-chose pour la danse, car dans une milonga on est obligé de limiter la stéréo pour que la répartition soit correcte dans toute la salle. En revanche, pour l’écoute, c’est plus agréable.
La première utilisation de la stéréophonie date de 1881 et c’est une invention du papa de l’avion, qui a eu l’idée de diffuser le son de l’opéra Garnier de Paris à l’aide d’un réseau de câbles électriques reliés d’un côté à deux microphones et de l’autre à deux écouteurs (un par oreille, donc en stéréo). Il a appelé cela le théâtrophone.
En 1931, Alan Blumlein, va plus loin en proposant un procédé d’enregistrement et de relecture sur piste unique qui sera quasiment identique à celui qui sera mis en œuvre à la fin des années 50.
Pour la musique, Disney en 1940 a fait du multipiste pour son film musical Fantasia. Malheureusement, les salles ne se sont pas équipées et le son du cinéma est resté globalement monophonique jusque dans les années 60.
Pour revenir au disque, c’est à partir de 1958 que la stéréophonie est apparue.
Cela implique que tout le tango de l’âge d’or est purement monophonique.
Troilo qui a un peu souffert d’éditeurs médiocres au début de sa carrière cherche à refaire son enregistrement avec le nouveau procédé et c’est le résultat que l’on peut entendre dans la version de 1963. Malheureusement, pour des questions de taille de fichier, il m’est impossible de vous le faire écouter ici en entier [mon fichier original fait 71 Mo]. Voici donc un court extrait, de plus réduit en MP3 (ce que certains DJ considèrent comme un format acceptable en milonga…).

Danzarín 1963-04-25 — Orquesta Aníbal Troilo

Dans ce court extrait, on entend tout de même l’effet stéréo qui est bien marqué :
0 s : les violons débutent à gauche,
3 s : le piano attaque plutôt au centre et les bandonéons se rajoutent à droite comme un écho du piano.
15 s : le piano monte des arpèges, les aigus sont plus à droite. Il est donc enregistré avec deux microphones en stéréo.
19 s : tous les pupitres jouent en même temps, emplissant tout l’espace sonore de gauche à droite.
34 s : les bandonéons et les violons sont des deux côtés. Le piano est plus au centre.
49 s : les instruments retrouvent leur latéralité, les violons plus à gauche et les bandonéons plus à droite. Si vous avez le disque, essayez de l’écouter dans de bonnes conditions, la qualité sonore en vaut la peine.

Différences entre les deux versions

L’histoire de la stéréo est réglée. Voyons s’il y a d’autres éléments que l’on peut déduire des audiogrammes.

Globalement le spectre est bien rempli dans les deux cas (partie inférieure en rouge). Il y a des fréquences jusqu’à environ 20 kHz, on est en présence de deux enregistrements de qualité. En 1958, comme on est en mono, les deux canaux sont absolument identiques. À droite, on remarque que le canal de droite (situé en bas) présente des « trous » alors que le gauche est plein. C’est ce qu’on a entendu dans le court extrait en stéréo, les violons commencent à gauche (donc en haut), puis le piano au centre et enfin les bandonéons à droite (donc en bas). À la moitié du morceau, cet effet est encore plus marqué.

On constate que si la version de 1963 est globalement plus lente, ce n’est pas vrai partout. La version de 1958, allongée devrait coïncider avec celles de 1963 pour la « pause » centrale. Ce n’est pas le cas, elle arrive plus tard.
Le début est plus rapide dans la version de 1958, mais quand on cale les deux morceaux à la même durée, tout est fort semblable jusqu’à 40 secondes, puis la version de 63 est plus rapide. Elle prend de l’avance. À 1 : 15, la version de 1958 3 secondes de retard.
La « pause » centrale arrive à 1 : 42 dans la version de 1963 et à 1 : 50, les deux sont de nouveau synchronisés pour le solo de violoncelle. La version de 1963 avait accéléré, puis avant la pause, beaucoup ralenti, ce qui a permis à la fin de la pause de resynchroniser le violoncelle. Je rappelle que c’est en temps relatif, car j’ai augmenté le temps de la version de 1958 afin qu’elle représente 100 % de la durée de celle de 1963.
À 2 : 28, la version de 1963 accélère de nouveau, devançant celle de 1958, exactement comme elle l’avait fait lors de la première fois. Ainsi, le solo de violoncelle est de nouveau synchronisé à 1 : 54 et ainsi de suite.

Attention, expérience sensorielle perturbante

Quand je musicalise, j’écoute toujours la musique qui passe sur la piste, mais je prépare aussi la tanda suivante et je cherche une cortina convenable. Ceci fait que j’ai souvent deux, voire trois musiques en même temps à l’écoute dans le casque et en direct.
Je vais vous proposer une version simplifiée de cela en vous présentant un morceau constitué à gauche de la version de 1958 et à droite, de la version de 1963. Ce sera plus simple si vous pouvez l’écouter au casque, ou a minima avec un équipement stéréo bien équilibré.
Cela va vous permettre de constater tout ce que j’indiquais ci-dessus avec vos oreilles, à vous…

Danzarin Gauche 1958 Droite 1963 Troilo.

Si vous n’avez pas la tête à l’envers à la fin de l’écoute, vous pourriez être DJ ; -)

Vous aurez remarqué, sans doute, qu’il n’y a pas de différence notable dans l’orchestration. Je ne comprends donc pas pourquoi on rajoute sur ce titre qu’il a bénéficié des arrangements de Plaza. Peut-être que c’était le cas aussi de la version de 1958. Comme on n’a pas d’enregistrement de De Angelis, il est impossible de faire la différence.

NB : Cette dernière archive sonore n’est pas un essai de tango nuevo…

Les styles du tango

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944.

Il semble que tout a été dit sur les styles de tango. Je vous propose cependant un petit point, vu essentiellement sur l’aspect du tango de danse.

Ce qu’il convient de prendre en compte, c’est que les périodes généralement admises sont en fait toutes relatives.

Les orchestres ont, selon les cas, continué un style qui leur réussissait au-delà d’autres orchestres et a contrario, d’autres ont innové bien avant les autres, voire, sont revenus en arrière, remettant en avant des éléments disparus depuis plusieurs décennies.

On peut donc avoir deux enregistrements contemporains appartenant à des courants forts différents. C’est particulièrement sensible à partir des années 50, où la baisse de la pratique de danse a incité les orchestres à développer de nouveaux horizons, souvent en réchauffant des plats plus anciens.

Les origines (avant le tango)

Il ne s’agit pas ici de trancher dans un des nombreux débats entre spécialistes des origines. Du strict point de vue de la danse, les premiers tangos sont proche du style habanero et par conséquent, c’est plus du côté des habaneras qu’il convient de trouver la forme de danse.

La habanera

Vous connaissez ce rythme. DaaaTadaTaDaaa

Pour ceux qui ne sont pas lecteurs de la musique, les barres rouges (croches pointées) correspondent à 3 unités temporelles relatives (double croche), les barres bleues à une unité temporelle (double croche) et les barres vertes à deux unités temporelles (croche). Les barres sont donc proportionnelles à la durée des notes. Au début de la portée, il y a l’indication 2/4. Cela signifie qu’il y a deux noires par mesure (espace entre deux barres verticales). Les croches valent la moitié d’une noire en durée et les doubles croches la moitié d’une croche. Voilà, vous connaissez la lecture du rythme en musique (ou pas…).
Rythme de la habanera au piano. retrouvez le DaaaTadaTaDaaa…

La habanera porte ce nom, car c’est une restitution d’un rythme cubain. L’inventeur du genre est Sebastián de Iradier qui a composé El arreglito (le petit arrangement) où il joue avec ce rythme. En voici un extrait et je suis sûr que cela va vous rappeler quelque chose.

Axivil Criollo – El Arreglito – Compositeur Sebastián de Iradier vers 1840.

Avez-vous trouvé ?

Oui, vous avez trouvé. Ce cher Georges Bizet a piqué la musique de Sebastián de Iradier.

Teresa Berganza chante la Habanera de Carmen de Bizet (le copieur 😉

Ce rythme, très présent dans les premiers tangos, est devenu plus discret, sauf pour les milongas qui l’ont largement exploité.

Dans la criolla (ici par l’orchestre de Francisco Canaro 1936-10-06), on reconnait parfaitement le rythme de la habanera qui a été accélérée et est devenue une des pierres de construction des milongas.

Lorsque le tango de danse a perdu de son élan, les orchestres sont revenus à ces formes traditionnelles, au point que les compositeurs l’on réintroduit très largement.

Autres apports

En parallèle, des formes chantées, notamment par les payadors et des danses, traditionnelles, voire tribales, ont influencé ces prémices, donnant une grande richesse à ce qui deviendra le tango, notamment à travers ses trois formes dansées, le tango, la milonga et la .

Les payadors

On lit parfois que Gardel était un payador. Cependant, même s’il était ami de José Bettinotti, il n’a pas été directement l’un de ces chanteurs qui s’accompagnaient à la guitare en improvisant. Cependant, l’influence des payadors est indéniable pour le tango, comme vous pouvez en juger. Par cet extrait, qui avec ses relents d’habanera pourrait s’approcher d’une milonga lente ou d’un canyengue.

José Bettinotti, El cabrero circa 1913

Exemple d’influence africaine

Parmi les sources, on met en avant des origines africaines. Même si l’Argentine n’a pas été une terre d’esclavage très marquée, contrairement à beaucoup d’autres payés du continent américain, il y a eu une communauté d’origine africaine relativement importante au XIXe siècle. Celle-ci s’est atténuée par l’émigration, les mariages avec des populations d’autre origines et quelques faits guerriers où ils ont servi de chair à canon.

Même si l’Argentine a absorbé des éléments, c’est plutôt la province de l’Est, l’Uruguay qui a le plus été influencé par ces musiques, notamment les percussions.

Candombe solo para Uruguayos – Hugo Fattoruso – « Caminando » , Toma de Sonido Dario Ribeiro

Le candombe et la milonga candombe se retrouvent à la mode dans les années 50, bien avant que Juan Carlos Cacéres relance la mode.

Siga el baile 1953-10-28 – y su Orquesta Típica dirigé par Ángel Condercuri.

La dénomination « tango » est souvent associée à la déformation de « tambo » et désignait des lieux ou la communauté noire dansait. Il faut voir un jugement négatif par la bonne société blanche. Le terme est devenu synonyme de bamboche, de débauche, ou pour le moins de moeurs légères. La musique des faubourgs, même si elle n’était pas issue des Africains a hérité de ce vocable péjoratif, lorsque le tango s’est développé dans les bordels et autres lieux choquants pour la bonne société.

Les origines européennes

L’immigration européenne a apporté sa musique. Pour el vals, même criollo, on est très proche de la valse et des artistes comme Canaro ont même adopté des valses viennoises.

Pour la milonga, c »est un peu moins évident de retrouver des sources européennes, si ce n’est que la mode de la habanera en Europe et les échanges dans le monde latinoaméricain ont favorisé sa diffusion. La habanera symbolisait le marin pour l’Europe. La milonga, on devrait même écrire les milongas sont une salsa, un mélange d’influences.

Les débuts du tango dans les faubourgs et les milieux interlopes ont conduit celui-ci à des formes assez populaires, voire outrées que le canyengue d’aujourd’hui a du mal à retraduire en totalité.

La naissance européenne

Disons-le, tout bonnement, ce tango d’avant le tango n’est pas au sens strict du tango. À cela se rajoute que les rares enregistrements de l’époque ont été réalisés par voie acoustique et qu’ils ne sont donc pas du tout adaptés à nos oreilles contemporaines.

Voir les progrès de l’enregistrement pour plus d’informations sur l’enregistrement acoustique.

Vus les lieux où le tango était joué et malgré la fréquentation par des ninos bien (jeunes hommes de bonne famille), le tango ne s’est pas fait une place importante en Argentine avant d’acquérir ses lettres de noblesses en Europe et notamment en France.

Le style du tango, avant le tango… (Prototango)

Avant 1926, date des premiers enregistrements électriques, pas d’enregistrements utilisables en danse.

Argañaraz – Orquesta Típica Criolla Alfredo Gobbi (1913)

Comme vous pouvez vous en rendre compte, le style sommaire et monotone de la musique est renforcé par l’obligation de jouer de façon assez forte et peu nuancée pour que le pavillon puisse graver le support d’enregistrement. On retrouve cependant certains éléments « Canyengue » que l’on connaît par les enregistrements électriques.

Je vous propose à titre d’exemple, Zorro gris un enregistrement électrique de 1927 par Francisco Canaro.

Zorro gris 1927-08-22, Francisco Canaro (enregistrement électrique).

La vieille garde (Guardia vieja)

Gobbi et Canaro, dans la première partie de leur carrière, sont des représentants de ce que l’on a nommé la vieille garde. On ne peut pas réduire cela au canyengue, car dès les années 20 des rythmes différents avaient vu le jour. Se détachant progressivement du style claudicant du canyengue, les orchestres abandonnent la habanera, accélèrent le rythme. Des titres en canyengue deviennent des milongas, comme par exemple : , ici dans la version de Canaro en 1937 et qui a encore des accents de canyengue :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-05-26, Francisco Canaro

contrairement à la version de la même année par :

Extrait de Milonga de mis amores 1937-07-14, Pedro Laurenz canta Héctor Farrel

Ou celle du même de 1944 :

Extrait de Milonga de mis amores 1944-01-14, Pedro Laurenz

Des orchestres anciens évoluent, comme Di Sarli ou d’Arienzo, notamment à l’arrivée de Biagi dans l’orchestre et on arrive à la grande période du tango, l’âge d’or.

C’est la période considérée comme la plus adaptée au tango de danse. C’est logique, car à l’époque, le tango était une danse à la mode et chaque semaine, plusieurs orchestres se produisaient.

El Mundo du dimanche 1er octobre de 1944. En rouge, les 4 piliers se produisent le même jour (Hoy). En bleu des orchestres de second plan, tout à fait dansables et en vert, des orchestres un peu moins pertinents pour la danse.

On voit l’énorme choix qui s’adressait aux . Les musiciens jouaient ensemble plusieurs fois par semaine et il y avait un climat d’émulation pour ne pas dire de compétition entre les orchestres.

On remarquera qu’en face de chacun des orchestres de tango, il y a un orchestre de « Jazz ». En effet, les bals de l’époque jouaient des genres variés et les orchestres se spécialisaient.

Certains comme Canaro avaient deux orchestres, ce qui lui permettait d’assurer les deux aspects de la soirée. D’ailleurs, Canaro utilise des cuivres dans son orchestre de tango, il jouait donc de la limite entre les deux . Vous avez pu écouter cela dans l’extrait de Milonga de mis amores, ci-dessus.

Chaque orchestre se distinguait par un style propre. Certains étaient plus intellectuels, comme Pugliese ou De Caro, d’autres plus joueurs, comme Rodriguez ou D’Arienzo, d’autres plus romantiques, comme Di Sarli ou Fresedo et d’autres plus urbains, comme Troilo.

Aujourd’hui, dans les milongas, le DJ s’arrange pour proposer ces quatre orientations pour éviter la monotonie et contenter les différentes sensibilités des danseurs.

Même si la production de l’époque est essentiellement tournée vers la danse, il y a également une production pour l’écoute.

Sur les disques de l’époque, il est facile de faire la différence, notamment pour les tangos avec chanteur. En effet, un tango à danser est indiqué : Nom de l’orchestre canta ou estribillo cantado por Nom du chanteur. Un tango à écouter est indiqué Nom du chanteur y su orquesta dirigido por ou con (avec) Nom de l’orchestre.

Nous n’entrerons pas dans les détails en ce qui concerne les styles des orchestres de l’âge d’or, cela fait l’objet d’un de mes cycles de /conférence (mini 3 h, voire 6 h). Il convient seulement de savoir reconnaître le tango de danse et de savoir apprécier les différences de style entre les orchestres.

Pour les DJ, il est important de tenir compte de l’évolution des styles du même orchestre. Il est souvent moins grave de mélanger deux orchestres enregistrés à la même époque que de mélanger deux enregistrements d’époques stylistiquement différentes du même orchestre.

Tango Nuevo

C’est celui initié par De Caro, repris ensuite par Troilo, Pugliese et Piazzolla, par exemple. Il est encore très vivant, notamment chez les orchestres de concert.

À noter que Pugliese et Troilo sont bien sûr des piliers du tango de bal et que leurs incursions nuevos, pas toujours pour la danse, ne doivent pas masquer leur importance dans le bal traditionnel.

N’oublions pas que Pugliese a aussi bien enregistré du canyengue, que du tango classique avant de faire du Nuevo… Curieusement, le tango dit nuevo reprend souvent des motifs les plus anciens, notamment la habanera des tout premiers titres du XIXe siècle.

Tango Electronico

Style Gotan Project. Il se caractérise principalement par une batterie et l’utilisation d’instruments électroniques. Curieusement, il est parfois assez proche, d’un point de vue rythmique, du tango musette qui est l’évolution européenne et notamment franco-italienne, du tango du début du XXe siècle.

Comme DJ, j’évite et en tout cas je n’en abuse pas car cette musique est très répétitive et ne covient pas aux danseurs avancés. Cependant, il faut reconnaître que cette musique a fait venir de nouveaux adeptes au tango.

Tango alternatif (neotango)

Le tango alternatif consiste à danser avec des repères « tango » sur des musiques qui ne sont absolument pas conçues comme telles.

Par exemple, la Colegiala de Ramirez est un tango alternatif, puisqu’on le danse en « milonga » alors que c’est un .

Certains DJ européens placent des zambas que les danseurs dansent en tango. Quel dommage quand on sait la beauté de la danse.

N’oublions pas la dynamique « néotango » qui consiste à danser sur toute musique, chanson, de tout style et de toute époque. Cela ouvre des horizons immenses, car la très grande majorité de la musique actuelle est à 4 temps et permet donc de marcher sur les temps.

Ce qui manque souvent à cette musique, c’est le support à l’improvisation. On peut lui reconnaître une forme de créativité dans la mesure où elle permet / oblige de sortir des repères et donc d’innover. Mais est-t-il vraiment possible d’innover en tango ? C’est un autre débat.

Pourquoi l’âge d’or est bien adapté à la danse

Si on étudie un tango de l’âge d’or, on y découvrira plusieurs qualités favorisant la danse :

  • La musique a plusieurs plans sonores. On peut choisir de danser sur un instrument (dont le chanteur), puis passer à un autre. On peut aussi choisir de danser uniquement la marcation (tempo). Les instruments se répondent. On peut ainsi se répartir les rôles avec les partenaires en reconstituant le dialogue en le dansant.
  • La musique se répète plusieurs fois, mais avec des variations. Cela permet de découvrir le tango au cas où il ne serait pas connu et la seconde fois, l’oreille est plus familière et l’improvisation est plus confortable. Cette reprise est en général différente de la première exposition, mais reste tout à fait comparable. Par exemple, la première fois le thème est joué au violon ou au bandonéon et la seconde fois, c’est le rôle du chanteur ou d’un autre instrument. Si c’est le même instrument, il y aura de légères différences dans l’orchestration qui rendra l’écoute moins monotone.
  • Les changements de rythme, phrases, parties, sont annoncés. Un danseur musicien ou exercé sait reconnaître les parties et peut « deviner » ce qui va suivre, ce qui lui permet d’improviser plus facilement sans dérouter sa partenaire. Je devrais plutôt mettre cela au pluriel, car les deux membres du couple participent à l’improvisation. Si la personne guidée a envie d’appuyer, de marquer un élément qui va arriver, elle a le temps d’alerter le guideur pour qu’il lui laisse un espace. Les musiques alternatives ou des musiques d’inspiration pus classiques, comme certaines compositions de Piazzolla » proposent souvent des surprises qui font qu’elles ne permettent pas de deviner la suite, ou au contraire, sont tellement répétitives, que quand revient le même thème de façon identique et mécanique, les danseurs n’ont pas de nouvelles idées et finissent par tomber dans une routine. Évidemment, les danseurs qui n’écoutent pas la musique et qui se contentent de dérouler des chorégraphies ne verront pas de différences entre les différents types de tango. Ceci explique le succès des pratiques neotango auprès des débutants, même si ces bals ont aussi du succès auprès de danseurs plus affirmés. En revanche, on ne fera jamais danser, même sous la menace, un Portègne sur ce type de musique, en tout cas, en tango…

Ne faut-il danser que sur des tangos de l’âge d’or ?

Non, bien sûr que non. Les canyengues et la vieille garde comportent des titres sublimes et très amusants ou intéressants à danser. Certains danseurs sont prêts à danser plusieurs heures d’affilé sur ces rythmes. Cependant, un DJ qui passerait ce genre de musique de façon un peu soutenue à Buenos Aires se ferait écharper…

Quelques musiques modernes donnent des idées agréables à danser. Pour ma part, je propose souvent une tanda de valses « originales ». Le rythme à trois temps de la valse reste le même que pour les tangos traditionnels et le besoin d’improvisation est moins important, car il s’agit surtout de… tourner.

Même si les danseurs avancés aiment moins danser sur les d’Arienzo des années 50 ou postérieures, ils n’y rechignent pas toujours et l’énergie de ces musiques plaît à de très nombreux danseurs. C’est donc un domaine à proposer aux danseurs. D’ailleurs, les orchestres qui font à la manière de du d’Arienzo sont particulièrement nombreux. C’est bien le signe que c’est toujours dans l’air du temps.

Pour terminer, je précise que je suis DJ et que par conséquent, mon travail est de rendre les danseurs heureux. J’adapte donc la musique à leur sensibilité.

Pour un DJ résident, en revanche, il est important d’ouvrir les oreilles des habitués. Dans certains endroits, le DJ met toujours le même type de musique, pas forcément de la meilleure qualité pour la danse. Le problème est qu’il habitue les danseurs à ce type de musique et que quand ces derniers vont aller dans un autre endroit, ils vont être déroutés par la musique.

L’innovation, c’est bien, mais il me semble qu’il faut toujours garder un fond de culture « authentique » pour que le tango reste du tango.