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Bailarín de contraseña – d’après un mural dans la rue Oruro, Buenos Aires.

Bailarín de contraseña 1945-08-27 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

On se plaint par­fois du prix des milon­gas et ce n’est pas nou­veau. Quand le démon du tan­go nous grig­note, il nous faut trou­ver des astuces pour pou­voir aller danser. C’est ce que nous con­te ce tan­go com­posé par Vic­tor Felice avec des paroles de Car­los Lucero. Nous ver­rons que cette thé­ma­tique n’est pas liée à la seule ville de Buenos Aires… Les paroles nous mon­trent aus­si le soin minu­tieux que met­taient les hommes de l’époque pour soign­er leur tenue avant d’aller à la milon­ga.

Extrait musical

Bailarín de contraseña - Ángel D'Agostino con Ángel Vargas Disque Victor. Disque 60-0768, Face A. Sur la face B, Pinta blanca (Mario Perini Letra : Cátulo Castillo) enregistré le même jour.
Bailarín de con­traseña — Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas Disque Vic­tor. Disque 60–0768, Face A. Sur la face B, Pin­ta blan­ca (Mario Peri­ni Letra : Cátu­lo Castil­lo) enreg­istré le même jour.
Bailarín de con­traseña 1945-08-27 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas

Vic­tor Felice, le com­pos­i­teur de ce tan­go, était depuis 1944 un des vio­lonistes de D’Agostino. Par­mi ses com­po­si­tions, sig­nalons “Yo soy de Par­que Patri­cios”, un autre grand suc­cès de D’Agostino et de Var­gas.

Paroles

Sába­do a la tarde, te planchás el tra­je
Te cortás el pelo, después te afeitás
Con bas­tante cre­ma te hacés dar masajes
Gom­i­na y colo­nia, luego te peinás

Lista tu figu­ra, lle­ga­da la noche
Te vestís ligero después de cenar
Con un cig­a­r­ril­lo pren­di­do en los labios
Sales de tu casa, te vas a bailar

Y al lle­gar al Sporti­vo
Con tu silue­ta ele­gante
Te detienes en la puer­ta
Con los aires de un doc­tor

Está aten­ta tu mira­da
Para ver si está el ami­go
Que anteay­er te prometiera
La entra­di­ta de favor

Y mien­tras vas esperan­do
Ya tenés todo planea­do
Si no aparece el ami­go
Te la sabes arreglar

Esperás el inter­va­lo
Y con tu cara risueña
Le pedís la con­traseña
A todo aquel que se va

Vic­tor Felice Letra: Car­los Lucero

Traduction libre

Le same­di après-midi, Tu repass­es ton cos­tume, tu te coupes les cheveux, puis tu te ras­es avec beau­coup de crème, tu te fais mass­er, gom­i­na et eau de Cologne, puis tu te peignes.
Ta sil­hou­ette est prête, à la tombée de la nuit, tu t’habilles légère­ment après le dîn­er, une cig­a­rette allumée aux lèvres, tu sors de la mai­son et tu vas danser.
Et lorsque tu arrives au Sporti­vo (Sporti­vo Tan­go Buenos Aires, un club de foot­ball, qui fut égale­ment un cen­tre impor­tant du tan­go), avec ta sil­hou­ette élé­gante, tu te postes à la porte avec des airs de doc­teur.
Ton regard est atten­tif pour voir si l’a­mi qui, avant-hier, t’a promis la petite entrée de faveur est là.
Et pen­dant que tu attends, tu as déjà tout prévu au cas où l’a­mi ne se présen­tait pas, tu sais te débrouiller.
Tu attends l’en­tracte et, avec ton vis­age souri­ant, tu deman­des le mot de passe à tous ceux qui s’en vont.

On notera que Var­gas chante deux fois le dernier cou­plet, ce qui met l’accent sur la récupéra­tion de la fameuse con­traseña.

Les systèmes de paiement et de gestion des entrées au bal

Les méth­odes de paiement sont inspirées de celles qui avaient cours en Europe. On pou­vait pay­er à l’entrée, être invité, méth­odes qui sont encore d’actualité aujourd’hui. Des méth­odes moins courantes étaient celle de la corde qui con­sis­tait à vider la salle en ten­dant une corde pour pouss­er les danseurs hors de la salle de danse pour les faire pay­er de nou­veau une péri­ode de danse.

Le jeton donnant accès au bal, ou à un nombre donné de danses

J'ai réalisé la photo de couverture à partir d'un mural de la calle Oruro. Une diagonale particulièrement riche en peintures murales. On y remarque le slogan pessimiste de Diecepolo et un jeton indiquant qu’il est valable pour une tanda de trois tangos. On remarque un cartel mentionnant Casimiro Aim, le danseur qui a fait approuver le tango par le pape de l’époque.
J’ai réal­isé la pho­to de cou­ver­ture à par­tir d’un mur­al de la calle Oruro. Une diag­o­nale par­ti­c­ulière­ment riche en pein­tures murales. On y remar­que le slo­gan pes­simiste de Diece­po­lo et un jeton indi­quant qu’il est val­able pour une tan­da de trois tan­gos. On remar­que un car­tel men­tion­nant Casimiro Aim, le danseur qui a fait approu­ver le tan­go par le pape de l’époque.

Le paiement se fai­sait de préférence au moyen de jetons (fichas). Ces jetons étaient achetés à l’entrée. Pour pou­voir par­ticiper à la péri­ode suiv­ante, il fal­lait donc don­ner son jeton (ou le présen­ter s’il était per­ma­nent) au pro­prié­taire du lieu ou à l’un de ses employés.

Dans le mur­al on voit que le jeton dess­iné don­nait droit à une tan­da de trois tan­gos.

Le jeton du mural de la calle Oruro indique une valeur de trois tangos… Il est de 1923.
Le jeton du mur­al de la calle Oruro indique une valeur de trois tan­gos… Il est de 1923.

On notera la men­tion de trois tan­gos. Cela peut faire penser au sys­tème actuel des tan­das. Cer­tains évo­quent que ces jetons pou­vait aus­si être util­isé pour danser avec un taxi dancer ou une pros­ti­tuée dans un bor­del. Ce n’est pas impos­si­ble…

Ce sys­tème de jeton exis­tait aus­si en Europe, en voici quelques exem­ples :

Ce système de jeton existait aussi en Europe, en voici quelques exemples :
Quelques exem­ples de jetons de danse. Un jeton de Buenos Aires (1880), Un jeton pour un événe­ment par­ti­c­uli­er à l’Opéra de Paris, le bal sud-améri­cain du 2 juin 1927. En bas, un du bal « à la Réu­nion » du 10 rue des Batig­nolles. Un jeton de bal alsa­cien de Mul­house et à droite, une pièce de mon­naie argen­tine de 5 pesos de 1913 et qui n’a plus cours aujourd’hui. Ce n’est pas un jeton de bal, mais je trou­vais amu­sant de présen­ter cette pièce ici.

Le bal sud-américain du 2 juin 1927 à l’Opéra de Paris

On con­naît l’importance de Paris dans l’histoire du tan­go. On voit que, dans cet événe­ment mondain de haute volée, l’Argentine est bien représen­tée, autour d’une pièce de théâtre rocam­bo­lesque avec ses gau­chos.
L’orchestre de Pizarro et des danseurs, donc Casimiro Ain sont au pro­gramme.
Je vous pro­pose quelques pages du pro­gramme.

Extrait du programme du Bal sud-américain à l'Opéra de Paris du 2 juin 1927. D’autres pages dans ce fichier PDF. Je compléterai les pages lors de mon prochain passage en France où j’ai le document complet…
Extrait du pro­gramme du Bal sud-améri­cain à l’Opéra de Paris du 2 juin 1927. D’autres pages dans ce fichi­er PDF. Je com­pléterai les pages lors de mon prochain pas­sage en France où j’ai le doc­u­ment com­plet…

Le système du mot de passe

Comme on l’a remar­qué au sujet de l’événement de l’Opéra de Paris, il peut y avoir des sor­ties et entrées en cours d’événement. Pour gér­er cela, une méth­ode est de don­ner à celui qui sort un mot de passe, la fameuse “con­traseña” que notre danseur cherche à obtenir auprès de per­son­nes qui sor­tent. Ce mot de passe peut bien sûr être sous la forme d’un de ces jetons ou tout autre sys­tème à la dis­cré­tion des organ­isa­teurs.

En Argen­tine, il est d’usage de pren­dre un tick­et à l’entrée dans un mag­a­sin ou une admin­is­tra­tion. Par­fois, une per­son­ne sort avant d’avoir été servie et son tick­et peut faire le bon­heur d’un arrivé récent qui se retrou­ve avec un numéro proche d’être appelé…

Cela peut faire un petit phénomène en chaine. Une per­son­ne donne son tick­et à une per­son­ne qui est plus loin dans la queue. Celle-ci se retrou­ve donc avec deux tick­ets. Une fois servie, elle peut don­ner son tick­et moins favor­able à un arrivant plus tardif qui se retrou­vera donc sur­classé. C’est un petit jeu sym­pa, au moins pour les gag­nants…

Un petit mot du “Sportivo Tango Buenos Aires”

Le bal où se rend le héros de ce tan­go se trou­vait au “Club Social y Sporti­vo Buenos Aires”. Ce club créé en 1910 et qui se des­ti­nait au foot­ball et à d’autres activ­ités n’existe plus. Il était, à son orig­ine, situé de l’autre côté du fameux pont de la Boca que con­nais­sent tous les touristes qui ont vis­ité la ville. Aujourd’hui, le lieu ne leur est pas for­cé­ment recom­mandé, même si la tra­ver­sée avec le pont trans­bor­deur est une activ­ité intéres­sante…

Il a ensuite rejoint l’autre rive, celle de Buenos Aires, cap­i­tale fédérale. Il se peut que le tan­go évoque cette époque où le club était renom­mé pour les événe­ments de tan­go qu’il organ­i­sait.

Sur le même thème

Je vous pro­pose mon arti­cle « Peut-on éviter que meure le tan­go ? » où je par­le un peu d’argent et de milon­ga…

Voilà, les amis. C’est tout pour aujourd’hui. Je vous souhaite de pou­voir tou­jours vous pro­cur­er une entrée dans les bals qui vous intéressent et que ceux-ci ne vous décevront pas.

Un bus de la ligne 23 en 2021. Colectivos, bondis de Buenos Aires

Colectivos, bondis de Buenos Aires

Les Portègnes appel­lent leurs bus, des colec­tivos et plus affectueuse­ment encore, des bondis.

Nos tan­gos du jour sont de sim­ples évo­ca­tions à l’occasion de la fer­me­ture d’une ligne que j’aimais bien. Voici donc quelques anec­dotes qui peu­vent intéress­er ou amuser les touristes qui décou­vrent cette mer­veilleuse ville de Buenos Aires.

Nous serons accom­pa­g­nés par deux tan­gos chan­sons dont vous trou­verez les paroles et leurs tra­duc­tions en fin d’article.

Pour commencer en musique

Ce ne sont pas des tan­gos de danse, mais ils évo­quent le colec­ti­vo. Je donne les paroles et leurs tra­duc­tions en fin d’article.

Tan­go del colec­ti­vo 1968-12-04 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Rober­to Goyeneche. Musique de Arman­do Pon­tier et paroles de Fed­eri­co Sil­va.
Se rechi­flo el colec­ti­vo 2013 — Hora­cio Fer­rer Acc. piano por Juan Trepi­ana. Musique de Osval­do Taran­ti­no et paroles de Hora­cio Fer­rer.

Un tout petit peu d’histoire

Si el tran­via (tramway) a don­né lieu à plus de paroles de tan­go que le colec­ti­vo, ce moyen de trans­port fait égale­ment par­tie de l’histoire de la ville. Les pre­miers trans­ports étaient tirés par des chevaux, ce qu’on appelle ici, « à moteur de sang », que ce soient les tramways ou les bus.

Si les tramways sont lente­ment passés à l’électricité, l’apparition du moteur saluée par les défenseurs des ani­maux a apporté son lot de bruit et de pol­lu­tion à la ville.

Aujourd’hui, à toute heure du jour et de la nuit, des bus cir­cu­lent. Cer­tains com­men­cent à expéri­menter l’énergie élec­trique, mais d’autres dis­parais­sent.

Payer son billet, une aventure

Une machine distributrice de tickets. Le chauffeur donnait le ticket correspondant à la distance à parcourir.
Une machine dis­trib­utrice de tick­ets. Le chauf­feur don­nait le tick­et cor­re­spon­dant à la dis­tance à par­courir.

Jusque dans les années 90, le chauf­feur fai­sait pay­er chaque pas­sager. Il lui remet­tait un tick­et en échange. Cette façon de procéder avait plusieurs incon­vénients :

  • C’était rel­a­tive­ment lent. Le chauf­feur devait ren­dre le change et comme il ten­tait de faire cela en roulant, c’était donc égale­ment dan­gereux et il y avait régulière­ment des acci­dents pour cette rai­son.
  • Il était ten­tant pour les malan­drins d’attaquer les chauf­feurs pour récupér­er les pièces.
En 1967, Elena Konovaluk a été la première conductrice de colectivo. (ligne 310 puis 9) On imagine la difficulté de distribuer les tickets et de conduire en même temps.
En 1967, Ele­na Kono­valuk a été la pre­mière con­duc­trice de colec­ti­vo. (ligne 310 puis 9) On imag­ine la dif­fi­culté de dis­tribuer les tick­ets et de con­duire en même temps.

Le 2 mai 1994, un nou­veau sys­tème est apparu. Un sys­tème semi-automa­tique. Il fal­lait don­ner sa des­ti­na­tion au chauf­feur. Celui-ci paramé­trait sur son pupitre le prix à pay­er et l’usager devait gliss­er les pièces cor­re­spon­dantes dans la machine.

Le type de machine apparu à partir de 1994. On indiquait la destination au chauffeur. Il programmait le prix et on devait verser les pièces correspondantes dans l'entonnoir du haut de la machine, puis récupérer le billet et sa monnaie.
Le type de machine apparu à par­tir de 1994. On indi­quait la des­ti­na­tion au chauf­feur. Il pro­gram­mait le prix et on devait vers­er les pièces cor­re­spon­dantes dans l’en­ton­noir du haut de la machine, puis récupér­er le bil­let et sa mon­naie.

Ce sys­tème n’était pas par­fait et, pour tout dire un peu com­pliqué dans la mesure où les pièces étaient rares et dif­fi­ciles à obtenir. Dans les com­merces, per­son­ne ne voulait se sépar­er de ses pré­cieuses pièces au point qu’ils fai­saient cadeau de quelques cen­times plutôt que de devoir ren­dre le change et se trou­ver dému­ni de pièces. Mon truc était d’aller au dépôt (ter­mi­nus) où ils échangeaient volon­tiers les bil­lets con­tre des pièces. Cer­tains essayaient d’attendrir le chauf­feur en ten­dant un bil­let, ce qui se ter­mi­nait soit par un pas­sage gra­tu­it, soit par une expul­sion du bus.

À par­tir de 2009, la SUBE a fait pro­gres­sive­ment son appari­tion. Sur les pre­mières lignes équipées, il suff­i­sait d’annoncer sa des­ti­na­tion au chauf­feur et de présen­ter la carte devant la machine, sans avoir à sor­tir de pièces. La SUBE fonc­tionne égale­ment pour le métro et pour le train de ban­lieue et dans cer­taines provinces d’Argentine. On peut aus­si emprunter avec une bicy­clette, c’est donc une carte très utile et une inno­va­tion intel­li­gente.

Une machine de validation de la carte SUBE (il en existe de nombreux modèles). Il suffit de la plaquer sur la zone dédiée pour que son solde soit débité du montant du trajet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réellement débité et le solde de la carte.
Une machine de val­i­da­tion de la carte SUBE (il en existe de nom­breux mod­èles). Il suf­fit de la pla­quer sur la zone dédiée pour que son sol­de soit débité du mon­tant du tra­jet. On peut lire sur l’afficheur le tarif, le prix réelle­ment débité et le sol­de de la carte.

Pour le chauf­feur, cela ne change rien au sys­tème de 1994, il doit tou­jours sélec­tion­ner le prix sur son pupitre (en fait la dis­tance, mais on en repar­lera). Pour l’usager ce sys­tème sem­ble par­fait.

Cepen­dant, il y a un petit point qu’il faut tenir en mémoire. Il faut charg­er sa carte SUBE et c’est là que le bât blesse. Pen­dant longtemps, cela pou­vait se faire dans les kiosques, qui sont nom­breux, puis les kiosques n’ont plus eu le droit de le faire et ce sont désor­mais les lieux de loterie qui per­me­t­tent de recharg­er la carte et ils sont moins nom­breux. On peut se faire avoir, car de nom­breux kiosques ont con­servé l’affichette SUBE et cer­tains con­tin­u­ent de ven­dre la carte vierge, mais pas la recharge…

Mais, trou­ver un point de recharge ne suf­fit pas, car il faut avoir la somme exacte que l’on souhaite dépos­er sur la carte. Si vous avez un gros bil­let, il fau­dra tout met­tre. Ah, non, ce n’est pas si sim­ple (je sais, je l’ai déjà écrit). Si le bil­let est trop gros, on va vous le refuser.

En effet, les lieux de vente ont des quo­tas. Ils ne peu­vent pas ven­dre plus que ce qui leur est autorisé. Les verse­ments max­i­mums sont donc lim­ités et, même avec cette pré­cau­tion, il arrive que le lieu ait atteint son quo­ta de la journée. Si c’est le cas, il fau­dra revenir le lende­main en espérant que ce ne soit pas le début d’un long week-end, une autre spé­cial­ité argen­tine qui fait que, si un jour férié tombe un dimanche, on le reporte au lun­di.

Il reste alors la pos­si­bil­ité d’aller dans une sta­tion de métro (Subte à ne pas con­fon­dre avec SUBE) ou de train. Là, deux pos­si­bil­ités s’offrent au voyageur, une machine ou un pré­posé, mais ce dernier est assez rarement dis­posé à recharg­er la carte.

Il y a une autre pos­si­bil­ité pour ceux qui ont un compte ban­caire argentin, la recharge en ligne. Il faut ensuite valid­er son sol­de sur une machine, par exem­ple dans une banque…

Pour en ter­min­er avec la SUBE sous forme de carte, sig­nalons la dif­fi­culté de l’obtenir, car il y a par­fois une pénurie. Mieux vaut ne pas la per­dre à ce moment.

Mais voyons main­tenant une autre inno­va­tion qui va dans le bon sens.

Depuis 2024, on peut payer à partir de son téléphone et de l'application SUBE. C'est sans doute un autre progrès.
Depuis 2024, on peut pay­er à par­tir de son télé­phone et de l’ap­pli­ca­tion SUBE. C’est sans doute un autre pro­grès.

Depuis 2024, on peut charg­er sa carte et la faire valid­er auprès du chauf­feur et même pay­er directe­ment depuis l’application SUBE sur son télé­phone. Cette dernière est une option un peu risquée dans la mesure où les vols sont tout de même assez fréquents, surtout aux abor­ds des portes, le mal­fai­teur sautant du bus et s’enfuyant à toutes jambes, à moins qu’il repère sim­ple­ment votre télé­phone pour le sub­tilis­er dis­crète­ment lors d’une petite bous­cu­lade en arrivant à un arrêt. Dans tous les cas, si vous tenez à votre télé­phone, évitez de l’utiliser près des portes.

Un pas en avant et deux pas en arrière ?

L’arrivée de la machine à pièces, puis de la SUBE et main­tenant de l’application facilite la vie des usagers. Cepen­dant, un autre dan­ger les guette ; la hausse des prix.

Le ser­vice de trans­port est assuré par des entre­pris­es privées, mais, comme c’est le gou­verne­ment de gauche de Cristi­na Fer­nan­dez qui l’a mis en place, les prix sont unifiés entre les com­pag­nies et les bil­lets sont sub­ven­tion­nés.

Le résul­tat a été un prix des trans­ports publics de voyageurs très raisonnable, même pour ceux, très nom­breux, qui vien­nent de province pour tra­vailler à la cap­i­tale fédérale et qui doivent pren­dre deux ou trois trans­ports (bus, métro, train).

Un petit rap­pel, Buenos Aires est une très grande province dont la cap­i­tale est La Pla­ta et la ville de Buenos Aires est une ville autonome, entourée par cette province sans en faire par­tie…

Ceux qu’on appellerait les ban­lieusards à Paris font sou­vent une à deux heures de tra­jet pour aller tra­vailler, ce qui est aggravé par le fait que nom­bre d’entre eux ont deux activ­ités pour join­dre les deux bouts.

Évo­quons main­tenant le pas en arrière. Fin 2023, un prési­dent d’extrême droite et lib­er­taire a été élu, Milei et sa tronçon­neuse. Pour lui, les sub­ven­tions sont un vol. Cha­cun doit pay­er ce qu’il utilise. Donc, les trans­ports, l’éducation, la médecine, les travaux publics ; le gaz, l’électricité et même les retraites sont con­sid­érés comme des domaines qui ne doivent plus être sub­ven­tion­nés, abondés.

Les prix de ces ser­vices explosent donc. On remar­quera toute­fois que, si Milei ne veut pas enten­dre par­ler de sub­ven­tion, il pro­pose tout de même aux plus rich­es qui ont leurs enfants dans les écoles privées des aides (ver­sées directe­ment aux écoles).

Pour les hôpi­taux publics, c’est une cat­a­stro­phe. Même les médecins doivent avoir deux métiers. Par exem­ple, hier, la télé présen­tait l’un deux qui com­plète ses revenus en tra­vail­lant pour Uber (un ser­vice de trans­port de per­son­nes assuré par des par­ti­c­uliers qui utilisent leur voiture per­son­nelle).

Pour revenir pro­gres­sive­ment à nos bus, les chauf­feurs assurent des ser­vices très longs pour gag­n­er plus, ce qui provoque des acci­dents. Si vous avez essayé de con­duire à Buenos Aires, imag­inez que vous le faites 12 heures de rang (suiv­ies de 12 heures de pause et avec un repos heb­do­madaire de 35 heures), avec une pause toi­lette en bout de ligne si vous n’êtes pas arrivé en retard, le tout au volant d’un gros machin d’apparence antédilu­vi­enne qui tourne qua­si­ment en per­ma­nence et dont beau­coup mérit­eraient une sérieuse révi­sion.

La semaine dernière, un ado­les­cent est tombé du bus, car la fenêtre a cédé. Et je ne vous par­le pas des bruits de freins, des portes qui fonc­tion­nent quand elles le déci­dent et des panach­es de fumées qu’émettent cer­tains des bondis. Alors, si un chauf­feur est un peu moins souri­ant, prenez sur vous et met­tez-vous à sa place (pas sur son siège, je par­le au fig­uré).

La fin des subventions aux transports en commun

Puisque les sub­ven­tions sont un vol fait aux rich­es qui n’utilisent pas les trans­ports publics au prof­it de ceux qui les utilisent, ces sub­ven­tions ont été très forte­ment dimin­uées et, par con­séquent, le prix du bil­let a explosé, comme d’ailleurs celui de la nour­ri­t­ure, mais sans doute pour d’autres raisons… La hausse des prix sur les pro­duits de base ignore les chiffres de l’inflation don­nés par le gou­verne­ment (moins de 2 % en mai). Seuls les pro­duits de luxe (voitures, télé­phones et autres biens de con­fort) voient effec­tive­ment leurs prix baiss­er, pas les légumes, la viande, les trans­ports, les médica­ments…

Voici donc un tableau reprenant le prix du tra­jet en bus, au moment de la prise de fonc­tion de Milei et à la date d’aujourd’hui.

Entre fin 2023, date d'arrivée du président Milei au pouvoir et aujourd'hui (fin juin 2025), le prix du billet a été multiplié par 8.
Entre fin 2023, date d’ar­rivée du prési­dent Milei au pou­voir et aujour­d’hui (fin juin 2025), le prix du bil­let a été mul­ti­plié par 8.

Ce tableau demande quelques expli­ca­tions. La colonne de gauche indique des dis­tances. Par exem­ple, 0 à 3 km, ce qui est en fait 1 à 30 pâtés de maisons (man­zana en espag­nol, bloc en anglais…). Un voy­age d’un kilo­mètre en décem­bre 2023 coû­tait donc 52,96 pesos, soit 0,06 euro (voir dans la par­tie droite du tableau, entourée de bleu). Le prix était donc très réduit, du moins pour un Européen ou un Améri­cain du Nord. Pour un Argentin qui avait moins de 200 € de revenus, c’était tout de même une somme, surtout pour ceux qui devaient pren­dre deux ou trois trans­ports pour aller tra­vailler. Les tar­ifs sont toute­fois un peu dégres­sifs si on utilise plusieurs bus dans une péri­ode de deux heures.

La diminu­tion dras­tique des sub­ven­tions aux entre­pris­es de trans­port imposée par le nou­veau gou­verne­ment fait que les prix ont énor­mé­ment aug­men­té. C’est le résul­tat de la logique qui veut que ceux qui utilisent les trans­ports en com­mun doivent en pay­er le coût, pas ceux qui roulent en taxi ou dans des voitures par­ti­c­ulières.

Pour revenir à l’étude du tableau, on observe deux nou­velles caté­gories « util­isa­teurs enreg­istrés » et « util­isa­teurs non enreg­istrés ». Cette dis­tinc­tion per­met deux choses :

  • Suiv­re les déplace­ments des util­isa­teurs. Chaque carte enreg­istrée est asso­ciée au doc­u­ment d’identité du pos­sesseur. Cela per­met de con­naître mieux les déplace­ments de cha­cun.
  • Les sub­ven­tions ont été forte­ment dimin­uées, ce qui explique en grande par­tie la hausse des prix. Les sub­ven­tions sont totale­ment sup­primées pour les util­isa­teurs qui ne sont pas enreg­istrés selon la logique ; s’ils ne sont pas enreg­istrés, c’est qu’ils veu­lent cacher leurs déplace­ments ou qu’ils sont étrangers et que, par con­séquent, les Argentins « de bien » n’ont pas à pay­er pour eux.

Nous avons évo­qué à pro­pos de l’anecdote Bailarín de con­traseña, le fait que cer­taines milon­gas fai­saient pay­er moins chers les autochtones, cela peut donc se com­pren­dre. D’ailleurs, en Europe, on fait pay­er une taxe par nuitée aux gens de pas­sage.

L’augmentation en un an et demi est donc d’environ 800 % pour un Argentin enreg­istré. Pour ceux qui ne le sont pas, c’est une aug­men­ta­tion de presque 13 fois. Cela com­mence à faire. Cer­tains ban­lieusards ont aban­don­né leur tra­vail, pass­er la moitié de la journée à tra­vailler pour gag­n­er à peine le prix du tra­jet aller-retour n’était plus rentable.

Cepen­dant, pour un Européen qui utilise l’Euro, la baisse de valeur du Peso argentin fait qu’au final, l’augmentation est un peu inférieure à 9 fois et pour un étranger qui a une carte SUBE enreg­istrée ou tout sim­ple­ment anci­enne, c’est seule­ment 5,5 fois. Quand on con­naît le prix des trans­ports à Paris, cela reste très, très mod­este, alors, ne râlez pas…

Un adieu à la ligne 23 ?

Le AD 706 SU qui a assuré le service de la ligne 23 jusqu'en… 2023. C’est aussi la vedette de l’image de couverture de cet article.
Le AD 706 SU qui a assuré le ser­vice de la ligne 23 jusqu’en… 2023. C’est aus­si la vedette de l’image de cou­ver­ture de cet arti­cle.

Pour aller à Nue­vo Chique, j’étais habitué à pren­dre la ligne 23 qui était assurée par la société Trans­porte Rio Grande SA.C.I.F.

Cette ligne au moment de sa fer­me­ture (annon­cée ?), dimanche dernier, com­por­tait encore neuf véhicules.

Cinq bus de 25 places assis­es datant de 2019 AD 672 OW/AD 672 PF/AD 672 PD/AD 672 PG et AD 882 PX.

Un bus de 35 places datant de 2023 AF 957 UO.

Et trois bus de 35 places datant de 2024 AG 708 WP/AG 835 IX et AG 946 ZZ.

Dimanche dernier cette ligne a cessé son activ­ité :

Vidéo réal­isée par un des derniers util­isa­teurs de la ligne.

La ligne, tout au moins le ser­vice qu’elle assur­ait, va-t-il com­plète­ment dis­paraître ? Il est dif­fi­cile de le dire. Lors de la sup­pres­sion de la ligne 5, la ligne 8 a pris le relai en créant un « ramal » (branche) sup­plé­men­taire. Ces branch­es sont un autre piège pour ceux qui ne sont pas habitués. Il faut regarder le numéro du bus, mais aus­si la pan­car­te qui indique la branche qui va être pra­tiquée. Si vous ne le faites pas, vous risquez de vous retrou­ver bien loin de la des­ti­na­tion espérée, notam­ment si vous vous ren­dez dans la province. De même, si vous prenez un omnibus au lieu d’un semi-rapi­de, vous risquez de pass­er beau­coup plus de temps dans le bus que néces­saire lorsque vous faites une longue dis­tance en ban­lieue.

Hier, pour aller à Nuevo Chique, j'ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une étiquette indiquant qu'il assurait en fait le service de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu attentifs… J’ai juste eu le temps de prendre une photo en en descendant, au moment où il redémarrait.
Hier, pour aller à Nue­vo Chique, j’ai pris ce bus. Un numéro 115, mais avec une éti­quette indi­quant qu’il assur­ait en fait le ser­vice de la ligne 23. Encore un piège pour ceux qui sont peu atten­tifs… J’ai juste eu le temps de pren­dre une pho­to en en descen­dant, au moment où il redé­mar­rait.

Donc, en atten­dant, il sem­blerait qu’il faille pren­dre le 115 qui porte une pan­car­te indi­quant qu’il fait le ser­vice du 23. Cepen­dant, s’il y avait 9 bus en cir­cu­la­tion pour la ligne 23, il sem­blerait que ce soit bien plus réduit pour cette nou­velle ligne, déjà que le 115 n’est pas un des plus four­nis (c’est un des bus que je prends pour aller à El Beso…).

Une actualisation sur la ligne 23

Il con­tin­ue de pass­er des bus verts 23. Selon les chauf­feurs inter­rogés, la com­pag­nie est en fail­lite (quiebra) et con­tin­ue sur son rythme de tan­go hési­tant et lent, un pas en avant et un pas en arrière.

Petit problème mathématique

Voici le trajet qui était effectué par la ligne 23 entre Villa Soldati (en bas) et Retiro (en haut). Environ 12 km.
Voici le tra­jet qui était effec­tué par la ligne 23 entre Vil­la Sol­dati (en bas) et Retiro (en haut). Env­i­ron 12 km.

Il y avait 9 bus en cir­cu­la­tion pour effectuer les 12 kilo­mètres de la ligne. Les horaires indi­quant un temps de par­cours de 50 min­utes et les chauf­feurs avaient 10 min­utes de repos aux deux extrémités. Ce n’était plus tout à fait vrai pour Sol­dati, le ter­mi­nus y était tou­jours, mais les chauf­feurs, depuis le 5 mai (2025) pre­naient leur ser­vice à Lugano (tiens, c’est juste­ment à côté du départ de la ligne 115…).

  • Pre­mière ques­tion : Quelle est la vitesse de cir­cu­la­tion moyenne ?
  • Deux­ième ques­tion : Quel est le temps moyen d’attente entre chaque bus si on con­sid­ère que les 9 étaient en ser­vice et qu’ils étaient espacés régulière­ment.

Pour la réponse, retournez l’ordinateur…

Non, par­don, je plaisante, voici les répons­es :

  • 12 km en 50 min­utes, cela donne 14,4 km/h de moyenne. Ce n’est pas énorme, mais il passe par moment dans des dédales un peu com­pliqués.
  • Pour la sec­onde réponse, je cherche la réponse tout en l’écrivant. Un bus part de Sol­dati et arrive 50 min­utes plus tard à Retiro. Il attend 10 min­utes et arrive donc de nou­veau à Sol­dati 100 min­utes après son départ où le chauf­feur prend de nou­veau 10 min­utes de pause. Ces 120 min­utes sont donc à divis­er par le nom­bre de bus, ce qui donne 120/9 = 13,33 min­utes, ce qui cor­re­spond assez bien au quart d’heure véri­fié à l’arrêt. Sur des lignes mieux rem­plies, on peut voir des bus cir­culer à bien plus grande fréquence et sou­vent des « trains » de deux ou trois bus qui se « suiv­ent », enfin, à la mode portègne, c’est-à-dire qu’ils se dépassent, se klax­on­nent, se redé­passent, se côtoient et dis­cu­tent aux feux rouges. Oui, désor­mais, la plu­part des bus s’arrêtent aux feux rouges, ce qui peut sur­pren­dre ceux qui étaient habitués à con­sid­ér­er qu’il s’agissait d’accessoires de déco­ra­tion. Ras­surez-vous, il reste les pan­neaux STOP (PARE) qui ne sont pas du tout respec­tés, ni par les bus, ni par les autres, d’ailleurs. C’est le plus incon­scient qui passe le pre­mier et ce n’est pas tou­jours le bus qui gagne.

Se repérer pour prendre le bon bus

Avant l’arrivée des appli­ca­tions sur télé­phone, il y avait dans les annu­aires télé­phoniques des plans de Buenos Aires quadrillés, avec le nord en bas (donc à l’inverse des cartes habituelles). Dans chaque case numérotée, comme pour la bataille navale, il y avait des arrêts de bus. Ces derniers n’étaient pas indiqués sur le plan, mais listés dans la légende. Par exem­ple, dans la case B5,il y avait un arrêt des bus 12, 8, 48, 96. Avec cette indi­ca­tion approx­i­ma­tive, il fal­lait faire preuve de logique. Les rues étant générale­ment à sens unique, si on voulait aller vers le sud (le haut de la carte), il con­ve­nait d’identifier une rue qui avait le sens de cir­cu­la­tion vers le sud.

Ce n’était pas for­cé­ment sim­ple et la dif­fi­culté était ren­for­cé par le fait que le point d’arrêt n’était mar­qué que par un numéro sur la façade d’un immeu­ble, un petit auto­col­lant sur un poteau, voire, par rien du tout. Il fal­lait donc sou­vent deman­der où était l’emplacement de l’arrêt quand on s’aventurait dans un quarti­er moins con­nu.

L’autre jeu qui com­plique les choses est que les chauf­feurs font preuve de créa­tiv­ité et il est fréquent de voir des bus en maraude. Par­fois, c’est jus­ti­fié par une route coupée, mais à d’autres moments, c’est pour gag­n­er du temps. Par exem­ple le 115 évite sou­vent de s’engager dans Bar­tolomé Mitre (la rue encom­brée par des étals, des véhicules mal garés et des bou­tiques de tis­sus) pour rejoin­dre directe­ment Cor­ri­entes par Pueyrredón. Ce n’est pas trop grave pour ceux qui sont dans le bus, mais peut-être moins drôle pour ceux qui atten­dent le bus dans cette zone où il ne passera pas.

Faut-il rajouter des trucs ?

Ce court arti­cle, très impar­fait, ne donne qu’un mai­gre aperçu de toutes les sub­til­ités qu’il faut con­naître pour bien voy­ager en bus. Il vous fau­dra faire votre expéri­ence, en vous repérant dans la ville, ce qui est bien plus facile que dans une ville Européenne pour savoir où deman­der l’arrêt en appuyant sur le bou­ton con­cerné, cepen­dant, la plu­part des chauf­feurs sont prêts à vous aider et peu­vent même vous rap­pel­er le moment de descen­dre.

En atten­dant, voici quelques trucs, en vrac.

Si vous n’avez pas une for­ma­tion d’alpiniste chevron­né, évitez de descen­dre par la porte arrière de cer­tains bus dont la marche inférieure est à une hau­teur encore ver­tig­ineuse. Cepen­dant, la plu­part de bus ont un accès et des places pour les fau­teuils roulants.

Pensez à regarder vers l’arrière du bus au moment d’en descen­dre, car ils s’arrêtent rarement au bord du trot­toir, notam­ment car les arrêts de bus sont sou­vent con­sid­érés comme des places de sta­tion­nement par les auto­mo­bilistes. Il se peut donc qu’au moment de descen­dre, une moto décide de pass­er à toute vitesse par la droite du bus. C’est mieux de la voir venir et de retarder de quelques frac­tions de sec­onde le saut depuis le bus. Aus­si, pour cette rai­son, des per­son­nes ren­con­trant des dif­fi­cultés à marcher deman­dent au chauf­feur de sor­tir par l’avant, ils se sen­tent plus en sécu­rité. Cette habi­tude va sans doute s’atténuer, car désor­mais, les bus s’arrêtent com­plète­ment pour pren­dre et dépos­er les pas­sagers. Ils ne doivent plus ouvrir les portes lorsque le bus est en mou­ve­ment. Je sais, le folk­lore perd de sa saveur, c’était bien amu­sant de se fau­fil­er entre les voitures en sta­tion­nement pour sauter dans un bus qui ne fai­sait que ralen­tir et de descen­dre en essayant de ne pas atter­rir dans une poubelle, un véhicule en sta­tion­nement (voire en marche) ou con­tre un de ces dia­boliques câbles en diag­o­nale qui sont ancrés au sol pour tenir je ne sais quel poteau et qui sont peu vis­i­bles de nuit, même quand ils sont recou­verts d’une gaine jaune.

Voici une autre curiosité. Il y a désor­mais de nom­breux arrêts qui dis­posent d’un abribus. N’imaginez pas qu’il est là pour vous per­me­t­tre d’attendre le bus. En effet, la queue se fait par rap­port au poteau et donc, les gens sont à la file, face à l’arrivée poten­tielle du bus et donc tous, hors de l’édicule… Cepen­dant, les Argentins sont très respectueux. Si vous êtes arrivés le pre­mier (ce qui veut dire que vous venez de rater le bus précé­dent), vous pou­vez prof­iter du banc de l’arrêt de bus. Le pre­mier au poteau vous lais­sera pass­er sans dis­cuter. D’ailleurs, il n’y a pas de lutte à l’entrée, très sou­vent un pas­sager plus avant dans la file vous laisse pass­er.

Atten­tion, utilis­er le banc est aus­si un piège, car, si le bus qui arrive n’a pas à s’arrêter pour dépos­er un pas­sager, il passera sans vous pren­dre en compte. Dans la pra­tique, il faut donc s’assurer qu’il y a quelqu’un qui veut pren­dre le même bus afin de prof­iter en toute tran­quil­lité de ce siège. Cela peut sem­bler éton­nant, car on peut imag­in­er voir le bus arriv­er de loin. Hélas, non, car les véhicules en sta­tion­nement coupent toute vis­i­bil­ité à ceux qui sont assis et même sou­vent à ceux qui sont debout et à tous les arrêts, vous ver­rez des intrépi­des se lancer au milieu de la rue pour voir si le bus arrive au loin.

Pour être effi­cace à ce jeu, il faut avoir une bonne vue et s’aider du code de couleurs (le bus 23 était vert, le 115 est rouge, d’autres sont bleus ou jaunes).

Vous devez lever de façon très vis­i­ble le bras pour inciter le con­duc­teur à s’arrêter. Si le feu est au vert, il arrive qu’il ne s’arrête pas pour en prof­iter. Il s’arrêtera de l’autre côté du car­refour pour dépos­er les pas­sagers qui voulaient descen­dre et vous, vous devrez atten­dre le prochain. Le prochain peut être une autre ligne qui passe aus­si par votre point d’arrivée. Cepen­dant, l’arrêt de cette autre ligne peut-être à une dizaine de mètres. Si le chauf­feur de l’autre ligne se rend compte que vous venez de l’arrêt du con­cur­rent, il y a fort à pari­er qu’il ne s’arrêtera pas. Vous devez être à l’arrêt quand il vous voit. Quand l’arrêt est situé à un feu rouge, il arrive qu’on arrive à atten­drir le chauf­feur, qui prend toute­fois le temps de ter­min­er un truc impor­tant sur son télé­phone portable avant de vous ouvrir la porte. Cela ne lui coûte rien, puisque le feu l’a juste empêché de repar­tir, mais c’est le prix à pay­er pour la faveur qu’il vous fait.

Une fois dans le bus, il peut être agréable de trou­ver une place assise. Il y a des places réservées aux per­son­nes qui en ont besoin et c’est plutôt bien respec­té. En revanche, pour les autres places, c’est le pre­mier qui la prend. Celles près des portes sont exposées au vol à la tire. Cer­taines sont dos à la route, ce qui est désagréable pour les per­son­nes sujettes au mal de mer. Rap­pelez-vous que le bus se déplace comme un esquif pris dans une tem­pête. Il faut donc avoir le cœur bien accroché et être très bien accroché quand on est debout.

Il y a des cein­tures de sécu­rité pour les places situées totale­ment à l’arrière, face au couloir. Même si presque per­son­ne ne les utilise, elles peu­vent vous éviter de tra­vers­er à plat ven­tre tout le bus lors d’un freinage bru­tal ou d’un acci­dent.

On notera que, pour agré­menter la chute, la plu­part des bus ont un escalier dans la par­tie arrière, ce qui ajoute au plaisir de l’expérience.

Voilà, j’espère que je vous ai don­né envie de pren­dre le colec­ti­vo de Buenos Aires, que je ne vous ai pas trop refroidis, je laisse cela aux soins de la clim à fond ou un coup de chaleur, ce que je laisse aux soins de la clim en panne ou absente.

Cer­taines lignes ont des décors sur­prenants avec des ten­tures, des filetea­d­os, d’autres sont plus sobres. Les sièges des con­duc­teurs sont sou­vent faits de fil ten­du entre deux bar­res de métal, je n’envie pas du tout ces valeureux chauf­feurs et leurs con­di­tions de tra­vail effroy­ables. Je plains égale­ment les ban­lieusards qui restent sou­vent une heure debout dans des bus bondés après avoir atten­du dans une queue de 50 mètres de long.

Pour toutes ces raisons, les rich­es pren­nent leur voiture, un Uber, et à la lim­ite, un taxi et ne s’aventurent jamais dans les bus ni dans le métro. Pour cette rai­son, ils ne com­pren­nent sans doute pas pourquoi on sub­ven­tion­nerait ces moyens de trans­port alors qu’eux, ils payent leur ser­vice.

Il y aurait sans doute à dire sur l’esclavage des taxis et des chauf­feurs Uber, mais ce sera pour une autre fois si vous le voulez bien.

À bien­tôt les amis, mais en guise de cadeau, voici les paroles des deux tan­gos évo­qués et leur tra­duc­tion.

Paroles de Tango del colectivo

Aho­ra es ‘Cin­ta Scotch’
En vez de cua­tro chinch­es
Porque la vida pasa…
El tiem­po cam­bia.
Pero siem­pre Gardel,
Son­risa, esmo­quin
Gardel y los mucha­chos…
Esos mucha­chos…
Que son de algu­na for­ma
Iguales a la rubia,
De los tex­tos abier­tos
Y los ojos cer­ra­dos.

Se sube en la primera
Cor­rién­dose hacia el fon­do,
Y empu­ja cuan­do baja
Como toda la gente.
Las manos
Ya cansadas de apre­tar
La bron­ca…
De pedir sin que te den,
Y al fin perder las cosas
Que te impor­tan.

Las cosas de ver­dad que tan­to impor­tan,
El sol sobre los ojos me hace mal,
Por eso es que me has vis­to lagrimear
No ves la ciu­dad viene y se va,
Y las veredas son de todos
Como el pan.
Arman­do Pon­tier (Arman­do Fran­cis­co Pun­turero) Letra: Fed­eri­co Sil­va (René Fed­eri­co Sil­va Iraluz)

Traduction de Tango del colectivo

Main­tenant, c’est du « ruban adhésif scotch » au lieu de qua­tre punais­es (les chinch­es sont les punais­es de lit et on con­sid­érait que s’il y en avait 4 par mètre car­ré, il fal­lait pren­dre des mesures. Mais en lun­far­do, les chinch­es sont des per­son­nes qui dérangent, voire qui ont une mal­adie vénéri­enne, j’avoue ne pas savoir quelle sig­ni­fi­ca­tion don­ner à ces 4 punais­es), parce que la vie passe…
Les temps changent.
Mais tou­jours Gardel, a le sourire, le smok­ing Gardel et les garçons (mucha­chos, peut-être ceux à qui il a dit adieu dans sa chan­son adios mucha­chos, un titre de Julio César Sanders avec des paroles de César Felipe Vedani qu’ont enreg­istré Agustín Mag­a­l­di, Igna­cio Corsi­ni et finale­ment Car­los Gardel à París, ce qui a con­sacré le titre).
Ces gars-là…
Qui sont d’une cer­taine façon comme la blonde, avec les textes ouverts et les yeux fer­més (ici, c’est un jeu de mot entre les textes ouverts qui sont des textes ouverts à plusieurs inter­pré­ta­tions, à dou­ble sens, ces textes qui pul­lu­lent aux épo­ques de cen­sure, dans la tra­di­tion d’Ésope ou de Jean de la Fontaine. Dans le cas con­traire, on par­le de textes fer­més, mais là, ce sont les yeux qui sont fer­més).
Il grimpe le pre­mier (dans le bus) en courant vers le fond, et pousse quand il descend comme tout le monde. (Cette par­tie du texte évoque donc le colec­ti­vo et jus­ti­fie le titre, mais c’est bien sûr, une allé­gorie des pra­tiques de cer­tains…).
Les mains déjà fatiguées de ser­rer la colère…
De deman­der sans qu’on vous le donne, et à la fin de per­dre les choses qui comptent pour vous (sans doute une évo­ca­tion du poing fer­mé, geste des humil­iés qui récla­ment de quoi vivre, un sym­bole tant d’actualité en Argen­tine aujourd’hui au moment où y renait la dic­tature).
Les vraies choses qui comptent tant, le soleil me fait mal aux yeux, c’est pour cela que vous m’avez vu pleur­er, tu ne vois pas la ville aller et venir, et les trot­toirs appar­ti­en­nent à tout le monde comme le pain.

Paroles de Se rechiflo el colectivo

Se rechi­fló el colec­ti­vo que tomé para tu casa
yo vi que el colec­tivero, por San­di­a­blo, bocin­a­ba
raros tan­gos que Alfon­si­na con Ray Brad­bury bail­a­ba
sobre el capó entre un tumul­to de camelias y galax­i­as
y perdió, de tum­bo en tum­bo, la vergüen­za y las fre­nadas.
Y voló al din­tel del sueño donde está mi noche bra­va.
Se rechi­fló, pero a muerte, porque al ir para tu casa,
supo que vos me querías con reloj, suel­do y cor­ba­ta

¡Qué ton­ta… pero qué ton­ta!

¡A mí, que un lás­er de ver­sos me calien­ta has­ta la bar­ba!
y car­go al hom­bro mi tum­ba para morir de amor
¡Mañana!…
y Chopín y Alfre­do Gob­bi pobres como las arañas,
en mi bulín la for­tu­na de sus penas, me regala.

Se negó a lle­varme a vos, colec­ti­vo de mi alma,
en las tor­res de Retiro se embaló por las fachadas
y de un puente de alboro­to cayó al Río de la Pla­ta,
cuan­do mi río es mis tri­pas y es mi vino y es mi magia.

Se rechi­fló el colec­ti­vo que tomé para tu casa:
y en el techo yo reía y en la glo­ria te gri­ta­ba:
¡Se rechi­fló… pobre de vos!
¡Se rechi­fló… gra­cias a Dios!
Osval­do Taran­ti­no Letra: Hora­cio Fer­rer

Traduction de Se rechiflo el colectivo

Il serait très pré­ten­tieux de ma part d’essayer de retran­scrire la poésie de Fer­rer. Cette tra­duc­tion est donc plus un guide pour aigu­iller dans la direc­tion, mais vous devrez faire le par­cours poé­tique vous-même.

Le bus que j’ai pris pour ren­tr­er chez toi s’est moqué. J’ai vu que le chauf­feur, par San­di­a­blo (Saint Dia­ble est un oxy­more inven­té par Fer­rer pour exprimer la folie), klax­on­nait d’é­tranges tan­gos qu’Al­fon­si­na (Alfon­si­na Storni qui s’est sui­cidée en se jetant à la mer à Mar de Pla­ta, comme dans un de ses poèmes, et qui a don­né lieu à la mer­veilleuse zam­ba, Alfon­si­na y el mar immor­tal­isée par Mer­cedes Sosa) avec Ray Brad­bury (c’est bien sûr l’auteur de Fahrein­heit 451, qui évoque la destruc­tion des livres, dans la droite lignée de ce que font les régimes fas­cistes comme la dic­tature mil­i­taire argen­tine de l’époque, ou l’actuelle ou les par­ti­sans de Milei brû­lent des livres qu’ils croient per­ni­cieux faute de les avoir lus) dan­sait sur le capot (une est morte noyée et l’autre par­le d’un pom­pi­er et de feu, le sym­bole de Fer­rer est fort) au milieu d’un tumulte de camélias et de galax­ies et per­dait, de cul­bute en cul­bute, la honte et les freins.
Et il s’en­vola vers le lin­teau du som­meil où se trou­ve ma folle nuit.
Il s’est moqué, mais à mort, parce que, lorsqu’il s’est arrêté chez toi, il savait que tu m’aimais avec une mon­tre, un salaire et une cra­vate.
Quelle idiote, mais quelle idiote !
Pour moi, qu’un laser de vers me réchauffe jusqu’à la barbe !
Et je charge sur mes épaules ma tombe pour mourir d’amour
Demain !…
Et Chopin et Alfre­do Gob­bi, pau­vres comme les araignées, dans ma cham­brette m’offrent la for­tune de leurs cha­grins.
Il a refusé de me con­duire à toi, le colec­ti­vo de mon âme, dans les tours de Retiro (sta­tion de train, où allait juste­ment le bus 23…), il a chargé à tra­vers les façades et d’un pont de tumulte (émeute) il est tombé dans le Río de la Pla­ta, quand mon fleuve est mes tripes et qu’il est mon vin et qu’il est ma magie.
Le bus que j’ai pris pour aller chez toi s’est moqué :
Et sur le toit, je riais et, dans la gloire, je te cri­ais :
Il s’est moqué… Pau­vre de toi !
Il s’est moqué… Dieu mer­ci !

Sonorisation d'une milonga

Sonorisation d’une milonga

Comme DJ, on ren­con­tre une grande var­iété dans la qual­ité des sys­tèmes de sonori­sa­tion pro­posés par les organ­isa­teurs. Il me sem­ble que rap­pel­er quelques points peut être utile pour opti­miser l’équipement et amélior­er le con­fort des danseurs.

La sonori­sa­tion fait par­tie d’une chaîne qui va de la musique à dif­fuser, jusqu’à l’oreille de l’auditeur, danseur dans notre cas. Il con­vient donc de traiter cha­cun des points, car le plus faible mail­lon lim­ite la qual­ité de la chaîne en entier.

La musique

Si on ren­con­tre encore des musiques effroy­ables, notam­ment sur des ser­vices comme Spo­ti­fy ou YouTube, dans l’ensemble, la qual­ité a bien aug­men­té ces dernières années. Il est donc très impor­tant d’avoir de la bonne musique, mais je pars du principe que les organ­isa­teurs vont faire venir un bon DJ et que, donc, ce point est traité de façon sat­is­faisante. Voir l’article sur la musique trichée pour plus d’informations sur ce point.

L’ordinateur ou le matériel du DJ

Même si un phénomène de mode peut faire utilis­er des platines tourne-dis­ques, des lecteurs de CD ou de cas­settes, l’ordinateur est devenu la norme et, comme ses capac­ités sur­passent en tous points celles des autres sys­tèmes, il ne con­vient pas de faire de dif­férence à ce niveau de la chaîne. Ce qui sera bon pour l’ordinateur le sera égale­ment pour tous les autres matériels.

La carte son (DAC)

Cer­tains DJ, notam­ment ceux qui font des playlists à l’avance, utilisent le jack pour rac­corder leur ordi­na­teur à la sono. Cette organ­i­sa­tion est forte­ment décon­seil­lée, car elle ne per­met pas la préé­coute et donc, le DJ ne peut que suiv­re sa playlist en faisant d’éventuelles mod­i­fi­ca­tions dans l’ordre de ses tan­das ou en choi­sis­sant des tan­das toutes prêtes au lieu de les con­stru­ire sur mesure.

Il faut donc une carte son qui per­met d’avoir deux sources de dif­fu­sion. Une dirigée vers le casque (générale­ment la sor­tie jack de l’ordi) et une via la carte son qui ira vers la con­sole de mix­age.

Pour exploiter ce sys­tème, il faut un logi­ciel spé­ci­fique pour DJ qui per­met d’assigner des sor­ties dif­férentes pour la préé­coute et pour la dif­fu­sion, ou à la rigueur, deux logi­ciels con­fig­urés de façon dif­férente, mais c’est se com­pli­quer la vie.

Cer­tains dis­cu­tent de la qual­ité des dif­férents DAC, mais ce n’est pas si essen­tiel si on con­sid­ère les lim­ites de la musique que l’on passe en milon­ga. Bien sûr, le DJ qui veut le top pour­ra acquérir un équipement plus per­for­mant et il y aura de petites dif­férences, mais je pense que d’autres points sont à pren­dre en compte.

  1. La présence d’un bou­ton de réglage du vol­ume. Cela sem­ble tout bête, mais c’est plus sim­ple à faire sur le DAC que dans le logi­ciel. Tous les DAC n’en sont pas pourvus.
  2. Une sor­tie via deux XLR, deux jacks 6,35 ou à la rigueur au for­mat RCA (Cinch).
  3. Une entrée USB, prob­a­ble­ment USB‑C si on achète un matériel récent.
  4. Pren­dre un sys­tème qui se rac­corde par câble, plutôt qu’un sys­tème qui se branche, comme une clef USB, un faux mou­ve­ment pour­rait bris­er ce dis­posi­tif. En revanche, il est impor­tant de scotch­er tous les câbles au gaffeur pour éviter une coupure du son en cas de manip­u­la­tion mal­adroite pen­dant la milon­ga.
  5. Une entrée micro­phone peut être pra­tique, avec son réglage de vol­ume et une bal­ance entre le micro­phone et la musique.
Quatre DAC que j’utilise.
Qua­tre DAC que j’utilise.

J’utilise dif­férents sys­tèmes, mais le plus sou­vent un DAC Audi­ent iD4 qui est léger et de bonne qual­ité. Son gros bou­ton de vol­ume est pra­tique. J’ai enlevé le cabo­chon du bou­ton de mute pour éviter d’appuyer dessus par erreur durant la milon­ga. En cas de besoin, il suf­fit d’appuyer sur la par­tie qui reste avec le gras du doigt, mais je n’ai jamais eu à le faire.

Acheté à Buenos Aires, j’ai un MidiPlus Stu­dio M qui est plus léger que le Audi­ent, mais le bou­ton de vol­ume est petit et trop proche du bou­ton du vol­ume casque. Je le trou­ve donc moins pra­tique. Cepen­dant son poids peut être un élé­ment de choix et de plus, et il est disponible en Argen­tine à bon prix…

J’utilise aus­si un DAC Trak­tor Z1 qui a l’avantage d’avoir des bou­tons de réglage aigus, médi­ums et bass­es. Cela peut dépan­ner en l’absence de con­sole de mix­age. En revanche, il n’a pas d’entrée micro.

Même s’il est prévu pour le logi­ciel Trak­tor, on peut le con­fig­ur­er dans MIXXX, pour que le déplace­ment du curseur en butée change de morceau. C’est pra­tique pour ter­min­er la corti­na et enchaîn­er à l’intervalle souhaité les morceaux d’une tan­da. Cepen­dant, il est assez lourd et encom­brant et moins utile si on a une con­sole.

En sécu­rité, j’ai tou­jours de petits DAC, dans l’étui des casques audio, dans ceux des cartes sons) qui peu­vent me per­me­t­tre d’avoir un dépan­nage sans me sur­charg­er en avion avec un sec­ond DAC Adap­ta­teur de Prise de Casque USB C à 3,5 mm. https://amzn.to/4k7fRJb Je n’ai jamais eu à utilis­er en milon­ga, mais peut-être qu’un jour, en cas de panne du DAC prin­ci­pal, l’un d’eux me ren­dra ser­vice…

La console de mixage

Jusqu’à présent, on était dans le domaine du DJ. Ici, on est dans la tran­si­tion entre le DJ et le sonorisa­teur. Pour ma part, quand je le peux, j’apporte ma pro­pre con­sole (table de mix­age) et cela pour deux raisons. Celles qui sont pro­posées par les organ­isa­teurs ne sont pas tou­jours ter­ri­bles et j’aime tra­vailler avec une con­sole numérique, ce qui est rarement disponible en dehors des gros fes­ti­vals, et encore…

On trou­ve assez sou­vent ce type de con­sole analogique.

Cette petite console semble disposer de tout ce qui faut pour un DJ, entrée ligne, microphones, voire instruments complémentaires. Les trois réglages de tonalité permettent une intervention correcte sur le rendu.
Cette petite con­sole sem­ble dis­pos­er de tout ce qui faut pour un DJ, entrée ligne, micro­phones, voire instru­ments com­plé­men­taires. Les trois réglages de tonal­ité per­me­t­tent une inter­ven­tion cor­recte sur le ren­du.

La con­sole Behringer Qx1204Usb pour­rait être par­faite, si les ingénieurs de Behringer avaient prévu son util­i­sa­tion en carte son…

Les points forts :

  • Réglages tonal­ité 3 ban­des (aigus, médi­ums et bass­es). Cela ne vaut pas un semi-paramétrique ou un paramétrique, mais c’est mieux que rien. Pour le même prix, Yama­ha ne pro­pose que deux ban­des de con­trôle de tonal­ité.
  • Réglage du gain d’entrée.
  • Panoramique per­me­t­tant de dif­fuser le sig­nal en mono, ce qui est intéres­sant pour le bal.

Le point faible

  • Elle ne peut pas servir de carte son avec réglage de tonal­ité, car l’entrée USB ne sert que pour envoy­er le son directe­ment à la sor­tie. Il est donc impos­si­ble de régler le vol­ume ou la tonal­ité de l’entrée USB, ce qui la rend inutile pour un DJ de tan­go.
    Il y aurait peut-être une astuce con­sis­tant à ren­voy­er le sig­nal USB vers les con­necteurs 2‑track et, de là, branch­er une con­nex­ion vers les entrées des tranch­es nor­males, mais je n’ai pas testé. Si ça marche, cela évit­erait d’avoir à se trim­baler une carte son tout en ayant un con­trôle de vol­ume et de tonal­ité.
    Ce point faible reste à rel­a­tivis­er, il oblige seule­ment à avoir une carte son en plus. C’est juste dom­mage de ne pas avoir tout inté­gré…

Ce que devrait avoir une console a minima

  • Une entrée stéréo avec réglage vol­ume, con­trôle de tonal­ité et bal­ance gauche-droite.
  • Une entrée micro­phone

Ce que pourrait avoir une console de préférence

  • Une entrée USB per­me­t­tant de régler la tonal­ité, le vol­ume et la bal­ance. Cela per­met de se pass­er d’une carte son. C’est ce qui manque à la petite Behringer.

Ce que devrait avoir une console dans l’idéal

En plus des points précé­dents, la con­sole pour­rait dis­pos­er d’un égaliseur graphique, paramétrique ou semi-paramétrique. Toute­fois, si la con­sole dis­pose d’une sor­tie et entrée pour une boucle aux­il­i­aire, il est pos­si­ble d’avoir cet élé­ment séparé­ment.

  • L’égaliseur graphique est intéres­sant pour le réglage de la salle en per­me­t­tant de sup­primer les fréquences de réso­nance (modes pro­pres de la salle).
En général on utilise l’égaliseur graphique pour compenser les résonances propres du local. Par exemple, si la structure vibre à 300 Hz, on baissera en conséquence le curseur correspondant. En stéréo, il faut le faire sur les deux canaux.
En général on utilise l’égaliseur graphique pour com­penser les réso­nances pro­pres du local. Par exem­ple, si la struc­ture vibre à 300 Hz, on bais­sera en con­séquence le curseur cor­re­spon­dant. En stéréo, il faut le faire sur les deux canaux.
  • L’égaliseur paramétrique est lui plus util­isé pour cor­riger une musique à un moment don­né. Par exem­ple, un De Ange­lis dont les vio­lons sif­flent. On sélec­tionne la fréquence, par exem­ple, 4500 Hz et on dimin­ue le vol­ume de cette fréquence. Un égaliseur dis­posant du réglage de la fréquence d’action et du vol­ume de réglage de cette fréquence est dit semi-paramétrique.
  • Un égaliseur paramétrique dis­pose en plus du réglage de la pente de la courbe (fac­teur Q comme Qual­ité). Quand on baisse le vol­ume d’une fréquence, cela agit sur les fréquences voisines. En réglant le fac­teur Q, on peut choisir de baiss­er unique­ment cette fréquence ou une bande plus large. C’est très com­mode. On peut l’utiliser pour lim­iter le bruit de sur­face d’un disque avec une pente très ser­rée, pour ne pas détru­ire les fréquences voisines de la musique ou de façon plus large, pour enrichir, par exem­ple, les bass­es d’un morceau qui en manque.
Un égaliseur paramétrique permet de choisir une fréquence pour augmenter son volume ou le baisser. Un paramètre supplémentaire est la pente du filtre (Facteur Q). Une valeur élevée fait agir le volume sur une bande de fréquence très resserrée autour de celle réglée. Une valeur faible permet de moduler une zone de fréquence plus large. À gauche, il n’y a que deux réglages du facteur Q, étroit ou large). À droite, on peut le faire varier en continu.
Un égaliseur paramétrique per­met de choisir une fréquence pour aug­menter son vol­ume ou le baiss­er. Un paramètre sup­plé­men­taire est la pente du fil­tre (Fac­teur Q). Une valeur élevée fait agir le vol­ume sur une bande de fréquence très resser­rée autour de celle réglée. Une valeur faible per­met de mod­uler une zone de fréquence plus large. À gauche, il n’y a que deux réglages du fac­teur Q, étroit ou large). À droite, on peut le faire vari­er en con­tinu.

Les con­soles de moyenne gamme ont en général une seule fréquence en semi-paramétrique. D’autres en ont trois ou qua­tre, mais c’est moins intéres­sant pour nous, DJ de tan­go, car on a rarement besoin de régler plusieurs fréquences en même temps.

Toute­fois, une con­sole numérique apporte un grand con­fort d’utilisation, notam­ment avec l’affichage des fréquences de la musique qui est jouée.

Chaque cercle de couleur est un point de contrôle. On peut le placer vers le haut (augmenter le volume de sa fréquence) ou vers le bas. On peut choisir la pente, par exemple, pour modifier une fréquence très précise ou une plus grande partie du spectre sonore. On voit en gris sous la courbe, le spectrogramme (RTA) en temps réel de la musique.
Chaque cer­cle de couleur est un point de con­trôle. On peut le plac­er vers le haut (aug­menter le vol­ume de sa fréquence) ou vers le bas. On peut choisir la pente, par exem­ple, pour mod­i­fi­er une fréquence très pré­cise ou une plus grande par­tie du spec­tre sonore. On voit en gris sous la courbe, le spec­tro­gramme (RTA) en temps réel de la musique.

La con­sole SOUNDCRAFT UI12 est celle que j’utilise depuis plusieurs années qui me per­met à la fois de sonoris­er un petit orchestre ou plusieurs DJ (8 entrées) et de musi­calis­er de façon pré­cise en ajus­tant de façon visuelle les élé­ments de l’égaliseur paramétrique.

J’aime beaucoup ma console numérique SOUNDCRAFT UI12. Je l’associe parfois à un petit contrôleur midi Korg pour avoir un contrôle rapide sur le volume lors de mixages (en plus des contrôles par écran tactile).
J’aime beau­coup ma con­sole numérique SOUNDCRAFT UI12. Je l’associe par­fois à un petit con­trôleur midi Korg pour avoir un con­trôle rapi­de sur le vol­ume lors de mix­ages (en plus des con­trôles par écran tac­tile).

Les points forts :

  • Pos­si­bil­ité de régler les paramètres à dis­tance (Wi-Fi) afin de véri­fi­er que, sur la piste on a bien le son par­fait, car sou­vent l’emplacement du DJ ne per­met pas de pren­dre com­plète­ment con­science du son qu’ont les danseurs.
  • Présence de l’analyseur de spec­tre en temps réel. Un pic dans une fréquence est vis­i­ble et on peut le « tuer » en appli­quant un coup de son excel­lent égaliseur paramétrique, tout en voy­ant le résul­tat. Si on branche un micro de mesure, on peut aus­si analyser le ren­du dans la salle (il ne faut bien sûr pas rerouter ce micro vers la sor­tie prin­ci­pale…).

Les points faibles :

  • La con­sole ne dis­pose pas d’écran. Il faut donc utilis­er celui d’une tablette, d’un télé­phone (Wi-Fi) ou un ordi­na­teur. Le réglage sur un écran tac­tile est assez pra­tique, moins si on doit utilis­er une souris.
    J’utilise par­fois un con­trôleur midi Korg KOH Nanokon­trol2-WH, ce qui me per­met de régler facile­ment les dif­férents poten­tiomètres, comme sur une con­sole tra­di­tion­nelle.
  • C’est un peu lourd (ali­men­ta­tion séparée, éventuel con­trôleur midi, il faut un écran pour l’utiliser, donc a min­i­ma un télé­phone, mieux une tablette ou, dans l’idéal un ordi avec un grand écran tac­tile).

Amplification et diffusion

La sor­tie de l’ordinateur, de la carte son ou de la con­sole de mix­age est trop faible pour atta­quer directe­ment des haut-par­leurs. Il faut donc ampli­fi­er le sig­nal.

Il existe deux sys­tèmes (pour sim­pli­fi­er). Un avec des amplis et des enceintes pas­sives et un avec des enceintes ampli­fiées (qui peu­vent être actives ou pas­sives).

Pour un DJ ou un organ­isa­teur qui trans­porte son matériel, ce sont assuré­ment des enceintes ampli­fiées qui sont à prévoir. Je ne vais donc évo­quer que ce type de matériel, car un organ­isa­teur qui veut équiper sa salle aura tout intérêt à deman­der les con­seils d’un pro­fes­sion­nel s’il souhaite utilis­er un ampli séparé (ce qui est plus pra­tique pour une instal­la­tion fixe), car l’appariement des HP et des amplis est un domaine com­pliqué.

On trou­ve des matériels d’un poids raisonnable 10 à 25 kg et qui ont une bande pas­sante suff­isante pour la musique de tan­go.

Au besoin, un cais­son de basse peut amélior­er les choses en déchargeant les enceintes prin­ci­pales des bass­es fréquences. Cela améliore la pureté du son. Un seul cais­son de basse est néces­saire, les enceintes étant direc­tives.

Un bon équipement, constitué de deux enceintes pour les aigus et médiums, placés en hauteur (au-dessus de la tête des danseurs) et un caisson de basse.
Un bon équipement, con­sti­tué de deux enceintes pour les aigus et médi­ums, placés en hau­teur (au-dessus de la tête des danseurs) et un cais­son de basse.

Les points à pren­dre en compte :

  • En pre­mier, l’idéal est d’écouter les enceintes avant de les acheter…
  • En général, ces enceintes ont deux voies. Une pour les aigus et une pour les médi­ums, voire les bass­es pour les plus gros mod­èles.
  • En général, un haut-par­leur de 10 ou 12 pouces peut con­venir pour la musique de tan­go qui n’a pas de bass­es très pro­fondes. Si vous utilisez des haut-par­leurs plus petits, il sera préférable d’ajouter un cais­son de bass­es avec des HP de 12 pouces.

Atten­tion toute­fois à avoir un ensem­ble cohérent. La musique de tan­go est plus à traiter comme de la musique clas­sique que comme de la musique de var­iété. Il faut un ren­du rel­a­tive­ment plat et homogène. Les enceintes pour la musique de var­iété ont sou­vent des aigus stri­dents et des bass­es qui man­gent tout. On veut enten­dre le boum boum.

Le résul­tat en tan­go est minable et très dif­fi­cile à rat­trap­er, car on a un trou dans les fréquences prin­ci­pales du tan­go et des chanteurs.

Exemple d’enceintes que je déteste, les aigus sont stridents et les basses pesantes. C’est à mon avis peu adapté à la musique de tango traditionnelle, même si c’est génial pour les cortinas…
Exem­ple d’enceintes que je déteste, les aigus sont stri­dents et les bass­es pesantes. C’est à mon avis peu adap­té à la musique de tan­go tra­di­tion­nelle, même si c’est génial pour les corti­nas…

Conseils supplémentaires pour la sonorisation

La salle est un acteur de la sonori­sa­tion. S’il y a beau­coup de réver­béra­tion (écho), le son risque d’être con­fus. Pour lim­iter ce prob­lème, il y a plusieurs pistes :

Meubler la pièce

Avec des ten­tures non-feu, bien sûr, fer­mer les rideaux, plac­er des meubles absorbants ou beau­coup de danseurs…

Choisir des enceintes relativement directives

Il faut éviter de pro­jeter le son vers les parois ou le pla­fond. Une enceinte direc­tive per­met de cibler la zone de la piste de danse en lim­i­tant les réflex­ions par­a­sites. Cela con­cerne surtout les aigus, les bass­es ne sont pas direc­tives et ray­on­nent dans toutes les direc­tions.

Positionner les enceintes à la bonne hauteur

Tout d’abord, éviter les enceintes à hau­teur d’oreilles des danseurs. C’est mau­vais pour la dif­fu­sion du son, absorbé par les danseurs et désagréable pour les oreilles. Si on a une grande hau­teur sous pla­fond, on place les enceintes le plus haut pos­si­ble et a min­i­ma à 2 m. Si les pieds ne sont pas assez hauts, on peut les pos­er sur la scène.
L’idéal est une instal­la­tion en hau­teur, plongeante, mais cela n’est pas facile à réalis­er pour une instal­la­tion tem­po­raire. On adoptera en revanche ce type d’installation pour les salles per­ma­nentes.

Le caisson de basse doit être posé au sol. Les autres enceintes doivent être plus hautes que les têtes des danseurs. L’idéal, pour une installation fixe, est une installation plongeante.
Le cais­son de basse doit être posé au sol. Les autres enceintes doivent être plus hautes que les têtes des danseurs. L’idéal, pour une instal­la­tion fixe, est une instal­la­tion plongeante.

Le cais­son de basse est tou­jours posé au sol pour favoris­er le ray­on­nement des bass­es. On évite de le pos­er sur la scène, car il risque de la faire vibr­er. Si on a plusieurs cais­sons de basse, il est préférable de les regrouper plutôt que de les plac­er sous chaque haut-par­leur de médi­ums et aigus. Si la salle est très grande, on peut les plac­er de part et d’autre de la salle.

Orientation des enceintes

S’il con­vient de diriger les enceintes vers les danseurs depuis une posi­tion haute, il est égale­ment impor­tant de bien les ori­en­ter hor­i­zon­tale­ment.

Plac­er les enceintes dans les angles peut ren­forcer leur puis­sance, mais c’est rarement la meilleure solu­tion. Pour les mêmes raisons, on évite de les plac­er trop près des murs. Dans beau­coup de milon­gas, la piste de danse est entourée de tables et donc le meilleur endroit est au bord de la piste, ori­en­té vers la piste. Cela dimin­ue un peu le vol­ume sonore aux tables, ce qui facilite les dis­cus­sions.

La forme idéale de la salle est presque carrée. On dirige les deux haut-parleurs à 2/3 de la distance du fond de la salle. Il faut veiller que les HP soient branchés de la même façon (en phase).
La forme idéale de la salle est presque car­rée. On dirige les deux haut-par­leurs à 2/3 de la dis­tance du fond de la salle. Il faut veiller que les HP soient branchés de la même façon (en phase).

Les salles très en longueur

Chaque fois que c’est pos­si­ble, on plac­era seule­ment deux haut-par­leurs, du même côté de la salle. Pour les très grandes salles, on peut con­serv­er ce principe à con­di­tion de pou­voir plac­er les haut-par­leurs suff­isam­ment haut. D’ailleurs, pour les très gros con­certs de var­iété, les sys­tèmes d’enceintes sont regroupés et pas dis­per­sés dans tout le stade.

Cepen­dant, si la salle est très en longueur, on est dans la plus mau­vaise con­fig­u­ra­tion pos­si­ble. Il fau­dra prob­a­ble­ment utilis­er plus d’enceintes.

Pour une salle très en longueur, il faudra probablement multiplier les haut-parleurs pour éviter d’avoir une différence de volume trop importante d’un bout à l’autre. Si on a que deux HP, on peut en mettre un à une extrémité et un autre au milieu, orienté vers le fond de la pièce.
Pour une salle très en longueur, il fau­dra prob­a­ble­ment mul­ti­pli­er les haut-par­leurs pour éviter d’avoir une dif­férence de vol­ume trop impor­tante d’un bout à l’autre. Si on a que deux HP, on peut en met­tre un à une extrémité et un autre au milieu, ori­en­té vers le fond de la pièce.

Ici, une pos­si­bil­ité avec deux enceintes prin­ci­pales et d’autres, plus faibles, pour équili­br­er le vol­ume. Les enceintes sec­ondaires devraient être réglées à un vol­ume plus faible pour garder la cohérence de la venue du son depuis les enceintes prin­ci­pales. Pour ma part, je les ori­ente dans la même direc­tion afin d’éviter les ven­tres et les nœuds acous­tiques (zones où le son s’additionne ou s’annule).

Pour une grande taille, il faut ménag­er des délais dif­férents selon les enceintes afin que l’auditeur ait l’impression que toutes les enceintes, proches ou éloignées, réson­nent en même temps. Mal­heureuse­ment, ce type de réglage n’est pos­si­ble que sur des équipements pro­fes­sion­nels et ils seront donc réservés aux événe­ments dis­posant d’un sonorisa­teur com­pé­tent. Dans les autres cas, réduire le vol­ume des aux­il­i­aires per­met de faire pass­er le mon­tage comme sup­port­able.

Une autre possibilité consiste à poser les enceintes face à face, à chaque extrémité de la pièce. Dans ce cas, il est important de mettre les enceintes en opposition de phase pour éviter un nœud au centre de la pièce.
Une autre pos­si­bil­ité con­siste à pos­er les enceintes face à face, à chaque extrémité de la pièce. Dans ce cas, il est impor­tant de met­tre les enceintes en oppo­si­tion de phase pour éviter un nœud au cen­tre de la pièce.
Mise en phase des haut-parleurs.
Mise en phase des haut-par­leurs.

En haut, les HP sont branchés de la même façon. Les ondes sont syn­chro­nisées. Un audi­teur situé à égale dis­tance des deux HP aura une écoute opti­male. Lorsqu’il est à une dis­tance dif­férente des deux HP, il entend le sig­nal d’un côté un peu décalé. Cela peut pos­er un manque de clarté, mais cela donne aus­si une impres­sion de vol­ume et, si c’est dans des pro­por­tions raisonnables, ce n’est pas un prob­lème. Dans une salle très pro­fonde avec des haut-par­leurs très dis­tants, l’effet peut être désagréable si on n’ajuste pas les délais.

Lorsque les HP sont en oppo­si­tion de phase, les ondes sonores qu’ils émet­tent ten­dent à s’annuler, ce qui crée un nœud. Comme l’effet est vari­able selon les fréquences, le résul­tat peut être très désagréable, notam­ment pour les danseurs qui vont se déplac­er dans la salle et pass­er par des suc­ces­sions de nœuds et ven­tres.

Il existe plusieurs façons d’inverser la phase. La plus simple est de sélectionner la commande correspondante sur l’enceinte. Sur des systèmes grand public, on peut inverser le fil rouge et le noir sur le bornier. Pour des connexions en XLR ou Speakon, il faut utiliser un adaptateur spécifique (ce dernier tend à disparaître au profit du réglage sur les enceintes).
Il existe plusieurs façons d’inverser la phase. La plus sim­ple est de sélec­tion­ner la com­mande cor­re­spon­dante sur l’enceinte. Sur des sys­tèmes grand pub­lic, on peut invers­er le fil rouge et le noir sur le bornier. Pour des con­nex­ions en XLR ou Speakon, il faut utilis­er un adap­ta­teur spé­ci­fique (ce dernier tend à dis­paraître au prof­it du réglage sur les enceintes).

Connexion entre la console et les enceintes amplifiées

Les principales sorties d’une console de mixage. RCA (connecteur blanc pour la gauche et rouge pour la droite). Connecteurs jacks 6,35 avec moins de risque d’arrachement accidentel et XLR, le seul système vraiment professionnel et qui, idéalement, est symétrique lorsque l’on a besoin d’une grande longueur de câble entre la console et les enceintes.
Les prin­ci­pales sor­ties d’une con­sole de mix­age. RCA (con­necteur blanc pour la gauche et rouge pour la droite). Con­necteurs jacks 6,35 avec moins de risque d’arrachement acci­den­tel et XLR, le seul sys­tème vrai­ment pro­fes­sion­nel et qui, idéale­ment, est symétrique lorsque l’on a besoin d’une grande longueur de câble entre la con­sole et les enceintes.
Dans une liaison symétrique, le signal passe dans deux des conducteurs du câble en opposition de phase. À l’arrivée, les deux signaux sont remis en phase et combinés. Si un bruit causé par une interférence sur le câble apparait, il est automatiquement supprimé, car il est en opposition de phase sur les deux fils. Cela permet de grandes longueurs de câble et c’est donc la liaison idéale entre la console de mixage et des haut-parleurs amplifiés qui peuvent être assez loin dans la salle.
Dans une liai­son symétrique, le sig­nal passe dans deux des con­duc­teurs du câble en oppo­si­tion de phase. À l’arrivée, les deux sig­naux sont remis en phase et com­binés. Si un bruit causé par une inter­férence sur le câble appa­rait, il est automa­tique­ment sup­primé, car il est en oppo­si­tion de phase sur les deux fils. Cela per­met de grandes longueurs de câble et c’est donc la liai­son idéale entre la con­sole de mix­age et des haut-par­leurs ampli­fiés qui peu­vent être assez loin dans la salle.

La puissance des enceintes

Une règle empirique pour­rait être de mul­ti­pli­er les W par 10 par le nom­bre de danseurs. Ain­si, 100 danseurs 1000W ; 300 danseurs 3000W et 10 danseurs… 100W 😉 On musi­calise générale­ment le tan­go à moins de 85 dB et il n’y a pas de graves puis­sants, deman­deurs de puis­sance. Cette base empirique peut donc suf­fire.

2 enceintes de 1000 à 2000 W peu­vent donc être l’équipement de base d’un organ­isa­teur ou d’un DJ itinérant.

Pour une instal­la­tion en fixe, il est préférable d’optimiser les paramètres en fonc­tion de la salle. C’est un tout autre domaine qui demande d’étudier beau­coup de paramètres et qui ne peut se résoudre sim­ple­ment par la seule sonori­sa­tion.

Tester le son dans la salle

Pour véri­fi­er que le posi­tion­nement des enceintes est cor­rect, que l’égalisation est bien effec­tuée (com­pen­sa­tion des modes pro­pres de la salle), il y a plusieurs étapes, plutôt sim­ples.

Vérifier le signal gauche droite.

  • En tan­go, comme on dif­fuse générale­ment en qua­si-mono, ce n’est pas déter­mi­nant, sauf si on a plus que deux haut-par­leurs pour véri­fi­er que les groupes sont cohérents. Cela per­met aus­si de véri­fi­er qu’un côté n’est pas plus fort que l’autre. Pour cela, on peut envoy­er un sig­nal alter­na­tive­ment à gauche et à droite. Par exem­ple, un sig­nal de 1000 kHz. Si on souhaite que la gauche soit réelle­ment la gauche et la droite, la droite, on peut enreg­istr­er une piste qui annonce gauche/droite, mais encore une fois, en tan­go et pour la danse où on se déplace, ce n’est pas pri­mor­dial.

Vérifier l’absence de ventres et de nœuds à toutes les fréquences

  • Là, en revanche, c’est absol­u­ment essen­tiel si on est face à une sonori­sa­tion impro­visée. Les organ­isa­teurs n’aiment pas tou­jours que le DJ déplace les enceintes et bal­ance du bruit rose dans la salle, mais c’est le prix à pay­er pour une sonori­sa­tion de qual­ité. Dans une salle pro­fes­sion­nelle avec un sonorisa­teur, ces pré­cau­tions peu­vent être super­flues. Tous ces réglages ont été effec­tués en amont au mieux des capac­ités de la salle.
  • Pour effectuer cela, on envoie un bruit rose à un vol­ume per­ti­nent par rap­port à l’utilisation finale (par exem­ple 80 dB).
 Bruits rose et blanc, très utiles pour vérifier la qualité d’une installation de sonorisation.
Bruits rose et blanc, très utiles pour véri­fi­er la qual­ité d’une instal­la­tion de sonori­sa­tion.

On par­le dans le pub­lic, plus sou­vent de bruit blanc qui est un bruit de puis­sance équiv­a­lente à toutes les fréquences. Cepen­dant, pour la mesure d’une salle, il est préférable d’envoyer un bruit rose, car il pos­sède une énergie con­stante par octave. C’est-à-dire qu’il a 50 % d’énergie (3 dB) en moins à chaque dou­ble­ment de la fréquence.

L’utilisation du bruit rose a deux avan­tages :

  • Il suf­fit de véri­fi­er que le sig­nal est hor­i­zon­tal, sans pics ou creux pour véri­fi­er que toutes les fréquences sont bien représen­tées dans la salle.
  • Du fait des pro­priétés de l’oreille, il donne à l’écoute la sen­sa­tion d’une inten­sité sem­blable à toutes les fréquences.
Même sans équipement sophistiqué, on peut, avec une simple application sur un téléphone, avoir une représentation du profil de la musique en cours. Même si le téléphone n’est pas hyper précis, il est suffisant pour la musique de tango qui se trouve dans la plage de fréquence où le microphone du téléphone donne de bons résultats.
Même sans équipement sophis­tiqué, on peut, avec une sim­ple appli­ca­tion sur un télé­phone, avoir une représen­ta­tion du pro­fil de la musique en cours. Même si le télé­phone n’est pas hyper pré­cis, il est suff­isant pour la musique de tan­go qui se trou­ve dans la plage de fréquence où le micro­phone du télé­phone donne de bons résul­tats.
  • En blanc, les fréquences émis­es à un instant T. Cette ligne évolue donc rapi­de­ment.
  • En jaune, le canal gauche et en vert, le droit avec une iner­tie. C’est-à-dire que, si le son s’arrête, les lignes jaune et verte descen­dent pro­gres­sive­ment vers le bas.
  • Le fond bleu cor­re­spond aux max­i­ma ren­con­trés. Par exem­ple, on remar­que qu’il y a eu un pic à 800 Hz ici.

Si on utilise cette appli­ca­tion pour mesur­er le bruit rose, on doit avoir un résul­tat aus­si plat que pos­si­ble. Pour y arriv­er, il fau­dra éventuelle­ment chang­er la place des haut-par­leurs et agir sur l’égaliseur graphique en mon­tant ou bais­sant les curseurs des fréquences défectueuses. Par exem­ple, dans cette illus­tra­tion (qui n’est pas une mesure de bruit rose), on bais­serait le curseur des 800 Hz sur l’égaliseur graphique.

On se déplace dans la salle pour véri­fi­er que la courbe est bien plate dans tous les emplace­ments. On véri­fie aus­si que le niveau sonore est homogène. Une dif­férence de 12 dB est à mon avis accept­able entre les zones les plus fortes et les plus faibles de la piste de danse. L’idéal est bien sûr de rester dans la lim­ite de 3 dB, mais c’est presque impos­si­ble à réalis­er. Je ne m’occupe pas du vol­ume sonore hors de la piste, pour deux raisons. La pre­mière est qu’il est générale­ment plus faible que sur la piste et que les danseurs sont a pri­ori sur la piste. Si on cherche à aug­menter le vol­ume près des murs pour les per­son­nes aux tables, on va aug­menter la réver­béra­tion et nuire à la qual­ité de la musique sur la piste.

Une autre mesure que j’adore faire est de dif­fuser un sig­nal pas­sant de 10 Hz à 20 kHz, voire d’un dou­ble sig­nal avec un son en sens con­traire. Quand la salle est par­faite­ment réglée, la courbe résul­tante est par­faite­ment hor­i­zon­tale.

Bien sûr, ces mesures sont dif­fi­ciles à faire quand il y a du pub­lic dans la salle, car ces « bruits » peu­vent déranger. C’est pour cela que les organ­isa­teurs sont bien avisés quand ils respectent les pos­si­bil­ités de bal­ance pour les DJ égale­ment. Sou­vent, seuls les orchestres peu­vent en béné­fici­er et ceux-ci font plutôt des répéti­tions que des bal­ances, ce qui fait que le DJ n’a que rarement 5 min­utes pour faire ses réglages.

Faut-il une conclusion ?

J’ai bien con­science que c’est grotesque d’évoquer l’acoustique et la sonori­sa­tion d’une façon aus­si sim­pliste. C’est un méti­er à part entière et il n’est pas ques­tion que les organ­isa­teurs et les DJ se for­ment à cette dis­ci­pline. Cepen­dant, ces quelques con­seils pour­raient amélior­er les choses en don­nant aux danseurs une expéri­ence plus agréable pour leurs oreilles et pour con­clure, je rap­pellerai qu’il est ques­tion d’une chaîne et que, donc, tous les mail­lons doivent être à la hau­teur.

Il y a aus­si l’ambiance qui joue. Je prendrai l’exemple de la cig­a­rette. Comme non-fumeur, je suis très dérangé par la moin­dre odeur de cig­a­rette, même à plusieurs mètres dans la rue. Pour­tant, quand il s’agit d’une activ­ité pas­sion, comme le DJing ou la danse, on est beau­coup moins dérangé. C’était en ren­trant à la mai­son ou l’hôtel que l’on se rendait compte que les vête­ments empes­taient le tabac. Cepen­dant, à Buenos Aires, l’interdiction de fumer en milon­ga, qui date de 2006 n’expose plus à cet incon­vénient et c’est un exem­ple à suiv­re.

Peut-on éviter que meure le tango ?

Peut-on éviter que meure le tango ?

Le paradoxe du tango à Buenos Aires ; héritage mondial et abandon local

Le point de départ de mon arti­cle est une pub­li­ca­tion de Chris­t­ian Mar­tinez, qui est un organ­isa­teur de tan­go con­tem­po­rain. Le para­doxe du tan­go à Buenos Aires ; héritage mon­di­al et aban­don local.

Je ne pro­pose pas une lec­ture ou une analyse détail­lée de cet arti­cle. Je l’utilise juste comme pré­texte pour don­ner quelques pistes pour que ne meure pas notre tan­go.

Faut-il évoluer pour être un patrimoine de l’humanité ?

Chris­t­ian Martínez regrette que la poli­tique cul­turelle argen­tine n’appuie pas la créa­tion dans le domaine du tan­go. Il par­le d’absence de finance­ment et on ne peut que le suiv­re quand on con­state qu’avec le gou­verne­ment actuel, tout ce qui est cul­turel ne va plus être sub­ven­tion­né. Rap­pelons tout de même que cer­taines milon­gas sont aidées par la Ville de Buenos Aires, notam­ment pour financer des presta­tions d’orchestres.

Il émet la thèse que les finance­ments per­me­t­tent de soutenir la créa­tion artis­tique, indis­pens­able à la survie du tan­go, tout du moins, de son tan­go, un tan­go con­tem­po­rain et en recherche d’un autre souf­fle.

Dans son arti­cle, il prend l’exemple du chamamé, une musique et une danse cen­trées sur la province de Cor­ri­entes et que les Européens dansent en milon­ga… Il rap­pelle que le chamamé vient de sor­tir du champ du pat­ri­moine cul­turel immatériel de l’Unesco, pour n’être pas suff­isam­ment nova­teur, pas assez var­ié.

Qui a fait même un très court séjour dans la Province de Cor­ri­entes aura enten­du du chamamé à longueur de journée. Le fait qu’il ne soit pas devenu un élé­ment pour touriste et au con­traire, qu’il rem­plisse l’âme des Cor­renti­nos devrait, à mon avis, ren­forcer son titre de pat­ri­moine.

Cela est inquié­tant pour le tan­go, car, si ce critère pré­domine, ce sera une accéléra­tion de la dénat­u­ra­tion de ce pat­ri­moine, la recherche d’originalité et de nou­veauté au détri­ment de la nature pro­fonde du tan­go.

Ce titre serait alors plutôt une pierre tombale, tout comme le sont en France les appel­la­tions con­trôlées de fro­mages où on oblige à indus­tri­alis­er les procédés de fab­ri­ca­tion pour uni­formiser le goût d’un pro­duc­teur à l’autre. C’est le principe de Mac Don­ald ; un ham­burg­er doit avoir le même goût à New York, Paris, Rome ou Tokyo. Le chamamé et bien­tôt le tan­go doivent se fon­dre dans cette cul­ture de masse mon­di­ale pour être recon­nus comme pat­ri­moine cul­turel.

Éléments sur la situation du tango à Buenos Aires et ailleurs

Pour par­ler d’argent, À Buenos Aires, chaque musi­cien d’un orchestre de tan­go est payé autour de 50 000 pesos (moins de 50 €/$) par presta­tion, tout comme le DJ, mais ce dernier assure plus d’heures…

Pour les danseurs, le prob­lème est surtout l’inflation qui fait que les prix explosent. Les milon­gas coû­tent désor­mais entre 5 000 et 10 000 pesos plus 3 000 pesos pour une bois­son, qua­si oblig­a­toire, ce qui rejoint les prix européens. Mal­heureuse­ment, les revenus men­su­els, notam­ment chez les retraités qui sont une part impor­tante des milongueros portègnes, tour­nent autour de 600 000 pesos, voire la moitié dans bien des cas.
Le résul­tat est que les Portègnes ne dansent plus qu’une ou deux fois par semaine là où ils dan­saient tous les jours.

Les organ­isa­teurs cherchent à bouch­er les trous en atti­rant les touristes, tan­das de trois, orchestres qui n’étaient pas joués aupar­a­vant comme Sas­sone. Ces manœu­vres éloignent encore plus les milongueros. Les étrangers en vien­nent à danser entre eux ou avec des taxis dancers (sans le savoir dans la plu­part des cas, car il y a 2 à 10 % de taxis dancers payés par les organ­isa­teurs). Rap­pelons que leur « paye » peut être l’entrée gra­tu­ite et une bois­son. Comme l’évoquent les paroles écrites par Car­los Lucero pour Bailarín de con­traseña inter­prété par Ángel D’Agostino et Ángel Var­gas, on trou­ve des expé­di­ents pour pou­voir danser…

Curieuse­ment, les entrées gra­tu­ites ou à prix réduit pour les habitués (lire les Autochtones) sont décriées par les touristes comme étant de la dis­crim­i­na­tion. Mais c’est pour­tant une mesure qui peut sauver les milon­gas en y con­ser­vant quelques véri­ta­bles danseurs portègnes et éviter que les milon­gas soient toutes des Dis­ney­lands où des touristes vien­nent voir bouger en savourant un café, une coupe de « cham­pagne » et des médi­alu­nas, des sim­u­lacres de tan­go pra­tiqués par des débu­tants et des touristes.

Le tan­go de danse est un art pop­u­laire, qui a ses sources dans l’âme du peu­ple. Il a été forgé essen­tielle­ment en Argen­tine. Les intel­lectuels qui théorisent ce diver­tisse­ment le ren­dent sou­vent insipi­de.

Reste à par­ler du rôle du DJ (et des organ­isa­teurs). Le partage entre faire du vul­gaire pour attir­er les mass­es et faire de la qual­ité pour con­serv­er les danseurs qui s’intéressent à la musique n’est pas si facile, du moins en apparence.

En effet, on se rend rapi­de­ment compte que les bons tan­gos de danse de l’âge d’or sont suff­isants pour don­ner du plaisir aux danseurs étrangers et qu’ils n’ont pas besoin de retrou­ver les titres médiocres (ou mal agencés) qu’ils peu­vent avoir chez eux. Sinon, pourquoi faire plusieurs mil­liers de kilo­mètres pour retrou­ver la même bouil­lie qu’à la mai­son ?

Il est donc essen­tiel que le DJ et l’organisateur fassent fonc­tion­ner un bon pat­ri­moine. Cela n’exclut pas les orchestres con­tem­po­rains, même si la majorité d’entre eux sont des clones des orchestres de l’âge d’or. Un bon orchestre en vivo fait venir du monde, de même qu’un bon DJ rem­plit les milon­gas portègnes.

Les milon­gas qui sont rem­plies au for­ceps (accords avec des voy­ag­istes, par exem­ple), sont à moyen terme con­damnées. Les danseurs ne trou­vent pas de table libre et la piste est encom­brée par des touristes, sac à main en ban­doulière, qui ges­tic­u­lent comme des déments. Les bons danseurs ne vien­nent plus ou alors ne s’intéressent qu’aux belles étrangères qui peu­vent leur apporter un espoir d’émigration. Du coup, les danseuses portègnes ne vien­nent plus et seule la per­fu­sion des entrées des touristes per­met de faire fonc­tion­ner ce mécan­isme à vide.

Le raison­nement pour­rait être le même pour les milon­gas hors de Buenos Aires, mais peut-être avec la rai­son sup­plé­men­taire que pour cer­tains organ­isa­teurs, le but unique est de gag­n­er de l’argent. Cela n’est pas un mal en soi, c’est un méti­er comme un autre. En revanche, cela devient néfaste quand la volon­té de lucre en vient à dimin­uer la qual­ité de l’événement en offrant des presta­tions médiocres, voire franche­ment nulles.

Par­fois, c’est une ques­tion de choix. On dépense beau­coup pour un orchestre de 10 musi­ciens et on met des DJ locaux avec des playlists médiocres pour occu­per la majorité des créneaux de danse. Si l’orchestre est excep­tion­nel, cela peut pass­er, mais sou­vent, les économies se font aus­si sur l’orchestre et là, c’est au DJ de sauver l’événement. S’il ne peut pas le faire, cela fait d’autres danseurs qui vont s’éloigner de cet événe­ment, puis, à force de retrou­ver le prob­lème, même en se déplaçant par­fois très loin, c’est le tan­go qu’ils aban­don­nent.

Pour éviter cela, il reste (ou restait ?), Buenos Aires. Il est donc impor­tant que la com­mu­nauté portègne prenne en charge son héritage et le val­orise et arrête de som­br­er dans des con­ces­sions au tourisme pour rede­venir un généra­teur, un régénéra­teur du tan­go à l’échelle mon­di­ale.

Il y a ici d’immenses pro­fes­sion­nels et c’est désolant de voir comme ils peu­vent être noyés dans une médi­ocrité crois­sante qui tend à devenir la norme.

Le tan­go se mérite. Il demande beau­coup d’efforts pour le com­pren­dre, l’aimer, le servir, l’adorer. Je crois qu’il faudrait donc veiller à soutenir la flamme de ceux qui veu­lent décou­vrir cet univers. Mal­heureuse­ment, on leur pro­pose surtout des douch­es froides, des événe­ments tristes, com­passés, asep­tisés, ennuyeux et par-dessus tout pré­ten­tieux, comme ces grands fes­ti­vals financés par une col­lec­tiv­ité com­plaisante et qui peu­vent sur­vivre par ce moyen, même sans jamais avoir en pri­or­ité le plaisir des danseurs.

Heureuse­ment, il y a des événe­ments qui redonnent du bon­heur et de l’envie et, bien sûr, plusieurs milon­gas portègnes, même si les pro­por­tions bais­sent.

Alors, tous ensem­ble, dans ce monde dés­espérant sur bien trop de plans, essayons de nous forg­er un petit par­adis de tan­go.

Que les danseurs appren­nent à écouter la musique pour ne plus se con­tenter de bruits médiocres, pro­posés dans n’importe quel ordre ou tou­jours dans la même organ­i­sa­tion, celle de la playlist récupérée.

Que les DJ appren­nent à étudi­er la piste de danse, à mar­quer de l’empathie pour les danseurs et qu’ils enrichissent leurs con­nais­sances pour sauve­g­arder l’héritage, mais en le gar­dant vivant.

Il serait bien aus­si que tous les pro­fesseurs enseignent le tan­go comme une danse sociale, appuyée sur une musique dédiée et dans le respect de l’harmonie du bal.

Enfin, le som­met serait que les organ­isa­teurs veil­lent au con­fort des danseurs avec, notam­ment de bons inter­venants, une sonori­sa­tion de qual­ité, un planch­er sat­is­faisant et un accueil chaleureux, voire ami­cal, pour que chaque danseur se sente comme mem­bre de la grande famille du tan­go.

Nous avons du boulot, mais le tan­go le mérite…

Vous aurez sans doute reconnu dans la photo de couverture, une évocation du merveilleux film de Fritz Lang, Metropolis. Mais peut-être ne savez-vous pas que, si on peut voir aujourd'hui ce film en entier, c'est grâce à l'Argentine qui avait conservé une version complète (au format 16 mm) contenant les 25 minutes que l’on croyait perdues. Aujourd'hui, on peut voir ce chef-d'œuvre absolu du cinéma en entier.

Informations sur la musique numérique

Comme annon­cé dans l’article sur la musique trichée, voici quelques élé­ments d’explication pour aider ceux qui ne sont pas au fait de la musique sous forme numérique.
Nous abor­derons la chaîne musi­cale analogique et com­ment on la con­ver­tit en musique numérique. Des élé­ments sur les for­mats de com­pres­sion et les capac­ités réelles des for­mats numériques seront égale­ment don­nés. C’est un peu tech­nique, mais il y a quelques idées reçues qu’il me sem­blait utile de revoir.

La musique est un phénomène analogique

La musique est une forme par­ti­c­ulière de sons qui se dis­tingue du bruit par une cer­taine forme d’organisation. J’en par­le dans mes cours de musi­cal­ité et je ne souhaite pas radot­er.
Ces sons sont donc des vibra­tions, plus ou moins har­monieuses, qui parvi­en­nent à nos oreilles, voire au corps, en entier, notam­ment pour les bass­es fréquences.

Fréquence d’un son

On représente l’onde sonore par une courbe sinu­soïde pour un son réguli­er (une fréquence pure). Si la courbe s’alterne 2000 fois par sec­onde, on par­le de fréquence de 2000 Hz.

Le Hertz est l’unité de mesure de la fréquence.

À gauche, les infrasons et à droite, les ultrasons sont les fréquences que ne capte pas l'oreille humaine.
À gauche, les infra­sons et à droite, les ultra­sons sont les fréquences que ne capte pas l’or­eille humaine.

Une bonne oreille humaine est réputée pou­voir enten­dre des fréquences com­pris­es entre 20 Hz (20 vibra­tions par sec­onde) et 20 kHz (20 000 vibra­tions par sec­onde).
Pour les fréquences plus graves, les infra­sons, le corps peut les ressen­tir (trem­ble­ments de terre, par exem­ple). Pour les plus aigus, les ultra­sons, pas de chance, c’est le domaine des chauves-souris et des chiens.
On notera qu’au fur et à mesure que les cils de la cochlée dis­parais­sent, la sen­si­bil­ité de l’oreille baisse, notam­ment pour les plus hautes fréquences.

Volume d’un son

L’autre élé­ment impor­tant pour décrire un son, c’est son vol­ume. C’est-à-dire l’amplitude des ondes qui parvi­en­nent à nos sens.

L'onde sonore parvient à l'oreille comme une succession de vibrations. Plus elles sont amples et plus le son est fort.
L’onde sonore parvient à l’or­eille comme une suc­ces­sion de vibra­tions. Plus elles sont amples et plus le son est fort.

Si les ampli­tudes sont trop faibles, l’oreille n’est pas capa­ble de les détecter. Si elles sont trop fortes, des dom­mages irréversibles aux oreilles peu­vent advenir.
Le déci­bel (dB) est l’unité de mesure du vol­ume sonore. On par­le de pres­sion acous­tique.
Pour évo­quer le niveau sonore pour la dif­fu­sion de la musique, il y a plusieurs paramètres à pren­dre en compte et notam­ment la durée du son fort. J’y con­sacr­erai un autre arti­cle… Pour l’instant, il importe de se sou­venir qu’un son supérieur à 120 dB (seuil de la douleur) provoque des dom­mages irréversibles et qu’au-dessus de 85 dB, il con­vient de lim­iter le temps d’exposition.
Un dernier point, la pres­sion sonore dou­ble tous les 3 dB. Ain­si, un son de 85 dB est deux fois plus fort qu’un son de 82 dB.

Principe d’une chaîne musicale analogique

Je ne par­ti­rai pas de l’enregistrement que nous avons déjà évo­qué, seule­ment de la repro­duc­tion.
Les sup­ports prin­ci­paux de l’enregistrement analogique pour la musique sont le disque et la bande mag­né­tique. Pour le disque, ce sont les ondu­la­tions du sil­lon qui sont trans­for­mées en onde sonore.

Pointe de lecture (en saphir ou diamant industriel) dans un sillon de microsillon. À droite, l'image représente environ 0,3 mm de large. Les aspérités du bord du disque sont les bords du chemin. Les différences de profondeur servent à coder un second canal (stéréo).
Pointe de lec­ture (en saphir ou dia­mant indus­triel) dans un sil­lon de microsil­lon. À droite, l’im­age représente env­i­ron 0,3 mm de large. Les aspérités du bord du disque sont les bor­ds du chemin. Les dif­férences de pro­fondeur ser­vent à coder un sec­ond canal (stéréo).

Dans les pre­miers sys­tèmes, un grand pavil­lon ten­tait de dif­fuser le bruit de l’aiguille dans les sil­lons du disque. Les sys­tèmes élec­triques, en ampli­fi­ant ce sig­nal, ont per­mis de sonoris­er plus con­fort­able­ment n’importe quel espace.
La pointe de lec­ture, une aigu­ille pour les dis­ques 78 tours, puis un dia­mant pour les microsil­lons subit les ondu­la­tions du sil­lon et les trans­met à un dis­posi­tif élec­tro­mag­né­tique qui détecte les vibra­tions pour mod­uler un courant élec­trique.

Un schéma simplifié du principe de fonctionnement d'une cellule platine disque vinyle (stéréo). La pointe de lecture (diamant) fait se déplacer le cantilever relié à un pivot. Ce pivot porte deux aimants dont les déplacements sont détectés par 4 entrefers reliés chacun à une bobine. Le courant circulant dans les bobines est modulé en fonction des mouvements des aimants. Ce signal électrique est transmis par 4 fils au système de décodage et préamplification afin de restituer le signal sonore stéréo.
Un sché­ma sim­pli­fié du principe de fonc­tion­nement d’une cel­lule pla­tine disque vinyle (stéréo). La pointe de lec­ture (dia­mant) fait se déplac­er le can­tilever relié à un piv­ot. Ce piv­ot porte deux aimants dont les déplace­ments sont détec­tés par 4 entre­fers reliés cha­cun à une bobine. Le courant cir­cu­lant dans les bobines est mod­ulé en fonc­tion des mou­ve­ments des aimants. Ce sig­nal élec­trique est trans­mis par 4 fils au sys­tème de décodage et préam­pli­fi­ca­tion afin de restituer le sig­nal sonore stéréo.

Il existe des sys­tèmes dif­férents (bobine mobile, par exem­ple) dont vous trou­verez une ver­sion très sim­pli­fiée ici… Sim­pli­fiée, car il y a une seule bobine au lieu des dif­férentes bobines de détec­tion des mou­ve­ments hor­i­zon­taux et ver­ti­caux, indis­pens­ables pour la stéréo. Le mou­ve­ment hor­i­zon­tal donne le sig­nal du canal gauche et le change­ment de pro­fondeur per­met de déduire le canal de droite (gauche [H] moins ver­ti­cal).

Ce qui est impor­tant à tenir en compte, c’est que le sig­nal dans les sys­tèmes analogiques est tou­jours sous forme de vari­a­tion d’onde. C’est un phénomène con­tinu. La pointe de lec­ture de la pla­tine tourne-dis­ques se déplace par vibra­tions. Ces vibra­tions sont trans­mis­es sous forme de vari­a­tion de poten­tiel élec­trique par la cel­lule. Ces vari­a­tions sont ampli­fiées par l’amplificateur analogique, qui envoie un sig­nal élec­trique plus fort aux enceintes dont les bobines des haut-par­leurs vont se déplac­er en fonc­tion de ce qu’elles reçoivent. Par exem­ple, quand l’onde est à son max­i­mum, la bobine va pouss­er la mem­brane du haut-par­leur vers l’avant et quand l’onde est à son max­i­mum, la bobine va vers l’arrière. Le mou­ve­ment de la mem­brane du haut-par­leur, sol­idaire de la bobine, va pouss­er l’air pour le met­tre en mou­ve­ment, ce qui va pro­duire dans notre oreille une sen­sa­tion de son.

Schéma d'un haut-parleur (découpé). Lorsque la bobine se déplace, elle entraîne avec elle la membrane (cône et dôme anti-poussière). Le mouvement est transmis à l'air ambiant et le son peut se propager jusqu’aux oreilles des auditeurs.
Sché­ma d’un haut-par­leur (découpé). Lorsque la bobine se déplace, elle entraîne avec elle la mem­brane (cône et dôme anti-pous­sière). Le mou­ve­ment est trans­mis à l’air ambiant et le son peut se propager jusqu’aux oreilles des audi­teurs.

Une petite mise en garde. Si on utilise deux haut-par­leurs, il faut veiller à les branch­er dans le même sens pour éviter qu’un aille vers l’avant pen­dant que l’autre va vers l’arrière. Les ondes pro­duites par les haut-par­leurs tendraient à s’annuler, le max­i­mum de l’un cor­re­spon­dant au min­i­mum de l’autre. Voir un court topo sur la ques­tion. On utilise d’ailleurs ce phénomène pour les casques à réduc­tion dynamique de bruit, mais c’est une autre his­toire…

Le cas du magnétique

En plus des procédés pure­ment mécaniques ou élec­tromé­caniques, des procédés de stock­age mag­né­tiques ont été inven­tés. Dans les ban­des mag­né­tiques analogiques, la mag­néti­sa­tion de la bande est plus ou moins forte. Ces vari­a­tions, comme celle de la pointe de lec­ture, peu­vent être ampli­fiées et envoyées dans le sys­tème de dif­fu­sion sonore. Nous ver­rons, toute­fois, que la bande mag­né­tique a survécu à l’ère analogique pour rejoin­dre l’ère numérique que nous allons évo­quer main­tenant.

L’arrivée du numérique

Le sig­nal analogique est très sim­ple à gér­er. Il suf­fit de respecter les car­ac­téris­tiques du sig­nal élec­trique, le plus fidèle­ment pos­si­ble, de la pointe de lec­ture de la pla­tine, jusqu’à la bobine du haut-par­leur.
Le numérique exploite un autre principe. On mesure les car­ac­téris­tiques d’un son à un moment don­né. On mesure notam­ment son ampli­tude et ses fréquences (j’écris « ses » fréquences, car les sons musi­caux sont des mélanges var­iés de fréquences et pas une onde sinu­soï­dale pure).

La courbe de fréquence est ici le résultat de la superposition de toutes les fréquences de la musique.
La courbe de fréquence est ici le résul­tat de la super­po­si­tion de toutes les fréquences de la musique.

Cette mesure s’effectue à un moment don­né. Les infor­ma­tions peu­vent être retran­scrites sous forme numérique, puisqu’on les a mesurées. On recom­mence une frac­tion de sec­onde plus tard et ain­si de suite pour toute la durée de la musique. 
Cette opéra­tion qui con­siste à divis­er la musique en tranch­es s’appelle la quan­tifi­ca­tion.

En gris, la courbe de la musique. La ligne brisée en escaliers représente le signal numérique.
En gris, la courbe de la musique. La ligne brisée en escaliers représente le sig­nal numérique.

Pour bien com­pren­dre, regardez l’espace entre les deux lignes rouges ver­ti­cales. C’est un instant de la musique. La ligne verte hor­i­zon­tale dans la colonne rose indique la fréquence iden­ti­fiée par la numéri­sa­tion. On se rend compte, toute­fois, que la courbe analogique (en gris) est ascen­dante durant le temps de cette quan­tifi­ca­tion.
Il y aura donc une moyenne et pas une valeur exacte.
Lors de la resti­tu­tion, on effectue l’opération inverse. On repro­duit la fréquence enreg­istrée et on extra­pole l’évolution jusqu’à la valeur suiv­ante (ici, le palier vert à droite de la zone rose).

L'aspect d'une "courbe" numérisée à différents niveaux d'échelle. On se rend compte que, dans la capture d'écran du bas, on voit les « points », les valeurs mesurées.
L’aspect d’une “courbe” numérisée à dif­férents niveaux d’échelle. On se rend compte que, dans la cap­ture d’écran du bas, on voit les « points », les valeurs mesurées.

On pour­rait penser que ces escaliers déna­tureront la musique. Cela peut être le cas, mais pour éviter cela, on mul­ti­plie les mesures. Pour les CD, c’est 44 100 fois par sec­onde. Pour les DVD 48 000 fois par sec­onde. C’est la fréquence d’échantillonnage.
Ces échan­til­lons rap­prochés per­me­t­tent de repro­duire des sons jusqu’à une fréquence sen­si­ble­ment égale à la moitié de cette fréquence d’échantillonnage, soit 22 kHz et 24 kHz, des valeurs supérieures aux capac­ités des oreilles humaines.

Le stockage de l’information de volume

La quan­tifi­ca­tion, ce qui n’apparaît pas dans mon graphique précé­dent, mesure aus­si le vol­ume de la musique. C’est essen­tiel, car les nuances sont un élé­ment majeur de la musique, enfin, de la plu­part des musiques…

Le volume de l’information à stocker

On a donc dans chaque case, pour chaque mesure, de nom­breuses infor­ma­tions. Pour les stock­er, il fal­lait de nou­veaux types de sup­ports. Le CD est le sup­port qui a per­mis la général­i­sa­tion de la musique numérique. Les stu­dios d’enregistrement numériques util­i­saient eux des mag­né­to­phones mul­ti­p­istes à bande, mais c’est un autre domaine.
Ce sup­port reçoit de la musique échan­til­lon­née à 44,1 kHz et sur 16 bits. C’est-à-dire que chaque mesure peut être codée avec 65,536 valeurs dif­férentes.
Cela per­met de stock­er des fréquences de 20 à 20 kHz et des écarts de dynamique de 90 dB.
Ces valeurs sont suff­isantes pour attein­dre les per­for­mances des meilleures oreilles humaines, tout en offrant un rap­port signal/bruit incroy­able pour l’époque (même si dans le domaine de l’enregistrement numérique, le Dol­by fai­sait des mir­a­cles en étant dans la même gamme de rap­port signal/bruit…).
Il y avait tout de même un point noir pour les util­isa­teurs lamb­das. Il n’y avait pas de sys­tème d’enregistrement grand pub­lic per­me­t­tant de manip­uler facile­ment ces énormes quan­tités d’informations.
Des enreg­istreurs de CD sont bien apparus, mais ils étaient lents et moyen­nement fiables. Les enreg­istreurs DAT étaient vrai­ment chers. Ils util­i­saient des ban­des mag­né­tiques, ce qui per­me­t­tait de faciliter les opéra­tions d’enregistrements, mais en lec­ture et avec un accès séquen­tiel (il faut faire défil­er la bande jusqu’au point qui nous intéresse, comme avec les cas­settes Philips).
Peu de temps après, le Mini­Disc résolvait ces deux prob­lèmes. Il avait la facil­ité d’usage pour l’enregistrement d’un mag­né­to­phone à cas­settes, mais son accès aléa­toire per­me­t­tait un accès instan­ta­né et indexé à la musique présente sur le Mini­Disc.
Dans mon cas, cela a été mon sup­port favori pour numéris­er les dis­ques Shel­lac. Augus­to, un DJ parisien orig­i­naire de Bar­iloche, l’utilisait égale­ment en milon­ga.

L’informatique musicale

Aujourd’hui, la qua­si-total­ité des DJ utilisent un ordi­na­teur. J’ai, je pense, été un des pre­miers à le faire, tout d’abord avec un ordi­na­teur tour qu’il fal­lait trib­aller avec son écran, écran qui, même en 15 pouces, était lourd et encom­brant.
Je rêvais donc d’un ordi­na­teur portable, mais dans les années 90, c’était coû­teux et les dis­ques durs étaient très petits. Un disque dur de 40 Mo per­me­t­tait de stock­er un seul tan­go au for­mat WAV… J’avais un disque dur SCSI de 160 Mo (un mon­stre pour l’époque), mais cela était bien sûr trop lim­ité. C’est alors que je suis passé au MP3 à 128 ou 192 kbit/s, ce qui per­me­t­tait de stock­er 10 fois plus de musique. J’ai alors investi dans un lecteur Syquest et une flopée de dis­ques de 88 Mo et dans mon pre­mier ordi­na­teur portable. Un truc avec un écran mono­chrome, mais offert avec une souris « Colani » et une cal­cu­la­trice du même design­er…

Mon premier ordinateur portable et un lecteur Syquest avec des cartouches de 88 Mo. L’ordinateur avait un processeur 486DX2 à 66 MHz, 8 Mo de RAM et 540 Mo de disque dur. Je ne sais pas où est passé cet ordinateur, mais il me reste encore des Syquests avec des cartouches de 88 Mo et de 200 Mo. En recherchant une photo de l’ordinateur sur Internet, j’ai même retrouvé ses caractéristiques.
Mon pre­mier ordi­na­teur portable et un lecteur Syquest avec des car­touch­es de 88 Mo. L’ordinateur avait un processeur 486DX2 à 66 MHz, 8 Mo de RAM et 540 Mo de disque dur. Je ne sais pas où est passé cet ordi­na­teur, mais il me reste encore des Syquests avec des car­touch­es de 88 Mo et de 200 Mo. En recher­chant une pho­to de l’ordinateur sur Inter­net, j’ai même retrou­vé ses car­ac­téris­tiques.

Le sys­tème deve­nait viable et, vers 2000, j’ai inau­guré ce portable et les Syquests avec Winamp, un logi­ciel qui per­me­t­tait égale­ment de chang­er la vitesse de la musique. Roy­al, non ? Un disque de 1 Go en interne quelques années plus tard m’a per­mis d’avoir plus de musique avec moi. Aujourd’hui, je suis passé à 4 To…
Tout cela pour dire que le MP3, qui est un retrait par rap­port aux capac­ités du CD a été sal­va­teur pour utilis­er l’informatique en milon­ga.
Le MP3 devait égale­ment se dévelop­per à cause des faibles per­for­mances d’Internet de l’époque, même si j’avais Numéris, un sys­tème qui per­me­t­tait d’atteindre 64, voire 128 kbit/s en agrégeant deux canaux, mais en dou­blant aus­si le prix de la com­mu­ni­ca­tion…
Aujourd’hui, avec l’ADSL ou la fibre, on a oublié ce temps où il fal­lait des heures pour les trans­ferts et qu’ils étaient fac­turés à la minute…

Comment le MP3 a permis de réduire la taille des fichiers

Un tan­go au for­mat WAV, qual­ité CD, occupe env­i­ron 30 Mo. Un fichi­er MP3 à 128 kbit/s occupe env­i­ron 3 Mo, soit 10 fois moins que le fichi­er sans com­pres­sion.

Ce tableau présente la quantité d’information à stocker en fonction de ses caractéristiques (Fréquence d'échantillonnage et résolution). Encadré en rouge, le CD (piste mono). Il faut multiplier par deux pour un fichier stéréo (1411 kbit/s).
Ce tableau présente la quan­tité d’information à stock­er en fonc­tion de ses car­ac­téris­tiques (Fréquence d’échan­til­lon­nage et réso­lu­tion). Encadré en rouge, le CD (piste mono). Il faut mul­ti­pli­er par deux pour un fichi­er stéréo (1411 kbit/s).

Un fichi­er MP3 stéréo en qual­ité « CD », 44,1 kHz et 16 bits devrait faire égale­ment 30 Mo s’il n’avait pas de com­pres­sion. Un fichi­er audio stéréo au for­mat CD demande un débit de 1411 kbit/s. Le meilleur MP3 est lim­ité à 320 kbit/s. Il faut donc com­primer env­i­ron 4 fois le fichi­er pour le faire entr­er dans son for­mat.
Cela se fait en sup­p­ri­mant des don­nées estimées inutiles ou pas utiles. Sur une musique rel­a­tive­ment sim­ple, c’est réal­is­able, mais plus com­plexe pour de la musique plus riche.
Si on choisit un débit plus faible, par exem­ple 128 kbit/s, et que l’on a con­servé les valeurs ini­tiales de 44,1 kHz et 16 bits, il faut donc aug­menter très sen­si­ble­ment la com­pres­sion et là, les pertes com­men­cent à s’entendre, comme vous avez pu l’écouter dans mon arti­cle « Détecter la musique trichée ». https://dj-byc.com/detecter-la-musique-trichee/

Taille relative des boîtes à musique

Les "boîtes" bleues montre les capacités d'enregistrement, sans compression. À gauche, trois formats. le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à 320 kbit/s.
Les “boîtes” bleues mon­tre les capac­ités d’en­reg­istrement, sans com­pres­sion. À gauche, trois for­mats. le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à 320 kbit/s.

En haut à droite, le for­mat CD (44,1 kHz/16 bits). En dessous, le for­mat DVD et les for­mats Haute réso­lu­tion. Ces deux derniers for­mats per­me­t­tent d’enregistrer des gammes de fréquences bien au-delà du néces­saire et des dif­férences de niveaux sonores supérieures à ceux qui pour­raient se ren­con­tr­er sur terre. Ce sont donc des for­mats des­tinés à l’enregistrement pro­fes­sion­nel. Par exem­ple, si le vol­ume d’enregistrement a été trop faible, on pour­ra l’augmenter sans rajouter de bruit de fond, ce qui serait impos­si­ble avec un for­mat CD ou DVD.
On restera donc prob­a­ble­ment à des valeurs raisonnables pour ce qui est de la dif­fu­sion de la musique en con­ser­vant les valeurs du CD ou du DVD.
Pour vous enlever toute hési­ta­tion, je vous présente ce qu’occupent les for­mats tra­di­tion­nels (LP 33 tours et shel­lac 78 tours) en com­para­i­son de la boîte du CD.

Les trois contenants au format 44,1 kHz et 16 bits) et comment s'y logent trois formats. Le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à sa plus haute qualité.
Les trois con­tenants au for­mat 44,1 kHz et 16 bits) et com­ment s’y logent trois for­mats. Le 78 tours, le 33 tours et le MP3 à sa plus haute qual­ité.

Je com­mencerai par le cas du MP3. La par­tie cen­trale est la taille du fichi­er. La par­tie qui l’entoure, en rose, c’est l’espace que va retrou­ver la musique après la décom­pres­sion. En théorie, on retrou­ve dans la musique décom­pressée, la même gamme de fréquences et la même dynamique que le CD. La dif­férence que l’on peut éventuelle­ment not­er dans de bonnes con­di­tions vient des arte­facts de com­pres­sion qui ont resti­tué des détails un peu dif­férents de ceux d’origine.
Dans les deux boîtes supérieures, j’ai placé le 78 tours et le 33 tours. On voit qu’il y a beau­coup de marge de manœu­vre. Les capac­ités du CD sont net­te­ment supérieures à celles de ces deux sup­ports.
Cer­tains pour­raient affirmer que le ren­du analogique est plus doux, meilleur ou je ne sais quoi, mais il s’agit plus d’un fan­tasme, notam­ment pour la musique his­torique du tan­go, qui n’a pas béné­fi­cié des tout derniers pro­grès du disque noir.
Le test est facile à faire. Placez un « mélo­mane » en écoute aveu­gle et deman­dez-lui s’il écoute la ver­sion CD ou la ver­sion shel­lac. Bien sûr, vous lui aurez offert le meilleur casque, ou une chaîne hi-fi haut de gamme pour être beau joueur.
S’il trou­ve à chaque fois sans se tromper, renou­velez le test dans une milon­ga avec une bonne sono. Si ce phénomène con­tin­ue de tou­jours dif­férenci­er le disque noir de sa copie numérique en qual­ité CD, c’est assuré­ment que votre trans­fert est de très mau­vaise qual­ité.
Dans ce cas j’ai un arti­cle pour vous aider, et éventuelle­ment un autre sur le net­toy­age des dis­ques

Vous aurez sans doute reconnu dans la photo de couverture, une évocation du merveilleux film de Fritz Lang, Metropolis. Mais peut-être ne savez-vous pas que, si on peut voir aujourd'hui ce film en entier, c'est grâce à l'Argentine qui avait conservé une version complète (au format 16 mm) contenant les 25 minutes que l’on croyait perdues. Aujourd'hui, on peut voir ce chef-d'œuvre absolu du cinéma en entier.
Vous aurez sans doute recon­nu dans la pho­to de cou­ver­ture, une évo­ca­tion du mer­veilleux film de Fritz Lang, Metrop­o­lis. Mais peut-être ne savez-vous pas que, si on peut voir aujour­d’hui ce film en entier, c’est grâce à l’Ar­gen­tine qui avait con­servé une ver­sion com­plète (au for­mat 16 mm) con­tenant les 25 min­utes que l’on croy­ait per­dues. Aujour­d’hui, on peut voir ce chef-d’œu­vre absolu du ciné­ma en entier.

Détecter la musique trichée

Pour les DJ de tango qui ne veulent pas se faire arnaquer

Nous avons déjà par­lé des tech­niques d’enregistrement depuis les orig­ines, mais aujourd’hui, je souhaite répon­dre à un ami DJ, Fred, qui m’a demandé com­ment recon­naître de la musique trichée. C’est-à-dire de la musique qui est ven­due comme étant de haute qual­ité, mais qui est de la musique ordi­naire dont on a changé l’étiquette.

Les pièces du procès

Fred m’a soumis trois fichiers qu’il a acquis auprès d’un édi­teur que je ne cit­erai pas, mais qui pré­tend fournir de la qual­ité 16 bits/44,1 kHz. Il est déçu de ses acqui­si­tions qui ne lui sem­blent pas cor­re­spon­dre à ce que devraient être ces fichiers.

Voici les trois fichiers qu’il m’a envoyés :

  • 14 No Te Aguan­to Mas (Instrumental).m4a
  • 06 — Orques­ta Típi­ca Osval­do Frese­do – Divagando.aif
  • 23 — Ricar­do Tan­turi — Recuerdo.aif

Pre­mière remar­que, les noms de fichiers ne sont pas stan­dard­is­és. Si on ouvre ces fichiers dans iTunes, on remar­que que les méta­don­nées ne sont pas toutes rem­plies.

On peut voir que les don­nées ne sont pas au top. Musiques du Monde au mieux de tan­go, une seule date d’enregistrement cor­recte. On remar­quera toute­fois que le débit indiqué est de 514 ou 1411 kbit/s, ce qui cor­re­spond à des for­mats haute déf­i­ni­tion.

Échantillon pas gratuit

Le principe de la musique numérique est de découper le sig­nal sonore analogique en tranch­es tem­porelles. À un moment don­né, on va quan­ti­fi­er le sig­nal et enreg­istr­er cela sous forme numérique. Puis, un peu plus tard, on va faire de même et ain­si de suite. On con­sid­ère pour que ce soit de bonne qual­ité, il faut le faire au moins 40 000 fois par sec­onde… Plus ont le fait sou­vent et plus on aura de pré­ci­sion en cap­tant les plus petits détails de change­ment de la musique. On con­sid­ère que l’oreille humaine pou­vant enten­dre des sons de 20 kHz (pas tout le monde…), il faut une fréquence d’échantillonnage du dou­ble pour restituer des aigus extrêmes qui, même si on ne les entend pas, influ­en­cent, ou influ­encerait, sur le tim­bre des instru­ments. Voyons ce qu’en dit l’éditeur dou­teux, repéré par Fred.

Le site de vente de musique épinglé par Fred se vante de fournir de la musique de bonne qual­ité, comme en témoigne ce dessin sur leur page. Le for­mat MP3 présente des escaliers, car le taux d’échan­til­lon­nage y serait faible.

Ce dessin fait par­tie de la tromperie de cet édi­teur. En effet, il est en par­tie faux.
En effet, il présente le MP3 à 320 kbit/s comme ayant des march­es d’escalier supérieures à celles du for­mat CD. C’est un men­songe. En effet, le MP3 per­met un échan­til­lon­nage à 44 kHz et donc, l’effet d’escalier sera exacte­ment le même. D’ailleurs, ils n’indiquent pas la fréquence d’échantillonnage en face du MP3, seule­ment en face du for­mat CD ou Hi-Res Audio.
Bien sûr, on peut échan­til­lon­ner du MP3 à des valeurs inférieures. Par exem­ple, à 22 kHz, les fichiers seront deux fois plus petits et la fréquence max­i­male repro­ductible sera 11 kHz.
On peut donc par­tir du principe que les MP3 à 320 kbit/s sont échan­til­lon­nés à 44 kHz et que la dif­férence de qual­ité vient d’ailleurs.
Il vient du fait que la com­pres­sion, qui per­met de réduire forte­ment la taille des fichiers, est destruc­tive. Le pro­gramme de com­pres­sion décide que cer­tains élé­ments sont peu impor­tants et les sup­prime. C’est exacte­ment comme pour les pho­tos en JPG. Si elles sont trop com­pressées, on obtient des arte­facts à la décom­pres­sion.

Les effets de la com­pres­sion exces­sive sur une image sont de même ordre que ceux sur un fichi­er de musique. La musique devient floue, pâteuse, sans détail, sans sub­til­ité.

Compression, décompression, ne vous mettez pas la pression

Les trois fichiers en ques­tion sont sous deux for­mats dif­férents, comme en témoignent les exten­sions de fichi­er. Mais cela ne suf­fit pas pour être sûr de ce que l’on a et pour deux raisons :

  • Le fichi­er peut avoir été enreg­istré à ce for­mat, mais à par­tir d’un for­mat de moin­dre qual­ité. Cela n’augmente pas la qual­ité de la musique. C’est donc une « arnaque ». Cepen­dant, si vous souhaitez retouch­er votre musique, vous devrez adopter un for­mat sans perte pour éviter qu’à chaque enreg­istrement la qual­ité du fichi­er baisse à cause d’une nou­velle com­pres­sion.
  • Cer­tains for­mats sont en fait des con­teneurs qui peu­vent recueil­lir dif­férents types de fichiers. Par exem­ple, le for­mat m4a de No te aguan­to más est un con­teneur qui peut con­tenir de la musique à un for­mat com­pressé (type mp3) ou haute qual­ité (type ALAC). L’extension m4a seule ne suf­fit donc pas à assur­er que l’on a un fichi­er de haute qual­ité, sans perte (Los­less). Dans iTunes, on remar­que un débit de 514 kbit/s et dans la colonne « Type », la men­tion Fichiers audio Apple Loss­less (ALAC), ce qui cor­re­spond bien à un for­mat de haute qual­ité.

La com­pres­sion con­siste à sup­primer des infor­ma­tions jugées peu utiles afin de réduire la taille du fichi­er. Cette dis­po­si­tion a fait le suc­cès du for­mat MP3 qui per­me­t­tait de ne pas sat­ur­er trop vite les petits dis­ques durs d’il y a quelques décen­nies et qui pou­vait s’adapter aux débits disponibles sur Inter­net.
Avec l’augmentation du débit Inter­net et l’augmentation de taille des dis­ques, le for­mat MP3 ne se jus­ti­fie plus vrai­ment, car il abime trop sen­si­ble­ment la musique.
On attend ENCODE qui serait un for­mat avec com­pres­sion de meilleure qual­ité grâce à l’intelligence arti­fi­cielle, mais, pour l’instant, il faut regarder du côté des for­mats sans com­pres­sion destruc­trice (WAV, AIFF, ALAC, FLAC…).

Il n’y a pas de petits profits

Les édi­teurs l’ont bien com­pris et pou­voir ressor­tir leurs vieux fichiers au for­mat MP3 en les « gon­flant » est une astuce qui per­met de ven­dre plus cher la même chose, sans que la qual­ité finale soit meilleure.
Si on veut être juste, pass­er un disque vinyle en CD ne fai­sait pas non plus aug­menter la qual­ité de la musique, n’en déplaise aux nos­tal­giques, un enreg­istrement numérique (DDD) est poten­tielle­ment meilleur qu’un (ADD) ou un (AAD). Le D pour Dig­i­tal (numérique) et le A pour Analogique).

  • AAD = Enreg­istrement analogique/Mixage, mas­téri­sa­tion analogique/Diffusion numérique
  • ADD = Enreg­istrement analogique/Mixage, mas­téri­sa­tion numérique/Diffusion numérique
  • DDD = Enreg­istrement numérique, mix­age et mas­téri­sa­tion numérique et dif­fu­sion numérique

Les dis­ques de tan­go de l’âge d’or sont tous en enreg­istrement analogique (A).
Les sup­ports numériques d’aujourd’hui peu­vent donc être AAD ou ADD.
On pour­rait penser que ADD est meilleur, mais c’est aus­si le domaine de tous les abus qui nuisent à l’authenticité de la musique. Pour ma part, je préfère un bon AAD quand je ne peux pas par­tir d’un disque noir orig­i­nal.
Il y a cepen­dant des ADD qui béné­fi­cient d’un excel­lent tra­vail de restau­ra­tion. Ce serait dom­mage de s’en priv­er.
Les édi­teurs de tan­go font plutôt du AAD, ce qui donne sou­vent des musiques avec beau­coup de bruit disque. Ce bruit est maîtris­able, mais encore faut-il bien le faire et d’autres édi­teurs sont vrai­ment minables dans ce tra­vail. La plu­part du temps, quand vous voyez “Remas­ter­i­za­do” ou “Remas­tered”, le mieux est de fuir.

La démonstration par l’image…

Fred a détec­té le prob­lème en écoutant la musique. C’est une excel­lente démarche. Mais, il peut être intéres­sant de voir le prob­lème.
Je vous pro­pose ici d’étudier le prob­lème à par­tir de 6 fichiers représen­tat­ifs de cer­taines dérives. Les trois de Fred, plus trois autres que je rajoute à titre d’exemples com­plé­men­taires.

Divagando – Osvaldo Fresedo – Format AIFF – « Éditeur de Fred »

Tout d’abord, le fichi­er livré est bien, comme annon­cé, dans un for­mat CD (16 bits/44,1 kHz).

Diva­gan­do de Frese­do au for­mat AIF. C’est nor­male­ment un fichi­er de haute qual­ité, mais il y a un gros prob­lème.

On remar­que quelque chose d’étrange dans le spec­tro­gramme de ce fichi­er. Il y a une baisse de vol­ume à par­tir de 4000 Hz.
Pour com­pren­dre, regardez l’échelle de gauche. Elle indique les fréquences. On con­sid­ère qu’une bonne oreille humaine (celle d’un jeune) est capa­ble d’entendre de 20 Hz à 20 000 Hz.
On voit qu’à par­tir de 4000 Hz, la couleur passe de l’orange au bleu.
La couleur s’analyse en regar­dant l’échelle de droite. Le jaune indique un fort niveau et le bleu, un niveau plus faible.
Ce résul­tat est très éton­nant et j’ai véri­fié dans un autre logi­ciel.

Tous les mod­ules du logi­ciel con­fir­ment le prob­lème. À gauche, on voit que la par­tie orange est arasée à 4000 Hz. Dans l’é­galiseur paramétrique, la chute à 4000 Hz est égale­ment évi­dente, tout comme dans l’analy­seur de fréquence.

La rai­son de cette chute est assez sim­ple. Un fil­tre de coupure a été placé avec une bas­cule à 4000 Hz et une pente très forte. Toutes les fréquences supérieures à la fréquence de coupure ont été sup­primées. C’est une façon effi­cace de sup­primer le bruit de sur­face d’un disque, mais c’est une destruc­tion de la musique. Avec l’égaliseur paramétrique, on peut récupér­er un peu des aigus détru­its, mais il vaut mieux ne pas per­dre son temps avec une musique de si mau­vaise qualité.L’analyse du fichi­er révèle que son débit est de 1411 kbit/s et est réelle­ment à 1411 kbit/s en natif. Donc, l’éditeur n’a pas triché dans le cas présent, la destruc­tion des aigus par l’application d’un fil­tre passe-bas à forte pente (-40 dB à 4000 Hz) rend la musique peu util­is­able. Ce traite­ment exagéré était prob­a­ble­ment des­tiné à sup­primer le bruit du disque.
Je vous pro­pose d’écouter le début du fichi­er.

Impos­si­ble de le laiss­er en entier en bonne qual­ité à cause des restric­tions du serveur. C’est du MP3 à 320 kbit/s, mais même dans ce for­mat dégradé, les défauts de la musique sont évi­dents.

06 — Orques­ta Tipi­ca Osval­do Frese­do – Diva­gan­do (EXTRAIT)
06 — Orques­ta Tipi­ca Osval­do Frese­do – Diva­gan­do (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Con­clu­sion pour ce fichi­er. Même s’il n’y a pas de triche sur le for­mat, les traite­ments appliqués ren­dent le fichi­er aus­si mau­vais que du MP3… C’est dom­mage d’acheter ce fichi­er sans obtenir l’augmentation de qual­ité espérée.

No te aguanto más – Carlos Di Sarli – Format M4a – « Éditeur de Fred »

Le fichi­er est bien dans un for­mat CD (16 bits/44,1 kHz), mais on est bien devant une énorme arnaque.

On se rend compte qu’il n’y a absol­u­ment rien au-dessus de 11 kHz. Il manque qua­si­ment la moitié des fréquences de la musique pos­si­bles.

L’analyse révèle qu’en fait, le fichi­er source est à 96 kbit/s, le débit des plus mau­vais MP3…
Le fichi­er fait donc appa­raître un spec­tro­gramme con­forme, ce for­mat ne per­me­t­tant pas d’afficher les hautes fréquences. On remar­que ici la coupure très nette à 11 kHz qui con­traire­ment à l’exemple précé­dent n’est pas causée par un fil­tre passe-bas agres­sif, mais par le fait que le sup­port orig­i­nal ne per­me­t­tait pas de con­serv­er les hautes fréquences.
Le fichi­er est ven­du comme ayant un débit de 4116 kbit/s. Le fichi­er ven­du est donc le fruit d’un gon­fle­ment de 42 fois du doc­u­ment orig­i­nal… C’est donc une tromperie.

No te aguan­to más – Car­los Di Sar­li (EXTRAIT)
No te aguan­to más – Car­los Di Sar­li (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Le résul­tat est logique­ment sourd et étouf­fé, comme l’a remar­qué notre ami, Fred.

Recuerdo – Ricardo Tanturi – Format AIF – « Éditeur de Fred »

Une fois de plus, il n’y a pas de tromperie sur le con­tenant. C’est bien au for­mat CD. C’est en fait l’astuce de ces vendeurs. On prend une boite de grande taille, nor­male­ment des­tinée à con­tenir un gros objet (une musique en haute réso­lu­tion dans notre cas). Dans cette boîte, il peut y avoir un gros objet, mais aus­si un objet plus petit (le fichi­er arti­fi­cielle­ment gon­flé). Mais, ce que le DJ achète, ce n’est pas la boite, mais l’objet, la musique. Il me sem­ble donc impor­tant de lui éviter de tomber dans la tromperie qu’on ne peut sans doute pas traiter de fraude, car les vendeurs ne par­lent que de for­mat de fichi­er et que, donc, il n’y a pas tromperie. La boîte est bien une grosse boite…

La boîte fait bien 1411 kbit/s, mais le fichi­er qui est dedans est du 320 kbit/s. Il y a donc une triche x4, mais il y a une sec­onde arnaque.

Si le fait de gon­fler par qua­tre la musique est une triche, l’original étant en 320 kbit/s, la musique résul­tante pour­rait être cor­recte. Cepen­dant, on se retrou­ve dans le même cas que les précé­dents fichiers. Les fréquences utiles sont lim­itées à env­i­ron 7500 Hz, ce qui donne en théorie un son sourd, man­quant de bril­lance. Cepen­dant, ici, un autre traite­ment est venu s’ajouter. Il s’agit de la réver­béra­tion. Cela per­met de don­ner une impres­sion de spa­tial­ité, voire de bril­lance. Ce procédé est a été très util­isé lors du pas­sage au microsil­lon stéréo. Le trans­fert des anciens dis­ques mono était soumis à ce traite­ment pour don­ner l’impression d’un effet pseu­dostéréo­phonique.

Recuer­do – Ricar­do Tan­turi (EXTRAIT)
Recuer­do – Ricar­do Tan­turi (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Le résul­tat est désagréable et le présent exem­ple en témoigne. Pour moi, ce fichi­er est inutil­is­able en milon­ga.
On notera, toute­fois, qu’une réver­béra­tion bien appliquée donne une pro­fondeur agréable à la musique qui, sinon, pour­rait paraitre trop sèche. C’est d’ailleurs une stratégie qu’emploient la qua­si-total­ité des enreg­istrements mod­ernes.

Le bilan des acquisitions de Fred

Comme Fred l’a détec­té, ces musiques sont fre­latées. Elles ne sont pas d’une qual­ité jus­ti­fi­ant un prix supérieur à celui des édi­tions d’entrée de gamme, ou de la musique de YouTube ou Spo­ti­fy.
Si toutes les musiques de cette plate­forme sont de ce niveau, l’abonnement n’est pas jus­ti­fié pour les enreg­istrements his­toriques du tan­go.
Pour la musique con­tem­po­raine, il se peut que la valeur ajoutée soit intéres­sante, car les sources sont effec­tive­ment de bonne qual­ité.
Les enreg­istrements actuels sont faits au moins en 24 bits (ou mieux 32 bits en vir­gule flot­tante) et 96, voire 192 kHz, ce qui per­met d’avoir un rap­port signal/bruit de 140 dB (en 24 bits et 1528 dB en 32 bits v.f.). Et de pou­voir restituer des fréquences jusqu’à 90 kHz (presque 5 fois plus aigus que ce que l’humain peut enten­dre). Ces enreg­istrements peu­vent intéress­er votre chien qui entend les ultra­sons…
Cette énorme marge de rap­port signal/bruit et de fréquences per­met en fait de tra­vailler plus con­fort­able­ment en stu­dio par la suite, pour le mix­age et la mas­téri­sa­tion. En revanche, cela n’a pas grand intérêt pour l’auditeur.
Dif­fuser des fréquences inaudi­bles pour­ra tout au plus détru­ire les tweet­ers des enceintes si elles ne dis­posent pas de bons fil­tres de coupure.
Avoir une plage dynamique de 140 dB sig­ni­fie que l’on pour­rait repro­duire le silence absolu et attein­dre le seuil de la douleur, de quoi don­ner des sen­sa­tions, mais pas de con­fort d’écoute, car, par moment, on n’entendrait rien et à d’autres on devrait se bouch­er les oreilles. Le plus fort écart de pres­sion sonore exis­tant sur terre est de 210 dB, les 1528 dB 32 bits à vir­gule flot­tante per­me­t­tent à un ingénieur du son d’enregistrer sans se souci­er du réglage du vol­ume (tolérance de plus de 700 dB en plus ou en moins…).
Pour les enreg­istrements his­toriques de tan­go qui ont une faible dynamique à cause du bruit de sur­face du disque et les lim­ites imposées par l’inertie de l’aiguille, un codage en 16 bits est très large­ment suff­isant.
D’ailleurs, la plu­part des musiques éditées actuelle­ment n’utilisent qu’une toute petite par­tie de la gamme dynamique autorisée par la tech­nique. En effet, elles sont com­pressées (ATTENTION, CE N’EST PAS LA COMPRESSION DU FICHIER), c’est-à-dire que la dynamique est écrasée. On relève le niveau des pas­sages pianos et on dimin­ue les for­tis­si­mos. Ain­si, on gagne en con­fort d’écoute en n’étant pas obligé de tout le temps manip­uler le bou­ton de vol­ume.
Pour la musique actuelle, tonique, on com­presse telle­ment la musique qu’elle est en fait qua­si­ment d’un bout à l’autre du titre au même vol­ume sonore. C’est l’autre extrême…

Trois autres exemples avec d’autres éditeurs

J’ai décidé de com­pléter ce petit panora­ma avec trois autres titres, dif­fusés par deux édi­teurs spé­cial­isés dans le tan­go. Je ne don­nerai pas non plus leur nom, même s’ils font plutôt de l’excellent tra­vail, on ver­ra qu’il y a quelques points à dis­cuter…

Quiero verte una vez más 1950-03-07 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán – Format AIF – Éditeur spécialisé tango A

Ce fichi­er tient ses promess­es. C’est un for­mat numérique sans perte (AIF) et son débit est bien celui de la source, à savoir 705 kbit/s, ce qui cor­re­spond à un débit sat­is­faisant pour une source mono. Voyons son spec­tro­gramme.
On notera que le fichi­er est échan­til­lon­né à 64 kHz et 32 bits (vir­gule flot­tante), ce qui est une boîte net­te­ment supérieure à ce qui est néces­saire.

Ce fichi­er tient ses promess­es. C’est un fichi­er qui cor­re­spond à ce qui est annon­cé. On le voit tout de suite avec des fréquences qui mon­tent jusqu’à 17 kHz de façon exploitable et une lim­ite égale à la lim­ite théorique de 22 kHz.

On voit que les fréquences élevées con­tin­u­ent d’exister au-delà des 7500 des fichiers précé­dents. Toute l’amplitude de la musique est respec­tée, cette ver­sion a donc sa place dans une milon­ga de qual­ité.
Pour en juger, voici un exem­ple peu com­pressé, mais de courte durée et une ver­sion inté­grale dans une qual­ité réduite pour pou­voir être dif­fusée sur mon site.

Quiero verte una vez más 1950-03-07 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (EXTRAIT)
Quiero verte una vez más 1950-03-07 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Ce titre acheté chez cet édi­teur vaut donc la peine, dans la mesure où on a un fichi­er de bonne qual­ité. Le trans­fert depuis le disque orig­i­nal a été fait avec un disque en bon état avec rel­a­tive­ment peu de bruit de sur­face.
Cet édi­teur que j’ai appelé A est réputé sur le marché et c’est jus­ti­fié.

La noche que me esperes 1952-01-28 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán – Format m4a (ALAC) – Éditeur spécialisé tango B

Ce que l’on remar­que chez cet édi­teur est que les fréquences hautes mon­tent à plus de 30 kHz. Cela indique que, même si le for­mat d’origine était à 320 kbit/s, le taux d’échantillonnage devait être élevé. En effet, le fichi­er est en 96 kHz et 32 bits vir­gule flot­tante.
On pour­rait penser à une triche, puisque le for­mat final a un débit 33 fois supérieur à celui de la source, mais je ne le dirai pas ain­si, car il s’agit plutôt d’un choix tech­nique. Je pense que le for­mat 320 kbit/s n’a été util­isé que pour les dernières étapes, une fois que les fichiers ont été opti­misés.
À ce stade, les 320 kbit/s sont large­ment suff­isants pour « con­tenir » toutes les infor­ma­tions musi­cales orig­i­nales. La petite menterie serait donc de gon­fler sans néces­sité, le fichi­er ven­du, plutôt que de livr­er directe­ment l’original qui était prob­a­ble­ment dans ce for­mat.
Cela étant, on peut juger de la qual­ité du trans­fert à l’écoute, même avec les lim­ites imposées par mon site.

La présence de fréquences supérieures à 30 kHz s’ex­plique par le choix d’une fréquence de 96 kHz qui per­met d’avoir des sons de plus de 40 kHz.

On ne jugera que de la gamme de fréquences inférieure à 20 kHz. On voit tout de suite qu’il y a de l’orange et donc un vol­ume suff­isant pour être bien enten­du. Cela se ressen­ti­ra à l’écoute.

La noche que me esperes 1952-01-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (EXTRAIT)
La noche que me esperes 1952-01-28 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

En résumé, une musique de par­faite qual­ité qui don­nera (ou pas) sat­is­fac­tion en milon­ga. Je vous réserve une petite sur­prise en fin d’article sur le sujet.

Desvelo (De flor en flor) 1953-08-16 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán – Format FLAC – Éditeur spécialisé tango B

Un autre exem­ple, chez le même édi­teur, au for­mat FLAC. Un for­mat libre des plus util­isés.
Les com­men­taires pour­raient être les mêmes que pour le titre précé­dent. Le change­ment de fla­con (ALAC, FLAC), ne change pas le goût du liq­uide (la musique).

Comme pour le titre précé­dent, une lim­ite des aigus très haute et des fréquences aiguës au-dessus des 15 kHz, gage d’un bon ren­du des tim­bres des instru­ments et de la voix.
Desvelo (De flor en flor) 1953-08-16 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (EXTRAIT)
Desvelo (De flor en flor) 1953-08-16 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán (en entier, mais adap­té pour être accep­té par mon site).

Comme on peut en juger à l’écoute, on est devant une très belle ver­sion. Le pas­sage par une étape en 320 kbit/s n’a pas dénaturé la musique et ce titre est excel­lent.

Faut-il acheter de la musique Hi-Res pour le tango ?

Le principe d’une chaîne (comme la chaîne hi-fi) est que la qual­ité finale dépend du moins bon élé­ment.
Si vous avez une source for­mi­da­ble, un ampli de qual­ité et des haut-par­leurs minables, vous aurez un son minable.
Dans le cas du tan­go, les enreg­istrements his­toriques sont très en deçà des capac­ités des matériels mod­ernes.

Fréquences sonores et rapport signal/bruit :

Dynamique et vol­ume d’en­reg­istrement des dis­ques phonos selon Novotone.be. https://www.novotone.be/_site/projets/Projet06/Doc02.pdf (page 9).

Ces valeurs sig­ni­fient que toute la musique de l’âge d’or du tan­go béné­fi­cie au mieux d’un ren­du en fréquence com­pris entre 10 et 15 kHz et d’un rap­port sig­nal bruit de l’ordre de 60 dB.
Le for­mat Hi-Res peut attein­dre des valeurs de 32 bits (vir­gule flot­tante) et 192 kHz de fréquence d’échantillonnage. Cela sig­ni­fie que l’on est capa­ble d’enregistrer des musiques de 0 à 96 kHz et d’avoir un rap­port sig­nal bruit de 1528 dB.
Dit autrement, on peut enreg­istr­er une gamme de fréquences cinq fois plus large que celle du meilleur disque noir avec une gamme dynamique des mil­liards de fois plus grande (chaque 3 dB, la pres­sion sonore dou­ble).

Qualité de la musique en fonction du format

Si les for­mats CD et encore plus Hi-Res sur­passent énor­mé­ment les car­ac­téris­tiques des musiques de l’âge d’or, les for­mats com­pressés, comme le MP3 (ou le AAC) posent ques­tion.
En MP3 de nom­breux paramètres sont ajusta­bles. Voici quelques valeurs de resti­tu­tion pos­si­ble en fonc­tion de ces paramètres.
Pour mémoire, le fichi­er util­isé est Desvelo au for­mat FLAC qui fait 35 906 Ko.

On se rend compte que sur le papi­er, le for­mat MP3, jusqu’à 32 kHz et 16 bits con­vient pour repro­duire de la musique de tan­go de l’âge d’or. On notera que la taille de fichi­er ne change pas pour les grandes valeurs.

On remar­quera que les for­mats les plus per­for­mants ne pro­duisent pas de fichiers plus grands. C’est un résul­tat de la com­pres­sion. En effet, lorsque le fichi­er est com­pressé, on enlève toutes les infor­ma­tions jugées inutiles. La musique de tan­go com­por­tant peu d’aigus, peu d’amplitude de dynamique, la com­pres­sion est effi­cace.
La vue de ce tableau pour­rait donc laiss­er penser que les fichiers MP3 con­vi­en­nent par­faite­ment, mais est-ce le cas ?

Desvelo en image et son…

Comme je ne peux pas vous partager les fichiers en haute qual­ité sur ce site, je vous pro­pose de télécharg­er l’archive des fichiers dans les dif­férents for­mats.

Télécharg­er l’archive ZIP des fichiers audio. Vous devrez décom­press­er le fichi­er pour pou­voir écouter les morceaux. Ras­surez-vous, cette com­pres­sion n’abîme pas la musique. Vous aurez exacte­ment le son que j’ai sur mon ordi­na­teur…

Pour une meilleure com­para­i­son, utilisez un casque.

Fichi­er orig­i­nal au for­mat FLAC (96kHz-32 bits vir­gule flot­tante)
Fichi­er MP3 (48kHz-32 bits vir­gule flot­tante). On remar­que que la lim­ite est désor­mais à 20 kHz, ce qui est nor­mal, puisqu’on est passé à une fréquence d’échantillonnage de 48 kHz.
Fichi­er MP3 (48kHz-16 bits). Le pas­sage à 16 bits ne change absol­u­ment rien, car la musique orig­i­nale n’avait pas une dynamique supérieure à 90 dB.
Fichi­er MP3 (44kHz-24 bits) L’u­til­i­sa­tion d’une fréquence d’échantillonnage plus basse ne change qua­si­ment rien, car la musique ne com­porte pas de fréquences supérieures à 20 kHz.
Fichi­er MP3 (44kHz-16 bits) Comme pour la fréquence d’échan­til­lon­nage de 48 kHz, la dynamique réduite de ce morceau n’est pas impactée par la baisse de réso­lu­tion (débit).
Fichi­er MP3 (44kHz‑8 bits) Le pas­sage à 8 bits, en dimin­u­ant la dynamique rend la musique moins claire. Le spec­tro­gramme mon­tre que les hautes fréquences sont moins nettes. Le fond bleu est moins pro­fond.
Fichi­er MP3 (32000–16) On retrou­ve le fond bleu avec le rétab­lisse­ment d’une réso­lu­tion de 16 bits. La coupure à 15 kHz est très nette. C’est le résul­tat du pas­sage à une fréquence d’échan­til­lon­nage de 32 kHz. Ce n’est pas for­cé­ment trag­ique, car la plu­part des audi­teurs n’entendent pas les fréquences supérieures à 15 kHz.
Fichi­er MP3 (22000–16 bits) Le pas­sage à une fréquence d’échantillonnage à 22 kHz, lim­ite la bande pas­sante à 10 000 Hz. C’est tout à fait logique et là, la musique com­mence à être vrai­ment dénaturée. On réservera cette qual­ité à l’enregistrement de la parole.
Fichi­er MP3 (8000–8 bits) C’est le pire for­mat MP3 pos­si­ble. La fréquence d’échan­til­lon­nage à 8 kHz lim­ite la bande pas­sante à moins de 4 kHz. La lim­i­ta­tion de la réso­lu­tion écrase la dynamique. On voit l’aspect de la musique sur cette image et à l’é­coute, c’est tout aus­si hor­ri­fi­ant.

Pour ceux qui auront la flemme d’ouvrir tous les fichiers du fichi­er ZIP, je pro­pose le fichi­er mon­strueuse­ment dimin­ué, celui à 8kHz et 8 bits… Atten­tion, oreilles frag­iles, bien s’accrocher.

09 — Desvelo 8kHz et 8 bits. Red­outable, non ?

Alors, MP3 ou Hi-Res ?

Au vu de la plu­part des instal­la­tions de dif­fu­sion sonore dans les milon­gas, du MP3 à 44 kHz et 16 bits est suff­isant. Cela peut être le for­mat final. En revanche, ce for­mat n’est pas pos­si­ble si on doit inter­venir sur la musique (retouche). Car chaque fois qu’on enreg­istre un for­mat MP3, on refait une com­pres­sion destruc­tive, c’est-à-dire que l’on sup­prime à chaque fois des infor­ma­tions, c’est-à-dire des sons…
Il est donc préférable dans ce cas de par­tir de fichiers dans un for­mat sans perte, ce qui per­me­t­tra de le réen­reg­istr­er sans dimin­uer la qual­ité sonore du fichi­er. Le tout dernier enreg­istrement peut être en MP3 44kHz-16 bits (320 kbit/s). Je suis con­va­in­cu qu’aucun danseur s’en ren­dra compte, même si je n’utilise que de la musique Hi-Res, car il y a tout de même une légère dif­férence.
Le plus impor­tant est d’avoir une source de bonne qual­ité, sans réver­béra­tion, avec une dynamique et une plage de fréquence com­plètes. Ces sources sont très rares, mais on en trou­ve de plus en plus. Pour ma part, j’ai eu la chance de numéris­er énor­mé­ment de musique à par­tir des dis­ques, ce qui est bien sûr la meilleure solu­tion. Pour le reste, c’est un long tra­vail de sélec­tion, de restau­ra­tion pour obtenir un enreg­istrement meilleur que celui que j’avais avant.
C’est un peu déce­vant de faire tout ce tra­vail et de voir que des pseu­do­DJ utilisent des musiques venant de YouTube, Spo­ti­fy ou autres. Ces musiques médiocres trans­for­ment les oreilles des danseurs.

Pourquoi certains danseurs se plaignent-ils des musiques de qualité ?

Lors de la restau­ra­tion de la chapelle Six­tine, à Rome, ter­minée en 1994, il y a eu une lev­ée de boucliers pour dénon­cer ce qui était un « mas­sacre ».

Á gauche, la Chapelle Six­tine avant restau­ra­tion. À droite, après.

On remar­que facile­ment la dif­férence, comme on remar­que la dif­férence sonore entre un mau­vais MP3 et un bon fichi­er audio.
Lorsque la chapelle Six­tine a été dévoilée après la restau­ra­tion, il y a eu un tol­lé pour dénon­cer un mas­sacre. Les vis­i­teurs étaient habitués à un pla­fond noir­ci par des siè­cles de fumée de cierges et la pol­lu­tion urbaine. Retrou­ver les couleurs franch­es choquait cer­tains regards.
Pour être com­plet, la restau­ra­tion de la Six­tine a reçu des inter­ven­tions de divers­es qual­ités. En musique, les restau­ra­tions pro­duisent aus­si des dégâts qui ren­dent la musique désagréable à l’écoute.
Le net­toy­age du bruit du disque a fait dis­paraître cer­tains élé­ments de la musique, voire don­né un effet de baig­noire. Tout comme on ne s’improvise pas restau­ra­teur de fresques, on ne s’improvise pas restau­ra­teur de musique. Cela demande du temps, de la réflex­ion et des con­nais­sances, ce dont sem­blent man­quer cer­tains édi­teurs et, en par­ti­c­uli­er, ceux qui affichent fière­ment « Remas­tered » ou « Remas­ter­i­za­do ».
Mais revenons à la polémique sur la musique dans les milon­gas. La plu­part des DJ impro­visés, et qui sont mal­heureuse­ment les plus nom­breux, ont des musiques effroy­ables, sans con­traste, sans aigu. Comme les audi­teurs ont l’ouïe qui baisse avec l’âge et que la com­mu­nauté tanguera n’est pas de la pre­mière jeunesse, on finit par s’habituer à cette musique plate, sourde et sans con­traste, comme le pla­fond sale de la Six­tine.
Lorsqu’une musique riche en aigus et en bass­es arrive, cer­tains se sen­tent agressés, car ils n’y sont pas habitués. Les plus jeunes adorent, ain­si que les mélo­manes qui peu­vent retrou­ver la sub­til­ité de la musique.
Comme DJ, il faut savoir sac­ri­fi­er la qual­ité de sa musique, notam­ment lorsque le sys­tème de dif­fu­sion de la salle est médiocre. De plus en plus de sys­tèmes sont des­tinés à la musique de boite de nuit avec un ren­force­ment des graves et des aigus, avec des médi­ums peu présents. Cela ne se marie pas tou­jours bien avec la musique de tan­go, qui demande plutôt des instal­la­tions com­pa­ra­bles à celles de la musique clas­sique. Les vio­lons sur ces matériels mal adap­tés devi­en­nent cri­ards, les bass­es peu­vent aus­si gên­er.
Le pre­mier tra­vail du DJ est d’abord de véri­fi­er l’acoustique de la salle. Cela se fait a min­i­ma en dif­fu­sant un bruit rose et en véri­fi­ant dans la salle, à l’aide d’un analy­seur de spec­tre (ou à l’oreille si on n’est pas équipé), qu’il n’y a pas de réso­nance gênante. Si c’est le cas, on procède à une égal­i­sa­tion de base qui con­siste à obtenir un sig­nal aus­si plat que pos­si­ble pour toutes les fréquences.
Trop sou­vent, les organ­isa­teurs ne don­nent pas l’opportunité au DJ de faire ces réglages, notam­ment quand il y a un orchestre, ce dernier ayant ten­dance à trans­former sa bal­ance en répéti­tion et il faut atten­dre par­fois des heures avant d’avoir quelques min­utes pour faire ses réglages. Pour ma part, je souhaite être sur place au moins une heure avant pour avoir le temps de tout régler quand je ne con­nais pas le lieu.

Un cas extrême de sono déséquili­brée. Dans cette salle, il y avait aupar­a­vant un DJ “toutes dans­es”. Il m’a été impos­si­ble de faire les mesures dans la salle avant la milon­ga, car j’ai enchaîné directe­ment. Il m’a donc fal­lu mod­i­fi­er l’égalisation en direct dans des pro­por­tions incroy­ables, en gon­flant énor­mé­ment les bass­es et en bais­sant les aigus. En effet, le son était dif­fusé par des enceintes médi­ums aiguës, sans cais­son de basse. En pous­sant les bass­es, on intro­duit de la dis­tor­sion dans les haut-par­leurs qui ne sont pas adap­tés pour cela. Pour avoir un son cor­rect dans la salle, la seule solu­tion a été de couper les fréquences supérieures, en gros, trans­former de la musique de haute qual­ité, en mau­vais MP3. Un comble. Si j’avais eu la pos­si­bil­ité d’intervenir en amont sur la sono, j’aurais cer­taine­ment trou­vé com­ment régler le prob­lème avant la milon­ga.

Bon, c’était un peu tech­nique et je pense que je vais devoir faire des pages sup­plé­men­taires pour détailler cer­tains points.

À bien­tôt, les amis !

Mala junta 1947-01-16 — Orquesta Pedro Laurenz

Julio De Caro; Pedro Laurenz Letra: Juan Miguel Velich

Je suis sûr que vous avez déjà été inter­pel­lés par ce titre qui com­mence par des rires, voire par des sif­fle­ments. La ver­sion du jour est réal­isée par un des deux auteurs, le ban­donéon­iste Pedro Lau­renz, qui à l’époque de la com­po­si­tion, était dans l’orchestre de l’autre com­pos­i­teur, Julio de Caro. Nous ver­rons que, dès 1927, cette œuvre est d’une extra­or­di­naire moder­nité.
Mala jun­ta peut se traduire par mau­vaise ren­con­tre. Vous serez peut-être éton­né de voir qu’elle est la mau­vaise ren­con­tre évo­quée par Mag­a­l­di…

Extrait musical

Par­ti­tions de Mala jun­ta. Elles sont dédi­cacées “Al dis­tin­gui­do y apre­ci­a­do Señor Don Luis Gondra y famil­ia”. Pre­mière des 26 pages de la par­ti­tion com­plète et début de la par­tie finale avec la mise en valeur du ban­donéon. Par­ti­tion réal­isée par Lucas Alcides Cac­eres.
Mala jun­ta 1947-01-16 — Orques­ta Pedro Lau­renz.

Les ver­sions de Pugliese sont bien plus con­nues, mais vous recon­naîtrez tout de suite le titre mal­gré l’absence des éclats de rire du début, ou plus exacte­ment, c’est l’orchestre qui repro­duit le thème de l’éclat de rire, instru­men­tale­ment. Le rythme est bien mar­qué, même s’il com­porte quelques syn­copes en fan­taisie.
On notera que Lau­renz fait égale­ment l’impasse sur les sif­fle­ments. Dans son enreg­istrement de 1968, avec son quin­te­to, il omet­tra égale­ment ces deux élé­ments. On pour­rait donc imag­in­er que ces rires et sif­fle­ments sont des fan­taisies de De Caro. C’est d’autant plus prob­a­ble si on se sou­vient que, dans El moni­to, il utilise les sif­fle­ments, les rires et même des phras­es humoris­tiques.
Si quelques dis­so­nances rap­pel­lent les com­po­si­tions decaréennes (de De Caro), elles ne devraient pas trou­bler les danseurs moins fam­i­liers de ces sonorités.
Les phras­es sont lancées et se ter­mi­nent sou­vent comme jetées, pré­cip­itées. Le piano coupe ces accéléra­tions par ses ponc­tu­a­tions. La musique sem­ble se remet­tre en place et on recom­mence jusqu’à la dernière par­tie où le ban­donéon de Lau­renz s’en donne à cœur joie. Rap­pelez-vous que, dans la par­ti­tion, toute cette par­tie est en dou­bles-croches, ce qui per­met de don­ner une impres­sion de vitesse, sans mod­i­fi­er le rythme.

Disque Odeón 7644 Face A avec Mala jun­ta inter­prété par Pedro Lau­renz.

Don Luis Gondra

Luis Gondra a deux épo­ques et une car­i­ca­ture dans la Revue Caras y Care­tas de 1923, qui rap­pelle qu’il était égale­ment avo­cat.

La dédi­cace de ce tan­go a été effec­tuée à Luis Gondra (Luis Roque Gondra), un mil­i­tant, écrivain et poli­tique. Il fait par­tie des sur­vivants du mas­sacre de Pirovano où 200 hommes venus prêter main-forte à Hipól­i­to Yrigoyen en prenant le train à Bahia Blan­ca ont été attaqués à balles et baïon­nettes par des forces loyales au gou­verne­ment de Manuel Quin­tana.
Il est mort le 10 févri­er 1947, soit moins d’un mois après l’enregistrement de notre tan­go du jour. Il est l’auteur de dif­férents ouvrages, prin­ci­pale­ment d’histoire poli­tique, comme des ouvrages sur Bel­gra­no ou des cours d’économie, car il était pro­fesseur de cette matière.

Un ouvrage à la gloire de Bel­gra­no, un cours d’é­conomie poli­tique et sociale et un livre sur les idées économiques de Bel­gra­no. Cela donne le pro­fil du dédi­cataire de ce tan­go.

Paroles, deux versions

Même si notre tan­go du jour est instru­men­tal, il y a des paroles, celles enreg­istrées par Mag­a­l­di, qui dénon­cent le tan­go comme la cause de la perdi­tion et celles que l’on trou­ve habituelle­ment dans les recueils de paroles de tan­go. Ce qui est curieux est qu’il n’y a pas de ver­sion enreg­istrée des paroles « canon­iques ».
Je com­mence donc par la ver­sion de Mag­a­l­di et don­nerait ensuite la ver­sion « stan­dard ».

Paroles chantées par Magaldi

Por tu mala jun­ta te perdieron, Nena,
Y causaste a tus pobres viejos, pena,
Que a pesar de todos los con­se­jos,
Un mal día te engrupieron
Y el gotán te enca­denó…

¡Ay! ¿Dónde estás, Neni­ta de mira­da seduc­to­ra?
Tan ple­na de poesía, cual diosa del amor…
Nun­ca, jamás veré la Sul­tani­ta que en otro­ra
Con sus mimos disi­pa­ba mi dolor.

Recita­do:
Guar­do de ti recuer­do sin igual
Pues fuiste para mí toda la vida.
Mi corazón sufrió la desilusión
Del des­pre­cio a su quer­er que era su ide­al.

Y con la heri­da
Que tú me has hecho,
Mi fe has dese­cho
Y serás mi perdi­ción.

Todo está som­brío y muy triste, alma,
Y nos fal­ta, des­de que te has ido, cal­ma,
El vivir la dicha ya ha per­di­do
Porque con tu mal vin­iste
A enlu­tar mi corazón.

¿Por qué, mi amor, seguiste a esa mala con­se­jera
que, obran­do con fal­sía, buscó tu perdi­ción?
Mien­tras que aquí está la madrecita que te espera
Para darte su amorosa ben­di­ción.

Recita­do:
Dulce dei­dad, que fue para mi bien
Un sueño de plac­er nun­ca sen­ti­do,
Yo no pen­sé que ése, mi gran quer­er,
Lo perdiera así nomás, sien­do mi Edén.

¿Dónde te has ido
mi noviecita?
Tu madrecita
Siem­pre cree que has de volver.
Julio De Caro; Pedro Lau­renz Letra: Juan Miguel Velich

Traduction libre des paroles de la version de Magaldi

À cause de ta mau­vaise ren­con­tre, ils t’ont per­du, Bébé,
Et tu as causé à tes pau­vres par­ents, de la peine,
Que mal­gré tous les con­seils, un mau­vais jour, ils t‑on trompés (dit des men­songes) et le gotan t’a enchaîné… (Et voilà le grand coupable, le tan­go…).
Hélas! Où es-tu, petite fille au regard séduc­teur ?
Telle­ment pleine de poésie, comme une déesse de l’amour…
Je ne ver­rai jamais, jamais la sul­tane qui, une fois, avec ses câlins, a dis­sipé ma douleur.
Réc­i­tatif:
Je garde un sou­venir iné­galé de toi parce que tu as été pour moi toute ma vie.
Mon cœur a souf­fert de la décep­tion du mépris pour son amour, qui était son idéal.
Et avec la blessure que tu m’as faite,
Tu as rejeté ma foi et tu seras ma perte.
Tout est lugubre et très triste, âme, et nous man­quons, depuis que tu es par­tie, le calme, la vie du bon­heur s’est déjà per­due, car avec ton mal tu es venue endeuiller mon cœur.
Pourquoi, mon amour, as-tu suivi ce mau­vais con­seiller qui, agis­sant fausse­ment, a cher­ché ta perte ?
Alors qu’i­ci se trou­ve la petite mère qui t’attend pour te don­ner sa béné­dic­tion aimante.
Réc­i­tatif:
Douce divinité, qui était pour mon bien un rêve de plaisir jamais ressen­ti,
Je ne pen­sais pas que cela, mon grand amour, je le perdrai, étant mon Eden.
Où es-tu allée, ma petite fiancée?
Ta petite mère pense tou­jours que tu vas revenir.

Paroles de la version standard

Por tu mala jun­ta te perdiste, nena
y nos causa tu extravío, llan­tos, ¡pena!…
De un vivir risueño te han habla­do
y al final… ¡te has olvi­da­do
de tu vie­ja y de mi amor!…
En la fiebre loca de men­ti­das galas
se que­maron tus div­inas, ¡níveas alas!…
En tu afán de lujos y de orgías
recubriste de agonías
¡a mi vida y a tu hog­ar!…

Fuiste el ángel de mis horas de bohemia,
el bien de mi esper­an­za,
tier­no sueño encan­ta­dor;
y no puedo sofo­car mis neuras­te­nias
cuan­do pien­so en la mudan­za
¡de tu cru­el amor!…

(recita­do)
¡Pobre de mí… que a cues­tas con mi gran cruz
rodan­do he de mar­char por mi oscu­ra sen­da;
¡sin el calor de aque­l­la ful­gente luz
que tu mirar dis­per­só en mi corazón!

(can­to)
Sueños de glo­ria
que trun­cos quedaron
y heri­do me dejaron
entre bru­mas de dolor…

Por tu mala jun­ta te perdiste, nena,
y nos causa tu extravío llan­tos, ¡pena!…
Por seguir tus necias ambi­ciones
mis doradas ilu­siones
¡para siem­pre las perdí!…
Una san­ta madre deli­rante cla­ma
y con ella mi car­iño, rue­ga, ¡lla­ma!…
El perdón te espera con un beso
sí nos traes con tu regre­so
¡la ale­gría de vivir!…

Tus recuer­dos se amon­to­nan en mi mente,
tu ima­gen me obse­siona,
te con­tem­p­lo en mi ansiedad;
y te nom­bro sus­pi­ran­do tris­te­mente,
pero en vano… ¡no reac­ciona
tu alma sin piedad!…

Y como el cisne
que muere can­tan­do
así se irá esfu­man­do
¡mi doliente juven­tud!…
Julio De Caro; Pedro Lau­renz Letra: Juan Miguel Velich

Traduction libre des paroles de la version standard

À cause de ta mau­vaise ren­con­tre, tu t’es per­due, bébé et ta perte nous cause, des larmes, du cha­grin…
On t’a par­lé d’une vie souri­ante et à la fin… tu as oublié ta mère et mon amour…
Dans la fièvre folle, des parures men­songères se brûlèrent tes ailes divines et neigeuses…
Dans ton avid­ité de luxe et d’orgies, tu as cou­vert d’ag­o­nies (amer­tumes, douleurs, cha­grins) ma vie et ta mai­son…
Tu étais l’ange de mes heures de bohème, le bien de mon espérance, le rêve ten­dre et enchanteur ;
et je ne puis étouf­fer ma neurasthénie quand je pense au change­ment de ton amour cru­el…
(réc­i­tatif)
Pau­vre de moi… que sur mes épaules, avec ma grande croix, errant, je dois marcher le long de mon obscur sen­tier ;
Sans la chaleur de cette lumière écla­tante que ton regard a dis­per­sée dans mon cœur !
(chant)
Des rêves de gloire qui res­teront tron­qués et me lais­sèrent blessé dans des brouil­lards de douleur…
À cause de ta mau­vaise ren­con­tre, tu t’es per­due, bébé et ta perte nous cause, des larmes, du cha­grin…
Pour suiv­re tes folles ambi­tions, mes illu­sions dorées, pour tou­jours, je les ai per­dues…
Une sainte mère en délire crie et, avec elle, mon affec­tion, sup­plie, appelle…
Le par­don t’at­tend avec un bais­er si tu nous ramènes avec ton retour, la joie de vivre…
Tes sou­venirs s’ac­cu­mu­lent dans mon esprit, ton image m’ob­sède, je te con­tem­ple dans mon angoisse ;
Et je te nomme en soupi­rant tris­te­ment, mais en vain… ton âme sans pitié ne réag­it pas…
Et comme le cygne qui meurt en chan­tant ain­si s’évanouira, ma douloureuse jeunesse…

On voit les dif­férences entre les deux ver­sions des paroles. Il se peut que les deux soient de Juan Miguel Velich, à moins que Mag­a­l­di ait adap­té les paroles à son goût. C’est un petit mys­tère, mais cela me sem­ble très mar­gin­al dans la mesure où l’intérêt prin­ci­pal de cette com­po­si­tion est dans la musique.

Autres versions

Mala jun­ta 1927-09-13 — Orques­ta Julio De Caro.

Cette ver­sion per­met de retrou­ver les deux com­pos­i­teurs avec Julio de Caro au vio­lon (son vio­lon à cor­net) et Pedro Lau­renz au ban­donéon. Ce dernier avait inté­gré l’orchestre de De Caro en 1924 en rem­place­ment de Luis Petru­cel­li.
On notera, après les rires, le début sif­flé. Cette ver­sion, la plus anci­enne enreg­istrée en notre pos­ses­sion, a déjà tous les élé­ments de moder­nité que l’on attribuera deux ou trois décen­nies plus tard à Osval­do Pugliese qui se con­sid­érait comme l’humble héri­ti­er de De Caro.
Voici la com­po­si­tion du sex­te­to pour cet enreg­istrement :

  • Pedro Lau­renz et Arman­do Blas­co au ban­donéon.
  • Fran­cis­co De Caro au piano.
  • Julio De Caro et Alfre­do Cit­ro au vio­lon.
  • Enrique Krauss à la con­tre­basse.
Disque Vic­tor de la ver­sion enreg­istrée par De Caro en 1927.
Mala jun­ta 1928-06-18 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Comme nous l’avons vu, Mag­a­l­di chante des paroles dif­férentes, mais l’histoire est la même. C’est bien sûr un enreg­istrement des­tiné à l’écoute, à la lim­ite de la pièce de théâtre.

Mala jun­ta 1928-12 — Orques­ta Típi­ca Brod­man-Alfaro. Orig­i­nal Colum­bia L 1349–1 Matrice D 19172.

Le titre com­mence avec les sif­flets, mais sans les rires. Cette ver­sion com­porte un pas­sage avec une scie musi­cale. Finale­ment, ce n’est pas vilain, mais sans doute plus curieux que cap­ti­vant.

À gauche, le disque offi­ciel édité par la Colum­bia en 1929 (enreg­istrement de décem­bre 1928). À droite, un disque pirate du même enreg­istrement réal­isé dans le courant de 1929.

Quelqu’un a‑t-il réus­si à se pro­cur­er la matrice D 19172 et à en faire une copie sous le numéro de matrice bidon N300028 ?
La moins bonne qual­ité de la copie pirate peut aus­si laiss­er penser qu’elle a été réal­isée à par­tir d’un disque édité. Bien sûr, il est dif­fi­cile de juger, car il faudrait plusieurs copies de la ver­sion pirate, pour véri­fi­er que cela vient de la fab­ri­ca­tion et pas de l’usure du disque.

Mala Jun­ta 1928-12 — Orques­ta Tipi­ca Brod­man Alfaro. Copie pirate d’Omnia (Disque X27251 — Matrice N300028).

Même enreg­istrement, mais ici, la copie pirate d’Omnia (Disque X27251 — Matrice N300028). La qual­ité est sen­si­ble­ment plus faible, est-ce le fait de la copie d’un disque orig­i­nal ou tout sim­ple­ment de l’usure plus impor­tante de ce disque ? Petit rap­pel. Les dis­ques sont réal­isés à par­tir d’une matrice, elle-même issue de l’enregistrement sur une galette de cire. La cire était directe­ment gravée par la pres­sion acous­tique (pour les pre­miers enreg­istrements) et par le déplace­ment d’un burin soumis aux vibra­tions obtenues par voie élec­trique (micro­phone à char­bon, par exem­ple). Cette cire ser­vait à réalis­er un con­tre­type, la matrice qui ser­vait ensuite à réalis­er les dis­ques par pres­sage. Sans cette matrice, il faut par­tir d’un disque déjà pressé, ce qui engen­dre à la fois la perte de détails qui avaient été déjà atténués à cause de l’impression orig­i­nale, mais cela peut égale­ment ajouter les défauts du disque s’il a été util­isé aupar­a­vant. La copie pirate est donc oblig­a­toire­ment de moins bonne qual­ité dans ce cas, d’autant plus que le matéri­au du disque peut égale­ment être choisi de moins bonne qual­ité, ce qui engen­dr­era plus de bruit de fond, mais ce qui per­me­t­tra de réduire le prix de fab­ri­ca­tion de cette arnaque.
On notera que, de nos jours, les édi­teurs par­tent sou­vent de dis­ques qui sont eux-mêmes des copies et qu’ils ajoutent des traite­ments numériques sup­posés de redonner une jeunesse à leurs pro­duits. Le résul­tat est sou­vent mon­strueux et se détecte par la men­tion « remas­tered » sur le disque. Mal­heureuse­ment, cela tend à devenir la norme dans les milon­gas, mal­gré les sonorités hor­ri­bles que ces traite­ments mal exé­cutés pro­duisent.

Mala jun­ta 1938-07-11 — Orques­ta Típi­ca Bernar­do Ale­many.

Le prin­ci­pal intérêt de cette ver­sion est qu’elle ouvre une sec­onde péri­ode d’enregistrements, une décen­nie plus tard. On peut cepen­dant ne pas être embal­lé par le résul­tat, sans doute trop con­fus.

Mala jun­ta 1938-11-16 — Orques­ta Julio De Caro.

De Caro réen­reg­istre sa créa­tion, cette fois, les rires et les sif­fle­ments sont reportés à la sec­onde par­tie. Cela per­met de met­tre en valeur la com­po­si­tion musi­cale assez com­plexe. Cette com­plex­ité même qui fera que ce titre, mal­gré sa beauté, aura du mal à ren­dre les danseurs heureux. On le réservera donc à l’écoute.

Mala jun­ta 1943–08-27- Orques­ta Osval­do Pugliese.

Con­traire­ment à son mod­èle, Pugliese a con­servé les rires en début d’œuvre, mais a égale­ment sup­primé les sif­fle­ments qui n’interviendront que dans la sec­onde par­tie. L’interprétation est d’une grande régu­lar­ité et avant le solo du dernier tiers de l’œuvre, on pour­ra trou­ver que l’interprétation manque d’originalité, ce n’est en effet que dans la dernière par­tie que Pugliese déchaîne son orchestre avec des ban­donéons excités sur­volés par le vio­lon tran­quille. Au crédit de cet enreg­istrement, on pour­ra indi­quer qu’il est dans­able et que la fin énergique pour­ra faire oubli­er un début man­quant un peu d’expression.

Mala jun­ta 1947-01-16 — Orques­ta Pedro Lau­renz. C’est notre tan­go du Jour.
Mala jun­ta 1949-10-10 — Orques­ta Julio De Caro.

De Caro, après la ver­sion de Pugliese et celle de Lau­renz, son coau­teur, enreg­istre une ver­sion dif­férente. Comme pour celle de 1938, il ne con­serve pas les rires et sif­flets ini­ti­aux. C’est encore plus abouti musi­cale­ment, mais tou­jours plus pour l’écoute que pour la danse. Conser­vons cela en tête pour décou­vrir, la réponse de Pugliese…

Mala jun­ta 1952-11-29 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Tou­jours les rires, sans sif­fle­ments au début de cet enreg­istrement et dans la sec­onde par­tie, ce sont les sif­fle­ments qui rem­pla­cent les rires. L’affirmation de la Yum­ba dans l’interprétation et la struc­ture de cette orches­tra­tion nous pro­pose un Pugliese bien for­mé et « typ­ique » qui devrait plaire à beau­coup de danseurs, car l’improvisation y est facil­itée, même si la richesse peut ren­dre dif­fi­cile la tâche à des danseurs peu expéri­men­tés.

La ver­sion de 1952 a été éditée en disque 33 tours. Mala jun­ta est la pre­mière plage de la face A du disque LDS 103.
Mala jun­ta 1957-09-02 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Dis­ons-le claire­ment, j’ai un peu honte de vous présen­ter cette ver­sion après celle de Pugliese. Cette ver­sion sautil­lante ne me sem­ble pas adap­tée au thème. Je ne ten­terai donc pas de la pro­pos­er en milon­ga. Je ne ver­rai donc jamais les danseurs trans­for­més en petits duen­des (lutins) gam­badants comme je l’imagine à l’écoute.

Mala jun­ta 1968 — Pedro Lau­renz con su Quin­te­to.

Pedro Lau­renz enreg­istre une dernière ver­sion de sa créa­tion. Il y a de jolis pas­sages, mais je ne suis pas pour ma part très con­va­in­cu du résul­tat.
On a l’impression que les instru­ments jouent cha­cun dans leur coin, sans trop s’occuper de ce que font les autres. Atten­tion, je ne par­le pas d’instrumentistes médiocres qui ne jouent pas ensem­ble, mais du lance­ment de traits jux­ta­posés et super­posés qui sem­blent être lâchés sans cohérence. Si cela peut plaire à l’oreille de cer­tains, c’est sûr que cela posera des dif­fi­cultés aux danseurs qui souhait­ent danser la musique et pas seule­ment faire des pas sur la musique.

Je vous pro­pose de ter­min­er avec Pugliese, qui est incon­testable­ment celui qui a le plus con­cou­ru à faire con­naitre ce titre. Je vous pro­pose une vidéo réal­isée au théâtre Colón de Buenos Aires, point d’orgue de la car­rière du maître qui rap­pelle que ses fans cri­aient « Al Colón » quand ils l’écoutaient. Finale­ment, Pugliese est arrivé au Colón et cette vidéo en témoigne…

Mala jun­ta — Osval­do Pugliese — Teatro Colón 1985.

Il y a d’autres ver­sions, y com­pris par Pugliese, notam­ment réal­isées au cours de dif­férents voy­ages, mais je pense que l’essentiel est dit et, pour ma part, je reste sur la ver­sion de 1952 pour la danse, tout en ayant un faible pour ver­sion tant nova­trice (pour l’époque) de 1927 de De Caro et la ver­sion intéres­sante de Lau­renz, qui con­stitue notre tan­go du jour.

À bien­tôt, les amis !

El Yacaré 1941-12-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Alfredo Attadía Letra: Mario Soto.

Ceux qui ont tra­ver­sé les provinces de Entre-Rios et Cor­ri­entes ont sans doute remar­qué au bord des nationales 12 et 14 les nom­breuses pan­car­tes annonçant que l’on pou­vait trou­ver du « yacaré » à l’escabèche. Le yacaré est le nom du croc­o­dile local et l’escabèche (esacabeche) est la sauce qui accom­mode ce saurien et dont sont friands les entre­ri­anos et cori­enti­nos. Mais, notre tan­go du jour ne vante pas un plat typ­ique, ni même l’animal du même nom. Il nous par­le d’un jock­ey fameux, Elías Antúnez, surnom­mé El Yacaré, car il est juste­ment orig­i­naire de Cor­ri­entes.

Elías Antúnez, El Yacaré.

Chevaux et tango

De nom­breux tan­gos font référence aux cours­es de chevaux.
Car­los Gardel fut l’un des pro­mo­teurs du genre, par exem­ple en chan­tant Leguisamo solo, Por una cabeza.
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à con­sul­ter l’excellent Todo Tan­go sur le sujet

L’hip­po­drome de Paler­mo.

Extrait musical

El Yacaré 1941-12-12 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

Aujourd’hui, pas de par­ti­tion, mais les accords pour les gui­taristes sur chordify.net :

Paroles

Es domin­go, Paler­mo res­p­lan­dece de sol,
cada pin­go en la are­na lle­vará una ilusión.
En las cin­tas los puros alin­ea­d­os están
y a la voz de “¡Largaron!” da sal­i­da un afán.
En el medio del lote, con­te­nien­do su acción,
hay un jock­ey que aguar­da con ser­e­na aten­ción,
ya se apres­ta a la car­ga… griterío infer­nal.
Emo­ción que des­bor­da en un bra­vo final.

¡Arri­ba viejo Yacaré!
Explota el gri­to atron­ador.
Todos cas­ti­gan con rig­or,
pero no hay nada que hac­er,
en el dis­co ya está Antúnez.
Sabés sacar un perde­dor,
ganar un Pre­mio Nacional…
Muñe­ca bra­va y al final
el tope del mar­cador
siem­pre es tu meta tri­un­fal.

Un artista en las rien­das, con cora­je de león,
tenés toda la clase que con­sagra a un campeón.
Dom­i­nan­do la pista con cert­era visu­al
el camino del dis­co vos sabés encon­trar.
Las tri­bunas admi­ran tu peri­cia y tesón
y se rinde a tu arte con inten­sa emo­ción.
Se enron­que­cen gar­gan­tas en un loco estal­lar,
cuan­do a taco y a lon­ja empezás a car­gar.
Alfre­do Attadía Letra: Mario Soto

Traduction libre des paroles

C’est dimanche, Paler­mo resplen­dit de soleil, chaque cheval (pin­go) sur le sable (de la piste) portera un espoir.
Sur les ban­des, les cig­a­res sont alignés et la voix de « ¡Largaron ! » (on entend dans Largaron de Car­los Cubría et Juan Navar­ro con­nue par l’enregistrement de De Ange­lis, la cloche et le « largaron » qui annon­cent le départ des chevaux) laisse place à l’empressement.
Au milieu du pelo­ton, con­tenant son action, il y a un jock­ey qui attend avec une atten­tion sere­ine, déjà, il se pré­pare à la charge… brouha­ha infer­nal.
Une émo­tion qui débor­de dans un bra­vo final (ou un final vail­lant).
Courage, le vieux Yacaré !
Le cri toni­tru­ant explose.
Tous cravachent vigoureuse­ment (punis­sent), mais il n’y a rien à faire, Antúnez (El Yacaré) est déjà au poste d’arrivée.
Tu sais faire sor­tir un per­dant, qu’il gagne un Prix nation­al…
Muñe­ca bra­va (poignet vail­lant, mais une Muñe­ca bra­va est aus­si une femme, comme dans le tan­go de Enrique Cadí­camo) et, à la fin, le haut du tableau de résul­tat est tou­jours ton but, tri­om­phal.
Un artiste aux rênes, avec le courage d’un lion, vous avez toute la classe qui con­sacre un cham­pi­on.
Dom­i­nant la piste avec une vision pré­cise, tu sais trou­ver le chemin du poste d’arrivée.
Les tri­bunes admirent ton savoir-faire et ta ténac­ité et ren­dent à ton art avec une émo­tion intense.
Les gorges s’en­rouent dans une explo­sion folle, lorsque vous com­mencez à charg­er avec les talons et la cravache.

Autres versions

El Yacaré 1941-12-12 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas. C’est notre tan­go du jour.
El Yacaré 1951 — Alfre­do Attadía con Arman­do Moreno.

Dix ans après D’Agostino et Var­gas, Attadía donne sa ver­sion de sa com­po­si­tion. On notera toute­fois qu’il est dif­fi­cile de détach­er cet enreg­istrement de celui des deux anges. Cette prox­im­ité peut se com­pren­dre. Attadía a com­posé un cer­tain nom­bre des suc­cès de D’Agostino et notam­ment, Tres esquinas com­posé en com­mun avec D’Agostino. Le résul­tat est agréable à écouter et même dans­able.

Arman­do Moreno et Alfre­do Attadía (El Ban­doneón de Oro).
El Yacaré 2009 – Sex­te­to Milonguero con Javier Di Ciri­a­co.

On regrette la dis­pari­tion de cet orchestre qui valait surtout par la voix et les inter­pré­ta­tions extra­or­di­naires de Javier Di Ciri­a­co. Une ver­sion dans le style de cet orchestre, plutôt intéres­sante et dans­able.

À bien­tôt les amis !

Armenonville 1929-12-06 Orquesta Juan Maglio Pacho

Juan Félix Maglio “Pacho” Letra: José Fernández

Les cabarets sont les pre­miers lieux « présenta­bles » du tan­go nais­sant. L’Armenonville est l’un de ces cabarets, celui dont s’échappe Zor­ro Gris. Juan Félix Maglio crée ce tan­go pour ses amis, les créa­teurs de ce salon. Le tan­go du jour est son sec­ond enreg­istrement du titre. Allons vis­iter ce haut lieu du tan­go nais­sant.

Extrait musical

Armenonville1929-12–06 Orques­ta Juan Maglio Pacho.

L’œuvre com­mence par trois accords mineurs descen­dants. Je suis sûr que ces trois accords plain­tifs vous évo­quent un autre tan­go, écrit par Juan Car­los Rodríguez. Je vous dirai lequel en fin d’article… Vous pour­rez, en atten­dant, écouter les vari­a­tions sur ce motif dans les dif­férentes ver­sions pro­posées où il appa­raît à plusieurs repris­es.

Autres versions

Armenonville 1912 — Cuar­te­to Juan Maglio “Pacho”.

Dans l’année suiv­ant l’inauguration du cabaret, Maglio enreg­istre l’œuvre, le troisième tan­go qu’il a com­posé. Ici, c’est la petite for­ma­tion, en cuar­te­to. La com­po­si­tion est jolie et élé­gante, mais la façon d’interpréter de l’époque rend un résul­tat un peu monot­o­ne, car les instru­ments jouent à l’unisson et chaque par­tie est rejouée de façon très sim­i­laire.

Armenonville1929-12–06 Orques­ta Juan Maglio Pacho. C’est notre tan­go du jour.

Dix-sept ans plus tard, Maglio procède à un nou­v­el enreg­istrement. On mesur­era entre les deux ver­sions les pro­grès de l’enregistrement, qui est désor­mais élec­trique et plus acous­tique. Main­tenant, Maglio est à la tête d’un orchestre typ­ique, plus com­plet. Ces deux avancées per­me­t­tent une musique plus riche, des orches­tra­tions plus com­plex­es. Les instru­ments s’individualisent et jouent quelques traits en soliste, ce qui ne se trou­vait pas à l’époque précé­dente.

Armenonville 1942-09-09 — Cuar­te­to Típi­co Los Ases dir. Juan Car­los Cam­bón.

Cet enreg­istrement au rythme plus soutenu est sans doute un peu con­fus pour le pro­pos­er en bal, mais il est joli. On sent que la ten­ta­tion d’en faire une milon­ga n’est pas loin. Le piano de Juan Car­los Cam­bón est très présent et ani­me joli­ment ce titre qui se ter­mine de façon allè­gre avec de jolis traits des dif­férents instru­ments.

Armenonville 1958 Los Mucha­chos De Antes y Pan­chi­to Cao.

La clar­inette de Pan­chi­to Cao est la vedette de cette ver­sion. Elle domine tout le titre. Le rythme de milon­ga est mieux mar­qué et l’on peut donc pro­pos­er cette ver­sion aux danseurs de milon­ga. La sonorité sim­ple avec notam­ment la gui­tare en instru­ment ryth­mique évoque d’origine de ce tan­go.

Armenonville 1970–08-21- Orques­ta Juan D’Arien­zo.

D’Arienzo est le seul directeur de grand orchestre à avoir enreg­istré cette œuvre. On est en face d’un D’Arienzo tardif typ­ique. L’énergie est présente, mais est-ce suff­isant pour en faire un titre phare pour les bals. Assuré­ment non. On notera que D’Arienzo a fait le choix de revenir au rythme du tan­go. En résumé, un résul­tat très intéres­sant, mais pas for­cé­ment adap­té au bal.

Armenonville 1974-02-15 — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Les orchestres uruguayens ont été friands de rythmes hési­tant entre tan­go et milon­ga. On pour­rait class­er cette inter­pré­ta­tion comme un canyengue rapi­de ou une milon­ga lente. En dehors de la dif­fi­culté de class­er ce tan­go, on pour­ra toute­fois appréci­er son côté joueur et il pour­rait con­va­in­cre les danseurs de se lancer sur la piste. On notera que, si Vil­las­boas inclut les trois accords descen­dants, il les fait précéder par une anacrouse.

Armenonville 2004 — Cuar­te­to Armenonville.

Ce cuar­te­to a pris le nom de ce tan­go, ou du cabaret, il était donc logique qu’il l’enregistre.

Les Armenonvilles

Le ban­donéon­iste Juan Maglio a créé son tan­go « Armenonville » pour évo­quer le cabaret de ses amis, les anciens serveurs de l’hôtel Vig­nolles, Car­los Boni­fa­cio Diego Lan­za­vechia et Manuel Loureiro. Ces derniers ont donc ouvert ce pres­tigieux étab­lisse­ment en 1911.
Cepen­dant, il n’existe pas un Armenonville, mais trois que je vais numérot­er de 0 à 2.

Armenonville « 0 »

Armenonville « 0 », c’est le pavil­lon d’Armenonville qui existe tou­jours est situé dans le Bois de Boulogne à Paris.

Le pavil­lon d’Ar­menonville “0” est situé dans le Bois de Boulogne. Cette pho­to réal­isée vers 1859 est attribuée à Charles-François Bossu dit Charles Mar­ville. On remar­quera l’ar­chi­tec­ture par­ti­c­ulière du bâti­ment avec ses orne­men­ta­tions en bois.

Il ne faut cepen­dant pas se tromper en voy­ant cette archi­tec­ture « cham­pêtre », l’intérieur est lux­ueux, comme en témoigne cette huile sur toile d’Henri Gervex, exé­cutée en 1905, soit 6 ans avant l’ouverture de l’Armenonville de Buenos Aires.

Armenonville le soir du Grand ‑Prix — Hen­ri Gervex 1905.

On notera que cette illus­tra­tion qui représente l’Armenonville parisien est sou­vent repro­duite pour témoign­er de l’Armenonville de Buenos Aires… Mais ce n’est pas la seule erreur faite dans l’iconographie des Armenonvilles, comme nous allons le voir.

Arnemonville 1

Mon pro­pos étant portègne, j’ai numéroté 0, l’Armenonville de Paris, pour ne pas chang­er la numéro­ta­tion habituelle des édi­fices de Buenos Aires.

Sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion, on peut voir l’an­cien Armenonville, celui que Maglio a glo­ri­fié.

Comme on peut le voir sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion, le pavil­lon Armenonville est dans un parc. On ne voit pas bien son archi­tec­ture sur cette illus­tra­tion, en revanche, on dis­pose de quelques pho­tos.

Armenonville 1. On con­sid­ère que le mod­èle est l’Ar­menonville de Paris. On remar­quera toute­fois que la ressem­blance est assez loin­taine, mais l’in­spi­ra­tion et le nom témoignent de la volon­té de met­tre en avant le côté “chic” français.

L’architecture a quelques simil­i­tudes avec le « mod­èle » parisien et il est donc con­venu de con­sid­ér­er que c’est une inspi­ra­tion directe. Il ne faut pas oubli­er qu’à l’époque, tout ce qui est français est « chic », le tan­go béné­ficiera de cette éti­quette peu après.

Sur cette image, on peut voir qu’il devait être sym­pa­thique de pren­dre un rafraîchisse­ment dans ce cadre.
Comme on le voit sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion, les bâti­ments sont entourés d’un parc, parc prop­ice à divers­es activ­ités que la morale par­fois réprou­ve. Mais, dans la journée, c’est un lieu de prom­e­nade tout à fait agréable.

Si Armenonville 0, le mod­èle parisien a désor­mais trois siè­cles (300 ans), l’Armenonville 1 n’a duré que 14 ans. Édi­fié en 1911, il a été rasé en 1925.

Emplace­ment de l’Ar­menonville 1. C’est main­tenant la Plaza Repub­li­ca de Chile. Image Google maps.

Cepen­dant, on voit sou­vent des représen­ta­tions de l’Armenonville avec une salle immense et un aspect bien plus imposant que ce pavil­lon de chas­se. L’erreur vient de ce qu’un autre Armenonville a été con­stru­it…

Armenonville 2

Cette illus­tra­tion mon­tre la mag­nif­i­cence du site dont il ne reste rien…

L’illustration de cou­ver­ture de l’article représente l’intérieur de la salle de l’Armenonville 2. J’ai donc un peu triché pour cette anec­dote en ne mon­trant pas l’Armenonville qui a servi d’inspiration à Maglio.
L’Armenonville 2, comme vous pou­vez en juger est d’une toute autre ampleur que ses aînés. On recon­naît son archi­tec­ture Arts déco et il ne faut pas beau­coup d’imagination pour se représen­ter la splen­deur du lieu, même si lui aus­si n’a pas survécu bien longtemps.
Cet édi­fice a été conçu par l’architecte Valen­tín M. Brod­sky en 1927.

Valen­tín M. Brod­sky en 1919, médaille d’or de son école d’ar­chi­tec­ture. Sa sig­na­ture sur un immeu­ble situé à l’angle de Scal­abri­ni Ortiz (la rue qui s’appelait à l’époque Can­ning et où se trou­vait l’Armenonville 2) et Cór­do­ba.

Même s’il n’a pas grand-chose à voir avec le tan­go, je vous présente la pho­to de Valen­tín M. Brod­sky, car il fut un élève très appré­cié de son école d’architecture où il a obtenu divers prix, dont la médaille d’or, mais surtout l’appréciation de ses col­lègues et pro­fesseurs, comme élève bril­lant et aimable. Peu de temps après son diplôme, il se voit con­fi­er la réal­i­sa­tion de l’Armenonville 2, cet immense pro­jet qui fera la démon­stra­tion de son tal­ent.

Sur cette icono­gra­phie, on peut lire que le Danc­ing “Armenonville” a été con­stru­it en 70 jours ouvrables. Cela ren­force notre estime pour son jeune archi­tecte.

Comme on peut le lire sur ce doc­u­ment, l’Armenonville 2 était situé rue Can­ning au 3533 (en fait, les pro­prié­taires de l’ancien Armenonville avaient acheté une demie man­zana (bloc) et donc le bâti­ment avait de l’espace. Il a été con­stru­it en 70 jours ouvrables.

Armenonville 2
Armenonville 2
Armenonville 2 (intérieur)
Entrée de “Les Ambas­sadeurs”, le nou­veau nom de l’Ar­menonville 2.
Un prospec­tus de “Les Ambas­sadeurs”. On peut y voir qu’il est indiqué 3000 cou­verts…
Une affiche de l’Ar­menonville 2

En 1960, le bâti­ment fut acheté et util­isé pour la chaine de télévi­sion Canal 9 qui l’utilisa un an, car le bâti­ment brûla en 1961.

Le repère rouge de cette carte Google indique l’emplacement de l’Ar­menonville 2 dont il ne reste plus rien.

Voilà, les trois Armenonvilles bien dif­féren­ciés et vous pour­rez, comme-moi, bondir quand vous ver­rez ces arti­cles ou vidéos mélangeant tout.
Un dernier point à pré­cis­er, les emplace­ments relat­ifs de Armenonville 1 et Armenonville 2. En fait, les deux étaient proches, mais pas situés exacte­ment au même endroit comme on le lit par­fois (sou­vent).
Lorsque la ville a fait fer­mer l’Armenonville 1, les pro­prié­taires ont acheté le ter­rain d’Armenonville 2 situé un peu plus à l’Ouest et fait con­stru­ire rapi­de­ment le nou­veau bâti­ment.

Emplace­ments relat­ifs sur une carte Google maps qui per­met de voir que les deux Armenonvilles n’é­taient pas sur le même ter­rain.

Les trois accords du début

Voici la réponse à la petite devinette du début de l’article. Les trois accords mineurs se retrou­vent dans un autre titre, postérieur. La com­po­si­tion de Maglio a donc été « copiée », à moins qu’il s’agisse d’une inspi­ra­tion com­mune.

Les trois pre­miers accords, en rouge, vert puis bleu, sont sem­blables dans ces deux titres.

Le tan­go qui reprend cet arti­fice, c’est Que­ja indi­ana (plainte indi­enne) de Juan Rodriguez. On retrou­ve le mode mineur, les deux accords con­sti­tués de noires (en rouge et vert dans mon illus­tra­tion) et le troisième de blanch­es (en bleu).
Que­ja indi­ana per­mit à Juan Rodriguez d’obtenir un prix offert par Dis­co Nacional del Palace The­atre (qui était au 757, rue Cor­ri­entes).
Il se peut que Juan Rodriguez se soit inspiré de la com­po­si­tion de Juan Maglio, Maglio ayant com­posé ce titre cinq ans avant la pre­mière com­po­si­tion de Rodriguez.
Pour ter­min­er, voici la com­po­si­tion de Juan Rodriguez inter­prétée par Rober­to Fir­po.

Que­ja indi­ana 1927-10-13 — Orques­ta Rober­to Fir­po (Juan Car­los Rodríguez).

Juan Miguel Velich écrira des paroles que l’on peut enten­dre, par exem­ple dans la ver­sion de Bia­gi avec Andrés Fal­gás, la plus con­nue.

À bien­tôt les amis !

Comme il faut 1951-09-26 — Orquesta Carlos Di Sarli

Eduardo Arolas Letra: Gabriel Clausi

« Comme il faut » , le titre de ce tan­go est en français et il sig­ni­fie que l’on fait les choses bien, comme il faut qu’elles soient réal­isées. Nous allons toute­fois voir, que sous ce titre « anodin » se cache une tricherie, quelque chose qui n’est peut-être pas fait, « comme il faut ».

Je parle français comme il faut

Je pense que vous ne serez pas sur­pris de décou­vrir un titre en français, il y a en a plusieurs et les mots français sont couram­ment util­isés par les Argentins et fort fréquents dans le tan­go.

Deux raisons expliquent cette abon­dance.

La pre­mière, c’est le pres­tige de la France de l’époque.

La haute société argen­tine par­lait couram­ment le français qui était la langue « chic » de l’époque. À ce sujet, il y a une quin­zaine d’années, une amie me fai­sait vis­iter son club nau­tique. C’est le genre d’endroit dont on devient mem­bre par coop­ta­tion ou héritage famil­ial. J’ai été sur­pris d’y enten­dre par­ler français, sans accent, par une bonne par­tie et peut-être même la majorité des per­son­nes que l’on croi­sait. Je m’en suis ouvert et mon amie m’a infor­mé que les per­son­nes de cette société avaient cou­tume de par­ler entre eux en français, cette langue étant tou­jours celle de l’élite.

La sec­onde, vous la con­nais­sez.

Les orchestres de tan­go se sont don­né ren­dez-vous en France au début du vingtième siè­cle. Il était donc naturel que s’expriment des nos­tal­gies, des références pour mon­tr­er que l’on avait fait le voy­age ou tout sim­ple­ment que s’affichent les expres­sions à la mode.

Je peux vous con­seiller un petit ouvrage sur la ques­tion, EL FRANCÉS EN EL TANGO: Recopi­lación de tér­mi­nos del idioma francés y de la cul­tura france­sa uti­liza­dos en las letras de tan­go. Il a été écrit par Víc­tor A. Benítez Boned qui cite et explicite 78 mots de français qui se retrou­vent dans le tan­go et 41 noms pro­pres désig­nant des Français ou des lieux de France. On peut con­sid­ér­er qu’environ 200 tan­gos font directe­ment référence à la France, aux Français (sou­vent aux Français­es) ou à la langue française. Víc­tor A. Benítez Boned en cite 177.

Lien vers le livre au for­mat Kin­dle.

Extrait musical

Comme il faut 1951-09-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.
Comme il faut de Eduar­do Aro­las avec la dédi­cace “A mis esti­ma­dos y dis­tin­gui­dos ami­gos Fran­cis­co Wright Vic­tor­i­ca, Vladis­lao A. Frías, Juan Car­los Parpaglione y Manuel Miran­da Naón”.

Les dédi­cataires sont des étu­di­ants en droit qui ont prob­a­ble­ment cassé leur tire-lire pour être dédi­cataires :
Fran­cis­co Wright Vic­tor­i­ca, étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires en 1917
Vladis­lao A. Frías ; étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires en 1917, puis juge au civ­il et mem­bre de la cour d’appel au tri­bunal de com­merce de Buenos Aires.
Juan Car­los Parpaglione, étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires en 1917.
Manuel Miran­da Naón, étu­di­ant de la Fac­ulté de droit et de sci­ences sociales de Buenos Aires. En 1918, il a par­ticipé au mou­ve­ment de réforme de cette uni­ver­sité.

Paroles

Luna, farol y can­ción,
dulce emo­ción del ayer
fue en París,
donde viví tu amor.
Tan­go, Cham­pagne, corazón,
noche de amor
que no está,
en mi sueño vivirá…

Es como debe ser, con ilusión viví
las ale­grías y las tris­tezas;
en esa noche fue que yo sen­tí por vos
una esper­an­za en mi corazón.
Es como debe ser en la pasión de ley,
tus ojos negros y tu belleza.
Siem­pre serás mi amor en bel­lo amanecer
para mi vida, dulce ilusión.

En este tan­go
te cuen­to mi tris­teza,
dolor y llan­to
que dejo en esta pieza.
Quiero que oigas mi can­ción
hecha de luna y de farol
y que tu amor, mujer,
vuel­va hacia mí.

Eduar­do Aro­las Letra: Gabriel Clausi

Traduction libre et indications

Lune, réver­bère et chan­son, douce émo­tion d’hi­er c’était à Paris, où j’ai vécu ton amour.
Tan­go, Cham­pagne, cœur, nuit d’amour qui n’est pas là, dans mon rêve vivra…
C’est comme il faut (comme il se doit), avec ent­hou­si­asme j’ai vécu les joies et les peines ; C’est ce soir-là que j’ai sen­ti de l’e­spoir pour toi dans mon cœur.
C’est comme doit être la véri­ta­ble pas­sion (les Argentins dis­ent de ley, de la loi, par exem­ple un porteño de ley pour dire un véri­ta­ble portègne), de tes yeux noirs et de ta beauté.
Tu seras tou­jours mon amour dans la belle aurore pour ma vie, douce illu­sion (doux sen­ti­ment).
Dans ce tan­go, je te con­te ma tristesse, douleur et larmes que je laisse dans ce morceau.
Je veux que tu enten­des ma chan­son faite de lune et de réver­bère et que ton amour, femme, revi­enne jusqu’à moi.

Elle est où la tricherie promise ?

Comme je vois que vous sem­blez intéressés, voici la tricherie. Le tan­go « Comme il faut » a un frère jumeau « Com­parsa criol­la » signé Rafael Iri­arte.

Cou­ver­ture et par­ti­tion de Com­parsa Criol­la de Rafael Iri­arte. La men­tion du con­cours de 1930 est en haut de la cou­ver­ture.

La gémel­lité n’est pas une tricherie me direz-vous, mais alors com­ment nom­mer deux tan­gos iden­tiques attribués à des auteurs dif­férents ?
On dirait aujourd’hui un pla­giat.
Nous avons déjà ren­con­tré plusieurs tan­gos dont les attri­bu­tions étaient floues, que ce soit pour la musique ou les paroles. Fir­po n’a‑t-il pas cher­ché à met­tre sous son nom La cumpar­si­ta, alors pourquoi pas une com­parsa ?
Mais revenons à notre paire de tan­gos et intéres­sons-nous aux auteurs.
Eduar­do Aro­las (1892–1924), un génie, mort très jeune (32 ans). Non seule­ment il jouait du ban­donéon de façon remar­quable, ce qui lui a valu son surnom de « Tigre du ban­donéon », mais en plus, il a com­posé de très nom­breux titres. C’est assez remar­quable si on tient compte de sa très courte car­rière. Il s’est dit cepen­dant qu’il s’inspirait de l’air du temps, util­isant ce que d’autres musi­ciens pou­vaient inter­préter à une époque où beau­coup n’écrivaient pas la musique.
Il me sem­ble que c’est plus com­plexe et qu’il est plutôt dif­fi­cile de dénouer les fils des inter­ac­tions entre les musi­ciens à cette époque où il y avait peu de par­ti­tions, peu d’enregistrements et donc surtout une con­nais­sance par l’écoute, ce qui favorise l’appropriation d’airs que l’on peut de toute bonne foi croire orig­in­aux.
Pour revenir à notre tan­go du jour et faire les choses Comme il faut, voyons qui est le sec­ond auteur, celui de Com­parsa criol­la, Rafael Iri­arte. (1890–1961).
Lui aus­si a fait le voy­age à Paris et Nés­tor Pin­són évoque une col­lab­o­ra­tion dans la com­po­si­tion qui aurait eu lieu en 1915.
Si on s’intéresse aux enreg­istrements, les plus anciens sem­blent dater de 1917 et sont de Aro­las lui-même et de la Orques­ta Típi­ca Pacho. Les deux dis­ques men­tion­nent seule­ment Aro­las comme seul com­pos­i­teur.

Eduar­do Aro­las et un disque par la Tipi­ca Pacho qui serait égale­ment de 1917 selon Enrique Bin­da, spé­cial­iste de la vieille garde).

Peut-être que le fait que Aro­las avait accès au disque à cette époque et pas Iri­arte a été un élé­ment. Peut-être aus­si que la part d’Aro­las était suff­isam­ment prépondérante pour jus­ti­fi­er qu’il soit le seul men­tion­né.
Je n’ai pas trou­vé de témoignage indi­quant une brouille entre les deux hommes, si ce n’est une hypothèse de Nés­tor Pin­són. Faut-il voir dans le fait que Iri­arte signe de son seul nom la ver­sion qu’il dépose en 1930 et qui obtien­dra un prix, au sep­tième con­cours organ­isé par la mai­son de disque « Nacional ».
Ce qui est curieux est que Fran­cis­co Canaro, qui était ami de Aro­las ait enreg­istré sa ver­sion avec la men­tion de Iri­arte et pas celle de son ami décédé six ans plus tôt. Faut-il voir dans cela une recon­nais­sance de Canaro pour la part de Iri­arte ?
Pour vous per­me­t­tre d’entendre les simil­i­tudes, je vous pro­pose d’écouter le début de deux ver­sions. Celui de 1951 de Comme il faut, notre tan­go du jour par Di Sar­li et celui de Com­parsa criol­la de Tan­turi de 1941. J’ai mod­i­fié la vitesse de la ver­sion de Tan­turi pour que les tem­pos soient com­pa­ra­bles.

Débuts de : Comme il faut de Eduar­do Aro­las par Car­los Di Sar­li (1951) et Com­parsa criol­la de Rafael Iri­arte par Ricar­do Tan­turi (1941).

Autres versions

Comme il s’agit du « même » tan­go, je vais plac­er par ordre chronologique plusieurs ver­sions de Comme il faut et de Com­parsa criol­la.

Comme il faut 1917 — Eduar­do Aro­las
Les musi­ciens de l’orchestre de Aro­las en 1916. Aro­las est en bas, au cen­tre. Juan Mari­ni, pianiste, à gauche, puis Rafael Tue­gols et Atilio Lom­bar­do (vio­lonistes) et Alber­to Pare­des (vio­lon­celiste). Ce sont eux qui ont enreg­istré la ver­sion de 1917 de Aro­las.
Comme il faut 1917 — Orques­ta Típi­ca Pacho
Com­parsa criol­la 1930-11-18 — Fran­cis­co Canaro
Comme il faut 1936-10-27 — Juan D’Arien­zo
Comme il faut 1938-03-07 — Ani­bal Troi­lo
Com­parsa criol­la 1941-06-16 — Ricar­do Tan­turi
Comme il faut 1947-01-14 — Car­los Di Sar­li
Com­parsa criol­la 1950-12-12 — Orchestre Quintin Ver­du
Comme il faut 1951-09-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.
Comme il faut 1955-07-15 — Car­los Di Sar­li
Comme il faut 1966-09-30 — Hec­tor Varela
Comme il faut 1980 — Alfre­do De Ange­lis
Comme il faut 1982 — Leopol­do Fed­eri­co

Mon cher Cor­recteur, Thier­ry, m’a fait remar­quer que je n’avais pas pro­posé de ver­sions chan­tées. N’en ayant pas sous la main, j’ai fait un appel à des col­lègues qui m’ont pro­posé deux ver­sions, Nel­ly Omar avec Bar­tolomé Paler­mo de 1997 et Scia­marel­la Tan­go con Denise Sci­ammarel­la de 2018 :

Comme il faut 1997 — Nel­ly Omar con Bar­tolomé Paler­mo y sus gui­tar­ras. Mer­ci à Howard Jones qui m’a sig­nalé cette ver­sion.
Comme il faut 2013 — Gente de tan­go
Comme il faut 2018 – Scia­marel­la Tan­go con Denise Sci­ammarel­la. Mer­ci à Yük­sel Şişe qui m’a indiqué cette ver­sion.
Comme il faut 2020-08 — El Cachivache

Je vous pro­pose d’arrêter là les exem­ples, il y en aurait bien sûr quelques autres et je vous dis, à bien­tôt les amis !

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Juan D’Arienzo ; Fulvio Salamanca (Fulvio Werfil Salamanca); Carlos Bahr (Carlos Andrés Bahr)

Quand les auteurs de tan­go se lan­cent dans la philoso­phie de la vie, cela donne cela ; des con­seils pour nav­iguer entre les canailles et les giles. Juan D’Arienzo et son pianiste de l’époque, Ful­vio Sala­man­ca se sont asso­ciés avec Car­los Bahr pour éla­bor­er la musique et les paroles. Pour les danseurs, la philoso­phie est sim­ple, sauter sur la piste aux pre­mières notes et s’éclater à danser ce titre énergique servi par l’orchestre de D’Arienzo et la voix prenante de Echagüe.

La bande des auteurs

Générale­ment, on attribue à D’Arienzo et Sala­man­ca la musique et à Car­los Bahr les paroles, mais l’enregistrement à la SADAIC (Société des auteurs argentins) donne la pater­nité aux trois pour les deux élé­ments.

Reg­istre de la SADAIC indi­quant l’en­reg­istrement de l’œu­vre le 20 avril 1953.

On notera que pour les trois, la men­tion est auteur et com­pos­i­teur. Les pour­cent­ages pour cha­cun des trois ne sont pas déter­minés. C’est qu’ils esti­maient avoir col­laboré de façon com­pa­ra­ble et qu’ils devraient donc recevoir à parts égales les droits afférents.
On notera au pas­sage les pseu­do­nymes de Sala­man­ca et Bahr. Tony Cayena pour le pre­mier et Alfas et Luke J Y C pour le sec­ond.

Car­los Bahr, Juan D’Arien­zo et Ful­vio Sala­man­ca, les trois auteurs, com­pos­i­teurs du tan­go du jour.

Ce tra­vail à trois n’est pas éton­nant dans la mesure où Sala­man­ca et Bahr étaient des amis proches et que D’Arienzo aimait met­tre en musique les textes de Bahr. Ce trio a d’ailleurs réal­isé dans les mêmes con­di­tions d’autres titres joués par l’orchestre de D’Arienzo, comme : Ganzúa, La son­risa de mamá, Sin balur­do, Tomá estas mon­edas!, Tram­pa et notre tan­go du jour, Y suma y sigue…
D’autres titres ont été com­posés par D’Arienzo et Sala­man­ca avec un texte de Bahr comme : Hoy me vas a escuchar, Nece­si­to tu car­iño et Se-Pe-Ño-Po-Ri-Py-Ta-Pa et d’autres, enfin, ont été créé par Bahr (texte) et Sala­man­ca (musique) sans l’apport de D’Arienzo, comme : Amar­ga sospecha, Aqui he venido a can­tar, Dale dale, cabal­li­to, Des­de aque­l­la noche et Eter­na.

De gauche à droite, debout : Héc­tor Varela, Juan D’Arien­zo, Arman­do Labor­de, Alber­to Echagüe et Ful­vio Sala­man­ca au piano.

Y suma y sigue

Le titre peut inter­roger. Ce terme venant des livres compt­a­bles invite à tourn­er la page pour con­sul­ter la suite d’un compte, mais il a plusieurs autres sig­ni­fi­ca­tions.

  • Expres­sion indi­quant en bas de page, que le cal­cul va se con­tin­uer sur la page suiv­ante.
  • Équiv­a­lent de etc. du latín et cetera, pour indi­quer que la liste pour­rait con­tin­uer (et le reste, et les autres choses).
  • Indique que ça va con­tin­uer à aug­menter.
  • Indique que quelque chose se répète.

Je vous laisse choisir votre inter­pré­ta­tion à la présen­ta­tion des paroles ci-dessous.

Extrait musical

Y suma y sigue… 1952-08-13 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Alber­to Echagüe.
Par­ti­tion de Suma y sigue…

Paroles

No me gus­ta andar con vivos y a los giles les doy pase
a los otros si es pre­ciso los atien­do y se acabó.
Si la mala se encabri­ta me la aguan­to has­ta que amanse
y aunque siem­pre hay un ami­go, curo a solas mi dolor.
Me enseñó la mala racha que la suerte es mina ilusa,
Que, al final, se que­da siem­pre con aquel que está gril­lao.
Y aprendí en los des­en­can­tos, que si aflo­ja el de la zur­da,
es mejor que te amasi­jes porque al fin irás pal­mao.

Aunque seas bien dere­cho si andas seco te dan pifia.
Tra­ba­jan­do sos cualquiera y afanan­do sos señor.
Porque, al fin, has­ta la grela que com­parte tu cobi­ja
cuan­do ve man­gos en fila solo pien­sa “¿cuán­tos son?”.
Además, nadie pre­gun­ta de que “lao” llegó la bue­na,
la impor­tan­cia está en los man­gos aunque sal­gan de lo peor.
Y apren­des al triste pre­cio de tu cre­do en esta feria
que ni tiñe la vergüen­za, ni la gui­ta tiene hon­or.

Me enseñaron los ami­gos que estas firme si hay rebusque,
aprendí de los extraños que hay que abrirse del favor.
Y la vez, que por humano le di cuar­ta a un gil “cualunque”,
me dejó en la puer­ca vía sin con­fi­an­za y sin colchón.
Los demás te ven sacan­do por la pin­ta, como al naipe,
y al mar­carte “gil en puer­ta”, preg­o­nan­do que hay amor,
te saque­an has­ta el alma y después te dan el raje…
¡Pero nadie mira nun­ca que tenés un corazón!
Juan D’Arien­zo ; Ful­vio Sala­man­ca (Ful­vio Wer­fil Sala­man­ca); Car­los Bahr (Car­los Andrés Bahr)

Traduction libre

Je n’aime pas aller avec les canailles et aux giles (XXXX voir anec­dote sur le sujet) je donne un lais­sez-pass­er, quant aux autres si néces­saire, je m’oc­cupe d’eux et c’est tout.
Si le mau­vais se déchaîne, je le sup­porte jusqu’à ce qu’il se lève et bien qu’il y ait tou­jours un ami, je guéris ma douleur seul.
La mau­vaise série m’a appris que la chance est une gamine illu­soire, qu’à la fin, elle reste tou­jours avec celui qui est gril­lé.
Et j’ai appris dans les décep­tions, que si le sincère se détend, cela vaut mieux que de se pétrir (de coups), car à la fin vous finis­sez dans les pommes (pal­mao de pal­ma­do est endormir en lun­far­do).
Même si tu es très droit, si tu es sec, ils se moquent de toi.
En tra­vail­lant, tu es quel­conque et en trompant (arnaquant, volant), tu es un Mon­sieur.
Parce qu’en fin de compte, même la gonzesse (femme) qui partage votre cou­ver­ture (lit) quand elle voit des bif­fe­tons (bil­lets de 1 peso) alignés elle pense unique­ment à « com­bi­en il y en a ? ».
D’ailleurs, per­son­ne ne demande de quel côté vient le bon, l’im­por­tant ce sont les bil­lets même s’ils sor­tent du pire.
Et tu apprends au triste prix de ton cre­do dans cette foire qui ni la honte tache, ni le flouze (l’argent) n’a d’hon­neur.
Les amis m’ont appris à être ferme s’il y a une petite occa­sion (rebusque est un petit tra­vail sup­plé­men­taire, voire un amour pas­sager), j’ai appris d’in­con­nus qu’il faut s’ou­vrir à la faveur (peut aus­si sig­ni­fi­er prof­iter sex­uelle­ment).
Et la fois, que pour être humain, j’ai porté assis­tance à un gil quel­conque, il m’a lais­sé des scro­fules, sans con­fi­ance et sans mate­las (je ne suis pas sûr du sens).
Les autres te voient venir pour l’allure, comme aux cartes, et dès qu’ils te mar­quent « gil à la porte », procla­mant qu’il y a de l’amour, ils te pil­lent jusqu’à l’âme et ensuite ils te jet­tent dehors…
Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur !
Ces con­seils de vie, se ter­mi­nent par Mais per­son­ne ne voit jamais que tu as un cœur ! Les con­seils cachent en fait un regard cri­tique et dés­abusé sur le monde con­tem­po­rain, sur les rela­tions humaines. En cela, ce tan­go rejoint d’autres tan­gos comme cam­bal­ache, tor­men­ta et tant d’autres qui dénon­cent les injus­tices et les abus.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enreg­istrement de ce titre, mais D’Arienzo et Echagüe ont enreg­istré plusieurs tan­gos faisant appel au lun­far­do. En 1964, RCA a édité une sélec­tion de 12 de ces tan­gos dans un disque 33 tours.

Acad­e­mia del lun­far­do (1964). 12 tan­gos avec des paroles en lun­far­do par D’Arien­zo et Echagüe. Notre tan­go du jour est le pre­mier titre de la face 2.
Joyas del Lun­far­do (1996) reprend les 12 titres de 1964 et en rajoute 8.

Voici la liste des 20 titres du CD. Ceux qui sont en gras étaient dans le CD de 1964

1 Cartón junao (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela/Carlos Waiss)
2 Chichipía(Juan (D‘Arienzo / Héc­tor Varela / Car­los Waiss)
3 Bien pulen­ta (Car­los Waiss)
4 El nene del Abas­to (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
5 Sarampión (Ela­dio Blanco/Raúl Hor­maza)
6 Cam­bal­ache (Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
7 Pitu­ca (Enrique Cadícamo/José Fer­reyra)

8 El raje (Juan D‘Arienzo/Héctor Varela)
9 Amar­ro­to (Miguel Buci­no / Juan Cao)
10 Bara­jan­do (Eduar­do Escaris Mendez)
11 Don Juan Mon­di­o­la (Anto­nio Oscar Arona)
12 Farabute (Joaquín Bar­reiro / Anto­nio Cas­ciani)
13 Cor­ri­entes y Esmer­al­da (Cele­do­nio Flo­res / Fran­cis­co Pracáni­co)
14 Y suma y sigue (Car­los Bahr / Juan D‘Arienzo / Ful­vio Sala­man­ca)
15 Che exis­ten­cial­ista (Mario Lan­di / Rodol­fo Mar­t­in­cho)
16 Pan comi­do (Enrique Dizeo)
17 Las cuarenta (Froilán Gor­rindo)
18 Que mufa che (Jorge Sturla (Tito Pueblo) / Luis Zam­bal­di)
19 Mi queri­da Sisebu­ta (Arman­do Gat­ti / Car­los Láz­zari / Anto­nio Poli­to)
20 Peringundín (Pin­tín Castel­lanos)

Voilà, les amis, c’est tout pour aujourd’hui.

Je ne vous dis pas à demain, car je vais faire une pause dans les anec­dotes, notam­ment pour essay­er de résoudre les prob­lèmes avec Face­book que cela énerve, mais aus­si, car le site sat­ure et que mon hébergeur me fait aus­si les gros yeux.

Un abra­zo énorme, des­de Buenos Aires où il fait encore bien froid…

Sentimiento gaucho 1954-07-30 — Orquesta Donato Racciatti con Nina Miranda

Francisco Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caruso

Nous avons vu les liens entre le tan­go et le théâtre, le ciné­ma, la radio. Notre tan­go du jour, Sen­timien­to gau­cho a tous ces liens et en plus, il a gag­né un con­cours… Il n’est donc pas éton­nant qu’il dis­pose de dizaines de ver­sions, voyons donc ce Sen­timien­to gau­cho à par­tir de la ver­sion ori­en­tale, de Dona­to Rac­ciat­ti et Nina Miran­da.

Les concours Max Glücksmann

La firme Max Glücks­mann est celle qui a créé la mai­son de dis­ques Odeón, que vous con­nais­sez bien main­tenant. Cette société a organ­isé à par­tir de 1924 dif­férents con­cours annuels qui se déroulaient dans dif­férents lieux à Buenos Aires et Mon­te­v­ideo.
Trois fois par semaine, durant le con­cours, l’orchestre « offi­ciel » qui était dif­férent chaque année, jouait les tan­gos qui avaient été sélec­tion­nés par l’entreprise pour con­courir.
Les jours con­cernés, l’orchestre jouait deux fois la sélec­tion, une fois pour la séance de ciné­ma de 18 heures et une fois pour la séquence de ciné­ma de 22h30.
Le pub­lic votait grâce à un coupon placé sur le tick­et d’entrée au théâtre/cinéma.
En 1924, la pre­mière année du con­cours, c’est Sen­timien­to Gau­cho qui gagna.
L’orchestre qui a joué les œuvres élec­tion­nées était celui de Rober­to Fir­po, un orchestre gon­flé pour attein­dre 15 musi­ciens, dans le Théâtre Grand Splen­did et la radio LOW, Radio Grand Splen­did retrans­met­tait égale­ment la presta­tion de l’orchestre.
On voit que le dis­posi­tif était par­ti­c­ulière­ment élaboré et que Max Glücks­mann avait mis les moyens.
La ver­sion présen­tée était instru­men­tale, car les trois pre­mières années du con­cours, il n’y avait pas de chanteur, « seule­ment » 15 musi­ciens.
Le pal­marès de cette année a été le suiv­ant :

  • Pre­mier prix : Sen­timien­to Gau­cho (Fran­cis­co et Rafael Canaro)
  • Pa que te acordés (Fran­cis­co Lomu­to)
  • Organ­i­to de la tarde (Cat­u­lo Castil­lo)
  • Con toda el alma (Juan Fari­ni)
  • Amiga­zo (Juan de Dios Fil­ib­er­to)
  • Men­tions : Capa­blan­ca solo (Enrique Delfi­no)
  • El púa (Arturo de Bassi)
  • Soñan­do (Paqui­ta Bernar­do)

Extrait musical

Sen­timien­to gau­cho. Fran­cis­co Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so.

À gauche, la par­ti­tion Ricor­di qui cor­re­spond au texte des paroles habituelles. À droite de la par­ti­tion, le pre­mier prix gag­né par Canaro (il n’y avait pas de paroles et c’était donc cohérent de représen­ter un gau­cho). À l’extrême droite, la cou­ver­ture de la par­ti­tion avec les paroles cen­surées.

Sen­timien­to gau­cho 1954-07-30 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Nina Miran­da

Paroles

En un viejo almacén del Paseo Colón
Donde van los que tienen per­di­da la fe
Todo sucio, hara­pi­en­to, una tarde encon­tré
A un bor­ra­cho sen­ta­do en oscuro rincón
Al mirar­le sen­tí una pro­fun­da emo­ción
Porque en su alma un dolor secre­to adi­v­iné
Y, sen­tán­dome cer­ca, a su lado, le hablé
Y él, entonces, me hizo esta cru­el con­fe­sión
Pon­ga, ami­go, aten­ción

Sabe que es condi­ción de varón el sufrir
La mujer que yo quería con todo mi corazón
Se me ha ido con un hom­bre que la supo seducir
Y, aunque al irse mi ale­gría tras de ella se llevó
No quisiera ver­la nun­ca… Que en la vida sea feliz
Con el hom­bre que la tiene pa’ su bien… O qué sé yo
Porque todo aquel amor que por ella yo sen­tí
Lo cortó de un solo tajo con el filo’e su traición

Pero inútil… No puedo, aunque quiera, olvi­dar
El recuer­do de la que fue mi úni­co amor
Para ella ha de ser como el trébol de olor
Que per­fuma al que la vida le va a arran­car
Y, si aca­so algún día quisiera volver
A mi lado otra vez, yo la he de per­donar
Si por celos a un hom­bre se puede matar
Se per­dona cuan­do habla muy fuerte el quer­er
A cualquiera mujer

Fran­cis­co Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre et indications

Dans un vieux mag­a­sin (El almacén, est à a la fois un mag­a­sin, un bar, un lieu de vie, de musique et danse, etc.) du Paseo Colón (rue du sud de Buenos Aires) où vont ceux qui ont per­du la foi.
Tout sale, en hail­lons, un après-midi, j’ai trou­vé un ivrogne assis dans un coin som­bre.
En le regar­dant, j’éprou­vai une pro­fonde émo­tion parce que dans son âme je dev­inais une douleur secrète.
Et assis près de lui, je lui ai par­lé, et il m’a fait cette cru­elle con­fes­sion.
Fais atten­tion, mon ami.
Sache que c’est la con­di­tion de l’homme que de souf­frir.
La femme que j’ai aimée de tout mon cœur s’en est allée avec un homme qui a su la séduire et, avec son départ, elle a emporté ma joie avec elle.
Je ne voudrais jamais la revoir… Puisse-t-elle être heureuse dans la vie avec l’homme qui l’a pour la sienne…
Ou qu’est-ce que j’en sais pourquoi tout cet amour que je ressen­tais pour elle, elle l’a coupé d’un seul coup avec la lame de sa trahi­son.
Mais inutile… Je ne peux pas, même si je le voulais, oubli­er le sou­venir de celle qui était mon seul amour. Pour elle, il faut être comme le trèfle d’odeur (mélilot) qui par­fume celui que la vie va arracher.
Et si un jour elle veut revenir vers moi, je lui par­don­nerai.
Si un homme peut être tué par jalousie, cela se par­donne quand par­le très fort l’amour à quelque femme que ce soit.

Il existe deux autres ver­sions des paroles, mais le prob­lème sur le site ne m’a pas lais­sé le temps de les retran­scrire.
Une ver­sion cen­surée, ou l’ivrogne dans le bar devient un paysan dans un champ et l’autre une ver­sion humoris­tique de Trio Gedeón. J’y reviendrai un jour, mais pour l’instant, ma pri­or­ité est de rétablir le site.

Autres versions

Pour les mêmes raisons que le gros rac­cour­cisse­ment de l’anecdote du jour, le prob­lème sur le site, je ne pro­pose pas les autres ver­sions de Sen­timien­to Gau­cho.
Là encore, j’essayerai de rat­trap­er, dès que pos­si­ble, lorsque le site sera remis en état.
Je vous présente tout de même cette ver­sion sym­pa où on voit chanter Ada Fal­con. C’est dans le film : Ido­l­os de la radio de Eduar­do Mor­era

Ada Fal­con dans Ido­l­os de la radio de Eduar­do Mor­era chante Sen­timien­to Gau­cho.

j’e­spère à demain, les amis, avec une ver­sion plus com­plète…

La tablada 1942-07-23 — Orquesta Aníbal Troilo

Francisco Canaro

Quand on pense à l’Argen­tine, on pense à sa viande et ce n’est pas un cliché sans rai­son. Les Argentins sont de très grands ama­teurs et con­som­ma­teurs de viande. Chaque mai­son a sa par­il­la (bar­be­cue) et en ville, cer­tains vont jusqu’à impro­vis­er leurs par­il­las dans la rue avec un demi-bidon d’huile. Dans les espaces verts, il y a égale­ment des par­il­las amé­nagées et si vous préférez aller au restau­rant, vous n’aurez pas beau­coup à marcher pour obtenir un bon asa­do. Le tan­go du jour, la tabla­da a à voir avec cette tra­di­tion. En effet, la tabla­da est le lieu où est regroupé le bétail avant d’aller au matadero

Cor­rales viejos, matadero, la tabla­da…

Extrait musical

La tabla­da 1942-07-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo
La tabla­da. La cou­ver­ture de gauche est plus proche du sujet de ce tan­go que celle de droite…
La par­ti­tion est dédi­cacée par Canaro à des amis d’U­ruguay (auteurs, musi­ciens…).

Autres versions

La tabla­da 1927-06-09 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Une ver­sion presque gaie. Les vach­es « gam­badent », du pas lourd du canyengue.

La tabla­da 1929-08-02 — Orques­ta Cayetano Puglisi.

Une ver­sion pesante comme les coups coups don­nés par les mataderos pour sac­ri­fi­er les ani­maux.

La tabla­da 1929-12-23 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Cette ver­sion est assez orig­i­nale, on dirait par moment, une musique de dessin ani­mé. Cette ver­sion s’est dégagée de la lour­deur des ver­sions précé­dentes et c’est suff­isam­ment joueur pour amuser les danseurs les plus créat­ifs.

La tabla­da 1936-08-06 — Orques­ta Edgar­do Dona­to.

Une des ver­sions le plus con­nues de cette œuvre.

La tabla­da 1938-07-11 — Orques­ta Típi­ca Bernar­do Ale­many.

Cette ver­sion française fait preuve d’une belle imag­i­na­tion musi­cale. Ale­many est prob­a­ble­ment Argentin de nais­sance avec des par­ents Polon­ais. Son nom était-il vrai­ment Ale­many, ou est-ce un pseu­do­nyme, car il a tra­vail­lé en Alle­magne avant la sec­onde guerre mon­di­ale avant d’aller en France où il a fait quelques enreg­istrements comme cette belle ver­sion de la tabla­da avant d’émigrer aux USA. Ses musi­ciens étaient majori­taire­ment argentins, car il avait fait le voy­age en Argen­tine en 1936 pour les recruter. Cette ver­sion est donc fran­co-argen­tine pour être pré­cis…

La tabla­da 1942-07-23 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. C’est notre tan­go du jour.
La tabla­da 1946-09-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

L’introduction en appels sif­flés se répon­dant est par­ti­c­ulière­ment longue dans cette ver­sion. Il s’agit de la référence au train qui trans­portait la viande depuis La Tabla­da jusqu’à Buenos Aires. Les employés devaient sif­fler pour sig­naler le départ, comme cela se fait encore dans quelques gares de cam­pagne.

La tabla­da 1950-11-03 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co.

Encore une ver­sion bien guillerette et plutôt sym­pa­thique, non ?

La tabla­da 1951 — Orques­ta Rober­to Caló.

C’est le frère qui était aus­si chanteur, mais aus­si pianiste (comme on peut l’entendre dans cet enreg­istrement), de Miguel Caló.

La tabla­da 1951-12-07 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion qui se veut résol­u­ment mod­erne, et qui explore plein de direc­tions. À écouter atten­tive­ment.

La tabla­da 1955-04-19 — Orques­ta José Bas­so.

Dans cette ver­sion, très intéres­sante et éton­nante, Bas­so s’éclate au piano, mais les autres instru­ments ne sont pas en reste et si les danseurs peu­vent être éton­nés, je suis sûr que cer­tains apprécieront et que d’autres me maudiront.

La tabla­da 1957 — Mar­i­ano Mores y su Gran Orques­ta Pop­u­lar.

L’humour de Mar­i­ano Mores explose tout au long de cette ver­sion. Là encore, c’est encore un coup à se faire maudire par les danseurs, mais si vous avez envie de rigol­er, c’est à pré­conis­er.

La tabla­da 1957-03-29 — Orques­ta Héc­tor Varela. Varela est plus sérieux, mais sa ver­sion est égale­ment assez foi­son­nante. Décidé­ment, la tabla­da a don­né lieu à beau­coup de créa­tiv­ité.
La tabla­da 1962 — Orques­ta Rodol­fo Bia­gi.

On revient à des choses plus clas­siques avec Rodol­fo Bia­gi qui n’oublie pas de fleurir le tout de ses orne­ments au piano. À not­er le jeu des ban­donéons avec le piano et les vio­lons qui domi­nent le tout, insen­si­bles au stac­ca­to des col­lègues.

La tabla­da 1962-08-21 — Cuar­te­to Troi­lo-Grela.

Le duo Grela, Troi­lo est un plaisir raf­finé pour les oreilles. À écouter bien au chaud pour se laiss­er emporter par le dia­logue savoureux entre ces deux génies.

La tabla­da 1965-08-11 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

La spa­tial­i­sa­tion stéréo­phonique est sans doute un peu exagérée, avec le ban­donéon à droite et les vio­lons à gauche. Beau­coup de DJ passent les titres en mono. C’est logique, car tout l’âge d’or et ce qui le précède est mono. Cepen­dant, pour les corti­nas et les enreg­istrements plus récents, le pas­sage en mono peut être une lim­i­ta­tion. Vous ne pour­rez pas vous en ren­dre compte ici, car pour pou­voir met­tre en ligne les extraits sonores, je dois les pass­er en mono (deux fois moins gros) en plus de les com­press­er au max­i­mum afin qu’ils ren­trent dans la lim­ite autorisée de taille. Mes morceaux orig­in­aux font autour de 50 Mo cha­cun. Pour revenir à la dif­fu­sion en stéréo, le DJ doit penser que les danseurs tour­nent autour de la piste et qu’un titre comme celui leur don­nera à enten­dre le ban­donéon dans une zone de la salle et les vio­lons dans une autre. Dans ce cas, il fau­dra lim­iter le panoramique en rap­prochant du cen­tre les deux canaux. Encore un truc que ne peu­vent pas faire les DJ qui se branchent sur l’entrée ligne où les deux canaux sont déjà regroupés et ne peu­vent donc pas être placés spa­tiale­ment de façon indi­vidu­elle (sans par­ler du fait que l’entrée ligne com­porte générale­ment moins de réglage de tonal­ité que les entrées prin­ci­pales).

La tabla­da 1966-03-10 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Une meilleure util­i­sa­tion de la spa­tial­i­sa­tion stéréo­phonique, mais ça reste du Sas­sone qui n’est donc pas très pas­sion­nant à écouter et encore moins à danser.

La tabla­da 1968 — Orques­ta Típi­ca Atilio Stam­pone.

Stam­pone a explosé la fron­tière entre la musique clas­sique et le tan­go avec cette ver­sion très, très orig­i­nale. J’adore et je la passe par­fois avant la milon­ga en musique d’ambiance, ça intrigue les pre­miers danseurs en attente du début de la milon­ga.

La tabla­da 1968-06-05 — Cuar­te­to Aníbal Troi­lo.

On ter­mine, car il faut bien une fin, avec Pichu­co et son cuar­te­to afin d’avoir une autre ver­sion de notre musi­cien du jour qui nous pro­pose la tabla­da.

Après ce menu musi­cal assez riche, je vous pro­pose un petit asa­do

L’asado

Je suis resté dis­cret sur le thème matadero évo­qué dans l’introduction. Matar en espag­nol est tuer (à ne pas con­fon­dre avec mate) qui est la bois­son nationale. Si vous écrivez « maté », vous voulez dire « tué ». Il ne faut donc surtout pas met­tre d’accent, même si ça prononce maté, ça s’écrit mate. L’accent tonique est sur le ma et pas sur le te. J’arrête de tourn­er autour du pot, le matadero, c’est l’abattoir.

À la fin du 16e siè­cle, Jean de Garay appor­ta 500 vach­es d’Europe (et bien sûr quelques tau­reaux). Ces ani­maux se plurent, l’herbe de la pam­pa était abon­dante et nour­ris­sante aus­si les bovins prospérèrent au point que deux siè­cles plus tard, Félix de Azara, un nat­u­ral­iste espag­nol con­statait que les criol­los ne con­som­maient que de la viande, sans pain.
Plus éton­nant, ils pou­vaient tuer une vache pour ne manger que la langue ou la par­tie qui les intéres­sait.
Puis, la coloni­sa­tion s’intensifiant, la viande est dev­enue la nour­ri­t­ure de tous, y com­pris des nou­veaux arrivants. Cer­taines par­ties délais­sées par la « cui­sine » tra­di­tion­nelle furent l’aubaine des plus pau­vres, mais cer­taines par­ties qui étaient très appré­ciées par les per­son­nes raf­finées et nég­ligées par les con­som­ma­teurs tra­di­tion­nels con­tin­u­ent à faire le bon­heur des com­merçants avisés qui répar­tis­sent les par­ties de l’animal selon les quartiers.
Le tra­vail du cuir est aus­si une ressource impor­tante de l’Argentine, mais dans cer­taines provinces, l’asado (la gril­lade) se fait avec la peau et dans ce cas, le cuir est per­du. C’est un reste de l’habitude de tuer une vache pour n’utiliser que la por­tion néces­saire à un moment don­né.
Les Argentins con­som­ment un kilo de viande et par per­son­ne chaque semaine. Je devrais écrire qui con­som­maient, car depuis l’arrivée du nou­veau gou­verne­ment en Argen­tine, le prix de la viande a triplé et la con­som­ma­tion a forte­ment bais­sée en quan­tité (de l’ordre de 700 grammes par semaine et surtout en qual­ité, les vian­des les moins nobles étant désor­mais plus recher­chées, car moins chères).

Asa­do a la esta­ca (sur des pieux) — Asa­do con cuero (avec la peau de l’animal) Asa­do dans un restau­rant, les chaînes per­me­t­tent de régler la hau­teur des dif­férentes grilles — asa­do famil­iar.

Tira de asa­do
La viande est attachée à l’os. C’est assez spec­tac­u­laire et plein d’os que cer­tains enlèvent avec leur couteau ou en cro­quant entre les restes de côtes.

Vacio (Vide)
Un morceau de choix, sans os, ten­dre et à odeur forte. IL se cuit lente­ment à feu indi­rect.

Matam­bre
Entre la peau et les os, le matam­bre est recher­ché. Il est égale­ment util­isé roulé, avec un rem­plis­sage entre chaque couche. Une fois découpé en ron­delle, comme une bûche de Noël, c’est très joli. Le rem­plis­sage peut être des œufs durs, des légumes ou autres.

Col­i­ta de cuadril
Par­tie de l’aloyau (croupe) proche de la queue, d’où le nom.

Entraña
Par­tie intérieure des côtes de veaux.

Bife de chori­zo
Bifteck de chori­zo, un steack à ne pas con­fon­dre avec la saucisse espag­nole de ce nom.

Bife Ancho
Un steack large, épais avec graisse.

Bife angos­to
Le con­traire du précé­dent, plus fin.

Lomo
La longe, une pièce de viande peu grasse.

Palomi­ta
Une coupe par­mi tant d’autres. J’imagine que cer­tains y voient une colombe, mais c’est bien du bœuf.

Picaña
Arrière de la longe de bœuf de forme tri­an­gu­laire.

Achuras
Ce sont les abats.
Ils sont présen­tés en tripes, chori­zos, boudins, ris de veau, rognons et autres.
Ils ne font pas l’unanimité chez les Argentins, mais un asa­do sans achuras, ce n’est pas un asa­do pour beau­coup.

Bon­di­o­la
Le porc passe aus­si un sale moment sur la par­il­la.
Beau­coup la man­gent en sand­wich dans du pain français (rien à voir avec le pain de France). Le pain peut être chauf­fé sur la par­il­la.

Pechi­to de cer­do
La poitrine de porc fait aus­si par­tie des morceaux de choix de l’asado. Elle est con­sid­érée ici comme une viande plus saine (comme quoi tout est relatif).

Des légumes, poivrons, aubergines peu­vent rejoin­dre l’asado, mais ce ne sera pas le met préféré des Argentins, même si on y fait cuire un œuf afin de ne pas man­quer de pro­téines…

Le tra­vail de l’asador

C’est la per­son­ne qui pré­pare l’asado. Son tra­vail peut paraître sim­ple, mais ce n’est pas le cas.
Il faut pré­par­er les morceaux, par­fois les condi­menter (mod­éré­ment) et la cuis­son est tout un art. Une fois que le bois ou le char­bon de bois sont prêts, il faut régler la hau­teur de la grille afin que la viande cuise douce­ment et longue­ment et de façon adap­tée selon les pièces qui se trou­vent aux dif­férents endroits de la grille.
Beau­coup d’Argentins aiment la viande bien cuite, les steaks tartares sont une idée qui n’est pas dans le vent ici. D’autres l’aiment à point et la bonne viande se coupe à la cuil­lère, voire avec le manche de la cuil­lère.
Hors de l’Argentine, il est assez dif­fi­cile de con­va­in­cre un bouch­er de découper la viande à l’Argentine, à moins de bien lui expli­quer et d’acheter 40 kilos d’un coup. Il vous fau­dra donc aller en Argen­tine ou dans un restau­rant argentin qui s’approvisionne bien sou­vent en bœuf de l’Aubrac (France).
La cou­tume veut qu’on applaud­isse l’asador qui a passé des heures à faire cuire amoureuse­ment les ani­maux.
L’Argentine n’est pas le par­adis des végé­tariens, d’autant plus que les légumes sont sou­vent plus chers que la viande (même si en ce moment, c’est moins le cas). Il faut compter entre 4 et 10 $ le kilo, voire moins si vous achetez de gross­es quan­tités, si vous payez en liq­uide, si vous avez la carte de telle ou telle banque… L’Argentine four­mille d’astuces pour pay­er un peu moins cher.
Ne sortez pas l’American Express ici son slo­gan est plutôt « ne sortez pas avec elle » si vous ne voulez pas pay­er plus cher.
En ce qui con­cerne les autres pro­duits d’origine ani­male, le lait et les pro­duits laitiers ne sont pas les grands favoris et le pois­son coûte le même prix qu’en Europe et par con­séquent est hors de prix pour la majorité des Argentins, sauf peut-être le mer­lu que l’on peut trou­ver à moins de 10 $ con­tre 30 ou 40 $ le saumon (d’élevage, con­gelé et à la chair très pâle et grasse).
Bon, je me suis un peu échap­pé du domaine du tan­go, mais n’étant pas ama­teur de viande, il me fal­lait faire une forme de cathar­sis…

À demain, les amis !

Fumando espero 1927-07-21 — Orquesta Típica Victor

Juan Viladomat Masanas Letra: Félix Garzo (Antonio José Gaya Gardus)

On sait main­tenant que fumer n’est pas bon pour la san­té, mais dans la mytholo­gie du tan­go, la cig­a­rette, cig­a­r­il­lo, pucho, faso et sa fumée ont inspiré les créa­teurs quand eux-mêmes inspi­raient les volutes de fumée. Notre tan­go du jour est à la gloire de la fumée, au point qu’il est devenu objet de pro­pa­gande pub­lic­i­taire. Mais nous ver­rons que le tan­go a aus­si servi à lut­ter con­tre le tabac qui t’abat. Je pense que vous décou­vrirez quelques scoops dans cette anec­dote fumante.

Extrait musical

Fuman­do espero 1927-07-21 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor — Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

Cette très belle ver­sion souf­fre bien sûr de son anci­en­neté et du style de l’époque, mais les con­tre­points sont superbes et la ryth­mique lourde est com­pen­sée par de jolis traits. J’aime beau­coup les pas­sages lega­to des vio­lons.

Main­tenant que vous l’avez écouté, nous allons entr­er dans le vif d’un sujet un peu fumeux, tout d’abord avec des cou­ver­tures de par­ti­tions.

Fuman­do espero. Divers­es par­ti­tions.

On notera que trois des par­ti­tions annon­cent la créa­tion, mais par des artistes dif­férents…
Créa­tion de Ramonci­ta Rovi­ra (Par­ti­tion éditée par Ilde­fon­so Alier) à Madrid en 1925.
Créa­tion de Pilar Berti pour la pub­li­ca­tion de Barcelone, DO-RE-MI qui pub­li­ait chaque semaine une par­ti­tion. Mais c’est une autre Pilar (Arcos) qui l’enregistrera à divers­es repris­es.
Tania Mex­i­can, créa­trice de ce mag­nifique tan­go, annonce cette par­ti­tion. Tania aurait été la pre­mière à le chanter à Buenos Aires. Ce n’est pas impos­si­ble dans la mesure où cette Espag­nole de Tolède est arrivée en Argen­tine en 1924. Elle fut la com­pagne de Enrique San­tos Dis­cépo­lo.
Si on peut voir la men­tion « « « Mex­i­can » à côté de son nom, c’est qu’elle est arrivée à Buenos Aires avec le Con­jun­to The Mex­i­cans

Après les édi­tions espag­noles, voici celles d’Amérique latine, plus tar­dives, elles ont suivi le tra­jet de la musique.
Felix Car­so au lieu de Car­zo pour l’édition brésili­enne de 1927. L’éditeur, Car­los Wehrs vendait aus­si des pianos.
Tan­go de Velado­ma­to (au lieu de Velado­mat (non cata­lan) pour l’édition chili­enne.
Ces cinq par­ti­tions sont de la pre­mière vague (années 20–30)

La par­ti­tion éditée par las Edi­ciones Inter­na­cionales Fer­ma­ta avec la pho­to de Héc­tor Varela en cou­ver­ture date des années 50. Prob­a­ble­ment de 1955, date de l’enregistrement par Varela de ce titre.

Paroles

Fumar es un plac­er
genial, sen­su­al.
Fuman­do espero
al hom­bre a quien yo quiero,
tras los cristales
de ale­gres ven­tanales.
Mien­tras fumo,
mi vida no con­sumo
porque flotan­do el humo
me sue­lo adorme­cer…
Ten­di­da en la chaise longue
soñar y amar…
Ver a mi amante
solíc­i­to y galante,
sen­tir sus labios
besar con besos sabios,
y el deva­neo
sen­tir con más deseos
cuan­do sus ojos veo,
sedi­en­tos de pasión.
Por eso estando mi bien
es mi fumar un edén.

Dame el humo de tu boca.
Anda, que así me vuel­vo loca.
Corre que quiero enlo­que­cer
de plac­er,
sin­tien­do ese calor
del humo embria­gador
que aca­ba por pren­der
la lla­ma ardi­ente del amor.

Mi egip­cio es espe­cial,
qué olor, señor.
Tras la batal­la
en que el amor estal­la,
un cig­a­r­ril­lo
es siem­pre un des­can­sil­lo
y aunque parece
que el cuer­po lan­guidece,
tras el cig­a­r­ro crece
su fuerza, su vig­or.
La hora de inqui­etud
con él, no es cru­el,
sus espi­rales son sueños celes­tiales,
y for­man nubes
que así a la glo­ria suben
y envuelta en ella,
su chis­pa es una estrel­la
que luce, clara y bel­la
con rápi­do ful­gor.
Por eso estando mi bien
es mi fumar un edén.

Juan Vilado­mat Masanas Letra: Félix Gar­zo (Anto­nio José Gaya Gar­dus)

Traduction libre et indications

Fumer est un plaisir génial, sen­suel.
En fumant, j’attends l’homme que j’aime, der­rière les vit­res de fenêtres gaies.
Pen­dant que je fume, ma vie, je ne la con­somme pas parce que la fumée qui flotte me rend générale­ment som­no­lente…
Allongée sur la chaise longue, rêver et aimer… (On notera que la chaise longue est indiquée en français dans le texte).
Voir mon amant plein de sol­lic­i­tude et galant, de sen­tir ses lèvres embrass­er de bais­ers sages, et d’éprouver plus de désir quand je vois ses yeux assoif­fés de pas­sion.
C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén (mar­que de cig­a­rettes, voir ci-dessous les détails).
Donne-moi la fumée de ta bouche.
Allez, qu’ainsi je devi­enne folle.
Cours, que j’ai envie de devenir folle de plaisir, en sen­tant cette chaleur de la fumée enivrante qui finit par allumer la flamme brûlante de l’amour.
Mon égyp­tien (tabac égyp­tien) est spé­cial, quelle odeur, mon­sieur.
Après la bataille dans laque­lle l’amour explose, une cig­a­rette est tou­jours un repos et bien qu’il sem­ble que le corps lan­guisse, après le cig­a­re (en lun­far­do, el cig­a­r­ro est le mem­bre vir­il…), sa force, sa vigueur, gran­dis­sent.
L’heure de l’agitation avec lui n’est pas cru­elle, ses spi­rales sont des rêves célestes, et for­ment des nuages qui s’élèvent ain­si vers la gloire et envelop­pés d’elle, son étin­celle est une étoile qui brille, claire et belle d’un éblouisse­ment rapi­de.
C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén.

La cigarette et le tango

Ce tan­go serait une bonne occa­sion pour par­ler du thème de la cig­a­rette et du tan­go. Étant non-fumeur, je béni la loi 1799 (Buenos Aires) qui fait que depuis octo­bre 2006, il est inter­dit de fumer dans les lieux publics. Cela a large­ment amélioré la qual­ité de l’air dans les milon­gas.
La loi 3718 (décem­bre 2010) ren­force encore ces inter­dic­tions et donc depuis 5 jan­vi­er 2012, il est totale­ment inter­dit de fumer dans les lieux publics et les espaces fumeurs intérieurs sont inter­dits. Cepen­dant, imag­inez l’atmosphère au cours du vingtième siè­cle, époque où le tabac fai­sait des rav­ages.
Le tan­go du jour peut être con­sid­éré comme une pub­lic­ité pour le tabac et même une pub­lic­ité pour le tabac égyp­tien d’une part et la mar­que Edén qui était une mar­que rel­a­tive­ment lux­ueuse.

Avec Edén, allez plus vite au paradis

Dans ce tan­go, sont cités deux types de tabac, l’égyptien et les cig­a­rettes à base de tabac de la Havane. Je pour­rais rajouter le cig­a­re de la Havane, mais je pense que la référence au cig­a­re est plus coquine que rel­a­tive à la fumée…
Les cig­a­rettes Edén étaient com­mer­cial­isées en deux var­iétés, la n° 1, fab­riqué avec du tabac de la Havane, coû­tait 30 cents et la n° 2, avec un mélange de tabac de la Havane et de Bahia, 20 cents le paquet.

À gauche, paquet de tabac égyp­tien. À droite, pub­lic­ité pour les cig­a­rettes Edén (1899). Clodimiro Urtubey est le créa­teur de la mar­que

Les tangos faisant la propagande du tabac

On peut bien sûr inclure notre tan­go du jour (Fuman­do espero (1922), puisqu’il cite des mar­ques et l’acte de fumer. Cepen­dant, rien ne prou­ve que ce soient des pub­lic­ités, même déguisées. La référence au tabac égyp­tien peut être une sim­ple évo­ca­tion du luxe, tout comme la mar­que Edén qui en out­re rime avec bien.
Par ailleurs, l’auteur de la musique, Juan Vilado­mat sem­ble être un adepte des drogues dans la mesure où il a égale­ment écrit un tan­go qui se nomme La cocaí­na avec des paroles de Ger­ar­do Alcázar.

Par­ti­tion de La cocaina de Juan Vilado­mat avec des paroles de Ger­ar­do Alcázar.
La cocaí­na 1926 — Ramonci­ta Rovi­ra.

La cocaí­na 1926 — Ramonci­ta Rovi­ra. Cette pièce fai­sait par­tie du Guig­nol lyrique en un acte « El tan­go de la cocaí­na » com­posé par Juan Vilado­mat avec un livret de Amichatis et Ger­ar­do Alcázar.

J’imagine donc qu’il a choisi le thème sans besoin d’avoir une moti­va­tion finan­cière…
D’autres tan­gos sont dans le même cas, comme : Larga el pucho (1914), Sobre el pucho (1922), Fume Com­padre (ou Nubes de humo, 1923), Como el humo (1928), Cig­a­r­il­lo (1930), Pucho 1932, Taba­co (1944), Som­bra de humo (1951), Un cig­a­r­il­lo y yo (1966) et bien d’autres qui par­lent à un moment ou un autre, de fumée, de cig­a­rette (cigarillo/pucho/faso) ou de tabac.

Cig­a­r­ril­lo 1930-07-17 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Luis Díaz (Adol­fo Rafael Avilés Letra: Ernesto E. de la Fuente).

Atten­tion, ne pas con­fon­dre avec le tan­go du même nom qui milite con­tre le tabac et que je présente ci-dessous…
Sur le fait que Canaro n’a pas fait cela pour de l’ar­gent, j’ai tout de même un petit doute, il avait le sens du com­merce…

En revanche, d’autres tan­gos ont été com­man­dités par des mar­ques de cig­a­rettes. Par­mi ceux-ci, citons :

Améri­ca (qui est une mar­que de cig­a­rettes)
Fuman­do Sudan, espero (Sudan est une mar­que de cig­a­rette et Pilar Arcos a enreg­istré cette ver­sion pub­lic­i­taire en 1928).

Paquet en dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite et vignettes de col­lec­tion (1920) des cig­a­rettes Soudan, une mar­que brésili­enne créée par Sab­ba­do D’Angelo en 1913.
Fuman­do Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orques­ta Tipi­ca Dir. Louis Katz­man.

Le nom des cig­a­rettes ne vient pas du pays, le Soudan, mais de l’utilisation des pre­mières let­tres du nom du fon­da­teur de la mar­que, S de Saba­do, Um(N) de Umberto et DAN de D’Angelo…
Quoi qu’il en soit, cette mar­que ne rec­u­lait devant aucun moyen mar­ket­ing, dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite, images de col­lec­tion, ver­sion chan­tée…
Cela me fait penser à cette pub­lic­ité argen­tine pour la pre­mière cig­a­rette…

Pub­lic­ité argen­tine pour la pre­mière cig­a­rette met­tant en scène un enfant… La cig­a­rette est au pre­mier plan à gauche. On imag­ine la suite.

Sel­lo azul (qui est une mar­que de cig­a­rettes).

Sel­lo Azul de Sci­ammarel­la et Rubis­tein, et à droite, un paquet de ces cig­a­rettes…

Aprovechá la bola­da, Fumá Caran­chos dont je vous pro­pose ici les paroles qui sont un petit chef‑d’œuvre de mar­ket­ing de bas étage :

Cou­ver­ture de la par­ti­tion de Aprovechá la bola­da — Fumá Caran­chos de Fran­cis­co Bohi­gas

Paroles de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos

Che Pan­chi­to, no seas longhi, calmá un poco tu arreba­to que el que tiene una papusa cual la novia que tenés, no es de ley que se sui­cide por el hecho de andar pato; a la suerte hay que afrontar­la con bravu­ra y altivez.
Donde hay vida hay esper­an­za, no pifiés como un incau­to.
Y a tu piba no le arru­ines su pala­cio de ilusión vos querés dártela seca porque sueña con un auto, una casa y otras yer­bas; yo te doy la solu­ción.
Refrán:
Fumá Caran­chos no seas chan­cle­ta, que en cada eti­que­ta se encuen­tra un cupón.
Seguí mi con­se­jo, pren­dete, che Pan­cho que está en Los Caran­chos tu gran sal­vación.
Fumá Caran­chos, que al fin del jaleo en el gran sor­teo te vas a lig­ar una casa pos­ta, un buick de paseo y el sueño de tu piba se va a realizar.
Ya se me hace, che Pan­chi­to, que te veo muy tri­un­fante, dan­do dique a todo el mun­do con un buick deslum­brador, por Flori­da, por Cor­ri­entes, con tu novia en el volante propi­etario de una casa que será nido de amor.
Sin embar­go, caro mio, si no entrás en la fuma­da, serás siem­pre un pobre loco que de seco no sal­drá.
Vos bus­cate tu aco­mo­do, aprovechá la bola­da, fumá Caran­chos queri­do, que tu suerte cam­biará.
Fumá Caran­chos, no seas chan­cle­ta que en cada eti­que­ta se encuen­tra el cupón.

Fran­cis­co Bohi­gas

Traduction libre de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos (Saute sur ta chance, fume Caranchos)

Che Pan­chi­to, ne sois pas un manche, calme un peu ton emporte­ment, car celui qui a une poupée comme la petite amie que tu as, il n’est pas juste pour lui de se sui­cider, car il a fait le canard (« cada paso una caga­da », le canard a la répu­ta­tion de faire une crotte à chaque pas, une gaffe à chaque pas) ; la chance doit être affron­tée avec bravoure et arro­gance.
Là où il y a de la vie, il y a de l’espoir, ne faites pas de gaffes comme un impru­dent.
Et ne ruine pas le palais d’illusion de ta poupée, tu te vois fauché parce qu’elle rêve d’une voiture, d’une mai­son et d’autres trucs ; Je vais te don­ner la solu­tion.
Fume Caran­chos ne sois pas une mau­vi­ette, car sur chaque éti­quette, se trou­ve un coupon.
Suis mon con­seil, allume, che Pan­cho, ton grand salut est dans les Caran­chos.
Fume des Caran­chos, parce qu’à la fin du tirage de la grande tombo­la, tu vas recevoir une mai­son excel­lente, une Buick pour la balade et le rêve de ta chérie va se réalis­er.
Il me sem­ble, che Pan­chi­to, que je te vois très tri­om­phant, te pavanant devant tout le monde avec une Buick éblouis­sante, dans Flori­da, dans Cor­ri­entes, avec ta copine au volant et pro­prié­taire d’une mai­son qui sera un nid d’amour.
Cepen­dant, mon cher, si tu ne te lances pas dans la fumée, tu seras tou­jours un pau­vre fou qui ne sor­ti­ra pas de la dèche.
Tu trou­veras ton loge­ment, prof­ite de la chance, fume, mon cher, Caran­chos, ta chance va tourn­er.
Fume des Caran­chos, ne sois pas une mau­vi­ette, car sur chaque éti­quette se trou­ve le coupon.
On notera qu’il a fait un tan­go du même type Tirate un lance (tente ta chance), qui fai­sait la pro­pa­gande d’un tirage au sort d’un vin pro­duit par les caves Giol7. Ne pas con­fon­dre avec le tan­go du même titre écrit par Héc­tor Mar­có et chan­té notam­ment par Edmun­do Rivero.

Le tango contre le tabac

Même si l’immense des tan­gos fait l’apologie de la cig­a­rette, cer­tains dénon­cent ses méfaits en voici un exem­ple :

Paroles de Cigarrillo de Pipo Cipolatti (musique et paroles)

Tan­to daño,
tan­to daño provo­caste
a toda la humanidad.
Tan­tas vidas,
tan­tas vidas de mucha­cho
te fumaste… yo no sé.
Apa­gan­do mi amar­gu­ra
en la bor­ra del café
hoy te can­to, cig­a­r­ril­lo, mi ver­dad…

Cig­a­r­ril­lo…
com­pañero de esas noches,
de mujeres y cham­pagne.
Muerte lenta…
cada faso de taba­co
es un año que se va…
Che, purrete,
escuchá lo que te digo,
no hagas caso a los demás.
El taba­co es traicionero
te destruye el cuer­po entero
y te agre­ga más edad…
El taba­co es traicionero,
te destruye el cuer­po entero… ¡y qué!
y esa tos te va a matar…

¡Ay, que lin­do !…
Ay, que lin­do que la gente
com­prendiera de una vez
lo difí­cil,
lo difí­cil que se hace,
hoy en día, el res­pi­rar.
Es el humo del cilin­dro
maquiavéli­co y rufián
que destruye tu teji­do pul­monar

Pipo Cipo­lat­ti

Traduction libre des paroles de Cigarrillo

Tant de dégâts, tant de dégâts tu as causé à toute l’humanité.
Tant de vies, tant de vies d’enfants tu as fumé… Je ne sais pas.
Éteignant mon amer­tume dans le marc de café, aujourd’hui je te chante, cig­a­rette, ma vérité…
Cig­a­rette… Com­pagne de ces nuits, des femmes et de cham­pagne.
Mort lente… Chaque cig­a­rette (faso, cig­a­rette en lun­far­do) est une année qui s’en va…
Che, gamin, écoute ce que je te dis, ne fais pas atten­tion aux autres.
Le tabac est traître, il détru­it le corps en entier et t’ajoute plus d’âge…
Le tabac est traître, il détru­it le corps entière­ment… et puis !
Et cette toux va te tuer…
Oh, comme ce serait bien !…
Oh, comme ce serait bien que les gens com­pren­nent une fois pour toutes com­bi­en le dif­fi­cile, com­bi­en il est dif­fi­cile de respir­er aujourd’hui.
C’est la fumée du cylin­dre machi­avélique et voy­ou qui détru­it ton tis­su pul­monaire

Si on rajoute un autre de ses tan­gos Piso de soltero qui par­le des rela­tions d’un homme avec d’autres hommes et des femmes et des alcools, vous aurez un panora­ma des vices qu’il dénonce.

Autres versions

Il y a des dizaines de ver­sions, alors je vais essay­er d’être bref et de n’apporter au dossier que des ver­sions intéres­santes, ou qui appor­tent un autre éclairage.
Ce que l’on sait peu, est que ce tan­go est espag­nol, voire cata­lan et pas argentin…
Juan Vilado­mat est de Barcelone et Félix Gar­zo de San­ta Colo­ma de Gramenet (sur la rive opposée du río Besós de Barcelone).
Le tan­go (en fait un cuplé, c’est-à-dire une chan­son courte et légère des­tinée au théâtre) a été écrit pour la revue La nue­va España, lancée en 1923 au teatro Vic­to­ria de Barcelona.
La pre­mière chanteuse du titre en a été Ramonci­ta Rovi­ra née à Fuli­o­la (Cat­a­logne). Je rap­pelle que Ramonci­ta a aus­si lancé le tan­go La cocaí­na que l’on a écouté ci-dessus. Ramonci­ta, l’aurait enreg­istré en 1924, mais je n’ai pas ce disque. D’autres chanteuses espag­noles pren­dront la relève comme Pilar Arcos, puis Sara Mon­tiel et ensuite Mary Sant­pere bien plus tard.

Fuman­do-Espero 1926-08 – Orques­ta Del Mae­stro Lacalle.

Ce disque Colum­bia No.2461‑X tiré de la matrice 95227 a été enreg­istré en août 1926 à New York où le Mae­stro Lacalle (la rue), d’origine espag­nole, a fini sa vie (11 ans plus tard). C’est une ver­sion instru­men­tale, un peu répéti­tive. L’avantage d’avoir enreg­istré à New-York est d’avoir béné­fi­cié d’une meilleure qual­ité sonore, grâce à l’enregistrement élec­trique. Le même jour, il a enreg­istré Lan­gos­ta de Juan de Dios Fil­ib­er­to, mais il en a fait une marche joyeuse qui a peu à voir avec le tan­go orig­i­nal.

Disque enreg­istré à New York en 1926 par El Mae­stro Lacalle de Fuman­do Espero et Lan­gos­ta.

On est donc en présence d’un tan­go 100 % espag­nol et même 100 % cata­lan, qui est arrivé à New York en 1926, mais ce n’est que le début des sur­pris­es.

Fuman­do Espero 1926-10-18 — Mar­gari­ta Cue­to acc. Orques­ta Inter­na­cional — Dir.Eduardo Vig­il Y Rob­les. Un autre enreg­istrement new-yorkais et ce ne sera pas le dernier…

Fuman­do espero 1926-10-29 — Orques­ta Inter­na­cional — Dir. Eduar­do Vig­il Y Rob­les. Quelques jours après l’enregistrement avec Mar­gari­ta Cue­to, une ver­sion instru­men­tale.

On quitte New York pour Buenos Aires…

Fuman­do espero 1927-07-11 — Rosi­ta Quiroga con orques­ta.

Rosi­ta Quiroga, la Édith Piaf de Buenos Aires, à la dic­tion et aux manières très faubouri­ennes était sans doute dans son élé­ment pour par­ler de la cig­a­rette. On est toute­fois loin de la ver­sion raf­finée qui était celle du cuplé espag­nol d’origine.

Fuman­do espero 1927-07-21 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor — Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

C’est notre superbe ver­sion instru­men­tale du jour, magis­trale­ment exé­cutée par l’orchestre de la Vic­tor sous la baguette de Cara­bel­li.

Fuman­do espero 1927 — Sex­te­to Fran­cis­co Pracáni­co.

Une autre ver­sion instru­men­tale argen­tine. Le titre a donc été adop­té à Buenos Aires, comme en témoigne la suc­ces­sion des ver­sions.

Fuman­do espero 1927-08-20 – Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to.

Une ver­sion un peu frus­tre à mon goût.

Fuman­do espero 1927-08-23 – Orques­ta Rober­to Fir­po.

Fir­po nous pro­pose une superbe intro­duc­tion et une orches­tra­tion très élaborée, assez rare pour l’époque. Même si c’est des­tiné à un tan­go un peu lourd, canyengue, cette ver­sion devrait plaire aux danseurs qui peu­vent sor­tir du strict âge d’or.

Fuman­do espero 1927-09-30 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Fuga­zot.

Canaro ne pou­vait pas rester en dehors du mou­ve­ment, d’autant plus qu’il enreg­istr­era Cig­a­r­ril­lo avec Luis Díaz en 1930 (comme nous l’avons vu et écouté ci-dessus).

Fuman­do espero 1927-11-08 — Orques­ta Osval­do Frese­do.
Fuman­do espero 1927-11-17 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Aguilar-Pesoa-Maciel.

Une belle inter­pré­ta­tion par ce chanteur qui aurait mérité, à mon avis, une gloire égale à celle de Gardel.

Fuman­do espero 1927 — Pilar Arcos Acc. The Castil­ians.
Fuman­do Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orques­ta Tipi­ca Dir. Louis Katz­man.

C’est la ver­sion pub­lic­i­taire que nous avons évo­quée dans le chapitre sur tabac et tan­go.

La source sem­ble s’être tarie et l’on ne trou­ve plus de ver­sions de Fuman­do espero intéres­sante avant les années 1950.

Fuman­do espero 1955-05-20 — Enrique Mora — Elsa Moreno.
Fuman­do espero 1955-06-01 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.

Oui, je sais, cette ver­sion, vous la con­nais­sez et elle a cer­taine­ment aidé au renou­veau du titre. C’est superbe et bien que ce type d’interprétation mar­que la fin du tan­go de danse, 97,38 % (env­i­ron), des danseurs se ruent sur la piste aux pre­mières notes.

Fuman­do espero 1955-12-01 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi.

L’Uruguay se toque aus­si pour la reprise de Fuman­do espero. Après Dona­to Rac­ciat­ti et Olga Del­grossi, Nina Miran­da.

Fuman­do espero 1956 — Orques­ta Gra­ciano Gómez con Nina Miran­da.

Nina Miran­da a été engagée en 1955 par Odeón. C’est Gra­ciano Gómez qui a été chargé de l’accompagner. C’est une col­lab­o­ra­tion entre les deux rives du Rio de la Pla­ta.

Fuman­do espero 1956 — Jorge Vidal con gui­tar­ras.

Une ver­sion tran­quille, à la gui­tare.

Fuman­do espero 1956-02-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Argenti­no Ledes­ma.

Après la ver­sion à 97,38 % avec Varela, Argenti­no Ledes­ma, avec Di Sar­li réalise la ver­sion pour 100 % des danseurs.
Ledes­ma venait de quit­ter l’orchestre de Varela pour inté­gr­er celui de Di Sar­li. Il devient le spé­cial­iste du titre… Ce fut un immense suc­cès com­mer­cial au point que la Víc­tor décala sa fer­me­ture pour vacances pour rééditer d’autres dis­ques en urgence. L’enregistrement avec Varela n’avait pas obtenu le même accueil, c’est donc plutôt 1956 qui mar­que le renou­veau explosif du titre.

Fuman­do espero 1956-04-03 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

J’aurais plus imag­iné Lar­ro­ca pour ce titre. De Ange­lis a choisi Dante. C’est toute­fois joli, mais je trou­ve qu’il manque un petit quelque chose…

Pop­urri 1956-04-20 Fuman­do espero, His­to­ria de un amor y Baile­mos — José Bas­so C Flo­re­al Ruiz.

Il s’agit d’un pop­urrí, c’est à dire du mélange dans un seul tan­go de plusieurs titres. Comme ce pot-pour­ri com­mence par Fuman­do espero, j’ai choisi de l’insérer pour que vous puissiez prof­iter de la superbe voix de Flo­re­al Ruiz. À 58 sec­on­des com­mence His­to­ria de un amor et à deux min­utes, vous avez pour le même prix un troisième titre, Baile­mos. Les tran­si­tions sont réussies et l’ensemble est cohérent. On pour­rait presque pro­pos­er cela pour la danse (avec pré­cau­tion et pour un moment spé­cial).

Fuman­do espero 1956-04-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Flo­rio.

On peut se deman­der pourquoi Di Sar­li enreg­istre une nou­velle ver­sion, moins de trois mois après celle de Ledes­ma. L’introduction est dif­férente et l’orchestration présente quelques vari­antes. La plus grosse dif­férence est la voix du chanteur. Si on décide de faire une tan­da avec Flo­rio, cet enreg­istrement me sem­ble un excel­lent élé­ment. Je pense que la prin­ci­pale rai­son est que Ledes­ma n’a enreg­istré que trois tan­gos avec Di Sar­li et que donc c’est trop peu, ne serait que pour nous, DJ, pour avoir un peu de choix. Si je veux pass­er la ver­sion avec Ledes­ma, je suis obligé de faire une tan­da mixte, autre chanteur et/ou titre instru­men­tal pour obtenir les qua­tre titres de rigueur. Puis, entre nous, ce n’est pas indis­pens­able d’inclure une de ces ver­sions dans une milon­ga…
Il y a peut-être aus­si un peu de colère de la part de Di Sar­li. En effet, si l’enregistrement de Ledes­ma avec Varela n’avait pas bien fonc­tion­né, à la suite du suc­cès de la ver­sion avec Di Sar­li, la Colum­bia (la mai­son de dis­ques de Varela) décide de relancer l’enregistrement de 1955. Ce fut alors un immense suc­cès qui a décidé la Colum­bia a réin­té­gr­er Ledes­ma dans l’orchestre de Varela. Voy­ant que son nou­veau poulain, par­tait en fumée, Di Sar­li (ou la Víc­tor) a donc décidé de graver d’urgence une autre ver­sion avec un nou­veau chanteur afin de ne pas laiss­er au cat­a­logue un titre avec un chanteur passé à la con­cur­rence…

Fuman­do espero 1956 — Los Señores Del Tan­go C Mario Pomar.

Un bon orchestre avec la belle voix de Mario Pomar. Agréable à écouter.

Fuman­do espero 1956 — Lib­er­tad Lamar­que Orques­ta — Dir.Victor-Buchino.

Fuman­do espero 1956 — Lib­er­tad Lamar­que Orques­ta —  Dir.Victor-Buchino. L’accompagnement dis­cret de Vic­tor Buchi­no et la presta­tion sou­vent a capel­la de Lib­er­tad Lamar­que per­met de bien saisir le grain de voix mag­nifique de Lib­er­tad.

Fuman­do espero 1957 — Chola Luna y Orques­ta Luis Caru­so.
Fuman­do espero 1957 — Impe­rio Argenti­na.

Si Impe­rio Argenti­na est née en Argen­tine, elle a fait une grande par­tie de sa car­rière en Europe, en Espagne (où elle est arrivée, ado­les­cente) et bien sûr en France, mais aus­si en Alle­magne. Elle nous per­met de faire la liai­son avec l’Espagne ou nous revenons pour ter­min­er cette anec­dote.

C’est le film, El Últi­mo Cuplé qui va nous per­me­t­tre de fer­mer la boucle. Le thème rede­vient un cuplé et même si le théâtre a été rem­placé par le ciné­ma, nous achèverons notre par­cours avec cette scène du film ou Sara Mon­tiel chante le cuplé.

Sara Mon­tiel chante Fuman­do espero dans le film El Últi­mo Cuplé de 1957. Met­teur en scène : Juan de Orduña

Vous aurez recon­nu l’illustration de cou­ver­ture. J’ai mod­i­fié l’ambiance pour la ren­dre plus noire et ajouté de la fumée, beau­coup de fumée…

À demain, les amis, et à ceux qui sont fumeurs, suiv­ez les con­seils de Pipo Cipo­lat­ti que je vous con­serve longtemps. Je rédi­ge cette anec­dote le 20 juil­let, Dia del ami­go (jour de l’ami).

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 — 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juil­let pour les Argentins, c’est le 4 juil­let des Éta­suniens d’Amérique, le 14 juil­let des Français, c’est la fête nationale de l’Argentine. Elle com­mé­more l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. José Luis Padu­la était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la sig­na­ture de la Déc­la­ra­tion d’indépendance a été effec­tuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juil­let 1816.

Padu­la pré­tend avoir écrit ce tan­go en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre par­ti­c­uli­er et qu’il a décidé de le dédi­er au 9 juil­let dont on allait fêter le cen­te­naire en 1916.
Dif­fi­cile de véri­fi­er ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Rober­to Fir­po l’a enreg­istrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des sig­nataires (argentins) du traité.

Sig­na­ture de la déc­la­ra­tion d’indépendance au Con­gre­so de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juil­let 1816. Aquarelle de Anto­nio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padu­la 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’har­mon­i­ca et de la gui­tare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trou­vé cette activ­ité pour gag­n­er sa vie). L’image de gauche est une illus­tra­tion, ce n’est pas Padu­la. Au cen­tre, Padu­la vers 1931 sur une par­ti­tion de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une pho­to peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de 9 de Julio. L’évocation de l’indépendance est man­i­feste sur les deux cou­ver­tures. On notera sur celle de droite la men­tion de Car­de­nas pour les paroles.
Autre exem­ple de par­ti­tion avec un agran­disse­ment de la dédi­cace au procu­rador tit­u­lar Señor Ger­va­sio Rodriguez. Il n’y a pas de men­tion de paroli­er sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

Dès les pre­mières notes, on note la tru­cu­lence du tuba et l’ambiance fes­tive que crée cet instru­ment. J’ai choisi cette ver­sion pour fêter le 9 juil­let, car il n’existait pas d’enregistrement intéres­sant du 9 juil­let. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt ani­mer la fête plutôt que d’enregistrer. L’autre rai­son est que le tuba est asso­cié à la fan­fare, au défilé et que donc, il me sem­blait adap­té à l’occasion. Et la dernière rai­son et d’encourager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est don­né pour mis­sion de retrou­ver la joie des ver­sions du début du vingtième siè­cle. Je trou­ve qu’il y répond par­faite­ment et vous pou­vez lui don­ner un coup de pouce en achetant pour un prix mod­ique ses albums sur Band­camp.

Paroles

Vous avez sans doute remar­qué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait qua­tre ver­sions. C’est beau­coup pour un titre qui a surtout été enreg­istré de façon instru­men­tale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, dif­férents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et touch­er les droits afférents. Dans le cas présent, les héri­tiers de Padu­la ont fait un procès, preuve que les his­toires de sous exis­tent aus­si dans le monde du tan­go. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redis­tri­b­u­tion aux héri­tiers de Padu­la était d’autant dimin­uée.
Je vous pro­pose de retrou­ver les paroles en fin d’article pour abor­der main­tenant les 29 ver­sions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pour­ront suiv­re les paroles des rares ver­sions chan­tées avec la tran­scrip­tion cor­re­spon­dante en la trou­vant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

On y entend les cris de joie des sig­nataires, des espèces de roucoule­ments que je trou­ve étranges, mais bon, c’était peut-être la façon de man­i­fester sa joie à l’époque. L’interprétation de la musique, mal­gré son antiq­ui­té, est par­ti­c­ulière­ment réussie et on ne ressent pas vrai­ment l’impression de monot­o­nie des très vieux enreg­istrements. On entend un peu de cuiv­res, cuiv­res qui sont totale­ment à l’honneur dans notre tan­go du jour avec La Tuba Tan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Encore Fir­po qui nous livre une autre belle ver­sion anci­enne une décen­nie après la précé­dente. L’enregistrement élec­trique améliore sen­si­ble­ment le con­fort d’écoute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 — Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Vous aurez recon­nu les gui­taristes de Gardel. Cet enreg­istrement a été réal­isé à Paris en 1928. C’est un plaisir d’entendre les gui­taristes sans la voix de leur « maître ». Cela per­met de con­stater la qual­ité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Je trou­ve cette ver­sion un peu pesante mal­gré les beaux accents du piano de Luis Ric­cardi. C’est un titre à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière vari­a­tion plus allè­gre voit les ban­donéons s’illuminer. J’aurais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ain­si…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 — Orques­ta Luis Petru­cel­li.

Le décès à seule­ment 38 ans de Luis Petru­cel­li l’a cer­taine­ment privé de la renom­mée qu’il méri­tait. Il était un excel­lent ban­donéon­iste, mais aus­si, comme en témoigne cet enreg­istrement, un excel­lent chef d’orchestre. Je pré­cise toute­fois qu’il n’a pas enreg­istré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent con­sacrées à sa car­rière de ban­donéon­iste, notam­ment pour Frese­do.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Mag­a­l­di n’appréciant pas les paroles de Euge­nio Cár­de­nas fit réalis­er une ver­sion par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 — Orques­ta Típi­ca Colum­bia con Ernesto Famá.

Famá chante le pre­mier cou­plet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est une des ver­sions les plus con­nues, véri­ta­ble star des milon­gas. L’impression d’accélération con­tin­ue est sans doute une des clefs de son suc­cès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Char­lo (accordéon et gui­tare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colec­ción para enten­di­dos – Época de oro vol. 6 (1926–1939). Char­lo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les gui­taristes de Gardel qui ont enreg­istré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’enregistrement du 11 octo­bre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Char­lo enreg­is­trait comme chanteur avec ses gui­taristes Diva­gan­do, No hay tier­ra como la mía, Sola­mente tú et un autre titre accordéon et gui­tare sans chant, la valse Año­ran­do mi tier­ra.
On trou­ve d’autres titres sous la men­tion Char­lo avec accordéon et gui­tare. La cumpar­si­ta et Recuer­dos de mi infan­cia le 12 sep­tem­bre 1939, Pin­ta bra­va, Don Juan, Ausen­cia et La pol­ca del ren­gui­to le 8 novem­bre 1940. Il faut donc cer­taine­ment en con­clure que Char­lo jouait aus­si de l’accordéon. Pour le prou­ver, je verserai au dossier, une ver­sion éton­nante de La cumpar­si­ta qu’il a enreg­istrée en duo avec Sabi­na Olmos avec un accordéon soliste, prob­a­ble­ment lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 — Orques­ta Héc­tor Stam­poni.

Une jolie ver­sion avec une mag­nifique vari­a­tion finale. On notera l’annonce, une pra­tique courante à l’époque où un locu­teur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo nous donne une autre ver­sion. Il y a de jolis pas­sages, mais je trou­ve que c’est un peu plus con­fus que la ver­sion de 1935 qui devrait être plus sat­is­faisante pour les danseurs. Ful­vio Sala­man­ca relève l’ensemble avec son piano, piano qui est générale­ment l’épine dor­sale de D’Arienzo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

Chez De Ange­lis, le piano est aus­si essen­tiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de don­ner son inter­pré­ta­tion mag­nifique, sec­ondé par ses excel­lents vio­lonistes. Pour ceux qui n’aiment pas De Ange­lis, ce titre pour­rait les faire chang­er d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Varela nous pro­pose une intro­duc­tion orig­i­nale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion sans doute pas évi­dente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 — Ariel Ped­ern­era y su Quin­te­to Típi­co.

Une belle ver­sion, mal­heureuse­ment cette copie a été mas­sacrée par le « col­lec­tion­neur ». J’espère trou­ver un disque pour vous pro­pos­er une ver­sion cor­recte en milon­ga, car ce thème le mérite large­ment.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 — Orques­ta José Sala.

Pour l’écoute, bien sûr, mais des pas­sages très sym­pas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enreg­istr­er sa ver­sion du thème. C’est une superbe réal­i­sa­tion, mais qui alterne des pas­sages sans doute trop var­iés pour les danseurs, mais je suis sûr que cer­tains seront ten­tés par l’expérience.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 — Luis Macha­co.

Une ver­sion tran­quille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le con­tre­point entre le ban­donéon en stac­ca­to et les vio­lons en lega­to est par­ti­c­ulière­ment réus­si.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 — Alber­to Mari­no con la orques­ta de Osval­do Taran­ti­no.

Alber­to Mari­no chante les paroles de Euge­nio Cár­de­nas. Ce n’est bien sûr pas une ver­sion pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une ver­sion bien con­nue par D’Arien­zo, dans le style sou­vent pro­posé par les orchestres con­tem­po­rains. Spec­tac­u­laire, mais, y‑a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (Ranchera-Per­icón) — Orques­ta Enrique Rodríguez.

Sec­ond OVNI du jour, cette ranchera-Per­icón nacional avec ses flon­flons, bien prop­ice à faire la fête. Peut-être une corti­na pour demain (aujourd’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Une ver­sion vir­tu­ose et ent­hou­si­as­mante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tan­da de Cam­bareri… Si cela sem­ble lent pour du Cam­bareri, atten­dez la vari­a­tion finale et vous com­pren­drez pourquoi Cam­bareri était nom­mé le mage du ban­donéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 — Orques­ta Arman­do Pon­tier.

Une ver­sion orig­i­nale, mais pas for­cé­ment indis­pens­able, mal­gré le beau ban­donéon d’Arman­do Pon­tier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Même si la Provin­cia Ori­en­tale tombait en 1916 sous la coupe du Por­tu­gal / Brésil, les Uruguayens sont sen­si­bles à l’é­man­ci­pa­tion d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aus­si pro­posé leurs ver­sions du 9 juil­let.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Paler­mo Trío.

Avec un trio, for­cé­ment, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au pro­gramme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

Dans le style hési­tant de Vil­las­boas entre tan­go et milon­ga qu’af­fec­tion­nent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que le tan­go avait été inven­té par un indé­cis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 — Miguel Vil­las­boas y Wásh­ing­ton Quin­tas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosa­ri­na 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait appré­cié la ver­sion en duo de piano de Vil­las­boas et Wásh­ing­ton. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux ver­sions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 — Los Tubatan­go.

Cet orchestre orig­i­nal par la présence du tuba et sa volon­té de retrou­ver l’ambiance du tan­go des années 1900 a été créé par Guiller­mo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tan­go du jour qui est désor­mais dirigé par Lucas Kohan sous l’appellation La Tuba Tan­go au lieu du nom orig­i­nal de Los Tubatan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

C’est notre tan­go du jour. Les musi­ciens en sont : Igna­cio Ris­so (tuba), Matias Rul­lo (ban­donéon), Gon­za­lo Braz (clar­inette) et Lucas Kohan (Direc­tion et gui­tare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facile­ment deux fois plus longue mon­tre la diver­sité de la pro­duc­tion du tan­go.
En ce qui con­cerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remar­qué que d’autres étaient aus­si intéres­sants pour le bal. La ques­tion est surtout de savoir les pro­pos­er au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’intérêt du méti­er de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres incon­nus et étranges afin de recueil­lir les applaud­isse­ments des néo­phytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant pren­dre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à mag­ni­fi­er leur impro­vi­sa­tion et leur plaisir de danser.

Je reviens main­tenant, comme promis aux qua­tre ver­sions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hog­ar cuan­do partí
porque jamás quise sen­tir
un sol­lozar por mí.
Triste amanecer
que nun­ca más he de olvi­dar
hoy para qué remem­o­rar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana div­ina
mi corazón siem­pre fiel quiso can­tar
y por el mun­do poder pere­gri­nar,
infati­ga­ble vagar de soñador
marchan­do en pos del ide­al con todo amor
has­ta que al fin dejé
mi madre y el quer­er
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de glo­ria regre­sar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, ven­ci­do y sin fe
no hal­lé mi amor ni hal­lé mi hog­ar
y con dolor lloré.

Cual vagabun­do car­ga­do de pena
yo lle­vo en el alma la desilusión
y des­de entonces así me con­de­na
la angus­tia infini­ta de mi corazón
¡Qué puedo hac­er si ya mis horas de ale­gría
tam­bién se fueron des­de aquel día
que con las glo­rias de mis tri­un­fos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juven­tud!

José Luis Padu­la Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)

C’est la ver­sion que chante Mag­a­l­di, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante égale­ment cette ver­sion, mais seule­ment le pre­mier cou­plet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quit­té ma mai­son quand je suis par­ti parce que je ne voulais jamais ressen­tir un san­glot pour moi.
Une triste aube que je n’oublierai jamais aujourd’hui, pour qu’elle se sou­vi­enne de tout ce que j’ai souf­fert.
Loin­tain 9 juil­let, d’un matin divin, mon cœur tou­jours fidèle a voulu chanter et à tra­vers le monde faire le pèleri­nage,
infati­ga­ble errance d’un rêveur marchant à la pour­suite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’enfin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’adorais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pou­voir l’offrir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vain­cu et sans foi je n’ai pas trou­vé mon amour ni ma mai­son et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond acca­blé de cha­grin, je porte la décep­tion dans mon âme, et depuis lors, l’angoisse infinie de mon cœur me con­damne.
Que pour­rais-je faire si mes heures de joie sont déjà par­ties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes tri­om­phes, rêves loin­tains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un con­ven­til­lo mugri­en­to y fulero,
con un can­flinfero
te espi­antaste vos ;
aban­donaste a tus pobres viejos
que siem­pre te daban
con­se­jos de Dios;
aban­donaste a tus pobres her­manos,
¡tus her­man­i­tos,
que te querían!
Aban­donastes el negro laburo
donde gan­abas el pan con hon­or.

Y te espi­antaste una noche
escab­ul­l­i­da en el coche
donde esper­a­ba el bacán;
todo, todo el con­ven­til­lo
por tu espi­ante ha sol­loza­do,
mien­tras que vos te has mez­cla­do
a las far­ras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la glo­ria
de ten­er un buen bulín;
pobre pebe­ta inocente
que engrup­i­da por la far­ra,
te metiste con la bar­ra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, pia­doso,
un hos­pi­tal te dé cama,
cuan­do no brille tu fama
en el salón;
cuan­do en el “yiro” no hagas
más “sport”;
cuan­do se canse el cafi­sio
de tu amor ;
y te espi­ante rechi­fla­do
del bulín;
cuan­do te den el “oli­vo“
los que hoy tan­to te aplau­den
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu deca­den­cia,
per­di­da tu esen­cia,
tu amor, tu cham­pagne ;
sólo el recuer­do quedará en tu vida
de aque­l­la per­di­da
glo­ria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con lágri­mas puras,
tus amar­guras
der­ra­marás;
y sen­tirás en tu noche enfer­miza,
la ingra­ta risa
del primer bacán.

José Luis Padu­la Letra: Ricar­do M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeu­ble (le con­ven­til­lo est un sys­tème d’habitation pour les pau­vres où les familles s’entassent dans une pièce desservie par un cor­ri­dor qui a les seules fenêtres sur l’extérieur) sale et vilain, avec un prox­énète, tu t’es enfuie ;
tu as aban­don­né tes pau­vres par­ents qui t’ont tou­jours prodigué des con­seils de Dieu ;
Tu as aban­don­né tes pau­vres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as aban­don­né le tra­vail noir où tu gag­nais ton pain avec hon­neur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te fau­fi­lant dans la voiture où le bacán (homme qui entre­tient une femme) attendait ;
Tout, tout l’immeuble à cause de ta fuite a san­gloté, tan­dis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tan­go) ;
Mais où vas-tu t’arrêter ?
Pau­vre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pau­vre fille inno­cente qui, enflée par la fête, s’est aco­quinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieuse­ment, un hôpi­tal te don­nera un lit, quand ta renom­mée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (pros­ti­tu­tion) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voy­ou de ton amour se fatigue ;
et tu t’évades folle du logis ;
Quand ils te ren­voient (dar el oli­vo = ren­voy­er en lun­far­do), ceux qui vous applaud­is­sent tant aujourd’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta déca­dence, perte de ton essence, de ton amour, de ton cham­pagne ;
Seul le sou­venir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pau­vre créa­ture, avec des larmes pures, ton amer­tume tu déverseras ;
Et tu sen­ti­ras dans ta nuit mal­adive, le rire ingrat du pre­mier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mien­tras los clar­ines tocan diana
y el vibrar de las cam­panas
reper­cute en los con­fines,
mil recuer­dos a los pechos
los infla­ma la ale­gría
por la glo­ria de este día
que nun­ca se ha de olvi­dar.
Deja, con su músi­ca, el pam­pero
sobre los patrios aleros
una belleza que encan­ta.
Y al con­juro de sus notas
las campiñas se lev­an­tan
salu­dan­do, rev­er­entes,
al sol de la Lib­er­tad.

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

C’est la ver­sion chan­tée par Alber­to Mari­no en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tan­dis que les clairons son­nent le réveil et que la vibra­tion des cloches résonne aux con­fins,
mille sou­venirs enflam­ment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pam­pero laisse sur les patri­otes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la cam­pagne se lève avec révérence, au soleil de la Lib­erté.
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, lorsque les enfants de ce sol améri­cain pour une cause juste ont démon­tré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy sien­to en mí
el des­per­tar de algo feliz.
Quiero evo­car aquel ayer
que me brindó plac­er,
pues no he de olvi­dar
cuan­do tem­bló mi corazón
al escuchar, con emo­ción,
esta feliz can­ción:

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

En los ran­chos hay
un revivir de mocedad;
los criol­los ven en su
pasión
todo el amor lle­gar.
Por las huel­las van
llenos de fe y de ilusión,
los gau­chos que oí can­tar
al res­p­lan­dor lunar.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujourd’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évo­quer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oubli­er quand mon cœur a trem­blé quand j’ai enten­du, avec émo­tion, cette chan­son joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (mai­son som­maire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criol­los voient dans leur pas­sion tout l’amour arriv­er.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’illusion, les gau­chos que j’ai enten­dus chanter au clair de lune.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, quand les enfants de ce sol améri­cain pour une juste cause ont démon­tré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

Poema 1935-06-11 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Antonio Mario Melfi ? Letra : Eduardo Vicente Bianco

Poe­ma par Canaro et Mai­da est le type même du tan­go que l’on ne peut pas facile­ment pro­pos­er dans une autre ver­sion. Amis DJ, si vous ten­tez l’expérience, on vous fait les gros yeux. Pour­tant, il existe d’autres ver­sions qui ne déméri­tent pas. Analysons un peu ce tan­go, qui est, selon un sondage réal­isé il y a une dizaine d’années, le préféré dans le monde. Nous présen­terons égale­ment une enquête pour savoir qui est le com­pos­i­teur de ce chef‑d’œuvre.

Ajout de deux ver­sions le 29 août 2024, une en let­ton et une en arabe
(Cadeau d’An­dré Vagnon de la Bible Tan­go).

Extrait musical

Tout d’abord, on ne se refuse pas d’écouter encore une fois Poe­ma par Canaro. Peut-être plus atten­tive­ment 😉

Par­ti­tion pour piano Poe­ma de Anto­nio Mario Melfi Letra : Eduar­do Vicente Bian­co.
Poe­ma 1935-06-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

Paroles

Fue un ensueño de dulce amor,
horas de dicha y de quer­er.
Fue el poe­ma de ayer,
que yo soñé de dora­do col­or.
Vanas quimeras que el corazón
no logrará descifrar jamás.
¡Nido tan fugaz,
fue un sueño de amor,
de ado­ración!…

Cuan­do las flo­res de tu ros­al
vuel­van más bel­las a flo­re­cer,
recor­darás mi quer­er
y has de saber
todo mi inten­so mal…

De aquel poe­ma embria­gador
ya nada que­da entre los dos.
¡Con mi triste adiós
sen­tirás la emo­ción
de mi dolor !…

Anto­nio Mario Melfi Letra : Eduar­do Vicente Bian­co

Traduction libre

Ce fut un rêve de doux amour, des heures de joie et d’amour.
Ce fut le poème d’hier, dont je rêvais en couleur dorée.
Vaines chimères que le cœur ne pour­ra jamais déchiffr­er.
Nid si fugace, ce fut un rêve d’amour, d’adoration…

Lorsque les fleurs de ton rosier refleuriront plus belles, tu te sou­vien­dras de mon amour et tu devras con­naître tout de mon mal intense…

De ce poème enivrant, il ne reste rien entre les deux.
Avec mon triste adieu, vous ressen­tirez l’émotion de ma douleur…

Qui est le compositeur de Poema ?

Vous pensez que la réponse est sim­ple, mais ce n’est pas si cer­tain, car il y a trois hypothès­es.

La version traditionnelle

Anto­nio Mario Melfi pour la musique et Eduar­do Vicente Bian­co pour les paroles.

Par­ti­tions avec attri­bu­tions tra­di­tion­nelles. Par­ti­tion espag­nole avec Bian­co en pho­to. Par­ti­tion française (Gar­zon) avec Bian­co et Melfi en pho­to. Disque Colum­bia Lon­dres écrit en français de Pesen­ti et Nena Sainz. Par­ti­tion Bian­co (avec pho­to de Rosi­ta Mon­tene­gro). Par­ti­tion ital­i­enne, avec en plus le nom du tra­duc­teur U. Berti­ni.

Les par­ti­tions, en général, indiquent les deux noms et les mérites respec­tifs des auteurs. Remar­quez le disque cen­tral. Il sera aus­si, dans une autre édi­tion, dans l’argument pour la vari­ante…

Une variante :

Anto­nio Mario Melfi et Eduar­do Vicente Bian­co en col­lab­o­ra­tion pour les deux.

En faveur de cet argu­ment, Melfi est com­pos­i­teur et a écrit les paroles de cer­tains tan­gos, notam­ment les siens. On peut donc le class­er égale­ment comme paroli­er. Il a com­posé Volve muchacha qui a claire­ment des liens de par­en­té avec Poe­ma.
Bian­co est con­nu comme paroli­er et comme musi­cien. Cer­tains de ces titres peu­vent con­corder avec celui de Poe­ma, styl­is­tique­ment, bien que moins réus­sis. Par exem­ple Corazón (dont il existe qua­tre enreg­istrements par Bian­co de 1929 à 1942). Je ne par­le que de la com­po­si­tion, pas de l’interprétation, Canaro n’ayant pas enreg­istré d’autre tan­go com­posé par Bian­co, on doit com­par­er avec les enreg­istrements de Bian­co.
En faveur de cet argu­ment, on a les dis­ques qui ne dif­féren­cient pas les deux con­tri­bu­tions. En voici quelques exem­ples.

La majorité des dis­ques ne dis­tinguent pas les fonc­tions. À gauche, deux dis­ques Brunswick du même enreg­istrement de Bian­co (1937). Le pre­mier indique les deux noms, sans dif­féren­ti­a­tion et le sec­ond n’indique que Bian­co… Au cen­tre, notre Canaro de référence dans une édi­tion argen­tine. Ensuite, Impe­rio Argenti­no et la men­tion des deux sans dis­tinc­tion de fonc­tion et enfin à l’extrême droite, l’enregistrement de Pesen­ti et Nena Sainz, mais ici, sans le nom de la chanteuse et avec les auteurs sans attri­bu­tion.

On voit donc qu’il est assez courant, que les auteurs ne soient pas pré­cisé­ment crédités. Le détail amu­sant est le disque de Pesen­ti et Nena Sainz qui entre dans les deux caté­gories.

Une version iconoclaste

Dans l’excellent site de référence « Bible tan­go », on peut lire :
« Selon Mar­cel Pasquier, qui ne cite pas sa source et ne s’en sou­vient plus, Melfi aurait acheté la musique à Boris Sar­bek, le véri­ta­ble com­pos­i­teur, pour 50 francs français de l’époque. Et cette mélodie serait un thème tra­di­tion­nel biélorusse. »
50 francs de l’époque, selon le cal­cu­la­teur de l’INSEE (Insti­tut Nation­al de Sta­tis­tiques France), cela cor­re­spondrait à 33,16 euros. Pour référence, un kilo de pain coû­tait 2,15 francs en 1930. En gros, il aurait ven­du sa créa­tion pour la valeur de 15 kilos de pain. Cela peut sem­bler peu, mais sou­venez-vous que pour le prix d’un café, Mario Fer­nan­do Rada aurait écrit les paroles de Ara­ca la cana si on en croit l’anecdote présen­tée dans le film Los tres berretines.
L’affirmation mérite d’être véri­fiée. Boris Sar­bek étant prob­a­ble­ment un homme d’honneur, n’a prob­a­ble­ment pas divul­gué la vente de sa créa­tion qui d’ailleurs n’aurait été qu’une retran­scrip­tion d’un thème tra­di­tion­nel.
Il con­vient donc de s’intéresser à ce com­pos­i­teur pour essay­er d’en savoir plus.
Boris Sar­bek (1897–1966) s’appelait en réal­ité Boris Saar­bekoff et util­i­sait sou­vent le pseu­do­nyme Oswal­do Bercas.
Voyons un peu ses presta­tions dans le domaine de la musique pour voir s’il est un can­di­dat crédi­ble.

Des musiques composées par Sarbek

Par ordre alphabé­tique. En bleu, les élé­ments allant dans le sens de l’hypothèse de Sar­bek, auteur de Poe­ma.
Com­po­si­tions :
Ce soir mon cœur est lourd 1947
Con­cer­to de minu­it, classé comme musique légère
Czardas Diver­ti­men­to 1959
Décep­tion (avec Mario Melfi). C’est donc une preuve que les deux se con­nais­saient suff­isam­ment pour tra­vailler ensem­ble.
El Fan­far­rón 1963
El queño
Furti­va lagri­ma 1962
Gau­cho negro
Inter­mez­zo de tan­go 1952
Je n’ai plus per­son­ne
Le tan­go que l’on danse
Lin­da bruni­ta
Manus­ka
Mon cœur atten­dra 1948
Oro de la sier­ra
Où es-tu mon Espagne ?
Pourquoi je t’aime 1943
Près de toi ma You­ka 1948
Rêvons ensem­ble 1947
Souf­frir pour toi 1947
Tan­go d’amour
Tan­go mau­dit
Ten­drement 1948

Des musiques arrangées par Sarbek

Bacanal 1961
C’est la sam­ba d’amour 1950
Dis-moi je t’aime
Elia 1942
En forêt 1942
Gip­sy fire 1958
Je suis près de vous 1943
Les yeux noirs (chan­son tra­di­tion­nelle russe). Si Poe­ma est une musique biélorusse, cela témoigne de son intérêt pour ce réper­toire.
Med­itación 1963
Nuages
One kiss
Pam­pa lin­da 1956
Puentecito 1959
Rose avril 1947
Tan­go mar­ca­to 1963
Un roi à New York 1957 Il a réal­isé les arrange­ments musi­caux du film Un roi à New York de, et avec Charles Chap­lin (Char­lot). Chap­lin a tout fait dans ce film, l’acteur, le met­teur en scène et il a écrit la musique qu’a arrangée Sar­bek. Ce dernier a aus­si dirigé son grand orchestre pour la musique du film.
Valse minu­it
Vivre avec toi 1950

Sarbek pianiste

Il est inter­venu à la fois dans son orchestre, mais aus­si pour dif­férents groupes comme Tony Mure­na, Gus Viseur (l’accordéoniste), mais, car il était le pianiste de l’orchestre musette Vic­tor.

Melfi récupérateur ?

Je place cela ici, car ce serait un argu­ment si Mefli était cou­tu­mi­er de la récupéra­tion.
Reviens mon amour a été arrangé par Mario Melfi sur l’air de « Tristesse » de Frédéric Chopin.
Il a donc au moins une autre fois util­isé une mélodie dont il n’était pas à l’origine, mais il n’est pas le seul, les exem­ples four­mil­lent dans le domaine du tan­go.
Donc, Melfi n’est pas un récupéra­teur habituel.

Sarbek interprète de Poema

S’il est l’auteur, il est prob­a­ble qu’il ait enreg­istré ce titre. C’est effec­tive­ment le cas.
Un enreg­istrement de Poe­ma signé Boris Sar­bek, ou plus exacte­ment de son pseu­do­nyme Oswal­do Bercas, cir­cule avec la date de 1930. Si c’était vrai, ce serait prob­a­ble­ment une preuve, Sar­bek aurait enreg­istré deux ans avant les autres.
Je vous pro­pose de l’écouter.

Poe­ma — Oswal­do Bercas et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Pensez-vous que cela soit une musique des années 1930 ?
Pour en avoir le cœur net, je vous pro­pose l’autre face du disque qui com­porte une com­po­si­tion de Hora­cio G. Pet­torossi, Angus­tia.

Angus­tia — Oswal­do Bercas et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Voici les pho­tos des deux faces du disque.

Les numéros de matrice sont 2825–1 ACP pour Poe­ma et 2829–1 ACP pour Ausen­cia.

Comme vous avez pu l’entendre et comme le con­fir­ment les numéros de matrice, les deux œuvres sont sim­i­laires et ne peu­vent pas avoir un écart tem­porel de plus de vingt ans.
C’est au moins un argu­ment qui tombe, nous n’avons pas d’enregistrement de 1930 de Sar­bek et encore moins de Poe­ma.

Un argument musical

N’était pas spé­cial­iste de musique biélorusse, je ne pour­rai pas men­er une étude appro­fondie de la ques­tion.
Cepen­dant, vous avez cer­taine­ment noté, vers 1:18 du Poe­ma de Sar­bek, un thème qui n’est pas dans le Poe­ma habituel et qui sonne assez musique slave. Est-ce un extrait du thème de référence que n’aurait pas con­servé Melfi ?
Dans les autres por­tions de Poe­ma, on est telle­ment habitué à l’entendre qu’il n’est pas sûr qu’on puisse encore y trou­ver des orig­ines slaves. Cepen­dant le fait que ce titre sonne un peu dif­férem­ment des autres Canaro con­tem­po­rains pour­rait indi­quer un élé­ment hétérogène. En effet, il n’y a pas de Canaro avec Mai­da qui s’assemble par­faite­ment avec Poe­ma. Canaro a sans doute sauté sur le suc­cès inter­na­tion­al de cette œuvre pour l’enregistrer.
Au sujet d’international, il y a une ver­sion polon­aise que nous enten­drons ci-dessous. Les Polon­ais aurait pu être sen­si­bles à la musique, mais ce n’est pas sûr, car à l’époque ils étaient sous la dom­i­na­tion russe et ils n’en étaient pas par­ti­c­ulière­ment heureux…
J’ai un dernier témoin à faire venir à la barre, la pre­mière ver­sion enreg­istrée par Bian­co, en 1932. Écoutez-bien, vers 1:34, vous recon­naîtrez sans doute un instru­ment étrange. Cet enreg­istrement est le pre­mier de la rubrique « Autres ver­sions » ci-dessous.

Autres versions

La tâche du DJ est vrai­ment dif­fi­cile. Com­ment pro­pos­er des alter­na­tives à ce que la plu­part des danseurs con­sid­èrent comme un chef‑d’œuvre absolu. Si vous êtes un fan de la Joconde, en accepteriez-vous une copie, même si elle est du même Leonar­do Da Vin­ci ? À voir.

Poe­ma 1932 — Orques­ta Eduar­do Bian­co con Manuel Bian­co.

Cette ver­sion com­mence par des cym­bales, puis des vio­lons très ciné­matographiques, puis un ban­donéon qui gazouille. L’introduction dure au total plus d’une minute et le piano annonce comme si on ouvrait le rideau de la scène le morceau. Une fois « digérée » cette éton­nante et longue intro­duc­tion, on entre dans un Poe­ma rel­a­tive­ment clas­sique. Avez-vous iden­ti­fié l’instrument qui appa­raît à 1:23, 1:31, 1:40, 1: 44 et à d’autres repris­es comme 2: 44 avant le chant et en accom­pa­g­ne­ment de celui-ci ?

Vladimir Gar­o­d­kin joue le canon en ré majeur de Johann Pachel­bel. Tien à voir avec le tan­go, mais c’est pour vous faire enten­dre le tsim­baly

Le tsim­baly, pas courant dans le tan­go, pour­rait être un argu­ment pour l’hypothèse de l’origine biélorusse.

Poe­ma 1933 — Impe­rio Argenti­na acomp. de gui­tar­ras, piano y vio­lin.

Le vio­lon domine l’introduction, puis laisse la place à la voix accom­pa­g­née par la gui­tare et quelques ponc­tu­a­tions du piano. Le vio­lon reprend la parole et de très belle manière pour la reprise du thème et Impe­rio Argenti­na reprend la voix jusqu’à la fin. Je suis sûr que vous allez trou­ver cette ver­sion mag­nifique, jusqu’à l’arpège final au vio­lon.

Poe­ma 1933 — Orques­ta Típi­ca Auguste Jean Pesen­ti du Col­iséum de Paris con Nena Sainz.

Une ver­sion plus marchante, moins char­mante. Auguste Jean Pesen­ti a déjà adop­té des codes qui devien­dront les car­ac­téris­tiques du tan­go musette. Je suis moins con­va­in­cu que par l’autre ver­sion fémi­nine d’Imperio Argenti­no. À not­er la par­tie réc­itée, qui était assez fréquente à l’époque, mais que nous accep­tons moins main­tenant.

Poe­ma 1933-12 — Orchestre Argentin Eduar­do Bian­co con Manuel Bian­co.

Une autre ver­sion de Bian­co avec son frère, Manuel. Elle est beau­coup plus proche de la ver­sion de Canaro, en dehors de l’introduction des vio­lons qui jouent un peu en pizzi­cati à la tzi­gane. La con­tre­basse mar­que forte­ment le tem­po, tout en restant musi­cale et en jouant cer­taines phras­es. C’est très dif­férent de la ver­sion de Canaro et Mai­da, mais pas vilain, même si la con­tre­basse sera plus appré­ciée par les danseurs de tan­go musette, qu’argentin.

Comme une chan­son d’amour (Σαν τραγουδάκι ερωτικό) 1933 — Orchestre Par­lophon, dirigé par G. Vital­is, chant Pet­ros Epitropakis (Πέτρος Επιτροπάκης).

Une ver­sion grecque, preuve que le titre s’est rapi­de­ment répan­du. Il y aura même une ver­sion arabe chan­tée par Fay­rouz et l’orchestre de Bian­co enreg­istré en 1951. Mal­heureuse­ment, ce titre n’existe pas dans les quelques dis­ques que j’ai de cette mer­veilleuse chanteuse libanaise.

Poe­ma 1934 — Ste­fan Witas.

Une ver­sion polon­aise qui fait tir­er du côté des orig­ines des pays de l’Est, même si comme je l’ai souligné, les Polon­ais n’étaient pas for­cé­ment rus­sophiles à l’époque.

Poe­ma 1935-06-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. C’est notre tan­go du jour.

On notera que Canaro entre directe­ment dans le thème, sans intro­duc­tion.

Poe­ma 1937 — René Pesen­ti et son Orchestre de Tan­go con Alber­to.

Un autre Pesen­ti. Est-ce le frère d’Auguste Jean Pesen­ti ?

Deux autres preuves du suc­cès mon­di­al de Poe­ma que je peux vous pro­pos­er grâce à la gen­til­lesse d’André Vagnon de la Bible Tan­go qui me les a fait par­venir.

Poe­ma 1938 — Orchestre Arpad Tchegledy con Pauls Sakss, en Let­ton. Cadeau d’André Vagnon.

(Ajouté le 29 août 2024)

Poe­ma 1951 (Men Hona Hob­bona mar­ra) — Orques­ta Eduar­do Bian­co con Fairuz (en arabe). Cadeau d’André Vagnon.

(Ajouté le 29 août 2024)

Poe­ma 1954c — Oswal­do Bercas (Boris Sar­bek) et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Oswal­do Bercas est peut-être l’auteur, ou tout au moins le col­lecteur de la musique tra­di­tion­nelle à l’o­rig­ine de Poe­ma. Si cette hypothèse est juste, il est donc intéres­sant de voir ce qu’il en a fait. Nous l’avons déjà écouté, lorsque cer­tains essayaient de faire pass­er cet enreg­istrement pour une réal­i­sa­tion de 1930. À com­par­er à la ver­sion de Melfi enreg­istrée quelques mois plus tard.

Poe­ma 1957 — Mario Melfi.

Qu’il soit l’auteur, pas l’auteur ou coau­teur, ici, Melfi présente sa lec­ture de l’œuvre. C’est une ver­sion très orig­i­nale, mais il faut tenir compte qu’elle est de 1957, il est donc impos­si­ble de la com­par­er aux ver­sions des années 30. Cepen­dant, la com­para­i­son avec la ver­sion à peine antérieure de Sar­bek est per­ti­nente…

Poe­ma (Tan­go insól­i­to impro 22 Un poe­ma román­ti­co by Solo Tan­go Orches­tra).

Avec cet orchestre russe, on est peut-être dans un retour dans cet univers dont est orig­i­naire, ou pas, la musique.
Pour ter­min­er, une autre ver­sion actuelle, par la Roman­ti­ca Milonguera qui a essayé de renou­vel­er, un peu, le thème.

Poe­ma par l’orchestre Roman­ti­ca Milonguera. Chanteuse, Marisol Mar­tinez.

La Roman­ti­ca Milonguera com­mence directe­ment sur le thème, sans l’in­tro­duc­tion, comme Canaro.

À demain, les amis !

Araca la cana 1933-06-06 — Orquesta Osvaldo Fresedo con Roberto Ray

Enrique Delfino Letra: Mario Fernando Rada

Voici un des gros suc­cès des encuen­tros milongueros. Mais les danseurs qui se jet­tent sur ce titre ne savent peut-être pas que Troi­lo est le pre­mier à l’avoir enreg­istré, oui, mon­sieur, oui, madame, avant Frese­do… De plus, je peux même vous mon­tr­er le film où il joue ce titre. N’hésitez pas à la ten­ta­tion de voir le jeune Pichu­co à l’œuvre avec son ban­donéon en fin d’article.

L’expression Ara­ca la cana peut sem­bler mys­térieuse. Je vous don­nerai sa sig­ni­fi­ca­tion dans la tra­duc­tion des paroles.
Je vous pro­pose d’écouter main­tenant notre tan­go du jour.

Extrait musical

Ara­ca la cana 1933-06-06 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray

Paroles

¡Ara­ca la cana!
Ya estoy engriyao…
Un par de ojos negros me han engay­olao.
Oja­zos pro­fun­dos, oscuros y bravos,
tajantes y fieros hieren al mirar,
con bril­los de acero que van a matar.
De miedo al mirar­los el cuor me ha fayao.
¡Ara­ca la cana! ya estoy engriyao.

Yo que anduve entreverao
en mil y una ocasión
y en todas he gua­peao
yo que al bar­do me he jugao
entero el corazón
sin asco ni cuidao.
Como un gil ven­go a ensar­tarme
en esta daga que va a matarme
si es pa’ creer que es cosa’e Dios
que al guapo más capaz
le faye el corazón.

Enrique Delfi­no Letra : Mario Fer­nan­do Rada

Traduction libre et indications

Ara­ca la cana ! (En français, on dirait, 22 ou 22 voilà les flics, la police. C’est un cri d’alarme sig­nalant un dan­ger). Je suis déjà der­rière les bar­reaux (en prison)
Une paire d’yeux noirs m’a empris­on­né. Des yeux pro­fonds, som­bres et féro­ces, vifs et féro­ces, qui blessent quand ont les regarde, avec des éclairs d’acier qui vont tuer.
De peur, en les regar­dant, le cœur m’a man­qué.
Ara­ca la cana ! Je suis déjà engril­lagé. Moi qui ai été impliqué en mille et une occa­sions et dans toutes, j’ai affron­té, moi, qui naturelle­ment ai misé tout mon cœur sans répug­nance ni pré­cau­tion.
Comme un cave (type quel­conque, ne con­nais­sant pas le milieu, la pègre), je viens m’embrocher sur ce poignard qui me tuera si c’est pour croire que c’est la chose de Dieu qu’au plus beau et plus capa­ble, le cœur lui manque (fait défaut).

Autres versions

Nous ver­rons les deux pre­mières ver­sions en fin d’article, car elles sont dans le film Los tres berretines.

Ara­ca la cana 1933-06-06 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray. C’est notre tan­go du jour.
Ara­ca la cana 1933-06-12 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, Domin­go Riverol, Domin­go Julio Vivas, Hora­cio Pet­torossi (gui­tar­ras).

Un tout petit peu après Frese­do, Gardel enreg­istre sa ver­sion.

Ara­ca la cana 1933-06-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá.

Canaro n’est jamais en retard quand il s’agit d’enregistrer un suc­cès. Voici donc sa ver­sion. Avec des pas­sages doux et lyriques, pas si fréquents dans cette péri­ode de son orchestre. Peut-être l’influence de Frese­do dont la ver­sion dans le film était sor­tie le mois précé­dent.

Ara­ca la cana 1951 — Edmun­do Rivero con orques­ta dir. por Vic­tor M. Buchi­no.

Une ver­sion qui n’est prob­a­ble­ment pas pour les car­diaques. En effet, le démar­rage de Edmun­do Rivero après une intro­duc­tion longue sur­prend. Bien sûr, ce n’est pas une ver­sion de danse.

Bébé Troilo

Le film annon­cé en début d’article, s’apppelle Los tres berretines. Berretin a plusieurs sens qui vont de caprice, loisir, caprice amoureux à pas­sion… Dans le cas du film, ce sont les trois pas­sions des Portègnes, à savoir, le ciné, le foot­ball et… le tan­go. Pour être pré­cis, dans la pièce de théâtre antérieure, c’était le tan­go, le foot­ball et… la radio. Mais pour faire un film, c’était mieux de met­tre le ciné­ma au cœur de l’action.
C’est le deux­ième film sonore argentin, sor­ti le 19 de mai 1933, soit une semaine après Tan­go que nous avons déjà évo­qué à propo de El Cachafaz et presque un mois avant l’enregistrement de notre tan­go du jour par Frese­do et Ray.
Il a été dirigé par Enrique Telé­ma­co Susi­ni à par­tir d’un scé­nario de Arnal­do Mal­fat­ti et Nicolás de las Llan­deras. L’extrait que je vais vous présen­ter présente le tan­go du jour, inter­prété par un orchestre imag­i­naire, EL Con­jun­to Nacional Foc­cile Marafiot­ti. Vous recon­naîtrez sans mal le jeune ban­donéon­iste, alors âgé de 18 ans, Aníbal Troi­lo. Il s’agit du sec­ond plus ancien enreg­istrement de lui dont nous dis­posons, le plus ancien étant avec Car­los Gardel (La que nun­ca tuvo novio de 1931).
Osval­do Frese­do fai­sait aus­si par­tie de l’équipe du film, il était donc par­faite­ment légitime pour enreg­istr­er ce titre.
L’intrigue du film est autour des pas­sions des enfants d’un quin­cail­li­er. Les affaires de la quin­cail­lerie ne sont pas bril­lantes et le père se dés­espère de voir ses enfants délaiss­er l’entreprise famil­iale pour leurs pas­sions. Nous nous intéres­sons à la par­tie tan­go du film avec un des fils, joué par Luis San­dri­ni qui veut devenir com­pos­i­teur de tan­go.

Extraits du film Los tres berretines

Affiche du film Los tres berretines. Elle annonce que c’est le pre­mier film par­lant, mais c’est en fait le sec­ond, tan­go étant sor­ti la semaine d’avant.

Troi­lo, qui a donc l’honneur, à 18 ans, de jouer dans le sec­ond film sonore argentin appa­raît jouant à la moitié du film qui dure moins d’une heure. Je vous pro­pose plusieurs extraits per­me­t­tant de voir com­ment était com­posé et lancé un tan­go au début de l’âge d’or.
Dans le pre­mier extrait, Aníbal Troi­lo joue avec le vio­loniste Vicente Tagli­a­coz­zo. José María Rizut­ti, le pianiste s’entend, mais ne se voit pas.
Pour cor­riger cette injus­tice, je vous pro­pose un autre extrait où on le voit jouer Ara­ca la cana, ou plutôt ce qui va le devenir, au piano. Il le joue sous la dic­tée sif­flée de Luis San­dri­ni. (qui ressem­ble à Enrique Delfi­no, l’auteur du tan­go du jour).
La nais­sance d’un tan­go, c’est aus­si l’écriture des paroles. Ici, on voit un poète (qui n’est pas joué par Mario Fer­nan­do Rada l’auteur des paroles). La tasse de café au lait devant le poète, c’est le prix payé pour les paroles. La tran­scrip­tion de la musique ayant été payée 5 pesos un peu plus tôt dans le film à José María Rizut­ti qui avait joué sous la dic­tée sif­flée par Luis San­dri­ni dans la scène du piano.
Dès les paroles ter­minées, les musi­ciens et le chanteur (Luis Díaz) se ruent au bal­con réservé aux orchestres. On peut ain­si enten­dre la pre­mière ver­sion de Ara­ca la Cana avec Aníbal Troi­lo (ban­donéon) Vicente Tagli­a­coz­zo (vio­lon) José María Rizut­ti (piano) et Luis Díaz (chant).
Le dernier extrait, c’est l’orchestre de Osval­do Frese­do jouant le titre sur la scène d’un bal et la scène finale du film. Le berretin « tan­go » aura ain­si aidé à sauver l’entreprise famil­iale.

Extraits choi­sis par DJ BYC Bernar­do du film Los tres berretines.

Pata ancha 1957-05-13 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Mario Demarco

Pata ancha en lun­far­do sig­ni­fie courage, mais en espag­nol courant, cela peut aus­si sig­ni­fi­er gros pied. Pugliese fut un lut­teur. Il lut­ta avec acharne­ment pour défendre ses idées poli­tiques et paya le prix en effec­tu­ant de nom­breux séjours en prison. Pata ancha a été enreg­istré par Odéon, lors d’une de ses «absences». Sur le piano, un œil­let ou une rose rouge évo­quaient le maître absent.

Extrait musical et histoire de prisons

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

San pugliese étant empris­on­né dans le cadre de la « operación car­de­nal ».
Les détenus après un séjour à la Pen­i­ten­cia­ria Nacional ont été trans­férés dans un bateau nom­mé « Paris ». C’est la rai­son pour laque­lle Agosti a appelé son arti­cle dans les Cuader­nos de Cul­tura (Cahiers de la Cul­ture) Med­ita­ciones des­de el “París” Médi­ta­tions depuis le Paris.
C’est le pianiste Osval­do Manzi qui le rem­plaça, comme ce fut le cas pour d’autres enreg­istrements comme La novia del sub­ur­bio enreg­istré le même jour que Pata ancha (1957–05-13), Yun­ta de oro et No me hablen de ella (1957–10-25), Cora­zone­an­do et Gente ami­ga (1958–01-02), La bor­dona et Qué pin­tu­ri­ta (1958–08-06). Il y a cer­taine­ment eu d’autres enreg­istrements dans ce cas, Pugliese ayant fait l’objet de nom­breux empris­on­nements ou inter­dic­tions de jouer.

Dans le jour­nal com­mu­niste « La Hora » du 18 décem­bre 1948, l’annonce de l’interdiction de trois artistes, Osval­do Pugliese, Atahul­pa Yupan­qui et Ken Hamil­ton. C’est neuf ans avant l’enregistrement de Pata ancha, sous Per­on, qui fera égale­ment empris­on­ner Pugliese à Devo­to en 1955. Cela explique les appari­tions en pointil­lé de Pugliese.

Il reste un petit mot à dire sur le com­pos­i­teur. Il s’agit de Mario Demar­co, celui qui a rem­placé Jorge Cal­dara au ban­donéon quand Cal­dara, sur la pres­sion de sa femme, a quit­té l’orchestre pour faire une virée au Japon. On peut com­pren­dre les inquié­tudes de sa femme vu les mul­ti­ples empris­on­nements du leader de l’orchestre…

Pata ancha

Hac­er pata ancha (faire le gros pied), c’est résis­ter brave­ment. Ce terme était util­isé en escrime créole, le com­bat au couteau des gau­chos argentins.

Com­bat au facón et à la dague de gau­chos. On remar­que le pon­cho qui ser­vait à se pro­téger. Le pon­cho est l’accessoire pri­mor­dial de tout gau­cho. Pho­to mise en scène par Frank G. Car­pen­ter (1855–1924). Pub­lic domain (Library of Con­gress).

Sarmien­to a fustigé cette cou­tume des gau­chos dans son Facun­do Quiroga, pour mar­quer l’absence de « civil­i­sa­tion » de cette pop­u­la­tion fière, mais plutôt mar­ginale, une cri­tique à peine déguisée à De Rosas.
On l’appelle par­fois, la esgri­ma criol­la (escrime créole). Elle s’est dévelop­pée durant la guerre d’indépendance argen­tine (1810).
Si vous voulez en savoir plus sur cette lutte qui est encore pra­tiquée, notam­ment dans les ban­des de délin­quants d’aujourd’hui, vous pou­vez con­sul­ter ce site…

Les facones, ces couteaux red­outa­bles qui peu­plent les paroles de tan­go, mais qui étaient plutôt les attrib­uts des gau­chos.

Les facones sont des couteaux red­outa­bles. S’ils sont évo­qués dans les tan­gos à pro­pos de per­son­nages un peu fan­farons, ils étaient util­isés par les gau­chos dans des com­bats au sang, voire par­fois à mort.
Les facones du tan­go étaient plus sou­vent des couteaux courts, plus faciles à dis­simuler et un adage argentin dit, « ne sors pas le couteau si tu ne comptes pas l’utiliser ».
Pugliese à sa façon a fait preuve d’un grand courage pour défendre ses idées. Il est resté ferme et a fait la pata ancha et que ce soit Osval­do Manzi qui effectue le solo de piano à 1 : 20 n’est pas très impor­tant dans un orchestre où chaque musi­cien était un mem­bre à parts égales. Con­traire­ment à d’autres orchestres dont le chef était un tyran, dans l’orchestre de Pugliese, il s’agissait d’une ges­tion col­lec­tive, d’une com­mu­nauté, ce qui explique la fidél­ité de plu­part de ses musi­ciens qui étaient d’ailleurs payés en fonc­tion de leurs inter­ven­tions, sur les mêmes bases que Pugliese lui-même, ce qui aurait été impens­able pour Canaro…
Si Demar­co et Cal­dara ont quit­té l’orchestre, c’était dans les deux cas en rai­son de leurs femmes ; crain­tive pour l’avenir de son mari à cause des idées de Pugliese pour Cal­dara et pour rai­son de mal­adie dans le cas de Demar­co, sa femme était malade et il a donc décidé de ne pas faire la tournée en Russie avec l’orchestre.

Autres versions

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

C’est notre tan­go du jour. La yum­ba est par­ti­c­ulière­ment forte dans cette inter­pré­ta­tion. Peut-être que les musi­ciens souhaitaient évo­quer leur leader absent. On sait par ailleurs que quand Pugliese était « empêché » au dernier moment, en plus de la rose ou de l’œillet sur le piano, les musi­ciens mar­quaient forte­ment le rythme au pied pour que la yum­ba habite la représen­ta­tion.
Je me force un peu pour vous pro­pos­er d’autres ver­sions, faute d’une ver­sion avec Pugliese au piano.

Pata ancha 1997 — Col­or tan­go de Rober­to Álvarez.

Cet enreg­istrement a été effec­tué au « Estu­dio 24 » de Buenos Aires. Rober­to Álvarez à la mort de Pugliese a repris la suite du maître. D’aucuns lui reprochent d’avoir util­isé les arrange­ments de Pugliese pour son orchestre, Col­or tan­go. En fait, de nom­breux orchestres ont fait de même à la dis­pari­tion de leur leader, comme los Solis­tas de D’Arienzo, le Quin­te­to Pir­in­cho (Canaro) ou le Con­junc­to Don Rodol­fo. Écou­tons donc le résul­tat, sans arrière-pen­sée.

Pata ancha 2000 — Orques­ta Escuela de Tan­go Dir. Emilio Bal­carce.

Une ver­sion aux accents de Pugliese.

Et pour ter­min­er, Pata ancha par Tan­go Bar­do a écouter, voire à acheter sur Band­Camp
https://tangobardo.bandcamp.com/track/pata-ancha
Une ver­sion moins proche de Pugliese.

La rose sur le clavier du piano quand San Osval­do ne pou­vait pas venir (inter­dic­tion ou prison).

Sacale punta 1938-03-09 (Milonga tangueada) — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Randona (Armando Julio Piovani)

Osvaldo Donato Letra Sandalio Gómez

Cette milon­ga du jour a été enreg­istrée le 9 mars 1939, il y a 85 ans. Elle a été enreg­istrée par Dona­to et est tou­jours un suc­cès dans les milon­gas. Cepen­dant, son titre prête à inter­pré­ta­tions et je choi­sis ce pré­texte pour vous faire entr­er dans le monde du tan­go du début du 20e siè­cle.

Edgar­do Dona­to inter­prète ici une milon­ga écrite par son frère, pianiste, Osval­do. Deux chanteurs inter­vi­en­nent, Hora­cio Lagos et Ran­dona (Arman­do Julio Pio­vani). Ils ne chantent que deux cou­plets, comme il est d’usage pour le tan­go de danse.

Le disque

Sacale pun­ta est la face B et la valse Que sera ?, la face A du disque Vic­tor 38397.

Sur l’étiquette on trou­ve plusieurs men­tions. Le nom de l’orchestre, Edgar­do Dona­to y sus Mucha­chos et le nom d’un des chanteurs de l’estribillo, Hora­cio Lagos. Ran­dona n’est pas men­tion­né.
On trou­ve le nom des auteurs et com­pos­i­teurs. L’auteur des paroles est en pre­mier. Pour la valse, il n’y a qu’un nom, car Pepe Guízar est l’auteur de la musique et des paroles. Vous pour­rez écouter cette valse en fin d’article.
Sur le disque, on peut remar­quer sur l’étiquette l’encadré suiv­ant…

Exé­cu­tion publique et radio-trans­mis­sion réservées à RCA Vic­tor Argenti­na INC. Ce disque n’est donc pas autorisé pour être joué en milon­ga 😉

Extrait musical

Sacale pun­ta 1938-03-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Ran­dona (Arman­do Julio Pio­vani)

Les paroles

Sacale pun­ta a esta milon­ga
Que ya empezó.
Sen­tí que esos fueyes que rezon­gan
De corazón.
Y las pebe­tas se han venido
De « true Vuit­ton ». (De tru­co y flor)
El tan­go requiebra la vida (El tan­go es rey que da la vida)
Y en su nota despar­ra­ma,
Su amor.

Tan­go lin­do de arra­bal
Que yo,
No lo he vis­to des­ma­yar
¡ Tri­un­fó!.
Tan­go lin­do que al can­tar
Vol­có,
Su fe, su amor
Varón tenés que ser.

Nada hay que hac­er cuan­do rezon­gan
El ban­doneón
Ore­ja a ore­ja las pare­jas
Bailan al son,
De un tan­go lleno de recuer­dos
Que no cayó.
Si des­de los tiem­pos de Lau­ra
Se ha sen­ti­do primera agua
y bril­ló.

Osval­do Dona­to Letra San­dalio Gómez. Seuls les deux pre­miers cou­plets sont chan­tés dans cette ver­sion.

Pourquoi un crayon à la milonga ?

Les paroles de cette chan­son par­lent donc de la milon­ga, du point de vue de l’homme qui se pré­pare à danser joue con­tre joue (oreille con­tre oreille) avec des jeunes femmes.
« Saca pun­ta » se dit pour tailler les crayons, faire sor­tir, la pointe, la mine. Cela se dit couram­ment dans les écoles.

Sacale pun­ta. J’ai représen­té le cray­on bien tail­lé sur cette image, mais ce n’est qu’une petite par­tie de l’énigme.

Ici, San­dalio a écrit « Sacale pun­ta a esta milon­ga », sors-lui la pointe à cette milon­ga…
Pour ceux qui pour­raient s’interroger, sur l’intérêt d’apporter un cray­on à la milon­ga. Une petite inves­ti­ga­tion qui je l’espère ne sera pas trop déce­vante :

Les autres textes de Sandalio Gómez

Si on cherche une piste dans les autres textes écrits par San­dalio Gómez on trou­ve :
Deux tan­gos : « Cum­br­era » et « El mun­do está loco ». Le pre­mier est un hom­mage à Car­los Gardel et le sec­ond s’inscrit dans la tra­di­tion de « Cam­bal­ache » ou de « Al mun­do le fal­ta un tornil­lo », ces tan­gos qui par­lent de la dégénéres­cence du Monde.
Deux milon­gas : « De pun­ta a pun­ta » et « Mis pier­nas » qui est une milon­ga qui incite à se repos­er, car les paroles com­men­cent ain­si : « Sen­tate, cuer­po sen­tate, que las pier­nas no te dan más » assois-toi corps, car les jambes n’en peu­vent plus.
Un paso doble : « Embru­jo » par­le d’un « envoute­ment » amoureux.
Du grand clas­sique et si ce n’était ce « Sacale pun­ta », les paroles ne prêteraient pas à inter­pré­ta­tion. On n’est pas en présence de textes de Vil­lol­do qu’il a sou­vent fal­lu remanier pour respecter les bonnes mœurs.

D’autres musiques utilisant « Sacale punta »

Il y a d’autres musiques qui utilisent l’expression « Sacale pun­ta ». Par exem­ple, la milon­ga écrite par José Bas­so : « Sacale pun­ta al lápiz » 1955-09-16 écrite par José Bas­so, mais qui n’a pas de paroles.

Sacale pun­ta al lápiz 1955-09-16 — José Bas­so (Musique José Bas­so)

Si on reste en Argen­tine, on trou­ve plus récem­ment l’expression dans des textes de cumbias. Les cumbias ont sou­vent des textes scabreux, c’est le cas de celle qui s’appelle comme la milon­ga de Bas­so et qui est inter­prétée par Neni y su ban­da. Mon blog se voulant de haute tenue, je ne vous don­nerai pas les paroles, mais sachez que le pos­sesseur du lápiz (cray­on) se vante de pou­voir en faire quelque chose au lit.
Le groupe cubain Vie­ja Tro­va San­ti­a­guera chante égale­ment « Sacale pun­ta al lápiz ». Ce son est avec des paroles rel­a­tive­ment explicites, la muñe­qua (poupée) faisant référence au même cray­on que la cumbia sus­men­tion­née.

Sácale la pun­ta al lápiz — Vie­ja Tro­va San­ti­a­guera

Le chanteur por­tor­i­cain de Sal­sa, Adal­ber­to San­ti­a­go, chante dans une sal­sa du même titre, « Sacale pun­ta ». Il s’agit dans ce cas de faire les comptes avec sa com­pagne qui l’a trompée. Comme la liste des reproches est longue, elle doit pré­par­er la mine de son cray­on pour pou­voir tout not­er. On est donc ici, dans la lignée sco­laire, du cray­on dont on doit affuter la mine.

Sácale pun­ta 1982-12-31 — Adal­ber­to San­ti­a­go

Dans l’esprit du cray­on pour écrire, on pour­rait penser au car­net de bal pour inscrire les parte­naires avec qui nous allons danser. Je n’y crois pas dans ce cas. Tout au plus le car­net et le cray­on seront pour not­er les coor­don­nées de la belle…

Et donc, pourquoi « Sacale punta » ?

Comme vous l’imaginez, les pistes précé­dentes ne me sat­is­font pas. Je vais vous don­ner ma ver­sion, ou plutôt mes ver­sions, mais qui se rejoignent. Pour cela, inter­ro­geons le lun­far­do, l’argot portègne.
En lun­far­do se dit : « de pun­ta en blan­co » qui sig­ni­fie élé­gant. Il est donc logique de penser que le nar­ra­teur souhaite sor­tir ses meilleurs vête­ments pour aller à la milon­ga.
Tou­jours en lun­far­do, « hac­er pun­ta » est aller de l’avant. On peut donc imag­in­er qu’il faut aller de l’avant pour aller à la milon­ga.
Con­tin­uons avec le lun­far­do : La pun­ta est aus­si un couteau, une arme blanche. Quand on con­naît la répu­ta­tion des com­padri­tos, on se dit qu’ils peu­vent être prêts à sor­tir le couteau à la moin­dre occa­sion à la milon­ga.
Pour résumer, il se pré­pare avec ses beaux habits, éventuelle­ment avec un couteau dans la poche pour les coups durs. Il est donc prêt pour aller à la milon­ga qui a déjà com­mencé, pour danser joue con­tre joue et dis­cuter ce qui se doit avec ceux qui se met­tent en tra­vers de sa route. On ne peut pas tout à fait exclure un dou­ble sens à la Vil­lol­do, surtout si on se réfère au fait que cette milon­ga se réfère au début du XXe siè­cle, époque où les paroles étaient beau­coup plus « libres ».

Lo de Laura

En effet, le dernier cou­plet, qui n’est pas chan­té ici, par­le du temps de Lau­ra. Il s’agit de la casa de Lau­ra (Lau­renti­na Mon­ser­rat). Elle était située en Paraguay 2512. Cette milon­ga était de bonne fréquen­ta­tion au début du vingtième siè­cle.

Lo de Lau­ra (Lau­renti­na Mon­ser­rat). Cette « mai­son » était située en Paraguay 2512. C’est main­tenant une mai­son de retraite…

Les danseurs pou­vaient danser avec les « femmes » de la mai­son moyen­nant le paiement de quelques pesos. Je ne con­nais pas le prix pour cette mai­son, mais dans une mai­son com­pa­ra­ble, Lo de Maria (La Vas­ca), le prix était de 3 pesos de l’heure. Le mari de la pro­prié­taire, « El Ingles » (Car­los Kern) veil­lait à ce que les pro­tégées soient respec­tées. On est tou­jours à l’époque du tan­go de prostibu­lo, mais avec classe.
Il indique que dès l’époque de Lau­ra, il était de Primer agua c’est-à-dire qu’il était déjà très bon. Un peu comme dans la milon­ga « En lo de Lau­ra » (musique d’Antonio Poli­to et paroles d’Enrique Cadí­camo). En effet, dans cette milon­ga, Cadí­camo a écrit : « Milon­ga provo­cado­ra que me dio car­tel de tau­ra… », Milon­ga provo­cante qui me don­na le titre de cham­pi­on (en fait, plutôt dans le sens de cador, caïd, com­padri­to, courageux, qui se mon­tre…).

En lo de Lau­ra 1943-03-12 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas — Anto­nio Poli­to Letra Enrique Cadí­camo (Domin­go Enrique Cadí­camo)

Pour vous don­ner une idée de l’ambiance de Lo de Lau­ra, vous pou­vez regarder cet extrait du film argentin « La Par­da Flo­ra » de León Klimovsky et qui est sor­ti le 11 juil­let 1952. C’est bien sûr une recon­sti­tu­tion, avec les lim­ites que ce genre impose.

Recon­sti­tu­tion de l’am­biance en Lo de Lau­ra. Extrait du film argentin « La Par­da Flo­ra » de León Klimovsky sor­ti le 11 juil­let 1952

Dans cette par­tie du film se joue “El Entr­erri­ano” d’Ansel­mo Rosendo Men­dizábal. En effet, une tra­di­tion veut que Men­dizábal ait écrit ce tan­go en Lo de Lau­ra. Il était en effet pianiste dans cet étab­lisse­ment et c’est donc fort pos­si­ble. Il inter­ve­nait aus­si à Lo de Maria la Vas­ca et cer­tains affir­ment que cet dans ce dernier étab­lisse­ment qu’il a inau­guré le tan­go.
Notons que les deux affir­ma­tions ne sont pas con­tra­dic­toires, mais je préfère lever le doute en prenant le témoignage de José Guidobono, témoin et acteur de la chose.
Il décrit cela dans une let­tre envoyée en 1934 à Héc­tor et Luis Bates et qui la pub­lièrent en 1936 dans « Las his­to­rias del tan­go: sus autores » :

“Existía una casa de baile que era cono­ci­da por “María la Vas­ca”. Allí se bail­a­ba todas y toda la noche, a tres pesos hora por per­sona. Encon­tra­ba en esos bailes a estu­di­antes, cuidadores y jock­eys y en gen­er­al, gente bien. El pianista ofi­cial era Rosendo y allí fue donde por primera vez se tocó “El entr­erri­ano”. […] así se bailó has­ta las 6 a.m. Al reti­rarnos lo saludé a Rosendo, de quien era ami­go, y lo felic­ité por su tan­go inédi­to y sin nom­bre, y me dijo: “se lo voy a dedicar a ust­ed, pón­gale nom­bre”. Le agradecí pero no acep­té, y debo decir la ver­dad, no lo acep­té porque eso me iba a costar por lo menos cien pesos, al ten­er que ret­ribuir la aten­ción. Pero le sug­erí la idea que se lo ded­i­case a Segovia, un mucha­cho que pasea­ba con nosotros, ami­go tam­bién de Rosendo y admi­rador; así fue; Segovia acep­tó el ofrec­imien­to de Rosendo. Y se le puso “El entr­erri­ano” porque Segovia era ori­un­do de Entre Ríos.”.

José Guidobono

Tra­duc­tion :

Il y avait une mai­son de danse con­nue sous le nom de « María la Vas­ca ». On y dan­sait toute la nuit pour trois pesos de l’heure et par per­son­ne. À ces bals, j’ai croisé des étu­di­ants, des médecins et des jock­eys [c’était une soirée spé­ciale du Z Club, club auquel Rosendo Men­dizábal a d’ailleurs dédié un tan­go (Z Club)] et en général, de bonnes per­son­nes.
Le pianiste offi­ciel était Rosendo et c’est là que « El entr­erri­ano » a été joué pour la pre­mière fois. […] c’est ain­si qu’on a dan­sé jusqu’à 6 heures du matin.
En par­tant, j’ai salué Rosendo, dont j’étais ami, et je l’ai félic­ité pour son tan­go inédit et sans nom, et il m’a dit : « Je vais te le dédi­cac­er, donne-lui un nom ». Je l’ai remer­cié, mais je n’ai pas accep­té, et je dois dire la vérité, je ne l’ai pas accep­té parce que cela allait me coûter au moins cent pesos, pour le remerci­er de l’attention. Mais j’ai sug­géré l’idée qu’il le dédi­cace à Segovia, un garçon qui mar­chait avec nous, égale­ment ami et admi­ra­teur de Rosendo ; C’est comme ça que ça s’est passé ; Segovia a accep­té l’offre de Rosendo. Et il l’a inti­t­ulé « El Entr­erri­ano » parce que Segovia était orig­i­naire d’Entre Ríos. […] Rosendo a ain­si gag­né cent man­gos (pesos en lun­far­do). »

La face A du disque Victor 38397

Sur la face A du même disque Vic­tor a gravé une valse. Elle a été enreg­istrée le même jour par Dona­to et Lagos, comme c’est sou­vent le cas.
Cette valse est sub­lime, je vous la pro­pose donc ici :

Qué será ? 1938-03-09 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos — Pepe Guízar (MyL)

Ne pas con­fon­dre cette valse avec une au titre qui ne dif­fère que par deux let­tres…

Quién será ? 1941-10-13 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos — Luis Rubis­tein (MyL)

Un clin d’œil pour les DJ

Felix Pich­er­na, un célèbre DJ de l’époque des cas­settes Philips, util­i­sait un cray­on pour rem­bobin­er ses cas­settes. Il devait donc sacar la pun­ta antes de la milon­ga.
J’en par­le dans mon arti­cle sur les tan­das.
Main­tenant, vous êtes prêts à danser à Lo de Lau­ra ou dans votre milon­ga favorite.

Felix Pinch­er­na util­isant un cray­on pour rem­bobin­er sa cas­sette de corti­na. http://www.molo7photoagency.com/blog/felix-picherna-el-muzicalizador-de-buenos-aires/04–9/