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La canción de los pescadores de perlas 1968-08-30 y 1971 — Orquesta Florindo Sassone

Georges Bizet. Florindo Sassone, Othmar Klose et Rudi Luksch (adaptation en tango)

Beau­coup de tan­gos sont inspirés de musiques européennes. Les valses, notam­ment, mais pas seule­ment. Ces titres sont adap­tés et devi­en­nent de « vrais tan­gos », mais ce n’est pas tou­jours le cas.
En France, cer­tains danseurs de tan­go appré­cient des titres un peu étranges, des titres qui n’ont jamais été écrits pour cette danse. On appelle générale­ment cela le « tan­go alter­natif ».
Un des titres les plus con­nus dans le genre est la reprise d’un opéra du XIXe siè­cle effec­tuée par Florindo Sas­sone. Le fait qu’un chef d’orchestre de tan­go reprenne un titre n’en fait pas un tan­go de danse. Cela reste donc de l’alternatif. Je vous laisse en juger avec los pescadores de per­las, les pêcheurs de per­les, de Bizet et Sas­sone…

Écoutes

Tout d’abord, voyons l’original com­posé par Bizet. Je vous pro­pose une ver­sion par un orchestre et un chanteur français, celle du ténor Rober­to Alagna avec l’orchestre de Paris, qui est dirigé par Michel Plas­son. Cette inter­pré­ta­tion a été enreg­istrée le 9 juil­let 2009 au Bassin de Nep­tune du château de Ver­sailles. Ce soir-là, il chantera trois œuvres de Bizet, dont un extrait de Car­men, même si ce n’est pas la célèbre habanera qui a tant à voir avec un des rythmes de base du tan­go et de la milon­ga. Vous pou­vez voir le con­cert en entier avec cette vidéo…
https://youtu.be/Jx5CNgsw3S0. Ne vous fiez pas à la prise de son un peu médiocre du début, par la suite, cela devient excel­lent. Pour aller directe­ment au but, je vous pro­pose ici l’extrait, sub­lime où Alagna va à la pêche aux per­les d’émotion en inter­pré­tant notre titre du jour.

Rober­to Alagna et l’orchestre de Paris dirigé par Michel Plas­son dans Les Pêcheurs de Per­les de Georges Bizet. L’air de Nadir « Je crois enten­dre encore ».

Deux mots de l’opéra de Bizet

Les pêcheurs de per­les est le pre­mier opéra com­posé par Bizet, âgé de 25 ans, en 1863). L’intrigue est sim­pliste.
L’opéra se passe sur l’île de Cey­lan, où deux amis d’enfance, Zur­ga et Nadir, évo­quent leur pas­sion de jeunesse pour une prêtresse de Can­di nom­mé Leïla.
Pour ne pas nuire à leur ami­tié, ils avaient renon­cé à leur amour, surtout Zur­ga, car Nadir avait secrète­ment revu Leïla.
Zur­ga était mécon­tent, mais, finale­ment, il décide de sauver les deux amants en met­tant le feu au vil­lage.
L’air célèbre qui a été repris par Sas­sone est celui de Nadir, au moment où il recon­naît la voix de Leïla. En voici les paroles :

Je crois enten­dre encore,
Caché sous les palmiers,
Sa voix ten­dre et sonore
Comme un chant de rami­er !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !
Aux clartés des étoiles,
Je crois encore la voir,
Entrou­vrir ses longs voiles
Aux vents tièdes du soir !
Ô nuit enchanter­esse !
Divin ravisse­ment !
Ô sou­venir char­mant !
Folle ivresse ! Doux rêve !

Avant de pass­er aux ver­sions de Florindo Sas­sone, une ver­sion par Alfre­do Kraus, un ténor espag­nol qui chante en Ital­ien… La scène provient du film “Gayarre” de 1959 réal­isé par Domin­go Vilado­mat Pancor­bo. Ce film est un hom­mage à un autre ténor espag­nol, mais du XIXe siè­cle, Julián Gayarre (1844–1890).
La vie, ou plutôt la mort de ce chanteur, est liée à notre titre du jour, puisqu’en décem­bre 1889, Gayarre chan­ta Los pescadores de per­las mal­gré une bron­chop­neu­monie (provo­quée par l’épidémie de grippe russe qui fit 500 000 morts).
Lors de l’exécution, qui fut aus­si la sienne, sa voix se cas­sa sur une note aigüe et il s’évanouit. Les effets con­jugués de la mal­adie et de la dépres­sion causée par son échec artis­tique l’emportèrent peu après, le 2 jan­vi­er 1890 ; il avait seule­ment 45 ans. Cette his­toire était suff­isante pour en faire un mythe. D’ailleurs trois films furent con­sacrés à sa vie, dont voici un extrait du sec­ond, “Gayarre” où Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les.

Alfre­do Kraus inter­prète le rôle de Gayarre chan­tant la chan­son « je crois enten­dre encore » tiré des pêcheurs de per­les dans le film Gayarre.

Sas­sone pou­vait donc con­naître cette œuvre, par les deux pre­miers films, “El Can­to del Ruiseñor” de 1932 et “Gayarre” de 1959 (le troisième, Roman­za final est de 1986) ou tout sim­ple­ment, car bizet fut un com­pos­i­teur influ­ent et que Les pêcheurs de Per­les est son deux­ième plus gros suc­cès der­rière Car­men.

J’en viens enfin aux versions de Sassone

La can­ción de los pescadores de per­las 1968-08-30 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

C’est une ver­sion “adap­tée” en tan­go. Je vous laisse juger de la dans­abil­ité. Cer­tains adorent.
Dès le début la harpe apporte une ambiance par­ti­c­ulière, peut-être l’ondoiement des vagues, que ponctue le vibra­phone. L’orchestre majestueux accom­pa­g­né par des bass­es pro­fondes qui mar­quent la marche alterne les expres­sions suaves et d’autres plus autori­taires. On est dans du Sasonne typ­ique de cette péri­ode, comme on l’a vu dans d’autres anec­dotes, comme dans Féli­cia du même Sas­sone. https://dj-byc.com/felicia-1966–03-11-orquesta-florindo-sassone/
La présence d’un rythme rel­a­tive­ment réguli­er, souligné par les ban­donéons, peut inspir­er cer­tains danseurs de tan­go. Pour d’autres, cela pour­rait trop rap­pel­er le rythme réguli­er du tan­go musette et au con­traire les gên­er.

Cet aspect musette est sans doute le fait d’Oth­mar Klose et Rudi Luksch qui sont inter­venus dans l’orches­tra­tion. Luksch était accordéon­iste et Klose était un des com­pos­i­teurs d’Adal­bert Lut­ter (tan­go alle­mand).

C’est cepen­dant un titre qui peut intéress­er cer­tains danseurs de spec­ta­cle par sa vari­a­tion d’expressivité.

La can­ción de los pescadores de per­las 1971 — Orques­ta Florindo Sas­sone.

Trois ans plus tard, Sas­sone enreg­istre une ver­sion assez dif­férente et sans doute encore plus éloignée de la danse. Là encore, elle pour­rait trou­ver des ama­teurs…
Cette ver­sion démarre plus suave­ment. La harpe est moins expres­sive et les vio­lons ont pris plus de présence. La con­tre­basse et le vio­lon­celle sont bien présents et don­nent le rythme. Cepen­dant, cette ver­sion est peut-être plus lisse et moins expres­sive. Quitte à pro­pos­er une musique orig­i­nale, je jouerai, plutôt le jeu de la pre­mière ver­sion, même si elle risque d’inciter cer­tains danseurs à dépass­er les lim­ites générale­ment admis­es en tan­go social.

Cette ver­sion est sou­vent datée de 1974, mais l’en­reg­istrement est bien de 1971 et a été réal­isé à Buenos Aires, dans les stu­dios ION. Los Estu­dios ION qui exis­tent tou­jours ont été des pio­nniers pour les nou­veaux tal­ents et notam­ment ceux du Rock nacional à par­tir des années 60. Le fait que Sas­sone enreg­istre chez eux pour­rait être inter­prété comme une indi­ca­tion que ce titre et l’évo­lu­tion de Sas­sone s’é­taient un peu éloigné du tan­go “tra­di­tion­nel”, mais tout autant que les maisons d’édi­tions tra­di­tion­nelles s’é­taient éloignées du tan­go. Balle au cen­tre.

Com­para­i­son des ver­sions de 1968 et 1971. On voit rapi­de­ment que la ver­sion de 1968, à gauche est mar­quée par des nuances bien plus fortes. Elle a plus de con­traste. L’autre est plus plate. Elle relève plus du genre « musique d’ascenseur » que son aînée.

Le DJ de tango est-il un chercheur de perles ?

Le DJ est au ser­vice des danseurs et doit donc leur pro­pos­er des musiques qui leur don­nent envie de danser. Cepen­dant, il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­serv­er et faire vivre un pat­ri­moine.
Je prendrai la com­para­i­son avec un con­ser­va­teur de musée d’art pour me faire mieux com­pren­dre.
Le con­ser­va­teur de musée comme son nom l’indique (au moins en français ou ital­ien et un peu moins en espag­nol ou en anglais où il se nomme respec­tive­ment curador et cura­tor) est cen­sé con­serv­er les œuvres dont il a la respon­s­abil­ité. Il les étudie, il les fait restau­r­er quand elles ont des soucis, il fait des pub­li­ca­tions et des expo­si­tions pour les met­tre en valeur. Il enri­chit égale­ment les col­lec­tions de son insti­tu­tion par des acqui­si­tions ou la récep­tion de dons.
Son tra­vail con­siste prin­ci­pale­ment à faire con­naître le pat­ri­moine et à le faire vivre sans lui porter préju­dice en le préser­vant pour les généra­tions futures.
Le DJ fait de même. Il recherche des œuvres, les restau­re (pas tou­jours avec tal­ent) et les mets en valeur en les faisant écouter dans les milon­gas.
Par­fois, cer­tains déci­dent de jouer avec le pat­ri­moine en pas­sant des dis­ques d’époque. Cela n’a aucun intérêt d’un point de vue de la qual­ité du son et c’est très risqué pour les dis­ques, notam­ment les 78 tours qui devi­en­nent rares et qui sont très frag­iles. Si on veut vrai­ment faire du show, il est préférable de faire press­er des dis­ques noirs et de les pass­er à la place des orig­in­aux.
Bon, à force d’enfiler les idées comme des per­les, j’ai per­du le fil de ma canne à pêch­er les nou­veautés. Le DJ de tan­go, comme le con­ser­va­teur de musée avec ses vis­i­teurs, a le devoir de renou­vel­er l’intérêt des danseurs en leur pro­posant des choses nou­velles, ou pour le moins mécon­nues et intéres­santes.
Évidem­ment, cela n’est pas très facile dans la mesure où trou­ver des titres orig­in­aux demande un peu de tra­vail et notam­ment un goût assez sûr pour définir si une œuvre est bonne pour la danse, et dans quelles con­di­tions.
Enfin, ce n’est pas si dif­fi­cile si on fait sauter la lim­ite qui est de rester dans le genre tan­go. C’est la brèche dans laque­lle se sont engouf­fré un très fort pour­cent­age de DJ, encour­agés par des danseurs insuff­isam­ment for­més pour se ren­dre compte de la supercherie.
C’est comme si un con­ser­va­teur de musée d’art se met­tait à affich­er unique­ment des œuvres sans inten­tion artis­tique au détri­ment des œuvres ayant une valeur artis­tique probante.
Je pense par exem­ple à ces pro­duc­tions en série que l’on trou­ve dans les mag­a­sins de sou­venir du monde entier, ces chro­mos dégouli­nants de couleurs ou ces « stat­ues » en plas­tique ou résine. Sous pré­texte que c’est facile d’abord, on pour­rait espér­er voir des vis­i­teurs aus­si nom­breux que sur les stands des bor­ds de plage des sta­tions bal­néaires pop­u­laires.
Revenons au DJ de tan­go. Le par­al­lèle est de pass­er des musiques de var­iété, des musiques appré­ciées par le plus grand monde, des pro­duits mar­ket­ing matraqués par les radios et les télévi­sions, ou des musiques de film et qui, à force d’êtres omniprésentes, sont donc dev­enues famil­ières, voire con­sti­tu­tive des goûts des audi­teurs.
Je n’écris pas qu’il faut rejeter toutes les musiques, mais qu’avant de les faire entr­er dans le réper­toire du tan­go, il faut sérieuse­ment les étudi­er.
C’est assez facile pour les valses, car le Poum Tchi Tchi du rythme à trois temps avec le pre­mier temps mar­qué est suff­isam­ment por­teur pour ne pas désta­bilis­er les danseurs. Bien sûr, les puristes seront out­rés, mais c’est plus une (op)position de principe qu’une véri­ta­ble indig­na­tion.
Pour les autres rythmes, c’est moins évi­dent. Les zam­bas ou les boléros dan­sés en tan­go, c’est mal­heureuse­ment trop courant. Pareil pour les chamames, fox­trots et autres rythmes qui sont bougés en forme de milon­ga. Avec ces exem­ples, je suis resté dans ce qu’on peut enten­dre dans cer­taines milon­gas habituelles, mais, bien sûr, d’autres vont beau­coup plus loin avec des musiques n’ayant absol­u­ment aucun rap­port avec l’Amérique du Sud et les rythmes qui y étaient pra­tiqués.
Pour ma part, je cherche des per­les, mais je les cherche dans des enreg­istrements per­dus, oubliés, masqués par des ver­sions plus con­nues et dev­enues uniques, car peu de col­lègues font l’effort de puis­er dans des ver­sions moins faciles d’accès.
Vous aurez sans doute remar­qué, si vous êtes un fidèle de mes anec­dotes de tan­go, que je pro­pose de nom­breuses ver­sions. Sou­vent avec un petit com­men­taire qui explique pourquoi je ne passerais pas en milon­ga cette ver­sion, ou au con­traire, pourquoi je trou­ve que c’est injuste­ment lais­sé de côté.
Le DJ est donc, à sa façon un pêcheur de per­les, mais son tra­vail ne vaut que s’il est partagé et respectueux des par­tic­u­lar­ités du tan­go, cette cul­ture, riche en per­les.
Bon, je ren­tre dans ma coquille pour me pro­téger des réac­tions que cette anec­dote risque de provo­quer…

Ces réac­tions n’ont pas man­qué, quelques répons­es ici…

Tango ou pas tango ?

Une réac­tion de Jean-Philippe Kbcoo m’incite à dévelop­per un peu ce point.

“Les pêcheurs de per­les” classés en alter­natif !!!! Wouhaaa ! Quelle bril­lan­tis­sime audace ! Sur la dans­abil­ité, je le trou­ve net­te­ment plus inter­prétable qu’un bon Gardel, pour­tant classé dans les tan­gos purs et durs, non ? En tout cas, mer­ci de cet arti­cle à la phy­logéné­tique très inat­ten­due 🙂

Il est sou­vent assez dif­fi­cile de faire com­pren­dre ce qui fait la dans­abil­ité d’une musique de tan­go.
J’ai fait un petit arti­cle sur le sujet il y a quelques années : https://dj-byc.com/les-styles-du-tango/
Il est fort pos­si­ble qu’aujourd’hui, je n’écrirai pas la même chose. Cepen­dant, Gardel n’a jamais été con­sid­éré comme étant des­tiné à la danse. Le tan­go a divers aspects et là encore, pour sim­pli­fi­er, il y a le tan­go à écouter et le tan­go à danser.
Les deux relèvent de la cul­ture Tan­go, mais si les fron­tières sem­blent floues aujourd’hui, elles étaient par­faite­ment claires à l’époque. C’était inscrit sur les dis­ques…
Gardel, pour y revenir, avait sur ses dis­ques la men­tion :
“Car­los Gardel con acomp. de gui­tar­ras” ou “con la orques­ta Canaro”, par exem­ple.
Les tan­gos de danse étaient indiqués :
“Orques­ta Juan Canaro con Ernesto Famá”
Dans le cas de Gardel, qui ne fai­sait pas de tan­gos de danse, on n’a, bien sûr, pas cette men­tion. Cepen­dant, pour repren­dre Famá et Canaro, il y a eu aus­si des enreg­istrements des­tinés à l’écoute et, dans ce cas, ils étaient notés :
“Ernesto Famá con acomp. de Fran­cis­co Canaro”.
Dans le cas des enreg­istrements de Sas­sone, ils sont tardifs et ces dis­tinc­tions n’étaient plus de rigueur.
Toute­fois, le fait qu’ils aient été arrangés par des com­pos­i­teurs de musette ou de tan­go alle­mand, Oth­mar Klose et Rudi Luksch, ce qui est très net dans la ver­sion de 1968, fait que ce n’est pas du tan­go argentin au sens strict, même si le tan­go musette est l’héritier des bébés tan­gos lais­sés par les Argentins comme les Gobi ou les Canaro en France.
Je con­firme donc qu’au sens strict, ces enreg­istrements de Sas­sone ne relèvent pas du réper­toire tra­di­tion­nel du tan­go et qu’ils peu­vent donc être con­sid­érés comme alter­nat­ifs, car pas accep­tés par les danseurs tra­di­tion­nels.
Bien sûr, en Europe, où la cul­ture tan­go a évolué de façon dif­férente, on pour­rait plac­er la lim­ite à un autre endroit. La ver­sion de 1968 n’est pas du pur musette et peut donc être plus facile­ment assim­ilée. Celle de 1971 cepen­dant, est dans une tout autre dimen­sion et ne présente aucun intérêt pour la danse de tan­go.
On notera d’ailleurs que, sur le disque de 1971 réédité en CD en 1998, il y a la men­tion « Tan­go inter­na­tion­al » et que les titres sont classés en deux caté­gories :
« Tan­gos europeos et norteam­er­i­canos » et « Melo­dias japone­sas ».

Le CD de 1998 reprenant les enreg­istrements de 1971 est très clair sur le fait que ce n’est pas du tan­go argentin.

Cette men­tion de « Tan­go inter­na­tion­al » est à met­tre en par­al­lèle avec d’autres dis­ques des­tinés à un pub­lic étranger et éti­quetés « Tan­go for export ». C’est à mon avis un élé­ment qui classe vrai­ment ce titre hors du champ du tan­go clas­sique.
Cela ne sig­ni­fie pas que c’est de la mau­vaise musique ou que l’on ne peut pas la danser. Cer­tains sont capa­bles de danser sur n’importe quoi, mais cette musique ne porte pas cette danse si par­ti­c­ulière qu’est le tan­go argentin.

Cela n’empêche pas de la pass­er en milon­ga, en con­nais­sance de cause et, car cela fait plaisir à cer­tains danseurs. Il ne faut jamais dire jamais…

Une suggestion d’une collègue, Roselyne Deberdt

Mer­ci à Rose­lyne pour cette propo­si­tion qui per­met de met­tre en avant une autre ver­sion française.

Les pêcheurs de per­les 1936 — Tino Rossi Accom­pa­g­né par l’Orchestre de Mar­cel Cariv­en. Disque Colum­bia France (label rouge) BF-31. Numéro de matrice CL5975‑1.

Sur la face B du disque, La berceuse de Joce­lyn. Joce­lyn est un opéra du com­pos­i­teur français Ben­jamin Godard, créé en 1888 avec un livret d’Ar­mand Sylvestre et Vic­tor Capoul. Il est inspiré du roman en vers éponyme de Lamar­tine. Cepen­dant, même si la voix de Tino est mer­veilleuse, ce thème n’a pas sa place en milon­ga, mal­gré ses airs de de “Petit Papa Noël”…
N’oublions pas que Tino Rossi a chan­té plusieurs tan­gos, dont le plus beau tan­go du monde, mais aus­si :

  • C’est à Capri
  • C’é­tait un musi­cien
  • Écris-Moi
  • Le tan­go bleu
  • Le tan­go des jours heureux
  • Tan­go de Mar­ilou

Et le mer­veilleux, Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ?, que je rajoute pour le plaisir ici :

Vous, qu’avez-vous fait de mon amour ? 1933-11-09 — Tino Rossi Accomp. Miguel Orlan­do et son Orchestre du Bag­dad.

Le Bag­dad était à Paris au 168, rue du Faubourg Saint-Hon­oré. Miguel Orlan­do était un ban­donéon­iste argentin, importé par Fran­cis­co Canaro à Paris et grand-oncle de notre ami DJ de Buenos Aires, Mario Orlan­do… Le monde est petit, non ?

Anécdotas de tango

Une anecdote de tango (généralement une musique), par jour.

Seules les dernières anec­dotes de tan­go sont affichées ici. Pour en voir plus, cliquez ici…

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Escalas en azul 1950-05-17 — Orquesta Osmar Maderna

Osmar Maderna

Vous n’avez sans doute jamais dan­sé sur des musiques de Mader­na et c’est sans doute ras­sur­ant quant aux choix des DJ. Cepen­dant, la cul­ture tan­go va au-delà de la danse et il me sem­ble intéres­sant de s’intéresser à cet OVNI du tan­go qu’est Osmar Mader­na. Je vous invite à gravir les degrés d’une gamme bleue pour décou­vrir ce com­pos­i­teur et chef d’orchestre à part.

 Extrait musical

Par­ti­tion de Escalas en azul de Osmar Mader­na.
Escalas en azul 1950-05-17 — Orques­ta Osmar Mader­na

Il n’est pas très dif­fi­cile de devin­er d’où vient le titre. Le terme de escalas en musique peut être traduit par gammes. On notera que le piano joue tout au long de l’œuvre des gammes, c’est-à-dire des suc­ces­sions de notes ascen­dantes ou descen­dantes. Ce style orne­men­tal est typ­ique de Mader­na.
Le reste de l’orchestre sem­ble dédié à l’accompagnement du piano qui voltige au-dessus des autres instru­ments.
Le tem­po est bien mar­qué, souligné par les ban­donéons et les cordes qui effectuent des paus­es précédées d’élans, un peu comme dans une ranchera.
La musique est inter­prétée de façon vir­tu­ose qui donne une impres­sion de très grande vitesse.
Des danseurs piégés par un DJ facétieux qui se retrou­veraient sur la piste pour­raient s’appuyer sur cette présence du rythme pour garder une cadence raisonnable et ne pas se lancer dans des pas fébriles et ridicule­ment rapi­des.
Même si on n’est pas dans un rythme ter­naire de valse, une éventuelle inter­pré­ta­tion dan­sée de ce titre pour­rait s’apparenter à celui d’une valse. Des temps bien mar­qués et des mou­ve­ments tour­nants, toniques, mais pas ver­tig­ineux.
On notera les nom­breux change­ments de tonal­ité et la richesse des vari­a­tions et des par­ties. On est plus en face d’une com­po­si­tion de musique clas­sique que d’un tan­go tra­di­tion­nel.
Je ne vous encour­agerai pas à danser ce titre, mais à l’écouter atten­tive­ment, assuré­ment.
Osmar Mader­na

Mader­na a rel­a­tive­ment peu enreg­istré. Avec un peu plus d’une soix­an­taine d’enregistrements, c’est presque éton­nant que son nom nous soit par­venu.

Des orchestres plus pro­lifiques sont passés aux oubli­ettes.

Les musiciens de Maderna

Il a com­mencé à enreg­istr­er en 1946, en Uruguay, puis, la même année pour la Vic­tor, et cela jusqu’en 1951. Les musi­ciens des derniers enreg­istrements sont un peu dif­férents, mais je vous pro­pose ici, ceux qui ont par­ticipé à l’enregistrement de Escalas en azul, enreg­istré le 17 mai 1947.
Osmar Mader­na (Direc­tion et piano)
Felipe Ric­cia­r­di, Eduar­do Rovi­ra, José Cam­bareri et Leopol­do Fed­eri­co (ban­donéon). Comme on peut le remar­quer, des musi­ciens de pre­mier plan et plutôt vir­tu­os­es.
Aquiles Rog­gero, Harol­do Ghe­sagui et Angel Bodas (vio­lon)
Ariel Ped­ern­era (con­tre­basse)

Une par­tie de ces musi­ciens vient, tout comme Mader­na (qui avait rem­placé Stam­poni au piano en 1939), de l’orchestre de Miguel Caló (1941–1945), ce sont donc des estrel­las (étoiles). Ces transfuges sont :
Felipe Ric­cia­r­di et José Cam­bareri (le mage du ban­donéon, con­nu pour ses tem­pos de folie). Atten­tion, au pupitre des ban­donéons de Caló, on trou­ve aus­si un Fed­eri­co, Domin­go de son prénom, mais il n’est pas appar­en­té à Leopol­do.
À la con­tre­basse, c’est le même Ariel Ped­er­na qui œuvre.

Pour l’anecdote, on notera qu’il y avait un vio­loniste prénom­mé Aquiles dans les deux orchestres. Aguilar pour Caló et Rog­gero pour Mader­na. Ce dernier, Aguilar Rog­gero, dirig­era un orchestre en l’honneur de Mader­na qui était décédé dans un acci­dent d’avion (28/04/1951), l’orchestre Sím­bo­lo “Osmar Mader­na”.

La Orquesta Símbolo “Osmar Maderna”

L’année suiv­ant la mort de Mader­na, l’orchestre Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” reprend une par­tie du réper­toire et des com­po­si­tions de Mader­na.
Orlan­do Tripo­di rem­place Osmar Mader­na au piano.
Aquiles Rog­gero, con­tin­ue à tenir le vio­lon, tout en dirigeant et étab­lis­sant les arrange­ments de l’orchestre. Le pupitre des vio­lons est com­plété par Car­los Tav­er­na, Edmun­do Baya, et Este­ban Cañete.
Au ban­donéon, on retrou­ve Felipe Ric­cia­r­di, son frère Jorge, Héc­tor Let­tera et Toto Pan­ti pour com­pléter le pupitre des ban­donéons.
Víc­tor Mon­teleone tient la con­tre­basse.

L’orchestre sem­ble avoir cessé les enreg­istrements après la mort de Aquiles Rog­gero, ce dernier étant juste­ment mort d’une crise car­diaque lors d’une séance, en 1977. Ces enreg­istrements ne sem­blent pas avoir été pub­liés.

Autres versions

Escalas en azul 1950-05-17 — Orques­ta Osmar Mader­na. C’est notre tan­go du jour.
Escalas en azul 1959-06-17 — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero.

Un immense mer­ci au col­lègue et col­lec­tion­neur Michael Sat­tler qui m’a procuré ce titre en bonne qual­ité.

Cette ver­sion est proche de celle enreg­istrée en 1950, comme on peut l’entendre et même voir dans l’illustration ci-dessous. Le tem­po est le même, les paus­es sont syn­chro­nisées et les deux ver­sions peu­vent être jouées ensem­ble durant les 40 pre­mières sec­on­des sans prob­lèmes nota­bles.

En haut, en vert la ver­sion de 1950 par Osmar Mader­na. En bas, en vio­let, la ver­sion de 1959 par la Orques­ta Sím­bo­lo.

Cette simil­i­tude vrai­ment frap­pante est la preuve que l’hommage à Osmar Mader­na, trag­ique­ment dis­paru n’est pas seule­ment dans le nom de l’orchestre, mais aus­si dans le respect de son style.

Ce respect est peut-être une autre expli­ca­tion, avec sa mort gardeli­enne, du fait que Mader­na n’est pas tombé dans l’oubli. Les ver­sions bril­lantes étaient bien adap­tées aux années 60–70, années où la danse était passé au sec­ond plan.

Selec­ción de Osmar Mader­na 1968 (Pot­pour­ri) — Orques­ta Sím­bo­lo “Osmar Mader­na” dir. Aquiles Rog­gero.

Encore dix ans plus tard, une autre ver­sion de Escalas en azul. Ce pot­pour­ri com­porte trois titres com­posés par Mader­na ; Escalas en azul, Llu­via de estrel­las et Concier­to en la luna. Un DJ facétieux pour­rait en faire une tan­da…
Dans ces trois titres, on recon­naît la prépondérance du piano, comme dans les enreg­istrements de Mader­na. La tâche de Orlan­do Tripo­di a été de con­tin­uer à faire vivre le style de jeu si par­ti­c­uli­er de Mader­na.

Ce titre, comme la plu­part des enreg­istrements de Mader­na, n’est pas des­tiné à la danse, tout comme son célèbre vol du bour­don (El vue­lo del moscardón) qu’il a adap­té de l’œuvre de Niko­lai Rim­sky-Kor­sakov et que je vous pro­pose d’écouter pour ter­min­er ce petit hom­mage à Osmar Mader­na.

El vue­lo del moscardón 1946-05-13 — Orques­ta Osmar Mader­na.

Dans ce thème, le piano est le bour­don qui volette et la sen­sa­tion de rapid­ité est encore plus vive que dans notre tan­go du jour. L’orchestre est moins présent pour don­ner tout son envol au bour­don à dents blanch­es et noires.

El vue­lo del moscardón

À bien­tôt, les amis !

Mentías (vals) 1937-04-01 — Orquesta Juan D’Arienzo

Juan Carlos Casaretto Letra: Alfredo Navarrine

J’ai reçu ce matin un mes­sage d’un organ­isa­teur de milon­ga me deman­dant quelle valse pro­pos­er pour un anniver­saire, avec la con­trainte que ce soit une valse du mois de jan­vi­er vu que l’anniversaire était aujourd’hui. J’ai pro­posé cette valse, Men­tías, pour deux raisons. La pre­mière est que c’est une valse qui cor­re­spond bien à l’occasion et la sec­onde est que sa date d’enregistrement coïn­cide avec la date de nais­sance de la danseuse à fêter. Je te dédi­cace donc, Mar­tine de Saint-Pierre (La Réu­nion), cette valse, en te souhai­tant un excel­lent anniver­saire.

Extrait musical

Disque RCA Vic­tor (38 138 face B) de Men­tías… Le numéro de matrice 93549 est indiqué à gauche de l’axe. Sur la face A (38 138‑A) il y a El apronte, enreg­istré juste avant, le même jour, avec le numéro de matrice 93548–1.
Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Cette valse com­mence sur un rythme rapi­de, avec une intro­duc­tion au piano par Rodol­fo Bia­gi, qui pro­posera de nom­breuses ponc­tu­a­tions et tran­si­tions légères (comme la pre­mière à 13s).
Durant toute la pre­mière par­tie (jusqu’à 28s), tous les instru­ments sont au ser­vice du rythme.
Ensuite, les ban­donéons s’individualisent pour la par­tie B et ensuite cèdent le pas aux mag­nifiques vio­lons.
À 1:50, la vari­a­tion apporte une impres­sion de vitesse, sans toute­fois chang­er le tem­po, sim­ple­ment, comme le fait presque sys­té­ma­tique­ment D’Arienzo, en sub­di­visant les temps en employ­ant des dou­ble-croches au lieu de croches.
Le rythme rapi­de, mais sans exagéra­tion et la fin somme toute tran­quille, laisse la place à des titres plus énergiques pour ter­min­er la tan­da dans une explo­sion.
Ce titre est un bon pre­mier titre, ce qui ren­force ma con­vic­tion qu’il peut faire l’affaire pour un anniver­saire.

Paroles

Mis ojos te grabaron en mi mente
Bajaste de la mente al corazón,
La flor del corazón se abrió en lati­dos
¡Lati­dos que acu­naron nue­stro amor!
Amor que flo­recía con tus besos
Tus besos encubrían la traición,
Traición que me val­ió la cruz del llan­to
¡Y el llan­to por mis ojos te arro­jó!

¡Men­tías…!
Con cari­cias… estu­di­adas…
¡Cin­is­mo…!
Del car­iño desleal…
Jurabas
Por tu dios y por tu madre…
¡Mira si no es crim­i­nal!
Los seres
Que han mata­do y se red­i­men,
Mere­cen el olvi­do y el perdón…
Cien vidas
No podrán bor­rar tu crimen
¡Asesinar la ilusión!

Y aho­ra que mi vida está vacía
Ancla­da en un silen­cio sin dolor,
Gol­pea el ald­abón de tu recuer­do
Las puer­tas de mi pobre corazón…
Ya es tarde para unir idil­ios rotos
Mire­mos cara a cara la ver­dad,
No vuel­vas a ron­dar por mi car­iño
¡Que el sueño que se fue no tor­na más!
Juan Car­los Casaret­to Letra: Alfre­do Navar­rine

Traduction libre des paroles

Mes yeux t’ont gravé dans mon esprit, tu es descen­due de l’e­sprit au cœur, la fleur du cœur s’est ouverte en pal­pi­tant.
Des bat­te­ments de cœur qui ont bercé notre amour !
L’amour qui s’est épanoui avec tes bais­ers. Tes bais­ers ont cou­vert la trahi­son, la trahi­son qui m’a valu la croix des pleurs.
Et les larmes à tra­vers mes yeux t’ont rejetée !

Men­songes…!
Avec des caress­es… Étudiées…
Cynisme…!
D’af­fec­tion déloyale…
Tu as juré par ton dieu et par ta mère…
Vois si ce n’est pas crim­inel !
Les êtres qui ont tué et se sont rachetés méri­tent l’ou­bli et le par­don…
Cent vies ne pour­ront pas effac­er ton crime
Tuer l’il­lu­sion !

Et main­tenant que ma vie est vide, ancrée dans un silence indo­lore, le heur­toir de ton sou­venir frappe les portes de mon pau­vre cœur…
Il est trop tard pour unir des idylles brisées. Regar­dons la vérité face à face, ne reviens pas à chercher mon amour.
Car le rêve qui est par­ti ne revient pas !

On notera que les paroles sont très moyen­nement adap­tées à une fête d’anniversaire. Cepen­dant, cela ne dérange pas, car elles ne sont pas enreg­istrées et la musique les dément totale­ment.

Juan Carlos Casaretto y Alfredo Navarrine

Le com­pos­i­teur de cette valse, Juan Car­los Casaret­to n’est con­nu que pour un seul autre titre, un tan­go, Chi­clana y Boe­do (avec J. Tre­viño, encore plus incon­nu). Il en existe un enreg­istrement tardif par Enrique Rodriguez et Rober­to Flo­res, mais ce n’est pas pour la danse.
Alfre­do Navar­rine (Pig­meo), en revanche, est à la tête d’une riche pro­duc­tion. Avec son frère, Julio Plá­ci­do Navar­rine, il a fourni bon nom­bre de titres de tan­go.

Des frères Alfredo et Julio Navarrine :

  • Alar­i­dos 1942
  • Jua­na 1958
  • Mil nove­cien­tos trein­ta y siete 1937 (plus José Domin­go Péco­ra)
  • Lechuza 1928
  • Oiga ami­go 1933
  • Sos de Chi­clana 1947 (plus Rafael Rossa)
  • Tril­la e recuer­dos

De Julio Navarrine :

  • A la luz del can­dil 1927
  • Bar­cos amar­ra­dos
  • Catorce pri­mav­eras
  • El anil­li­to de pla­ta
  • El vina­cho Milon­ga
  • La piba de los jazmines
  • Oiga ami­go
  • Oro muer­to (Jirón porteño) 1926
  • Por qué no has venido 1926
  • Qué quieren yo soy así Milon­ga
  • Tra­go amar­go 1925

De Alfredo Navarrine :

  • Agüi­ta e luna
  • Ayer y hoy 1939
  • Ban­do­neones en la noche
  • Bar­rio reo 1927
  • Brindis de olvi­do 1945
  • Can­ción del reloj
  • Can­to estrellero 1943
  • Cieli­to del porteño 1950
  • Como una flor 1947
  • Con licen­cia 1955
  • Corazón en som­bras 1943
  • Curiosa
  • Desvíos
  • Escarmien­to 1940
  • Escúcheme, gringo ami­go 1944
  • Esmer­al­da
  • Estam­pa rea 1953
  • Este amor 1938
  • Falsedad 1955
  • Fea 1925
  • Gaji­to de cedrón 1973 Can­ción criol­la
  • Gal­le­gui­ta 1925
  • He per­di­do un beso 1940
  • Humil­dad 1938
  • La condi­ción 1946
  • La Fed­er­al
  • Lati­do porteño
  • Luna pam­pa 1951
  • Men­tías 1941 (Notre valse du jour)
  • Milon­ga de un argenti­no 1972
  • No nos ver­e­mos más 1939
  • Noche de pla­ta 1930 (Vals)
  • Noc­turno inútil 1941
  • Ojos en el corazón 1945
  • Ojos tristes 1939
  • Pajara­da 1945
  • Qué lin­da es la vida
  • Rancherian­do
  • Res­i­gnación
  • Ron­da de sueños 1944
  • Rosas negras 1942
  • San­gre porteña 1946
  • Sé hom­bre
  • Señor Juez 1941
  • Señue­lo 1977
  • Serenidad 1946
  • Tamal 1975
  • Tan­go lin­do
  • Tan­go para un mal amor 1948
  • Tata Dios 1931
  • Tor­caci­ta
  • Tucumana (Zam­ba)
  • Tucumano 1961
  • Vidali­ta
  • Yo era un corazón 1939
  • Yunque 1953

Autres versions

Il n’y a pas d’autre ver­sion de notre valse du jour, Il est assez curieux de voir la frilosité des orchestres con­tem­po­rains pour enreg­istr­er des valses. Ils nous don­nent des dizaines de ver­sions de quelques tan­gos, mais très peu de valses ou de milon­gas.
Si cette valse n’a pas été enreg­istrée par la suite, nous avons un tan­go du même titre com­posé par Juan de Dios Fil­ib­er­to avec des paroles de Milon E. Muji­ca.
Je vous pro­pose deux enreg­istrements de celui-ci et on ter­min­era par la valse du jour.

Men­tías 1923 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Un enreg­istrement acous­tique. Bien sûr on réserve cela pour l’écoute et pas pour le bal.

Men­tías 1927-10-20 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Une jolie ver­sion. C’est assez léger et pas trop mar­qué en canyengue intense… Cela reste cepen­dant un peu monot­o­ne, mais le joli vio­lon de Cayetano Puglisi, déli­cieuse­ment lar­moy­ant, fait par­don­ner cela.

Men­tías 1937-04-01 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Men­tías 1937-04-01 (vals) — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre valse du jour. On ter­mine avec énergie.

La tradition de la valse d’anniversaire

Il est des tra­di­tions dont on ne con­naît pas vrai­ment l’origine. La valse d’anniversaire dans les milon­gas en fait sans doute par­tie. Il se peut aus­si que ce soit une igno­rance de ma part.
Voici ce qui me sem­ble à peu près véri­fi­able.

La valse des mariés

Un peu partout dans le monde, les nou­veaux mar­iés ouvrent le bal, par une valse, ce qui assure à cer­tains pro­fesseurs de danse une petite rente. Ils met­tent en scène une petite choré­gra­phie, les mar­iés l’apprennent par cœur et le jour de la noce, ils émer­veil­lent les invités et la famille, soigneuse­ment anesthésiés au préal­able par la richesse du repas et des alcools servis.

La valse des 15 ans

Plus spé­ci­fique­ment en Amérique latine, il y a la tra­di­tion des 15 ans des jeunes filles/femmes.
Cette céré­monie, peut-être issue des cul­tures pré­colom­bi­ennes, per­dure de nos jours avec des formes, sou­vent très élaborées. Il existe des bou­tiques de robes spé­ciales pour les 15 ans, des maîtres de céré­monie et des vidéastes spé­cial­isés.
Ce sont des fêtes fort coû­teuses et les familles s’endettent bien plus pour les quinze ans que pour le mariage.
Cette tra­di­tion évolue, mais en général, la jeune femme est présen­tée par le père (ou par­rain) et effectue avec lui une valse, puis, les amis d’enfance, éventuels pré­ten­dants et autres, dansent avec la quinceañera (jeune femme de 15 ans). Voir l’article de Wikipé­dia pour des élé­ments plus con­crets.
En Europe, chez les puis­sants, on peut trou­ver une céré­monie par­al­lèle, le bal des débu­tantes.

La valse d’anniversaire des tangueros

Vous avez recon­nu l’organisation de la valse d’anniversaire telle qu’elle se pra­tique dans les milon­gas.
À ce sujet, il existe plusieurs façons de faire et beau­coup d’organisateurs ne souhait­ent pas qu’on « perde » du temps à cette man­i­fes­ta­tion. D’autres, comme celui qui m’a com­mandé la valse ce matin, mar­quent plus d’attention pour cette tra­di­tion.
En Argen­tine, les amis tangueros fêtent l’anniversaire à la milon­ga. Ils réser­vent une table et c’est une des occa­sions où il est autorisé d’apporter de la nour­ri­t­ure de l’extérieur. En général, un gâteau qui ferait tomber en syn­cope un nutri­tion­niste, il n’y a jamais trop de crème et de sucre. Le « cham­pagne » local, qui lui est celui ven­du dans la milon­ga, par­ticipe à la fête, ain­si que sou­vent, des déguise­ments et autres fan­taisies.
En Europe, cela se fait moins, on pense que le temps pris pour fêter l’anniversaire est du temps per­du pour les danseurs. C’est un peu vrai, mais c’est aus­si oubli­er la dimen­sion sociale du tan­go. Nous sommes une com­mu­nauté et c’est impor­tant de la ren­forcer par des mar­ques d’amitié. Le tan­go n’est pas un club de gym où on fait son entraîne­ment avec des écou­teurs sur les oreilles. On par­le, on chante et on partage.
Comme DJ, il est impor­tant d’aider à trou­ver l’équilibre. Si l’organisateur refuse que l’on fête un anniver­saire, je me con­tente d’une dédi­cace avant la tan­da de valse. Libre aux danseurs qui le souhait­ent d’organiser un moment con­vivial.
Lorsque c’est l’organisateur qui le demande, il y a plusieurs pos­si­bil­ités. Par­fois, tous les danseurs/danseuses veu­lent danser avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire. Dans ce cas, il se forme une immense file et ils refuseront d’aller danser avec quelqu’un d’autre tant qu’ils n’auront pas réus­si à partager quelques sec­on­des de valse. Par­fois, cela dure toute la tan­da.
Cela peut être effec­tive­ment frus­trant pour ceux qui ne danseront pas avec la per­son­ne dont c’est l’anniversaire (les femmes, si c’est une femme qui fête son anniver­saire, ou les hommes dans le cas con­traire). Cela risque de faire baiss­er l’énergie dans le bal et à moins que l’ambiance soit très ami­cale, je pense que cette organ­i­sa­tion est à éviter.
Plus intéres­sante est la mise en place d’un dou­ble par­cours. On invite le héros de soirée à se plac­er au cen­tre de la piste et les parte­naires intéressés s’alignent. Les autres danseurs peu­vent les entour­er en dansant autour. Je trou­ve cela assez sym­pa­thique et cela ne frus­tre ni les stakhanovistes du bal ni les amis qui souhait­ent partager quelques sec­on­des de danse avec la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Il me sem­ble qu’il est intéres­sant de pro­pos­er cette organ­i­sa­tion, ce que peut faire le DJ avec l’accord de l’organisateur, ou l’organisateur, de son pro­pre chef. Pour bien met­tre en valeur l’anniversaire, on peut réserv­er une par­tie du pre­mier thème au seul anniver­saire et rem­plir pro­gres­sive­ment la piste. S’il y a beau­coup de pré­ten­dants, cela peut impli­quer de réserv­er tout le pre­mier titre de la tan­da à la per­son­ne qui fête son anniver­saire.
Comme DJ qui aime pro­pos­er des valses, je pro­pose, en plus de la valse d’anniversaire, une tan­da com­plète. Cela per­met aux danseurs qui ont par­ticipé au manège de danser avec un autre parte­naire. La tan­da fera donc au moins qua­tre valses, voire cinq, si je suis sur un régime de tan­das de 4 et que le pre­mier titre a été entière­ment util­isé pour souhaiter l’anniversaire.
Les danseurs qui vont inviter la per­son­ne dont c’est l’anniversaire ne doivent pas hésiter à faire un peu de spec­ta­cle. Pas dans la façon de danser (ils doivent au con­traire, être aux petits soins pour le parte­naire), mais dans la manière de pren­dre son tour (ou de le don­ner). Cela apporte une dis­trac­tion à ceux qui ne par­ticipent pas.
Dans mon ancien pro­fil Face­book, mal­heureuse­ment fer­mé pour d’obscures raisons, j’avais réal­isé une vidéo en direct où les danseurs qui s’étaient mis en file indi­enne se sont mis à se bal­ancer en rythme d’un pied sur l’autre. Ce fut un superbe moment, tous les hommes de l’événement se bal­ançant d’une même cadence, dans l’attente de partager quelques sec­on­des de bal.

Men­tías. L’illustration n’est pas exacte­ment fidèle au texte, mais plutôt à la musique et surtout, elle évoque l’utilisation que j’en pro­pose, une valse d’anniversaire.

Heureux anniver­saire Mar­tine !

À bien­tôt les amis !

La rumbita candombe 1942-12-29 — Orquesta Juan D’Arienzo con Héctor Mauré

Osvaldo Novarro; Tito Luar (Raúl Fortunato) Letra: Mario Battistella

Pourquoi une femme noire ten­ant un bon­go sur plan de sur­feurs hawaïens ? Comme vous vous en doutez, j’ai une expli­ca­tion. Alors par­tons à la décou­verte de la Rumbi­ta can­dombe, un curieux mariage qui a fêté ses noces de chêne et qui con­tin­ue de faire bouger les danseurs d’aujourd’hui.

Extrait musical

La rumbi­ta can­dombe 1942-12-29 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré.

Comme l’indique le titre, on recon­naît rapi­de­ment un rythme de rum­ba. J’écris « un » rythme de rum­ba, car il y a en a des dizaines. His­torique­ment, la rum­ba est orig­i­naire de Cuba où elle a été mêlée avec divers­es dans­es, notam­ment d’origine africaine. Cela se recon­naît par la com­plex­ité des rythmes qui sont loin des rythmes cod­i­fiés en Europe. Il n’est qu’à deman­der à un danseur européen moyen de faire son­ner le clave de la sal­sa en rythme, pour voir à quel point c’est hors de sa cul­ture.
N’étant pas moi-même un spé­cial­iste de la rum­ba, j’ai essayé de déter­min­er le type de rum­ba util­isée dans cette com­po­si­tion. Par­mi la cen­taine de pos­si­bil­ités, je trou­ve que la rum­ba yam­bu (une des trois prin­ci­pales rum­bas cubaines) est un assez bon can­di­dat.

La rumbi­ta can­dombe de D’Arienzo et Mau­ré que j’ai mixé avec un rythme de rum­ba yam­bu.

Bien sûr, la ver­sion de D’Arienzo est un peu par­ti­c­ulière et il a mis en avant le plaisir des danseurs de milon­ga en prenant plus de lib­ertés par rap­port au rythme orig­i­nal que les autres inter­pré­ta­tions. On notera, par exem­ple, une cadence bien plus rapi­de.

Le Général Juan Manuel de Rosas assis­tant à une man­i­fes­ta­tion de can­dombe vers 1838 assis­tant à une man­i­fes­ta­tion de can­dombe vers 1838.

De Rosas avait une trentaine d’esclaves, mais il était plutôt sym­pa avec eux et les esclaves qui avaient fui le Brésil le con­sid­éraient comme un libéra­teur. On voit qu’il a un homme noir sur le siège à son côté, ce qui doit prob­a­ble­ment témoign­er de sa prox­im­ité. On remar­quera les tam­bours du can­dombe. Le pein­tre, Martín Boneo s’est représen­té avec son épouse, debout à l’arrière de De Rosas. La fille du cou­ple (Manueli­ta) est en rouge au côté de l’homme noir assis.

Paroles de la version de Juan D’Arienzo et Héctor Mauré

Les dif­férentes ver­sions dis­posent de paroles légère­ment dif­férentes. Celles de l’en­reg­istrement de D’Arienzo et Mau­ré sont les plus diver­gentes par rap­port aux paroles orig­i­nales. J’indiquerai, en fin d’article, les paroles orig­i­nales et don­nerai quelques indi­ca­tions pour les autres ver­sions.

Presten todos aten­ción
Que ya empezó
Y a virutear esta milon­ga
Que el rey negro bau­ti­zo

No es su cuna el arra­bal
Negro y cumbe

Por eso es que
Todos le dicen
La milon­ga can­dombe

Ae ae ae ae
Ae ae ae ae

A bailar a can­tar
A seguir sin parar

Ae ae ae ae
Ae ae ae ae

Que se va y se fue
La milon­ga can­dombe.

Osval­do Novar­ro; Tito Luar (Raúl For­tu­na­to) Letra: Mario Bat­tis­tel­la

Traduction libre de la version de Juan D’Arienzo et Héctor Mauré

Prêtez tous atten­tion.
Ça a déjà com­mencé et pour virutear (référence à la viru­ta et l’usure du planch­er) cette milon­ga que le roi noir a bap­tisée.
Ce n’est pas son berceau les faubourgs
Noir et cumbe (esclaves noirs ayant fui et vivant libres)
C’est pourquoi tous l’ap­pel­lent la milon­ga can­dombe
Ae ae ae ae
À danser, à chanter
À con­tin­uer sans s’ar­rêter,
Ae ae ae ae
Car elle s’en va et est par­tie
La milon­ga can­dombe.

Autres versions

Je com­mence par les auteurs de la musique, Osval­do Novar­ro et Tito Luar.

La rumbi­ta can­dombe 1942-06-02 — Hawai­ian Ser­e­naders con Osval­do Novar­ro.

Les Hawai­ian Ser­e­naders est un groupe argentin, mal­gré ce que pour­rait laiss­er penser son nom. Il fut act­if durant une ving­taine d’années après sa créa­tion en 1940 par le chanteur Osval­do Novar­ro (Héc­tor Vil­lanue­va) asso­cié à Tito Luar (Raúl For­tu­na­to) (Directeur d’orchestre, trom­bon­iste et vio­loniste) et auteurs de la musique de notre titre du jour.
Les deux hommes étaient d’origine vénézuéli­enne, pas l’ombre d’un Hawaïen dans l’histoire.

À l’o­rig­ine du groupe Hawai­ian ser­e­naders, un groupe de musique hawaïenne mené par Osval­do Novar­ro dans les années 30.

À ce sujet, il est amu­sant de not­er qu’il y a eu un autre groupe nom­mé The Hawai­ian Ser­e­naders, mais qu’ils étaient Grecs et étaient dirigés par Felix Mendelssohn (prob­a­ble­ment un pseu­do­nyme…). Je ne résiste pas à la ten­ta­tion de vous présen­ter une de mes 600 cumpar­si­tas par ces Grecs « hawaïens »…

La cumpar­si­ta 1941 — Felix-Mendelssohn & His Hawai­ian Ser­e­naders.

Les sonorités sont beau­coup plus hawaïennes que pour le groupe argentin…

La rumbi­ta can­dombe 1942-12-29 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Héc­tor Mau­ré. C’est notre titre du jour.
La rumbi­ta can­dombe 1943-06-28 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Oscar Ser­pa.

Oscar Ser­pa et surtout l’interprétation mag­nifique de Frese­do fait que cette ver­sion peut très bien être pro­posée en bal, même si peu de DJ s’y risquent.

La negri­ta can­dombe (La rumbi­ta can­dombe) 1943-07-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán.

La ver­sion de Canaro est sans doute celle qui est la plus con­nue. Son rythme assez calme respecte mieux, que la ver­sion de D’Arienzo, le rythme de la rum­ba. Comme il en a l’habitude et grâce à ses per­cus­sion­nistes de son orchestre de jazz, Canaro peut pro­pos­er une intro­duc­tion au tam­bour et une orches­tra­tion un peu dif­férente.

Paroles de la version originale

Presten todos aten­ción
Que va a empezar,
Esta será la nue­va dan­za
Que ten­dremos que bailar…
Fue su cuna la ilusión
El cabaré
Por eso es que la lla­mamos
La rumbi­ta can­dombe.

(Estri­bil­lo)
Ae, ae, ae, ae
Ae, ae, ae, ae (coro)
A bailar, a can­tar
A seguir sin parar,
Ae, ae, ae, ae
Ae, ae, ae, ae (coro)
Ya se va, ya se fue
La rumbi­ta can­dombe.

El autor de su com­pás
Es un bongó,
Que se enam­ora­do de una milon­ga
Un domin­go se casó
Y es por eso que al vibrar,
Sen­ti­men­tal su rit­mo es
Mez­cla de rum­ba
Y can­dombe fed­er­al.
Osval­do Novar­ro; Tito Luar (Raúl For­tu­na­to) Letra: Mario Bat­tis­tel­la

Traduction libre des paroles de la version originale

Prêtez tous atten­tion.
Ça va com­mencer,
Ce sera la nou­velle danse que nous devrons danser…
Son berceau était l’il­lu­sion, le cabaret, c’est pour ça qu’on l’ap­pelle, la rumbi­ta can­dombe.

(Refrain)
Ae, ae, ae, ae
Ae, ae, ae, ae (chœur)
À danser, à chanter
À con­tin­uer sans s’ar­rêter,
Ae, ae, ae, ae (chœur)
Déjà elle s’en va, déjà elle est par­tie
La rumbi­ta can­dombe.

L’au­teur de son rythme est un bon­go, qui est tombé amoureux d’une milon­ga.
Un dimanche, il s’est mar­ié et c’est pourquoi, lorsqu’il vibre, sen­ti­men­tal, son rythme est un mélange de rum­ba et de can­dombe fédéral.

Paroles de la version de Canaro et Roldán

Presten todos aten­ción
Que va a empezar,
Esta será la nue­va dan­za
Que ten­dremos que bailar…
Fue su cuna la ilusión
Que le dio fe,
Por eso es que la lla­mamos
La negri­ta can­dombe.

Así, así, así, así
Así, así, así, así (coro)
A bailar, a can­tar
A seguir sin parar,
Así, así, así, así (coro)
Ya se va, ya se fue
La negri­ta can­dombe.

El autor de su com­pás
Es un bongó,
Que al arrib­ar a la Argenti­na
De una criol­la se prendó…
Y es por eso que al vibrar,
Sen­ti­men­tal su rit­mo es
Mez­cla de rum­ba
Y can­dombe fed­er­al.

Osval­do Novar­ro; Tito Luar (Raúl For­tu­na­to) Letra: Mario Bat­tis­tel­la (y?)

Traduction libre de la version de Canaro et Roldán

C’est pourquoi nous l’ap­pelons
La negri­ta can­dombe.
(La rumbi­ta est passée de la musique, petite rum­ba à une negri­ta, petite femme noire).
Comme ceci, comme cela, comme cela
(con­traire­ment aux autres ver­sions, Roldán chante “así” et pas “ae”).
Comme ceci, comme ça, comme ça
Danser, chanter
Pour con­tin­uer sans s’ar­rêter,
Comme ceci, comme ça, comme ça
Déjà elle s’en va, déjà elle est par­tie
La negri­ta can­dombe.
L’au­teur de son rythme est un bon­go, qui à son arrivée en Argen­tine, d’une créole, est tombé amoureux…
(la local­i­sa­tion en Argen­tine et la men­tion d’une créole ancrent la chan­son. Canaro était Uruguayen de nais­sance et les esclaves étaient en grande par­tie orig­i­naires du Brésil, et bien sûr d’Afrique avant).
Et c’est pourquoi, quand il vibre, sen­ti­men­tal, son rythme est un mélange de rum­ba et de can­dombe fédéral.

Quelques éléments sur la milonga candombe

Même si le pro­pos de Osval­do Novar­ro et Tito Luar était de créer un nou­veau rythme à base de rum­ba en le mix­ant avec des rythmes de can­dombe, cette expéri­men­ta­tion qui n’a pas don­né d’autres musiques est con­tem­po­raine de l’apparition de la milon­ga can­dombe.
En effet, on attribue à Sebastián Piana la mise en forme de la milon­ga can­dombe.
Sa pre­mière milon­ga can­dombe est Pena mula­ta (écrite en 1940).

Pena mula­ta 1941-02-18 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no (Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi).

C’est le plus ancien enreg­istrement de milon­ga can­dombe. Amis DJ, si vous avez une milon­ga can­dombe d’avant 1940, c’est sûre­ment un can­dombe ou un autre rythme… Ce n’est pas inter­dit de le pass­er, mais prenez vos pré­cau­tions pour ne pas met­tre en dif­fi­culté les danseurs qui sont sou­vent moins à l’aise avec les milon­gas can­dombe et qui peu­vent être totale­ment per­dus avec des can­dombes.

Aleluya 1943-12-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán (Sebastián Piana Letra: Cátu­lo Castil­lo).

Et une ver­sion par Piana lui-même :

Aleluya 1944 — Sebastián Piana con Jorge Demare.

Une ver­sion brute, un peu rugueuse, mais qui fait bien sen­tir les orig­ines de l’inspiration de Piana.

Les titres apparentés au candombe, composés par Sebastián Piana

• Juan Manuel 1934 — Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi (Milon­ga fed­er­al)
• Pena mula­ta 1940 — Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi (Mar­cha can­dombe)
• Car­navalera 1941 — Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi (Milon­ga can­dombe)
• Papá Bal­tasar 1942 — Sebastián Piana Letra: Home­ro Manzi (Milon­ga can­dombe)
• Aleluya 1944 — Sebastián Piana Letra: Cátu­lo Castil­lo (Milon­ga negra)
• Ahí viene el negro Raúl 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (Tan­go can­dombe)
• Cal­abú 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (Can­ción de cuna can­dombe)
• El vende­dor de velas 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe pregón)
• Hue­vi­tos de olor 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe pregón)
• La aceitu­na del negro 1973 — Sebastián Piana — Letra: León Benarós (can­dombe pregón)
• La cri­a­da de misia Jovi­ta 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe)
• La mule­cona 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe)
• Loren­zo Bar­cala 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe)
• Marycham­bá ‑1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe)
• Matan­do hormi­gas 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe pregón)
• Sol­dao, pelo col­orao 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe)
• Tomá pa’ shu­ca 1973 — Sebastián Piana Letra: León Benarós (can­dombe)
• Carum­baié — Sebastián Piana Letra: Julián Centeya (Milon­ga can­dombe)
• Jac­in­to ret­into — Sebastián Piana Letra: Maria Luisa Car­nel­li (Milon­ga can­dombe)
• Pastel­era — Sebastián Piana Letra: Cátu­lo Castil­lo (Milon­ga negra)
• Se casa el negri­to — Sebastián Piana Letra: Maria Luisa Car­nel­li (Milon­ga can­dombe)

Pour ter­min­er, un peu de théorie musi­cale du can­dombe avec les jeux des tam­bours.
Pour la par­tie can­dombe, c’est un peu plus facile, car nous sommes plus accou­tumés à ces rythmes.
Le can­dombe utilise trois types de tam­bours :
Tam­bor chico
https://youtu.be/p2CL5-Ok4SI
Tam­bor repique
https://www.youtube.com/watch?v=VwxzY1fgrUw&t=96s
Tam­bor piano
https://youtu.be/K77E_k0S_q8
Les trois tam­bours jouant ensem­ble :

Les trois types de tam­bours du can­dombe, de gauche à droite : Tam­bor repique, tam­bor chico, tam­bor piano et un autre tam­bor chico.

Et les surfeurs ?

Ah oui, j’allais oubli­er. Mais vous avez sans doute dev­iné.
La femme noire, c’est la negri­ta de Canaro, le tam­bor chico qu’elle tient dans les mains, c’est le can­dombe et les sur­feurs et l’exocet, c’est une par­tie d’une affiche de 1940 pour Hawaï.

Une affiche pub­lic­i­taire pour Hawaï de la Pan Amer­i­can Air­ways.

Le surf à Hawaï sem­ble être une très vieille activ­ité, comme en témoigne James Cook en 1779.

Duke Kahanamoku en 1910.

À l’époque, les îles s’appelaient Îles Sand­wich, nom qu’avait don­né Cook en l’honneur de John Mon­tagu de Sand­wich, l’inventeur du sand­wich. Atten­tion, il ne faut pas les con­fon­dre avec les Îles Sand­wich du Sud, revendiquées, comme les Îles Mal­ouines, par l’Argentine…

Le dernier état des USA (Hawaï) dans l’hémis­phère Nord et les Îles Sand­wich du Sud, revendiquées par l’Ar­gen­tine.

À bien­tôt les amis !

Misa criolla y Navidad nuestra — Ariel Ramírez, Los Fronterizos y la Cantoría de la Basílica del Socorro

Ariel Ramírez Letra: Felix Luna

N’ayant pas de tan­go enreg­istré un 25 décem­bre, je vous pro­pose de nous intéress­er à une des com­po­si­tions les plus célèbres d’Argentine, la Misa criol­la.
On par­le de Misa criol­la, mais en le faisant on risque d’occulter la face B du disque qui com­porte une autre com­po­si­tion d’Ariel Ramírez et Felix Luna, Navi­dad nues­tra. C’est cette œuvre qui est de cir­con­stance en ce 25 décem­bre 2024, 60 ans après sa créa­tion.
Ce fut mon pre­mier disque, offert par ma mar­raine, j’ai donc une affec­tion par­ti­c­ulière pour ces deux œuvres.

Misa criolla et Navidad nuestra – Extraits musicaux

Ariel Ramírez s’est inspiré de rythmes tra­di­tion­nels de son pays (mais pas que) pour com­pos­er les cinq œuvres qui com­posent la Misa criol­la (Face A) et les six qui con­stituent Navi­dad nues­tra (Face B).
J’ai ajouté quelques élé­ments sonores en illus­tra­tion. Ils ne sont pas précédés de la let­tre A ou B qui sont réservées aux faces A et B du disque d’origine.

À gauche, le disque sor­ti en Argen­tine en 1965. cette cou­ver­ture restera la même pour les édi­tions argen­tines ultérieures. Au cen­tre, une édi­tion française. Elle utilise l’il­lus­tra­tion de la pre­mière édi­tion (1964) et qui a été éditée en Nou­velle-Zélande. Mon disque por­tait cette illus­tra­tion et pas celle de l’édition argen­tine, postérieure d’un an.

Misa criolla

A1: Misa Criol­la — Kyrie — Vidala-Baguala La vidala et la baguala sont deux expres­sions chan­tées du Nord-Ouest de l’Argentine accom­pa­g­nées d’une caja.
Une caja qui accom­pa­gne le chant de la Videla et de la baguala.
Baguala Con mi caja can­tar quiro.

On recon­naît la caja qui est frap­pée sur un rythme ter­naire, mais seule­ment sur deux des trois temps, créant ain­si un temps de silence dans la per­cus­sion.
Cela donne une dimen­sion majestueuse à la musique. Ariel Ramírez utilise ce rythme de façon par­tielle. On l’entend par exem­ple dans le pre­mier chœur, dans les silences du chant.

A2: Misa Criol­la — Glo­ria — Car­naval­i­to-Yar­avi.

Pour créer un thème en con­traste, Ariel Ramírez utilise deux rythmes dif­férents, égale­ment du Nord-Ouest. Le car­naval­i­to allè­gre et enjoué et le yar­avi, plus calme, très calme, fait de longues phras­es. Le yar­avi est triste, car util­isé dans les rites funéraires. Il s’oppose donc au car­naval­i­to, qui est une danse de groupe fes­tive. Vous recon­naîtrez facile­ment les deux rythmes à l’écoute.

A3: Misa Criol­la — Cre­do — Chacar­era Trun­ca.

Vous recon­naîtrez facile­ment le rythme de la chacar­era. Ici, une chacar­era sim­ple à 8 com­pas­es. Même si elle est trun­ca, vous pour­riez la danser, la trun­ca est juste une dif­féren­ci­a­tion d’accentuation des temps. Ariel Ramírez, cepen­dant, ne respecte pas la pause inter­mé­di­aire, il préfère don­ner une con­ti­nu­ité à l’œuvre.

A4: Misa Criol­la — Sanc­tus — Car­naval Cochabam­bi­no.

Encore un rythme cor­re­spon­dant à une danse fes­tive, même si Ariel Ramírez y inter­cale des pas­sages d’inspiration plus religieuse. On notera que cette forme de car­naval n’est pas argen­tine, mais bolivi­enne.

A5: Misa Criol­la — Agnus Dei — Esti­lo Pam­peano.

Le Esti­lo n’est pas exacte­ment un rythme par­ti­c­uli­er, car il mélange plusieurs gen­res. C’est une expres­sion de la pam­pa argen­tine. Après le motif du départ en intro­duc­tion, on remar­que une inspi­ra­tion du Yar­avi. Le clavecin d’Ariel Ramírez apporte une légèreté dans les tran­si­tions.

Navidad nuestra

Com­mence ici la face B et une autre œuvre, con­sacrée à la nais­sance de Jésus, de l’annonciation à la fuite en Égypte.

B1: Navi­dad Nues­tra — La Anun­ciación – Chamame.

Le chamame, cette danse joyeuse et fes­tive, jouée à l’accordéon, est typ­ique de la province de Cor­ri­entes. Cer­tains danseurs européens s’évertuent à danser en milon­ga…

Par­ti­tion de La Anun­ciación, pre­mier thème de la Navi­dad nues­tra.
Milon­ga para as mis­sões — Rena­to Borghet­ti. Oui, c’est un chamamé, pas une milon­ga…
B2: Navi­dad Nues­tra — La Pere­gri­nación — Huel­la Pam­peana.

La huel­la est une danse asso­ciant des tours, des voltes et des zap­ateos, ce qui rap­pellera un peu la chacar­era ou le gato.
La Pere­gri­nación racon­te la quête par Jose et Maria (Joseph et Marie) d’un endroit pour la nais­sance de Jésus. Ils sont dans la pam­pa gelée, au milieu des chardons et orties. Je vous donne en prime la mer­veilleuse ver­sion de la Negra (Mer­cedes Sosa).

La Pere­gri­nación — Mer­cedes Sosa.
B3: Navi­dad Nues­tra — El Nacimien­to — Vidala Cata­mar­que­na.

On retrou­ve le rythme calme de la vidala pour annon­cer la nais­sance.
Je vous pro­pose les paroles ci-dessous.

B4: Navi­dad Nues­tra — Los Pas­tores — Chaya Rio­jana.

Là, il ne s’agit pas d’une musique tra­di­tion­nelle, mais d’une fête qui a lieu à la Rio­ja. La Chaya est une belle Indi­enne qui tombe amoureuse d’un jeune homme coureur de jupons. Celui-ci ignore la belle qui ira s’exiler dans les mon­tagnes. Pris de remords, il décide de la retrou­ver et, finale­ment, il ren­tre à la Rio­ja, se saoule et brûle vif dans un poêle. Tous les ans, la fête célèbre l’extinction du jeune homme en feu avec les larmes de Chaya.
Aujourd’hui, cette anci­enne fête est plutôt un fes­ti­val de folk­lore où se suc­cè­dent dif­férents orchestres.

B5: Navi­dad Nues­tra — Los Reyes Magos – Taki­rari.

Le Taki­rari est une danse bolivi­enne qui a des par­en­tés avec le car­naval­i­to. Les danseurs saut­ent, se don­nent le coude et tour­nent en ronde. C’est donc une musique joyeuse et vive.

B6: Navi­dad Nues­tra — La Hui­da — Vidala Tucumana.

Encore une vidala qui imprime son rythme triste. On sent les pas lourds de l’âne qui mène Marie et Jésus en Égypte. La musique se ter­mine par un decrescen­do qui pour­rait simuler l’éloignement de la fuite.

Voilà, ici se ter­mine notre tour de la Misa criol­la et de la Navi­da nues­tra. On voit que, con­traire­ment à ce qui est générale­ment affir­mé, seuls quelques rythmes du folk­lore argentin sont présen­tés et que deux thèmes sont d’inspiration bolivi­enne.

À propos des paroles

En Argen­tine, qui n’est pas un pays laïque, la reli­gion est impor­tante. Je devrais dire les reli­gions, car, si le catholi­cisme des Espag­nols est impor­tant, il me sem­ble que les évangélistes sont bien plus présents si on en juge par le nom­bre d’églises évangélistes. Les autres reli­gions monothéistes sont égale­ment bien représen­tées dans ce pays qui a accueil­li en masse les juifs chas­sés d’Europe et les nazis. Cette œuvre a d’ailleurs été écrite à la suite du témoignage de deux sœurs alle­man­des ren­con­trées à Würzburg et qui lui ont con­té les hor­reurs de la Sec­onde Guerre mon­di­ale.
On note aus­si en Argen­tine divers­es reli­gions, ou plutôt cultes, comme celui du Gau­chi­to Gil, de Difun­ta Cor­rea ou tout sim­ple­ment de foot­balleurs comme Maradona.
Les paroles de Felix Luna ont été écrites à par­tir de textes liturgiques révisés par Anto­nio Osval­do Cate­na, Ale­jan­dro May­ol et Jesús Gabriel Segade, trois prêtres, dont le dernier était aus­si le directeur de la Can­to­ria de la Basíli­ca del Socor­ro qui a enreg­istré la pre­mière ver­sion avec Ariel Ramírez.
À ce sujet, ce chœur, le deux­ième plus ancien d’Argentine, est en péril à la suite de la perte de son finance­ment. La cul­ture n’est plus à la mode en Argen­tine. Leur dernier con­cert a eu lieu il y a une dizaine de jours pour les 60 ans de la Misa criol­la. Ils recherchent un spon­sor. Si vous avez des pistes, vous pou­vez écrire à panella.giovanni85@gmail.com.

La troupe de la Mis­sa criol­la a fait une tournée en Europe en 1967. L’af­fiche du dernier con­cert de la Can­to­ria de la Basíli­ca del Socor­ro pour les 60 ans de l’œuvre.

Paroles (Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena)

Noche anun­ci­a­da, noche de amor
Dios ha naci­do, péta­lo y flor
Todo es silen­cio y serenidad
Paz a los hom­bres, es Navi­dad

En el pese­bre mi Reden­tor
Es men­sajero de paz y amor
Cuan­do son­ríe se hace la luz
Y en sus brac­i­tos crece una cruz

(Ánge­les can­ten sobre el por­tal)
Dios ha naci­do, es Navi­dad

Esta es la noche que prometió
Dios a los hom­bres y ya llegó
Es Nochebue­na, no hay que dormir
Dios ha naci­do, Dios está aquí
Ariel Ramírez Letra: Felix Luna

Traduction libre de Navidad Nuestra — El Nacimiento — Vidala Catamarquena

Nuit annon­cée, nuit d’amour.
Dieu est né, pétale et fleur.
Tout n’est que silence et sérénité.
Paix aux hommes, c’est Noël
Dans la crèche, mon Rédemp­teur est un mes­sager de paix et d’amour.
Quand il sourit, il y a de la lumière et une croix pousse dans ses bras.
(Les anges chantent au-dessus de la porte), Dieu est né, c’est Noël
C’est la nuit que Dieu a promise aux hommes et elle est déjà arrivée.
C’est la veille de Noël, il ne faut pas dormir, Dieu est né, Dieu est là.

À propos de la première version de la Misa criolla et de Navidad nuestra

Il y a de très nom­breuses ver­sions de la Misa criol­la et de Navi­dad nues­tra. Je vous pro­pose unique­ment de mieux con­naître la ver­sion ini­tiale, celle qui a été enreg­istrée en 1964.

L’orchestre

Ariel Ramírez: Direc­tion générale, piano et clavecin.
Jaime Tor­res: cha­rango.
Luis Amaya, Juanci­to el Pere­gri­no et José Med­i­na: gui­tare criol­la.
Raúl Bar­boza: accordéon pour le chamame «La anun­ciación».
Alfre­do Remus: con­tre­basse
Domin­go Cura: per­cus­sions.
Chango Farías Gómez: bom­bo et acces­soires de per­cus­sion.

Les chanteurs

Les qua­tre chanteurs de Los Fron­ter­i­zos (Ger­ar­do López, Eduar­do Madeo, César Isel­la et Juan Car­los Moreno): chanteurs solistes.
Can­toría de la Basíli­ca del Socor­ro: chœur
Jesús Gabriel Segade: directeur de la Can­toría.

De gauche à droite. La Negra (Mer­cedes Sosa, qui a beau­coup tra­vail­lé avec Ariel Ramírez), Felix Luna (auteur des paroles) et Ariel Ramírez (com­pos­i­teur) au piano et en por­trait à droite.

À bien­tôt les amis. Je vous souhaite de joyeuses fêtes et un monde de paix où tous les humains pour­ront chanter et danser pour oubli­er leurs trist­esses et exprimer leurs joies.

PS : Gérard Cardonnet a fait le commentaire suivant et je trouve cela très intéressant :

« Excel­lent, Bernar­do. Mais s’agis­sant de messe, quand on par­le de com­pos­i­teurs argentins, com­ment ne pas citer la “Misa a Buenos Aires”, dite Mis­a­tan­go, de Mar­tin Palmeri. https://www.choeurdesabbesses.fr/…/la-misatango-de…/ »
Voilà, main­tenant, c’est écrit.

Et comme de bien entendu, j’en rajoute une petite couche avec la réponse :

« Gérard, comme tu l’as remar­qué, c’était plutôt Navi­dad nues­tra qui était d’actualité, Noël étant lié à la nais­sance. J’ai d’ailleurs mis en avant El nacimien­to en en men­tion­nant les paroles.
Pour ce qui est de la Mis­a­tan­go, elle fait claire­ment référence à Piaz­zol­la. Mon pro­pos était de chang­er l’éclairage sur l’Argentine pour par­ler des musiques tra­di­tion­nelles. C’est promis, un de ces jours je met­trais les pieds dans le Piaz­zol­la.
La Mis­a­tan­go est une œuvre superbe. Tu la cites avec beau­coup de rai­son.
J’aurais aus­si pu par­ler de tan­gos de sai­son avec quelques titres qui évo­quent les fêtes de fin d’année comme :
Pour Noël
Nochebue­na
Ben­di­ta nochebue­na
Feliz nochebue­na
El vals de nochebue­na
Navi­dad
Feliz Navi­dad
Navi­dad de los morenos
Can­dombe en Navi­dad
Pour le Jour de l’an
Año nue­vo
Pour les Rois mages (6 jan­vi­er)
Noche de reyes
Un rega­lo de reyes
6 de enero (6 jan­vi­er, jour des Rois mages).
Papa Bal­tasar »

Mano Blanca 1943-12-07 — Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Emilio Balcarce

Arturo De Bassi Letra: Homero Manzi

L’excellent fileteador porteño, Gus­ta­vo Fer­rari, alors que je pas­sais ce titre dans une milon­ga m’a indiqué que ce titre était l’hymne des fileteadores (pein­tres déco­ra­teurs, spé­cial­istes des filets déco­rat­ifs typ­iques de Buenos Aires). Comme j’adore ce tan­go, je le passe assez sou­vent, mais pas for­cé­ment dans la ver­sion du jour, celle d’Alberto Castil­lo qui était égale­ment un fan de ce tan­go comme nous le ver­rons.
J’imagine que vous avez dans l’oreille l’enregistrement des deux anges, D’Agostino et Var­gas. Mais, comme l’anecdote d’avant-hier était avec ces deux inter­prètes, il faut laiss­er de la place aux autres.
C’est d’autant plus impor­tant que Var­gas et D’Agostino sem­ble s’être emparé du titre, lais­sant peu de place à d’autres enreg­istrements. Pour­tant, plusieurs sont intéres­sants.
À not­er que, sur cer­tains dis­ques, on trou­ve Manoblan­ca, en un seul mot. J’ai unifié la présen­ta­tion en Mano Blan­ca, mais les deux orthographes exis­tent

Extrait musical

Mano Blan­ca 1943-12-07 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Emilio Bal­carce.

Bien que ce soit un titre plutôt des­tiné à l’écoute, puisque le disque men­tionne que Alber­to Castil­lo est accom­pa­g­né par son orchestre dirigé par Emilio Bal­carce. Cepen­dant cet enreg­istrement reste tout à fait présentable dans une milon­ga et c’est même presque éton­nant que l’on ne l’entende qua­si­ment jamais.

Par­ti­tion de Mano Blan­ca. Arturo De Bassi Letra: Home­ro Manzi et l’angle de rue où se trou­ve le « musée Manoblan­ca ».

Paroles

Dónde vas car­reri­to del este
cas­ti­gan­do tu yun­ta de ruanos,
y mostran­do en la cha­ta celeste
las dos ini­ciales pin­tadas a mano.

Relu­cien­do la estrel­la de bronce
clavetea­da en la suela de cuero,
dónde vas car­reri­to del Once,
cruzan­do ligero las calles del Sur.

¡Porteñi­to!… ¡Manoblan­ca!…
Vamos ¡fuerza, que viene bar­ran­ca!
¡Manoblan­ca!… ¡Porteñi­to!
¡Fuerza! ¡vamos, que fal­ta un poquito!

¡Bueno! ¡bueno!… ¡Ya sal­imos!…
Aho­ra sigan pare­jo otra vez,
que esta noche me esper­an sus ojos
en la Aveni­da Cen­ten­era y Tabaré.

Dónde vas car­reri­to porteño
con tu cha­ta fla­mante y coque­ta,
con los ojos cer­ra­dos de sueño
y un gajo de ruda detrás de la ore­ja.

El orgul­lo de ser bien queri­do
se adiv­ina en tu estrel­la de bronce,
car­reri­to del bar­rio del Once
que vuelves trotan­do para el cor­ralón.

¡Bueno! ¡bueno!… ¡Ya sal­imos!…
Aho­ra sigan pare­jo otra vez
mien­tras sueño en los ojos aque­l­los
de la Aveni­da Cen­ten­era y Tabaré.
Arturo De Bassi Letra: Home­ro Manzi

Traduction libre des paroles

Où vas-tu petit meneur (con­duc­teur de char­i­ot hip­po­mo­bile) de l’est en punis­sant ton atte­lage de rouans (chevaux de couleur rouanne), et en mon­trant sur la char­rette bleue les deux ini­tiales peintes à la main.
Elle brille l’é­toile de bronze clouée sur le har­nais de cuir. Où vas-tu, petit meneur de Once, en tra­ver­sant rapi­de­ment (légère­ment, peut-être à vide), les rues du Sud.
Porteñi­to… Manoblan­ca… (Ce sont les noms des deux chevaux)
Allons, force, un fos­sé arrive !
Manoblan­ca… Porteñi­to !
Force ! Allons, il reste peu à faire !
Bien ! Bien !… Nous voilà sor­tis (de l’ornière, fos­sé)…
Main­tenant, con­tin­uez ensem­ble à nou­veau, car ce soir, ses yeux m’at­ten­dent sur l’Aveni­da Cen­ten­era et Tabaré. (l’angle de ces deux avenues mar­que “La esquina del her­rero, bar­ro y pam­pa” que le même Home­ro Manzi men­tionne dans son tan­go “Sur”.
Où vas-tu, petit meneur portègne avec ta char­rette flam­boy­ante et coquette, avec les yeux fer­més de som­meil (ou rêve) et un brin de rue (le gajo de ruda est une plante qui est cen­sée éloign­er le mal) der­rière l’or­eille.
La fierté d’être bien aimé se devine dans ton étoile de bronze, petit meneur du quarti­er de Once, car tu reviens en trot­tant au cor­ralón (hangar, garage).
Bien ! Bien !… Nous voilà sor­tis.
Main­tenant, ils con­tin­u­ent en cou­ple (chevaux en har­monie) de nou­veau pen­dant que je rêve à ces yeux de l’Aveni­da Cen­ten­era et de Tabaré.

Les fileteados

Les filetea­d­os son une expres­sion artis­tique typ­ique de Buenos Aires. Elle est apparue en pre­mier sur les char­i­ots et s’est éten­due jusqu’à aujourd’hui dans tous les domaines.

Un char­i­ot hip­po­mo­bile décoré de filetea­d­os. Cette char­rette com­porte des ridelles, ce que n’avait peut-être pas celle de la chan­son qui est une sim­ple cha­ta (fond plat et qui avait sans doute qua­tre roues).
Un véhicule de qua­tre saisons riche­ment décoré de filetea­d­os. La cha­ta de la chan­son devait plutôt avoir 4 roues, mais l’idée est là…

Je vous invite à regarder l’article de Wikipé­dia sur le sujet si vrai­ment vous ne con­nais­sez pas…
https://es.wikipedia.org/wiki/Fileteado

Autres versions

Les deux pre­miers enreg­istrements, par Canaro, sont bien de a com­po­si­tion Arturo de Bassi, mais elles avaient été pub­liées à l’époque sous le titre El román­ti­co fulero. Cette musique était une petite pièce à l’intérieur d’un tableau inti­t­ulé Román­ti­cos fuleros, lui-même inclus dans le spec­ta­cle Copamos la ban­ca. Les paroles apportées par Home­ro Manzi 15 ans plus tard, à la demande de Bassi, ont don­né une autre dimen­sion à l’œuvre et lui ont per­mis de pass­er à la postérité.

El román­ti­co fulero 1924 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

C’est un enreg­istrement acous­tique, donc, d’une qual­ité sonore un peu com­pliquée, mais on recon­naît par­faite­ment le thème du tan­go du jour.

El román­ti­co fulero 1926-09 — Azu­ce­na Maizani con acomp. de Fran­cis­co Canaro.

Le même Canaro enreg­istre, cette fois en enreg­istrement élec­trique le titre avec des paroles de Car­los Schae­fer Gal­lo.

Paroles de Carlos Schaefer Gallo

Manyeme que’l bacán no la embro­ca,
par­leme que’l boton no la juna
y en la noche que pin­ta la luna
la pun­ga de un beso le tiró en la boca.
Aquí estoy en la calle desier­ta
como un gil pa’ mirar su her­mo­sura
cam­pane­an­do que me abra la puer­ta
pa’ dar­le a escon­di­das un beso de amor.

Se lo juro que no hablo al cohete
y que le pon­go pa’usté cacho e cielo
un cotor­ro que ni Marce­lo
lo tiene puesto con más fir­ulete.
Si usté quiere la pianto aho­ra
si usté lo quiere digame­lo,
será mi piba mi nena la auro­ra,
en esta som­bra que’n el alma cayó.

Le pon­dré garçon­nière a la gur­da
y ten­drá vuaturé limu­sine,
y la noche que nos cache cur­da
ver­e­mos al chor­ro Tom Mix en el cine.
Berretín que me das esper­an­za
mete­jón que pro­te­je la noche,
piantare­mos en auto o en coche
como unos pun­guis­tas que fanan amor.
Car­los Schae­fer Gal­lo

Hon­nête­ment, ces paroles en lun­far­do pour un diver­tisse­ment pop­u­laire d’entrée de gamme ne méri­tent pas vrai­ment de pass­er à la postérité. Je ne vous en don­nerai donc pas la tra­duc­tion. On notera toute­fois que le texte fait référence au prési­dent de l’époque, Marce­lo Tor­cu­a­to de Alvear et à Tom Mix, un héros de west­ern… L’auteur n’a reculé devant rien pour recueil­lir l’assentiment du pub­lic.

Mano Blan­ca 1943-12-07 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. por Emilio Bal­carce. C’est notre tan­go du jour.
Mano Blan­ca 1944-03-09 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

C’est la ver­sion de référence, une mer­veille absolue. Mag­nifique piano et voix des deux anges.

Mano Blan­ca 1960 — Alber­to Castil­lo y su Orques­ta Típi­ca dir. y arr. por Osval­do Reque­na.

Cette ver­sion, très dif­férente de celle que Castil­lo a enreg­istrée en 1944, est claire­ment une chan­son. Pas ques­tion de la pass­er en bal. Il me sem­ble que Castil­lo sur­joue un peu le titre, mais on peut appréci­er.

Mano Blan­ca 1976 — José Canet con Nel­ly Omar.

Tou­jours la belle asso­ci­a­tion entre la gui­tare de José Canet et la voix de Nel­ly Omar.

Mano Blan­ca c2010 — Miguel Ángel Bác­co­la.

Une ver­sion en chan­son que j’ai trou­vée dans ma col­lec­tion, sans savoir d’où j’avais acheté ce disque.

Mano Blan­ca 2013, Juan Car­los “Tata” Cedrón.

J’ai un petit faible pour “Tata” que j’ai con­nu ado­les­cent (moi, pas lui). Cet enreg­istrement en stu­dio mon­tre qu’il a tou­jours le tan­go dans les veines. Cette vidéo vient de l’excellente chaine cul­turelle argen­tine « encuen­tro ».
À bien­tôt, les amis, je monte sur mon petit char­i­ot et je pars sur les rues du Sud, au rythme de mes petits chevaux rouans.

Samaritana 1932-07-27 — Orquesta Típica Los Provincianos Dir. Ciriaco Ortiz con Alberto Gómez

Luis Rubistein (Musique et paroles)

À Buenos Aires, la majorité des milon­gas con­tin­u­ent de faire des tan­das de 4 titres pour les tan­gos, et pour quelques-unes, y com­pris pour les valses, mais unique­ment si tous les danseurs dansent, ce qui est générale­ment le cas. Notre tan­go du jour est donc, vous l’avez dev­iné, une valse, sans doute trop peu con­nue, Samar­i­tana. Elle a été enreg­istrée il y a 92 ans.

Ceux qui me con­nais­sent savent que je ne suis pas avare de valses et que je n’hésite jamais à faire des propo­si­tions un peu plus rares, l’avantage des valses est que la majorité reste dansante grâce à la struc­ture par­ti­c­ulière à trois temps avec le pre­mier temps accen­tué (POUM – tchi — tchi). Il est donc plus facile de pren­dre des risques avec les valses que les tan­gos et encore plus que les milon­gas, qui ont le rythme le plus dif­fi­cile à pro­pos­er en milon­ga.

Los Provincianos

Ciri­a­co Ortiz Direc­tion et ban­donéon, Aníbal Troi­lo et Hora­cio Golli­no (ban­donéons), Orlan­do Cara­bel­li (piano), Elvi­no Var­daro et Manuel Núñez (vio­lons), Man­fre­do Lib­er­a­tore (con­tre­basse) et Alber­to Gómez (dit Nico) au chant sont les artistes qui ont mis en musique et enreg­istré cette valse.

Orques­ta Los Provin­cianos. Vous aurez recon­nu le jeune Aníbal Troi­lo et son ban­donéon qui l’accompagnera durant toute sa car­rière…

On trou­ve par­fois cet enreg­istrement sous le nom d’orchestre OTV – Orches­tra Típi­ca Víc­tor. Ce n’est pas vrai­ment faux, car il s’agit effec­tive­ment d’un orchestre créé par la mai­son de disque Víc­tor et qui était des­tiné à enreg­istr­er des dis­ques.
Le pre­mier orchestre, celui qui était dirigé par Cara­bel­li avec le nom de OTV, mais par la suite, la com­pag­nie Víc­tor déci­da de mul­ti­pli­er les orchestres et pour s’y retrou­ver, elle leur don­na des nos dif­férents…

  • La Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos, dirigée par Ciri­a­co Ortiz et qui a enreg­istré notre valse du jour et qui est en fait la con­tin­u­a­tion de l’orchestre de Cara­bel­li, d’où le fait qu’on le nomme par­fois tout sim­ple­ment Típi­ca Víc­tor, comme le pre­mier orchestre et comme on le fera pour les suiv­ants…
  • La Orques­ta Víc­tor Pop­u­lar,
  • La Orques­ta Radio Víc­tor Argenti­na, dirigée par Mario Mau­ra­no
  • La Orques­ta Argenti­na Víc­tor
  • La Orques­ta Víc­tor Inter­na­cional
  • El Cuar­te­to Víc­tor com­posé de Cayetano Puglisi et Anto­nio Rossi (vio­lons), Ciri­a­co Ortiz et Fran­cis­co Pracáni­co (ban­donéons)
  • El Trío Víc­tor com­posé de Elvi­no Var­daro (vio­lon) et de Oscar Alemán et Gastón Bueno Lobo (gui­tares).

Même si cet orchestre n’était pas des­tiné à jouer en pub­lic, les habitués du Cabaret Casano­va qui était situé en la rue Maipu, juste en face du Salón Marabú (où a débuté Troi­lo avec son orchestre, juste en tra­ver­sant la rue…) et qui existe, lui, tou­jours, ont pu enten­dre l’orchestre sur scène.

Extrait musical

Samar­i­tana 1932-07-27 – Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos con Alber­to Gómez.

Les vio­lons dessi­nent les pre­mières notes sur une base stac­ca­to du reste de l’orchestre et notam­ment des ban­donéons et de la con­tre­basse qui mar­que fer­me­ment les pre­miers temps. Puis s’exprime le sub­lime vio­lon soliste. Les ban­donéons repren­nent la voix avec à 35 sec­on­des un curieux (mais génial) glis­san­do. À 1:12, Alber­to Gómez lance le chant, tou­jours en mode mineur, mais ce n’est pas éton­nant vu les paroles. Sa voix décon­trac­tée enlève la tragédie des paroles, il ter­mine en voix de tête. Il reste ensuite une minute à l’orchestre pour faire oubli­er le triste des paroles, ce qu’il fait par­faite­ment, notam­ment avec la vari­a­tion finale exé­cutée prin­ci­pale­ment par les ban­donéons en dou­ble croche.

Les orchestres Víc­tor sont des­tinés aux dis­ques, mais aux dis­ques pour danseurs et ce n’est donc pas un hasard si les valses de ces orchestres com­por­tent une telle pro­por­tion de mer­veilles.

Paroles

N’ayant pas trou­vé la par­ti­tion, ni les paroles, il s’agit ici unique­ment de ce que chante Alber­to Gómez.

El dolor, cruzó mi corazón
Gol­pe­an­do fuerte,
Dejan­do en su ruti­na
Frío de muerte,
Que me asesina
Sin com­pasión.

Mi can­tar se ahoga con mi voz
Que es una pena,
Y nada me con­suela
De haber per­di­do,
Lo que he queri­do
Con tan­to amor.

Luis Rubis­tein (Musique et paroles)

Traduction libre des paroles

La douleur a transper­cé mon cœur, frap­pant fort, lais­sant dans sa rou­tine, le froid de la mort qui me tue sans com­pas­sion.
Mon chant s’est noyé avec ma voix, qui est un cha­grin, et rien ne me con­sole d’avoir per­du ce que j’ai aimé avec tant d’amour.

Qui est la samaritana ?

Je pose la ques­tion, mais je n’ai pas de réponse.
Le sens le plus com­mun fait référence à la femme de la Bible, la femme au puits.
Par exten­sion, le terme désigne une per­son­ne qui se dévoue pour les autres.
Mais ce n’est pas tout, la samar­i­taine est une pécher­esse, car elle a eu cinq « maris » sans être mar­iée. Cette direc­tion nous rap­pelle que les pros­ti­tuées héri­tent par­fois de cette appel­la­tion, comme le rap­pelle la très belle chan­son du chanteur espag­nol José Luis Perales, Samar­i­tanas del amor.

Samar­i­tanas del amor — José Luis Perales avec sous-titre et tra­duc­tion pos­si­ble…

Comme cette valse est orphe­line et les paroles incom­plètes, on ne peut rester qu’à des sup­po­si­tions. Mais est-ce si grave si on peut se plonger dans l’ivresse de cette valse ?
On notera que quelques années après l’écriture de cette valse (1938), un « Nos­tradamus argentin » a qual­i­fié l’Argen­tine de Samar­i­tana del Mun­do, l’Argen­tine accueil­lant les peu­ples meur­tris.

Solari Par­ravici­ni — Dibu­jos pro­feti­cos

Je ne me pronon­cerai pas sur la valid­ité des prophéties de Solari Par­ravici­ni, mais le fait que Luis Rubis­tein était sen­si­ble au pro­jet sion­iste peut l’avoir influ­encé. Je me garderai de faire tout rap­proche­ment avec l’actualité argen­tine, en lais­sant les coïn­ci­dences non analysées.

Tristesse et joie du tango

Pour moi, le tan­go est une pen­sée joyeuse qui se danse. Si vous écoutez la valse du jour sans faire atten­tion aux paroles, vous ne décou­vrirez pas la tragédie sous-jacente, vous vous lais­serez envelop­per par le rythme implaca­ble de la valse en ne pen­sant à rien d’autre.
Dis­cépo­lo qui a écrit le con­traire de ce que je pense est mort à 50 ans dans une pro­fonde dépres­sion. Un homme mal­heureux au point de se laiss­er mourir de faim est-il un bon témoin pour par­ler du plaisir du tan­go qui a ani­mé, pen­dant plusieurs décen­nies, des mil­liers de danseurs ? Je n’en suis pas sûr. L’auteur de Vachaché, Yira yira ou Cam­bal­ache avait un regard plutôt noir et dés­abusé sur le monde. Nicolás Oli­vari assura que Dis­cépo­lo était la cheville ouvrière de l’hu­mour de Buenos Aires, grais­sée par l’an­goisse. (Oli­vari écrivait El per­no, c’est le boulon, mais aus­si la par­tie qui main­tient la tige dans une charnière. J’ai choisi de traduire par la cheville ouvrière qui est la pièce la plus impor­tante des char­rettes avec roues avant ori­enta­bles. Notons qu’en lun­far­do, el per­no est aus­si le mem­bre vir­il).
Les paroles de Luis Rubis­tein pour­raient paraître de la même veine, mais elles par­lent d’une douleur intime, presque théâ­tral­isée, celle que ressent l’amoureux qui a per­du son objet d’amour, elles ne man­i­fes­tent pas néces­saire­ment un rejet de la société. Par ailleurs, Luis Rubis­tein est à la fois l’auteur de la musique et des paroles, aus­si, il pou­vait par­faite­ment établir l’équilibre entre l’émotion et la tristesse des paroles et l’enthousiasme de la musique.
En Europe, on s’interdit cer­tains tan­gos, car les paroles par­lent de sujets tristes (Juan Porteño, La nove­na), ici, à Buenos Aires, ils sont passés et bien que tout monde puisse en com­pren­dre les paroles, per­son­ne n’y fait atten­tion et tout le monde est sur la piste. C’est peut-être éton­nant quand on entend les danseurs chanter les paroles d’autres titres qu’ils con­nais­sent par cœur. En revanche, je ne passerai pas des titres vul­gaires comme Si soy así (inter­prété par Rodríguez avec Her­rera).
Ceci pour dire que le tan­go de danse se fait à par­tir de la musique et que si la musique donne envie de danser, c’est un tan­go pour la milon­ga, sauf à de très rares excep­tions. On aura remar­qué que même lorsque les paroles fai­saient référence à une his­toire triste, les tan­gos de danse n’en repren­nent que l’estribillo (refrain), voire un ou deux cou­plets en plus, mais que générale­ment, les par­ties les plus sin­istres ne sont pas chan­tées.
Le tan­go triste est le tan­go à écouter, car il dif­fuse la total­ité de l’histoire et que cette his­toire peut effec­tive­ment être très triste. La voix du chanteur étant mise en avant, l’auditeur ne dis­pose pas de l’amortissement de la musique et est con­fron­té à la dureté du texte.
On peut se deman­der pourquoi le tan­go exprime sou­vent des pen­sées tristes. Quand on sait que c’est le pays du Monde où il y a le plus de psys par habi­tant et que Buenos Aires est la ville qui a le plus de théâtres, il me sem­ble facile d’y voir un début d’explication.
La nos­tal­gie de l’émigré, immi­gré, sou­vent issu de pop­u­la­tions défa­vorisées d’Europe, voire d’Afrique, tout cela peut don­ner une cer­taine propen­sion à la tristesse, mais ce sont des gens qui ont su domin­er leurs dif­fi­cultés. Ils pen­saient arriv­er dans un espace vierge à con­quérir pour se lancer dans une nou­velle vie, mais con­traire­ment à ce qui s’est passé dans d’autres pays, l’Argentine était déjà entière­ment pri­vatisée, aux mains de quelques grandes familles et les con­quérants espérant s’établir en vivant de leurs ter­res ont été réduits à devoir tra­vailler pour les pro­prié­taires ou à s’entasser dans les villes, ou plutôt La ville, pour servir de main‑d’œuvre à l’industrie.
Ils ont quit­té une mis­ère pour en trou­ver une autre, loin de leurs racines. Il y avait sans doute de quoi avoir des ten­dances mélan­col­iques. Alors, la danse ne pou­vait pas être autre chose qu’un exu­toire, un sas de décom­pres­sion, ce qui explique les excès des pre­miers temps et la cir­con­scrip­tion à des lieux inter­lopes et pop­u­laires du tan­go. C’est quand la bonne société a jugé bon de s’acoquiner, que l’intellectualisation a façon­né une autre cul­ture.

El tango tiene los pies en el fango y la cabeza en las nubes

Le tan­go a les pieds dans la boue et la tête dans les nuages, c’est ce qui fait sa grandeur et sa richesse.
Tout bon DJ con­naît les dif­férents degrés de la musique qui s’adresse aux sen­ti­ments, au cerveau, au corps et c’est en jouant sur les dif­férents car­ac­tères qu’il ani­me la milon­ga.
Le ludique de D’Arienzo, l’urbain de Troi­lo, l’intellectuel de Pugliese et le sen­ti­men­tal de Di Sar­li for­ment les qua­tre piliers qui ser­vent à con­stru­ire une milon­ga qui don­nera à toutes les sen­si­bil­ités de danseurs, de quoi être heureux. Évidem­ment, cette répar­ti­tion que l’on donne comme indi­ca­tion aux DJ débu­tants est très som­maire et demande à être nuancée.
Il n’est pas ques­tion d’équilibrer ces 4 piliers. Selon l’événement, les danseurs et le moment, on favoris­era plutôt l’un des piliers. On passera générale­ment plus de D’Arienzo que de Pugliese, les piliers n’ont pas tous la même taille.
Par ailleurs, met­tre dans une de ces qua­tre cas­es ces qua­tre orchestres, c’est oubli­er qu’ils ont évolué et ont nav­igué d’une case à l’autre selon les péri­odes. Il faut donc nuancer la déf­i­ni­tion des piliers et le dernier point est que d’autres orchestres ont exprimé ces qua­tre sen­si­bil­ités et qu’ils peu­vent très bien se sub­stituer aux orchestres canon­iques.
Maler­ba et Caló, peu­vent aller dans la case roman­tique, tout comme De Caro et cer­tains Troi­lo qui peu­vent se class­er dans la case intel­lectuelle. Rodriguez ira sans doute dans la case ludique et ain­si de suite.
C’est la rai­son pour laque­lle on alterne les gen­res. On ne passera générale­ment pas deux tan­das romantiques/ludiques/intellectuelles/urbaines à la suite. On passera d’un des qua­tre piliers à l’autre dans le but de ne pas laiss­er sur sa chaise un danseur avec deux tan­das qui sont de types qui ne lui par­lent pas. Com­bi­en de fois avez-vous ressen­ti de l’ennui en ayant l’impression que c’était « tout le temps pareil », notam­ment dans ces milon­gas où le DJ respecte un ordre chronologique, com­mençant par la vieille garde et ter­mi­nant par le tan­go « nue­vo » …
Je me sou­viens d’un danseur, dans une ville française qui fut autre­fois pio­nnière dans le tan­go (et qui n’est pas Paris), qui après une tan­da de Pugliese est venu me dire, ça va être le néotan­go main­tenant ? Ne com­prenant pas le sens de sa ques­tion, je lui ai demandé des pré­ci­sions et il m’a dit qu’ici, les DJ com­mençaient par Canaro et ter­mi­naient par du néotan­go et comme il était rel­a­tive­ment tôt dans la soirée, il s’inquiétait de devoir par­tir, car il ne s’intéressait pas à ce type de musique. Je l’ai ras­suré et il est resté, jusqu’à la fin.

Sur ce, je vous dis à demain, les amis…

Pata ancha 1957-05-13 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Mario Demarco

Pata ancha en lun­far­do sig­ni­fie courage, mais en espag­nol courant, cela peut aus­si sig­ni­fi­er gros pied. Pugliese fut un lut­teur. Il lut­ta avec acharne­ment pour défendre ses idées poli­tiques et paya le prix en effec­tu­ant de nom­breux séjours en prison. Pata ancha a été enreg­istré par Odéon, lors d’une de ses «absences». Sur le piano, un œil­let ou une rose rouge évo­quaient le maître absent.

Extrait musical et histoire de prisons

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

San pugliese étant empris­on­né dans le cadre de la « operación car­de­nal ».
Les détenus après un séjour à la Pen­i­ten­cia­ria Nacional ont été trans­férés dans un bateau nom­mé « Paris ». C’est la rai­son pour laque­lle Agosti a appelé son arti­cle dans les Cuader­nos de Cul­tura (Cahiers de la Cul­ture) Med­ita­ciones des­de el “París” Médi­ta­tions depuis le Paris.
C’est le pianiste Osval­do Manzi qui le rem­plaça, comme ce fut le cas pour d’autres enreg­istrements comme La novia del sub­ur­bio enreg­istré le même jour que Pata ancha (1957–05-13), Yun­ta de oro et No me hablen de ella (1957–10-25), Cora­zone­an­do et Gente ami­ga (1958–01-02), La bor­dona et Qué pin­tu­ri­ta (1958–08-06). Il y a cer­taine­ment eu d’autres enreg­istrements dans ce cas, Pugliese ayant fait l’objet de nom­breux empris­on­nements ou inter­dic­tions de jouer.

Dans le jour­nal com­mu­niste « La Hora » du 18 décem­bre 1948, l’annonce de l’interdiction de trois artistes, Osval­do Pugliese, Atahul­pa Yupan­qui et Ken Hamil­ton. C’est neuf ans avant l’enregistrement de Pata ancha, sous Per­on, qui fera égale­ment empris­on­ner Pugliese à Devo­to en 1955. Cela explique les appari­tions en pointil­lé de Pugliese.

Il reste un petit mot à dire sur le com­pos­i­teur. Il s’agit de Mario Demar­co, celui qui a rem­placé Jorge Cal­dara au ban­donéon quand Cal­dara, sur la pres­sion de sa femme, a quit­té l’orchestre pour faire une virée au Japon. On peut com­pren­dre les inquié­tudes de sa femme vu les mul­ti­ples empris­on­nements du leader de l’orchestre…

Pata ancha

Hac­er pata ancha (faire le gros pied), c’est résis­ter brave­ment. Ce terme était util­isé en escrime créole, le com­bat au couteau des gau­chos argentins.

Com­bat au facón et à la dague de gau­chos. On remar­que le pon­cho qui ser­vait à se pro­téger. Le pon­cho est l’accessoire pri­mor­dial de tout gau­cho. Pho­to mise en scène par Frank G. Car­pen­ter (1855–1924). Pub­lic domain (Library of Con­gress).

Sarmien­to a fustigé cette cou­tume des gau­chos dans son Facun­do Quiroga, pour mar­quer l’absence de « civil­i­sa­tion » de cette pop­u­la­tion fière, mais plutôt mar­ginale, une cri­tique à peine déguisée à De Rosas.
On l’appelle par­fois, la esgri­ma criol­la (escrime créole). Elle s’est dévelop­pée durant la guerre d’indépendance argen­tine (1810).
Si vous voulez en savoir plus sur cette lutte qui est encore pra­tiquée, notam­ment dans les ban­des de délin­quants d’aujourd’hui, vous pou­vez con­sul­ter ce site…

Les facones, ces couteaux red­outa­bles qui peu­plent les paroles de tan­go, mais qui étaient plutôt les attrib­uts des gau­chos.

Les facones sont des couteaux red­outa­bles. S’ils sont évo­qués dans les tan­gos à pro­pos de per­son­nages un peu fan­farons, ils étaient util­isés par les gau­chos dans des com­bats au sang, voire par­fois à mort.
Les facones du tan­go étaient plus sou­vent des couteaux courts, plus faciles à dis­simuler et un adage argentin dit, « ne sors pas le couteau si tu ne comptes pas l’utiliser ».
Pugliese à sa façon a fait preuve d’un grand courage pour défendre ses idées. Il est resté ferme et a fait la pata ancha et que ce soit Osval­do Manzi qui effectue le solo de piano à 1 : 20 n’est pas très impor­tant dans un orchestre où chaque musi­cien était un mem­bre à parts égales. Con­traire­ment à d’autres orchestres dont le chef était un tyran, dans l’orchestre de Pugliese, il s’agissait d’une ges­tion col­lec­tive, d’une com­mu­nauté, ce qui explique la fidél­ité de plu­part de ses musi­ciens qui étaient d’ailleurs payés en fonc­tion de leurs inter­ven­tions, sur les mêmes bases que Pugliese lui-même, ce qui aurait été impens­able pour Canaro…
Si Demar­co et Cal­dara ont quit­té l’orchestre, c’était dans les deux cas en rai­son de leurs femmes ; crain­tive pour l’avenir de son mari à cause des idées de Pugliese pour Cal­dara et pour rai­son de mal­adie dans le cas de Demar­co, sa femme était malade et il a donc décidé de ne pas faire la tournée en Russie avec l’orchestre.

Autres versions

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

C’est notre tan­go du jour. La yum­ba est par­ti­c­ulière­ment forte dans cette inter­pré­ta­tion. Peut-être que les musi­ciens souhaitaient évo­quer leur leader absent. On sait par ailleurs que quand Pugliese était « empêché » au dernier moment, en plus de la rose ou de l’œillet sur le piano, les musi­ciens mar­quaient forte­ment le rythme au pied pour que la yum­ba habite la représen­ta­tion.
Je me force un peu pour vous pro­pos­er d’autres ver­sions, faute d’une ver­sion avec Pugliese au piano.

Pata ancha 1997 — Col­or tan­go de Rober­to Álvarez.

Cet enreg­istrement a été effec­tué au « Estu­dio 24 » de Buenos Aires. Rober­to Álvarez à la mort de Pugliese a repris la suite du maître. D’aucuns lui reprochent d’avoir util­isé les arrange­ments de Pugliese pour son orchestre, Col­or tan­go. En fait, de nom­breux orchestres ont fait de même à la dis­pari­tion de leur leader, comme los Solis­tas de D’Arienzo, le Quin­te­to Pir­in­cho (Canaro) ou le Con­junc­to Don Rodol­fo. Écou­tons donc le résul­tat, sans arrière-pen­sée.

Pata ancha 2000 — Orques­ta Escuela de Tan­go Dir. Emilio Bal­carce.

Une ver­sion aux accents de Pugliese.

Et pour ter­min­er, Pata ancha par Tan­go Bar­do a écouter, voire à acheter sur Band­Camp
https://tangobardo.bandcamp.com/track/pata-ancha
Une ver­sion moins proche de Pugliese.

La rose sur le clavier du piano quand San Osval­do ne pou­vait pas venir (inter­dic­tion ou prison).

Entre dos fuegos 1940-04-12 — Orquesta Juan D’Arienzo

Alberto López Buchardo

Entre deux feux, Entre dos fue­gos est un tan­go instru­men­tal. Pour l’illustration de l’anecdote du jour, j’avais plusieurs pistes pos­si­bles. J’ai choisi celle de la souris entre deux chats aux yeux de feu, mais d’autres pos­si­bil­ités étaient ouvertes. Décou­vrons ce tan­go qui met le feu dans les milon­gas…

Pourquoi entre deux feux ?

On con­naît bien sûr l’expression, qui depuis l’antiquité grecque, impose aux humains d’affronter en même temps deux men­aces, comme les tour­bil­lons et les récifs du détroit de Mes­sine qui ont don­né nais­sance aux êtres légendaires, Charybde et Scyl­la.

C’est aus­si une expres­sion mil­i­taire, où les com­bat­tants essuient les tirs de deux côtés à la fois.
Mais puisqu’on est dans le domaine du tan­go, on se doute que l’entre deux feux con­cerne plutôt une jeune femme aux pris­es avec deux séduc­teurs.
Cela nous est con­fir­mé par une des cou­ver­tures de par­ti­tion.

L’Argentine pendant la Première Guerre mondiale

En 1914, l’Argentine avait son activ­ité économique tournée vers l’Europe. L’Angleterre, l’Allemagne et dans de plus faibles pro­por­tions, la France.
En ter­mes de pop­u­la­tion, les pays « four­nisseurs » étaient l’Italie, l’Espagne et la France au point qu’à la veille de la guerre, à Buenos Aires, 80 % des hommes étaient nés en Europe et dans tout le pays, près de 30 % de la pop­u­la­tion était d’origine européenne.
Ceci explique que même si l’Argentine est restée indépen­dante pen­dant tout le con­flit, elle n’a pas été indif­férente à celui-ci, ne serait-ce qu’à cause des réper­cus­sions économiques, les impor­ta­tions et expor­ta­tions avec l’Europe étant qua­si­ment paralysées.
Pour assou­vir la soif de nou­velles des Argentins, les jour­naux et revues de l’époque par­lent abon­dam­ment de la Guerre.

La cou­ver­ture de gauche com­porte un « jeu ». En effet, le sol­dat alle­mand dit qu’il aura la vic­toire, car il a x canons, obus et ain­si de suite. On remar­quera que les chiffres sont peu com­préhen­si­bles.
Il faut lire la réponse du sol­dat français pour com­pren­dre l’astuce : « el sol­da­do frances repli­ca: Vuel­va la hoja y lea al trasluz ». Le sol­dat français répond : tourne la page et lis-la à con­tre-jour.

On remar­que que sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion et sur la cou­ver­ture de gauche de Caras y Care­tas, le sol­dat français porte un élé­gant pan­talon rouge, rouge garance pour être pré­cis. Après la défaite de 1870 con­tre la Prusse, les autorités français­es ont tiré plusieurs con­clu­sions.

  1. Il faut enseign­er la géo­gra­phie aux Français, car les grossières erreurs de straté­gies de l’état-major français venaient de lacunes dans ce domaine. Jules Fer­ry et sur tout Fer­di­nand Buis­son tra­vailleront à amélior­er le sys­tème sco­laire.
  2. Le pan­talon rouge garance est trop voy­ant et avec l’augmentation de portée des armes, les sol­dats français devi­en­nent des cibles trop voy­antes.

On remar­quera que sur les illus­tra­tions de 1914 et 1915, presque un demi-siè­cle plus tard, la couleur rouge est tou­jours util­isée… Je vous épargne les cam­pagnes pour ou con­tre et les inter­minables débats sur la ques­tion, jusqu’au fan­tassin qui déclare qu’il ne souhaite pas que l’on change la couleur, car elle fait de l’effet aux femmes.
Ce n’est qu’en 1915 et pro­gres­sive­ment, que la couleur « bleu hori­zon » est adop­tée. Ce qui a hâté le mou­ve­ment, c’est que la cul­ture de la garance avait péri­clité en France et que la tein­ture chim­ique pour faire la couleur rouge était fab­riquée… en Alle­magne.

Extrait musical

Cela étant écrit, il est temps de pass­er à l’écoute du tan­go du jour, par l’énergique d’Arienzo.

Entre dos fue­gos 1940-04-12 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Avec la façon d’interpréter qu’à D’Arienzo, on peut penser plutôt à quelqu’un essuyant des coups de feu de deux par­tis. Le début peut paraître une marche mar­tiale, la fleur au fusil. Il est à not­er que cet enreg­istrement a été fait après un an de guerre. On a l’impression que les instru­ments s’affrontent. La musique est très dynamique avec de brusques sautes d’humeur, don­nant du sus­pens à la musique, ce qui en fait un titre amu­sant à danser, au moins pour les danseurs qui pour­ront en percevoir les fan­taisies. Les autres pour­ront con­tin­uer à marcher au pas cadencé du roi du rythme (Rey del com­pás).

Autres versions

Cette ver­sion de 1916 a été enreg­istrée par Canaro qui est, de très loin, le chef d’orchestre ayant enreg­istré le plus, 3799 enreg­istrements selon la discogra­phie de Christoph Lan­ner. Ce titre porte la référence 25 dans son cat­a­logue.

Entre dos fue­gos 1915 (o 1916) — Orques­ta Típi­ca Canaro Sel­lo: Atlanta Dis­co: 3025 Matriz: 47 Fecha Grabación: 1916.

Cette ver­sion est tout de même un peu répéti­tive et lanci­nante. Le disque usé et l’enregistrement acous­tique ne don­nent pas envie de la pass­er dans une milon­ga…

Entre dos fue­gos 1940-04-12 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est le tan­go du jour. Comme celui de Canaro, enreg­istré en temps de guerre mon­di­ale, ce qui peut laiss­er penser que la ver­sion un peu mil­i­taire n’est pas étrangère à son inter­pré­ta­tion.
Entre dos fue­gos 1966-07-25 (enreg­istrement) et 1966-12-04 (date de sor­tie) — Orques­ta Juan D’Arienzo. D’Arienzo a réen­reg­istré le titre, 26 ans plus tard.

Le même jour, il a enreg­istré au moins 6 titres :
La payan­ca 1966-07-25, Vea, vea 1966-07-25, Entre dos fue­gos 1966-07-25, Rodriguez Peña 1966-07-25, La viru­ta 1966-07-25 et El amanecer 1966-07-25.
Cela explique peut-être la qual­ité moyenne de cette inter­pré­ta­tion. On est plus dans la quan­tité que la qual­ité. Les six titres ont la même con­tre­basse, mar­quant bien le tem­po. Cela reste du tan­go de danse, mais avec sans doute moins de sub­til­ités pour les danseurs avancés que dans les années 30 et 40.

Pourquoi des chats et une souris ?

Une des cou­ver­tures de la par­ti­tion de Entre dos fue­gos avait des chats et une souris qui sem­blait avoir des dif­fi­cultés à trou­ver un moyen de rejoin­dre son trou que l’on voit au pied du mur, car elle est prise entre deux feux.

J’ai aus­si imag­iné une vari­a­tion de l’illustration où les chats sont de feu, la souris est alors lit­térale­ment entre deux feux…

Quelles sont les qualités d’un bon DJ de tango ?

Réponse à une question de Sonia Devi :

Buenos Aires (Gri­cel) — DJ BYC Bernar­do

« Il faut du tra­vail, mais aus­si de la sen­si­bil­ité, sans doute la capac­ité à sor­tir des sen­tiers bat­tus tout en guidant son pub­lic, une capac­ité de con­nex­ion avec le groupe, du sens psy­chologique, de la générositéquelles sont pour toi les qual­ités d’un bon DJ ? ».

Lien vers la dis­cus­sion sur Face­book…

Sonia, je vais répon­dre sur cha­cun des points avec le code couleur que j’ai util­isé pour met­tre en valeur ta ques­tion :

Il faut du travail

Moins qu’avant, car la musique est large­ment disponible, bien mieux classée et de meilleure qual­ité qu’il y a vingt ans ou trente ans.

L’ordinateur per­met de gag­n­er beau­coup de temps pour le classe­ment, la facil­ité d’écoute et la recherche des musiques.

Les choses ont telle­ment été sim­pli­fiées sur ces plans que toute per­son­ne ayant mis la main sur une playlist de tan­go et ayant un ordi­na­teur se déclare DJ.

Si c’était si sim­ple, cela ferait longtemps que l’on aurait créé la « playlist idéale » et qu’on la passerait dans toutes les milon­gas du monde.

Les humains étant ver­sa­tiles, dif­férents, les con­di­tions de bal, les cul­tures, les habi­tudes et autres dif­férant d’un lieu à l’autre et d’un jour à l’autre, cette fameuse playlist idéale sera obsolète dès sa deux­ième ten­ta­tive d’utilisation.

Tout au plus, dans des milon­gas régulières, on peut se per­me­t­tre de pass­er le même type de playlist chaque semaine.

Si on inter­vient sur un événe­ment dif­férent de sa zone habituelle, les ennuis vont être bien plus impor­tants pour ces pseu­do-DJ, car ils vont se con­fron­ter à d’autres goûts et atti­tudes.

Ils devront donc être capa­bles de repér­er le plus rapi­de­ment pos­si­ble ce qui va ren­con­tr­er le pub­lic.

La sensibilité, une capacité de connexion avec le groupe, du sens psychologique, de la générosité

Pour déter­min­er les goûts des danseurs, il faut savoir observ­er, faire preuve d’empathie. Un DJ qui ferait cela pour sa « pomme » sera dif­fi­cile­ment un excel­lent DJ, car il fera préféren­tielle­ment pass­er ses goûts avant ceux de son pub­lic, en admet­tant même qu’il s’en soucie…

La sen­si­bil­ité, c’est aus­si avoir une cul­ture musi­cale per­me­t­tant de se repér­er dans les épo­ques, les styles afin de pou­voir vari­er les musiques et éviter les « tun­nels » (suc­ces­sion de tan­das sem­blables qui génèrent l’ennui).

La con­nex­ion avec le groupe, cela dépend de la per­son­nal­ité du DJ. Cer­tains sont en retrait, ne cherchent pas l’interaction avec les danseurs, mais sont très atten­tifs à eux. C’est le cas d’un des meilleurs DJ de Buenos Aires, Daniel Borel­li.

Un autre, très dif­férent, est Marce­lo Rojas (égale­ment de Buenos Aires, mais qui tourne dans le monde entier) qui va par­ler à son pub­lic et se tenir majori­taire­ment debout.

Ceux qui me con­nais­sent savent que j’abuse par­fois de cette recherche de com­plic­ité avec les danseurs. Ceux qui préfèrent les DJ inertes ne me font pas venir ou me deman­dent d’être dis­cret, ce que je peux faire, bien qu’avec dif­fi­culté 😉 Jeu­di prochain, je serai DJ dans une milon­ga très tra­di­tion­nelle de Buenos Aires et je serai dis­cret, si, si…

Les goûts des danseurs sont dif­férents et avoir un éven­tail de per­son­nal­ités de DJ est intéres­sant.

En ce qui con­cerne le sens psy­chologique, je par­lerai plutôt de sens de l’observation. Remar­quer la hau­teur des talons, les âges, les pro­por­tions de danseurs et danseuses, leurs capac­ités d’écoute de la musique, com­ment les gens sont entre eux, s’ils se con­nais­sent, s’ils sont plutôt joyeux ou intro­ver­tis (le but peut être de les faire chang­er d’attitude s’ils sont un peu trop com­passés ; —)

La capacité à sortir des sentiers battus tout en guidant son public

Une fois qu’on a mis en place les élé­ments précé­dents, c’est-à-dire que l’on a :

  • Une bonne diver­sité de musique en stock et bien sûr, tous les « incon­tourn­ables »
  • Une excel­lente con­nais­sance de sa base de musique
  • Une bonne déter­mi­na­tion des goûts et attentes des danseurs
  • Une con­nex­ion intéres­sante avec le groupe

On peut alors essay­er de sor­tir des sen­tiers bat­tus. Cepen­dant, il me sem­ble qu’il faut dévelop­per ce point avant d’aller plus loin.

Le tan­go est une danse assez par­ti­c­ulière, basée sur l’improvisation. Les cou­ples évolu­ent sur la musique, sans aucune choré­gra­phie préal­able et dans une con­struc­tion mutuelle de la danse. Ils doivent égale­ment tenir compte des con­traintes du lieu, des déplace­ments des autres cou­ples et d’autres critères pou­vant aller d’un trou dans le planch­er à une per­son­ne assise avec les pieds qui traî­nent sur la piste en pas­sant par le serveur qui passe avec un plateau chargé de ver­rerie.

Toutes ces « con­traintes » sont en fait des enrichisse­ments qui per­me­t­tent d’innover, d’improviser sans avoir l’impression de faire tou­jours la même chose. Mais les plus grandes aides à l’improvisation sont bien sûr la musique et le (la) parte­naire.

Le parte­naire n’est pas du ressort du DJ, sauf s’il pro­pose des tan­das ros­es, améri­caines, des femmes, des bon­bons ou d’autres sug­ges­tions et encour­age­ments à ne pas être trop strict sur les règles d’invitation et accep­ta­tion de l’invitation. Ce levi­er est aus­si aux mains de l’organisateur.

Tout cela pour en venir à la sor­tie des sen­tiers bat­tus. Le DJ peut apporter une note de fan­taisie, mais il me sem­ble qu’il a égale­ment la respon­s­abil­ité de con­duire les danseurs vers « le tan­go » et pas vers une danse « créa­tive », mais qui aurait per­du les car­ac­tères de la danse orig­i­nale.

Je n’ai rien con­tre les milon­gas alter­na­tives, j’en ai même musi­cal­isé, cepen­dant, je suis cer­tain qu’il est qua­si­ment impos­si­ble de danser le tan­go sur ces musiques. On peut faire des « fig­ures » de tan­go, adopter un abra­zo milonguero ou salón, mais il man­quera l’impulsion, la var­iété com­préhen­si­ble qui rend la musique prop­ice à l’improvisation pour que les danseurs se sen­tent en sécu­rité avec la musique.

Si la musique est hyper con­nue, les danseurs pour­ront impro­vis­er. Si la musique n’est pas con­nue, il fau­dra que les danseurs soient capa­bles de devin­er la suite, de la pressen­tir. C’est la lim­ite que devra s’imposer le DJ pour ne pas désta­bilis­er les danseurs et leur ouvrir de nou­veaux hori­zons.

La plu­part des musiques actuelles sont à qua­tre temps. On peut donc avoir l’impression qu’elles sont adap­tées au tan­go. Ce n’est mal­heureuse­ment pas sou­vent (jamais) le cas. C’est sans doute pour cela que les danseurs de Buenos Aires sont si « tra­di­tion­nels ». Ils ne trou­vent pas dans des musiques trop éloignées de leur zone de con­fort, ce qu’ils recherchent pour con­stru­ire leur danse.

Avec des danseurs moins con­nais­seurs, les musiques alter­na­tives ou les tan­gos plus « orig­in­aux » passent rel­a­tive­ment bien, car très peu dansent la musique. Ils peu­vent danser sur la musique, mais pas la musique.

Danser sur la musique, c’est pos­er les pieds sur les temps et faire des paus­es quand la musique en fait. Danser la musique, c’est en avoir une écoute atten­tive pour danser tan­tôt sur un instru­ment, tan­tôt sur un autre (les tan­gos de danse pro­posent d’eux-mêmes une diver­sité d’interprétation dans les dif­férentes repris­es du même thème). C’est prévoir les vari­a­tions de rythme pour pré­par­er sa parte­naire (ou se pré­par­er si on préfère être suiveur.

Donc, sor­tir des sen­tiers bat­tus, ça peut tout aus­si bien être de pro­pos­er un tan­go tra­di­tion­nel, mais plus rare ou pro­pos­er une musique qui n’est pas de tan­go, mais qui sera à la portée des danseurs. Dans ce dernier cas, on remar­quera que le plus les danseurs sont fam­i­liers avec le tan­go et plus ils auront du mal à s’adapter à une musique trop « étrange ».

Sor­tir des sen­tiers bat­tus, c’est cepen­dant une respon­s­abil­ité du DJ d’un lieu don­né. Dans des com­mu­nautés où il y a peu de diver­sité dans l’offre, il arrive qu’un DJ « forme » le goût des danseurs en leur pro­posant un type de musique atyp­ique. Ces danseurs seront donc habitués à d’autres sen­tiers et le jour où ils iront dans une milon­ga plus clas­sique, ils seront déroutés et per­dront ce qui fait une des grandes richess­es du tan­go, pou­voir danser avec n’importe qui dans le monde à con­di­tion de savoir guider et suiv­re. On pour­rait dire la même chose des « pro­fesseurs », d’ailleurs.

Pour repren­dre le chemin de la ques­tion ini­tiale, un DJ invité devra à la fois se couler dans les habi­tudes du lieu, mais aus­si apporter sa voix/voie orig­i­nale. S’il passe la même musique que le DJ rési­dent, quel est l’intérêt de le faire venir ? Il devra donc guider les danseurs vers son univers en créant un cli­mat de con­fi­ance. À la lim­ite, lorsque les blancs en neige auront pris, il pour­ra ren­vers­er le sal­adier, en faisant danser sur des musiques qui ne seraient pas venues à l’esprit des danseurs.

Sonia, j’aime ton dernier point « tout en guidant son pub­lic ». Le DJ est avant tout un ani­ma­teur. Il provoque des envies, qu’il retarde pour mieux les sat­is­faire. Il con­stru­it ses tan­das pour que les danseurs se sépar­ent comblés. Par exem­ple, une des règles de base qui con­siste à altern­er les styles est une forme très sim­pli­fiée de « don­ner envie ».

Après une tan­da énergique, comme une tan­da de milon­gas, il est courant de pro­pos­er une tan­da plus calme, voire roman­tique. Si on pro­pose une tan­da tonique à la place de cette tan­da calme, il fau­dra qu’elle soit irré­sistible. Les danseurs se jet­teront alors sur la piste et le moment de calme sera repoussé à la tan­da suiv­ante. Ils ne l’apprécieront que mieux.

La con­struc­tion de la tan­da sus­cite aus­si l’envie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est plus facile de faire des tan­das de qua­tre que de trois, car on a plus de grad­u­a­tion pour guider les danseurs. On peut com­mencer calme et ter­min­er avec beau­coup d’énergie. Dans une tan­da de trois, les tran­si­tions risquent d’être plus heurtées ou il fau­dra se lim­iter dans la pro­gres­sion.

En résumé, il y a telle­ment de fac­teurs à pren­dre en compte que toutes les qual­ités pos­si­bles seront utiles au DJ de tan­go qui n’est pas un créa­teur comme le DJ de boîte de nuit. Il est celui qui pro­pose avec empathie, avec le seul but de faire pass­er une excel­lente soirée aux danseurs.

Un dernier point, il doit aus­si être masochiste, car la respon­s­abil­ité du DJ rend le tra­vail très stres­sant et il est frus­trant de ne pas pou­voir danser avec les danseurs quand le bal est mag­nifique.

Voir aus­si :
DJ de tan­go, la grande incom­préhen­sion
Ques­tion­naire DJ

DJ BYC Bernardo — Connaissance et amour du tango argentin

Anéc­do­tas de tan­go- Les 4 piliers, Di Sar­li, Pugliese, Troi­lo et D’Arien­zo.

Des anec­dotes pour mieux con­naître et mieux aimer la cul­ture et la musique autour du tan­go.

Ma philosophie — Mi filosofía — My philosophy

DJ BYC (Bernar­do) a une solide for­ma­tion musi­cale et depuis l’enfance, une pas­sion pour la musique argen­tine, con­tem­po­raine et folk­lorique. Il était donc logique qu’il devi­enne danseur de tan­go et DJ spé­cial­isé dans cette mer­veilleuse musique.

Depuis une ving­taine d’années, il ani­me des milon­gas, des fes­ti­vals et des encuen­tros milongueros en Europe et à Buenos Aires. Voir son agen­da…

Il a dévelop­pé un style totale­ment voué au plaisir des danseurs dans l’esprit portègne, celui de Buenos Aires, avec sa touche per­son­nelle, un brin de fan­taisie.

Toutes ses tan­das sont assem­blées en direct à par­tir d’une sélec­tion de 6000 tan­gos restau­rés par ses soins. Aucune playlist…

Son autre pas­sion est l’image, il tra­vaille dans l’audiovisuel depuis 1979 et a com­biné cette pas­sion avec le tan­go en étant aus­si VJ (Video-jock­ey) et pho­tographe.

Ses ani­ma­tions vidéo sont en rela­tion avec l’ambiance du bal, que ce soit pour des milon­gas tra­di­tion­nelles ou des événe­ments alter­nat­ifs. Pour en savoir plus…

Ses pho­tos sont des remer­ciements au plaisir que lui don­nent les danseurs qui évolu­ent sur sa musique. Pour voir quelques exem­ples…

Sa devise : « El tan­go es un pen­samien­to feliz que se baila ». (Le tan­go est une pen­sée joyeuse qui se danse).




DJ BYC (Bernar­do) tiene una sól­i­da for­ma­ción musi­cal y des­de la infan­cia, la pasión por la músi­ca argenti­na, con­tem­poránea y folk­lor­i­ca. Era lógi­co, pues, que se con­vierte en bailarín de tan­go y DJ espe­cial­iza­do en esta mar­avil­losa músi­ca.

Por veinte años, que hace DJing en milon­gas, fes­ti­vales y encuen­tros milongueros en Europa y Buenos Aires. Ver las fechas…

Desar­rol­ló un esti­lo total­mente ded­i­ca­do al plac­er de los bailar­ines en el espíritu porteño, con un toque per­son­al, un toque de fan­tasía.

Todas sus tan­das se armen en vivo entre una selec­ción de tan­gos 6000 restau­ra­dos por él. No hay lista de repro­duc­ción, ningu­na…

Su otra pasión es la ima­gen que él tra­ba­jó en el audio­vi­su­al des­de 1979 y com­bi­na esta pasión con el tan­go, como VJ (video jock­ey) y fotó­grafo.

Sus ani­ma­ciones de vídeo están rela­cionadas con el esta­do de áni­mo del baile, ya sea para milon­gas tradi­cionales o even­tos alter­na­tivos. Para saber más…

Sus fotos son para dar gra­cias los bailar­ines del plac­er a ver los evolu­cionar sobre su músi­ca. Para ver algunos ejem­p­los…

Su lema: “El tan­go es un pen­samien­to feliz que se baila”.

  • Tam­bién hago for­ma­ciones de bailar­ines y DJ (musi­cal­i­dad).

DJ BYC (Bernar­do) has a sol­id musi­cal back­ground and since child­hood, the pas­sion for Argentine’s music, con­tem­po­rary and folk. It was log­i­cal, then, that he became a tan­go dancer and DJ spe­cial­ized in this won­der­ful music.

For twen­ty years, he makes DJing in milon­gas, fes­ti­vals and encuen­tros milongueros in Europe and Buenos Aires. See the dates…

He devel­oped a per­son­al style total­ly ded­i­cat­ed to the plea­sure of the dancers in the Buenos-Aires spir­it, with a per­son­al touch, a touch of humor.

All his tan­das are real­ized live among a selec­tion of 6000 tan­gos restored by him. No playlist…

His oth­er pas­sion is the image. He has worked in audio­vi­su­al since 1979 and com­bines this pas­sion with tan­go, as VJ (video jock­ey) and pho­tog­ra­ph­er.

His video ani­ma­tions are relat­ed to the mood of the dance, whether for tra­di­tion­al milon­gas or alter­na­tive events. To know more…

His pho­tos are to thank the dancers for the plea­sure of watch­ing them evolv­ing over his music. To see some exam­ples…

His mot­to: “The tan­go is a hap­py thought that is danced.”

  • I also make for­ma­tions of dancers and DJ (musi­cal­i­ty).