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Fumando espero 1927-07-21 — Orquesta Típica Victor

Letra: Félix Garzo (Antonio José Gaya Gardus)

On sait main­tenant que fumer n’est pas bon pour la san­té, mais dans la mytholo­gie du tan­go, la cig­a­rette, cig­a­r­il­lo, pucho, faso et sa fumée ont inspiré les créa­teurs quand eux-mêmes inspi­raient les volutes de fumée. Notre tan­go du jour est à la gloire de la fumée, au point qu’il est devenu objet de pro­pa­gande pub­lic­i­taire. Mais nous ver­rons que le tan­go a aus­si servi à lut­ter con­tre le tabac qui t’a­bat. Je pense que vous décou­vrirez quelques scoops dans cette anec­dote fumante.

Extrait musical

Fuman­do espero 1927-07-21 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor — Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

Cette très belle ver­sion souf­fre bien sûr de son anci­en­neté et du style de l’époque, mais les con­tre­points sont superbes et la ryth­mique lourde est com­pen­sée par de jolis traits. J’aime beau­coup les pas­sages lega­to des vio­lons.

Main­tenant que vous l’avez écouté, nous allons entr­er dans le vif d’un sujet un peu fumeux, tout d’abord avec des cou­ver­tures de par­ti­tions.

Fuman­do espero. Divers­es par­ti­tions.

On notera que trois des par­ti­tions annon­cent la créa­tion, mais par des artistes dif­férents…
Créa­tion de Ramonci­ta Rovi­ra (Par­ti­tion éditée par Ilde­fon­so Alier) à Madrid en 1925.
Créa­tion de Pilar Berti pour la pub­li­ca­tion de Barcelone, DO-RE-MI qui pub­li­ait chaque semaine une par­ti­tion. Mais c’est une autre Pilar (Arcos) qui l’en­reg­istr­era à divers­es repris­es.
Tania Mex­i­can, créa­trice de ce mag­nifique tan­go, annonce cette par­ti­tion. Tania aurait été la pre­mière à le chanter à Buenos Aires. Ce n’est pas impos­si­ble dans la mesure où cette Espag­nole de Tolède est arrivée en Argen­tine en 1924. Elle fut la com­pagne de Enrique San­tos Dis­cépo­lo.
Si on peut voir la men­tion « « « Mex­i­can » à côté de son nom, c’est qu’elle est arrivée à Buenos Aires avec le Con­jun­to The Mex­i­cans

Après les édi­tions espag­noles, voici celles d’Amérique latine, plus tar­dives, elles ont suivi le tra­jet de la musique.
Felix Car­so au lieu de Car­zo pour l’édi­tion brésili­enne de 1927. L’édi­teur, Car­los Wehrs vendait aus­si des pianos.
Tan­go de Velado­ma­to (au lieu de Velado­mat (non cata­lan) pour l’édi­tion chili­enne.
Ces cinq par­ti­tions sont de la pre­mière vague (années 20–30)

La par­ti­tion éditée par las Edi­ciones Inter­na­cionales Fer­ma­ta avec la pho­to de en cou­ver­ture date des années 50. Prob­a­ble­ment de 1955, date de l’en­reg­istrement par Varela de ce titre.

Paroles

Fumar es un plac­er
genial, sen­su­al.
Fuman­do espero
al hom­bre a quien yo quiero,
tras los cristales
de ale­gres ven­tanales.
Mien­tras fumo,
mi vida no con­sumo
porque flotan­do el humo
me sue­lo adorme­cer…
Ten­di­da en la chaise longue
soñar y amar…
Ver a mi amante
solíc­i­to y galante,
sen­tir sus labios
besar con besos sabios,
y el deva­neo
sen­tir con más deseos
cuan­do sus ojos veo,
sedi­en­tos de pasión.
Por eso estando mi bien
es mi fumar un edén.

Dame el humo de tu boca.
Anda, que así me vuel­vo loca.
Corre que quiero enlo­que­cer
de plac­er,
sin­tien­do ese calor
del humo embria­gador
que aca­ba por pren­der
la lla­ma ardi­ente del amor.

Mi egip­cio es espe­cial,
qué olor, señor.
Tras la batal­la
en que el amor estal­la,
un
es siem­pre un des­can­sil­lo
y aunque parece
que el cuer­po lan­guidece,
tras el cig­a­r­ro crece
su fuerza, su vig­or.
La hora de inqui­etud
con él, no es cru­el,
sus espi­rales son sueños celes­tiales,
y for­man nubes
que así a la glo­ria suben
y envuelta en ella,
su chis­pa es una estrel­la
que luce, clara y bel­la
con rápi­do ful­gor.
Por eso estando mi bien
es mi fumar un edén.

Juan Vilado­mat Masanas Letra: Félix Gar­zo (Anto­nio José Gaya Gar­dus)

Traduction libre et indications

Fumer est un plaisir génial, sen­suel.
En fumant, j’at­tends l’homme que j’aime, der­rière les vit­res de fenêtres gaies.
Pen­dant que je fume, ma vie, je ne la con­somme pas parce que la fumée qui flotte me rend générale­ment som­no­lente…
Allongée sur la chaise longue, rêver et aimer… (On notera que la chaise longue est indiquée en français dans le texte).
Voir mon amant plein de sol­lic­i­tude et galant, de sen­tir ses lèvres embrass­er de bais­ers sages, et d’éprou­ver plus de désir quand je vois ses yeux assoif­fés de pas­sion.
C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén (mar­que de cig­a­rettes, voir ci-dessous les détails).
Donne-moi la fumée de ta bouche.
Allez, qu’ain­si je devi­enne folle.
Cours, que j’ai envie de devenir folle de plaisir, en sen­tant cette chaleur de la fumée enivrante qui finit par allumer la flamme brûlante de l’amour.
Mon égyp­tien (tabac égyp­tien) est spé­cial, quelle odeur, mon­sieur.
Après la bataille dans laque­lle l’amour explose, une cig­a­rette est tou­jours un repos et bien qu’il sem­ble que le corps lan­guisse, après le cig­a­re (en lun­far­do, el cig­a­r­ro est le mem­bre vir­il…), sa force, sa vigueur, gran­dis­sent.
L’heure de l’ag­i­ta­tion avec lui n’est pas cru­elle, ses spi­rales sont des rêves célestes, et for­ment des nuages qui s’élèvent ain­si vers la gloire et envelop­pés d’elle, son étin­celle est une étoile qui brille, claire et belle d’un éblouisse­ment rapi­de.
C’est pourquoi mon bien est de fumer une Edén.

La cigarette et le tango

Ce tan­go serait une bonne occa­sion pour par­ler du thème de la cig­a­rette et du tan­go. Étant non-fumeur, je béni la loi 1799 (Buenos Aires) qui fait que depuis octo­bre 2006, il est inter­dit de fumer dans les lieux publics. Cela a large­ment amélioré la qual­ité de l’air dans les milon­gas.
La loi 3718 (décem­bre 2010) ren­force encore ces inter­dic­tions et donc depuis 5 jan­vi­er 2012, il est totale­ment inter­dit de fumer dans les lieux publics et les espaces fumeurs intérieurs sont inter­dits. Cepen­dant, imag­inez l’at­mo­sphère au cours du vingtième siè­cle, époque où le tabac fai­sait des rav­ages.
Le tan­go du jour peut être con­sid­éré comme une pub­lic­ité pour le tabac et même une pub­lic­ité pour le tabac égyp­tien d’une part et la mar­que Edén qui était une mar­que rel­a­tive­ment lux­ueuse.

Avec Edén, allez plus vite au paradis

Dans ce tan­go, sont cités deux types de tabac, l’é­gyp­tien et les cig­a­rettes à base de tabac de la Havane. Je pour­rais rajouter le cig­a­re de la Havane, mais je pense que la référence au cig­a­re est plus coquine que rel­a­tive à la fumée…
Les cig­a­rettes Edén étaient com­mer­cial­isées en deux var­iétés, la n° 1, fab­riqué avec du tabac de la Havane, coû­tait 30 cents et la n° 2, avec un mélange de tabac de la Havane et de Bahia, 20 cents le paquet.

À gauche, paquet de tabac égyp­tien. À droite, pub­lic­ité pour les cig­a­rettes Edén (1899). Clodimiro Urtubey est le créa­teur de la mar­que

Les tangos faisant la propagande du tabac

On peut bien sûr inclure notre tan­go du jour (Fuman­do espero (1922), puisqu’il cite des mar­ques et l’acte de fumer. Cepen­dant, rien ne prou­ve que ce soient des pub­lic­ités, même déguisées. La référence au tabac égyp­tien peut être une sim­ple évo­ca­tion du luxe, tout comme la mar­que Edén qui en out­re rime avec bien.
Par ailleurs, l’au­teur de la musique, Juan Vilado­mat sem­ble être un adepte des drogues dans la mesure où il a égale­ment écrit un tan­go qui se nomme La cocaí­na avec des paroles de Ger­ar­do Alcázar.

Par­ti­tion de La cocaina de Juan Vilado­mat avec des paroles de Ger­ar­do Alcázar.
La cocaí­na 1926 — Ramonci­ta Rovi­ra.

La cocaí­na 1926 — Ramonci­ta Rovi­ra. Cette pièce fai­sait par­tie du en un acte « El tan­go de la cocaí­na » com­posé par Juan Vilado­mat avec un livret de Amichatis et Ger­ar­do Alcázar.

J’imag­ine donc qu’il a choisi le thème sans besoin d’avoir une moti­va­tion finan­cière…
D’autres tan­gos sont dans le même cas, comme : Larga el pucho (1914), (1922), Fume Com­padre (ou Nubes de humo, 1923), Como el humo (1928), Cig­a­r­il­lo (1930), Pucho 1932, Taba­co (1944), Som­bra de humo (1951), Un cig­a­r­il­lo y yo (1966) et bien d’autres qui par­lent à un moment ou un autre, de fumée, de cig­a­rette (cigarillo/pucho/faso) ou de tabac.

Cig­a­r­ril­lo 1930-07-17 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Luis Díaz (Adol­fo Rafael Avilés Letra: Ernesto E. de la Fuente).

Atten­tion, ne pas con­fon­dre avec le tan­go du même nom qui milite con­tre le tabac et que je présente ci-dessous…
Sur le fait que Canaro n’a pas fait cela pour de l’ar­gent, j’ai tout de même un petit doute, il avait le sens du com­merce…

En revanche, d’autres tan­gos ont été com­man­dités par des mar­ques de cig­a­rettes. Par­mi ceux-ci, citons :

Améri­ca (qui est une mar­que de cig­a­rettes)
Fuman­do Sudan, espero (Sudan est une mar­que de cig­a­rette et a enreg­istré cette ver­sion pub­lic­i­taire en 1928).

Paquet en dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite et vignettes de col­lec­tion (1920) des cig­a­rettes Soudan, une mar­que brésili­enne créée par Sab­ba­do D’An­ge­lo en 1913.
Fuman­do Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orques­ta Tipi­ca Dir. Louis Katz­man.

Le nom des cig­a­rettes ne vient pas du pays, le Soudan, mais de l’u­til­i­sa­tion des pre­mières let­tres du nom du fon­da­teur de la mar­que, S de Saba­do, Um(N) de Umberto et DAN de D’Angelo…
Quoi qu’il en soit, cette mar­que ne rec­u­lait devant aucun moyen mar­ket­ing, dis­tri­b­u­tion gra­tu­ite, images de col­lec­tion, ver­sion chan­tée…
Cela me fait penser à cette pub­lic­ité argen­tine pour la pre­mière cig­a­rette…

Pub­lic­ité argen­tine pour la pre­mière cig­a­rette met­tant en scène un enfant… La cig­a­rette est au pre­mier plan à gauche. On imag­ine la suite.

Sel­lo azul (qui est une mar­que de cig­a­rettes).

Sel­lo Azul de Sci­ammarel­la et Rubis­tein, et à droite, un paquet de ces cig­a­rettes…

Aprovechá la bola­da, Fumá Caran­chos dont je vous pro­pose ici les paroles qui sont un petit chef-d’œu­vre de mar­ket­ing de bas étage :

Cou­ver­ture de la par­ti­tion de Aprovechá la bola­da — Fumá Caran­chos de Fran­cis­co Bohi­gas

Paroles de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos

Che Pan­chi­to, no seas longhi, calmá un poco tu arreba­to que el que tiene una papusa cual la novia que tenés, no es de ley que se sui­cide por el hecho de andar pato; a la suerte hay que afrontar­la con bravu­ra y altivez.
Donde hay vida hay esper­an­za, no pifiés como un incau­to.
Y a tu piba no le arru­ines su pala­cio de ilusión vos querés dártela seca porque sueña con un auto, una casa y otras yer­bas; yo te doy la solu­ción.
Refrán:
Fumá Caran­chos no seas chan­cle­ta, que en cada eti­que­ta se encuen­tra un cupón.
Seguí mi con­se­jo, pren­dete, che Pan­cho que está en Los Caran­chos tu gran sal­vación.
Fumá Caran­chos, que al fin del jaleo en el gran sor­teo te vas a lig­ar una casa pos­ta, un buick de paseo y el sueño de tu piba se va a realizar.
Ya se me hace, che Pan­chi­to, que te veo muy tri­un­fante, dan­do dique a todo el mun­do con un buick deslum­brador, por Flori­da, por Cor­ri­entes, con tu novia en el volante propi­etario de una casa que será nido de amor.
Sin embar­go, caro mio, si no entrás en la fuma­da, serás siem­pre un pobre loco que de seco no sal­drá.
Vos bus­cate tu aco­mo­do, aprovechá la bola­da, fumá Caran­chos queri­do, que tu suerte cam­biará.
Fumá Caran­chos, no seas chan­cle­ta que en cada eti­que­ta se encuen­tra el cupón.

Fran­cis­co Bohi­gas

Traduction libre de Aprovechá la bolada, Fumá Caranchos (Saute sur ta chance, fume Caranchos)

Che Pan­chi­to, ne sois pas un manche, calme un peu ton emporte­ment, car celui qui a une poupée comme la petite amie que tu as, il n’est pas juste pour lui de se sui­cider, car il a fait le canard (« cada paso una caga­da », le canard a la répu­ta­tion de faire une crotte à chaque pas, une gaffe à chaque pas) ; la chance doit être affron­tée avec bravoure et arro­gance.
Là où il y a de la vie, il y a de l’e­spoir, ne faites pas de gaffes comme un impru­dent.
Et ne ruine pas le palais d’il­lu­sion de ta poupée, tu te vois fauché parce qu’elle rêve d’une voiture, d’une mai­son et d’autres trucs ; Je vais te don­ner la solu­tion.
Fume Caran­chos ne sois pas une mau­vi­ette, car sur chaque éti­quette, se trou­ve un coupon.
Suis mon con­seil, allume, che Pan­cho, ton grand salut est dans les Caran­chos.
Fume des Caran­chos, parce qu’à la fin du tirage de la grande tombo­la, tu vas recevoir une mai­son excel­lente, une Buick pour la balade et le rêve de ta chérie va se réalis­er.
Il me sem­ble, che Pan­chi­to, que je te vois très tri­om­phant, te pavanant devant tout le monde avec une Buick éblouis­sante, dans Flori­da, dans Cor­ri­entes, avec ta copine au volant et pro­prié­taire d’une mai­son qui sera un nid d’amour.
Cepen­dant, mon cher, si tu ne te lances pas dans la fumée, tu seras tou­jours un pau­vre fou qui ne sor­ti­ra pas de la dèche.
Tu trou­veras ton loge­ment, prof­ite de la chance, fume, mon cher, Caran­chos, ta chance va tourn­er.
Fume des Caran­chos, ne sois pas une mau­vi­ette, car sur chaque éti­quette se trou­ve le coupon.
On notera qu’il a fait un tan­go du même type Tirate un lance (tente ta chance), qui fai­sait la pro­pa­gande d’un tirage au sort d’un vin pro­duit par les caves Giol7. Ne pas con­fon­dre avec le tan­go du même titre écrit par Héc­tor Mar­có et chan­té notam­ment par Edmun­do Rivero.

Le tango contre le tabac

Même si l’im­mense des tan­gos fait l’apolo­gie de la cig­a­rette, cer­tains dénon­cent ses méfaits en voici un exem­ple :

Paroles de Cigarrillo de Pipo Cipolatti (musique et paroles)

Tan­to daño,
tan­to daño provo­caste
a toda la humanidad.
Tan­tas vidas,
tan­tas vidas de mucha­cho
te fumaste… yo no sé.
Apa­gan­do mi amar­gu­ra
en la bor­ra del café
hoy te can­to, cig­a­r­ril­lo, mi ver­dad…

Cig­a­r­ril­lo…
com­pañero de esas noches,
de mujeres y cham­pagne.
Muerte lenta…
cada faso de taba­co
es un año que se va…
Che, purrete,
escuchá lo que te digo,
no hagas caso a los demás.
El taba­co es traicionero
te destruye el cuer­po entero
y te agre­ga más edad…
El taba­co es traicionero,
te destruye el cuer­po entero… ¡y qué!
y esa tos te va a matar…

¡Ay, que lin­do !…
Ay, que lin­do que la gente
com­prendiera de una vez
lo difí­cil,
lo difí­cil que se hace,
hoy en día, el res­pi­rar.
Es el humo del cilin­dro
maquiavéli­co y rufián
que destruye tu teji­do pul­monar

Pipo Cipo­lat­ti

Traduction libre des paroles de Cigarrillo

Tant de dégâts, tant de dégâts tu as causé à toute l’hu­man­ité.
Tant de vies, tant de vies d’en­fants tu as fumé… Je ne sais pas.
Éteignant mon amer­tume dans le marc de café, aujour­d’hui je te chante, cig­a­rette, ma vérité…
Cig­a­rette… Com­pagne de ces nuits, des femmes et de cham­pagne.
Mort lente… Chaque cig­a­rette (faso, cig­a­rette en lun­far­do) est une année qui s’en va…
Che, gamin, écoute ce que je te dis, ne fais pas atten­tion aux autres.
Le tabac est traître, il détru­it le corps en entier et t’a­joute plus d’âge…
Le tabac est traître, il détru­it le corps entière­ment… et puis !
Et cette toux va te tuer…
Oh, comme ce serait bien !…
Oh, comme ce serait bien que les gens com­pren­nent une fois pour toutes com­bi­en le dif­fi­cile, com­bi­en il est dif­fi­cile de respir­er aujour­d’hui.
C’est la fumée du cylin­dre machi­avélique et voy­ou qui détru­it ton tis­su pul­monaire

Si on rajoute un autre de ses tan­gos Piso de soltero qui par­le des rela­tions d’un homme avec d’autres hommes et des femmes et des alcools, vous aurez un panora­ma des vices qu’il dénonce.

Autres versions

Il y a des dizaines de ver­sions, alors je vais essay­er d’être bref et de n’ap­porter au dossier que des ver­sions intéres­santes, ou qui appor­tent un autre éclairage.
Ce que l’on sait peu, est que ce tan­go est espag­nol, voire cata­lan et pas argentin…
Juan Vilado­mat est de Barcelone et Félix Gar­zo de San­ta Colo­ma de Gramenet (sur la rive opposée du río Besós de Barcelone).
Le tan­go (en fait un cuplé, c’est-à-dire une chan­son courte et légère des­tinée au théâtre) a été écrit pour la revue La nue­va España, lancée en 1923 au teatro Vic­to­ria de Barcelona.
La pre­mière chanteuse du titre en a été Ramonci­ta Rovi­ra née à Fuli­o­la (Cat­a­logne). Je rap­pelle que Ramonci­ta a aus­si lancé le tan­go La cocaí­na que l’on a écouté ci-dessus. Ramonci­ta, l’au­rait enreg­istré en 1924, mais je n’ai pas ce disque. D’autres chanteuses espag­noles pren­dront la relève comme Pilar Arcos, puis Sara Mon­tiel et ensuite Mary Sant­pere bien plus tard.

Fuman­do-Espero 1926-08 – Orques­ta Del Mae­stro Lacalle.

Ce disque Colum­bia No.2461‑X tiré de la matrice 95227 a été enreg­istré en août 1926 à New York où le Mae­stro Lacalle (la rue), d’o­rig­ine espag­nole, a fini sa vie (11 ans plus tard). C’est une ver­sion instru­men­tale, un peu répéti­tive. L’a­van­tage d’avoir enreg­istré à New-York est d’avoir béné­fi­cié d’une meilleure qual­ité sonore, grâce à l’en­reg­istrement élec­trique. Le même jour, il a enreg­istré Lan­gos­ta de Juan de Dios Fil­ib­er­to, mais il en a fait une marche joyeuse qui a peu à voir avec le tan­go orig­i­nal.

Disque enreg­istré à New York en 1926 par El Mae­stro Lacalle de Fuman­do Espero et Lan­gos­ta.

On est donc en présence d’un tan­go 100 % espag­nol et même 100 % cata­lan, qui est arrivé à New York en 1926, mais ce n’est que le début des sur­pris­es.

Fuman­do Espero 1926-10-18 — Mar­gari­ta Cue­to acc. Orques­ta Inter­na­cional — Dir.Eduardo Vig­il Y Rob­les. Un autre enreg­istrement new-yorkais et ce ne sera pas le dernier…

Fuman­do espero 1926-10-29 — Orques­ta Inter­na­cional — Dir. Eduar­do Vig­il Y Rob­les. Quelques jours après l’en­reg­istrement avec Mar­gari­ta Cue­to, une ver­sion instru­men­tale.

On quitte New York pour Buenos Aires…

Fuman­do espero 1927-07-11 — con orques­ta.

Rosi­ta Quiroga, la Édith Piaf de Buenos Aires, à la dic­tion et aux manières très faubouri­ennes était sans doute dans son élé­ment pour par­ler de la cig­a­rette. On est toute­fois loin de la ver­sion raf­finée qui était celle du cuplé espag­nol d’o­rig­ine.

Fuman­do espero 1927-07-21 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor — Dir. Adol­fo Cara­bel­li.

C’est notre superbe ver­sion instru­men­tale du jour, magis­trale­ment exé­cutée par l’orchestre de la Vic­tor sous la baguette de Cara­bel­li.

Fuman­do espero 1927 — Sex­te­to Fran­cis­co Pracáni­co.

Une autre ver­sion instru­men­tale argen­tine. Le titre a donc été adop­té à Buenos Aires, comme en témoigne la suc­ces­sion des ver­sions.

Fuman­do espero 1927-08-20 – Orques­ta .

Une ver­sion un peu frus­tre à mon goût.

Fuman­do espero 1927-08-23 – Orques­ta Rober­to Fir­po.

Fir­po nous pro­pose une superbe intro­duc­tion et une orches­tra­tion très élaborée, assez rare pour l’époque. Même si c’est des­tiné à un tan­go un peu lourd, canyengue, cette ver­sion devrait plaire aux danseurs qui peu­vent sor­tir du strict âge d’or.

Fuman­do espero 1927-09-30 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con .

Canaro ne pou­vait pas rester en dehors du mou­ve­ment, d’au­tant plus qu’il enreg­istr­era Cig­a­r­ril­lo avec Luis Díaz en 1930 (comme nous l’avons vu et écouté ci-dessus).

Fuman­do espero 1927-11-08 — Orques­ta Osval­do Frese­do.
Fuman­do espero 1927-11-17 — Igna­cio Corsi­ni con gui­tar­ras de Aguilar-Pesoa-Maciel.

Une belle inter­pré­ta­tion par ce chanteur qui aurait mérité, à mon avis, une gloire égale à celle de Gardel.

Fuman­do espero 1927 — Pilar Arcos Acc. The Castil­ians.
Fuman­do Sudan espero 1928-06-15 — Pilar Arcos Acc. Orques­ta Tipi­ca Dir. Louis Katz­man.

C’est la ver­sion pub­lic­i­taire que nous avons évo­quée dans le chapitre sur tabac et tan­go.

La source sem­ble s’être tarie et l’on ne trou­ve plus de ver­sions de Fuman­do espero intéres­sante avant les années 1950.

Fuman­do espero 1955-05-20 — Enrique Mora — Elsa Moreno.
Fuman­do espero 1955-06-01 — Orques­ta Héc­tor Varela con Argenti­no Ledes­ma.

Oui, je sais, cette ver­sion, vous la con­nais­sez et elle a cer­taine­ment aidé au renou­veau du titre. C’est superbe et bien que ce type d’in­ter­pré­ta­tion mar­que la fin du tan­go de danse, 97,38 % (env­i­ron), des danseurs se ruent sur la piste aux pre­mières notes.

Fuman­do espero 1955-12-01 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Olga Del­grossi.

L’U­ruguay se toque aus­si pour la reprise de Fuman­do espero. Après Dona­to Rac­ciat­ti et Olga Del­grossi, Nina Miran­da.

Fuman­do espero 1956 — Orques­ta Gra­ciano Gómez con Nina Miran­da.

Nina Miran­da a été engagée en 1955 par Odeón. C’est Gra­ciano Gómez qui a été chargé de l’ac­com­pa­g­n­er. C’est une col­lab­o­ra­tion entre les deux rives du Rio de la Pla­ta.

Fuman­do espero 1956 — Jorge Vidal con gui­tar­ras.

Une ver­sion tran­quille, à la gui­tare.

Fuman­do espero 1956-02-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Argenti­no Ledes­ma.

Après la ver­sion à 97,38 % avec Varela, Argenti­no Ledes­ma, avec Di Sar­li réalise la ver­sion pour 100 % des danseurs.
Ledes­ma venait de quit­ter l’orchestre de Varela pour inté­gr­er celui de Di Sar­li. Il devient le spé­cial­iste du titre… Ce fut un immense suc­cès com­mer­cial au point que la Víc­tor décala sa fer­me­ture pour vacances pour rééditer d’autres dis­ques en urgence. L’en­reg­istrement avec Varela n’avait pas obtenu le même accueil, c’est donc plutôt 1956 qui mar­que le renou­veau explosif du titre.

Fuman­do espero 1956-04-03 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con Car­los Dante.

J’au­rais plus imag­iné Lar­ro­ca pour ce titre. De Ange­lis a choisi Dante. C’est toute­fois joli, mais je trou­ve qu’il manque un petit quelque chose…

Pop­urri 1956-04-20 Fuman­do espero, His­to­ria de un amor y Baile­mos — José Bas­so C .

Il s’ag­it d’un pop­urrí, c’est à dire du mélange dans un seul tan­go de plusieurs titres. Comme ce pot-pour­ri com­mence par Fuman­do espero, j’ai choisi de l’in­sér­er pour que vous puissiez prof­iter de la superbe voix de Flo­re­al Ruiz. À 58 sec­on­des com­mence His­to­ria de un amor et à deux min­utes, vous avez pour le même prix un troisième titre, Baile­mos. Les tran­si­tions sont réussies et l’ensem­ble est cohérent. On pour­rait presque pro­pos­er cela pour la danse (avec pré­cau­tion et pour un moment spé­cial).

Fuman­do espero 1956-04-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Flo­rio.

On peut se deman­der pourquoi Di Sar­li enreg­istre une nou­velle ver­sion, moins de trois mois après celle de Ledes­ma. L’in­tro­duc­tion est dif­férente et l’orches­tra­tion présente quelques vari­antes. La plus grosse dif­férence est la voix du chanteur. Si on décide de faire une tan­da avec Flo­rio, cet enreg­istrement me sem­ble un excel­lent élé­ment. Je pense que la prin­ci­pale rai­son est que Ledes­ma n’a enreg­istré que trois tan­gos avec Di Sar­li et que donc c’est trop peu, ne serait que pour nous, DJ, pour avoir un peu de choix. Si je veux pass­er la ver­sion avec Ledes­ma, je suis obligé de faire une tan­da mixte, autre chanteur et/ou titre instru­men­tal pour obtenir les qua­tre titres de rigueur. Puis, entre nous, ce n’est pas indis­pens­able d’in­clure une de ces ver­sions dans une milon­ga…
Il y a peut-être aus­si un peu de colère de la part de Di Sar­li. En effet, si l’en­reg­istrement de Ledes­ma avec Varela n’avait pas bien fonc­tion­né, à la suite du suc­cès de la ver­sion avec Di Sar­li, la Colum­bia (la mai­son de dis­ques de Varela) décide de relancer l’en­reg­istrement de 1955. Ce fut alors un immense suc­cès qui a décidé la Colum­bia a réin­té­gr­er Ledes­ma dans l’orchestre de Varela. Voy­ant que son nou­veau poulain, par­tait en fumée, Di Sar­li (ou la Víc­tor) a donc décidé de graver d’ur­gence une autre ver­sion avec un nou­veau chanteur afin de ne pas laiss­er au cat­a­logue un titre avec un chanteur passé à la con­cur­rence…

Fuman­do espero 1956 — Los Señores Del Tan­go C Mario Pomar.

Un bon orchestre avec la belle voix de Mario Pomar. Agréable à écouter.

Fuman­do espero 1956 — Lib­er­tad Lamar­que Orques­ta — Dir.Victor-Buchino.

Fuman­do espero 1956 — Lib­er­tad Lamar­que Orques­ta —  Dir.Victor-Buchino. L’ac­com­pa­g­ne­ment dis­cret de Vic­tor Buchi­no et la presta­tion sou­vent a capel­la de Lib­er­tad Lamar­que per­met de bien saisir le grain de voix mag­nifique de Lib­er­tad.

Fuman­do espero 1957 — Chola Luna y Orques­ta Luis Caru­so.
Fuman­do espero 1957 — Impe­rio Argenti­na.

Si Impe­rio Argenti­na est née en Argen­tine, elle a fait une grande par­tie de sa car­rière en Europe, en Espagne (où elle est arrivée, ado­les­cente) et bien sûr en France, mais aus­si en Alle­magne. Elle nous per­met de faire la liai­son avec l’Es­pagne ou nous revenons pour ter­min­er cette anec­dote.

C’est le film, El Últi­mo Cuplé qui va nous per­me­t­tre de fer­mer la boucle. Le thème rede­vient un cuplé et même si le théâtre a été rem­placé par le ciné­ma, nous achèverons notre par­cours avec cette scène du film ou Sara Mon­tiel chante le cuplé.

Sara Mon­tiel chante Fuman­do espero dans le film El Últi­mo Cuplé de 1957. Met­teur en scène : Juan de Orduña

Vous aurez recon­nu l’il­lus­tra­tion de cou­ver­ture. J’ai mod­i­fié l’am­biance pour la ren­dre plus noire et ajouté de la fumée, beau­coup de fumée…

À demain, les amis, et à ceux qui sont fumeurs, suiv­ez les con­seils de Pipo Cipo­lat­ti que je vous con­serve longtemps. Je rédi­ge cette anec­dote le 20 juil­let, Dia del ami­go (jour de l’a­mi).

En tus ojos de cielo 1944-07-10 — Orquesta Miguel Caló con Raúl Berón

Osmar Maderna () Letra: Luis Rubistein

Curieuse­ment, Osmar Mader­na ne sem­ble pas avoir enreg­istré ce titre qu’il a com­posé. Pour­tant, dans la ver­sion de Caló, on recon­naît bien son orches­tra­tion. Si on creuse un peu la ques­tion, on se rend compte qu’il l’a enreg­istré, comme pianiste de Miguel Caló et entouré des musi­ciens excep­tion­nels de cet orchestre. Il était dif­fi­cile de faire mieux pour met­tre en musique un de plus beaux poèmes d’amour du tan­go.

Les musiciens de Miguel Caló

Piano : Osmar Mader­na. Son style déli­cat et sim­ple cadre par­faite­ment avec la mer­veilleuse déc­la­ra­tion d’amour que con­stitue ce tan­go. Le bon homme à la bonne place, d’au­tant plus qu’il est l’au­teur de la musique…
Ban­donéons : Domin­go Fed­eri­co, Arman­do Pon­tier, José Cam­bareri (le mage du ban­donéon et sa vir­tu­osité épous­tou­flante) et .
Vio­lons : Enrique Franci­ni, Aquiles Aguilar, et Angel Bodas.
Con­tre­basse : Ariel Ped­ern­era, dont nous avons enten­du la ver­sion mutilée de 9 de Julio hier…

Extrait musical

En tus ojos de cielo 1944-07-10 — Orques­ta Miguel Caló con Raúl Berón
Disque Odeon 8390 Face A San souci — Par­ti­tion de En tus ojos de cielo — Face B En tus ojos de cielo.

Face A du disque San souci

Comme il n’y a pas d’autres enreg­istrements de notre tan­go du jour, je vous pro­pose la face A du disque où a été gravé En tus ojos de cielo. Il s’ag­it de San souci de Enrique Delfi­no. Ce titre a été enreg­istré trois jours plus tôt, le ven­dre­di 7 juil­let 1944.

Sans souci 1944-07-07 — Orques­ta Miguel Caló (Enrique Delfi­no).

Pour ceux qui aiment faire des tan­das mixtes, il est envis­age­able de pass­er les deux faces du disque dans la même tan­da. En effet, dans une milon­ga courte (5 heures), on passe rarement deux tan­das de Calo. Pour éviter d’avoir à choisir entre instru­men­tal et chan­té, on peut com­mencer par deux titres chan­tés, puis ter­min­er par deux titres instru­men­taux. Les titres instru­men­taux sont sou­vent un peu plus toniques ce qui jus­ti­fie de les plac­er à la fin. Par ailleurs, ils sont aus­si un peu plus intéres­sants pour la danse avec cer­tains orchestres, car l’orchestre est plus libre, n’é­tant pas au ser­vice du chanteur. Bien sûr, ce n’est pas une règle et chaque asso­ci­a­tion doit se faire en fonc­tion du moment et des . On peut même envis­ager une tan­da instru­men­tale tonique qui ter­mine de façon plus roman­tique, par exem­ple en fin de milon­ga.

Paroles

Je trou­ve que c’est un mag­nifique poème d’amour. Luis Rubis­tein a fait ici une œuvre splen­dide.

Como una piedra tira­da en el camino,
era mi vida, sin ter­nuras y sin fe,
pero una noche Dios te tra­jo a mi des­ti­no
y entonces con tu embru­jo me des­perté…
Eras un sueño de estrel­las y luceros,
eras un ángel con per­fume celes­tial.
Aho­ra sólo soy feliz porque te quiero
y en tus ojos olvidé mi viejo mal…

En tus ojos de cielo,
sueño un mun­do mejor.
En tus ojos de cielo
que son mi desvelo,
mi pena y mi amor.
En tus ojos de cielo,
azu­la­da can­ción,
ten­go mi alma per­di­da,
pupi­las dormi­das
en mi corazón…

Vos dijiste que, al fin, la vida es bue­na
cuan­do un car­iño nos embru­ja el corazón,
con tu ter­nu­ra, luz de som­bra para mi pena,
mi som­bra ya no es som­bra porque es can­ción…
Sólo me res­ta decir ¡ben­di­ta seas!,
alma de mi alma, esper­an­za y real­i­dad.
Ya nun­ca ha de arran­car­me de tus bra­zos,
porque en ellos hay amor, luz y ver­dad…

Osmar Mader­na (Osmar Héc­tor Mader­na) Letra: Luis Rubis­tein

libre

Comme une pierre jetée sur le chemin était ma vie, sans ten­dresse et sans foi, mais une nuit Dieu t’a con­duite à mon des­tin et depuis avec ton sor­tilège je me suis réveil­lé…
Tu étais un rêve d’é­toiles et d’as­tres (lucero peut par­ler de Vénus et des astres plus bril­lants que la moyenne), tu étais un ange au par­fum céleste.
Main­tenant seule­ment, je suis heureux parce que je t’aime et que dans tes yeux j’ai oublié mon ancien mal…
Dans tes yeux de ciel, je rêve d’un monde meilleur.
Dans tes yeux de ciel, qui sont mes insom­nies, ma peine et mon amour.
Dans tes yeux de ciel, une chan­son bleue, j’ai mon âme per­due, des pupilles endormies dans mon cœur…
Tu as dit que, finale­ment, la vie est bonne quand l’af­fec­tion envoûte nos cœurs, avec ta ten­dresse, lumière d’om­bre pour mon cha­grin, mon ombre désor­mais n’est plus une ombre, car c’est une chan­son…
Il ne me reste plus qu’à dire « que tu sois bénie ! », âme de mon âme, espérance et réal­ité.
Main­tenant, rien ne m’ar­rachera jamais de tes bras, parce qu’en eux il y a l’amour, la lumière et la vérité…

Dans ses yeux

Les yeux bleus

Les yeux des femmes sont un sujet de choix pour les tan­gos. Ici, ils sont le par­adis pour l’homme qui s’y abîme.
On retrou­ve le même thème chez Fran­cis­co Bohi­gas dans El cielo en tus ojos

El cielo en tus ojos
yo vi ama­da mía,
y des­de ese día
en tu amor con­fié,
el cielo en tus ojos
me habló de ale­grías,
me habló de ter­nuras
me dió valen­tías,
el cielo en tus ojos
rehi­zo mi ser.

Fran­cis­co Bohi­gas, El cielo en tus ojos
El cielo en tus ojos 1941-10-03 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no.

Le ciel dans tes yeux, je l’ai vu ma bien-aimée, et à par­tir de ce jour-là j’ai fait con­fi­ance en ton amour, le ciel dans tes yeux m’a par­lé de joie, il m’a par­lé de ten­dresse, il m’a don­né du courage, le ciel dans tes yeux a refait mon être.

Pour d’autres, comme Home­ro Expósi­to, les yeux fussent-il couleur de ciel, ne suff­isent pas à le retenir auprès de la femme :

Eran sus ojos de cielo
el ancla más lin­da
que ata­ba mis sueños;
era mi amor, pero un día
se fue de mis cosas
y entró a ser .

Qué me van a hablar de amorHome­ro Expósi­to
Qué me van a hablar de amor 1946-07-11 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Flo­re­al Ruiz

Ses yeux de ciel étaient l’an­cre la plus belle qui liait mes rêves ; elle était mon amour, mais un jour, elle s’en fut de mes affaires et est dev­enue un sou­venir.

Les autres couleurs d’yeux et en particulier les noirs

Je n’ai évo­qué que très briève­ment, les yeux bleus, couleur apportée par les colons européens, notam­ment Ital­iens, Français et d’Eu­rope de l’Est, mais il y a des textes sur toutes les couleurs, même si les yeux noirs sont sans doute majori­taires…

  • Tus ojos de tri­go (blé) dans Tu casa ya no está de Vir­gilio et son frère Home­ro Expósi­to, valse enreg­istrée par Osval­do Pugliese avec Rober­to Chanel en 1944.
  • Ojos verdes (tan­go par Juan Canaro) et vals par Hum­ber­to Canaro Letra: Alfre­do Defilpo (superbe dans son inter­pré­ta­tion par Fran­cis­co Canaro et Fran­cis­co Amor, ain­si qu’une autre valse par Manuel López, Quiroga Miquel Letra: Sal­vador Fed­eri­co Valverde; Rafael de León; Arias de Saave­dra.
  • Tus ojos de azú­car que­ma­da (sucre brûlé) de Pedac­i­to de Cielo de Home­ro Expósi­to, valse enreg­istrée par divers orchestres dont Troi­lo avec Fiorenti­no en 1942.
    Et la longue liste des yeux noirs, rien que dans le titre…
  • Dos ojos negros de Raúl Joaquín de los Hoyos Letra: Diego Arzeno
    Ojos negros d’après un air russe repris par Vicente Gre­co et des paroles de José Aro­las (frère aîné de Eduar­do) et d’autres de Pedro Numa Cór­do­ba, mais aus­si par Rosi­ta Mon­temar (musique et paroles)
  • Ojos negros que fasci­nan de Manuel Sali­na Letra: Florián Rey.
  • Mucha­chi­ta de ojos negro de Tito Insausti
  • Por unos ojos negros de José Dames Letra: .
  • Tus ojos negros (valse) de Osval­do Adri­ani (paroli­er incon­nu)
  • Yo ven­do unos ojos negros de Pablo Ara Luce­na très con­nu dans l’in­ter­pré­ta­tion de Mer­cedes Simone con Juan Car­los Cam­bon y Su Orques­ta mais qui est tiré d’une tona­da chile­na (chan­son chili­enne) dont une belle ver­sion a été enreg­istrée par Moreyra — Canale y su Con­jun­to Criol­lo avec des arrange­ments de Félix Vil­la.

Et un petit coup d’œil aux origines du tango

Ces his­toires d’yeux m’ont fait penser à l’œil noir de Car­men, la reine de la habanera de Georges Bizet (Un œil noir te regarde…).
Mais non, je ne me suis pas per­du loin du tan­go. Bizet a écrit Car­men pour flat­ter la femme de d’o­rig­ine espag­nole (Euge­nia de Mon­ti­jo, Guz­man). Dans son opéra, il y a une célèbre habanera (Près des rem­parts de Séville), rythme qui est fréquent dans les anciens tan­gos, les milon­gas et la musique de Piaz­zol­la, car ne l’ou­blions pas, le pre­mier tan­go est d’o­rig­ine espag­nole.

Georges Bizet — Car­men : ” L’amour est un oiseau rebelle” sur un rythme de habanera. 2010 — Eli­na Garan­ca — Met­ro­pol­i­tan Opera de New York Direc­tion, Yan­nick Nézet-Séguin.

est en effet né dans les théâtres et pas dans les bor­dels et son inspi­ra­tion est andalouse.
La zarzuela (sorte d’opéra du sud de l’Es­pagne mêlant chant, jeu d’ac­teur et danse) com­por­tait dif­férents rythmes dont la séguedille (que l’on retrou­ve dans Car­men dans Près des rem­parts de Séville) et la habanera. Les musi­ciens, qu’ils soient français ou espag­nols, con­nais­saient donc ces musiques.
En 1857 pour le spec­ta­cle (une sorte de zarzuela) El gau­cho de Buenos Aires O todos rabi­an por casarse de Estanis­lao del Cam­po, San­ti­a­go Ramos, un musi­cien espag­nol a écrit Tomá mate, che. Nous n’avons évidem­ment pas d’en­reg­istrement de l’époque, mais il y en a deux de 1951 qui repren­nent la musique avec des adap­ta­tions et un titre légère­ment dif­férent. Je vous les pro­pose :

Tomá mate, tomá mate 1951-05-18 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas.
Tomá mate, tomá mate 1951-10-15 — Loren­zo Bar­bero y su orques­ta de la argen­tinidad con Rodol­fo Flo­rio y Car­los del Monte.

Évidem­ment, presque un siè­cle après l’écri­t­ure, il est cer­tain que les arrange­ments de Canaro ont mod­i­fié la com­po­si­tion orig­i­nale, mais je suis con­tent de vous avoir présen­té le tan­go au berceau.

D’autres can­di­dats comme Bar­to­lo tenía una flu­ta, dont on n’a, sem­ble-t-il, pas de trace, mais qui est évo­qué dans un cer­tain nom­bre de titres comme Bar­to­lo toca la flau­ta (ranchera) Che Bar­to­lo (tan­go) ou La flau­ta de Bar­to­lo (milon­ga) l’ont suivi.
Je cit­erai égale­ment El que­co (bor­del en lun­far­do d’o­rig­ine quechua) de la pianiste andalouse et dont le titre orig­inel était Kico (diminu­tif de Fran­cis­co. Le clar­inet­tiste Lino Galeano l’a adap­té à l’air du temps en changeant Kico pour Que­co, avec des paroles vul­gaires. Le titre orig­inel invi­tait Kico à danser, le nou­veau texte est bien moins élé­gant, l’in­vi­ta­tion n’est pas à danser. On arrive donc au bor­del, mais on est en 1874. Quoi qu’il en soit, Que­co a obtenu du suc­cès et fut l’un des tout pre­miers tan­gos à être large­ment dif­fusé et qui con­firme les orig­ines andalous­es du tan­go.
Je n’ou­blie pas l’o­rig­ine « can­dom­béenne », on repar­lera un jour de El Negro Schico­ba com­posé en 1866 par José María Palazue­los et inter­prété pour la pre­mière fois par Ger­mán Mack­ay avec ses paroles le 24 mai 1867.

À suiv­re.

À demain, les amis !

Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Jorge Maciel

Luciano Leocata Letra: Abel Mariano Aznar

Voici le type même du tan­go qui rendait fou Jorge Luis Borges. Du sen­ti­men­tal à haute dose, pour lui qui ne voy­ait dans que des affaires de com­padri­tos, des his­toires d’hommes vir­ils dans les zones inter­lopes des bas quartiers de Buenos Aires. Il vouait une haine féroce à Gardel, l’ac­cu­sant d’avoir dénaturé le tan­go en le ren­dant niais. Mais comme le mal est fait, plon­geons-nous avec délice, ou hor­reur, dans la guimauve du sen­ti­men­tal­isme.

Extrait musical

Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel
Par­ti­tion des édi­tions Julio Korn avec Pacheco en cou­ver­ture.

Paroles

C’est le genre de tan­go où les Argentins s’ex­cla­ment « ¡Que letra, por Dios! »

Cada vez que te ten­go en mis bra­zos,
que miro tus ojos, que escu­cho tu voz,
y que pien­so en mi vida en peda­zos
el pago de todo lo que hago por vos,
me pre­gun­to: ¿por qué no ter­mi­no
con tan­ta amar­gu­ra, con tan­to dolor?…
Si a tu lado no ten­go des­ti­no…
¿Por qué no me arran­co del pecho este amor?

¿Por qué…
sí men­tís una vez,
sí men­tís otra vez
y volvés a men­tir?…

¿Por qué…
yo te vuel­vo a abrazar,
yo te vuel­vo a besar
aunque me hagas sufrir?

Yo sé
que es tu amor una heri­da,
que es la cruz de mi vida,
y mi perdi­ción…

¿Por qué
me ator­men­to por vos
y mi angus­tia por vos
es peor cada vez?…

¿Y por qué,
con el alma en peda­zos,
me abra­zo a tus bra­zos,
si no me querés ?

Yo no puedo vivir como vivo…
Lo sé, lo com­pren­do con toda razón,
sí a tu lado tan sólo reci­bo
la amar­ga cari­cia de tu com­pasión…

Sin embar­go… ¿Por qué yo no gri­to
que es toda men­ti­ra, men­ti­ra tu amor
y por qué de tu amor nece­si­to,
sí en él sólo encuen­tro mar­tirio y dolor?

Luciano Leo­ca­ta Letra: Abel Mar­i­ano Aznar

Traduction libre et indications

Chaque fois que je te tiens dans mes bras, que je regarde tes yeux, que j’é­coute ta voix, et que je pense à ma vie en miettes, au prix de tout ce que je fais pour toi, je me demande :
Pourquoi je n’ar­rête pas avec tant d’amer­tume, avec tant de douleur ?…
Si à tes côtés, je n’ai pas d’avenir…
Pourquoi est-ce que je n’ar­rache pas cet amour de ma poitrine ?
Pourquoi…
si vous mentez une fois, si vous mentez encore recom­mencez à men­tir ?… (là, on passe au vou­voiement, ce qui n’est pas habituel en Argen­tine. Est-ce une façon de pren­dre ses dis­tances ?).
Pourquoi…
Je te reprends dans mes bras, je t’embrasse à nou­veau bien que tu me fass­es souf­frir ?
Je sais que ton amour est une blessure, qu’il est la croix de ma vie, et ma perte…
Pourquoi est-ce que je me tour­mente pour toi et que mon angoisse pour toi est pire chaque fois ?…
Et pourquoi, avec mon âme en morceaux, je me serre dans tes bras, si tu ne m’aimes pas ?
Je ne peux pas vivre comme je vis… je le sais, je le com­prends avec toute ma rai­son, si je ne reçois à tes côtés que l’amère caresse de ta com­pas­sion…
Cepen­dant… Pourquoi je ne crie pas que tout est men­songe, men­songe ton amour et pourquoi ai-je besoin de ton amour, si je n’y trou­ve que le mar­tyre et la douleur ?

Autres versions

L’an­née de la sor­tie de ce titre, en 1956 le suc­cès fut immense et tous les orchestres ayant une fibre sen­ti­men­tale, ou pas, ont essayé de l’en­reg­istr­er. Pas moins de 11 enreg­istrements en cette année 1956, sans doute un record pour un titre.
Prenez votre mou­choir, on retourne en 1956, année roman­tique.

Y todavía te quiero 1956 — Héc­tor Pacheco y su Orques­ta dir. por . Avec les clo­chettes du début, une ver­sion kitch à souhait.

C’est peut-être la pre­mière ver­sion, car il tra­vail­la étroite­ment avec Leo­ca­ta à par­tir de cette époque. On trou­ve égale­ment son por­trait sur la par­ti­tion éditée par Julio Korn.

Y todavía te quiero 1956-02-17 — Orques­ta Argenti­no Galván con .

Jorge Casal est aus­si un bon can­di­dat pour être le pre­mier, pour les mêmes raisons que Pacheco, sauf la pho­to sur la par­ti­tion.

Y todavía te quiero 1956-03-22 — Orques­ta Sím­bo­lo “” dir. Aquiles Rog­gero con Hora­cio Casares
Y todavía te quiero 1956-05-18 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis con
Y todavía te quiero 1956-06-11 — Orques­ta con Flo­re­al Ruiz
Y todavía te quiero 1956-06-21 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. C’est notre tan­go du jour.
Y todavía te quiero 1956-06-29 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con Arman­do Moreno
Y todavía te quiero 1956-07-24 — Orques­ta con Rodol­fo Lesi­ca
Y todavía te quiero 1956-07-25 — Alber­to Morán con acomp. de Orques­ta dir. Arman­do Cupo
Y todavía te quiero 1956-10-19 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con
Y todavía te quiero 1956-12-10 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Lib­er­tad Lamar­que

Et un enreg­istrement qui a raté la fenêtre en arrivant l’an­née suiv­ante…

Y todavía te quiero 1957 — Los Señores Del Tan­go con

Par la suite, d’autres orchestres ont enreg­istré, mais je vous pro­pose pour ter­min­er et les encour­ager Los Caballeros del Tan­go qui est un orchestre de jeunes Colom­bi­ens. La chanteuse est Nathalie Giral­do (Nag­i­ca).

Los Caballeros del Tan­go inter­prè­tent Y todavia te quiero (2022).

Cela fait plaisir de voir que la généra­tion Z con­tin­ue de s’in­téress­er au tan­go. Atten­dons qu’ils pren­nent un peu d’as­sur­ance pour qu’ils assurent la relève.

Histoire de « Y »

Non, je ne vais pas vous par­ler de la généra­tion Y, celle qui a suc­cédé aux X, V Baby-boomers, mais plutôt de la let­tre Y qui précède le titre de ce tan­go. Y en espag­nol, c’est et. En voici l’his­toire, telle qu’on la racon­te générale­ment dans le petit monde du tan­go.

La SADAIC est l’or­gan­isme qui enreg­istre les morceaux de musique en Argen­tine et qui dis­tribue les droits d’au­teurs en fonc­tion des mérites respec­tifs de cha­cun des auteurs (je sais, c’est pure­ment théorique ; —).
Donc, quand Luciano Leo­co­ta a voulu dépos­er la musique du tan­go « Volve­mos a quer­ernos » le 13 mai 1948, il n’a pas pu le faire, car ce titre était déjà pris.
J’ai voulu savoir quel était ce Volve­mos a quer­ernos ini­tial. J’ai donc con­sulté le reg­istre de la SADAIC et il y a bien deux musiques avec un titre proche. Mais la sur­prise est à venir :

Sous le numéro 333294, on trou­ve une œuvre enreg­istrée en 1988, soit 40 ans après la soi-dis­ant date de col­li­sion des titres.

Reg­istra­da el 01/12/1988
T | VOLVAMOS A QUERERNOS OTRA
SANCHEZ NESTOR FERNANDO / BELLATO MARIA GABRIELA

On notera que le titre est VolvA­mos a quer­ernos et pas VolvE­mos a quer­ernos.
Mais il y a une deux­ième sur­prise lorsque l’on véri­fie l’en­reg­istrement du tan­go déposé par Leo­co­ta et Aznar :

4772 | ISWC T0370051196
Reg­istra­da el 13/05/1948
T | Y VOLVEMOS A QUERERNOS (C’est le titre que nous con­nais­sons)
S | VOLVAMOS A QUERERNOS (Avec VolvA­mos), le sous-titre apporte une autre vari­ante.
S | CHANTER LEOCATA AZNAR
S | Y VOLVAMOS A QUERERNOS LEOCATA AZ
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Il se peut donc que ce titre ait été enreg­istré ailleurs qu’en Argen­tine et je me suis tourné vers Leo Mari­ni, un chanteur Argentin par­ti en 1950 à Cuba, Che. Juste­ment, celui-ci a enreg­istré un boléro nom­mé « Volva­mos a quer­ernos ». Je le pro­pose donc comme can­di­dat pour la col­li­sion.
Cepen­dant, j’ai un autre can­di­dat…
Il s’ag­it de Y no te voy a llo­rar.

1200 | ISWC T0370013629
Reg­istra­da el 16/03/1948
T | NO TE VOY A LLORAR
CALO MIGUEL/NIEVAS ROBERTO HIGINIO

L’in­trus est dans ce cas une com­po­si­tion de Miguel Calo déposée en mars.

# 28897 | ISWC T0370310761
Reg­istra­da el 31/08/1953
T | Y NO TE VOY A LLORAR
S | NO TE VOY A LLORAR
AZNAR MARIANO ABEL
LEOCATA LUCIANO

Ce dépôt est postérieur à celui de Y Volve­mos a quer­ernos, et il n’est donc sans doute pas le pre­mier.
Je ne suis pas cer­tain d’avoir trou­vé le « gêneur », ni même si cette his­toire est vraie. ET vous allez me faire remar­quer que je par­le d’un tan­go dif­férent et vous avez tout à fait rai­son. Je reviens donc au Y.
Si Y Volve­mos a quer­ernos est le pre­mier de la série des com­po­si­tions de Leo­ca­ta à être précédé d’un Y, beau­coup de ses com­po­si­tions (env­i­ron 1/3) subiront le même sort. C’est devenu sa mar­que de fab­rique.

Œuvres avec enreg­istrement disponible

  • Y volve­mos a quer­ernos 1949 (déposé à la SADAIC le 13 mai 1948)
  • Y mientes todavía 1950 (Déposé à la SADAIC le 23 octo­bre 1950)
  • Y no te voy a llo­rar 1953 (déposé à la SADAIC le 16 mars 1948) avec la col­li­sion de noms avec un titre de Miguel Calo).
  • Y todavía te quiero 1956 (notre titre du jour, déposé à la SADAIC le 18 jan­vi­er 1956). Il y a 22 thèmes avec un titre sim­i­laire, voire exacte­ment le même. La règle de ne pas avoir deux œuvres du même nom sem­ble avoir sauté… Le plus ancien sem­ble être notre tan­go, car si plusieurs enreg­istrements ne sont pas datés, celui-ci a le numéro le plus petit.
  • Y te ten­go que esper­ar 1957 (déposé à la SADAIC le 8 mars 1957)

Œuvres prob­a­ble­ment sans enreg­istrement disponible.

  • Y a mi me gus­ta el tan­go (déposé à la SADAIC le 19 mai 1981)
  • Y desho­jan­do el tiem­po (déposé à la SADAIC le 13/03/1992)
  • Y el que­da atrás (déposé à la SADAIC le 8 juil­let 2003)
  • Y esperan­do tu regre­so (déposé à la SADAIC le 20 octo­bre 2005)
  • Y estás deses­per­a­do (déposé à la SADAIC le 6 novem­bre 1978)
  • Y este es el amor (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1995)
  • Y fue en aquel mes de mayo (déposé à la SADAIC le 18 mars 1998)
  • Y fue tan solo por amor (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y fue un sueño imposi­ble (déposé à la SADAIC le 6 avril 1976)
  • Y hoy vuel­vo a revivir (déposé à la SADAIC le 17 novem­bre 1989)
  • Y la quise con locu­ra (déposé à la SADAIC le 17 sep­tem­bre 1981)
  • Y la vida sigue igual (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y le can­to a mi ciu­dad (déposé à la SADAIC le 8 avril 1991)
  • Y men­ti­ra fue tu amor (déposé à la SADAIC le 6 mai 1971)
  • Y no fue sin quer­er (déposé à la SADAIC le 22 mai 1989)
  • Y no me cuentes tu tris­teza (déposé à la SADAIC le 1er août 1984)
  • Y no pudieron sep­a­rarnos. Ce titre men­tion­né par Ana­maria Blas­seti n’est pas dans le list­ing de la SADAIC. J’ai véri­fié les œuvres déposées par le co-auteur men­tion­né, Félix Are­na (Rosario), la seule œuvre avec Y est Y men­ti­ra fue tu amor de 1971 et aucune autre de ses pro­duc­tions a un titre approchant.
  • Y no puedo vivir sin vos (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y no te creo (déposé à la SADAIC le 17 mai 1955)
  • Y para qué seguir fin­gien­do (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1993)
  • Y pre­tendes que empece­mos otra vez (déposé à la SADAIC le 24 févri­er 1982)
  • Y quiero estar a tu lado (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y quiero que vuel­vas a mí (déposé à la SADAIC le 14 mars 1990)
  • Y rog­a­ré por vos (déposé à la SADAIC le 6 févri­er 1975)
  • Y te acordás que fue una tarde (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y te deje par­tir (déposé à la SADAIC le 19 avril 2005)
  • Y todo es men­ti­ra (déposé à la SADAIC le31 jan­vi­er 1958)
  • Y unire­mos nue­stro amor (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y viva­mos nue­stro car­naval (déposé à la SADAIC le 15 décem­bre 1980)
  • Y vuel­vo a ser felix (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)
  • Y yo tenía quince años (déposé à la SADAIC le 27 mai 2002)

Cela fait une belle liste. À ma con­nais­sance, seuls les titres où j’ai indiqué la date ont été enreg­istrés (j’ai men­tion­né la date du plus ancien enreg­istrement con­nu).

À demain, les amis !

Después del carnaval 1941-06-19 Orquesta Osvaldo Fresedo con Ricardo Ruiz

José Antonio Amunchástegui Keen (Paroles et musique)

Emportée par la foule, la célèbre chan­son d’Edith Piaf pour­rait être la sœur de notre tan­go du jour. Les deux nous comptent un amour éphémère, séparé par la foule dans le cas d’Edith et par le cortège de dans celui de Ricar­do Ruiz. Le car­naval était au vingtième siè­cle un événe­ment pour les orchestres de tan­go.

Extrait musical

del car­naval 1941-06-19 Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz

Paroles

Se fueron las horas
de algar­abía
que Momo brindara
con ale­gría…
Callaron las risas
de Colom­bi­na…
Pier­rot agon­i­za
entre ser­per­ti­nas.
Murió car­naval y su corte­jo
de ale­gre y loca bul­languería….
Cor­ne­tas y gri­tos se escuchan lejos,
vibran­do las almas, al recor­dar…

Recordé que una noche
el amor me brindó
dos labios plenos de pasión
y ardor….
Fue una noche que
llora­ban los vio­lines
un triste vals de
prome­sas olvi­dadas…
mien­tras la luna plate­a­ba los jar­dines
un beso ardi­ente en la noche pal­pitó.

Mas el encan­to
de aque­l­las horas,
al morir Momo
se diluyó.
Y con mi dolor
a solas
lloré la muerte
de mi ilusión.

Hoy solo escu­cho
los tristes ecos
de aque­l­la ale­gría
y de aquel beso…
Mien­tras en las calles
las ser­per­ti­nas
en lla­mas de fuego
se ven que­mar!
Y entre cenizas car­navalescas
aún quedan ardi­entes mis ilu­siones…
mi ensueño, el beso y las prome­sas
prendieron la lla­ma, ¡de aquel soñar!…

Mas no fue solo un sueño
de amor que bril­ló;
tra­jo tam­bién el plac­er
dolor…
Pues la ilusión tam­bién
dejó su huel­la triste,
al ausen­tarse entre el
corte­jo que march­a­ba…
lleván­dose con su ale­gre mas­cara­da
mi últi­mo sueño de amor que allí tejí…

Pues ya soña­ba, que fuera eter­na
la breve dicha, que ayer viví…
Y con mi pesar, yo ruego
que vuel­va pron­to otro Car­naval.

José Anto­nio Amunchástegui Keen (Paroles et musique)

Traduction libre et indications

Les heures de vacarme où le Roi Momo trin­quait avec joie sont révolues. (La algar­abía, c’est le bruit que l’on entend entre les morceaux dans les milon­gas de Buenos Aires, quand les gens par­lent tous en même temps, c’est le brouha­ha. Le Roi Momo était la fig­ure emblé­ma­tique du car­naval, inspiré du Dieu Momos ou Momus des Grecs anciens, repris par les Romains dans leurs sat­ur­nales. Le car­naval a été dif­fusé en Amérique du Sud, avec le que l’on sait, notam­ment en Colom­bie et au Brésil. En Argen­tine, et Uruguay, le car­naval est égale­ment un élé­ment impor­tant de l’an­née et cela depuis le début du vingtième siè­cle.)
Les rires de Colom­bine se sont tus…
Pier­rot ago­nise au milieu des ser­pentins.
Car­naval est mort (Le Roi Momo, comme le Bon­homme Car­naval en France, ter­mine générale­ment assez mal, noyé, brûlé…) et son cortège de bruit joyeux et fou tin­ta­marre (bul­languería est un syn­onyme de algar­abía)
Des cor­nets (comme ceux du tran­via, tramway) et des cris se font enten­dre au loin, faisant fris­son­ner les âmes au sou­venir…
Je me suis sou­venu qu’une nuit l’amour m’a don­né deux lèvres pleines de pas­sion et d’ardeur… C’é­tait une nuit où les vio­lons pleu­raient, une triste valse de promess­es oubliées… Alors que la lune argen­tait les jardins, un bais­er ardent dans la nuit pal­pi­tait.
Mais le charme de ces heures, où Momo mou­rut, se dilua. Et avec ma seule douleur, j’ai pleuré la mort de mon illu­sion (illu­sion est comme tou­jours un sen­ti­ment d’amour).
Aujour­d’hui, je n’en­tends que les tristes échos de cette joie et de ce bais­er…
Alors que , on voit brûler les ser­pentins en flammes de feu et par­mi les cen­dres car­nava­lesques, mes illu­sions brû­lent encore… Mon rêve, le bais­er et les promess­es ont allumé la flamme de ce rêve…
Mais ce n’é­tait pas seule­ment un rêve d’amour qui bril­lait, il appor­tait aus­si du plaisir et de la douleur.
Puis, l’il­lu­sion a aus­si lais­sé son empreinte triste, lorsqu’elle s’est éclip­sée entre le cortège en marche… empor­tant avec sa joyeuse mas­ca­rade mon dernier rêve d’amour que j’y ai tis­sé…
Enfin, j’avais déjà rêvé que ce bref bon­heur que j’ai vécu hier serait éter­nel… Et avec mon regret, je prie pour que revi­enne bien­tôt un autre car­naval.

Carnaval

Quand on pense, Amérique du Sud et Car­naval, c’est bien sûr Rio de Janeiro qui a la vedette. Mais en fait, les colons européens ont apporté le car­naval dans toute l’Amérique du Sud et l’Ar­gen­tine et l’U­ruguay l’ont égale­ment adop­té, au début du vingtième siè­cle. Les per­cus­sions de la mur­ga font un fond sonore puis­sant, mais la danse étant au pro­gramme, les orchestres sont mobil­isés et plusieurs orchestres se sont for­més pour ces occa­sions, de façon éphémère ou plus durable. Hier, nous avons vu l’orchestre Fir­po-Canaro qui avait ani­mé le car­naval à , il y en a beau­coup d’autres, comme Poli­to-D’Arien­zo pour le car­naval de 1929 ou le Gre­co-Canaro pour les car­navals de 1914 — 1915.
On se sou­vien­dra aus­si de qui écriv­it son pre­mier tan­go pour le car­naval de la Boca.

Mur­al de Le car­naval de la Boca — 1936.
Le car­naval de la Boca. La bande «  ».

La bande « Juven­tud Bar Ori­ente » est née à la fin de 1952 (comme en témoigne son éten­dard). Elle représen­tait son quarti­er. Cette bande s’é­tait organ­isée en club social et avait son siège près de la bom­bon­era, le stade de Boca Junior.

Un film que nous avons déjà évo­qué Car­naval de Antaño (1940), présente des images recon­sti­tu­ant le car­naval de 1912.

Car­naval de antaño. Recon­sti­tu­tion du car­naval de 1912 — Les chars, les défilés et un bal dans le film de Manuel Romero, Car­naval de Antaño (1940).
À par­tir de 1936, Canaro inau­gure les bals au Luna Park, la grande salle de spec­ta­cle de Buenos Aires. Sur cette image, on peut voir la pro­pa­gande pour Coca Cola et la quan­tité incroy­able de danseurs sur la piste.

Dans ses mémoires, Canaro cite ses dif­férentes presta­tions pour des car­navals, de Rosario à Mon­te­v­ideo en pas­sant par Buenos Aires. L’apothéose est sans doute con­sti­tuée par les bals géants qu’il ani­mait au Luna Park.

Autres versions

Después del car­naval 1941-06-19 Orques­ta Osval­do Frese­do con Ricar­do Ruiz. C’est notre tan­go du jour. La ver­sion la plus dif­fusée en Europe.
Después del car­naval 1958-05-28 — Orques­ta José Bas­so con .

Avec un autre Ruiz qui n’est pas le frère du pre­mier. En effet, les deux frères de Flo­re­al s’ap­pel­laient, Frater­nidad et Lib­er­tario. Voilà ce que c’est que d’avoir un père anar­chiste…

Después de car­naval 1958-08-20 — Héc­tor Pacheco y su Orques­ta dir. por Car­los Gar­cía.

Hec­tor Pacheco l’en­reg­istre avec son orchestre. C’est bien sûr une ver­sion à écouter. On notera que le titre est ; Después de car­naval et non pas Después del car­naval comme dans toutes les autres ver­sions.

Después del car­naval 1959-01-12 Orques­ta Osval­do Frese­do con Hugo Mar­cel.

Frese­do nous pro­pose une ver­sion très dif­férente où les ban­donéons stac­catos con­trastent avec les vio­lons legatos. Ce Frese­do tardif com­porte cepen­dant des fior­i­t­ures qui n’ont pas bien vieil­li et l’on se con­tentera, pour nos milon­gas, de la ver­sion de 1941.

En 1986, José Bas­so enreg­istre de nou­veau ce titre avec Eduar­do Bor­da y Quique Oje­da. Je vous pro­pose ici une ver­sion télévisée.

José Bas­so con Eduar­do Bor­da y Quique Oje­da dans Después del car­naval.

 On n’est pas dans la danse, mais en 1986, c’é­tait à peine le début du renou­veau du tan­go dan­sé à Buenos Aires.

Deux ver­sions par Di Paulo

Después del car­naval — Orques­ta di Paulo V1.
Después del car­naval — Orques­ta Alber­to di Paulo V2.

Pour nous réc­on­cili­er avec la danse, une ver­sion con­tem­po­raine, par le Sex­te­to Cristal.

Despues del car­naval — Sex­te­to Cristal con Guiller­mo Rozen­thuler.

Ce sex­te­to a le mérite de ressor­tir des titres un peu oubliés mal­gré leur qual­ité. Il garde les arrange­ments d’o­rig­ine, ici, ceux de Frese­do avec Ruiz. Le résul­tat est donc tout à fait dans­able, bien plus que les derniers titres de ma petite liste…

À demain, les amis !

Un placer 1936-04-03 — Orquesta Juan D’Arienzo con Walter Cabral

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caruso

Aujour­d’hui, une valse pour déclar­er son amour à une jolie femme. Pour cela, qua­tre hommes se sont attelés à la tâche, Vicente Romeo, Juan Andrés Caru­so, Juan d’Arien­zo et Wal­ter Cabral. Nous appellerons égale­ment à la rescousse, d’autres grands du tan­go pour vous don­ner les argu­ments néces­saires pour séduire une femme papil­lon.

Avec D’Arien­zo à la baguette et Bia­gi, on a l’as­sur­ance d’avoir une valse dans­able.
En, ce qui con­cerne le chanteur, Wal­ter Obdulio Cabral (27/10/1917 – 1993), celui col­la­bor­era un peu plus d’un an avec D’Arien­zo, le temps d’en­reg­istr­er trois valses : Un Plac­er, et et une milon­ga orphe­line Silue­ta Porteña.

Extrait musical

Un plac­er 1936-04-03 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Wal­ter Cabral.

Je vous laisse l’é­couter. On en repar­lera en com­para­i­son avec les autres ver­sions de ce titre.

Les paroles

Lin­da mari­posa
tú eres mi ale­gría
y tus col­ores de rosa
te hacen tan her­mosa
que en el alma mía
tu ima­gen quedó.

Por eso a tu reja
hoy ven­go a can­tarte,
para decirte, mi diosa,
que eres muy her­mosa
y no puedo olvi­darte
que antes de dejarte
pre­fiero la muerte
que sólo con verte
es para mí un plac­er.

Sin tu amor ya no puedo vivir.
¡Oh! ven pron­to no me hagas penar.
De tus labios yo quiero sen­tir
el plac­er que se siente al besar.
Y por eso en mi can­to te ruego
que apagues el fuego
que hay den­tro de mí.

Oye ama­da mía
tuyo es mi quer­er,
que tuya es el alma mía
toda mi poesía
mis ale­gres días,
her­mosa mujer.

Sale a tu ven­tana
que quiero admi­rarte.
Sale mi rosa tem­prana,
her­mosa galana,
que yo quiero hablarte
y quiero robarte
tu quer­er que es san­to
porque te amo tan­to
que no puedo más.

Y si el des­ti­no
de ti me sep­a­ra
nun­ca podre ser feliz
y antes pre­fiero morir.
Porque tu car­iño
es mi vida entera.
Tú has de ser la postr­era,
la dulce com­pañera que ayer soñé.

Vicente Romeo Letra : Juan Andrés Caru­so

Traduction libre

Joli papil­lon, tu es ma joie et tes couleurs de rose te ren­dent si belle que dans mon âme ton image est restée.


C’est pourquoi à ta grille, aujour­d’hui je viens chanter, pour te dire, ma déesse, que tu es très belle, que je ne peux pas t’ou­bli­er et que plutôt que de te quit­ter je préfère la mort. Que rien que te voir est un plaisir pour moi.

Sans ton amour, je ne peux pas vivre. Oh ! Viens vite, ne me fais pas de peine. De tes lèvres, je veux sen­tir le plaisir que l’on ressent en embras­sant et c’est pourquoi dans ma chan­son je te sup­plie que tu éteignes le feu qu’il y a en moi.

Entend ma bien-aimée, que tu es mon désir, mon âme est tienne, toute ma poésie, mes jours heureux ; mer­veilleuse femme.

Sort à ta fenêtre que je veux t’ad­mir­er. Sors ma rose pré­coce, belle galante, car je veux te par­ler et te vol­er ton amour qui est saint parce que je t’aime tant que je n’en peux plus.

Et si le des­tin me séparait de toi, je ne pour­rais jamais être heureux et préfér­erais mourir. Parce que ta ten­dresse est toute ma vie. Tu seras la dernière, la douce com­pagne dont j’ai rêvé hier.

Autres versions

Un plac­er 1931-04-23 — Orques­ta .

Un tem­po très lent, qui peut désta­bilis­er cer­tains . C’est une ver­sion instru­men­tale, avec sans doute un peu de monot­o­nie mal­gré des vari­a­tions de rythme. Pour ma part, j’évit­erai de la pro­pos­er à mes danseurs.

Un plac­er 1933-04-11 — Orques­ta Típi­ca Los Provin­cianos (dir. ) con Car­los Lafuente.

Avec la voix un peu aigre de Car­los Lafuente, mais un joli orchestre pour une valse entraî­nante. La fin donne l’im­pres­sion d’ac­céléra­tion, ce qui rav­it en général les danseurs, surtout en fin de tan­da. On est claire­ment mon­té d’un cran dans le plaisir de la danse avec cette ver­sion. L’orchestre est Los provin­cianos, mais il s’ag­it d’un orchestre Vic­tor dirigé par Ciri­a­co Ortiz. Ce qui fait que vous pou­vez trou­ver le même sous les trois formes : Los Provin­cianos, Típi­ca Vic­tor ou Ciri­a­co Ortiz, voire un mix­age des trois, mais tout cela se réfère à cet enreg­istrement du 11 avril 1933.

Un plac­er 1936-04-03 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Wal­ter Cabral. C’est du jour.

La voix de Wal­ter Cabral rap­pelle celle de Car­los Lafuente, une voix de ténor un peu nasil­larde, mais comme dans le cas de Lafuente, ce n’est pas si gênant, car ce n’est que pour une petite par­tie de la valse. L’im­pres­sion d’ac­céléra­tion ressen­tie avec la ver­sion de Ciri­a­co Ortiz est présente, mais c’est une con­stante chez d’Arien­zo. BIa­gi qui a inté­gré l’orchestre il y a cinq mois est rel­a­tive­ment dis­cret. Il se détache sur quelques ponc­tu­a­tions lâchées sur les temps de res­pi­ra­tion de l’orchestre. Il n’a pas encore com­plète­ment trou­vé sa place, place qui lui coûtera la sienne deux ans plus tard…

Un plac­er 1942-06-12 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

Ici pas de voix aigre ou nasil­larde, les par­ties sont chan­tées par les vio­lons, ou par le chœur des instru­ments, avec bien sûr le dernier mot au ban­donéon de Troi­lo qui ter­mine divine­ment cette ver­sion élé­gante et dansante.

Un plac­er 1949-02 — Fran­cis­co Lau­ro con su Sex­te­to Los Men­do­ci­nos y Argenti­no Olivi­er.

Une ver­sion un peu faible à mon goût. Le sex­te­to manque de présence et Argenti­no Olivi­er, déroule les paroles, sans provo­quer une émo­tion irré­press­ible. Une ver­sion que je ne recom­man­derai pas, mais qui a son intérêt his­torique et qui après tout peut avoir ses fana­tiques.

Un plac­er 1949-08-04 — Orques­ta José Bas­so con y Ricar­do Ruiz.

Une ver­sion très jolie, avec piano, vio­lons et ban­donéons expres­sifs. L’o­rig­i­nal­ité est la presta­tion en Duo, de deux mag­nifiques chanteurs, Fran­cis­co Fiorenti­no y Ricar­do Ruiz. On peut ressen­tir un léger éton­nement en écoutant les paroles, les deux sem­blent se répon­dre. C’est une jolie ver­sion, mais peut-être pas la pre­mière à pro­pos­er en milon­ga.

Un plac­er 1954 — Cuar­te­to Troi­lo-Grela.

Une mag­nifique ver­sion dans le dia­logue entre le ban­donéon et la gui­tare. La musique est riche en nuances. Le ban­donéon démarre tris­te­ment, puis la gui­tare donne le rythme de la valse et le ban­donéon alter­nent des moments où les notes sont piquées à la main droite, et d’autres où le plein jeu de la main gauche donne du corps à sa musique. À 1 : 30 et 1 : 50, à 2 : 02, le ban­donéon s’estompe, comme s’il s’éloignait. À 2 : 10, la réver­béra­tion du ban­donéon peut être causée par un éloigne­ment physique impor­tant du ban­donéon par rap­port au micro­phone, ou bien à un ajout ponctuel de réver­béra­tion sur ce pas­sage. Je ne suis pas sûr que cet arti­fice provo­qué par l’en­reg­istrement apporte beau­coup au jeu de Troi­lo. Il faut toute­fois par­don­ner à l’ du son de l’époque. C’est le début d’une nou­velle ère tech­nique et il a sans doute eu envie de jouer avec les bou­tons…

Un plac­er 1958-10-07 — Orques­ta José Bas­so con Alfre­do Belusi y Flo­re­al Ruiz.

José Bas­so refait le coup du duo, mais cette fois avec Alfre­do Belusi et Ricar­do Ruiz. À mon avis, cela fonc­tionne moins bien que la ver­sion de 1949.

Un plac­er 1979 — .

Pour ter­min­er, une ver­sion assez orig­i­nale, dès l’in­tro­duc­tion. Je vous laisse la décou­vrir. Étant lim­ité à 1 Mo par morceau sur le site, vous ne pou­vez pas enten­dre la stéréo vrai­ment exagérée de ce morceau, car tous les titres sont passés en basse qual­ité et en mono pour tenir dans la lim­ite de 1 Mo. C’est une peine pour moi, car la musique que j’u­tilise en milon­ga demande entre 30 et 60 Mo par morceau… Sur la stéréo en milon­ga, c’est à lim­iter, surtout avec des titres comme celui-ci, car les danseurs auraient d’un côté de la salle un instru­ment et de l’autre un autre. Donc, si j’ai un titre de ce type à pass­er (c’est fréquent dans les démos), je lim­ite l’ef­fet stéréo en réglant le panoramique proche du cen­tre. Une salle de bal n’est pas un audi­to­ri­um…

Mini tanda en cadeau

Cabral n’a enreg­istré que trois valses avec D’Arien­zo. Je vous pro­pose d’é­couter et surtout danser cette mini tan­da de seule­ment trois titres. Peut-être apprécierez-vous à la fin de la tan­da la voix un peu sur­prenante de Cabral.

Cerise sur la tan­da. Par­don, le gâteau, les trois titres for­ment une his­toire. Il décou­vre son amour, elle s’ap­pelle Irene et… Ça se ter­mine mal…

Un plac­er 1936-04-03 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Wal­ter Cabral. C’est le tan­go du jour.
Irene 1936-06-09 – Orques­ta Juan D’Arien­zo con Wal­ter Cabral
Tu olvi­do 1936-05-08 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Wal­ter Cabral

Vida y obra de Walter Cabral

Vous pour­rez trou­ver sur ce site, une biogra­phie com­plète de ce chanteur.

Tormenta 1939-03-28 — Orquesta Francisco Canaro con Ernesto Famá

(musique et paroles)

Le 28 mars est un bon jour pour les enreg­istrements de tan­go et le choix a été dif­fi­cile. Je vous pro­pose inter­prété par Canaro et Famá, car son texte est d’une grande actu­al­ité avec ce qui se passe actuelle­ment en Argen­tine, les rich­es tou­jours plus rich­es et les pau­vres mourant de faim. En prime, une ver­sion de Tor­men­ta que vous n’avez jamais enten­due telle­ment elle est inat­ten­due…

Francisco Canaro et

Fran­cis­co Canaro a enreg­istré plus de 235 titres avec Ernesto Famá entre 1930 et 1941:
125 tan­gos, 37 valses, 13 milon­gas, et 60 rythmes jazz ou folk­loriques ( porteño, Fox-Trot, March­es, Pasodobles, Pol­cas, Rancheras et même des airs mil­i­taires).
Ce mar­di 28 mars 1939, Canaro et Famá ont enreg­istré beau­coup de titres :

  • Qué impor­ta ! de Ricar­do Tan­turi (Ricar­do Luis Tan­turi) Letra :
  • Tor­men­ta de Enrique San­tos Dis­cépo­lo (musique et paroles)
  • Vanidad de Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez Letra: Wash­ing­ton Mon­tre­al
  • Noche de estrel­las (Vals) de Letre : Enrique Cadí­camo
  • Tra-la-la (Vals) de Luis Teis­seire ; Ger­mán Roge­lio Teis­seire Letra : Jesús Fer­nán­dez Blan­co

C’est une époque chargée pour ces deux artistes. Famá est claire­ment le chanteur vedette de Canaro à cette époque, loin devant Fran­cis­co Amor, puis Roldán et Adrián.

Extrait musical

Tor­men­ta 1939-03-28 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá.

Dis­cépo­lo a fait la musique et écrit les paroles, l’œu­vre est donc d’une grande cohérence.
Dis­cépo­lo l’a écrit pour le film Cua­tro cora­zones (Qua­tre cœurs), film dont il assure le scé­nario, la musique et le rôle prin­ci­pal…
Canaro enreg­istre quelques jours après la sor­tie du film, dans une ver­sion pour la danse, donc réar­rangée.

Les paroles

¡Aul­lan­do entre relám­pa­gos,
per­di­do en la tor­men­ta
de mi noche inter­minable,
¡Dios ! bus­co tu nom­bre…
No quiero que tu rayo
me enceguez­ca entre el hor­ror,
porque pre­ciso luz
para seguir…
¿Lo que aprendí de tu mano
no sirve para vivir ?
Yo sien­to que mi fe se tam­balea,
que la gente mala, vive
¡Dios! mejor que yo…

Si la vida es el infier­no
y el hon­ra­do vive entre lágri­mas,
¿cuál es el bien…
del que lucha en nom­bre tuyo,
limpio, puro?… ¿para qué?…
Si hoy la infamia da el sendero
y el amor mata en tu nom­bre,
¡Dios!, lo que has besa­do…
El seguirte es dar ven­ta­ja
y el amarte sucumbir al mal.

No quiero aban­donarte, yo,
demues­tra una vez sola
que el traidor no vive impune,
¡Dios! para besarte…
Enséñame una flor
que haya naci­do
del esfuer­zo de seguirte,
¡Dios! Para no odi­ar:
al mun­do que me des­pre­cia,
porque no apren­do a robar…
Y entonces de rodil­las,
hecho san­gre en los gui­jar­ros
moriré con vos, ¡feliz, Señor!

Enrique San­tos Dis­cépo­lo (musique et paroles)

Tania chante l’in­té­gral­ité des paroles dans le disque, seule­ment une par­tie dans le film. En gras, la par­tie chan­tée par Ernesto Famá.

Traduction libre et indications

Hurlant au milieu des éclairs, per­du dans la tem­pête de ma nuit inter­minable,
Dieu ! Je cherche ton nom…
Je ne veux pas que tes éclairs m’aveu­g­lent dans l’hor­reur, car j’ai besoin de lumière (Ici, « luz » est au mas­culin et il y a donc un jeu de mots, « luz » en lun­far­do, c’est l’ar­gent. Il faudrait donc plutôt traduire, j’ai besoin d’ar­gent) pour con­tin­uer…
Ce que j’ai appris de ta main ne sert-il pas pour vivre ?
Je sens que ma foi chan­celle, car les gens mau­vais vivent,
Dieu ! Bien mieux que moi…

Si la vie est un enfer et que l’hon­neur est de vivre dans les larmes, quel est le béné­fice…
de celui qui com­bat en ton nom, être pro­pre, pur ?… À quoi bon ?…
Si aujour­d’hui l’in­famie ouvre le chemin et que l’amour tue en ton nom,
Dieu, qu’as-tu embrassé…
Te suiv­re, c’est laiss­er l’a­van­tage (aux autres) et t’aimer c’est suc­comber au mal­heur.

Je ne veux pas t’a­ban­don­ner, prou­vez une seule fois que le traître ne vit pas impuni,
Dieu ! Pour t’embrasser…
Mon­trez-moi une fleur qui soit née de l’ef­fort de te suiv­re,
Dieu ! Pour ne pas haïr :
Le monde qui me méprise, parce que je n’ap­prends pas à vol­er…
Et ensuite à genoux, saig­nant dans les cail­loux, je mour­rai avec toi ; heureux ; Seigneur !

Autres versions

Pour com­mencer, une petite sur­prise à voir jusqu’au bout pour décou­vrir une ver­sion incroy­able de Tor­men­ta, à la toute fin de cet extrait…

Tor­men­ta 1939-01-11 — Tania con acomp. de Orques­ta. Dans le film « Cua­tro cora­zones » réal­isé par Car­los Schlieper et Enrique San­tos Dis­cépo­lo selon le scé­nario de ce dernier et écrit en col­lab­o­ra­tion avec Miguel Gómez Bao.
Le film est sor­ti le 1er mars 1939.
Acteurs : Enrique San­tos Dis­cépo­lo, Glo­ria Guzmán, Irma Cór­do­ba, , et Her­minia Fran­co.
Tor­men­ta 1939-01-11 — Tania con acomp. de Orques­ta.

C’est la ver­sion disque de la chan­son du film. Con­traire­ment au film, la chan­son est chan­tée en entier et il n’y a pas la fin déli­rante présen­tée dans le film.

Tor­men­ta 1939-03-28 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Ernesto Famá. C’est le tan­go du jour.

Canaro enreg­istre quelques jours après la sor­tie du film.

Tor­men­ta 1939-03-30 — Orques­ta con .

Deux jours après Canaro, Lomu­to suit le mou­ve­ment dans le sil­lage du film. Il est intéres­sant de com­par­er ses arrange­ments par rap­port à ceux de Canaro.

Tor­men­ta 1954-09-08 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Mario Pomar.

Le seigneur del tan­go donne 15 ans plus tard sa ver­sion. Du grand Di Sar­li avec le mag­nifique Mario Pomar.

Tor­men­ta 1962 — Orques­ta José Bas­so con Flo­re­al Ruiz.

On ter­mine avec cette ver­sion des­tinée à l’é­coute, comme la pre­mière de la liste, celle de Tania.

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tango) Alfredo De Angelis con Floreal Ruiz y glosas de Néstor Rodi

Alfredo De Angelis Letra : Carmelo Volpe

Le cono azul cache une triste, mais vécue par des mil­liers de jeunes Français­es. Le tan­go du jour Bajo et cono azul a été enreg­istré par De Ange­lis et Flo­re­al Ruiz, il y a exacte­ment 80 ans, le 29 févri­er 1944.

Comme il y a peu de 29 févri­er, seule­ment les années bis­sex­tiles, on pou­vait crain­dre qu’il soit dif­fi­cile de trou­ver un du jour. La richesse des enreg­istrements de tan­go, même si ce n’est qu’un faible pour­cent­age de ce qui a été joué per­met de vous présen­ter cette per­le.

Dedi­co esta nota a mi queri­da cuña­da Mar­ta cuyo cumpleaños es hoy.
Ella tiene suerte (o mala suerte) de cumplir solo cada cua­tro años).

La triste histoire de Susú et autres grisettes

La France, et notam­ment Paris, a été un réser­voir inépuis­able de femmes pour l’Ar­gen­tine et notam­ment Buenos Aires. De beaux Argentins fai­saient de belles promess­es aux belles Français­es. Ces dernières, à la recherche du soleil (celui du dra­peau de ou tout sim­ple­ment celui du ciel aus­tral), font leur mai­gre bagage et se retrou­vent au sein du rêve portègne.
Las, là, les promess­es se changent en trahi­son et les belles, dans le meilleur des cas devi­en­nent « grisettes », à faire des œuvres de cou­ture, mais beau­coup se retrou­vent dans les bor­dels, à danser et à se livr­er à d’autres activ­ités usuelles dans ce genre d’en­droit.
On imag­ine leur détresse. C’est ce qui est arrivé à la Susú de ce tan­go, comme à tant d’autres qui ont inspiré des dizaines de tan­gos émou­vants.
Le point orig­i­nal de ce tan­go est que le nar­ra­teur con­nais­sait et prob­a­ble­ment aimait (il s’in­ter­roge sur ce point) Susú à Paris et qu’il l’a suiv­ie quand elle est par­tie avec son « amour ».
Aujour­d’hui, vingt ans et « un amour » plus tard, elle con­tin­ue de danser, mais elle qui se rêvait papil­lon, s’est brûlé les ailes à la chaleur de la lumière du pro­jecteur et pleure dans l’om­bre du salon où s’écrit jour après jour son mal­heur.
Écou­tons à présent ce thème qui unit Paris et le (le cône du Sud), par­tie inférieure et tri­an­gu­laire de l’Amérique latine.

Extrait musical

Bajo el cono azul 1944-02-29 (Tan­go) — con Flo­re­al Ruiz y glosas de .
L’in­tro­duc­tion par­lée dure 13 sec­on­des…

Un cer­tain nom­bre de tan­gos ont été enreg­istrés avec des paroles dites, générale­ment en début de musique. C’est le cas de ce tan­go ou ces glosas dites par Nés­tor Rodi dévoilent la tristesse du thème.
La musique de De Ange­lis est ryth­mée et tonique et la voix de Flo­re­al Ruiz, est égale­ment bien mar­quée. Je ne sais pas si c’est pour cela qu’il a pris le surnom de Car­los Mar­tel. C’é­tait peut-être aus­si en hom­mage au plus fameux des Car­los du tan­go.

Les paroles

Bajo el cono azul de luz
bai­lan­do está Susú
su dan­za noc­tur­nal…
Sola, en medio del salón
se oprime el corazón
cansa­da de su mal…
Veinte años y un amor,
y luego la traición
de aquel que amó en París…
¡Mari­posa que al quer­er lle­gar al sol
sólo encon­tró
la luz azul de un reflec­tor!…

Bajo el cono azul
envuelta en el tul
gira tu silue­ta en el salón.
Y yo, des­de aquí
como allá, en París,
Sueño igual que ayer, otra ilusión…
No sé si te amé…
Aca­so lloré
cuan­do te ale­jaste con tu amor…
¡Triste recor­dar!
¡Sigue tu dan­zar!…
Yo era sólo un pobre soñador…

Bajo el cono azul de luz
no baila ya Susú
su dan­za noc­tur­nal…
En las som­bras del salón
sol­loza un corazón
su mal sen­ti­men­tal…
Veinte años y un amor,
que en alas de ilusión
la tra­jo de París…
¡Mari­posa que al quer­er lle­gar al sol
sólo encon­tró
la luz de un reflec­tor! …

Alfre­do De Ange­lis Letra: Carme­lo Volpe. La par­tie en italique n’est pas chan­tée par Flo­re­al Ruiz. Il reprend pour ter­min­er le refrain à par­tir de No sé si te amé…

La traduction des paroles

Les paroles sont intéres­santes, mais sujettes à erreurs d’in­ter­pré­ta­tion. J’ai donc décidé de faire une tra­duc­tion en français. Avec la tra­duc­tion automa­tique du site, vous l’au­rez dans une éventuelle autre langue par­mi les 50 pos­si­bles.

Sous le cône de lumière bleu, Susu danse sa danse noc­turne…
Seule au milieu du salon, le cœur oppressé, fatiguée de son mal…
Vingt ans et un amour, et puis la trahi­son de celui qu’elle aimait à Paris…
Papil­lon qui veut attein­dre le soleil ne trou­ve que la lumière bleue d’un pro­jecteur !
(réflecteur, mais pour faire un cône de lumière il vaut mieux un pro­jecteur…)

Sous le cône bleu, envelop­pée de tulle, vire­volte ta sil­hou­ette dans le salon.
Et moi, depuis ici comme là-bas, à Paris, je rêve comme hier, une autre illu­sion…
Je ne sais pas si je t’aimais…
J’ai peut-être pleuré quand tu es par­tie avec ton amour…
Triste sou­venir !
Con­tin­ue de danser ! …
Je n’é­tais qu’un pau­vre rêveur…
 
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse noc­turne…
Dans l’om­bre du salon un cœur san­glote son mal d’amour…
Vingt ans et un amour, que sur les ailes de l’il­lu­sion il l’a amenée de Paris…
Papil­lon qui veut attein­dre le soleil ne ren­con­tre que la lumière d’un pro­jecteur ! …

Autres tangos enregistrés un 29 février

De Ange­lis a enreg­istré le même jour Ya sé que siguen hablan­do avec le chanteur Julio Mar­tel. Le même jour, Flo­re­al ne pou­vait donc pas pren­dre son de Car­los Mar­tel, hein ?

Ya sé que siguen hablan­do 1944-02-29 — Alfre­do De Ange­lis con Julio Mar­tel. Enreg­istré le même jour que Bajo el Cono Azul.
Canaro 1956-02-29 — Florindo Sasone. Une ver­sion curieuse, à la fois pour le thème, enreg­istré pour la pre­mière par Canaro en 1915 (on n’est jamais si bien servi que par soi-même). C’est un mélange d’un des styles de Canaro et de Sasone, assez éton­nant.
Lagri­mas 1956-02-29 Florin­da Sasone. Enreg­istré le même jour, ce tan­go est plus dans l’e­sprit pur Sasone avec les dings si car­ac­téris­tiques qui ponctuent ses inter­pré­ta­tions.
De qué podemos hablar 1956-02-29 — Orques­ta con Argenti­no Ledes­ma. Ledes­ma, une des grandes voix du tan­go. Mais est-ce sa meilleure inter­pré­ta­tion, je ne suis pas sûr.
Mala yer­ba 1956-02-29 () — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rodol­fo Galé. Enreg­istré le même jour que De qué podemos hablar. Cette valse n’est pas la plus entraî­nante, notam­ment à cause de la presta­tion de Galé, qui chante mag­nifique­ment, mais pas for­cé­ment idéale­ment pour la danse.
Sous le cône de lumière bleu, Susu ne danse plus sa danse noc­turne…
Dans l’om­bre du salon un cœur san­glote son mal d’amour…

Aho­ra voy a tomar mate con yer­ba que no sea mala y con yuyos de sier­ras, y a bailar el chamame qué estoy en la provin­cia de Cor­ri­entes. Qué la tris­teza se va.

Et main­tenant, je vais pren­dre un mate avec de la yer­ba qui ne soit pas mau­vaise et des herbes de mon­tagne. Ensuite, je vais danser le chamamé, car je suis dans la province de Cor­ri­entes, pour que la tristesse s’en aille.

El chamamé ya es Pat­ri­mo­nio Cul­tur­al Inma­te­r­i­al de la Humanidad [Le chamame est désor­mais au Pat­ri­moine Immatériel de l’Hu­man­ité (Unesco)]

Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta Aníbal Troilo con Floreal Ruiz

Domin­go Fed­eri­co (Domin­go Ser­afín Fed­eri­co) Letra: Home­ro Aldo Expósi­to

Le , Yuyo verde, a été enreg­istré le 28 févri­er 1945 par Aníbal Troi­lo et Flo­re­al Ruiz. C’est encore un mag­nifique thème écrit par l’équipe Fed­eri­co et Expósi­to, les auteurs de Per­cal. Le yuyo verde est une herbe verte qui peut être soit une mau­vaise herbe, soit une herbe médic­i­nale. Je vous laisse forg­er votre inter­pré­ta­tion à la lec­ture de cet arti­cle.

Extrait musical

Yuyo verde 1945-02-28 Orques­ta Aníbal Troi­lo con Flo­re­al Ruiz

Les paroles

Calle­jón… calle­jón…
lejano… lejano…
íbamos per­di­dos de la mano
bajo un cielo de ver­a­no
soñan­do en vano…
Un farol… un portón…
-igual que en un tan­go-
y los dos per­di­dos de la mano
bajo el cielo de ver­a­no
que par­tió…

Déjame que llore cruda­mente
con el llan­to viejo adiós…
adonde el calle­jón se pierde
brotó ese yuyo verde
del perdón…
Déjame que llore y te recuerde
-tren­zas que me anudan al portón-
De tu país ya no se vuelve
ni con el yuyo verde
del perdón…

¿Dónde estás?… ¿Dónde estás?…
¿Adónde te has ido?…
¿Dónde están las plumas de mi nido,
la emo­ción de haber vivi­do
y aquel car­iño?…
Un farol… un portón…
-igual que un tan­go-
y este llan­to mío entre mis manos
y ese cielo de ver­a­no
que par­tió…

Domin­go Fed­eri­co Letra: Home­ro Expósi­to

Traduction

Ruelle… ruelle…
loin­taine… loin­taine…
Nous étions per­dus main dans la main sous un ciel d’été rêvant en vain…
Un lam­padaire… un por­tail (une porte cochère)…
-Comme dans un tan­go-

et les deux, per­dus, main dans la main sous le ciel d’été qui s’en est allé…

Laisse-moi pleur­er mon soûl avec les larmes d’un vieil adieu…
Là où la ruelle se perd, cette herbe verte du par­don a ger­mé…
Laisse-moi pleur­er et me sou­venir de toi

-tress­es qui m’at­tachent à la porte-
De ton pays, on ne revient pas, pas même avec l’herbe verte du par­don…

Où es-tu ?… Où es-tu ?…
Où es-tu allée ?…
Où sont les plumes de mon nid, l’é­mo­tion d’avoir vécu une telle affec­tion ?…
Un lam­padaire… un por­tail…
-tout comme un tan­go-
et ces pleurs qui sont miens entre mes mains et ce ciel d’été qui s’en est allé…

Autres versions

Ce tan­go, mag­nifique a don­né lieu à des cen­taines de ver­sions.

Yuyo verde 1944-09-12 — Orques­ta Domin­go Fed­eri­co con . La ver­sion orig­i­nale par l’au­teur de la musique. C’est une jolie ver­sion.
Yuyo verde (Calle­jón) 1945-01-24 — Orques­ta con Jorge Ortiz. Un bia­gi typ­ique, bien énergique. À not­er le sous-titre, Calle­jón, la ruelle, qui com­mence les paroles en étant chan­tée deux fois.
Yuyo verde 1945-01-25 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Alber­to Morán. Une inter­pré­ta­tion de Morán un peu lar­moy­ante. Rien à voir avec la ver­sion enreg­istrée la veille par Bia­gi et Ortiz. La mer­veilleuse diver­sité des orchestres de l’âge d’or du tan­go.
Yuyo verde 1945-02-28 Orques­ta Aníbal Troi­lo con Flo­re­al Ruiz. C’est du jour. Pour moi, c’est un des meilleurs équili­bres entre dans­abil­ité et sen­si­bil­ité.
Yuyo verde 1945-05-08 — Tania y su Orques­ta Típi­ca dir. Miguel Nijen­son. Si l’ de Troi­lo et Morán fai­sait un peu chan­son, cette inter­pré­ta­tion par Tania est claire­ment une chan­son. L’indi­ca­tion que c’est Tania et son orchestre, dirigé par Miguel Mijen­son con­firme que l’in­ten­tion de Tania était bien d’en faire une chan­son.

Avec ces cinq ver­sions, on a donc une vision intéres­sante du poten­tiel de ce titre. En 1958, Fed­eri­co a enreg­istré de nou­veau ce titre, avec son et les chanteurs Rubén Maciel et Rubén Sánchez. Je vous fais grâce de cette ver­sion kitch.
Comme il est l’au­teur de la musique, je cit­erai aus­si son enreg­istrement réal­isé à Rosario avec la Orques­ta Juve­nil De La Uni­ver­si­dad Nacional De Rosario con . J’ai déjà évo­qué ce chanteur et cet orchestre à pro­pos de Per­cal dont Fed­eri­co est égale­ment l’au­teur.
Il y a des cen­taines d’in­ter­pré­ta­tions par la suite, mais rel­a­tive­ment peu pour la danse. Les aspects chan­son ou musique clas­sique ont plutôt été les sources d’in­spi­ra­tion.
Pour ter­min­er cet arti­cle sur une note sym­pa­thique, une ver­sion en vidéo par un orchestre qui a cher­ché son style pro­pre, la Román­ti­ca Milonguera. Ici avec Rober­to Minon­di. Un enreg­istrement effec­tué en Uruguay, un des trois pays du tan­go ; en mars 2019.

Yuyo verde 2019-03 — Orques­ta con Rober­to Minon­di.

Clin d’œil

Un cuar­te­to organ­isé autour du gui­tariste Diego Tros­man et du bandéon­iste Fer­nan­do Magu­na avait pris le nom de Yuyo Verde en 2003. Ce cuar­te­to avait d’ailleurs par­ticipé en 2004 au fes­ti­val que j’or­gan­i­sais alors à Saint-Geniez d’Olt (Avey­ron, France). Ils nous avaient fait par­venir une maque­tte dont je tire cette superbe inter­pré­ta­tion de la milon­ga La Tram­pera. Ce n’est pas Yuyo Verde, mais c’est une com­po­si­tion d’Ani­bal Troi­lo, on reste dans le thème du jour.

La tram­pera 2004 — Yuyo Verde (Maque­tte)

Deux des affich­es que j’avais réal­isées pour mon fes­ti­val de tan­go. Le site inter­net était hébergé par mon site per­so de l’époque (byc.ch) et sur l’af­fiche de droite, les plus obser­va­teurs pour­ront remar­quer mon logo de l’époque. C’é­tait il y a 20 ans…

Petite , ce fes­ti­val de tan­go qui existe tou­jours, avec d’autres organ­isa­teurs, avait au départ une par­tie sal­sa, car mon coor­gan­isa­teur croy­ait plutôt en cette danse. C’est la rai­son pour laque­lle j’avais don­né le nom de Tan­go lati­no (), pour faire appa­raître ces deux facettes. La milon­ga du same­di soir était ani­mée par Yuyo Verde et Corine d’Alès, une pio­nnière du DJing de tan­go que je salue ici…