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Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

La nostalgie et l’orgueil pour la pauvreté de da jeunesse est un thème fréquent dans le tango. « Yo soy de Parque Patricios » est de cette veine…
Je vous invite à faire quelques pas dans la boue, les souvenirs et un passé à la fois lointain et tant proche, que les deux anges, D’Agostino et Vargas nous évoquent de si belle façon.
Nous découvrirons l’origine du nom et verrons quelques images de ce quartier qui a toujours un charme certain et que je peux voir de mon balcon.

Extrait musical

Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta .
Partition de Yo soy de Parque Patricios de Victor Felice et Carlos Lucero.

Quelques notes de piano, égrenées, comme jetées au hasard, démarrent le titre. L’orchestre reprend d’un rythme bien marqué avec des alternances de piano, des passages puissants et d’autres plus rêveurs chantés par les violons.
Un peu avant la moitié du titre, Ángel Vargas commence à chanter, presque . Il annonce qu’il est de ce quartier et qu’il y est né.
La séance de nostalgie démarre, ponctuée de variations marquées par l’orchestre, tantôt marchant et rythmique, tantôt glissant et suave.
Comme toujours chez ce « couple » des anges, une parfaite réalisation, à la fois dansante, prenante et d’une grande simplicité dans l’expression des sentiments.
En l’écoutant, on pense aux autres titres comme Tres esquinas qui, si le début est constitué de longs glissandos des violons, procèdent de la même construction par opposition.
On remarquera dans les deux titres, comme dans de nombreux autres, de cette association qui enregistra près d’une centaine de titres (93 ?), ces petites échappées musicales qui libèrent la pression de la voix de Vargas, ces petites notes qui s’échappent au piano, violon ou bandonéon et qui montent légèrement dans un parcours sinueux et rapide.

Paroles

Yo soy de Parque Patricios
he nacido en ese barrio,
con sus chatas, con su barro…
En la humildad de sus calles
con cercos de madreselvas
aprendí a enfrentar la vida…
En aquellos lindos tiempos
del percal y agua florida,
con guitarras en sus noches
y organitos en sus tardes.
Yo soy de Parque Patricios
vieja barriada de ayer…

Barrio mío… tiempo viejo…
Farol, chata, luna llena,
viejas rejas, trenzas negras
y un suspiro en un balcón…
Mayorales… cuarteadores…
muchachadas de mis horas,
hoy retornan al recuerdo
que me quema el corazón.

Hoy todo, todo ha cambiado
en el barrio, caras nuevas
y yo estoy avejentado…

(Mil nostalgias en el alma)
Mis cabellos flor de nieve
y en el alma mil nostalgias
soy una sombra que vive…
Recordando aquellos tiempos
que su ausencia me revive,
de mi cita en cinco esquinas…
y de aquellos ojos claros.
Yo soy de Parque Patricios
evocación de mi ayer…

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

Vargas change ce qui est en gras. La phrase en rouge remplace la plus grande partie du dernier couplet. Elle n’est pas dans le texte original de Carlos Lucero.

libre

Je suis de Parque Patricios, je suis né dans ce quartier, avec ses chariots, avec sa boue…
Dans l’humilité de ses rues aux haies de chèvrefeuille, j’ai appris à affronter la vie…
En ces beaux temps de percale et d’eau de Cologne (agua florida), avec des guitares dans leurs nuits et des organitos (orgues ambulants) dans leurs après-midis.
Je viens de Parque Patricios, vieux quartier d’hier…
Mon quartier… le bon vieux temps…
Réverbère, chariots, pleine lune, vieux bars, tresses noires et un soupir sur un balcon…
Les mayorales (préposé aux billets du tramway)… cuarteadores (cavaliers aidant à sortir de la boue les chariots embourbés)… Les bandes de mes heures, aujourd’hui, elles reviennent à la mémoire qui me brûle le cœur.
Aujourd’hui, tout, tout a changé dans le quartier, de nouveaux visages et je suis vieux…
Mes cheveux, fleur de neige et dans mon âme mille nostalgies, je suis une ombre qui vit…
Me souvenir de ces moments que son absence ravive, de mon rendez-vous aux cinq angles (de rues)… et de ces yeux clairs.
(Ce passage n’est pas chanté par Vargas qui fait donc l’impasse sur l’histoire d’amour perdue).
Je suis de Parque Patricios évocation de mon passé…

Autres versions

La version de Vargas et D’Agostino n’a pas d’enregistrement par d’autres orchestres, mais le quartier de Parque Patricios a suscité des nostalgies et plusieurs titres en témoignent.

Yo soy de Parque Patricios 1944-12-05 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas. C’est notre tango du jour.

Voici quelques titres qui parlent du quartier :

Parque Patricios de

Parque Patricios 1928-09-12 – Orquesta con Charlo (Antonio Oscar Arona (Música y letra)

Paroles de la version de Oscar Arona

Cada esquina de este barrio es un recuerdo
de lo mágica y risueña adolescencia;
cada calle que descubre mi presencia,
me está hablando de las cosas del ayer…
¡Viejo barrio! … Yo que vengo del asfalto
te prefiero con tus calles empedradas
y el hechizo de tus noches estrelladas
que en el centro no se sabe comprender.

¡Parque Patricios!…
Calles queridas
hondas heridas
vengo a curar…

Sonreís de mañanita
por los labios de las mozas
que en bandadas rumorosas
van camino al taller;
sos romántico en las puertas
y en las ventanas con rejas
en el dulce atardecer;
que se adornan de parejas
te ponés triste y sombrío
cuando algún muchacho bueno
traga en silencio el veneno
que destila la traición
y llorás amargamente
cuando en una musiquita
el alma de Milonguita
cruzó el barrio en que nació.

¡Viejo Parque!… Yo no sé qué airada racha
me alejó de aquella novia dulce y buena
que ahuyentaba de mi lado toda pena
con lo magia incomparable de su amor…
Otros barrios marchitaron sus ensueños…
¡Otros ojos y otras bocas me engañaron
el tesoro de ilusiones me robaron
hoy mi vida, encadenado está al dolor!…

Oscar Arona

Traduction libre de la version de Oscar Arona

Chaque recoin de ce quartier est un rappel de l’adolescence magique et souriante ;
Chaque rue que découvre ma présence me parle des choses d’hier…
Vieux quartier… Moi, qui viens de l’asphalte, je vous préfère avec vos rues pavées et le charme de vos nuits étoilées qu’au centre-ville, ils ne peuvent pas comprendre.
Parque Patricios…
Chères rues, blessures profondes, je viens guérir…
Tu souris dès l’aube sur les lèvres des filles qui, en troupeaux bruyants, se rendent à l’atelier ;
Tu es romantique dans les portes et dans les fenêtres avec des barreaux dans le doux coucher de soleil ; qui se parent de couples. Tu deviens triste et sombre quand un bon garçon avale en silence le poison que la trahison distille et tu pleures amèrement quand, dans une petite musique, l’âme de Milonguita a traversé le quartier où elle est née.
Vieux parc (Parque Patricios)… Je ne sais pas quelle trainée de colère m’a éloigné de cette douce et bonne petite amie qui avait chassé tout chagrin de mon côté avec la magie incomparable de son amour…
D’autres quartiers ont flétri ses rêves…
D’autres yeux et d’autres bouches m’ont trompé, ils m’ont volé le trésor des illusions, ma vie, enchaîné, c’est la douleur…

Barrio Patricio de Juan Pecci

Barrio Patricio 1934 – Orchestre Argentin Eduardo Bianco (Juan Pecci).

Honnêtement, je ne suis pas certain que ce tango ait pour thème le même quartier, en l’absence de paroles. Cependant, Juan Pecci est né dans le Sud du quartier San Cristobal à deux cuadras du quartier de Parque Patricios, l’attribution est donc probable. Pecci était violoniste de Bianco avec qui il avait fait une tournée en Europe.

Barrio porteño (Parque Patricios) de et )

Barrio porteño (Parque Patricios) 1942-08-07 – Osvaldo Fresedo Y Oscar Serpa
(Ernesto Natividad de la Cruz Letra: Héctor Romualdo Demattei).

Fresedo est plutôt de la Paternal, un quartier situé bien plus au Nord, mais il enregistre également ce tango sur Parque Patricios.
Après le départ de Ricardo Ruiz, l’orchestre de Fresedo semble avoir cherché sa voie et sa voix. Je ne suis pas sûr qu’Oscar Serpa soit le meilleur choix pour le tango de danse, mais l’assemblage n’est pas mauvais si on tient en compte que l’orchestration de Fresedo est également renouvelée et sans doute bien moins propice à la danse que ses prestations de la décennie précédente. Il a voulu innover, mais cela lui a sans doute fait perdre un peu de son âme et la décennie suivante et accélèrera cet éloignement du tango de danse. Fresedo avait la réputation d’être un peu élitiste, disons qu’il s’est adapté à un public plus « raffiné », mais moins versé sur le collé-serré des milongueros.

Paroles de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei

Perdoná barrio porteño
Que al correr tu vista tanto,
Voy vencido por la vida
Y en angustias sé soñar.
Vuelvo atrás y tú en mis sienes
Marcarás las asechanzas,
De esta noche tormentosa
De mi loco caminar.

Han pasado muchos años
Y es amargura infinita,
La que traigo dentro del pecho
Desangrado el corazón.
Apagada para siempre
De su cielo, mi estrellita,
El regreso es un sollozo
Y una profunda emoción.

Mi acento ya no tiene
Tus tauras expresiones,
Con que cantaba al barrio
En horas del ayer.
Por eso mi guitarra
Silencia su armonía,
En esta noche ingrata
De mi triste volver.

Ernesto Natividad de la Cruz Letra: Héctor Romualdo Dematte

Traduction libre de la version de Ernesto Natividad de la Cruz et Héctor Romualdo Demattei

Pardonne-moi quartier portègne (de Buenos Aires) de courir autant à ta vue, je vais vaincu par la vie et dans l’angoisse je sais rêver.
Je reviens et toi, dans mes tempes, tu marqueras les pièges, de cette nuit d’orage, de ma folle marche.
De nombreuses années ont passé et c’est une amertume infinie, celle que je porte dans ma poitrine saignant mon cœur.
Éteinte à jamais de son ciel, ma petite étoile, le retour est un sanglot et une émotion profonde.
Mon accent n’a plus tes expressions bravaches, avec lesquelles je chantais au quartier aux heures d’hier.
C’est pourquoi ma guitare fait taire son harmonie, en cette nuit ingrate de mon triste retour.

Parque Patricios de Antonio Radicci et Francisco Laino (Milonga)

Cette géniale milonga est une star des bals. Deux versions se partagent la vedette, celle de Canaro avec Famá et celle, contemporaine de l’autre Francisco, Lomuto avec Díaz. Pour ma part, je n’arrive pas à les départager, les deux portent parfaitement l’improvisation en milonga, comportent des cuivres pour une sonorité originale et si on n’est sans doute un peu plus accoutumés à la voix de Famá, celle de Díaz ne démérite pas.

Parque Patricios 1940-10-03 – Orquesta Francisco Canaro con (Antonio Radicci y Francisco Laino, Música y letra).
Parque Patricios 1941-06-27 – Orquesta Francisco Lomuto con Fernando Díaz (Antonio Radicci y Francisco Laino, Música y letra)

Paroles de la version en milonga de Antonio Radicci et Francisco Laino

Mi viejo Parque Patricios
querido rincón porteño,
barriada de mis ensueños
refugio de mi niñez.
El progreso te ha cambiado
con su rara arquitectura,
llevándose la hermosura
de tu bondad y sencillez.
Cuántas noches de alegría
al son de una ,
en tus casitas de lata
se vio encender el farol.
Y al sonar de las vigüelas
el taita de ronco acento,
hilvanaba su lamento
sintiéndose payador (trovador en la versión de Famá).

Antonio Radicci Letra: Francisco Laino

Traduction libre de la version de Antonio Radicci et Francisco Laino

Mon vieux Parque Patricios, cher recoin de Buenos Aires, quartier de mes rêves, refuge de mon enfance.
Le progrès t’a changé avec son architecture étrange, t’enlevant la beauté de la bonté et de ta simplicité.
Combien de nuits de joie au son d’une sérénade, dans tes petites maisons de tôle se voyait allumer la lanterne.
Et au son des vigüelas [sortes de guitares] le taita [caïd] avec un accent rauque, tissait sa complainte en se sentant payador.

Viejo Parque Patricios de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

Viejo Parque Patricios 1952 – Orquesta Puglia-Pedroza (Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia).

Une version plutôt jolie, mais qui ne devrait pas satisfaire les danseurs. Contentons-nous de l’écouter. On pourra s’intéresser à la jolie prestation au bandoneón de Edgardo Pedroza.

Viejo Parque Patricios 1955-04-15 – (Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia)

La version proposée par Bongioni est bien différente de celle de Pugli et Pedroza. On y retrouvera une inspiration de Firpo et des Uruguayens comme Racciatti et Villasboas). Même si c’est très joueur, à la limite de la milonga, le résultat est sans doute assez difficile à danser par la plupart des danseurs.

Paroles de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

Bien que les deux enregistrements soient instrumentaux, il y a des paroles qui ne semblent cependant pas avoir été gravées. Les voici tout de même.

Por los corrales de ayer
Mis años yo pasé,
Barrio florido
Yo fui el primero
Que te canté.
En Alcorta y Labardén,
Caseros y Arena,
Bordé mi nido de amor.
Y en una cuadrera
Supe ser buen ganador,
El Pibe, El Chueco y El Inglés
Por una mujer,
Se trenzaron en más de una vez
Con este cantor.

Porteño soy
De las tres esquinas,
Pinta cantora
Para un querer.
Nací en el Parque Patricios
Sobre los viejos corrales de ayer.
Porteño soy
De las tres esquinas,
Y en mi juventud florida
El lecherito del arrabal,
Y como también
Un bailarín sin rival.
Santos Bazilotti Letra: Antonio Macchia

Traduction libre de la version de Santos Bazilotti et Antonio Macchia

À travers les corrales d’hier. Mes années j’ai passé. Quartier fleuri, j’ai été le premier qui t’a chanté.
À Alcorta et Labardén, Caseros et Arena, j’ai brodé mon nid d’amour.
Et dans une course de chevaux (peut-être aussi écurie), j’ai su être un bon gagnant. El Pibe, El Chueco et El Inglés, pour une femme, ils se sont crêpés plus d’une fois avec ce chanteur (l’auteur du texte).
Je suis Porteño, des Tres Esquinas, L’allure chantante pour un amour.
Je suis né à Parque Patricios sur les anciens corrales d’hier.
Porteño je suis, des Tres esquinas, et, dans ma jeunesse fleurie, le petit laitier des faubourgs, et aussi bien, un danseur sans rival.

Parque Patricios de Mateo Villalba et Maura Sebastián

Et pour terminer avec les versions, Parque Patricio 2008 (Valse) par le Cuarteto de MateoVillalba avec la voix de Maura Sebastián. C’est une composition de Martina Iñíguez et de Mateo Villalba. C’est une version légère, doucement valsée et chantée avec des paroles différentes.

Parque Patricio 2008 (Valse) par le Cuarteto de MateoVillalba avec la voix de Maura Sebastián


El Parque de los Patricios

Ce quartier porte le nom d’un parc créé en 1902 par un paysagiste français, Charles Thays.
Né à Paris en 1849, cet architecte, naturaliste, paysagiste, urbaniste, écrivain et journaliste français a déroulé l’essentiel de sa carrière en Argentine, notamment en dessinant et aménageant la plupart des espaces verts de Buenos Aires, mais aussi d’autres lieux d’Amérique du Sud. Il fut à l’origine du second parc naturel argentin, celui d’Iguazú, et il participa également à l’amélioration de la culture industrielle de yerba mate (germination), cet arbuste qui fait que l’Uruguay et l’Argentine ne seraient pas pareils sans lui.

Le Parque Patricios tel qu’il a été créé à l’origine. Dessin de 1902.

Mais avant le parc, cette zone avait une tout autre destination. Nous en avons parlé à diverses reprises. C’étaient les abattoirs et la décharge d’ordures.
Beaucoup y voient le berceau du tango, voire de Buenos Aires. En fait, tout le territoire actuel de la « Comuna 4 » constitue le Sud (Sur), zone particulièrement propice à la nostalgie et notamment chez D’Agostino et Vargas, qui ont produit plusieurs titres évoquant les quartiers de cette commune.
Le nom de Parque Patricios ou Parque de los Patricios a été donné au parc par l’Intendant Bulrich en l’honneur des Patricios, ce prestigieux bataillon de l’armée argentine.

Les Patricios continuent aujourd’hui à animer la vie argentine, même si leur dernier engagement a été pour les Malouines. À droite, l’uniforme au début du régiment (1806-1807). À l’extrême droite, un officier.
La commune 4 de Buenos Aires, correspond sensiblement au Sur « mythique » avec les quartiers très populaires de Parque Patricios, Nueva Pompeya, Barracas et La Boca. On pourrait rajouter la zone inférieure de Boedo qui appartient à la commune 5, cette zone chère à Homero Manzi.

Cette zone a été chantée dans de nombreux tangos dont nous avons déjà parlé comme :
Del barrio de las latas
Mano blanca
Tres Esquinas
El cuarteador de Barracas
En lo de Laura
Sur
La tablada

Voici à quoi ressemblait le quartier de Parque Patricios au début du 20e siècle. On comprend son surnom de barrio de las latas évoqué dans le tango dont nous avons déjà parlé.

Mais outre cet habitat particulièrement pauvre, la zone était également une immense décharge à ciel ouvert, où, toute la journée, on brûlait les détritus de Buenos Aires.
Les ordures étaient transportées avec un petit train à voie métrique « El tren de la basura », le train des ordures.

Un mural reproduisant le parcours du train des ordures rue Oruro 1400.
El tren de la basura.

L’autre spécialité de la zone était les abattoirs, Los Corrales, qui à la suite de la construction de nouveaux abattoirs à Abasto, sont devenus Los Corrales Viejos…

Corrales viejos matadero. Voir l’anecdote sur La tablada pour en savoir plus.

À bientôt les amis !

Deux détails du mural du train des ordures de la rue Oruro. On remarquera que de véritables « détritus » ont été utilisés, mais avec une intention artistique évidente.

La tablada 1942-07-23 – Orquesta Aníbal Troilo

Quand on pense à l’Argentine, on pense à sa viande et ce n’est pas un cliché sans raison. Les Argentins sont de très grands amateurs et consommateurs de viande. Chaque maison a sa parilla (barbecue) et en ville, certains vont jusqu’à improviser leurs parillas dans la rue avec un demi-bidon d’huile. Dans les espaces verts, il y a également des parillas aménagées et si vous préférez aller au restaurant, vous n’aurez pas beaucoup à marcher pour obtenir un bon asado. du jour, la tablada a à voir avec cette tradition. En effet, la tablada est le lieu où est regroupé le bétail avant d’aller au matadero

Corrales viejos, matadero, la tablada…

Extrait musical

La tablada 1942-07-23 – Orquesta Aníbal Troilo
La tablada. La couverture de gauche est plus proche du sujet de ce tango que celle de droite…
La partition est dédicacée par Canaro à des amis d’Uruguay (auteurs, musiciens…).

Autres versions

La tablada 1927-06-09 – Orquesta Francisco Canaro.

Une version presque gaie. Les vaches « gambadent », du pas lourd du .

La tablada 1929-08-02 – Orquesta Cayetano Puglisi.

Une version pesante comme les coups coups donnés par les mataderos pour sacrifier les animaux.

La tablada 1929-12-23 – Orquesta Francisco Canaro.

Cette version est assez originale, on dirait par moment, une musique de dessin animé. Cette version s’est dégagée de la lourdeur des versions précédentes et c’est suffisamment joueur pour amuser les les plus créatifs.

La tablada 1936-08-06 – Orquesta Edgardo Donato.

Une des versions le plus connues de cette œuvre.

La tablada 1938-07-11 – Orquesta Típica .

Cette version française fait preuve d’une belle imagination musicale. Alemany est probablement Argentin de naissance avec des parents Polonais. Son nom était-il vraiment Alemany, ou est-ce un pseudonyme, car il a travaillé en Allemagne avant la seconde guerre mondiale avant d’aller en France où il a fait quelques enregistrements comme cette belle version de la tablada avant d’émigrer aux USA. Ses musiciens étaient majoritairement argentins, car il avait fait le voyage en Argentine en 1936 pour les recruter. Cette version est donc franco-argentine pour être précis…

La tablada 1942-07-23 – Orquesta Aníbal Troilo. C’est notre tango du jour.
La tablada 1946-09-10 – Orquesta Francisco Canaro.

L’introduction en appels sifflés se répondant est particulièrement longue dans cette version. Il s’agit de la référence au train qui transportait la viande depuis La Tablada jusqu’à . Les employés devaient siffler pour signaler le départ, comme cela se fait encore dans quelques gares de campagne.

La tablada 1950-11-03 – Enrique Mora y su Cuarteto Típico.

Encore une version bien guillerette et plutôt sympathique, non ?

La tablada 1951 – Orquesta Roberto Caló.

C’est le frère qui était aussi chanteur, mais aussi pianiste (comme on peut l’entendre dans cet enregistrement), de Miguel Caló.

La tablada 1951-12-07 – y su Orquesta Típica.

Une version qui se veut résolument moderne, et qui explore plein de directions. À écouter attentivement.

La tablada 1955-04-19 – Orquesta José Basso.

Dans cette version, très intéressante et étonnante, Basso s’éclate au piano, mais les autres instruments ne sont pas en reste et si les danseurs peuvent être étonnés, je suis sûr que certains apprécieront et que d’autres me maudiront.

La tablada 1957 – Mariano Mores y su Gran Orquesta Popular.

L’humour de Mariano Mores explose tout au long de cette version. Là encore, c’est encore un coup à se faire maudire par les danseurs, mais si vous avez envie de rigoler, c’est à préconiser.

La tablada 1957-03-29 – Orquesta . Varela est plus sérieux, mais sa version est également assez foisonnante. Décidément, la tablada a donné lieu à beaucoup de créativité.
La tablada 1962 – Orquesta Rodolfo Biagi.

On revient à des choses plus classiques avec Rodolfo Biagi qui n’oublie pas de fleurir le tout de ses ornements au piano. À noter le jeu des bandonéons avec le piano et les violons qui dominent le tout, insensibles au staccato des collègues.

La tablada 1962-08-21 – Cuarteto Troilo-Grela.

Le duo Grela, Troilo est un plaisir raffiné pour les oreilles. À écouter bien au chaud pour se laisser emporter par le dialogue savoureux entre ces deux génies.

La tablada 1965-08-11 – Orquesta Juan D’Arienzo.

La spatialisation stéréophonique est sans doute un peu exagérée, avec le bandonéon à droite et les violons à gauche. Beaucoup de DJ passent les titres en mono. C’est logique, car tout l’âge d’or et ce qui le précède est mono. Cependant, pour les cortinas et les enregistrements plus récents, le passage en mono peut être une limitation. Vous ne pourrez pas vous en rendre compte ici, car pour pouvoir mettre en ligne les extraits sonores, je dois les passer en mono (deux fois moins gros) en plus de les compresser au maximum afin qu’ils rentrent dans la limite autorisée de taille. Mes morceaux originaux font autour de 50 Mo chacun. Pour revenir à la diffusion en stéréo, le DJ doit penser que les danseurs tournent autour de la piste et qu’un titre comme celui leur donnera à entendre le bandonéon dans une zone de la salle et les violons dans une autre. Dans ce cas, il faudra limiter le panoramique en rapprochant du centre les deux canaux. Encore un truc que ne peuvent pas faire les DJ qui se branchent sur l’entrée ligne où les deux canaux sont déjà regroupés et ne peuvent donc pas être placés spatialement de façon individuelle (sans parler du fait que l’entrée ligne comporte généralement moins de réglage de tonalité que les entrées principales).

La tablada 1966-03-10 – Orquesta Florindo Sassone.

Une meilleure utilisation de la spatialisation stéréophonique, mais ça reste du Sassone qui n’est donc pas très passionnant à écouter et encore moins à danser.

La tablada 1968 – Orquesta Típica .

Stampone a explosé la frontière entre la musique classique et le tango avec cette version très, très originale. J’adore et je la passe parfois avant la en musique d’ambiance, ça intrigue les premiers danseurs en attente du début de la milonga.

La tablada 1968-06-05 – Cuarteto Aníbal Troilo.

On termine, car il faut bien une fin, avec Pichuco et son cuarteto afin d’avoir une autre version de notre musicien du jour qui nous propose la tablada.

Après ce menu musical assez riche, je vous propose un petit asado

L’asado

Je suis resté discret sur le thème matadero évoqué dans l’introduction. Matar en espagnol est tuer (à ne pas confondre avec mate) qui est la boisson nationale. Si vous écrivez « maté », vous voulez dire « tué ». Il ne faut donc surtout pas mettre d’accent, même si ça prononce maté, ça s’écrit mate. L’accent tonique est sur le ma et pas sur le te. J’arrête de tourner autour du pot, le matadero, c’est l’abattoir.

À la fin du 16e siècle, Jean de Garay apporta 500 vaches d’Europe (et bien sûr quelques taureaux). Ces animaux se plurent, l’herbe de la pampa était abondante et nourrissante aussi les bovins prospérèrent au point que deux siècles plus tard, Félix de Azara, un naturaliste espagnol constatait que les criollos ne consommaient que de la viande, sans pain.
Plus étonnant, ils pouvaient tuer une vache pour ne manger que la langue ou la partie qui les intéressait.
Puis, la colonisation s’intensifiant, la viande est devenue la nourriture de tous, y compris des nouveaux arrivants. Certaines parties délaissées par la « cuisine » traditionnelle furent l’aubaine des plus pauvres, mais certaines parties qui étaient très appréciées par les personnes raffinées et négligées par les consommateurs traditionnels continuent à faire le bonheur des commerçants avisés qui répartissent les parties de l’animal selon les quartiers.
Le travail du cuir est aussi une ressource importante de l’Argentine, mais dans certaines provinces, l’asado (la grillade) se fait avec la peau et dans ce cas, le cuir est perdu. C’est un reste de l’habitude de tuer une vache pour n’utiliser que la portion nécessaire à un moment donné.
Les Argentins consomment un kilo de viande et par personne chaque semaine. Je devrais écrire qui consommaient, car depuis l’arrivée du nouveau gouvernement en Argentine, le prix de la viande a triplé et la consommation a fortement baissée en quantité (de l’ordre de 700 grammes par semaine et surtout en qualité, les viandes les moins nobles étant désormais plus recherchées, car moins chères).

Asado a la estaca (sur des pieux) — Asado con cuero (avec la peau de l’animal) Asado dans un restaurant, les chaînes permettent de régler la hauteur des différentes grilles — asado familiar.

Tira de asado
La viande est attachée à l’os. C’est assez spectaculaire et plein d’os que certains enlèvent avec leur couteau ou en croquant entre les restes de côtes.

Vacio (Vide)
Un morceau de choix, sans os, tendre et à odeur forte. IL se cuit lentement à feu indirect.

Matambre
Entre la peau et les os, le matambre est recherché. Il est également utilisé roulé, avec un remplissage entre chaque couche. Une fois découpé en rondelle, comme une bûche de Noël, c’est très joli. Le remplissage peut être des œufs durs, des légumes ou autres.

Colita de cuadril
Partie de l’aloyau (croupe) proche de la queue, d’où le nom.

Entraña
Partie intérieure des côtes de veaux.

Bife de chorizo
Bifteck de chorizo, un steack à ne pas confondre avec la saucisse espagnole de ce nom.

Bife Ancho
Un steack large, épais avec graisse.

Bife angosto
Le contraire du précédent, plus fin.

Lomo
La longe, une pièce de viande peu grasse.

Palomita
Une coupe parmi tant d’autres. J’imagine que certains y voient une colombe, mais c’est bien du bœuf.

Picaña
Arrière de la longe de bœuf de forme triangulaire.

Achuras
Ce sont les abats.
Ils sont présentés en tripes, chorizos, boudins, ris de veau, rognons et autres.
Ils ne font pas l’unanimité chez les Argentins, mais un asado sans achuras, ce n’est pas un asado pour beaucoup.

Bondiola
Le porc passe aussi un sale moment sur la parilla.
Beaucoup la mangent en sandwich dans du pain français (rien à voir avec le pain de France). Le pain peut être chauffé sur la parilla.

Pechito de cerdo
La poitrine de porc fait aussi partie des morceaux de choix de l’asado. Elle est considérée ici comme une viande plus saine (comme quoi tout est relatif).

Des légumes, poivrons, aubergines peuvent rejoindre l’asado, mais ce ne sera pas le met préféré des Argentins, même si on y fait cuire un œuf afin de ne pas manquer de protéines…

Le travail de l’asador

C’est la personne qui prépare l’asado. Son travail peut paraître simple, mais ce n’est pas le cas.
Il faut préparer les morceaux, parfois les condimenter (modérément) et la cuisson est tout un art. Une fois que le bois ou le charbon de bois sont prêts, il faut régler la hauteur de la grille afin que la viande cuise doucement et longuement et de façon adaptée selon les pièces qui se trouvent aux différents endroits de la grille.
Beaucoup d’Argentins aiment la viande bien cuite, les steaks tartares sont une idée qui n’est pas dans le vent ici. D’autres l’aiment à point et la bonne viande se coupe à la cuillère, voire avec le manche de la cuillère.
Hors de l’Argentine, il est assez difficile de convaincre un boucher de découper la viande à l’Argentine, à moins de bien lui expliquer et d’acheter 40 kilos d’un coup. Il vous faudra donc aller en Argentine ou dans un restaurant argentin qui s’approvisionne bien souvent en bœuf de l’Aubrac (France).
La coutume veut qu’on applaudisse l’asador qui a passé des heures à faire cuire amoureusement les animaux.
L’Argentine n’est pas le paradis des végétariens, d’autant plus que les légumes sont souvent plus chers que la viande (même si en ce moment, c’est moins le cas). Il faut compter entre 4 et 10 $ le kilo, voire moins si vous achetez de grosses quantités, si vous payez en liquide, si vous avez la carte de telle ou telle banque… L’Argentine fourmille d’astuces pour payer un peu moins cher.
Ne sortez pas l’American Express ici son slogan est plutôt « ne sortez pas avec elle » si vous ne voulez pas payer plus cher.
En ce qui concerne les autres produits d’origine animale, le lait et les produits laitiers ne sont pas les grands favoris et le poisson coûte le même prix qu’en Europe et par conséquent est hors de prix pour la majorité des Argentins, sauf peut-être le merlu que l’on peut trouver à moins de 10 $ contre 30 ou 40 $ le saumon (d’élevage, congelé et à la chair très pâle et grasse).
Bon, je me suis un peu échappé du domaine du tango, mais n’étant pas amateur de viande, il me fallait faire une forme de catharsis…

À demain, les amis !

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo)

Cette milonga, enregistrée il y a exactement 81 ans par D’Agostino et Vargas évoque l’un des lieux de tango semi-clandestin les plus fameux des débuts du tango. Celui qui était tenu par Laurentina Monserrat, Laura. Nous sommes à la fin du XIXe, début du XXe siècle. Je vous propose de suivre le tango dans ses berceaux interlopes, à la recherche de ses heures de gloire.

Au sujet de Sacale punta, j’ai évoqué les « maisons » de tango. Je prolonge ici l’enquête, plus au cœur de ces premiers sites, qui n’étaient pas que des lieux de danse…

Extrait musical

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Les paroles

Milonga de aquel entonces
que trae un pasado envuelto…
De aquel 911
ya no te queda ni un vuelto…
Milonga que en lo de Laura
bailé con la Parda Flora
Milonga provocadora
que me dio cartel de taura…
Ah… milonga ‘e lo de Laura

Milonga de mil recuerdos
milonga del tiempo viejo.
Qué triste cuando me acuerdo
si todo ha quedado lejos…
Milonga vieja y sentida
¿quién sabe qué se ha hecho de todo?
En la pista de la vida
ya estamos doblando el codo.
Ah… milonga ‘e lo de Laura

Amigos de antes, cuando chiquilín,
fui bailarín compadrito…
Saco negro, trensillao, y bien afrancesao
el pantalón a cuadritos…
¡Que baile solo el Morocho
! — me solía gritar
la barra «
e los Balmaceda…
Viejos tangos que empezó a cantar
la Pepita Avellaneda
¡Eso ya no vuelve más!

Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo (Domingo Enrique Cadícamo).

Une brève et caricaturale du tango

On lit beaucoup de bêtises sur les prémices du tango, le mieux est donc de faire court pour limiter la liste de ces âneries. Ce que l’on peut en dire de façon à peu près certaine est qu’il n’est pas né dans les salons huppés de la bourgeoisie. Cependant, les jeunes hommes de la bonne société, les niños biens, allaient parfois s’encanailler dans les moins troubles des lieux de « divertissement » de l’époque.
Comme bien sûr, les filles de bonne famille ne pouvaient pas décemment se rendre dans les mêmes lieux, la danse se faisait avec les femmes du lieu, des banlieusardes, des soubrettes, des grisettes et des prostituées, plus ou moins raffinées. On n’y dansait donc pas entre hommes, en tout cas pas de façon généralisée et souhaitée…
Lorsque le tango est revenu couvert de gloire d’Europe et notamment de Paris, le tango s’est diffusé dans les hautes sphères. Il n’était plus nécessaire de fréquenter ce type de lieu pour le pratiquer, les femmes de la bonne société pouvaient alors s’adonner à cette danse qui s’est alors assagie. Les paroles outrancières comme celles de Villodo ont été réécrites, la danse s’est raffinée en adoptant une attitude plus droite, plus élégante, le tango était prêt à entrer dans son âge d’or. Par chance pour nous, c’est aussi plus ou moins l’époque où l’enregistrement électrique est apparu, ce qui nous permet de conserver des souvenirs sonores de bien meilleure qualité de cette époque. Enregistrement.

Allons au bordel

La maison que certains appellent pudiquement « école de danse » ou tout simplement Lo de Laura (ou du nom d’une autre tenancière) est tout simplement une maison de plaisirs. Cependant, il ne faut pas y voir nécessairement un lieu sordide, digne d’un roman de Zola.
En effet, la prostitution au XIXe siècle avait différents étages.

Les courtisanes

Tout en haut, la Courtisane. À Paris, la Paiva en était sans doute le meilleur exemple. C’était une prostituée, plus ou moins occasionnelle qui a réussi à se faire remarquer et qui est devenu une femme entretenue, par un ou plusieurs riches hommes.
Avoir une maîtresse pour un homme très riche n’était pas mal vu à l’époque, au contraire, c’est le contraire qui aurait été choquant. On aurait pensé qu’il était pingre ou ruiné, ce qui n’aurait pas été bon pour les affaires.

L’hôtel de la Païva, 25 avenue des Champs-Élysées à Paris, France,

L’hôtel de la Païva est le seul hôtel particulier restant de l’époque où on affirmait que c’était les Champs-Élysées étaient la plus belle avenue du Monde. En effet, l’horrible avenue actuelle n’a plus rien à voir avec le charme de tous ces hôtels qui rivalisaient sur les « Champs ». Même ce survivant est mis à mal, car désormais masqué par la devanture d’un bistrot.
Prendre un exemple en France n’est pas une erreur, c’est ce pays qui servait essentiellement de modèle pour les mœurs de la haute société à cette époque.

Cliquez ce lien pour en savoir un peu plus sur ce lieu et sa propriétaire.

Les cocotes

La cocote n’arrive pas au statut social des courtisanes. Elle est entretenue par divers « réguliers », mais aucun n’est suffisamment riche ou généreux pour lui permettre de s’établir dans un somptueux hôtel particulier.
Notons que les économies qu’arrivent à faire certaines leur permettent d’ouvrir des maisons, que ce soient des pensions (logements) ou des bordels. Elles continuent donc de travailler, elles-mêmes ou font travailler d’autres femmes, contrairement aux Courtisanes, qui ne travaillent plus que pour le plaisir ou leur mécène.

Les occasionnelles

L’occasionnelle est celle qui ayant du mal à boucler son budget, se livre à l’exercice moyennant finance. Elle peut être une lingère, une fille de salle, une artiste de cabaret, ou toute autre profession qui ne garantit pas un revenu suffisamment régulier et important pour vivre. Certaines auront un peu de chance dans leurs rencontres et iront rejoindre les cocotes, voire les courtisanes, mais d’autres feront cela à temps plein et entreront alors dans les maisons closes.

Les maisons closes (prostibulos)

Là encore il y a différents étages. Je ne rentrerai pas dans les détails, car cela n’aurait pas trop d’intérêt pour notre propos. Ce qu’il suffit de savoir est que pour pratiquer le tango dans les premiers temps, c’étaient des lieux où on pouvait facilement trouver une partenaire, pour danser, ou plus si affinité (et finances). En général, cela commençait avec un café, café qui reste toujours de mise dans la bouche des dragueurs des milongas portègnes…
Ces établissements étaient contrôlés, notamment pour limiter la syphilis et gérés par une ancienne prostituée, un souteneur ou quelque entrepreneur entreprenant. D’ailleurs, de très nombreuses filles pauvres, notamment des Françaises, sont venues à Buenos Aires avec les promesses d’un bel Argentin et se sont retrouvées dans ces établissements avec des fortunes très diverses. Parmi elles, on pourrait citer de nombreuses « grisettes » comme Griseta, Malena, Manón, Margot, María, Mimí, Mireya Ninón et Mademoiselle Ivonne qui devient Madame Ivonne. Cette dernière toutefois était une administratrice de pension, pas de bordel, elle a employé différemment ses économies.
Les différentes « écoles de danse » étaient donc des lieux où la danse n’était pas la seule activité.

Les « Lo »

Parmi les lieux les plus réputés pour la danse, on pourrait citer Lo de Laura, qui fait l’objet de ce tango et que nous avons déjà décrit à propos de Sacale punta, Lo de Maria la Vasca (la Basque). On cite souvent Lo de Hansen qui était un bar-restaurant créé par un Allemand, Juan Hansen, en 1877, mais il est à la fois douteux que ce fût un lieu de danse et un bordel. En revanche, Lo de Tancreli revendique les deux fonctions.

Lo de Hansen

Cet établissement était situé dans le parc 3 de febrero (Palermo) qui a été inauguré en 1875.
Pour ceux que ça intéresse, le nom vient du 3 février 1852, date de la bataille de Caseros entre les armées de Rosas et Urquiza et qui marque le début de la période nommée « organización nacional » (organisation nationale…) de l’histoire politique mouvementée de l’Argentine.
Le 4 mai 1877, Juan Hansen sollicite auprès de la commission du parc d’ouvrir un café-restaurant dans une construction du parc (probablement antérieure à la création du parc en 1875, car elle était en mauvais état. Il avait déjà un établissement depuis 1869, également à Palermo (en face de la gare). La commission accepte et Juan Hansen effectuera différents travaux comme l’ajout d’une terrasse sur le toit, le remplacement du plancher par un carrelage, l’agrandissement des fenêtres existantes et la construction d’un salon supplémentaire.

Le café de Hansen, ici nommé « Restaurant del Parque 3 de Febrero » et la mention J Hansen sur la droite de la façade. À droite, une vue « intérieure ». On voit sur ces deux photos les aménagements proposés à la commission : Le carrelage et la terrasse panoramique.

Le café restaurant ouvre donc, mais se livrerait à d’autres activités, comme l’avancent « José Sebastian Tallón dans El tango en su etapa de música prohibida. Buenos Aires, Instituto Amigos del Libro Argentino, 1959 et repris par Enrique Horacio Puccia dans “el Buenos Aires de Ángel Villoldo”. »
« Hansen à Palermo, était un mélange de bordel somptueux et de restaurant. Un commerce de précurseurs, pourrait-on dire, avec en prime les bagarres fréquentes, le cabaret tumultueux qui a précédé les actuels. Ce fut la cour de récréation de bacancitos (petits chefs) et compadritos comme ils se définissent eux-mêmes. Et des bagarreurs et des gens ayant divers problèmes. »
Cependant, plus qu’un bordel, c’était une « Chupping house » comme disent élégamment les Argentins qui ne veulent pas parler de la chose et la déguisent par une expression anglaise qui pourrait se traduire par masturbation. Il semblerait que les bosquets avoisinants aient été propices à ces activités, notamment la nuit.
En effet, le café de Hansen avait deux visages. Il était ouvert en permanence. De jour, il accueillait les promeneurs qui venaient se rafraîchir et manger et de nuit, les fêtards et fauteurs de trouble s’y retrouvaient.
Parmi eux, les amateurs de tango. Ceux-ci venaient écouter, car il était interdit de le danser, comme l’affirment notamment Amadeo Lastra et Miguel Angel Scenna.
Cependant, plusieurs indiquent que l’on dansait tout de même au son de la musique dans les alentours de l’établissement. Dans ce sens, je vous propose le témoignage de Félix Lima :

« Se bailaba? Estaba prohibido el bailongo, pero a retaguardia del caserón de Hansen, en la zona de las glorietas tanguea base liso, tangos dormilones, de contrabando. Los mozos hacían la vista gorda. El tango estaba en pañales. A un no había invadido los salones de la « haute ». Solamente lo bailaban las mujeres alegres »

« Est-ce qu’on y dansait ? Il était interdit de faire du bailongo, mais à l’arrière de l’établissement d’Hansen, dans la zone des gloriettes, il se dansait des tangos tranquilles, des tangos lascifs (endormis), de contrebande. Les serveurs faisaient semblant de ne pas voir (vista gorda). Le tango avait encore des couches (était bébé). Il n’avait pas encore investi les salons de la « haute ». Seules les femmes légères (alegres) le dansaient.

El Esquinazo, un succès à tout rompre

C’est dans cet établissement qu’a eu lieu l’incroyable succès de El Esquinazo d’Ángel Gregorio Villoldo. Voici comment le raconte dans Entre cartes y quebradas, candombes, milongas y tangos en su historia y comentarios. Montevideo, 1948.
Pintin parle du Café Tarana qui était le nom de l’époque du Café de Hansen (qui était mort le 3 avril 1891). Anselmo R. Tarana avait lorsqu’il en devint le propriétaire le 8 mai 1903, adopté le nom « Restaurante Recreo Palermo. Antiguo Hansen ». Mais pour les clients, c’était Lo de Hansen ou Lo de Tarana. Signalons que Tarana avait cinq voitures, pour raccompagner les clients à domicile, ce qui témoigne bien du succès.
La composition de Villoldo a été un triomphe […]. L’accueil du public fut tel que, soir après soir, il se rendit au et le rythme diabolique du tango susmentionné commença à rendre peu à peu tout le monde fou. Pour avoir une idée de comment c’était joué à l’époque, un enregistrement de 1909 sorti le 5 mars 1910.

El esquinazo 1910-03 05 — Estudiantina Centenario dirige par (Ángel Gregorio Villoldo Letra  ; A. Timarni [Antonio Polito])

Tout d’abord, et avec une certaine prudence, les clients ont accompagné la musique de « El Esquinazo » en tapant légèrement avec leurs mains sur les tables.
Mais les jours passaient et l’engouement pour le tango diabolique ne cessait de croître.
Les clients du Café Tarana ne se contentaient plus d’accompagner avec le talon et leurs mains. Les coups, en gardant le rythme, augmentèrent peu à peu et furent rejoints par des tasses, des verres, des chaises, etc.
Mais cela ne s’est pas arrêté là […] Et il arriva une nuit, une nuit fatale, où se produisit ce que le propriétaire de l’établissement florissant ressentait depuis des jours. À l’annonce de l’exécution du tango déjà consacré de Villoldo, une certaine nervosité était perceptible dans le public nombreux […] l’orchestre a commencé le rythme rythmique de « El Esquinazo » et tous les assistants ont continué à suivre leur rythme avec tout ce qu’ils avaient sous la main : chaises, tables, verres, bouteilles, talons, etc. […]. Patiemment, le propriétaire (Anselmo R Tarana) a attendu la fin du tango du démon, mais le dernier accord a reçu une standing ovation de la part du public. La répétition ne se fit pas attendre ; et c’est ainsi qu’il a été exécuté un, deux, trois, cinq, sept… Finalement, de nombreuses fois et à chaque interprétation, une salve d’applaudissements ; et d’autres choses cassées […] Cette nuit inoubliable a coûté au propriétaire plusieurs centaines de pesos, irrécouvrables. Mais le problème le plus grave […] n’était pas ce qui s’était passé, mais ce qui allait continuer à se produire dans les nuits suivantes.
Après mûre réflexion, le malheureux « Paganini » des « assiettes brisées » prit une résolution héroïque. Le lendemain, les clients du café Tarana ont eu la désagréable surprise de lire une pancarte qui, près de l’orchestre, disait : « Est strictement interdite l’exécution du tango el esquinazo ; La prudence est de mise à cet égard. »

Lo de

Cette maison était située en la calle Europa, aujourd’hui, Carlos Calvo au n° 2721. Elle appartenait à Carlos Kern (El Ingles) et sa femme, María Rangolla, une basque française) et une ancienne prostituée, devenue Courtisane la gérait.
C’est là que Rosendo Mendizábal a lancé « El Entrerriano », voir cela dans l’article sur Sacale punta.

El entrerriano 1910-03-05 Estudiantina Centenario dir. Vicente Abad (enregistré en 1909, sortie du disque le 5 mars 1910). Une sympathique version avec une jolie mandoline.
Extérieur et patio de la casa de Maria la Vasca.

Le mari de la Vasca, Carlos Kern dont l’autre surnom était Matasiete (tue sept en référence à son imposante stature) veillait à ce que les dames de la maison soient respectées.
Un film un peu particulier sur cette maison : Origines prohibidos y prostibularios del tango — María Aldaz. Il y a beaucoup à lire, plus qu’à regarder, c’est comme un immense générique, ou un livre à défilement automatique, mais ce travail est intéressant si vous avez le courage de vous y plonger.

Origines prohibidos y prostibularios del tango par María Aldaz

La Parda Loreto

Le mari de la Vasca possédait un autre lieu, plus modeste qui était situé à Chile au 1567 à la Societad Patria e Lavoro. Cet immeuble n’existe plus. Sa danseuse la plus réputée était « La Parda » Loreto.
Avec le paiement d’un supplément, il était possible de profiter d’une chambre avec une des belles du bal.
Cette « annexe » de Lo de la Vasca, n’était pas forcément bien vue par Maria, qui était à juste titre jalouse de ce qui s’y passait avec son mari.

Lo de Laura

Lo de Laura est l’établissement en l’honneur duquel a été écrite la milonga du jour.
Elle était située en Paraguay 2512. J’en ai parlé à propos de Sacale punta.
Cette maison était beaucoup plus grande que celle de María la Vasca.

Lo de Laura (Laurentina Monserrat). Cette « maison » était située en Paraguay 2512. C’est maintenant une maison de retraite…

Sa fréquentation était plus élitiste que celles des toutes les autres maisons.

Les maisons de tango dans les paroles de tangos

Voici quelques tangos qui parlent de ces maisons, comme Lo de Laura.

En lo de Laura 1943-03-12 — Antonio Polito Letra Enrique Cadícamo

Lo de Laura

C’est le tango du jour, voir donc ci-dessus, mais ne boudons pas le plaisir d’écouter de nouveau nos deux anges. Vargas et D’Agostino.

En lo de Laura 1943-03-12 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

No aflojés (Pedro Maffia et Sebastián Piana Letra : )

Lo de Laura et Lo de María la Vasca

 « Vos fuiste el rey del bailongo en lo de Laura y la Vasca… »

No aflojés 1940-11-13 – Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas (Pedro Maffia ; Sebastián Piana Letra: Mario Battistella)

Tiempos viejos ( Letra:  Manuel Romero)

Lo de Laura et lo de Hansen

En 1926, Carlos Gardel enregistrait le bon vieux temps, celui des « maisons » de danse, ces bordels de luxe où on dansait le tango et cherchait la compagnie des femmes. La musique est de Francisco Canaro et les paroles de Manuel Romero.

Tiempos viejos (Te acordás hermano) 1926 — Carlos Gardel avec les guitares de Guillermo Barbieri et José Ricardo (Francisco Canaro Letra: Manuel Romero)

Canaro l’a enregistré à de multiples reprises, mais seulement à partir de 1927, notamment avec sa compagne officieuse, Ada Falcón.

Tiempos viejos (Te acordás hermano) 1931-12-17 — Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro. C’est une autre version « chanson ».

Je reviendrai à l’occasion du tango du jour sur une version de danse de ce titre, notamment le 28 septembre avec la version enregistrée en 1937 par Francisco Canaro et Roberto Maida.

¿Te acordás, hermano ? ¡Qué tiempos aquéllos!
Eran otros hombres más hombres los nuestros.
No se conocían cocó ni morfina,
los muchachos de antes no usaban gomina.

¿Te acordás, hermano? ¡Qué tiempos aquéllos!
¡Veinticinco abriles que no volverán!
Veinticinco abriles, volver a tenerlos,
si cuando me acuerdo me pongo a llorar.

¿Dónde están los muchachos de entonces?
Barra antigua de ayer ¿dónde está?
Yo y vos solos quedamos, hermano,
yo y vos solos para recordar…
¿Dónde están las mujeres aquéllas,
minas fieles, de gran corazón,
que en los bailes de Laura peleaban
cada cual defendiendo su amor?

¿Te acordás, hermano, la rubia Mireya,
que quité en lo de Hansen al loco Cepeda?

Casi me suicido una noche por ella
y hoy es una pobre mendiga harapienta.
¿Te acordás, hermano, lo linda que era?
Se formaba rueda pa’ verla bailar…
Cuando por la calle la veo tan vieja
doy vuelta la cara y me pongo a llorar.

Francisco Canaro Letra: Manuel Romero

On note plusieurs éléments dans le texte, que j’ai mis en gras et que je traduis ici :
On ne connaissait pas la cocaïne ni la morphine (pas de drogue autre que le tabac).
Les gars d’avant n’utilisaient pas de gomina (le film argentin d’Enrique Carreras ; Los muchachos de antes no usaban gomina sorti le 13 mars 1969 prétend représenter cette époque et a choisi cette phrase de la chanson comme titre.
Tu te souviens, frérot, de la blonde Mireya, que j’ai piqué à Lo de Hansen au fou Cepeda ? Il a piqué la copine française, Mireille, à Cepeda, le poète Andrés Cepeda [surnommé le Loco ou le mauvais, il était de plus anarchiste] et il a failli se suicider pour elle et aujourd’hui, elle est une mendiante.

La Vasca [Juan Calos Bazán]

Lo de María la Vasca

Couverture de la partition pour piano de la Vasca de Juan Carlos Bazan.

On a la partition, mais pas d’enregistrement de ce tango.

El fueye de Arolas [Pedro Laurenz Letra : Héctor Marcó]

Lo de Hansen

Lo de Hansen est cité dans « El fueye de Arolas » [Le bandonéon d’Arolas] écrit à la mémoire d’Arolas par Héctor Marcó en 1951, à l’occasion du retour des restes d’Arolas de Paris à Buenos Aires :
No ronda en las noches de Hansen al muelle [Il s’agit du quai de la Marne, Arolas étant mort à Paris]. La mention de Lo de Hansen est donc très sommaire, mais ça prouve qu’en 1924, l’établissement rasé en 1912 restait dans les mémoires).
Pedro Laurenz le mettra en musique, mais il n’a probablement pas été enregistré.

La Pishuca — El baile en lo de Tranqueli

Noté par Eduardo Barberis le 25 avril 1905 (compositeur anonyme).

Lo de Tranqueli, cet établissement de bas étage était situé à l’angle sud-est des rues Suárez y Necochea (La Boca). L’immeuble n’en a plus pour très longtemps, il est désaffecté. À droite, la partition avec la retranscription des paroles qui sont assez difficiles à comprendre.

Eduardo Barberis (qui a fait un travail ethnographique en récoltant ce tango) a essayé de reproduire la façon de chanter ce qu’il entendait. Cela rend la partition moins compréhensible. Je vous propose une version probable et une traduction approximative à la suite…

Anoche en lo de Tranqueli
Bailé con la Boladora
Y estaba
Que en cuanto me vio estriló,
Que una vez en los Corrales
En un cafetín que estaba,
Le tuve que dar la biaba
Porque se me reversó.

Premier couplet du tango qui en compte cinq, de la même eau…

Hier soir à lo de Tranqueli, j’ai dansé avec la Boladora. Il y avait la Parda Flora (Uruguayenne mulâtresse ayant travaillé à Lo de Laura et danseuse réputée). Quand elle m’a vu elle s’est mise en colère, car aux Corrales dans un café où elle était, j’avais dû lui donner une branlée, car j’étais à l’envers (retourné, pas dans mon assiette).
Je propose de rapprocher la Parda Flora de Pepita Avellaneda, qui si elle n’est pas la même a un parcours très similaire : Uruguay, Lo de Laura, Flores et la Boca.
Aux Corrales viejos a eu lieu le 22 juin 1880, le dernier combat des guerres civiles argentines. Les forces nationales y ont remporté la dernière manche contre les rebelles de la Province de Buenos Aires.

Los Corrales Viejos (situé à Parque Patricios). On voit qu’on n’est pas dans l’ambiance feutrée des salons parisiens, ni même dans celle de Lo de Laura…

Selon le poète Miguel A.Camino, le tango est né aux Corrales Viejos dans les années 80, les duels au couteau leur ont appris à danser, le 8 (ocho) et la sentada, la media luna et le pas en arrière.
Lo de Tranqueli fait partie des piringundines, les bordels où on danse, mais de bas étages. Rien à voir avec les établissements de plus haute tenue comme Lo de Laura.
Fernando Assuncao, dans « El tango y sus circunstancias » mentionne cette uruguayenne fameuse qui gérait un bordel en Montevideo où il y avait régulièrement (pour ne pas dire tout le temps du grabuge). On lui attribue la phrase « ¡Que haiga relajo pero con orden! », que ce soit détendu, mais avec de l’ordre !

En guise de conclusion, provisoire…

Il est étonnant et intéressant de voir comment le tango s’est frayé un chemin des faubourgs et de la prostitution de bas étage, jusqu’aux plus hautes de la société. Nous avons développé aujourd’hui la première étape, celle où le tango est interdit de danse dans les lieux publics et doit donc se cacher dans des établissements déguisés sous le nom d’école de danse ou de bordels.
J’ai passé sous silence la danse dans les conventillos (habitats populaires), mais on imagine que les fanatiques du tango devaient saisir toutes les occasions possibles, dans les gloriettes où on pouvait entendre la musique de chez Hansen, jusqu’à la musique des manèges pour enfants (les calecitas).
Progressivement, il se trouve un chemin et va être dansé dans de nouveaux lieux, comme ici au Théâtre de la rue de la rue Victoria.

El Teatro de la Victoria. On trouve en général la photo de droite associée à Lo de Laura. Il s’agit en fait d’une photographie réalisée en 1905 au Teatro de la Victoria qui était situé au 954 de la calle Victoria (actuelle Hipolito Irigoyen).

L’étape suivante se passe en Europe, nous aurons l’occasion d’y revenir.
À suivre…

Danseurs en Lo de Laura — Reconstitution fantaisiste à tous points de vue.