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T.B.C. 1953-08-11 – Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló

Ascanio Ernesto Donato Letra: Roberto Fontaina; Víctor Soliño

Nous vivons dans un monde de fous et le poids d’un baiser volé est sans doute tellement lourd aujourd’hui que l’on n’oserait plus écrire des paroles comparables à celles de notre tango du jour. Les initiales T.B.C. signifient Te bese (je t’ai embrassé). Mais nous verrons d’autres significations possibles pour les premières versions.

Ascanio

Ascanio Ernesto Donato

Ascanio Donato (14 octobre 1903 – 31 décembre 1971) est un des 8 frères de Edgardo Donato, l’interprète de notre tango du jour. Contrairement à son grand frère, Edgardo (violoniste) ou même son petit frère, Osvaldo (pianiste), Ascanio est peu connu. Le site TodoTango, qui est en général une bonne source, l’indique comme violoniste, alors qu’il était violoncelliste.
Sa fiche dans le répertoire des auteurs uruguayens est plus que sommaire : https://autores.uy/autor/4231. Avec seulement la date de naissance et un seul de ses prénoms et pas de date de décès. En effet, contrairement à son aîné, Edgardo qui est né à Buenos Aires, Ascanio est né à Montevideo.
L’œuvre a été déposée le 22 janvier 1929 (n° 40855) sous le nom de A.E. Donato (Ascanio Ernesto Donato). À l’époque, il était déjà violoncelliste avec ses frères, Osvaldo au piano et Edgardo à la direction et au violon. On notera que le dépôt a eu lieu en 1929, mais que le tango a été enregistré pour la première fois en 1927.
Un autre dépôt a été effectué en Argentine le 19 décembre 1940 (# 2535 | ISWC T0370028060) et cette fois, le dépôt est au nom d’Edgardo. Cependant, les premiers disques mentionnent A. Donato.

Différents disques de T.B.C.

Les premiers disques indiquent bien A. Donato. Celui de Veiga réalisé à New York indique E Donato et pas les auteurs du texte, chanté. Celui de Rafael Canaro réalisé en Espagne indique juste Donato. Celui de De Angelis indique E. Donato et celui du quintette du pianiste Oscar Sabino, de nouveau, A. Donato… On notera que le premier disque, celui de Carlos Di Sarli à gauche ne mentionne pas les auteurs des paroles, l’œuvre étant instrumentale.

Je propose de conserver l’attribution à Ascanio, d’autant plus que je verse au dossier une partition qui lui attribue l’œuvre…

Extrait musical

Partition de T.B.C. indiquant A.E. Donato, donc, sans ambiguïté, Ascanio Ernesto Donato.
T.B.C. (Te bese) 1953-08-11 – Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló

Paroles

Les paroles semblent avoir été ajoutées postérieurement. Nous y reviendrons.

Te besé
y te cabriaste
de tal manera
que te pusiste
hecha una fiera.
Y hasta quisiste,
sin más motivo,
darme el olivo
por ser audaz.

Total
no es para tanto,
no ves
que estaba « colo ».
Pensá
que fue uno sólo
y al fin
te va a gustar.
No digas que no,
que cuando sepas,
besar
dando la vida
serás
tu quien me pida
y sé
qué me dirás.

Bésame,
que no me enojo,
bésame,
como en el cine.
Un beso de pasión,
que al no poder respirar,
me detenga el corazón.
Bésame,
Negro querido,
el alma
dame en un beso
que me haga estremecer
la sensación
de ese placer.
Ascanio Donato Letra: Roberto Fontaina; Víctor Soliño

Traduction libre

Je t’ai embrassée et tu t’es tellement fâchée que tu es devenue une bête sauvage. Et tu voulais même, sans plus de raison, t’enfuir (Dar el olivo, c’est partir, fuir) pour avoir été audacieux.
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas si mal, ne vois-tu pas que c’était « colo » (Loco, fou en verlan).
J’ai pensé que ce serait un seul et qu’au final tu aimerais. Ne dis pas non, que quand tu sais, embrasser en donnant la vie, tu seras celle qui me demandera et je sais ce que tu me diras :
« Embrasse-moi, que je ne me fâche pas, embrasse-moi, comme au cinéma. Un baiser de passion, que de ne plus pouvoir respirer, mon cœur s’arrête.
Embrasse-moi, mon chéri (Negro est un surnom affectueux qui peut être donné à quelqu’un qui n’est pas noir), donne-moi un baiser à l’âme qui me fasse secouer la sensation de ce plaisir.« 

Comme pour beaucoup de paroles de tango, il convient de faire des hypothèses quant à la signification exacte. Le fait que des femmes et des hommes l’aient chanté permet de relativiser l’affaire, ce ne sont pas d’horribles machistes qui violentent des femmes non consentantes.
Certains voient dans le tango des histoires de bordels, mais dans la grande majorité, les histoires sont plutôt sentimentales, c’est-à-dire qu’elles parlent de sentiments. Que ce soit l’illusion, l’amour fou, la détresse de l’abandon, le repentir, le regret. En dehors de l’époque des prototangos et des premiers tangos qui avaient des paroles assez crues et où les mecs faisaient les bravaches, la plupart des titres est plutôt romantique.
Je veux voir dans le texte de ce tango une idylle naissante, peut-être entre des adolescents, pas le cas d’un taita qui s’impose à une mina désemparée, d’autant plus que le texte peut être vu des deux points de vue, comme le prouvent les versions que je vous propose.
Pour la traduction, j’ai choisi de faire parler un homme, puisque ce sont des hommes qui chantent notre tango du jour et le dernier couplet pourrait-être la réponse de la femme qui se rend aux arguments, à la sollicitation de l’homme. Mais on peut totalement inverser les rôles.
Les premiers enregistrements sont instrumentaux. T.B.C. peut dans ce cas signifier Te Bese, ou TBC (sans les points) qui désigne la tuberculose… TBC est aussi un club nautique de Tigre (près de Buenos Aires) TBC pour Tigre Boat Club. De nombreux tangos font référence à un établissement, ou un club. Mais le fait qu’il soit à Tigre et pas à Montevideo limite la portée de cette hypothèse.
L’excellent site bibletango.com indique que le titre serait inspiré par un club assez spécial de Montevideo, mais sans autre précision. Si on excepte l’acception TBC=Tuberculose, je ne trouve pas de club en relation avec T.B.C. à Montevideo.

Avec les paroles de Roberto Fontaina et Víctor Soliño, le doute n’est plus permis, c’est bien Te bese qu’il faut comprendre.
Roberto Fontaina et Víctor Soliño travaillaient à Montevideo. Ce qui confirme l’origine uruguayenne de ce titre.

Autres versions

Ce tango a été enregistré à diverses reprises et en deux vagues, à la fin des années 20 et dans les années 50.
Les enregistrements de 1927 et 1928 sont instrumentaux.

T.B.C. 1927-11-28 – Orquesta Julio De Caro.

Premier enregistrement, instrumental.

T.B.C. 1928-11-26 – Sexteto Carlos Di Sarli. Une version instrumentale.

Une autre version instrumentale.

Rosita Quiroga nous propose la première version chantée.

T.B.C. 1929-01-22 – Rosita Quiroga con guitarras y silbidos.

Je trouve cette version fraîche et délicieuse. Toute simple et qui exprime bien le texte. Remarquez les sifflements.

T.B.C. (Te bese) 1929-06-19 – Genaro Veiga – Orquesta de la Madriguera.

Cette version a été enregistrée à New York, ce qui une fois de plus prouve la diffusion rapide des œuvres. On n’est pas obligé d’apprécier la voix un peu traînante de Veiga.

T.B.C. (Te bese) 1930 Orquesta Rafael Canaro con Carlos Dante y Rafael Canaro.

Rafael se joint à Carlos Dante pour le refrain dans un duo sympathique. Cette version a été enregistrée en Espagne, par le plus français des Canaro.

T.B.C. (Te bese) 1952-12-05 – Florindo Sassone con Roberto Chanel.

Une version typique de Sassone qui remet au goût du jour ce thème. C’est un peu trop grandiloquent à mon goût. Roberto Chanel, semble rire au début, sans doute pour dédramatiser sa demande. En revanche, l’orchestre passe au second plan et cela permet de profiter de la belle voix de Chanel.

T.B.C. (Te bese) 1953-08-11 – Orquesta Edgardo Donato con Roberto Morel y Raúl Ángeló. C’est notre tango du jour.

Après l’écoute de Sassone, on trouvera l’interprétation beaucoup plus sèche et nerveuse. Pour le premier disque de ce tango de son frère (ou de lui…), c’est un peu tardif, mais c’est plutôt joli. Cela reste dansable. Comme dans la version de Rafael Canaro qui initie le premier duo, le refrain est chanté par Morel et Ángeló.

T.B.C. (Te bese) 1957-07-17 – Diana Durán con orquesta.

À comparer à la version de Rosita Quiroga de 28 années antérieure. On peut trouver que c’est un peu trop dit et pas assez chanté. Je préfère la version de Rosita.

T.B.C. (Te bese) 1960-10-19 – Orquesta Alfredo De Angelis con Lalo Martel.

Lalo Martel, reprend le style décontracté et un peu gouailleur de ses prédécesseurs.

T.B.C. (Te bese) 1990 C – Los Tubatango.

Et on ferme la boucle avec une version instrumentale avec un orchestre qui s’inspire des premiers orchestres de tango…

T.B.C. Inspiré de Psyché ranimée par le baiser de l’Amour – Antonio Canova.

J’ai utilisé un des baisers les plus célèbres de l’histoire de l’art, celui immortalisé dans le marbre par Antonio Canova et que vous pouvez admirer au Musée du Louvre (Paris, France) pour l’image de couverture.

Luz y sombra 1956-08-08 – Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante y Oscar Larroca

Alfredo De Angelis Letra: Gervasio López

Luz y sombra, de lumière et d’ombre, de Angelis, Larroca et Dante peignent un tableau ravissant que je vais vous présenter. Les ombres sont uniquement présentes pour donner du relief à la lumière. Cette valse paisible, mais entraînante, nous fait découvrir un aspect du tango, bien loin de la seule tristesse qu’y voient certains. Mettons cela en lumière.

Extrait musical

Luz y sombra 1956-08-08 – Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante y Oscar Larroca.

Dès les premières notes, la gaîté du morceau apparaît, les premiers temps de la valse sont bien marqués. Après 50 secondes, Oscar Larroca commence de sa voix de baryton, suivi de peu par la voix de ténor de Carlos Dante. Les deux voix vont se mêler ainsi jusqu’à la dernière mesure. On sent bien qu’il ne se déroule pas un drame dans cette valse. Les paroles vont nous le confirmer.

Paroles

Los trinos se derraman
Y emergen los arrullos
Ese jardín florido
Que tienen por mansión
Jilgueros y gorriones
Alondras y zorzales
Que entonan himnos bellos
Como una bendición
Viajeras golondrinas
Saludan a su pasó
Y como gentileza
Contesta el ruiseñor
Elabora el hornero
Su rústica morada
Y un pavo rearrumbroso
Critica constructor

Concierto de perfume
De cantos y de alegrías
De la naturaleza
Ofrece al soñador
Maleta de colores
Enjambre delicioso
Que alucinó llevado
Jamás algún pintor

Y cuando cae la tarde
Los pájaros palmeros
Retornan a sus nidos
En busca de calor
Entornan las camelias
Sus pétalos celosos
Por miedo que el rocío
Les quite su esplendor

Enmudece el ambiente
La noche se aproxima
Ensaya un grillo el canto
Monótono y tristón
Palidecen las rosas
Se esfuma la alegría
Y llora la cigarra
Porque se ha puesto el Sol
Y llora la cigarra
Porque se ha puesto el Sol
Alfredo De Angelis Letra: Gervasio López

Traduction libre et indications

Les trilles se répandent et les roucoulements émergent.
Ce jardin fleuri qui est le manoir des chardonnerets et des moineaux, des alouettes et des grives qui chantent de beaux hymnes comme une bénédiction.
Les hirondelles voyageuses les saluent au passage et, par courtoisie, le rossignol répond, le hornero élabore sa demeure rustique et une dinde revêche critique le constructeur.
Un concert de parfums, de chants et de joies, offre la nature au rêveur, une mallette de couleurs, un délicieux essaim qui a halluciné et que n’a jamais porté un peintre. (la mallette, on pourrait dire la palette de couleurs est si riche qu’aucun peintre n’en a jamais eu de pareille).
Et quand tombe le soir, les oiseaux de palmiers retournent à leurs nids à la recherche de chaleur.
Les camélias enveloppent jalousement leurs pétales de peur que la rosée ne leur enlève leur splendeur.
L’ambiance est muette, la nuit approche, un grillon répète le chant monotone et triste, les roses pâlissent et la joie s’évanouit et la cigale pleure parce que le soleil s’est couché.
Et la cigale pleure parce que le soleil s’est couché.

Les duos et trios de chanteurs de De Angelis

Si plusieurs orchestres, j’hésite à dire beaucoup, ont réalisé des duos de chanteurs, De Angelis a eu une prédilection pour le genre. Nous avons vu hier que Edgardo Donato avait enregistré de nombreux chanteurs et avait profité de la profusion pour enregistrer même des trios.

Les duos de chanteurs de De Angelis

De Angelis a fait de même en enregistrant beaucoup de duos et même un quatuor… Voici une liste des associations qu’il a utilisées pour ses enregistrements. D’autres ont existé, mais sans avoir été immortalisée par le disque :

  • Carlos Aguirre et Alberto Cuello
  • Carlos Aguirre et Julián Rosales
  • Carlos Dante et Julio Martel (sans doute le duo le plus connu de De Angelis)
  • Carlos Dante et Oscar Larroca (c’est celui de notre valse du jour)
  • Juan Carlos Godoy et Oscar Larroca
  • Juan Carlos Godoy et Lalo Martel
  • Juan Carlos Godoy et Roberto Mancini
  • Isabel « Gigí » De Angelis et Carlos Boledi (Gigi est la fille de De Angelis)
  • Isabel « Gigí » De Angelis et Ricardo « Chiqui » Pereyra (Exercice de prononciation Gigi y Chiqui).
  • Rubén Linares et Marcelo Biondini

Sur la composition des duos. En général, les orchestres essayaient d’avoir deux chanteurs. Un qui jouait le rôle de l’Espagnol (Oscar Larroca pour cette valse) et un qui jouait le rôle de l’Italien (Carlos Dante pour cette valse). Il y avait aussi la nécessité d’association de voix compatibles et généralement de registres différents (ténor et baryton, par exemple). De Angelis ou Troilo ont particulièrement bien réussi leurs « mariages », d’autres chefs ont eu du mal à contracter les voix qui vont bien ensemble, comme Di Sarli ou D’Arienzo.
Une autre raison qui fait que De Angelis a utilisé des duos est que c’est une caractéristique de la musique traditionnelle et De Angelis a, par exemple, enregistré pas mal de vals criollos. Pour Troilo, il me semble que c’est plus son goût pour les voix, même s’il a aussi investigué du côté du folklore.

Le quatuor de chanteur de De Angelis

  • Ricardo « Chiqui » Pereyra, Jorge Guillermo, Marcelo Biondini et Isabel « Gigí » De Angelis

Comme les quatuors de chanteurs sont tout de même assez rares en tango, je vais vous faire écouter celui-ci dans un titre qui va faire rire certains. La calesita (le manège).

La calesita 1981 – Orquesta Alfredo De Angelis con Ricardo « Chiqui » Pereyra, Jorge Guillermo, Marcelo Biondini y Isabel « Gigí » De Angelis (Mariano Mores Letra: Cátulo Castillo).

Avec La calesita, on est assez loin du tango auquel nous a habitué De Angelis, mais le titre vaut une explication.
La calesita, c’est le manège. Celui qu’aiment les enfants. À Buenos Aires, ils étaient mus par des moteurs de sang (des chevaux) avant de passer à des motorisations moins cruelles pour les animaux.
Certains qualifiaient De Angelis de orquesta de calesita, orchestre pour les manèges. Mais contrairement au dédain qu’affichent ceux qui l’affublent de ce nom, ce n’est pas à cause d’un manque de qualité, bien au contraire. Si De Angelis était si joué dans les manèges, c’était que sa musique attirait les femmes qui décidaient de placer leur progéniture sur la machine tournante afin de pouvoir savourer la musique de De Angelis. Les femmes n’étaient pas les seules à être attirées par la musique, certains danseurs profitaient de cette musique « gratuite » pour danser autour du manège. Peut-être que le manège était également propice pour se mettre en ménage (jeu de mot en français, je suis désolé pour ceux qui lisent dans une autre langue).

Autres versions

La valse enregistrée par De Angelis est unique, mais le titre avait auparavant été utilisé pour d’autres œuvres.

Luz y sombra 1930-09-11 – Orquesta Julio De Caro con Luis Díaz (Alfredo Oscar Gentile; Atilio Supparo, musique et paroles).

Bon, ce n’est pas vilain, mais cela manque tout de même d’un peu d’euphorie et d’intérêt pour la danse. Je vous propose de mettre ce titre de côté.

Luz y sombra 1955 – Astor Piazzolla y su Orquesta Típica (Astor Piazzolla).

De l’excellent Piazzolla, mais à 1000 lieues de ce qu’enregistrera l’année suivante, De Angelis. La musique de Piazzolla est relativement descriptive. On peut assez facilement identifier les alternances de lumière et d’ombre. De la musique à écouter, dans l’ombre d’un salon cossu.

Luz y sombra 1993-12 – Georges Rabol (Astor Piazzolla).

Luz y sombra 1993-12 – Georges Rabol (Astor Piazzolla). Une interprétation impressionnante, au piano, de Luz y sombra de Piazzolla. Le piano est un merveilleux instrument, capable, comme le prouve Georges Rabol, de remplacer un orchestre.
Nous sommes en 1993, mais rassurez-vous, je vous propose maintenant, pour vous divertir, la version de Luz y sombra de De Angelis, notre valse du jour qui est nettement antérieure de 37 années.

Luz y sombra 1956-08-08 – Orquesta Alfredo De Angelis con Carlos Dante y Oscar Larroca.

Notre valse du jour est le seul enregistrement de cette anecdote passable dans une milonga, mais sa bonne humeur permet de compenser cela.

La nuit est en train de tomber sur ce joli jardin.

On remarquera le hornero et sa maison faîte de boue qui lui vaut le titre d’architecte. Le chardonneret élégant, cité dans la chanson, est également présent. Les camélias et les roses pâlissantes. C’est ce beau jardin que j’imagine en entendant cette valse. En passant l’arche, on trouvera un espace dégagé pour danser la valse.

Alors, valsons jusqu’à demain, les amis !

Cornetín 1943-03-05 Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ; Cátulo Castillo

Le tango du jour, Cornetín, évoque le cornet autrefois utilisé par les « conductors» del tranvía a motor de sangre (les chargés de clientèle des tramways à moteur de sang, c’est-à-dire à traction animale). Il a été enregistré il y a exactement 81 ans.

Éléments d’histoire du tranvía, le tramway de Buenos Aires)

Les premiers tramways étaient donc à traction animale. Vous aurez noté que les Argentins disent à moteur de sang pour ce qui est traction humaine et animale. Cela peut paraître étrange, mais quand on pense au prix que payaient les chevaux qui tiraient les tranvías de Buenos Aires, l’expression est assez parlante.

Tranvías a motor de sangre en la Boca (Puente Puyrredon)

En effet, à Buenos Aires, les chevaux étaient durement exploités et avaient une durée d’utilisation d’environ deux ans avant d’être hors d’usage contre une dizaine d’années en Europe, région où le cheval coûtait cher et était donc un peu plus préservé.
Nous avons déjà vu les calesitas qui étaient animées par un cheval, jusqu’à ce que ce soit interdit, tout comme, il n’y a que très peu d’années, les cartoneros de Buenos Aires n’aient plus le droit d’utiliser des chevaux. L’ironie de l’histoire est que l’arrêt de l’utilisation des chevaux a été édicté pour éviter la cruauté envers les animaux, mais maintenant, ce sont des hommes qui tirent les charrettes de ce qu’ils ont récupéré dans les poubelles.
Dans la Province de Buenos Aires, le passage de la traction animale à la traction électrique s’est fait autour de 1915, sauf pour quelques compagnies résistantes à ce changement et qui ont continué jusqu’à la fin des années 20.
Il faut aussi noter que la réticence des passagers à la traction électrique, avec la peur d’être électrocuté, est aussi allée dans ce sens. Il faut dire que les étincelles et le tintement des roues de métal sur les rails pouvaient paraître inquiétants. Je me souviens que quand j’étais gamin, j’aimais regarder le conducteur du métro, fasciné par les nuées d’étincelles qui explosaient dans son habitacle. Je me souviens également d’un conducteur qui donnait des coups avec une batte en bois sur je ne sais quel équipement électrique, situé à la gauche de la cabine. C’était le temps des voitures de métro en bois, elles avaient leur charme.

Retour au cornetín

Celui qui tenait le cornetín, c’est le conductor. Attention, il n’est pas celui qui mène l’attelage ou qui conduit les tramways électriques, c’est celui qui s’occupe des passagers. Le nom peut effectivement porter à confusion. Le conducteur, c’est le mayoral que l’on retrouve également, héros de différents tangos que je présenterai en fin d’article.
Le cornetín servait à la communication entre le mayoral (à l’avant) et le conductor à l’arrière). Le premier avait une cloche pour indiquer qu’il allait donner le départ et le second un cornet qui servait à avertir le conducteur qu’il devait s’arrêter à la suite d’un problème de passager. Le conducteur abusait parfois de son instrument pour présenter ses hommages à de jolies passantes.
C’est l’histoire de ce tango.

Extrait musical

Cornetín 1943-03-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino

Les paroles

Tarí, Tarí.
Lo apelan Roque Barullo
conductor del Nacional.

Con su tramway, sin cuarta ni cinchón,
sabe cruzar el barrancón de Cuyo (al sur).
El cornetín, colgado de un piolín,
y en el ojal un medallón de yuyo.

Tarí, tarí.
y el cuerno listo al arrullo
si hay percal en un zaguán.

Calá, que linda está la moza,
calá, barriendo la vereda,
Mirá, mirá que bien le queda,
mirá, la pollerita rosa.
Frená, que va a subir la vieja,
frená porque se queja,
si está en movimiento.
Calá, calá que sopla el viento,
calá, calá calamidad.

Tarí, tarí,
trota la yunta,
palomas chapaleando en el barrial.

Talán, tilín,
resuena el campanín
del mayoral
picando en son de broma
y el conductor
castiga sin parar
para pasar
sin papelón la loma
Tarí, tarí,
que a lo mejor se le asoma,
cualquier moza de un portal

Qué linda esta la moza,
barriendo la vereda,
mirá que bien le queda,
la pollerita rosa.
Frená, que va a subir la vieja,
Frená porque se queja
si está en movimiento,
calá, calá que sopla el viento,
calá, calá calamidad.

Tarí, Tarí.
Conduce Roque Barullo
de la línea Nacional.

Pedro Maffia Letra : Homero Manzi ; Cátulo Castillo

Parmi les détails amusants :

On notera le nom du conducteur du tranvía, Barullo, qui en lunfardo veut dire bagarreur. Encore un tango qui fait le portrait d’un compadrito d’opérette. Celui-ci fait ralentir le tranvía pour faciliter la montée d’une ancienne ou d’une belle ou tout simplement admirer une serveuse sur le trottoir.

Le Tarí, Tarí, ou Tará, Tarí est bien sûr le son du cornetín.

“sabe cruzar el barrancón de Cuyo” – El barrancón de Cuyo est un ravin, comme si le tranvía allait s’y risquer. Cela a dû paraître extravagant, car dans certaines versions, c’est tout simplement remplacé par el sur (dans le même sens que le Sur de la chanson de ce nom qui est d’ailleurs écrite par le même Homero Manzi. D’ailleurs la ligne « nacionale » pouvait s’adresser à celle de Lacroze qui allait effectivement dans le sud.

Tangos sur le tranvía

Cornetín (le thème du jour de Pedro Maffia Letra : Homero Manzi; Cátulo Castillo)

El cornetín (Cornetín) 1942-12-29 — Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán.

C’est le premier de la série à être enregistré.

Cornetín 1943-03-05 — Orquesta Carlos Di Sarli con Roberto Rufino. C’est le tango du jour.

Cornetín 1943-04-05 — Libertad Lamarque con orquesta dirigida por Mario Maurano.

Cornetín 1943-04-05 — Libertad Lamarque con orquesta dirigida por Mario Maurano.

Cette chanson a été enregistrée un mois, jour pour jour, après la version de Di Sarli. Cette version, plutôt chanson est tout de même dansée dans le film Eclipse de sol de Luis Saslavsky d’après un scénario d’Homero Manzi tiré de l’œuvre d’Enrique García Velloso. Le film est sorti le 1er juillet 1943.
Cet extrait nous permet de voir comment était organisé un tranvía a motor de sangre, avec son mayoral à l’avant, conduisant les chevaux et son conductor, à l’arrière, armé de son cornetín.

Cornetín 1950-07-28 Nelly Omar con el conjunto de guitarras de Roberto Grela.

Après une courte intro sur un rythme à trois temps, Nelly Omar chante sur un rythme d’habanera. Le résultat est très sympa, l’équilibre entre la voix de Nelly et la guitare de Roberto Grela et ses fioritures est agréable.

  • Je vous dispense de la version de De Angelis de 1976…

Autres titres parlant du tranvía

El cochero del tranvía 1908 Los Gobbi (Alfredo Gobbi y Flora Gobbi) – Ángel Gregorio Villoldo (MyL).

Le son est pénible à écouter, c’est un des tout premiers enregistrements et c’est plus un dialogue qu’une chanson. C’est pour l’intérêt historique, je ne vous en voudrai pas si vous ne l’écoutez pas en entier.

El cornetín del tranvía 1938-06-09 – Orquesta Francisco Lomuto con Jorge Omar / Antonio Oscar Arona Letra : Armando Tagini. Une belle version de ce titre.
El mayoral 1946-04-24 (milonga candombe) — Orquesta Domingo Federico con Oscar Larroca.mp 3/José Vázquez Vigo Letra: Joaquín Gómez Bas.

Au début, les annonces du départ et le adios final, vraiment théâtral. Sans doute pas le meilleur de Larocca.

El mayoral del tranvía (milonga) 1946-04-26 Orquesta Alfredo De Angelis con Julio Martel / Francisco Laino; Carlos Mayel (MyL)
Milonga del mayoral 1953 – Orquesta Aníbal Troilo con Jorge Casal y Raúl Berón arrangements d’Astor Piazzolla/Aníbal Troilo Letra: Cátulo Castillo

Un tango qui est plus une nostalgie de l’époque des tranvías

En effet, les tranvías ont terminé leur carrière à Buenos Aires en 1962, soit environ un siècle après le début de l’aventure.

Tiempo de tranvías 1981-07-01 Orquesta Osvaldo Pugliese con Abel Córdoba / Raúl Miguel Garello Letra : Héctor Negro.

Un truc qui peut plaire à certains, mais qui n’a aucune chance de passer dans une de mes milongas. L’intro de 20 secondes, sifflée, est assez originale. On croirait du Morricone, mais dans le cas présent, c’est un tranvía, pas un train qui passe.

Tiempo de tranvías 2012 — Nelson Pino accompagnement musical Quinteto Néstor Vaz / Raúl Miguel Garello Letra : Héctor Negro.

Petits plus

« Los cocheros y mayorales ebrios, en servicio, serán castigados con una multa de cinco pesos moneda nacional, que se hará efectiva por medio de la empresa ». Les cochers et conducteurs (plus tard, on dira les

On appelle souvent les colectivos de Buenos Aires « Bondis ». Ce nom vient du nom brésilien des tramways, « Bonde ». Sans doute une autre preuve de la nostalgie du tranvía perdu.

Quelques sources

Tranvías a motor de sangre en la Boca (Puente Puyrredon)
Un des premiers tramways électriques à avoir une grille pour sauver les piétons qui seraient percutés par le tramway. Cette grille pouvait se relever à l’aide d’une chaîne dont l’extrémité est dans la cabine de conduite.
Motorman levant la rejilla 1948 (Document Archives générales de la nation Argentine)

5 Coches del Tranvía eléctrico de la calle Las Heras, doble pisos.

Coches del Tranvía eléctrico de la calle Las Heras, doble pisos.
Reconstitution du tranvía du film « Eclipse de sol », car il n’apparait pas en entier dans le film, car la scène est trop petite.
À l’époque de notre tango (ici en 1938, donc 3 ans avant), c’est ce type de tramway qui circule. on comprend la nostalgie des temps anciens.
Trafic compliqué sur la Plaza de Mayo en 1934. À l’arrière-plan, les colonnes de la cathédrale. Trois tranvías électriques essayent de se frayer un passage. On remarque la grille destinée à éviter aux piétons de passer sous le tramway en cas de collision.

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de Néstor Rodi

Alfredo De Angelis Letra : Carmelo Volpe

Le cono azul cache une histoire triste, mais vécue par des milliers de jeunes Françaises. Le tango du jour Bajo et cono azul a été enregistré par De Angelis et Floreal Ruiz, il y a exactement 80 ans, le 29 février 1944.

Comme il y a peu de 29 février, seulement les années bissextiles, on pouvait craindre qu’il soit difficile de trouver un enregistrement du jour. La richesse des enregistrements de tango, même si ce n’est qu’un faible pourcentage de ce qui a été joué permet de vous présenter cette perle.

Dedico esta nota a mi querida cuñada Marta cuyo cumpleaños es hoy.
Ella tiene suerte (o mala suerte) de cumplir solo cada cuatro años).

La triste histoire de Susú et autres grisettes

La France, et notamment Paris, a été un réservoir inépuisable de femmes pour l’Argentine et notamment Buenos Aires. De beaux Argentins faisaient de belles promesses aux belles Françaises. Ces dernières, à la recherche du soleil (celui du drapeau de Manuel Belgrano ou tout simplement celui du ciel austral), font leur maigre bagage et se retrouvent au sein du rêve portègne.
Las, là, les promesses se changent en trahison et les belles, dans le meilleur des cas deviennent « grisettes », à faire des œuvres de couture, mais beaucoup se retrouvent dans les bordels, à danser et à se livrer à d’autres activités usuelles dans ce genre d’endroit.
On imagine leur détresse. C’est ce qui est arrivé à la Susú de ce tango, comme à tant d’autres qui ont inspiré des dizaines de tangos émouvants.
Le point original de ce tango est que le narrateur connaissait et probablement aimait (il s’interroge sur ce point) Susú à Paris et qu’il l’a suivie quand elle est partie avec son « amour ».
Aujourd’hui, vingt ans et « un amour » plus tard, elle continue de danser, mais elle qui se rêvait papillon, s’est brûlé les ailes à la chaleur de la lumière du projecteur et pleure dans l’ombre du salon où s’écrit jour après jour son malheur.
Écoutons à présent ce thème qui unit Paris et le Cono sur (le cône du Sud), partie inférieure et triangulaire de l’Amérique latine.

Extrait musical

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) – Orquesta Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de Néstor Rodi.
L’introduction parlée dure 13 secondes…

Un certain nombre de tangos ont été enregistrés avec des paroles dites, généralement en début de musique. C’est le cas de ce tango ou ces glosas dites par Néstor Rodi dévoilent la tristesse du thème.
La musique de De Angelis est rythmée et tonique et la voix de Floreal Ruiz, est également bien marquée. Je ne sais pas si c’est pour cela qu’il a pris le surnom de Carlos Martel. C’était peut-être aussi en hommage au plus fameux des Carlos du tango.

Les paroles

Bajo el cono azul de luz
bailando está Susú
su danza nocturnal…
Sola, en medio del salón
se oprime el corazón
cansada de su mal…
Veinte años y un amor,
y luego la traición
de aquel que amó en París…
¡Mariposa que al querer llegar al sol
sólo encontró
la luz azul de un reflector!…

Bajo el cono azul
envuelta en el tul
gira tu silueta en el salón.
Y yo, desde aquí
como allá, en París,
Sueño igual que ayer, otra ilusión…
No sé si te amé…
Acaso lloré
cuando te alejaste con tu amor…
¡Triste recordar!
¡Sigue tu danzar!…
Yo era sólo un pobre soñador…

Bajo el cono azul de luz
no baila ya Susú
su danza nocturnal…
En las sombras del salón
solloza un corazón
su mal sentimental…
Veinte años y un amor,
que en alas de ilusión
la trajo de París…
¡Mariposa que al querer llegar al sol
sólo encontró
la luz de un reflector! …

Alfredo De Angelis Letra: Carmelo Volpe. La partie en italique n’est pas chantée par Floreal Ruiz. Il reprend pour terminer le refrain à partir de No sé si te amé…

La traduction des paroles

Les paroles sont intéressantes, mais sujettes à erreurs d’interprétation. J’ai donc décidé de faire une traduction en français. Avec la traduction automatique du site, vous l’aurez dans une éventuelle autre langue parmi les 50 possibles.

Sous le cône de lumière bleu, Susu danse sa danse nocturne…
Seule au milieu du salon, le cœur oppressé, fatiguée de son mal…
Vingt ans et un amour, et puis la trahison de celui qu’elle aimait à Paris…
Papillon qui veut atteindre le soleil ne trouve que la lumière bleue d’un projecteur !
(réflecteur, mais pour faire un cône de lumière il vaut mieux un projecteur…)

Sous le cône bleu, enveloppée de tulle, virevolte ta silhouette dans le salon.
Et moi, depuis ici comme là-bas, à Paris, je rêve comme hier, une autre illusion…
Je ne sais pas si je t’aimais…
J’ai peut-être pleuré quand tu es partie avec ton amour…
Triste souvenir !
Continue de danser ! …
Je n’étais qu’un pauvre rêveur…
 
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse nocturne…
Dans l’ombre du salon un cœur sanglote son mal d’amour…
Vingt ans et un amour, que sur les ailes de l’illusion il l’a amenée de Paris…
Papillon qui veut atteindre le soleil ne rencontre que la lumière d’un projecteur ! …

Autres tangos enregistrés un 29 février

De Angelis a enregistré le même jour Ya sé que siguen hablando avec le chanteur Julio Martel. Le même jour, Floreal ne pouvait donc pas prendre son pseudonyme de Carlos Martel, hein ?

Ya sé que siguen hablando 1944-02-29 – Alfredo De Angelis con Julio Martel. Enregistré le même jour que Bajo el Cono Azul.
Canaro 1956-02-29 – Florindo Sasone. Une version curieuse, à la fois pour le thème, enregistré pour la première par Canaro en 1915 (on n’est jamais si bien servi que par soi-même). C’est un mélange d’un des styles de Canaro et de Sasone, assez étonnant.
Lagrimas 1956-02-29 Florinda Sasone. Enregistré le même jour, ce tango est plus dans l’esprit pur Sasone avec les dings si caractéristiques qui ponctuent ses interprétations.
De qué podemos hablar 1956-02-29 – Orquesta Carlos Di Sarli con Argentino Ledesma. Ledesma, une des grandes voix du tango. Mais est-ce sa meilleure interprétation, je ne suis pas sûr.
Mala yerba 1956-02-29 (Valse) – Orquesta Carlos Di Sarli con Rodolfo Galé. Enregistré le même jour que De qué podemos hablar. Cette valse n’est pas la plus entraînante, notamment à cause de la prestation de Galé, qui chante magnifiquement, mais pas forcément idéalement pour la danse.
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse nocturne…
Dans l’ombre du salon un cœur sanglote son mal d’amour…

Ahora voy a tomar mate con yerba que no sea mala y con yuyos de sierras, y después a bailar el chamame qué estoy en la provincia de Corrientes. Qué la tristeza se va.

Et maintenant, je vais prendre un mate avec de la yerba qui ne soit pas mauvaise et des herbes de montagne. Ensuite, je vais danser le chamamé, car je suis dans la province de Corrientes, pour que la tristesse s’en aille.

El chamamé ya es Patrimonio Cultural Inmaterial de la Humanidad [Le chamame est désormais au Patrimoine Immatériel de l’Humanité (Unesco)]

No nos veremos más 1943-02-11 (Valse) – Orquesta Lucio Demare con Raúl Berón

Lucio Demare Letra: Julio Plácido Navarrine

Bésame otra vez Siento que después No nos veremos más.

Le tango du jour est une valse, nostalgique, mais entraînante dans cette version réalisée par Lucio Demare et Raúl Berón.
Elle a été enregistrée il y a 81 ans, le 11 février 1943.
Lucio Demare était pianiste et compositeur. On lui doit beaucoup de titres qu’il a lui-même interprétés, comme cette valse, mais aussi d’autres tangos à succès, comme Telón, Malena, Mañana zarpa un barco, Solamente ella et autres titres nostalgiques.

Extrait musical

No nos veremos más 1943-02-11 – Lucio Demare con Raúl Berón

L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.

Paroles

Saber partir
Con la sonrisa florecida.
Y ver morir
El sueño de toda la vida.
Ahogar la voz
Morder la angustia que nos hiere.
Después, adiós
Y el alma de un rosal que muere.

Bésame otra vez
Siento que después
No nos veremos más.
Se irá la cerrazón
Pero la ilusión
No vendrá jamás.
Sombra entre los dos
Que un dolor atroz
No torna claridad.
Amor que se abre en cruz
Al puñal de luz
De todas las estrellas.

Hoy por distinta huella
Nos echa la vida,
Amor que nunca olvida
No sabe llorar.
Bésame otra vez
Siento que después
No nos veremos más.
Se irá la cerrazón
Pero la ilusión
No vendrá jamás.

Lucio Demare Letra: Julio Plácido Navarrine

Traduction

Savoir partir avec un sourire fleuri et voir mourir le rêve de toute une vie.
Étouffer la voix, mordre l’angoisse qui nous blesse.
Puis, au revoir et l’âme d’un rosier se meure.
Embrasse-moi à nouveau, je sens que nous ne nous reverrons plus.
Les ténèbres disparaîtront, mais l’illusion ne viendra jamais.
Une ombre entre les deux qu’une douleur atroce ne transformera pas en clarté.
L’amour qui s’ouvre en croix au poignard de lumière de toutes les étoiles.
Aujourd’hui, la vie s’échappe par une empreinte différente, l’amour qui n’oublie jamais, ne sait pas pleurer.
Embrasse-moi à nouveau, je sens que nous ne nous reverrons plus.
Les ténèbres disparaîtront, mais l’illusion ne viendra jamais.

Autres enregistrements

Il existe une autre version, par Francisco Canaro et Roberto Maida (1935-12-03), dans un rythme beaucoup plus lent et majestueux, très différent de cette interprétation par Demare et Berón.
Signalons aussi l’enregistrement (1952-06-18) par Lucio Demare, au piano, solo de cette valse, dans le rythme lent de Canaro. Il enchaîne sur Mañanitas de Montmartre, une autre de ses compositions, dans cet enregistrement de 1952.
Comme Lucio Demare est le compositeur, il est possible qu’il l’ait conçue dans le rythme lent de 1935 et 1952 et que cette version de 1943 soit une adaptation au goût de l’époque, l’âge d’or du tango de danse.

No nos veremos más 1935-12-02 – Francisco Canaro et Roberto Maida.

C’est la première version. Cette version est empreinte de sonorité européenne. Ce que la présence de l’accordéon dans la partie B (à 19 s) souligne. Cette même partie B sera reprise par la trompette bouchée à 45 s. À 54 s, Roberto Maida chante la partie A, puis la B, puis de nouveau la A et la B. On remarquera les sonorités très particulières du violon et de la trompette à 1:50, cet assemblage rare et étonnant donne une dimension intéressante à cette interprétation. À 2:16 on remarquera le piano solo qui donne une respiration particulière à ce passage après les sonorités de la trompette associée au violon. Comme pour s’excuser de l’audace précédente. À 2:27 l’orchestre reprend brièvement la main pour proposer une fin de film de cinéma…

Cela n’est sans doute pas si étonnant si on considère que Demare à cette époque, faisait de la musique pour le cinéma en Espagne avec son trio et j’émets l’hypothèse que ce titre faisait partie du film, malheureusement perdu « Boliche » de Francisco Elías (1933). Comme on le sait, Canaro a repris de nombreuses musiques de film, pourquoi pas celle-ci ?

Affiches du film Boliche de Francisco Elias.
No nos veremos más 1943-02-11 – Lucio Demare con Raúl Berón. C’est notre valse du jour.
No nos veremos más 1946 – Trío Argentino (Irusta, Fugazot, Demare) y su Orquesta Típica Argentina.

Si mon hypothèse est exacte, ce serait une reprise, 13 ans plus tard, de la musique du film Boliche.

No nos veremos más – Mañanitas de Montmartre 1952-06-18 – Lucio Demare (piano).

Demare est un des rares chefs d’orchestre a avoir fait des enregistrements de son seul instrument. Il faut dire que le piano se prête assez bien à cet exercice.

No nos veremos más 2015 – Roulotte Tango con Gaspar Pocai.

Pour terminer avec cette version en valse créée par Lucio Demare, la proposition d’un orchestre français, Roulotte Tango avec la voix de Garpar Pocai.

Sous le même titre, on trouve une chanson de tango de Luis Stazo avec des paroles de Federico Silva qui a eu son petit succès en 1963, notamment par la version de Roberto Goyeneche avec l’accompagnement de Luis Stazo, Armando Cupo y Mario Monteleone.
On pourrait citer aussi celle de Maure, de la même année, ou celle de d’Arienzo avec Jorge Valdez. Avec mon célèbre esprit de contradiction, je vous propose d’écouter la version de De Angelis et Godoy…

No nos veremos más 1964-04 – Orquesta Alfredo De Angelis con Juan Carlos Godoy.

Comme les autres interprétations de ce titre, il s’agit d’une version de concert, pas de bal.

Amor que se abre en cruz al puñal de luz de todas las estrellas.