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Samaritana 1932-07-27 – Orquesta Típica Los Provincianos Dir. Ciriaco Ortiz con Alberto Gómez

Luis Rubistein (Musique et paroles)

À Buenos Aires, la majorité des milongas continuent de faire des tandas de 4 titres pour les tangos, et pour quelques-unes, y compris pour les valses, mais uniquement si tous les danseurs dansent, ce qui est généralement le cas. Notre tango du jour est donc, vous l’avez deviné, une , sans doute trop peu connue, Samaritana. Elle a été enregistrée il y a 92 ans.

Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas avare de valses et que je n’hésite jamais à faire des propositions un peu plus rares, l’avantage des valses est que la majorité reste dansante grâce à la structure particulière à trois temps avec le premier temps accentué (POUM – tchi – tchi). Il est donc plus facile de prendre des risques avec les valses que les tangos et encore plus que les milongas, qui ont le rythme le plus difficile à proposer en milonga.

Los Provincianos

Ciriaco Ortiz Direction et bandonéon, et Horacio Gollino (bandonéons), Orlando Carabelli (piano), Elvino Vardaro et Manuel Núñez (violons), Manfredo Liberatore (contrebasse) et (dit Nico) au chant sont les artistes qui ont mis en musique et enregistré cette valse.

Orquesta Los Provincianos. Vous aurez reconnu le jeune Aníbal Troilo et son bandonéon qui l’accompagnera durant toute sa carrière…

On trouve parfois cet sous le nom d’orchestre OTV – Orchestra Típica Víctor. Ce n’est pas vraiment faux, car il s’agit effectivement d’un orchestre créé par la maison de disque Víctor et qui était destiné à enregistrer des disques.
Le premier orchestre, celui qui était dirigé par Carabelli avec le nom de OTV, mais par la suite, la compagnie Víctor décida de multiplier les orchestres et pour s’y retrouver, elle leur donna des nos différents…

  • La Orquesta Típica Los Provincianos, dirigée par Ciriaco Ortiz et qui a enregistré notre valse du jour et qui est en fait la continuation de l’orchestre de Carabelli, d’où le fait qu’on le nomme parfois tout simplement Típica Víctor, comme le premier orchestre et comme on le fera pour les suivants…
  • La Orquesta Víctor Popular,
  • La Orquesta Radio Víctor Argentina, dirigée par Mario Maurano
  • La Orquesta Argentina Víctor
  • La Orquesta Víctor Internacional
  • El Cuarteto Víctor composé de Cayetano Puglisi et Antonio Rossi (violons), Ciriaco Ortiz et Francisco Pracánico (bandonéons)
  • El Trío Víctor composé de Elvino Vardaro (violon) et de Oscar Alemán et Gastón Bueno Lobo (guitares).

Même si cet orchestre n’était pas destiné à jouer en public, les habitués du Cabaret Casanova qui était situé en la rue Maipu, juste en face du Salón Marabú (où a débuté Troilo avec son orchestre, juste en traversant la rue…) et qui existe, lui, toujours, ont pu entendre l’orchestre sur scène.

Extrait musical

Samaritana 1932-07-27 – Orquesta Típica Los Provincianos con Alberto Gómez.

Les violons dessinent les premières notes sur une base staccato du reste de l’orchestre et notamment des bandonéons et de la contrebasse qui marque fermement les premiers temps. Puis s’exprime le sublime violon soliste. Les bandonéons reprennent la voix avec à 35 secondes un curieux (mais génial) glissando. À 1:12, Alberto Gómez lance le chant, toujours en mode mineur, mais ce n’est pas étonnant vu les paroles. Sa voix décontractée enlève la tragédie des paroles, il termine en voix de tête. Il reste ensuite une minute à l’orchestre pour faire oublier le triste des paroles, ce qu’il fait parfaitement, notamment avec la variation finale exécutée principalement par les bandonéons en double croche.

Les orchestres Víctor sont destinés aux disques, mais aux disques pour danseurs et ce n’est donc pas un hasard si les valses de ces orchestres comportent une telle proportion de merveilles.

Paroles

N’ayant pas trouvé la partition, ni les paroles, il s’agit ici uniquement de ce que chante Alberto Gómez.

El dolor, cruzó mi
Golpeando fuerte,
Dejando en su rutina
Frío de muerte,
Que me asesina
Sin compasión.

Mi cantar se ahoga con mi voz
Que es una pena,
Y nada me consuela
De haber perdido,
Lo que he querido
Con tanto amor.

Luis Rubistein (Musique et paroles)

libre des paroles

La douleur a transpercé mon cœur, frappant fort, laissant dans sa routine, le froid de la mort qui me tue sans compassion.
Mon chant s’est noyé avec ma voix, qui est un chagrin, et rien ne me console d’avoir perdu ce que j’ai aimé avec tant d’amour.

Qui est la samaritana ?

Je pose la question, mais je n’ai pas de réponse.
Le sens le plus commun fait référence à la femme de la Bible, la femme au puits.
Par extension, le terme désigne une personne qui se dévoue pour les autres.
Mais ce n’est pas tout, la samaritaine est une pécheresse, car elle a eu cinq « maris » sans être mariée. Cette direction nous rappelle que les prostituées héritent parfois de cette appellation, comme le rappelle la très belle chanson du chanteur espagnol José Luis Perales, Samaritanas del amor.

Samaritanas del amor – José Luis Perales avec sous-titre et traduction possible…

Comme cette valse est orpheline et les paroles incomplètes, on ne peut rester qu’à des suppositions. Mais est-ce si grave si on peut se plonger dans l’ivresse de cette valse ?
On notera que quelques années après l’écriture de cette valse (1938), un « Nostradamus argentin » a qualifié l’Argentine de Samaritana del Mundo, l’Argentine accueillant les peuples meurtris.

Solari Parravicini – Dibujos profeticos

Je ne me prononcerai pas sur la validité des prophéties de Solari Parravicini, mais le fait que Luis Rubistein était sensible au projet sioniste peut l’avoir influencé. Je me garderai de faire tout rapprochement avec l’actualité argentine, en laissant les coïncidences non analysées.

Tristesse et joie du tango

Pour moi, le tango est une pensée joyeuse qui se danse. Si vous écoutez la valse du jour sans faire attention aux paroles, vous ne découvrirez pas la tragédie sous-jacente, vous vous laisserez envelopper par le rythme implacable de la valse en ne pensant à rien d’autre.
Discépolo qui a écrit le contraire de ce que je pense est mort à 50 ans dans une profonde dépression. Un homme malheureux au point de se laisser mourir de faim est-il un bon témoin pour parler du plaisir du tango qui a animé, pendant plusieurs décennies, des milliers de danseurs ? Je n’en suis pas sûr. L’auteur de Vachaché, Yira yira ou Cambalache avait un regard plutôt noir et désabusé sur le monde. Nicolás Olivari assura que Discépolo était la cheville ouvrière de l’humour de Buenos Aires, graissée par l’angoisse. (Olivari écrivait El perno, c’est le boulon, mais aussi la partie qui maintient la tige dans une charnière. J’ai choisi de traduire par la cheville ouvrière qui est la pièce la plus importante des charrettes avec roues avant orientables. Notons qu’en lunfardo, el perno est aussi le membre viril).
Les paroles de Luis Rubistein pourraient paraître de la même veine, mais elles parlent d’une douleur intime, presque théâtralisée, celle que ressent l’amoureux qui a perdu son objet d’amour, elles ne manifestent pas nécessairement un rejet de la société. Par ailleurs, Luis Rubistein est à la fois l’auteur de la musique et des paroles, aussi, il pouvait parfaitement établir l’équilibre entre l’émotion et la tristesse des paroles et l’enthousiasme de la musique.
En Europe, on s’interdit certains tangos, car les paroles parlent de sujets tristes (Juan Porteño, La novena), ici, à Buenos Aires, ils sont passés et bien que tout monde puisse en comprendre les paroles, personne n’y fait attention et tout le monde est sur la piste. C’est peut-être étonnant quand on entend les danseurs chanter les paroles d’autres titres qu’ils connaissent par cœur. En revanche, je ne passerai pas des titres vulgaires comme Si soy así (interprété par Rodríguez avec Herrera).
Ceci pour dire que le tango de danse se fait à partir de la musique et que si la musique donne envie de danser, c’est un tango pour la milonga, sauf à de très rares exceptions. On aura remarqué que même lorsque les paroles faisaient référence à une triste, les tangos de danse n’en reprennent que l’ (refrain), voire un ou deux couplets en plus, mais que généralement, les parties les plus sinistres ne sont pas chantées.
Le tango triste est le tango à écouter, car il diffuse la totalité de l’histoire et que cette histoire peut effectivement être très triste. La voix du chanteur étant mise en avant, l’auditeur ne dispose pas de l’amortissement de la musique et est confronté à la dureté du texte.
On peut se demander pourquoi le tango exprime souvent des pensées tristes. Quand on sait que c’est le pays du Monde où il y a le plus de psys par habitant et que Buenos Aires est la ville qui a le plus de théâtres, il me semble facile d’y voir un début d’explication.
La nostalgie de l’émigré, immigré, souvent issu de populations défavorisées d’Europe, voire d’Afrique, tout cela peut donner une certaine propension à la tristesse, mais ce sont des gens qui ont su dominer leurs difficultés. Ils pensaient arriver dans un espace vierge à conquérir pour se lancer dans une nouvelle vie, mais contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays, l’Argentine était déjà entièrement privatisée, aux mains de quelques grandes familles et les conquérants espérant s’établir en vivant de leurs terres ont été réduits à devoir travailler pour les propriétaires ou à s’entasser dans les villes, ou plutôt La ville, pour servir de main-d’œuvre à l’industrie.
Ils ont quitté une misère pour en trouver une autre, loin de leurs racines. Il y avait sans doute de quoi avoir des tendances mélancoliques. Alors, la danse ne pouvait pas être autre chose qu’un exutoire, un sas de décompression, ce qui explique les excès des premiers temps et la circonscription à des lieux interlopes et populaires du tango. C’est quand la bonne société a jugé bon de s’acoquiner, que l’intellectualisation a façonné une autre culture.

Le tango a les pieds dans la boue et la tête dans les nuages, c’est ce qui fait sa grandeur et sa richesse.
Tout bon DJ connaît les différents degrés de la musique qui s’adresse aux sentiments, au cerveau, au corps et c’est en jouant sur les différents caractères qu’il anime la milonga.
Le ludique de D’Arienzo, l’urbain de Troilo, l’intellectuel de Pugliese et le sentimental de Di Sarli forment les quatre piliers qui servent à construire une milonga qui donnera à toutes les sensibilités de danseurs, de quoi être heureux. Évidemment, cette répartition que l’on donne comme indication aux DJ débutants est très sommaire et demande à être nuancée.
Il n’est pas question d’équilibrer ces 4 piliers. Selon l’événement, les danseurs et le moment, on favorisera plutôt l’un des piliers. On passera généralement plus de D’Arienzo que de Pugliese, les piliers n’ont pas tous la même taille.
Par ailleurs, mettre dans une de ces quatre cases ces quatre orchestres, c’est oublier qu’ils ont évolué et ont navigué d’une case à l’autre selon les périodes. Il faut donc nuancer la définition des piliers et le dernier point est que d’autres orchestres ont exprimé ces quatre sensibilités et qu’ils peuvent très bien se substituer aux orchestres canoniques.
Malerba et Caló, peuvent aller dans la case romantique, tout comme De Caro et certains Troilo qui peuvent se classer dans la case intellectuelle. Rodriguez ira sans doute dans la case ludique et ainsi de suite.
C’est la raison pour laquelle on alterne les genres. On ne passera généralement pas deux tandas romantiques/ludiques/intellectuelles/urbaines à la suite. On passera d’un des quatre piliers à l’autre dans le but de ne pas laisser sur sa chaise un danseur avec deux tandas qui sont de types qui ne lui parlent pas. Combien de fois avez-vous ressenti de l’ennui en ayant l’impression que c’était « tout le temps pareil », notamment dans ces milongas où le DJ respecte un ordre chronologique, commençant par la vieille garde et terminant par le tango « nuevo » …
Je me souviens d’un danseur, dans une ville française qui fut autrefois pionnière dans le tango (et qui n’est pas Paris), qui après une tanda de Pugliese est venu me dire, ça va être le maintenant ? Ne comprenant pas le sens de sa question, je lui ai demandé des précisions et il m’a dit qu’ici, les DJ commençaient par Canaro et terminaient par du néotango et comme il était relativement tôt dans la soirée, il s’inquiétait de devoir partir, car il ne s’intéressait pas à ce type de musique. Je l’ai rassuré et il est resté, jusqu’à la fin.

Sur ce, je vous dis à demain, les amis…

Selección de tangos de Julio de Caro 1949-07-22 – Orquesta Aníbal Troilo

Julio De Caro –

Hier, je vous ai proposé un titre « popurrí ». C’est-à-dire qu’il était constitué par l’assemblage de plusieurs tangos. Cet exercice est pratiqué par différents orchestres. Troilo en a fait plusieurs. Notre pot-pourri du jour s’appelle Selección de tangos de Julio de Caro, il est constitué de sept compositions de… Julio de Caro, bravo, vous avez deviné.

Extrait musical

Selección de tangos de 1949-07-22 – Orquesta Aníbal Troilo.

Avez-vous reconnu tous les thèmes présentés ?

Voici les titres sur des partitions qui sont bien sûr toutes des compositions de Julio de Caro. Elles datent des années 20 du vingtième siècle.

Selección de tangos de Julio de Caro. Les couvertures des partitions des compositions de De Caro utilisé dans cette sélection.

Les pièces du puzzle

Voici toutes les pièces, dans l’ordre. du jour a été enregistré en 1949. Anibal Troilo avait donc comme modèles, les versions antérieures, mais n’oublions pas que ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’ que les orchestres ne jouaient pas leurs titres. Troilo peut très bien avoir entendu jouer Julio de Caro au moment où il assemblait le pot-pourri. Il avait donc des références qui ne nous sont plus accessibles.

Buen Amigo

Buen amigo 1925-05-12 – Orquesta Julio De Caro
Buen amigo 1930-02-26 – Orquesta Julio De Caro
Buen amigo 1942-09-16 – Orquesta Julio De Caro con Agustín Volpe
Buen amigo 1950-12-18 – Orquesta Julio De Caro con Orlando Verri

Mala pinta

Mala pinta (Mala estampa) 1928-08-27 – Orquesta Julio De Caro
Mala pinta (Mala estampa) 1951-11-16 – Orquesta Julio De Caro

Guardia vieja 1926-10-06 – Orquesta Julio De Caro
Guardia vieja 1943-09-07 – Orquesta Julio De Caro
Guardia vieja 1949-11-18 – Orquesta Julio De Caro

Boedo

Boedo 1928-11-16 – Orquesta Julio De Caro
Boedo 1939-07-07 – Orquesta Julio De Caro con palabras de Héctor Farrel
Boedo 1950-08-09 – Orquesta Julio De Caro
Boedo 1952-09-17 – Orquesta Julio De Caro. J’aime beaucoup le début, mais par la suite, je trouve que ça fait un peu fouillis. Ce n’est pas pour la danse, alors je vous laisse au plaisir d’écouter ou d’écourter.

Tierra querida 1927-09-12 – Orquesta Julio De Caro
Tierra querida 1936-12-15 –  Francisco De Caro (piano), Pedro Maffia et (bandonéon), Julio De Caro (violon à cornet), (violon). Si Elvino Varado mérite l’épithète de virtuose, c’est un peu moins le cas pour Julio de Caro et son violon particulier (avec un cornet).
Tierra querida 1952-11-27 – Orquesta Julio De Caro

El monito

Je vous propose de vous reporter à l’anecdote sur El monito pour en savoir plus sur ce titre.

El monito 1925-07-23 — Orquesta Julio De Caro. On notera les parties sifflées.
El monito 1928-07-19 — Julio De Caro y su Orquesta Típica.
El monito 1939-05-23 — Orquesta Julio De Caro. Une version énergique. On retrouve les sifflements et apparaît un dialogue « Raahhhh, Monito / Si / Quieres Café? / No / Por qué? ». C’est sans doute un souvenir du tango humoristique. On imagine que les clients devaient s’amuser lorsque l’orchestre évoquait le titre. Peut-être que l’idée vient d’un client imitant le singe et que cette scénette improvisée au départ s’est invitée dans la prestation de l’orchestre.
El monito 1949-09-29 — Orquesta Julio De Caro. Une dizaine d’années plus tard, De Caro nous offre une nouvelle version superbe. Les similitudes avec Pugliese sont encore plus marquées, notamment avec le tempo nettement plus lent et proche de celui de Pugliese. On retrouve toutefois le dialogue de la version de 1939, dans une version un plus large. “Ah, ah ah, Monito / Si / Quieres Café? / No / Por qué? / Quiero caramelo” (je veux un bonbon). Avec ces dialogues imitant la « voix » d’un singe, De Caro s’éloigne des paroles de Juan Carlos Marambio Catán en renouant avec le côté tango humoristique. Mais tous les orchestres se sont éloignés des paroles, du moins pour l’enregistrement, car toutes les versions disponibles aujourd’hui sont instrumentales (si on excepte Roberto Díaz).
Ce qui est sûr est que cette version convient parfaitement à la danse, ce qui fait mentir ceux qui classe De Caro dans le définitivement indansable.

Mala junta

Mala junta 1927-09-13 – Orquesta Julio De Caro
Mala junta 1938-11-16 – Orquesta Julio De Caro
Mala junta 1949-10-10 – Orquesta Julio De Caro

Assembler le puzzle

Il y a des pots-pourris beaucoup plus simples à repérer que celui-ci. Troilo a fait œuvre de création avec des ponts (transition entre les différentes pièces du puzzle) relativement élaborés et en sélectionnant des parties pas forcément principales des œuvres citées.
Vous devriez arriver à résoudre le puzzle en vérifiant les versions des titres que vous connaissez moins bien (De Caro ne passe quasiment jamais en , mais ses compositions, si). Indice, parfois, c’est la partie chantée qui est utilisée. Parfois, c’est une version plus ancienne qu’il faut prendre comme référence et dans quelques cas, une version postérieure, ce qui confirme que Troilo connaissait l’état des interprétations de De Caro à l’époque, même si elles n’ont pas été enregistrées. Il se peut aussi que De Caro ait copié en reprenant les idées de Troilo. C’est le principe de l’émulation entre deux grands musiciens qui se respectaient.
On peut le vérifier en constatant que Troilo a réalisé ces hommages à De Caro (les sélections) et que De Caro a composé « Aníbal Troilo » qu’il a d’ailleurs été le seul à enregistrer.

Aníbal Troilo 1949-09-29 – Orquesta Julio De Caro.

Autres versions

Anibal Troilo a réalisé plusieurs popurri (Selección). Une seule utilise les mêmes titres, la version de 1966. Vous allez pouvoir comparer les deux versions.

Selección de tangos de Julio de Caro 1949-07-22 – Orquesta Aníbal Troilo. C’est notre tango, ou notre paquet de tangos du jour.
Selección de Julio de Caro 1966-12-06 – Orquesta Aníbal Troilo.

À demain, les amis !

Alma de bohemio 1943-07-15 – Orquesta Pedro Laurenz con Alberto Podestá

Letra: Juan Andrés Caruso

La connexion du monde du tango avec le théâtre, puis le cinéma a toujours été naturelle. Le tango du jour, Alma de bohemio est un parfait exemple de ce phénomène. Il a été créé pour le théâtre et a été repris à au moins deux reprises par le cinéma. Devenu le morceau de choix de notre chanteur du jour, il résonnera ensuite sur les grandes scènes où Podestá l’offrait à son public. Je suis sûr que certains versions vont vous étonner, et pas qu’un peu…

Extrait musical

Alma de bohemio. Roberto Firpo Letra:Juan Andrés Caruso. Partition et à droite réédition de 1966 de notre tango du jour sur un disque 33 tours.

À gauche, la partition dédicacée à l’acteur Florencio Parravicini qui jouait la pièce dont Alma de bohemio était le titre final. L’œuvre a été étrennée en 1914 au Teatro Argentino de Buenos Aires. On notera que la couverture de la partition porte la mention Tango de concierto. Les auteurs ont donc conçu ce tango comme une pièce à écouter, ce qui est logique, vu son usage. On notera que ce même tango a été réutilisé au cinéma à au moins deux reprises, en 1933 et en 1944, nous en parlerons plus bas.
À droite, la réédition en disque microsillon de 1966 de notre tango du jour. Alma de bohemio est le premier titre de la face A et a donné son nom à l’album.

Alma de bohemio 1943-07-15 – Orquesta con Alberto Podestá.

Paroles

Peregrino y soñador,
cantar
quiero mi fantasía
y la loca poesía
que hay en mi ,
y lleno de amor y de alegría,
volcaré mi canción.

Siempre sentí
la dulce ilusión,
de estar viviendo
mi pasión.

Si es que vivo lo que sueño,
yo sueño todo lo que canto,
por eso mi encanto
es el amor.
Mi pobre alma de bohemio
quiere acariciar
y como una flor
perfumar.

Y en mis noches de dolor,
a hablar
me voy con las estrellas
y las cosas más bellas,
despierto he de soñar,
porque le confío a ellas
toda mi sed de amar.

Siempre sentí
la dulce ilusión,
de estar viviendo
mi pasión.

Yo busco en los ojos celestes
y renegridas cabelleras,
pasiones sinceras,
dulce emoción.
Y en mi triste vida errante
llena de ilusión,
quiero dar todo
mi corazón.

Roberto Firpo Letra: Juan Andrés Caruso

Traduction libre

Pèlerin et rêveur, je veux chanter ma fantaisie et la folle poésie qui est dans mon cœur, et plein d’amour et de joie, je déverserai ma chanson.
J’ai toujours ressenti la douce sensation de vivre ma passion.
Si je vis ce dont je rêve, je rêve tout ce que je chante, c’est pourquoi mon charme c’est l’amour.
Ma pauvre âme de bohème veut caresser et parfumer comme une fleur.
Et dans mes nuits de douleur, je vais parler avec les étoiles et les choses les plus belles, il faut rêver éveillé, car je leur confie toute ma soif d’amour.
J’ai toujours ressenti la douce sensation de vivre ma passion.
Je recherche dans les yeux bleus (couleur du ciel et du drapeau argentin) et les chevelures noir obscur des passions sincères, une douce émotion.
Et dans ma triste vie errante et pleine d’illusions, je veux donner tout mon cœur.

Autres versions

Alma de bohemio 1914 – Roberto Firpo.

Le tango, tel qu’il était joué dans la pièce originale, par Firpo, c’est-à-dire sans parole. Ces dernières n’ont été écrites par Caruso qu’une dizaine d’années plus tard.

Alma de bohemio 1925-12-16 – Orquesta Julio De Caro.

Là où il y a de la recherche d’originalité, De Caro s’y intéresse.

Alma de bohemio 1925 – .

La plus ancienne version chantée avec les paroles de Caruso. Il est assez logique que Corsini soit le premier à l’avoir chanté, car il était à la fois proche de Firpo avec qui il a enregistré Patotero sentimental en 1922 et de Caruso dont il a enregistré de nombreux titres. Il était donc à la croisée des chemins pour enregistrer le premier.

Séance d’enregistrement d’Ignacio Corsini (debout) avec, de gauche à droite, ses guitaristes Rosendo Pesoa, Enrique Maciel et Armando Pagés. La photo date probablement des années 30, elle est donc moins ancienne que l’enregistrement présenté.
Alma de bohemio 1927-04-26 – Orquesta Osvaldo Fresedo.

Une belle version instrumentale, relativement étonnante pour l’époque.

Alma de bohemio 1927-05-05 – Orquesta Francisco Canaro.

Une version typique de Canaro. On verra qu’il l’enregistrera à d’autres reprises.

Alma de bohemio 1927-07-26 – Orquesta Roberto Firpo.

Treize ans plus tard, Roberto Firpo redonne vie à son titre, toujours de façon instrumentale.

Alma de bohemio 1929-05-18 – Orquesta Típica Victor.

Deux ans plus tard, la Típica Victor, dirigée par donne sa propre version également instrumentale.

Alma de bohemio 1929-09-19 – Ada Falcón con acomp. de Francisco Canaro.

Ada Falcón avec sa voix d’une grande pureté en donne une version magnifique accompagnée par son cher Canaro. On notera les notes tenues, un temps impressionnant, plus que ce qu’en avait donné Corsini. Disons que Falcón lancera la course à la note tenue le plus longtemps possible.

Le succès de Corsini avec les paroles de Caruso va permettre au titre de retourner dans le spectacle avec le premier film parlant argentin, Tango réalisé par Luis Moglia Barth et sorti en 1933.

1933 Tango – Alma de Bohemio par dans le film de Luis Moglia Barth, Tango sorti le 27 avril 1933.

Alberto Gómez suivra donc également les traces de Falcón avec de belles notes tenues.

Alma de bohemio 1930-09-05 – Orquesta Francisco Canaro.

Francisco Canaro reste sur la voie du tango de concierto avec une version très étonnante et qui fait l’impasse sur les notes très longuement tenues. Je pense qu’il faut associer cette interprétation aux recherches de Canaro en direction du tango fantasia ou symphonique. Pour moi, il n’est pas question de proposer cela à des danseurs, mais je trouve cette œuvre captivante et je suis content de vous la faire découvrir (enfin, à ceux qui ne connaissaient pas).

Alma de bohemio 1935-01-23 – Trío Ciriaco Ortiz.

Le Trío Ciriaco Ortiz offre lui aussi une version très sophistiquée et surprenante de l’œuvre. C’est bien sûr plus léger que ce qu’a fait Canaro cinq ans plus tôt, mais c’est un trio, pas une grosse machine comme celle de Canaro.

Alma de bohemio 1939-03-24 – Orquesta Rodolfo Biagi con Teófilo Ibáñez.

On peut au moins apporter au crédit de Biagi qu’il a essayé de faire la première version de danse. Cette version est à l’opposé de tout ce qu’on a entendu. Le rythme soutenu et martelé est presque caricatural. J’ai du mal à considérer cela comme joli et même si c’est éventuellement dansable, ce n’est pas la version que je passerais en milonga.

Alma de bohemio 1943-07-15 – Orquesta Pedro Laurenz con Alberto Podestá. C’est notre tango du jour.

Avec cette version mise au point par Pedro Laurenz, un immense chef d’orchestre ayant trop peu enregistré à mon goût, on a une bonne synthèse d’une version pour la danse et à écouter. Alberto Podestá gagne clairement le concours de la note tenue la plus longue. Il surpasse Falcón, Gómez et en 1949, Castillo ne fera pas mieux…

Alma de bohemio 1946-11-13 – Orquesta con Alberto Podestá.

Alberto Podestá s’attaque à son record de la note tenue la plus longue et je crois qu’il l’a battu avec cette version. Cela constitue une alternative avec la version de Laurenz.

Alma de bohemio 1947-04-02 – Orquesta Ricardo Tanturi con Osvaldo Ribó.

Alma de bohemio 1947-04-02 – Orquesta Ricardo Tanturi con Osvaldo Ribó. Avec cet enregistrement, Osvaldo Ribó prouve qu’il ne manque pas d’air, lui non plus…

Alma de bohemio 1947-05-21 – Roberto Firpo y su Nuevo Cuarteto.

Tiens, une version instrumentale. Firpo tenterait-il de tempérer les ardeurs des chanteurs gonflés ?

Alma de bohemio 1947-06-10 – Orquesta Ángel D’Agostino con Tino García.

La tentative de Firpo ne semble pas avoir réussi, Tino García explose les compteurs avec cette version servie par le tempo modéré de D’Agostino.

Voici Alberto Castillo, pour la seconde version cinématographique de Alma de Bohemio, dans un film qui porte le nom de ce tango.

Alberto Castillo chante Alma de bohemio (dans la seconde partie de cet extrait, à partir de 3 minutes) dans le film réalisé par Julio Saraceni (1949)

Alberto Castillo chante Alma de bohemio (dans la seconde partie de cet extrait) dans le film réalisé par Julio Saraceni à partir d’un scénario de Rodolfo Sciammarella et Carlos A. Petit. Le film est sorti le 24 août 1949. L’orchestre est dirigé par Eduardo Rovira ou Ángel Condercuri… L’enregistrement a été réalisé le 6 mai 1949.
Castillo ne dépasse pas Podestá dans le concours de la note tenue la plus longue, mais il se débrouille bien dans cet exercice.

Fidel Pintos (à gauche) et Alberto Castillo dans le film de Julio Saraceni Alma de bohemio (1949).
Alma de bohemio 1951-07-17 – Juan Cambareri y su Cuarteto Típico con Alberto Casares.

Alberto Casares fait durer de façon modérée les notes, l’originalité principale de cette version est l’orchestration délirante de Cambareri, avec ses traits virtuoses et d’autres éléments qui donnent le sourire, à l’écoute, pour la danse, cela reste à prouver… Signalons qu’une version avec le chanteur circule. Berardi a en effet remplacé Casares à partir de 1955, mais cette version est un faux. C’est celle de Casares dont on a supprimé les premières notes de l’introduction. Les éditeurs ne reculent devant aucune manœuvre pour vendre deux fois la même chose…

Alma de bohemio 1958-12-10 – Orquesta Osvaldo Pugliese.

Une version bien différente et qui marque la maîtrise créative de Pugliese. Souvenons-nous tout de même que d’autres orchestres, y compris Canaro s’étaient orientés vers des versions sophistiquées.

Alma de bohemio 1958 – Argentino Galván.

La version la plus courte (37 secondes), extraite du disque de Argentino Galván que je vous ai déjà présenté Historia de la orquesta tipica.

Alma de bohemio 1959-04-29 – Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.

À la tête de son Quinteto Pirincho, Francisco Canaro, donne une nouvelle version de l’œuvre. Rien qu’avec ses versions on croise une grande diversité d’interprétations. De la version de 1927, canyengue, l’émouvante version avec Ada Falcón, celle de 1930, étonnamment moderne et finalement celle-ci, légère et relativement dansante. Il y a du choix chez Monsieur Canaro.

Alma de bohemio 1965-12-10 – Orquesta Aníbal Troilo con Nelly Vázquez.

Nelly Vázquez prouve que les femmes ont aussi du coffre. L’orchestre d’Aníbal Troilo est ici au service de la chanteuse, il ne propose pas une version révolutionnaire qui aurait nuit à l’écoute de Nelly Vázquez. Cette intégration fait que c’est une version superbe, à écouter les yeux fermés.

Alma de bohemio 1967 – Astor Piazzolla y su Orquesta.

Piazzolla propose sans doute la version la plus étonnante. Le chœur de voix féminines sera sans doute une surprise pour beaucoup. L’atmosphère inquiète avec les grands coups de cordes tranchants, moins, car ils font partie du vocabulaire usuel d’Astor. Le thème original est transfiguré, la plupart du temps difficile à retrouver, mais ce n’est pas un problème, car il n’a servi que de prétexte à Piazzolla pour illuminer les nouvelles voies qu’il ouvrait dans le tango.

Il y a bien d’autres enregistrements, mais aucun ne me semblait pourvoir lutter contre cette version de Piazzolla, aucun, peut-être pas, et je vous propose de revenir à notre concours de la note tenue la plus longue et je pense que c’est un chanteur d’Opéra, un des plus grands chanteurs d’opéra du vingtième siècle, Plácido Domingo qui nous l’offre. Écoutez comme, tranquillement, il explose tous les compteurs avec une facilité apparente incroyable.

Alma de bohemio 1981 — Plácido Domingo — dir. y arr. Roberto Pansera.

Impressionnant, non ?

Vous en redemandez, alors, je vous propose une version un peu plus tardive (1987) où, en plus, il joue l’accompagnement au piano. Il définitivement meilleur chanteur que pianiste, mais quel artiste.

Alma de Bohemio 1987 — Plácido Domingo (piano) — Avery Fisher Hall (New York)

À demain, les amis !

El bajel 1948-06-24 – Orquesta Osmar Maderna

Francisco De Caro;

Le bateau à voiles, el bajel et ses compagnons plus tardifs à charbon, ont été les instruments de la découverte des Amériques par les Européens. Notre tango du jour lui rend hommage. C’est un tango plutôt rare, écrit par deux des frères De Caro. Si les deux sont nés à Buenos Aires, leurs parents José De Caro et Mariana Ricciardi sont nés en Italie et donc venus en bateau. Mais peut-être ne savez-vous pas qu’on vous mène en bateau quand on vous vante les qualités de compositeur et de novateur de Julio De Caro. Nous allons lever le voile et hisser les voiles pour nous lancer à a découverte de notre tango du jour.

Ce week-end, j’ai animé une milonga organisée par un capitaine de bateau. Je lui dédie cette anecdote. Michel, c’est pour toi et pour Delphine, que vous puissiez voguer, comme les pionniers à la rencontre des merveilles que recèlent la mer et les terres lointaines au compas y al compás de un tango.

Sexteto de Julio De Caro vers 1927.

Au premier plan à gauche, Émilio de Caro au violon, Armando Blasco, bandonéon, Vincent Sciarretta, Contrebasse, Francisco De Caro, piano; Julio De Caro, violin à Cornet et Pedro Laurenz au bandonéon. Emilio est le plus jeune et Francisco le plus âgé des trois frères présents dans le sexteto. Julio avec son violon à cornet domine l’orchestre

Extrait musical

Partition de El bajel signée Francisco et Julio De Caro… Notez qu’il est désigné par le terme “Tango de Salon » et qu’il est dédicacé à Pedro Maffia et Luis Consenza.
El bajel 1948-06-24 — Orquesta Osmar Maderna.

Ce n’est assurément pas un tango de danse. Il est d’ailleurs annoncé comme tango de salon. Contrairement aux tangos de danse où la structure est claire, par exemple du type A+B, ou A+A+B ou autre, ici, on est devant un déploiement musical comme on en trouve en musique classique. Pour des danseurs, il manque le repère de la première annonce du thème, puis celle de la reprise. Ici, le développement est continu et donc il est impossible de deviner ce qui va suivre, sauf à connaître déjà l’œuvre.
C’est une des caractéristiques qui permet de montrer que la part de Francisco et bien plus grande que celle de son petit frère dans l’affaire, ce dernier étant plus traditionnel, comme nous le verrons ci-dessous, par exemple dans le tango 1937 qui est de conception « normale ». Entrée musicale, chanteur qui reprend le thème avec le refrain…

Autres versions

El bajel 1948-06-24 — Orquesta Osmar Maderna. C’est notre tango du jour.
El bajel Horacio Salgán au piano. C’est un enregistrement de la radio, la qualité est médiocre et de plus, le public était enrhumé.
El bajel — Horacio Salgán (piano) et Ubaldo De Lío (guitare). Une version de bonne qualité sonore avec en plus la guitare de Ubaldo De Lío.
El bajel 2013 — Orquesta Típica Sans Souci.

L’orchestre Sans Souci sort de sa zone de confort qui est de jouer dans le style de . Le résultat fait que c’est le seul tango de notre sélection qui soit à peu près dansable. On notera en fin de musique, le petit chapelet de notes qui est la signature de Miguel Caló, mais que l’on avait également dans l’enregistrement de Maderna…

El bajel 2007 — Trio Peter Breiner, Boris Lenko y Stano Palúch.

Une version tirant fortement du côté de la musique classique. Mais c’est une tendance de beaucoup de musiciens que de tirer vers le classique qu’ils trouvent parfois plus intéressant à jouer que les arrangements plus sommaires du tango de bal.

Julio ou Francisco ?

Si le prénom de Julio a été retenu dans les histoires de tango, c’est qu’il était, comme Canaro, un entrepreneur, un homme d’affaires qui savait faire marcher sa boutique et se mettre en avant. Son frère Francisco, aîné d’un an, n’avait pas ce talent et est resté toute sa vie au second plan, malgré ses qualités exceptionnelles de pianiste et compositeur. Il a failli créer un sexteto avec Clausi, mais le projet n’a pas abouti, justement, par manque de capacité entrepreneuriale. Nous évoquerons en fin d’article un autre sexteto dont il est à l’origine, sans lui avoir donné son prénom.
En tango comme ailleurs, ce n’est pas tout que de bien faire, encore faut-il le faire savoir. C’est dommage, mais ceux qui tirent les marrons du feu ne sont pas toujours ceux qui les mangent.
Julio, était donc un homme avec un caractère plutôt fort et il savait mener sa barque, ou son bajel dans le cas présent. Il a su utiliser les talents de son grand frère pour faire marcher sa boutique.
Francisco est mort pauvre et Pedro Laurenz qui, comme Francisco a beaucoup donné à Julio, a aussi connu une fin économiquement difficile.
Julio a signé ou cosigné des titres avec Maffia, Francisco (son frère) et Laurenz, sans toujours faire la part des participations respectives, qui pouvaient être nulles dans certains cas, malgré son nom en vedette.
Par exemple ; El arranque, Boedo ou Tierra querida sont signés par Julio Caro alors qu’ils sont de Pedro Laurenz qui n’est même pas mentionné.

Sexteto De Caro – Julio de Caro (violoniste et directeur d’orchestre, (violoniste), Pedro Maffia (bandonéoniste), Leopoldo Thompson (contrebassiste), Francisco De Caro (pianiste), Pedro Laurenz (bandonéoniste).

Sur cette image tirée de la couverture d’une partition de La revancha de Pedro Laurenz on trouve l’équipe de compositeurs associée à Julio De Caro :

  • Emilio De Caro, le petit frère qui a composé une dizaine de titres joués par l’orchestre de Julio.
  • Francisco De Caro, le grand frère qui est probablement le compositeur principal de l’orchestre de Julio, que ce soit sous son nom, en collaboration de Julio ou comme compositeur « caché ».
  • Pedro Maffia, qui « donna » quelques titres à Julio quand il travaillait pour le sexteto
  • Pedro Laurenz, qui fut également un fournisseur de titres pour l’orchestre.
  • Je pourrais rajouter Ruperto Leopoldo Thompson (le contrebassiste) qui a donné Catita enregistré par l’orchestre de Julio de Caro en 1932. Contrairement aux compositions des frères de Julio, de Maffia et de Laurenz, c’est un tango traditionnel, pas du tout novateur.

Quelques indices proposés à l’écoute

Avancer que Julio De Caro n’est pas forcément la tête pensante de l’évolution decarienne, mérite tout de même quelques preuves. Je vous propose de le faire en musique. Voici quelques titres interprétés, quand ils existent, par l’orchestre de Julio de Caro pour ne pas fausser la comparaison… Vous en reconnaîtrez certains qui ont eu des versions prestigieuses, notamment par Pugliese.

Tangos écrits par Julio de Caro seul :

Viña del mar 1936-12-13 – Orquesta Julio De Caro con .

Après l’annonce, le thème qui sera repris ensuite par le chanteur, Pedro Lauga. Une composition classique de tango.

1937 (Mil novecientos treinta y siete) 1938-01-10 – Orquesta Julio de Caro con Luis Díaz.

Le tango est encore composé de façon très traditionnelle, sans les innovations que son frère apporte, comme dans Flores negras que vous pourrez entendre ci-dessous.

Ja, ja, ja 1951-06-01 – Orquesta Julio De Caro con Verri. Des rires que l’on retrouvera dans Mala junta.

Je vous laisse méditer sur l’intérêt de ces enregistrements.

Attention, pour ces titres, comme pour les suivants, il ne s’agit pas de musique de danse. Ce n’est donc pas l’aune de la dansabilité qu’il faut les apprécier, mais plutôt sur leur apport à l’évolution du genre musical, ce qui permet de voir que l’apport de Julio dans ce sens n’est peut-être pas aussi important que ce qu’il est convenu de considérer.

Tangos cosignés avec Francisco De Caro (en réalité écrits par Francisco)

1928-08-27 — Orquesta Julio De Caro.

Si on considère que c’est un enregistrement de 1928, on mesure bien la modernité de cette composition. Pugliese l’enregistrera en 1944.

La mazorca 1931-01-07 — Orquesta Julio De Caro
El bajel 1948-06-24 — Orquesta Osmar Maderna. C’est notre tango du jour,

Tangos écrits seulement par Francisco De Caro

1926-11-29 — Orquesta Julio De Caro.

On pensera à la magnifique version de (celle de 1961, bien sûr, pas celle de 1937 écrite par Tibor Barczy (T. Baresi) avec des paroles de Tibor Barczy et Roberto Zerrillo et qu’a si merveilleusement interprété Roberto Ray.
La version de 1961 n’est pas pour la danse, c’est plutôt une œuvre « symphonique » et qui s’inscrit dans la lignée de Francisco De Caro, objet de mon article. Merci à Fred, TDJ, qui m’incite à donner cette précision que j’aurais dû faire, d’autant plus que l’univers de De Caro est souvent moins connu, voire méprisé par les danseurs.

Flores negras 1927-09-13 — Orquesta Julio De Caro.

S’il fallait une seule preuve du talent de Francisco, je convoquerai à la barre ce titre. On peut entendre comment commence le titre, avec ces élans des cordes que l’on retrouvera chez Pugliese bien plus tard, tout comme les sols de pianos de Francisco seront ressuscités par Pugliese en son temps. La contrebasse de Thompson marque le compas, mais avec des éclipses, tout comme le fera Pugliese dans ces alternances de passages rythmées et d’autres glissés. Si vous faites attention, vous pourrez distinguer la différence entre le violon d’Emilio et celui de son grand frère Julio qui utilise encore le cornet de l’époque acoustique.
Cette différence de sonorité permet d’attribuer avec certitude les traits plus virtuoses à Emilio. Même si on n’est pas vraiment dans la danse, ce titre pourra curieusement plaire aux amateurs des tangos de Pugliese des années 50, ce qui démontre l’avancée de Francisco par rapport à ses contemporains.
Par rapport à notre tango du jour, il reste un peu de la structure traditionnelle, mais avec de telles variations que cela rendrait la tâche des danseurs très compliquée s’ils leur prenaient l’envie de le danser en improvisation.
Cette magnifique mélodie fait partie de la bande-son du film La puta y la ballena (2004). De Angelis, et Fresedo en ont des versions intéressantes et fort différentes. Celle de De Angelis est même tout à fait dansante.

Je rajoute un enregistrement de qualité très moyenne, mais qui est un excellent témoignage de l’admiration d’Osvaldo Pugliese pour Francisco De Caro.

Flores negras — Osvaldo Pugliese (solo de piano).

Encore une version enregistrée à la radio et avec un public enrhumé.

Loca bohemia 1928-09-14 — Orquesta Julio De Caro
Un poema 1930-01-08 Sexteto Julio De Caro.

Si on compare avec une composition de Julio, même plus tardive, comme Viña del mar (1936), on voit bien qui est le novateur des deux.

Tangos cosignés par Francisco De Caro et Pedro Laurenz

Esquelas 1932-04-07 — Orquesta Julio De Caro con Luis Díaz

Tangos écrits par Pedro Laurenz et signés Julio De Caro

Tierra querida 1927-09-12 — Orquesta Julio De Caro
Boedo 1928-11-16 — Orquesta Julio De Caro
Boedo, une composition de Pedro Laurenz, signée Julio de Caro et interprété par son orchestre en novembre 1928.

Sur les disques, c’est le nom de l’orchestre qui prime. S’il c’étaiSur les disques, c’est le nom de l’orchestre qui prime. S’il c’était appelé Hermanos De Caro ou tout simplement De Caro, peut-être que la contribution majeure de Francisco De Caro serait plus connue aujourd’hui. Sur le disque, seul le nom de Julio De Caro apparaît pour la composition, alors que c’est une œuvre de Pedro Laurenz. On comprend qu’à un moment ce dernier ait également quitté l’orchestre.

El arranque 1934-01-04 — Orquesta Julio De Caro

Tango cosigné avec Pedro Laurenz (avec apports de Laurenz majoritaires, voire totaux)

Orgullo criollo 1928-09-17 — Orquesta Julio De Caro
Mala junta 1927-09-13 — Orquesta Julio De Caro

Tangos cosignés avec Pedro Maffia (en réalité écrits par Maffia)

Chiclana 1936-12-15 — Quinteto Los Virtuosos.

Quinteto Los Virtuosos (Francisco De Caro (piano), Pedro Maffia et Ciriaco Ortiz (bandonéon), Julio De Caro et Elvino Vardaro (violon)

Tiny 1945-12-18 Orquesta Osvaldo Pugliese.

Pas de version enregistrée par Julio de Caro.

Tangos co-écrits avec Maffia et Laurenz mais signés par Julio de Caro

Buen amigo 1925-05-12 — Orquesta Julio De Caro.

On pensera aux versions de Troilo ou Pugliese pour se rendre compte de la modernité de la composition de Maffia et Laurenz. L’ rend toutefois difficile l’appréciation de la subtilité de la composition.

Photographiés en 1927, de gauche à droite : Francisco De Caro, Manlio Francia, Julio De Caro et Pedro Laurenz.

Le violoniste Manlio Francia composa deux tangos qui furent joués par l’orchestre de Julio De Carro, Fantasias (1929) et Pasionaria (1927).

Mais alors, pourquoi on parle de Julio et pas de Francisco ?

J’ai évoqué la personnalité forte de Julio. En fait, l’orchestre initial a été formé par Francisco qui a demandé à ses deux frères de se joindre à son sexteto, en décembre 1923. Le succès aidant, l’orchestre a obtenu différents contrats permettant à l’orchestre de grossir, notamment pour le carnaval (oui, encore le carnaval) jusqu’à devenir une composition monstrueuse d’une vingtaine de musiciens. Ceci explique que le sexteto est généralement appelé orquesta típica, même si ce terme est généralement réservé aux compositions ayant plus d’instrumentistes (bandonéonistes et violonistes).
Au départ, cet orchestre monté par Francisco n’ayant pas de nom, il s’annonçait juste « sous la direction de Julio De Caro. Mais un jour, dans une publicité du club Vogue ou se produisait l’orchestre, l’orchestre était annoncé comme l’orchestre « Julio De Caro. Cela n’a pas plut à Maffia et Petrucelli qui décidèrent alors d’abandonner l’orchestre ne supportant plus le caractère, fort, de Julio et sa volonté de dominer.
Ceux qui connaissent les Daltons penseront sans doute à la personnalité de Joe Dalton pour la comparer à celle de Julio De Caro.

Joe, c’est assurément Julio. Francisco était-il Averell ?

Plus tard, Gabriel Clausi et Pedro Laurenz quitteront l’orchestre à cause du caractère de Julio. Ces derniers ont gardé des attaches avec Francisco et lorsque Osvaldo Pugliese s’est chargé de faire passer à la postérité l’héritage des frères De Caro, c’est à Francisco qu’il se référait.
Donc, ce qui était clair à l’époque, est un peu tombé dans l’oubli, notamment à cause des disques qui portent uniquement le nom de Julio De Caro, puisque tous les orchestres étaient à son nom, ce dernier ayant toujours refusé le partage, Maffia-De Caro ou De Caro-Laurenz, même pas en rêve pour lui.

Orchestre De Caro sur un bateau ?

Cette photo est en général étiquetée comme étant l’orchestre de Julio De Caro en route pour l’Europe en mars 1931. Cependant on reconnaît Thompson, mort en août 1925.
La photo est donc à dater entre 1924 et cette date si c’est l’orchestre De Caro.
Je propose de placer cette photo sur un bateau se rendant en Uruguay ou qui en revient. Julio de Caro avait, à diverses reprises, travaillé en Uruguay, avec Eduardo Arolas, Enrique Delfino et Minotto Di Cicco (dans l’orchestre duquel Francisco était pianiste).
Comme Thomson était avec Juan Carlos Cobián en 1923 et auparavant avec Osvaldo Fresedo, cela confirme que cette photo est au plus tôt de décembre 1923.
Lorsque Francisco du monter son orchestre (qui prit le prénom de son frère), il fit appel outre à ses frères, Emilio et Julio, à Thompson, Luis Petrucelli (bandonéon) puis Pedro Láurenz en septembre 1924 Pedro Maffia (bandonéon) remplacé en 1926 par Armando Blasco et (violon). Il y a peu de photos des artistes en 1924 et les portraits que j’ai trouvés ne permettent pas de garantir les noms des autres personnes présentes.
Quoi qu’il en soit, je termine cette anecdote avec une photo prise sur un bateau, même si ce n’est probablement pas un bajel…

Canaro 1935-06-18 Orquesta Francisco Canaro

On connaît tous Francisco Canaro, le plus prolifique des enregistreurs de tango avec près de 4000 enregistrements sur disque, mais aussi de la musique de film et des enregistrements à la radio. Même si son caractère était un peu fort, il a trouvé des admirateurs qui lui ont dédié des tangos. On connaît parfaitement «Canaro en » de Alejandro Scarpino et Juan Caldarella, mais peut-être un peu moins Canaro, juste Canaro de José Martínez. C’est notre , nous allons pallier cette éventuelle lacune.

José Martínez était un pianiste et compositeur qui travailla avec Canaro à ses débuts. C’était au café Los loros (le loro est une sorte de perroquet très commun à Buenos Aires. Il vit en liberté, mais aussi en cage où il sert s’avertisseur en cas d’intrusion dans la maison). Canaro remplaça temporairement le violoniste Julio Doutry d’un trio qu’il formait avec Augusto Berto (bandonéon). Jusqu’au retour de Doutry, Canaro était donc avec Berto et Martínez.
Martínez resta avec cette formation, une fois Canaro parti.
Ils se retrouvent peu après dans un quatuor, « MartínezCanaro, au côté de Fresedo (bandonéon). En 1915, Canaro forme son orchestre et Martínez en assure la partie de piano.
C’est probablement durant cette période que Martínez écrivit Canaro, car ce dernier l’enregistra en 1915 avec son tout nouvel orchestre.
En 1917, Firpo et Canaro collaboreront pour le de 1917. On voit sur l’affiche la présence de Martínez comme pianiste.

Orchestre Firpo-Canaro, Teatro Colón de Rosario, Carnaval 1917.

En commençant en haut à gauche et dans le sens inverse des aiguilles d’une montre :

Osvaldo Fresedo (Bandonéon), Agesilao Ferrazzano (Violon), Pedro Polito (Bandonéon), Alejandro Michetti (Flûte), Julio Doutry (Violon), Leopoldo Thompson (Contrebasse, Juan Carlos Bazan (Clarinette, Juan D’Ambrogio « Bachicha » (Bandonéon), Tito David Rocatagliata (Violon), José Martínez (Piano). Au centre, Roberto Firpo, Francisco Canaro et Eduardo Arolas (Bandonéon).
C’était à Rosario au Teatro Colón de Rosario, inauguré en 1904 et démoli en 1958…

Teatro Colón de Rosario, inauguré en 1904 et démoli en 1958…

Extrait musical

Partition de Canaro par José Martínez avec la dédicace à son estimé ami et auteur national, Francisco Canaro.
Canaro 1935-06-18 Orquesta Francisco Canaro
Partition pour piano de Canaro par José Martínez.

Autres versions

Deux des enregistrements de Canaro par Canaro…À gauche une édition espagnole de 1918 de l’enregistrement de 1915 et à droite, l’édition portugaise de notre tango du jour, la version de Canaro de 1935…

Canaro et d’autres orchestres enregistreront le titre à d’autres moments. Nous allons voir cela.

Canaro 1915 — Orquesta Francisco Canaro.

C’est la première version datant de l’époque de la composition. L’air assez vif et joyeux. La flûte est très présente. Bien sûr, l’ et la coutume de jouer chaque fois la musique sans réelles variations, peut rendre le résultat monotone. Cependant, le second thème est assez joli.

Canaro 1927-07-29 — Orquesta Francisco Canaro.

Canaro enregistre à nouveau son titre avec la nouvelle de l’enregistrement électrique. Canaro un rythme, beaucoup plus lent et bien pesant. En 12 ans, il a pris de l’assurance et du poids.

Canaro 1935-06-18 Orquesta Francisco Canaro. C’est notre tango du jour.

Le rythme est un peu plus rapide que dans la version de 1927, sans atteindre la vitesse de 1905. Cela suffit tout de même pour rendre le thème plus joyeux. Les instrumentistes sont excellents comme peut l’indiquer la liste des artistes qui ont participé sur la période :
Federico Scorticati, Angel Ramos, Ciriaco Ortiz, Horacio Golino, Juan Canaro et Ernesto Di Cicco (bandonéonistes) Luis Riccardi (pianiste) Cayetano Puglisi, Mauricio Mise, Bernardo Stalman, Samuel Reznik et Juan Ríos (violonistes) et Olindo Sinibaldi (contrebassiste).

Canaro 1941-07-14 — Orquesta Juan D’Arienzo.

Un petit clin d’œil à son concurrent. Une version bien dans l’esprit de D’Arienzo, bien rythmée, avec des petites facéties joueuses. Une danse qui devrait plaire à beaucoup de .

Canaro 1952-10-08 — Quinteto Pirincho dir. Francisco Canaro.

On reste dans le registre joueur, nouveau pour Canaro. Pour les mêmes raisons que la version de D’Arienzo, celle-ci devrait plaire aux danseurs.

Juan et Mario avec leur Sexteto Juan y Mario Canaro ont également enregistré le titre en 1953. Ce sont aussi des Canaro après tout. Je ne peux pas vous faire écouter, n’ayant pas le disque avec moi au moment où j’écris et ne l’ayant pas numérisé, mais je m’en occupe en rentrant à Buenos Aires. Je vous en attendant un extrait tiré de l’excellent site de référence, tango-dj.at. Non seulement il est très complet, mais en plus, quand il y a une imprécision, il accepte très volontiers les remarques et en tient compte, ce qui n’est pas le cas d’autres sites plus grand public qui disent qu’on a tort et qui corrigent en catimini…

Canaro 1953 — Sexteto Juan y Mario Canaro (EXTRAIT).

Un extrait, donc de la base de données de Tango-dj.at.

Canaro 1953 — Sexteto Ciriaco Ortiz.

Après avoir participé à la version de 1935 dans l’orchestre de Canaro, Ciriaco Ortiz, donne une version très personnelle.

Canaro 1956-02-29 — Orquesta Florindo Sassone.

Comme souvent chez Sassone, la recherche de « joliesse » laisse peu de place à la danse. On notera l’utilisation de la harpe et du .

Canaro 1958 — Los Muchachos de Antes.

Avec leur flûte et la guitare et la guitare, les Muchachos de Antes, essayent de faire revivre le tango du début du vingtième siècle. Ce n’est pas du tout vilain et même sympathique. Peut-être pour une despedida délirante avec des danseurs prêts à tout.

Canaro 1962 — Orquesta Rodolfo Biagi.

En 1962, Biagi n’est plus que l’ombre de lui-même. Je cite cette version pour mémoire, mais elle n’apportera pas grand-chose, plusieurs la surpassent largement.

Canaro 1968 — .

Mariano Mores qui est un rigolo, nous propose une version très différente de toutes les autres. Je ne dis pas que c’est pour les danseurs, mais ça peut aider à déclencher des sourires, lors d’un moment d’écoute.

Voilà, les amis. Je ne vous parle pas aujourd’hui de Canaro à Paris, que Canaro a souvent gravé dans les mêmes périodes que Canaro. Mais promis, à la première occasion, je le mettrai sur la sellette, d’autant plus qu’il y a beaucoup à dire.

Tu olvido 1936-05-08 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vicente Spina (Paroles et musique)

Encore une histoire qui sent la rose. Il faut dire que quand on s’appelle Spina (épine en italien), la rose est une source d’inspiration naturelle. La version enregistrée par D’Arienzo et Cabral est une des fleurs qui ont éclos aux sons de cette magnifique valse, il y a exactement 88 ans.

Extrait musical

1936-05-08 — Orquesta Juan D’Arienzo con .

La valse démarre au quart de tour, comme sur un coup de manivelle. On est bien au début de la période Biagi dans l’orchestre de D’Arienzo, mais le piano est bien discret. Tout juste quelques ponctuations comme à 1 : 17 entre deux phrases chantées par Cabral. Le violon, l’instrument de D’Arienzo est plus mis en vedette, en compagnie de la voix un peu aigre de Cabral. La valse qui avait démarré semble se lancer à toute vitesse sur la fin. C’est une illusion donnée notamment par les notes doublées du piano. Cette façon de terminer dans l’euphorie est typique des valses de D’Arienzo. On en viendrait à oublier totalement que les paroles sont un peu tristes. Cependant, Cabral n’en chante qu’un tout petit bout, alors on ne s’en rend pas compte, emporté par la frénésie tourbillonnante de cette valse.

La partition de la valse nous révèle que c’est un vals criollo. Ce détail a son importance comme nous le verrons avec les autres versions.

Paroles

Han brotado otra vez los rosales
junto al muro en el viejo jardín,
donde tu alma selló un juramento,
amor de un momento
que hoy lloro su fin.
Tierno llanto de amor fuera el tuyo
que en tus ojos divinos bebí.
Ojos falsos que así me engañaron
al ver que lloraron los míos por ti.

Mas los años al pasar me hicieron
comprender la triste realidad.
Que tan solo es ilusión,
lo que amamos de verdad.
Sin embargo cuando en los rosales
renacen las flores
los viejos amores
con sus madrigales
tornan como entonces a mi corazón.

Cuando vuelvan las noches de invierno
y se cubra de nieve el jardín,
si estás triste sabrás acordarte
de aquel que al amarte
no supo mentir.
No es mi canto un reproche a tu olvido,
ni un consuelo te vengo a pedir,
sólo al ver el rosal florecido:
el sueño perdido lo vuelvo a vivir.

Vicente Spina (Paroles et musique)

Walter Cabral ne chante que la partie en gras

libre

Les rosiers ont repoussé le long du mur du vieux jardin, où ton âme a scellé un serment, l’amour d’un moment qui aujourd’hui a pleuré sa fin.
De tendres larmes d’amour étaient tiennes que j’ai bues dans tes yeux divins.
Des yeux faux qui m’ont trompé quand ils ont vu que les miens pleuraient pour toi.

Mais les années qui ont passé m’ont fait comprendre la triste réalité.
Que ce n’est qu’une illusion, ce que nous aimons vraiment.
Cependant, lorsque sur les rosiers renaissent les fleurs,
les vieux amours avec leurs madrigaux reviennent, comme ils le faisaient alors, dans mon cœur.

Quand les nuits d’hiver reviendront et que le jardin sera couvert de neige, si tu es triste tu sauras te souvenir de celui qui n’a pas su mentir quand il t’aimait.
Mon chant n’est pas un reproche à ton oubli ni une consolation que je viens te demander, seulement quand je vois le rosier fleurir : le rêve perd, je le revis.

Autres versions

Tu olvido 1932-06-02 — Alberto Gómez y Augusto « Tito » Vila con acomp. de guitares.

Cette version est la plus ancienne. Le duo Gómez et « Tito » Vila chante à la tierce la totalité des paroles en reprenant le second couplet. On retrouve dans cette version les sonorités du vals criollo.

Tu olvido 1936-05-08 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est notre valse du jour.
Tu olvido 1946-12-19 — Orquesta con Osvaldo Ribó y Roberto Videla.

Tanturi abandonne le principe d’introduction de D’Arienzo et Gómez avec « Tito » Vila. La valse tourne avec énergie. Contrairement à Gómez et « Tito » Vila, le duo est aussi en dialogue en plus d’être en phase, à la tierce. La fin est une lente éclosion. En résumé, une belle version, très différente de celle de D’Arienzo, mais tout aussi géniale à danser.

Tu olvido 1951c — Andres Falgas Con Orquesta Roberto Pansera.

La sonorité de Pansera est un peu légère. Le Duo chante de nouveau à la tierce. Les voix sont les vedettes de cette version où l’orchestre est très discret.

Tu olvido 1952-04-25 — Orquesta Eduardo Del Piano con Mario Bustos y Héctor De Rosas.

Encore un duo servi par un orchestre, cette fois plus expressif, avec un bien piano présent. Des ponctuations de l’orchestre marquent les moments de pause des chanteurs. Cette version sans doute plus rare reste dansable et peut aider à renouveler le plaisir des oreilles des . La fin est aussi en ralentissement, l’opposé de D’Arienzo, mais moins ralentie que la version de Tanturi. Chaque orchestre imprime sa marque au titre.

Tu olvido 1960 c — Orquesta con Agustín y Marión Copelli.

L’orchestre Eliseo Marchese sert l’accompagnement au couple des Copelli. Ici, femme et homme chantent à la dixième (octave plus tierce). Cela se laisse écouter, mais je ne le proposerai sans doute pas en milonga, malgré l’étonnante fin en cascade.

Tu olvido 1969 — Trio Ciriaco Ortiz. Le folklore s’inspire et inspire.

Ici, cette version par le trio de Ciriaco Ortiz est clairement destinée à la danse, mais plutôt dans un mouvement folklorique, voire musette. La version est sans doute un peu monotone et rapide pour en faire une valse de tango argentin.

Tu olvido 1981 — Orquesta Leopoldo Federico con .

Avec cette valse signée par Federico, on est l’opposé du folklore. Une recherche d’élégance change totalement le caractère de cette valse, qui n’est probablement plus du tout à proposer pour la danse. Écoutons-là donc.

Tu olvido 1999-04-05 — Los Visconti. Encore une version folklorique.

Avec un caractère évoquant la . Les danseurs de folklore ont une autre version à choisir. Le rythme est plus lent que la version de Ciriaco Ortiz. On n’est plus dans le musette.

Tu olvido 2002 — Armenonville. Armenonville renoue avec la tradition de la flûte et de la guitare.

Le bandonéon et le violon sont également exploités de façon légère, ce que confirme le chant. Une version qui se laisse écouter, mais qui ne devrait pas provoquer de réactions passionnées chez les danseurs…

Pour terminer une version en vidéo avec les deux Albertos, et Alberto Marino. Cette prestation a été enregistrée en 2011 dans l’émission El . Les chaînes argentines entretiennent fidèlement la nostalgie en mettant en valeur notre musique de tango.

Alberto Podesta y Alberto Marino en duo, dans l’émission El Tangazo, 2011 sur Cronica TV. Un grand moment.

Tu olvido. Quand l’amour ne fait pas son boulot…

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vicente Romeo Letra :

Aujourd’hui, une pour déclarer son amour à une jolie femme. Pour cela, quatre hommes se sont attelés à la tâche, Vicente Romeo, Juan Andrés Caruso, Juan d’Arienzo et . Nous appellerons également à la rescousse, d’autres grands du tango pour vous donner les arguments nécessaires pour séduire une femme papillon.

Avec D’Arienzo à la baguette et Biagi, on a l’assurance d’avoir une valse dansable.
En, ce qui concerne le chanteur, Walter Obdulio Cabral (27/10/1917 – 1993), celui collaborera un peu plus d’un an avec D’Arienzo, le temps d’enregistrer trois valses : Un Placer, Tu Olvido et Irene et une orpheline Silueta Porteña.

Extrait musical

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral.

Je vous laisse l’écouter. On en reparlera en comparaison avec les autres versions de ce titre.

Les paroles

Linda mariposa
tú eres mi alegría
y tus colores de rosa
te hacen tan hermosa
que en el alma mía
tu imagen quedó.

Por eso a tu reja
hoy vengo a cantarte,
para decirte, mi diosa,
que eres muy hermosa
y no puedo olvidarte
que antes de dejarte
prefiero la muerte
que sólo con verte
es para mí un placer.

Sin tu amor ya no puedo vivir.
¡Oh! ven pronto no me hagas penar.
De tus labios yo quiero sentir
el placer que se siente al besar.
Y por eso en mi canto te ruego
que apagues el fuego
que hay dentro de mí.

Oye amada mía
tuyo es mi querer,
que tuya es el alma mía
toda mi poesía
mis alegres días,
hermosa mujer.

Sale a tu ventana
que quiero admirarte.
Sale mi rosa temprana,
hermosa galana,
que yo quiero hablarte
y quiero robarte
tu querer que es santo
porque te amo tanto
que no puedo más.

Y si el destino
de ti me separa
nunca podre ser feliz
y antes prefiero morir.
Porque tu cariño
es mi vida entera.
Tú has de ser la postrera,
la dulce compañera que ayer soñé.

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caruso

Traduction libre

Joli papillon, tu es ma joie et tes couleurs de rose te rendent si belle que dans mon âme ton image est restée.


C’est pourquoi à ta grille, aujourd’hui je viens chanter, pour te dire, ma déesse, que tu es très belle, que je ne peux pas t’oublier et que plutôt que de te quitter je préfère la mort. Que rien que te voir est un plaisir pour moi.

Sans ton amour, je ne peux pas vivre. Oh ! Viens vite, ne me fais pas de peine. De tes lèvres, je veux sentir le plaisir que l’on ressent en embrassant et c’est pourquoi dans ma chanson je te supplie que tu éteignes le feu qu’il y a en moi.

Entend ma bien-aimée, que tu es mon désir, mon âme est tienne, toute ma poésie, mes jours heureux ; merveilleuse femme.

Sort à ta fenêtre que je veux t’admirer. Sors ma rose précoce, belle galante, car je veux te parler et te voler ton amour qui est saint parce que je t’aime tant que je n’en peux plus.

Et si le destin me séparait de toi, je ne pourrais jamais être heureux et préférerais mourir. Parce que ta tendresse est toute ma vie. Tu seras la dernière, la douce compagne dont j’ai rêvé hier.

Autres versions

Un placer 1931-04-23 — Orquesta .

Un tempo très lent, qui peut déstabiliser certains . C’est une version instrumentale, avec sans doute un peu de monotonie malgré des variations de rythme. Pour ma part, j’éviterai de la proposer à mes danseurs.

Un placer 1933-04-11 — Orquesta Típica Los Provincianos (dir. Ciriaco Ortiz) con .

Avec la voix un peu aigre de Carlos Lafuente, mais un joli orchestre pour une valse entraînante. La fin donne l’impression d’accélération, ce qui ravit en général les danseurs, surtout en fin de tanda. On est clairement monté d’un cran dans le plaisir de la danse avec cette version. L’orchestre est Los provincianos, mais il s’agit d’un orchestre Victor dirigé par Ciriaco Ortiz. Ce qui fait que vous pouvez trouver le même sous les trois formes : Los Provincianos, Típica Victor ou Ciriaco Ortiz, voire un mixage des trois, mais tout cela se réfère à cet enregistrement du 11 avril 1933.

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est le tango du jour.

La voix de Walter Cabral rappelle celle de Carlos Lafuente, une voix de ténor un peu nasillarde, mais comme dans le cas de Lafuente, ce n’est pas si gênant, car ce n’est que pour une petite partie de la valse. L’impression d’accélération ressentie avec la version de Ciriaco Ortiz est présente, mais c’est une constante chez d’Arienzo. BIagi qui a intégré l’orchestre il y a cinq mois est relativement discret. Il se détache sur quelques ponctuations lâchées sur les temps de respiration de l’orchestre. Il n’a pas encore complètement trouvé sa place, place qui lui coûtera la sienne deux ans plus tard…

Un placer 1942-06-12 — Orquesta Aníbal Troilo.

Ici pas de voix aigre ou nasillarde, les parties sont chantées par les violons, ou par le chœur des instruments, avec bien sûr le dernier mot au bandonéon de Troilo qui termine divinement cette version élégante et dansante.

Un placer 1949-02 — con su Sexteto Los Mendocinos y Argentino Olivier.

Une version un peu faible à mon goût. Le sexteto manque de présence et Argentino Olivier, déroule les paroles, sans provoquer une émotion irrépressible. Une version que je ne recommanderai pas, mais qui a son intérêt historique et qui après tout peut avoir ses fanatiques.

Un placer 1949-08-04 — Orquesta José Basso con Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz.

Une version très jolie, avec piano, violons et bandonéons expressifs. L’originalité est la prestation en Duo, de deux magnifiques chanteurs, Francisco Fiorentino y Ricardo Ruiz. On peut ressentir un léger étonnement en écoutant les paroles, les deux semblent se répondre. C’est une jolie version, mais peut-être pas la première à proposer en milonga.

Un placer 1954 — Cuarteto Troilo-Grela.

Une magnifique version dans le dialogue entre le bandonéon et la guitare. La musique est riche en nuances. Le bandonéon démarre tristement, puis la guitare donne le rythme de la valse et le bandonéon alternent des moments où les notes sont piquées à la main droite, et d’autres où le plein jeu de la main gauche donne du corps à sa musique. À 1 : 30 et 1 : 50, à 2 : 02, le bandonéon s’estompe, comme s’il s’éloignait. À 2 : 10, la réverbération du bandonéon peut être causée par un éloignement physique important du bandonéon par rapport au microphone, ou bien à un ajout ponctuel de réverbération sur ce passage. Je ne suis pas sûr que cet artifice provoqué par l’enregistrement apporte beaucoup au jeu de Troilo. Il faut toutefois pardonner à l’ingénieur du son de l’époque. C’est le début d’une nouvelle ère technique et il a sans doute eu envie de jouer avec les boutons…

Un placer 1958-10-07 — Orquesta José Basso con Alfredo Belusi y Floreal Ruiz.

José Basso refait le coup du duo, mais cette fois avec Alfredo Belusi et Ricardo Ruiz. À mon avis, cela fonctionne moins bien que la version de 1949.

Un placer 1979 — Sexteto Mayor.

Pour terminer, une version assez originale, dès l’introduction. Je vous laisse la découvrir. Étant limité à 1 Mo par morceau sur le site, vous ne pouvez pas entendre la stéréo vraiment exagérée de ce morceau, car tous les titres sont passés en basse qualité et en mono pour tenir dans la limite de 1 Mo. C’est une peine pour moi, car la musique que j’utilise en milonga demande entre 30 et 60 Mo par morceau… Sur la stéréo en milonga, c’est à limiter, surtout avec des titres comme celui-ci, car les danseurs auraient d’un côté de la salle un instrument et de l’autre un autre. Donc, si j’ai un titre de ce type à passer (c’est fréquent dans les démos), je limite l’effet stéréo en réglant le panoramique proche du centre. Une salle de bal n’est pas un auditorium…

Mini tanda en cadeau

Cabral n’a enregistré que trois valses avec D’Arienzo. Je vous propose d’écouter et surtout danser cette mini tanda de seulement trois titres. Peut-être apprécierez-vous à la fin de la tanda la voix un peu surprenante de Cabral.

Cerise sur la tanda. Pardon, le gâteau, les trois titres forment une . Il découvre son amour, elle s’appelle Irene et… Ça se termine mal…

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral. C’est le tango du jour.
Irene 1936-06-09 – Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral
Tu olvido 1936-05-08 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vida y obra de Walter Cabral

Vous pourrez trouver sur ce site, une biographie complète de ce chanteur.

Tus besos fueron míos 1927-02-17 (Tango) – Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

Letra : Francisco García Jiménez

Tus besos fueron míos

du jour a 97 ans. Son titre est explicite, Tus besos fueron míos (Tes baisers furent miens) et son sujet, toujours d’actualité.
Même s’il s’agit ici d’une version instrumentale, on imagine qu’il s’agit de la chanson de la perte d’un amour. Les paroles que l’on connaît dans la plupart des autres versions le confirment.
J’ai choisi ce tango pour pouvoir parler de son éditeur, la firme RCA Victor. En effet, l’orchestre Típica Victor ne jouait pas en public, seulement en studio, c’est l’originalité de certains de ces orchestres de maisons d’édition.

Victor ou Victors ?

La particularité de ces orchestres de maisons d’édition de disques était qu’ils n’étaient pas associés à un Directeur d’orchestre. Les musiciens pouvaient rester les mêmes et le chef changer, contrairement aux orchestres dirigés par des chefs ayant donné leur nom à l’orchestre. Le premier chef d’orchestre à avoir été contracté par la Victor a été un jeune pianiste, Adolfo Carabelli, qui a eu par la suite son propre orchestre. Ce tango date de cette période.

Les musiciens de la orquesta Típica Victor vers 1927 De gauche à droite : Contrebasse : Humberto Costanzo — Violons : Eugenio Romano, Agesilao Ferrazzano et Manlio Francia — Bandonéons : Luis Petrucelli, Ciriaco Ortiz et — Piano : . Adolfo Carabelli (le chef d’orchestre et le violoniste Elvino Vardaro qui travaillait aussi à l’époque pour la RCA Victor, ne sont pas sur la photo.

Qui dit pas Victor a parfois tort

Souvent, des danseurs me demandent la Típica Victor. Soucieux de leur faire plaisir, je leur demande quel orchestre, quelle période, quel titre et je n’obtiens jamais de réponse.
Certains DJ, sous le prétexte qu’il y a écrit Victor passent n’importe quels titres sans tenir compte des styles assez différents selon les orchestres et les directeurs qui se sont succédé.

Les différents orchestres Victor

  • Orquesta Victor Popular
  • Orquesta Típica Los Provincianos (Ciriaco Ortiz)
  • Orquesta Radio Victor Argentina (Mario Maurano)
  • Victor
  • Orquesta Victor Internacional
  • Cuarteto Victor [ et Antonio Rossi (violons), Ciriaco Ortiz et Francisco Pracánico (bandonéons)]
  • Trío Victor [Elvino Vardaro (violon), Oscar Alemán et Gastón Buen (guitares)]

En revanche, il est souvent possible de mélanger un titre de la Victor avec un titre enregistré par le même chef avec son propre orchestre.
On remarquera, en effet, qu’avec les mêmes musiciens, les chefs ont mis leur empreinte. C’est d’ailleurs un phénomène bien connu pour les orchestres de musique classique.

Le nom ne fait pas la tanda

Beaucoup de DJ débutants l’apprennent à leur dépens (ou à celui de leurs danseurs), le nom d’un orchestre ne suffit pas pour fabriquer une belle tanda. Dans le cas des orchestres Victor, c’est assez clair, mais si on prend l’exemple de Canaro, de ces différents orchestres (tango et jazz), de ses différentes formations, quintettes, Típicas et de sa très longue période d’enregistrement, on se retrouve face au même problème.
Reconnaissons toutefois que c’est un peu moins gênant maintenant, car ces DJ s’appuient désormais sur des playlists qui circulent et que donc, le travail de tri a déjà été fait. C’était particulièrement sensible au début des années 2000. Voir à ce sujet, cet article.

Écoute

Tus besos fueron míos 1927-02-17Orquesta Típica Victor (Direction Adolfo Carabelli)

L’archive sonore présentée ici, l’est à titre d’exemple didactique. La qualité sonore est réduite à cause de la plateforme de diffusion qui n’accepte pas les fichiers que j’utilise en milonga et qui sont environ 50 fois plus gros et de bien meilleure qualité. Je pense toutefois que cet extrait vous permettra de découvrir le titre en attendant que vous le trouviez dans une qualité audiophile.

Les paroles

Tus besos fueron míos.
Dique Victor 79334-A

Hoy pasas a mi lado con fría indiferencia
Tus ojos ni siquiera detienes sobre mí
Y sin embargo, vives unida a mi existencia
Y tuyas son las horas mejores que viví
Fui dueño de tu encanto, tus besos fueron míos
Soñé y canté mis penas junto a tu corazón
Tus manos en mis locos y ardientes desvaríos
Pasaron por mi frente como una bendición

Y yo he perdido por torpe inconstancia
La dulce dicha que tú me trajiste
Y no respiro la suave fragancia
De tus palabras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mundo mi duelo consuela
Estoy a solas con mi ingratitud
Se fue contigo, de mi novela
La última risa de la juventud

te irás borrando, perdida en los reflejos
Confusos que el olvido pondrá a mi alrededor
Tu imagen se hará pálida, tu amor estará lejos
Y yo erraré por todas las playas del dolor
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos bríos
Ocupa enteramente mi pobre corazón
Murmuro amargamente: « tus besos fueron míos
Tus besos de consuelo, tus besos de pasión »

Y yo he perdido por torpe inconstancia
La dulce dicha que tú me trajiste
Y no respiro la suave fragancia
De tus palabras, ¡y estoy tan triste!
Nada del mundo mi duelo consuela
Estoy a solas con mi ingratitud
Se fue contigo, de mi novela
La última risa de la juventud

Anselmo Alfredo Aieta Letra : Francisco García Jiménez

Autres enregistrements

Ce titre a été enregistré à plusieurs reprises, dans un balancement entre versions instrumentales, versions chantées et versions chansons (seulement pour l’écoute et pas pour la danse).

  • 1926, Carlos Gardel accompagné par les guitares de Guillermo Barbieri et enregistrait ce titre avec les paroles.
  • 1926, Enregistrement par Canaro
  • 1927-02-17, la version que je vous propose aujourd’hui et qui a donc 97 ans, est celle enregistrée le 17 février 1927 par l’orchestre Típica Victor. Il a été édité sur disque 78 tours sous la référence Victor 79334 A. Sa matrice portait le numéro 1102-2. C’était le deuxième enregistrement de la journée et il est devenu la face A du disque.
    Le même jour, la Típica Victor enregistra Trago amargo de Rafael Iriarte Letra : Julio Plácido Navarrine (matrice 1101-1).
    À cette époque, les maisons d’édition regravent les titres avec les nouveaux procédés d’enregistrement électrique. Cela provoque une activité intense, comme en témoignent d’autres enregistrements du du même jour, comme l’enregistrement de la comparsita par Canaro, chez Odéon.
  • 1927-02-21, Rosita Quiroga propose une version chantée, accompagnée par des guitaristes.
  • 1927-05-30, Canaro l’enregistre de nouveau, toujours en version instrumentale.
  • 1930-12-13, encore Canaro, mais en accompagnant de sa chère Ada Falcon. Voir cet article pour des infos sur leur « couple ».
  • 1946-11-29, Ricardo Tanturi sort le titre de l’oubli avec le chanteur . Malgré le mode mineur (tristesse), la partie instrumentale est assez allègre. En revanche, Videla met beaucoup (trop ?) d’émotion. On peut aimer et ça reste comme Tanturi en général, dansable.
  • 1952-08-14, et le chanteur Enzo Valentino en donne une version chantée. C’est clairement une chanson qui n’était pas destinée à la danse. Attadia, n’a pas contrôlé le chanteur comme l’avait fait Tanturi.
  • 1952-11-14, Alfredo de Angelis et Carlos Dante en donnent une version chantée bien équilibrée et qui permet une danse de qualité. Elle rejoint donc la version de Tanturi dans la discothèque du DJ de tango.
Pero hoy que tu recuerdo con encendidos bríos
Ocupa enteramente mi pobre corazón
Murmuro amargamente: « tus besos fueron míos
Tus besos de consuelo, tus besos de pasión »