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El choclo 1948-01-15 — Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo) / Casimiro Alcorta Letra: Ángel Villoldo / Juan Carlos Marambio Catán / Enrique Santos Discépolo.

Comme tous les tan­gos célèbres, El choclo a son lot de légen­des. Je vous pro­pose de faire un petit tour où nous ver­rons au moins qua­tre ver­sions des paroles accrédi­tant cer­taines de ces légen­des. Ce titre importé par Vil­lol­do en France y aurait rem­placé l’hymne argentin (par ailleurs mag­nifique), car il était plus con­nu des orchestres français de l’époque que l’hymne offi­ciel argentin Oid mor­tales du com­pos­i­teur espag­nol : Blas Par­era i Moret avec des paroles de Vicente López y Planes (écrivain et homme poli­tique argentin). Voyons donc l’histoire de cet hymne de sub­sti­tu­tion.

Qui a écrit El choclo ?

Le vio­loniste, danseur (avec sa com­pagne La Pauli­na) et com­pos­i­teur Casimiro Alcor­ta pour­rait avoir écrit la musique de El choclo en 1898. Ce fils d’esclaves noirs, mort à 73 ans dans la mis­ère à Buenos Aires, serait, selon cer­tains, l’auteur de nom­breux tan­gos de la péri­ode comme Con­cha sucia (1884) que Fran­cis­co Canaro arrangea sous le titre Cara sucia, net­te­ment plus élé­gant, mais aus­si La yapa, Entra­da pro­hibi­da et sans doute pas mal d’autres. À l’époque, ces musiques n’étaient pas écrites et elles apparte­naient donc à ceux qui les jouaient, puis à ceux qui les éditèrent…
L’absence d’écriture empêche de savoir si, Ángel Vil­lol­do a « emprun­té » cette musique…
En 1903, Vil­lol­do demande à son ami chef d’un orchestre clas­sique, José Luis Ron­cal­lo, de jouer avec son orchestre cette com­po­si­tion dans un restau­rant chic, La Amer­i­cana. Celui-ci refusa, car le patron du restau­rant con­sid­érait le tan­go comme de la musique vul­gaire (ce en quoi il est dif­fi­cile de lui don­ner tort si on con­sid­ère ce qui se fai­sait à l’époque). Pour éviter cela, Vil­lol­do pub­lia la par­ti­tion le 3 novem­bre 1903 en indi­quant qu’il s’agissait d’une danse criol­la… Ce sub­terfuge per­mit de jouer le tan­go dans ce restau­rant. Ce fut un tel suc­cès, que l’œuvre était jouée tous les jours et que Vil­lol­do est allé l’enregistrer à Paris, en com­pag­nie de Alfre­do Gob­bi et de sa femme, Flo­ra Rodriguez.
Par la suite, des cen­taines de ver­sions ont été pub­liées. Celle du jour est assez intéres­sante. On la doit à Fran­cis­co Canaro avec Alber­to Are­nas. L’enregistrement est du 15 jan­vi­er 1948.

Extrait musical

Divers­es par­ti­tions de El choclo. On remar­quera à gauche (5ème édi­tion), la dédi­cace à Ron­cal­lo qui lancera le titre.
El choclo 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas.

On remar­que tout de suite le rythme rapi­de. Are­nas chante égale­ment rapi­de­ment, de façon sac­cadée et il ne se con­tente pas de l’habituel refrain. Il chante l’intégralité des paroles écrites l’année précé­dente pour Lib­er­tad Lamar­que.
Ce fait est générale­ment car­ac­téris­tique des tan­gos à écouter. Cepen­dant, mal­gré les facéties de cet enreg­istrement, il me sem­ble que l’on pour­rait envis­ager de le pro­pos­er dans un moment déli­rant, une sorte de cathar­sis, pour toutes ces heures passées à danser sur des ver­sions plus sages. On notera les clo­chettes qui don­nent une légèreté, en con­traste à la voix très appuyée d’Arenas.

Paroles (version de Enrique Santos Discépolo)

Ici, les paroles de la ver­sion du jour, mais reportez-vous en fin d’article pour d’autres ver­sions…

Con este tan­go que es burlón y com­padri­to
se ató dos alas la ambi­ción de mi sub­ur­bio;
con este tan­go nació el tan­go, y como un gri­to
sal­ió del sór­di­do bar­ri­al bus­can­do el cielo;
con­juro extraño de un amor hecho caden­cia
que abrió caminos sin más ley que la esper­an­za,
mez­cla de rabia, de dolor, de fe, de ausen­cia
llo­ran­do en la inocen­cia de un rit­mo juguetón.

Por tu mila­gro de notas agor­eras
nacieron, sin pen­sar­lo, las paicas y las gre­las,
luna de char­cos, canyengue en las caderas
y un ansia fiera en la man­era de quer­er…

Al evo­carte, tan­go queri­do,
sien­to que tiem­blan las bal­dosas de un bai­lon­go
y oigo el rezon­go de mi pasa­do…
Hoy, que no ten­go más a mi madre,
sien­to que lle­ga en pun­ta ‘e pie para besarme
cuan­do tu can­to nace al son de un ban­doneón.

Caran­can­fun­fa se hizo al mar con tu ban­dera
y en un pernó mez­cló a París con Puente Alsi­na.
Triste com­padre del gav­ión y de la mina
y has­ta comadre del bacán y la pebe­ta.
Por vos shusheta, cana, reo y mishiadu­ra
se hicieron voces al nac­er con tu des­ti­no…
¡Misa de fal­das, querosén, tajo y cuchil­lo,
que ardió en los con­ven­til­los y ardió en mi corazón.
Enrique San­tos Dis­cépo­lo

Traduction libre et indications de la version de Enrique Santos Discépolo

Avec ce tan­go moqueur et com­padri­to, l’am­bi­tion de ma ban­lieue s’est attaché deux ailes ;
Avec ce tan­go naquit, le tan­go, et, comme un cri, il sor­tit du quarti­er sor­dide en cher­chant le ciel.
Un étrange sort d’amour fait cadence qui ouvrait des chemins sans autre loi que l’e­spoir, un mélange de rage, de douleur, de foi, d’ab­sence pleu­rant dans l’in­no­cence d’un rythme joueur.
Par ton mir­a­cle des notes prophé­tiques, les paicas et les gre­las ( paicas et gre­las sont les chéries des com­padri­tos) sont nées, sans y penser, une lune de (ou de flaque d’eau), de canyengue sur les hanch­es et un désir farouche dans la façon d’aimer…
Quand je t’évoque, cher tan­go, je sens les dalles d’un danc­ing trem­bler et j’en­tends le mur­mure de mon passé…
Aujour­d’hui, alors que je n’ai plus ma mère, j’ai l’im­pres­sion qu’elle vient sur la pointe des pieds pour m’embrasser quand ton chant naît au son d’un ban­donéon.
Caran­can­fun­fa (danseur habile, on retrou­ve ce mot dans divers titres, comme les milon­gas Carán-Can-Fú de l’orchestre Rober­to Zer­ril­lo avec Jorge Car­do­zo, ou Carán­can­fún de Fran­cis­co Canaro avec Car­los Roldán) a pris la mer avec ton dra­peau et en un éclair a mêlé Paris au pont Alsi­na (pont sur le Riachue­lo à la Boca).
Triste com­padre du gabion (mecs) et de la mina (femme) et jusqu’à la mar­raine du bacán (riche) et de la pebe­ta (gamine).
Pour toi, l’élégant, prison, accu­sa­tions et mis­ère ont par­lé à la nais­sance avec ton des­tin…
Une messe de jupes, de kérosène (pét­role lam­pant pour l’éclairage), de lames et de couteaux, qui brûlait dans les con­ven­til­los (habitas col­lec­tifs pop­u­laires et surpe­u­plés) et brûlait dans mon cœur.

Un épi peut en cacher un autre…

On a beau­coup glosé sur l’origine du nom de ce tan­go.
Tout d’abord, la plus évi­dente et celle que Vil­lol­do a affir­mé le plus sou­vent était que c’était lié à la plante comestible. Les orig­ines très mod­estes des Vil­lol­do peu­vent expli­quer cette dédi­cace. Le nord de la Province de Buenos Aires ain­si que la Pam­pa sont encore aujourd’hui des zones de pro­duc­tion impor­tante de maïs et cette plante a aidé à sus­ten­ter les pau­vres. On peut même con­sid­ér­er que cer­tains aiment réelle­ment manger du maïs. En faveur de cette hypothèse, les paroles de la ver­sion chan­tée par lui-même, mais nous ver­rons que ce n’est pas si sim­ple quand nous allons abor­der les paroles…
Il s’agirait égale­ment, d’un tan­go à la charge d’un petit mal­frat de son quarti­er et qui avait les cheveux blonds. C’est du moins la ver­sion don­née par Irene Vil­lol­do, la sœur de Ángel et que rap­porte Juan Car­los Maram­bio Catán dans une let­tre écrite en 1966 à Juan Bautista Devo­to. On notera que les paroles de Juan Car­los Maram­bio Catán con­for­tent juste­ment cette ver­sion.
Lorsque Lib­er­tad Lamar­que doit enreg­istr­er ce tan­go en 1947 pour le film « Gran Casi­no » de Luis Buñuel, elle fait mod­i­fi­er les paroles par Enrique San­tos Dis­cépo­lo pour lui enlever le côté vio­lent de la sec­onde ver­sion et dou­teuse de celles de Vil­lol­do.
Vil­lol­do n’était pas un enfant de chœur et je pense que vous avez tous enten­du par­ler de la dernière accep­tion. Par la forme phallique de l’épi de maïs, il est ten­tant de faire ce rap­proche­ment. N’oublions pas que les débuts du tan­go n’étaient pas pour les plus prudes et cette con­no­ta­tion sex­uelle était, assuré­ment, dans l’esprit de bien des audi­teurs. Le lun­far­do et cer­tains textes de tan­gos aiment à jouer sur les mots. Vous vous sou­venez sans doute de « El chi­no Pan­taleón » où, sous cou­vert de par­ler musique et tan­go, on par­lait en fait de bagarre…
Rajou­tons que, comme le tan­go était une musique appré­ciée dans les bor­dels, il est plus que prob­a­ble que le dou­ble sens ait été encour­agé.
Faut-il alors rejeter le témoignage de la sœur de Vil­lol­do ? Pas for­cé­ment, il y avait peut-être une tête d’épi dans leur entourage, mais on peut aus­si sup­pos­er que, même si Irène était anal­phabète, elle avait la notion de la bien­séance et qu’elle se devait de dif­fuser une ver­sion soft, ver­sion que son frère a peut-être réelle­ment encour­agée pour pro­téger sa sœurette.
Retenons de cela qu’au fur et à mesure que le tan­go a gag­né ses let­tres de noblesse, les poètes se sont éver­tués à écrire de belles paroles et pas seule­ment à cause des péri­odes de cen­sure de cer­tains gou­verne­ments. Tout sim­ple­ment, car le tan­go entrant dans le « beau monde », il devait présen­ter un vis­age plus accept­able.
Les textes ont changé, n’en déplaise à Jorge Borges, et avec eux, l’ambiance du tan­go.

Autres versions

Tout comme pour la Cumpar­si­ta, il n’est pas pens­able de présen­ter toutes les ver­sions de ce tan­go. Je vous pro­pose donc une sélec­tion très restreinte sur deux critères :
• His­torique, pour con­naître les dif­férentes épo­ques de ce thème.
• Intérêt de l’interprétation, notam­ment pour danser, mais aus­si pour écouter.
Il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement disponible de la ver­sion de 1903, si ce n’est celle de Vil­lol­do enreg­istrée en 1910 avec les mêmes paroles pré­sumées.
Mais aupar­a­vant, pri­or­ité à la data­tion, une ver­sion un peu dif­férente et avec un autre type de paroles. Il s’agit d’une ver­sion dia­loguée (voire criée…) sur la musique de El Choclo. Le titre en est Car­iño puro, mais vous retrou­verez sans prob­lème notre tan­go du jour.

Car­iño puro (diál­o­go y tan­go) 1907 – Los Gob­bi con Los Cam­pos.

Ce titre a été enreg­istré en 1907 sur un disque en car­ton de la com­pag­nie Mar­coni. Si la qual­ité d’origine était bonne, ce matéri­au n’a pas résisté au temps et au poids des aigu­illes de phono­graphes de l’époque. Heureuse­ment, cette ver­sion a été réédité en disque shel­lac par la Colum­bia et vous pou­vez donc enten­dre cette curiosité… La forme dia­loguée rap­pelle que les musi­ciens fai­saient beau­coup de revues et de pièces de théâtre.

À gauche, disque en car­ton recou­vert d’acé­tate (procédé Mar­coni). Ces dis­ques étaient de bonne qual­ité, mais trop frag­iles. À droite, le même enreg­istrement en ver­sion shel­lac.

Paroles de Cariño puro des Gobbi

Ay mi chi­na que ten­go mucho que hablarte,
de una cosa que a vos no te va a gus­tar
Largá el rol­lo que escu­cho y expli­cate
Lo que pas­es no es ton­tera,
pues te juro que te digo la ver­dad.
dame un beso no me ven­gas con chanela (2)
dejate de ton­teras, no me hagas esper­ar.
Decí ya sé que la otra noche
vos con un gav­ilán
son cuen­tos que te han hecho
án.
No me faltes mirá que no hay macanas
yo no ven­go con ganas mi chi­na de far­rear
Pues entonces no me ven­gas con cuen­to
y escuchame un momen­to que te voy a explicar.
No te eno­jes que yo te diré lo cier­to
y verás que me vas a per­donar
Pues entonces
Te diré la purísi­ma ver­dad
Vamos chi­na ya que voy a hac­er las paces
a tomar un car­rin­dan­go pa pasear
Y mirar de Paler­mo
Yo te quiero mi chini­ta no hagas caso
Que muy lejos quer­er
el esquina­zo
ni golpe ni por­ra­zo…
Ángel Vil­lol­do

Traduction de Cariño puro des Gobbi

  • Oh, ma chérie, que j’ai beau­coup à te par­ler,
    D’une chose qui ne va pas te plaire
    Avoue (lâch­er le rouleau) que je t’écoute et explique-toi
    Ce que tu tra­vers­es n’est pas une bêtise,
  • - Eh bien, je te jure que je te dis la vérité.
    Donne-moi un bais­er Ne viens pas à moi en par­lemen­tant
  • - Arrête les bêtis­es, ne me fais pas atten­dre.
    J’ai déjà dit que je savais pour l’autre soir
    Toi avec un éper­vi­er (homme rapi­de en affaires)
  • - Ce sont des his­toires qui t’ont été faites
    un.
    Ne détourne pas le regard, n’y a pas d’arnaque.
  • - Je ne viens pas, ma chérie, avec l’en­vie de rigol­er.
    Aus­si, ne me racon­te pas d’histoires
  • - et écoute-moi un instant et, car je vais te l’ex­pli­quer.
    Ne te fâche pas, je vais te dire ce qui est sûr
    Et tu ver­ras que tu vas me par­don­ner
    Puis, ensuite
    Je vais te dire la pure vérité
  • - Allez, ma chérie, car je vais faire la paix
    En prenant une voiture pour une prom­e­nade
    Et regarder Paler­mo
    Je t’aime ma petite chérie, ne fais pas atten­tion
    Car je veux arrondir les angles
    ni coup ni bagarre…

On voit que ces paroles sont plutôt mignonnes, autour des tour­ments d’un cou­ple, inter­prétés par Alfre­do Gob­bi et sa femme, Flo­ra Rodriguez. Dom­mage que la tech­nique où le goût de l’époque fasse tant crier, cela n’est pas bien accep­té par nos oreilles mod­ernes.

El choclo 1910 — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do con gui­tar­ra.

Cette ver­sion présente les paroles sup­posées orig­i­nales et qui par­lent effec­tive­ment du maïs. C’est donc cette ver­sion qui peut faire pencher la bal­ance entre la plante et le sexe mas­culin. Voyons ce qu’il en est.

Paroles de Villoldo

De un gra­no nace la plan­ta
que más tarde nos da el choclo
por eso de la gar­gan­ta
dijo que esta­ba humil­loso.
Y yo como no soy otro
más que un tanguero de fama
mur­muro con alboro­zo
está muy de la banana.

Hay choc­los que tienen
las espi­gas de oro
que son las que adoro
con tier­na pasión,
cuan­do tra­ba­jan­do
llen­i­to de abro­jos
estoy con ras­tro­jos
como humilde peón.

De lava­da enrubia
en largas guede­jas
con­tem­p­lo pare­jas
sí es como cre­cer,
con esos big­otes
que la tier­ra vir­gen
al noble paisano
le suele ofre­cer.

A veces el choclo
asa en los fogones
cal­ma las pasiones
y dichas de amor,
cuan­do algún paisano
lo está coci­nan­do
y otro está ceban­do
un buen cimar­rón.

Luego que la humi­ta
está prepara­da,
bajo la enra­ma­da
se oye un per­icón,
y jun­to al alero,
de un ran­cho deshe­cho
surge de algún pecho
la ale­gre can­ción.
Ángel Vil­lol­do

Traduction des paroles de Ángel Villoldo

D’un grain naît la plante qui nous don­nera plus tard du maïs
C’est pourquoi, de la gorge (agréable au goût) je dis qu’il avait été humil­ié (calom­nié).
Et comme je ne suis autre qu’un tanguero célèbre, je mur­mure de joie, il est bien de la banane (du meilleur, la banane étant égale­ment un des surnoms du sexe de l’homme).
Il y a des épis qui ont des grains d’or, ce sont ceux que j’adore avec une ten­dre pas­sion, quand je les tra­vaille plein de chardons, je suis avec du chaume comme un hum­ble ouvri­er.
De l’innocence blonde aux longues mèch­es, je con­tem­ple les plantes (sim­i­laires, spéci­mens…) si c’est comme grandir, avec ces mous­tach­es que la terre vierge offre habituelle­ment au noble paysan. (Un dou­ble sens n’est pas impos­si­ble, la terre cul­tivée n’a pas de rai­son par­ti­c­ulière d’être con­sid­érée comme vierge).
Par­fois, les épis de maïs sur les feux cal­ment les pas­sions et les joies de l’amour (les feux, sont les cuisinières, poêles. Qu’ils cal­ment la faim, cela peut se con­cevoir, mais les pas­sions et les joies de l’amour, cela procède sans doute d’un dou­ble sens mar­qué), quand un paysan le cui­sine et qu’un autre appâte un bon cimar­ron (esclave noir, ou ani­mal sauvage, mais il doit s’agir ici plutôt d’une vic­time d’arnaque, peut-être qu’un peu de viande avec le maïs fait un bon repas).
Une fois que la humi­ta (ragoût de maïs) est prête, sous la ton­nelle, un per­icón (per­icón nacional, danse tra­di­tion­nelle) se fait enten­dre, et à côté des avant-toits, d’un ranch brisé, le chant joyeux sur­git d’une poitrine (on peut imag­in­er dif­férentes choses à pro­pos du chant qui sur­git d’une poitrine, mais c’est un peu dif­fi­cile de s’imaginer que cela puisse être provo­qué par la pré­pa­ra­tion d’une humi­ta, aus­si tal­entueux que soit le cuisinier…

Je vous laisse vous faire votre opin­ion, mais il me sem­ble dif­fi­cile d’exclure un dou­ble sens de ces paroles.

El choclo 1913 — Orques­ta Típi­ca Porteña dir. Eduar­do Aro­las.

Cette ver­sion instru­men­tale per­met de faire une pause dans les paroles.

El choclo 1929-08-27 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Une ver­sion instru­men­tale par la Típi­ca Víc­tor dirigée par Cara­bel­li. Un titre pour les ama­teurs du genre, mais un peu pesant pour les autres danseurs.

El choclo 1937-07-26 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Sans doute une des ver­sions les plus adap­tées aux danseurs, avec les orne­men­ta­tions de Bia­gi au piano et le bel équili­bre des instru­ments, prin­ci­pale­ment tous au ser­vice du rythme et donc de la danse, avec notam­ment l’accélération (simulée) finale.

El choclo 1937-11-15 — Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Cette ver­sion n’apporte pas grand-chose, mais je l’indique pour mar­quer le con­traste avec notre ver­sion du jour, enreg­istrée par Canaro 11 ans plus tard.

El choclo 1940-09-29 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co.

Une ver­sion légère. Le dou­ble­ment des notes, car­ac­téris­tiques de cette œuvre, a ici une sonorité par­ti­c­ulière, on dirait presque un bégaiement. En oppo­si­tion, des pas­sages aux vio­lons chan­tants don­nent du con­traste. Le résul­tat me sem­ble cepen­dant un peu con­fus, pré­cip­ité et pas des­tiné à don­ner le plus de plaisir aux danseurs.

El choclo 1941-11-13 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

On retrou­ve une ver­sion chan­tée. Les paroles sont celles de Juan Car­los Maram­bio Catán, ou plus exacte­ment le tout début des paroles avec la fin du cou­plet avec une vari­ante.
Je vous pro­pose ici, les paroles com­plètes de Catán, pour en garder le sou­venir et aus­si, car la par­tie qui n’est pas chan­tée par Var­gas par­le de ce fameux type aux cheveux couleur de maïs…

Paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vie­ja milon­ga que en mis horas de tris­teza
traes a mi mente tu recuer­do car­iñoso,
enca­denán­dome a tus notas dul­cemente
sien­to que el alma se me enco­je poco a poco.
Recuer­do triste de un pasa­do que en mi vida,
dejó una pági­na de san­gre escri­ta a mano,
y que he lle­va­do como cruz en mi mar­tirio
aunque su car­ga infame me llene de dolor.

Fue aque­l­la noche
que todavía me ater­ra.
Cuan­do ella era mía
jugó con mi pasión.
Y en due­lo a muerte
con quien robó mi vida,
mi daga gaucha
par­tió su corazón.
Y me llam­a­ban
el choclo com­pañero;
tal­lé en los entreveros
seguro y fajador.
Pero una chi­na
enve­nenó mi vida
y hoy lloro a solas
con mi trági­co dolor.

Si algu­na vuelta le toca por la vida,
en una mina pon­er su corazón;
recuerde siem­pre
que una ilusión per­di­da
no vuelve nun­ca
a dar su flor.

Besos men­ti­dos, engaños y amar­guras
rodan­do siem­pre la pena y el dolor,
y cuan­do un hom­bre entre­ga su ter­nu­ra
cer­ca del lecho
lo acecha la traición.

Hoy que los años han blan­quea­do ya mis sienes
y que en mi pecho sólo ani­da la tris­teza,
como una luz que me ilu­mi­na en el sendero
lle­gan tus notas de melódi­ca belleza.
Tan­go queri­do, viejo choclo que me embar­ga
con las cari­cias de tus notas tan sen­ti­das;
quiero morir aba­jo del arrul­lo de tus que­jas
can­tan­do mis querel­las, llo­ran­do mi dolor.
Juan Car­los Maram­bio Catán

Traduction libre des paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vieille milon­ga. À mes heures de tristesse, tu me rap­pelles ton sou­venir affectueux,
En m’en­chaî­nant douce­ment à tes notes, je sens mon âme se rétré­cir peu à peu.
Sou­venir triste d’un passé qui, dans ma vie, a lais­sé une page de sang écrite à la main, et que j’ai porté comme une croix dans mon mar­tyre, même si son infâme fardeau me rem­plit de douleur.
C’est cette nuit-là qui, encore, me ter­ri­fie.
Quand elle était à moi, elle jouait avec ma pas­sion.
Et dans un duel à mort avec celui qui m’a volé la vie, mon poignard gau­cho lui a brisé le cœur.
Et ils m’ap­pelaient le com­pagnon maïs (choclo);
J’ai tail­lé dans les mêlées, sûr et résis­tant.
Mais une femme chérie a empoi­son­né ma vie et, aujour­d’hui, je pleure tout seul avec ma douleur trag­ique.
S’il vous prend dans la vie de met­tre votre cœur dans une chérie ; rap­pelez-vous tou­jours qu’une illu­sion per­due ne redonne plus jamais sa fleur.
Des bais­ers men­songers, trompeurs et amers roulent tou­jours le cha­grin et la douleur, et quand un homme donne sa ten­dresse, près du lit, la trahi­son le traque.
Aujour­d’hui que les années ont déjà blanchi mes tem­pes et que, dans ma poitrine seule se niche la tristesse, comme une lumière qui m’é­claire sur le chemin où arrivent tes notes de beauté mélodique.
Tan­go chéri, vieux choclo qui m’ac­ca­ble des caress­es de tes notes si sincères ;
Je veux mourir sous la berceuse de tes plaintes, chan­tant mes peines, pleu­rant ma douleur.

El choclo 1947 – Lib­er­tad Lamar­que, dans le film Gran casi­no de Luis Buñuel.

El choclo 1947 – Lib­er­tad Lamar­que, dans le film Gran casi­no de Luis Buñuel.

Dans cet extrait Lib­er­tad Lamar­que inter­prète le titre avec les paroles écrites pour elle par Dis­ce­po­lo. On com­prend qu’elle ne voulait pas pren­dre le rôle de l’assassin et que les paroles adap­tées sont plus con­ven­ables à une dame…
Les paroles de Enrique San­tos Dis­cépo­lo seront réu­til­isées ensuite, notam­ment par Canaro pour notre tan­go du jour.

El choclo 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas. C’est notre tan­go du jour.

Comme vous vous en doutez, je pour­rai vous présen­ter des cen­taines de ver­sions de ce titre, mais cela n’a pas grand intérêt. J’ai donc choisi de vous pro­pos­er pour ter­min­er une ver­sion très dif­férente…

Kiss of Fire 1955 — Louis Arm­strong.

En 1952, Lester Allan et Robert Hill ont adap­té et sérieuse­ment mod­i­fié la par­ti­tion, mais on recon­naît par­faite­ment la com­po­si­tion orig­i­nale.

Je vous pro­pose de nous quit­ter là-dessus, une autre preuve de l’universalité du tan­go.
À bien­tôt, les amis.

En guise de corti­na, on pour­rait met­tre Pop Corn, non ?

PS : si vous avez des ver­sions de El choclo que vous adorez, n’hésitez pas à les indi­quer dans les com­men­taires, je rajouterais les plus demandées.

Les succès de la radio en 1937

Ediciones musicales Julio Korn

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Sur cette pub­lic­ité, les 12 suc­cès des édi­tions Julio Korn. Évidem­ment, ils ne par­lent pas des suc­cès édités par d’autres maisons d’édition…

Les éditions Julio Korn

Julio Korn (1906​-07–19 – 1983-04-18) était à la tête d’un empire de la presse. Il pub­li­ait en 1937, six heb­do­madaires, Radi­olan­dia, Ante­na, Goles, Voso­tras, TV Guía et Anteo­ji­to. Son seul con­cur­rent sérieux était Héc­tor Gar­cía qui pub­li­ait Así. Il était donc en sit­u­a­tion de qua­si-mono­pole.

« Mi inten­ción fue siem­pre lle­gar a la gran masa del pueblo, sin pre­tender instru­ir­la sino entreten­er­la »

«Mon inten­tion a tou­jours été d’atteindre la grande masse du peu­ple, sans pré­ten­dre l’instruire, mais pour la diver­tir». Devise que les Cit­i­zen Kane d’aujourd’hui per­pétuent.

Julio Korn est le pro­to­type du self-made man. Orphe­lin à 9 ans, il tra­vaille dans une imprimerie ce qui lui per­met de sauver de l’asile son jeune frère. À 15 ans (1921), il se rend à Mon­te­v­ideo pour pro­pos­er à Edgar­do Dona­to de devenir son édi­teur musi­cal. Il devait être du genre con­va­in­cant, car il rem­por­ta l’affaire et obtint un prêt pour s’acheter la presse des­tinée à imprimer les par­ti­tions. Huit ans plus tard, il avait imprimé 35 000 par­ti­tions.
En 1924, il avait créé une revue musi­cale, La Can­ción Mod­er­na, dont il était égale­ment le rédac­teur en chef.

À gauche, le numéro du 30 juin 1936 de Radi­olan­da (La Can­ción Mod­er­na) où est annon­cée la saga Gardel. La cou­ver­ture du 6 juin 1936 avec Gardel et le pre­mier des arti­cles sur les con­fi­dences de Berta sur la vie de son fils.

En juin 1936, La Can­ción Mod­er­na qui est devenu Radi­olan­dia pub­lie la vie de Car­los Gardel qui était mort l’année précé­dente en exploitant le côté sen­ti­men­tal du témoignage de Berta Gardes, la mère de Gardel qui a d’ailleurs cédé gra­tu­ite­ment les droits de repro­duc­tion. Et pan dans les dents de la thèse uruguayenne de l’origine de Car­los Gardel qui pré­tend que Berta se serait déclaré sa mère pour touch­er l’héritage en étab­lis­sant de faux papiers… Gardel enfant de France.
Cet arti­cle est un bon exem­ple de la lit­téra­ture pop­u­laire des revues de Julio Korn.
Mais revenons à la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar et à sa qua­trième de cou­ver­ture.

Par­ti­tion de No Quiero Verte Llo­rar des Édi­tions Julio Korn.

Lorsque nous avons par­lé de la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar, nous avions remar­qué que la qua­trième de cou­ver­ture présen­tait les plus grands suc­cès radio­phoniques du moment. J’ai trou­vé amu­sant de vous faire écouter ce que les Argentins aimaient en 1937…

Les succès de la radio en 1937

Les suc­cès de la radio 01

Milonga triste (Sebastián Piana Letra: Homero Manzi)

Milon­ga triste 1937-02-19 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Milon­ga triste 1937-08-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro

Amor (Carlos Gardel Letra Luis Rubistein)

Amor 1936-07-14 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. Avec des airs de Silen­cio, du même Gardel.

Milagro (Luis Rubistein, paroles et musique)

Mila­gro 1936-11-27 — Mer­cedes Simone con acomp. de su Trío Típi­co
Mila­gro 1937-02-19 – Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da

Arrepentido (Rodolfo Sciammarella, paroles et musique)

Arrepen­ti­do 1937-05-26 — Lib­er­tad Lamar­que con orques­ta. Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio.

Comme il est pré­cisé « Tan­go chan­son », il s’agit prob­a­ble­ment de cette ver­sion qui avait du suc­cès à la radio. Cepen­dant, l’année précé­dente, il y a eu deux enreg­istrements qui peu­vent très bien pass­er à la radio et par­ticiper au suc­cès de la com­po­si­tion de Sci­ammarel­la :

Arrepen­ti­do 1936–09- 18 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Car­los Varela.

Car­los Varela que nous avions enten­du avec Fir­po dans No quiero verte llo­rar.

Arrepen­ti­do 1936-09-04 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar
Les suc­cès de la radio 02
Las per­las de tu boca 1935-10-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Il est indiqué Boléro sur la par­ti­tion, mais il s’agit ici d’un enreg­istrement en rum­ba. Ce titre a été beau­coup enreg­istré, bien sûr en boléro, mais aus­si en Danzón (par Rey Cabr­era). Dif­fi­cile de savoir quel enreg­istrement était la référence. Il peut aus­si tout sim­ple­ment s’agir d’une erreur, en effet le terme boléro comme le terme Jazz est générique et peut éventuelle­ment ne pas dif­férenci­er deux types de danse.
Je vous pro­pose tout de même un exem­ple, par le chanteur d’opéra, mex­i­cain, Alfon­so Ortiz Tira­do.

Las per­las de tu boca 1934 — Alfon­so Ortiz Tira­do. C’est un enreg­istrement RCA Vic­tor réal­isé à Buenos Aires.

Por el camino adelante (Lucio Demare ; Roberto Fugazot ; Agustín Irusta Letra: Joaquín Dicenta (Joaquín Dicenta Alonso)

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare.

Por el camino ade­lante 1930 — Agustín Irus­ta y Rober­to Fuga­zot con acomp. de piano por Lucio Demare. Avec cette chan­son on est plutôt dans le domaine du folk­lore, mais après tout, le tan­go n’est pas la seule musique qui passe à la radio. Je n’ai pas trou­vé d’enregistrement de 1936 ou 1937. Il se peut donc que ce soit une autre ver­sion qui avait du suc­cès en 1937.

Rosa de otoño [Guillermo Desiderio Barbieri Letra: José Rial, hijo]

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro.

Rosa de otoño 1930-12-05 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta de Fran­cis­co Canaro. Encore un enreg­istrement un peu ancien, mais la mort de Gardel deux ans plus tôt a sans doute relancé ses inter­pré­ta­tions. On est là encore à la lim­ite du tant avec un vals criol­lo. C’est Di Sar­li en 1942 qui fera sor­tir cette valse du domaine folk­lorique, mais c’est une autre his­toire…

Les suc­cès de la radio 03

En blanco y negro [Néstor Feria Letra: Fernán Silva Valdéz]

En blan­co y negro 1936-05-06 — Alber­to Gómez con acomp. de su Cuar­te­to de Gui­tar­ras

Une milon­ga, mais une milon­ga criol­la. Décidé­ment le folk­lore avait la côte…

Falsedad [Héctor María Artola Letra: Alfredo Navarrine]

Falsedad 1936-10-25 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

On revient dans le domaine du tan­go avec ce très beau titre, sans doute un peu oublié dans les milon­gas d’aujourd’hui, même dans celles qui abusent de la vieille garde ; -)

Monotonía (Hugo Gutiérrez Letra : Andrés Carlos Bahr)

Monot­o­nía 1936-12-03 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Encore Lomu­to et Omar en vedette avec ce tan­go de Hugo Gutiér­rez et Andrés Car­los Bahr. Le titre ne donne pas très envie de danser, la musique non plus. Cela devait être plus agréable de vaquer dans son apparte­ment avec cette musique de fond à la radio.

Pienso en ti (Julio De Caro Letra : Jesús Fernández Blanco)

Pien­so en ti 1936-08-10 — Orques­ta Julio De Caro con Vio­le­ta y Lidia Desmond (Las her­manas Desmond).

Las her­manas Desmond (les sœurs Desmond) nous offrent une fin enjouée. Une valse pas trop tan­go. Elle est indiquée comme valse chan­son et son auteur pour­rait vous sur­pren­dre, car il s’agit de Julio de Caro, comme quoi il ne faut pas trop vite met­tre les com­pos­i­teurs et musi­ciens dans des tiroirs.

En guise de conclusion

Comme nous l’avons vu, les édi­tions de Julio Korn ne sont pas le seul édi­teur de musique. On peut légitime­ment penser qu’ils met­tent en avant leurs poulains et passent sous silence les artistes qui font éditer leurs par­ti­tions chez des con­cur­rents.
Un autre biais est que les orchestres ne jouent pas for­cé­ment des tan­gos qui vien­nent d’être écrits. S’ils jouent un titre qui a dix ou vingt ans, voire plus, il ne sera pas néces­saire­ment réédité.
Le dernier biais et qu’il s’agit des titres qui passent à la radio. La qual­ité sonore de la radio à l’époque était assez médiocre, la FM n’était pas encore de mise et les danseurs pou­vaient ren­con­tr­er leurs orchestres favoris toutes les semaines. Les pro­grammes étaient donc plutôt des­tinés à la vie de famille et une dif­fu­sion régulière et sans trop de relief était sans doute mieux adap­tée à cet usage.
En résumé, il ne faut pas tir­er la con­clu­sion que les suc­cès men­tion­nés ici sont des suc­cès abso­lus, notam­ment du point de vue des danseurs. On peut juste affirmer qu’à côté d’autres styles, le tan­go avait sa place dans le quo­ti­di­en des Argentins, comme c’est tou­jours le cas où des airs de tan­go ayant près d’un siè­cle con­tin­u­ent de s’élever dans le bon air de Buenos Aires. On n’imagine pas dans tous les pays la pop­u­la­tion écouter des dis­ques aus­si anciens, sauf peut-être dans le domaine de la musique clas­sique.
Pour estimer le suc­cès des titres du point de vue des danseurs, je pense que la présence de nom­breux enreg­istrements du même titre à quelques semaines d’intervalle est un bon indice. Cer­tains tan­gos ont 20, 30 ou beau­coup plus d’enregistrements pour des mon­stres comme la Cumpar­si­ta, et d’autres sont fils uniques. Ces fils uniques qui ont raté leur lance­ment à l’époque sont par­fois rat­trapés, comme c’est le cas de la milon­ga Mi vie­ja lin­da (Ernesto Cés­pedes Polan­co, musique et paroles), qui avant qu’elle soit reprise par le Sex­te­to Cristal était incon­nue de la majorité des danseurs, bien qu’il en existe une belle ver­sion par la Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María

Mi vie­ja lin­da 1941 — Orques­ta Emilio Pelle­jero con Enal­mar De María
Mi vie­ja lin­da 2018-05-01 — Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler

Mon tra­vail de DJ est aus­si de réveiller, révéler, des mer­veilles qui dor­ment dans quelque pochette de disque de pâte.

À propos de l’illustration de couverture

Voici la pho­to orig­i­nale qui m’a servi pour réalis­er l’illustration de cou­ver­ture. Vous pou­vez vous livr­er au jeu des sept erreurs, mais il y a bien plus que sept dif­férences entre les deux images 😉

Une radio portable (on voit la poignée près de la main droite de Gardel). Il s’agit d’un mod­èle « Mendez », copie du Mc Michael anglais.

Dans la par­tie droite, les deux bou­tons rotat­ifs per­me­t­tant la syn­ton­i­sa­tion (choix de la sta­tion de radio). Le haut-par­leur (dans la par­tie gauche est pro­tégé pen­dant le trans­port, par la par­tie de droite qui se replie dessus. On voit les ver­rous qui main­ti­en­nent la mal­lette fer­mée de part et d’autre de l’appareil.
Vous aurez recon­nu les per­son­nages dès la pho­to de cou­ver­ture, qui est un mon­tage de ma part avec une fausse radio, je trou­vais celle d’origine man­quant un peu de classe.
Au cas où vous auriez un doute, je vous présente la fine équipe qui entoure le poste de radio, de gauche à droite :
José Maria Aguilar, Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do, les trois gui­taristes de Gardel, et Car­los Gardel. La pho­to date de 1928, soit 8 ans avant la mort de Gardel et 9 ans avant la par­ti­tion de No quiero verte llo­rar faisant la pub­lic­ité pour les suc­cès de l’année 1937. Cette image et la cou­ver­ture ne sont donc pas tout à fait d’actualité, mais comme 1937 est l’année où l’éditeur Julio Korn fait son gros coup sur Gardel, je pense que cela peut se jus­ti­fi­er.
De plus, on notera que dans les suc­cès de 1937, il y a un tan­go écrit par Gardel, Amor et un vals criol­lo, Rosa de otoño, chan­té par lui.

À demain les amis !

Voici la cou­ver­ture pour ceux qui veu­lent jouer au jeu des sept erreurs…