Fuegos artificiales 1941-02-26 (Tango) — Orquesta Juan D’Arienzo

 ; Eduar­do Aro­las

Le tan­go d’au­jour­d’hui a été enreg­istré par Juan D’Arien­zo, le 26 févri­er 1941, il y a exacte­ment 83 ans. Los sont les feux d’ar­ti­fice. Nous ver­rons dans cet arti­cle qu’on peut les voir réelle­ment dans la musique.

Ceux qui con­nais­sent un peu l’Ar­gen­tine savent qu’ils sont fans d’ex­péri­ences pyrotech­niques. Cepen­dant, con­traire­ment à la France, ce ne sont pas les com­munes qui les pro­posent, ce sont les Argentins eux-mêmes qui rivalisent avec leurs voisins pour pro­pos­er le plus beau spec­ta­cle. Rober­to Fir­po et Eduar­do Aro­las se sont donc inspirés de ces feux d’ar­ti­fice pour pro­pos­er un tan­go descrip­tif où se voient et s’en­ten­dent les fusées.

Roberto Firpo

Rober­to Fir­po, un des auteurs de cette musique, a sou­vent com­posé des tan­gos imagés, c’est-à-dire où la musique cherche à imiter des sons de la vie réelle. On con­naît, par exem­ple :
(l’aube) avec ses oiseaux qui accueil­lent le soleil ; El bur­ri­to (l’âne) un pasodoble où on entend quelques facéties d’un âne ; El rápi­do (tan­go) imi­ta­tion du train avec dans cer­taines ver­sions des annonces du type (sec­ond ser­vice du restau­rant). Bia­gi et Piaz­zol­la par exem­ple, reprend ce thème de façon plus musi­cale, pour la danse dans le cas de Bia­gi et pour l’é­coute en ce qui con­cerne Piaz­zol­la, mais dans tous les cas on recon­naît bien le train ; La car­ca­ja­da le rire.

Fue­gos arti­fi­ciales est donc dans cette lignée et il n’est pas dif­fi­cile d’imag­in­er la tra­jec­toire des cohetes (fusées) en écoutant les dif­férentes ver­sions de cette œuvre.

Rober­to Fir­po a com­posé énor­mé­ment. Il n’est pas un chef d’orchestre de pre­mier plan, mais tous les danseurs de tan­go ont dan­sé, par­fois sans le savoir, bon nom­bre de ses créa­tions inter­prétées par d’autres orchestres.
En plus d’El amanecer, on pour­rait citer, Alma de bohemio dont il existe des dizaines de ver­sions, dont celle très excep­tion­nelle de Pedro Lau­renz chan­tée par qui tient la note pen­dant une durée incroy­able, Argañaraz (Aque­l­las far­ras), Didi, ou Viviani.

Extrait musical

Fue­gos arti­fi­ciales 1941-02-26 — Orques­ta Juan D’Arienzo.mp3. C’est le pre­mier enreg­istrement de ce thème par D’Arien­zo et celui qui fait l’ob­jet de cet arti­cle.

Les paroles… la musique en images

Comme il s’ag­it d’un tan­go instru­men­tal et que per­son­ne n’a eu l’idée d’y met­tre des paroles. Je vous pro­pose de voir les fusées du feu d’ar­ti­fice dans la musique.
En effet, pour tra­vailler la musique, les logi­ciels spé­cial­isés pro­posent dif­férents out­ils. Un que j’aime bien est la représen­ta­tion de la fréquence spec­trale.
Le principe est sim­ple. Plus un son est grave et plus il est représen­té en bas du . Mais ici, ce n’est pas la tech­nique qui nous intéresse, mais ce qu’on peut voir avec cet out­il. Nous allons voir trois ver­sions. Celle de Fir­po (le com­pos­i­teur) en 1927, puis en 1928 et enfin celle qui fait l’ob­jet de la com­po­si­tion du jour, celle de D’Arien­zo de 1941.

Spec­tro­gramme de la ver­sion de 1927 de Fir­po Observez les lignes obliques qui indiquent de gauche à droite une descente chro­ma­tique une remon­tée chro­ma­tique on dirait un V vis­i­ble dans la pre­mière moitié puis une descente vers le spec­tre grave vibrée dans la sec­onde moitié Ce sont les fusées du feu dar­ti­fice qui mon­tent et descen­dent
Fue­gos arti­fi­ciales 1927-11-04 — Orques­ta Rober­to Fir­po. La par­tie cor­re­spon­dant à l’im­age ci-dessus se trou­ve entre 1 h 28 et 1 h 36.
Ver­sion de 1928 de Fir­po Elle est sen­si­ble­ment dif­férente de celle de 1927 La mon­tée chro­ma­tique est effec­tuée par tout lorchestre et la descente par les seuls vio­lons Le motif en V de la ver­sion de 1927 a dis­paru cer­tains élé­ments de la descente chro­ma­tique qui précé­dait se retrou­vent désor­mais dans la mon­tée beau­coup plus puis­sante et par con­séquent presque invis­i­bles
Fue­gos arti­fi­ciales 1928-05-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po. La par­tie cor­re­spon­dant à l’im­age ci-dessus se trou­ve entre 1 h 25 et 1 h 35. C’est la même que dans la ver­sion 1927.
La même par­tie de la musique mais dun aspect totale­ment dif­férent Les mon­tées et descentes se font en escalier Les glis­san­dos de vio­lons ont dis­paru
Fue­gos arti­fi­ciales 1941-02-26 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. Dans le même pas­sage (1 : 29, à 1 : 36) les glis­san­dos des vio­lons ont dis­paru. Les notes en marche d’escalier sont typ­iques de D’Arien­zo.
Tout l’orchestre et notam­ment les ban­donéons et le piano mon­tent chro­ma­tique­ment par sac­cades, puis le piano en solo entame une descente chro­ma­tique qu’il enchaîne avec une remon­tée, accom­pa­g­né par l’orchestre.

Le motif est donc très dif­férent de celui de Fir­po et ne sug­gère que loin­taine­ment le feu d’ar­ti­fice.

Pour le retrou­ver, il faut choisir un autre pas­sage.

Ici cest le début de la ver­sion de DArien­zo dans une par­tie dif­férente À gauche une mon­tée chro­ma­tique sac­cadée au piano suivi dun silence zone som­bre au milieu Ce silence accueille des coups fer­mes du ban­donéon puis enfin une nou­velle mon­tée chro­ma­tique cette fois en glis­san­do par les vio­lons Cest une évo­ca­tion de la mon­tée des fusées

Mais là, on est loin de la descrip­tion des ver­sions de Fir­po. Même la mon­tée chro­ma­tique des cordes est courte et peu expres­sive, comme si D’Arien­zo voulait faire oubli­er qu’il s’agis­sait d’un feu d’ar­ti­fice. En effet, il en fait une pièce instru­men­tale, beau­coup moins imagée.
Cepen­dant, D’Arien­zo n’a pas hésité à faire quelques tan­gos imagés, comme El Hipo où Echagüe a le hoquet (hipo), accom­pa­g­né par de courts glis­san­dos de vio­lon, mais ce n’est pas le meilleur de sa pro­duc­tion…

En obser­vant les spec­tro­grammes, on peut tir­er des idées sur la façon dont le musi­cien organ­ise sa musique et sa com­po­si­tion.

Les enregistrements de Fuegos artificiales

Par Juan D’Arienzo

D’Arien­zo a enreg­istré à deux repris­es ce titre. . C’est la ver­sion pro­posée d’au­jour­d’hui.

Fue­gos arti­fi­ciales 1941-02-26 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.
Fue­gos arti­fi­ciales 1946 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. Une ver­sion plus rare. La prise de son un peu brouil­lonne rend la danse moins intéres­sante. Cette ver­sion ne man­quera donc pas en .

On trou­ve deux ou trois autres enreg­istrements sou­vent attribués à d’Arien­zo, mais ils ont été réal­isés après la mort de celui-ci. Ce sont les mêmes musi­ciens qui ont repris les thèmes sous la direc­tion du bandéon­iste arrangeur de D’Arien­zo, Car­los Laz­zari. On peut donc presque con­sid­ér­er que c’est du D’Arien­zo tardif. Le plus ancien est de 1977, un autre a été enreg­istré au Japon, mais est qua­si­ment iden­tique à celui de 1987 que je pro­pose ici :

Fue­gos Arti­fi­ciales 1987 — Los Solis­tas de D’Arien­zo dir. Car­los Laz­zari.

Par d’autres orchestres

Fue­gos arti­fi­ciales 1927-11-04 — Orques­ta Rober­to Fir­po. C’est le plus ancien enreg­istrement, par l’au­teur de la par­ti­tion. Une ver­sion bien , mais très expres­sive et descrip­tive. On aimerait sans doute un peu plus de vitesse pour ren­dre le spec­ta­cle plus dynamique. Nous en avons par­lé ci-dessus.
Fue­gos arti­fi­ciales 1928-05-28 — Orques­ta Rober­to Fir­po. Fir­po s’est ren­du compte qu’il pou­vait accélér­er son titre. Elle a égale­ment été présen­tée visuelle­ment ci-dessus.
Fue­gos arti­fi­ciales 1945-05-29 — Orques­ta . Comme dans la ver­sion de 1941 de DArien­zo, la par­tie descrip­tive est atténuée. Con­traire­ment à D’Arien­zo, la musique est plus coulée, sans les sac­cades et on a un peu l’im­pres­sion de voir les explo­sions de lumière au loin, les instru­ments se mêlant comme se mêlent les étoiles d’un feu d’ar­ti­fice. C’est une très belle ver­sion alter­nant les moments de ten­sion et ceux de relâche­ment, mais avec un enchaîne­ment, sans rup­ture. La musique est plus coulée. Pour la danse, cela peut man­quer un peu de clarté pour des danseurs qui ne maîtrisent pas les sub­til­ités de Troi­lo, mais ils pour­ront se rac­crocher à la mar­ca­tion la plu­part du temps bien présente.

En 1952, Troi­lo enreg­istr­era une autre ver­sion bien plus spec­tac­u­laire et évo­quant les prémices du tan­go nue­vo.

Fue­gos arti­fi­ciales 1952 — Orques­ta Aníbal Troi­lo. Ver­sion plus spec­tac­u­laire que celle de 1945, annonçant les futurs de Troi­lo vers le tan­go dit nue­vo.

On pour­rait mul­ti­pli­er les exem­ples, mais main­tenant vous saurez être atten­tifs aux élé­ments de feu d’ar­ti­fice, par exem­ple chez Dona­to, Varela ou De Ange­lis qui en ont tiré égale­ment des ver­sions intéres­santes.

Feux dar­ti­fice et pau­vreté mis­ère et arti­fices
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DJ BYC Bernar­do DJ — VJ

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