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Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri

A. Riobal () ; Trío Los Halcones ( Losavio ; Héctor Serrao ; Rodolfo Genaro Serrao)

¡Feliz año nuevo! Il est minuit à , c’est l’année nouvelle qui commence. Les fusées de feu d’artifice pétaradent et illuminent le ciel de Buenos Aires. Ici, pas de majestueux feux d’artifice élaborés par des artificiers professionnels. Ce sont les Argentins qui se chargent du spectacle en fonction de leurs moyens financiers et de leurs capacités. Notre musique du jour n’est pas un tango, mais est chantée par un de ses chanteurs, Alberto Castillo, qui en est également un des auteurs.

Riobal y los Halcones

Quelques mots sur les auteurs de ce titre.

Riobal

Riobal, alias Alberto Castillo, alias…, alias…, alias…, alias…

Riobal est un des pseudonymes de Alberto Castillo, ou plutôt de Alberto Salvador De Lucca, puisque que Castillo est également un destiné à faire plus espagnol, ce qui était courant pour les chanteurs de tango.
Les orchestres avaient besoin d’un chanteur italien et d’un chanteur espagnol pour satisfaire les deux principales communautés portègnes. Peu importe qu’ils soient réellement originaires de ces pays. D’ailleurs ses premiers pseudonymes ont été Alberto Dual et Carlos Duval
Cette foison de pseudonymes était également destinée à tromper la vigilance paternelle.
Pour son père, il était étudiant en médecine et, effectivement, il devait être médecin gynécologue.
Un jour, en écoutant son fils à la radio, il s’exclama, « il chante très bien, il a une voix semblable à celle de Albertito », et pour cause…
Cependant, a pris le dessus et Alberto a rejoint l’orchestre d’un dentiste, celui de Ricardo Tanturi, avant de terminer sa dernière année… Il n’était donc pas à proprement parler gynécologue, comme on le lit en général dans ses biographies.

Trío Los Halcones

Ce trio a chanté avec , mais leur spécialité était plutôt le boléro et autres musiques traditionnelles ou folkloriques. Ils ont collaboré avec Castillo pour l’écriture de la musique et des paroles de ce titre. Il ne semble pas y avoir d’enregistrement de Año nuevo par ce trio.

Trío Los Halcones.

Extrait musical

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri.
Partition de saxophone ténor de Año nuevo.

Ángel Condercuri ou  ?

Año nuevo a été enregistré le 31 janvier 1956. Je n’ai pas respecté le choix d’un thème enregistré le jour de l’anecdote, pour vous proposer un air gai et de circonstance. Nous sommes donc en 1956 et Alberto Castillo a son orchestre dirigé par un chef. Selon les sources, il y a un doute sur le chef qui tenait la baguette le jour de l’enregistrement.

  • Gabriel Valiente dans son Enciclopedia del Tango indique que l’orchestre de Castillo est dirigé par Ángel Condercuri de 1951 à 1954 puis de nouveau à partir de 1959 et par Jorge Dragone de 1955 à 1958. Ce travail est une somme, mais il y a de nombreuses imprécisions et un certain nombre d’erreurs. C’est une bonne source, mais qui demande à être vérifiée.
  • Tango.info indique que Condercuri dirige l’orchestre de Castillo pour l’enregistrement de Año nuevo. https://tango.info/fra/track/T0370371359
  • Todo Tango, qui est le site de référence incontournable propose une entrevue avec Jorge Dragone dans laquelle celui-ci indique qu’il était dans l’orchestre de Condercuri à cette époque. https://www.todotango.com/historias/cronica/238/Dragone-Un-eterno-viajero/ Par conséquent, s’il est le pianiste de l’orchestre, il n’en est pas le directeur. En 1957, donc l’année suivante, il indique avoir son propre orchestre en alternance pour lequel il recourt à la voix de . Même s’il est envisageable que, pour une séance d’enregistrement particulière, Condercuri ait laissé la direction à son pianiste, cela mériterait d’être documenté.
  • Tango-DJ.AT, qui est en général bien renseigné et qui corrige les erreurs quand on les signale, ce qui n’est pas le cas de tous (référence à d’autres sites qui ne prennent même pas la peine de vérifier, ou qui te disent que c’est ainsi et qui corrigent ensuite, en douce…), indique que c’est Condercuri.
    https://tango-dj.at/database/index.htm
    https://tango-dj.at/database/index.htm?titlesearch=ano+nuevo&genresearch=marcha (pour ceux qui sont abonnés).

La solution serait d’avoir le catalogue ou le disque d’origine, malheureusement, je n’ai pas trouvé le catalogue de Odeón correspondant et les CD ne sont pas précis sur la question (soit ils n’indiquent rien, soit ils mettent les deux noms, sans préciser à quels titres, cela se rapporte). Quant aux disques d’origine, ils indiquent juste Alberto Castillo y su Orquesta.
Bernhard Gehberger, le créateur du site , confirme avec les mêmes arguments. Il m’a même rappelé que certains enregistrements étaient donnés avec Raúl Bianchi à la direction. Cependant, cela ne semble concerner que la période 1953-1955. En 1956, Bianchi était à Rosario. On notera toutefois, que Bianchi était pianiste, comme Dragone. Serait-ce une habitude chez Condercuri de laisser ses pianistes diriger ?
En attendant d’en savoir plus, je conserve Ángel Condercuri comme Directeur de l’orchestre de Castillo pour cet enregistrement.

Paroles

Il y a différentes variantes, mais qui ne changent pas le sens. Vous aurez la version du film en fin d’article avec les paroles en sous-titrage.

Año nuevo
Vida nueva
Más alegres los días serán
Año nuevo
Vida nueva
Con salud y con prosperidad

Entre pitos y matracas entre música y sonrisa
El reloj ya nos avisa que ha llegado un año más,
Las mujeres y los hombres, un besito nos daremos
Entre todos cantaremos, llenos de felicidad
Vamos todos a cantar

Año nuevo
Vida nueva
Nuestras penas dejemos atrás
Año nuevo
Vida nueva
Con salud y con prosperidad

Año nuevo
Vida nueva
Mas alegre los días serán
Sin problema, sin tristeza
Y un feliz año nuevo vendrá…

Entre pitos y matracas entre música y sonrisa
El reloj ya nos avisa que ha llegado un año más
Las mujeres y los hombres, un besito nos daremos
Entre todos cantaremos, llenos de felicidad
Vamos todos a cantar

Año nuevo
Vida nueva
Más alegres los días serán
Año nuevo
Vida nueva
Con salud y con prosperidad

Año nuevo
Vida nueva
Nuestras penas dejemos atrás
Sin problema, sin tristeza
Y un feliz año nuevo vendrá
Y un feliz año nuevo vendrá
Y un feliz año nuevo vendrá
Y un feliz año nuevo vendrá…

A. Riobal (Alberto Castillo) ; Trío Los Halcones (Alberto Losavio; Héctor Serrao; Rodolfo Genaro Serrao)

Traduction libre des paroles

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus heureux
Nouvel An
Nouvelle vie
Avec la santé et la prospérité

Entre sifflets et crécelles
Entre musique et sourire
L’horloge nous avertit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un baiser nous nous donnerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bonheur
Nous allons tous chanter

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus heureux
Nouvel An
Nouvelle vie
Avec la santé et la prospérité

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus joyeux
Sans problème et sans tristesse
Et un Nouvel An heureux viendra

Entre sifflets et crécelles
Entre musique et sourire
L’horloge nous avertit déjà qu’est arrivée une année de plus
Les femmes et les hommes, un baiser nous nous donnerons
Entre tous, nous chanterons, pleins de bonheur
Nous allons tous chanter

Pito y matraca (sifflet et crécelle)

Nouvel An
Nouvelle vie
Les jours seront plus heureux
Nouvel An
Nouvelle vie
Avec la santé et la prospérité

Nouvel An
Nouvelle vie
Nous laisserons nos peines derrière
Sans problème et sans tristesse
Et un Nouvel An heureux viendra
Et un Nouvel An heureux viendra
Et un Nouvel An heureux viendra
Et un Nouvel An heureux viendra…

Autres versions

Año nuevo 1956-01-31 (Marcha) – Alberto Castillo y su Orquesta Típica dir. por Ángel Condercuri. C’est notre thème du jour.
Año Nuevo 1965 – Billo’s Caracas Boys. C’est la version qui est sans doute la plus connue, elle est jouée pour le Nouvel An dans la plupart des pays d’Amérique du Sud et pas seulement au Vénézuéla, leur pays.

Pour terminer en vidéo, je vous propose de voir et écouter Alberto Castillo dans le film « Música, alegría y amor » dirigé par Enrique Carreras.
La scène a été enregistrée en 1955, cependant, le film sortira après le disque, le 9 mai 1956.
J’ai indiqué les paroles pour vous permettre de suivre…

Año nuevo dans le film Música, alegría y amor. Dans cet extrait, en plus de Alberto Castillo, on remarque Beatriz Taibo, Ubaldo Martínez et Tito Gómez. Il y a aussi une courte apparition de Leonor Rinaldi et Francisco Álvarez, les personnes âgées.

Alberto Castillo, qui tient le rôle principal (Alberto Morán) est un jeune homme bohème qui rêve de devenir peintre, mais qui finalement aura du comme chanteur (Raúl Manrupe & María Alejandra Portela – Un Diccionario de Films Argentinos 1995, page 401). Ce film contient beaucoup de chansons par Castillo, dont notre titre du jour.

L’intrigue du film serait tirée de Loute, une comédie française (vaudeville) en quatre actes de Pierre Veber dont l’intrigue tourne autour de Dupont, un homme qui mène une vie de débauche sous l’influence de son « ami » Castillon. Dupont décide de se marier avec Renée, une jeune femme de bonne famille, mais il est rapidement rattrapé par son passé tumultueux. Loute, une ancienne maîtresse de Dupont, réapparaît et cause des complications. Les malentendus et les quiproquos s’enchaînent, notamment avec l’arrivée de Francolin, un cousin de Dupont, qui cherche à se venger de lui. Finalement, après de nombreux rebondissements, les personnages tentent de se réconcilier et de trouver un équilibre entre leurs vies passées et présentes. Le lien entre la pièce et le film réalisé par Enrique Carreras sur un scénario de Enrique Santés Morello me semble un peu distendu, d’autant plus que la pièce a eu son heure de gloire plus de 50 ans avant la réalisation du film. Cela témoigne tout de même de la francophilie qui était encore vive à l’époque.
Disons que la base du synopsis a été de faire une comédie musicale pour mettre en avant Alberto Castillo

L’affiche du film réalisée par le caricaturiste argentin Narciso González Bayón. On y reconnaît Alberto Castillo et Amelita Vargas. À la table, de gauche à droite, Francisco Álvarez, Leonor Rinaldi, Gerardo Chiarella et Ubaldo Martinez. La taille démesurée de Castillo montre bien que c’était lui la vedette du film…

Voilà de quoi bien débuter l’année, en chanson.

De camino al 2025

Je souhaite une merveilleuse année,
la santé et le bonheur,
à tous les humains de la Terre,
tous.

Una vez 1946-11-08 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán

Osvaldo Pugliese Letra :

Nous avons vu le 9 août un tango du même titre Una vez interprété par la Orquesta Típica Victor dirigée par Mario Maurano avec le chant de . La version du jour est celle composée par Osvaldo Pugliese et n’a donc rien à voir avec celle de Carlos Marcucci. Je vous propose d’en savoir un peu plus sur cette œuvre romantique et magnifique.

Extrait musical

Una vez 1946-11-08 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Morán (Osvaldo Pugliese Letra : Cátulo Castillo).
Partition de Una vez de Osvaldo Pugliese et Cátulo Castillo. Alfredo Gobbi est en photo avec son violon en haut à gauche et en bas à droite, le sourire de Mariano Mores.

Un premier appel est lancé par les bandonéons, qui est repris par les cordes et le piano. Rapidement, les cordes passent en pizzicati et Morán lance sa voix charmeuse et caressante. On retrouve donc un peu le principe de la version de Marcucci avec la voix en contrepoint avec les cordes. L’harmonie est cependant plus travaillée, avec un enchevêtrement des parties plus complexe. Le soliste laisse parfois la place aux instruments qui donnent le motif avec leur voix propre. On notera que Morán chante durant toute la durée du morceau, ce qui n’était pas si courant à l’époque pour les tangos de danse. On pourrait en déduire qu’il était plus conçu pour l’écoute, mais aujourd’hui, les danseurs sont tellement habitués à ce type de composition qu’ils seraient bien frustrés si le DJ se les interdisait.

Paroles

Una vez fue su amor que llamó
y sobre el abismo rodó,
la que amé más que a mí mismo fue.
Luz de su mirada, siempre, siempre helada.
Sabor de sinsabor, mi amor,
amor que no era nada.
Pequeñez de su burla mordaz,
una vez, sólo en la vida, una vez.

Pudo llamarse Renée
o acaso fuera Manón,
ya no me importa quien fue,
Manón o Renée, si la olvidé…
Muchas llegaron a mí,
pero pasaron igual,
un mal querer me hizo así,
gané en el perder, ya no creí.

Luz lejana y mansa
que ya no me alcanza.
Mi voz gritó ayer,
hoy, amor, sin esperanza.
Una vez, fue su espina tenaz
una vez, sólo en la vida, una vez.
Osvaldo Pugliese Letra : Cátulo Castillo

libre

Une fois, c’était son amour qui m’appelait puis vagabondait au-dessus de l’abîme, celle que j’aimais plus que moi-même.
La lumière de son regard, toujours, toujours glaciale.
Le goût sans goût, mon amour, amour qui n’était rien.
La petitesse de sa moquerie mordante, une fois, seulement dans la vie, une fois.
Elle aurait pu s’appeler Renée ou peut-être que c’était Manón, je m’en moque de qui c’était, Manón ou Renée, si je l’ai oubliée…
Beaucoup sont venues à moi, mais elles sont passés également, un mauvais amour m’a fait comme ça, j’ai gagné en perdant, je n’y croyais plus.
Lumière lointaine et douce qui ne m’atteint plus.
Ma voix a crié hier, aujourd’hui, amour, sans espoir.
Une fois, ce fut son aiguillon tenace une fois, seulement dans la vie, une fois.

Autres versions

Contrairement à la version de Carlos Marcucci, il y a divers enregistrements de ce titre composé par Pugliese avec des paroles de Castillo.

Una vez 1945 – Orquesta Edgardo Donato con Osvaldo Morel.

Un an avant Pugliese, Donato propose son . Si on retrouve la puissance de la composition de l’antimufa, la voix de Morel a un peu de mal à convaincre, malgré son prénom d’Osvaldo. Le résultat n’est pas vilain, mais à mon avis, ce n’est pas trop pertinent pour Donato d’avoir voulu mettre à son répertoire, ce titre qui s’éloigne trop de son style, style qu’il cherchait à moderniser pour rattraper l’évolution.

Una vez 1946-10-31 – Orquesta con Pedro Dátila.

Précédant de peu la version enregistrée par Pugliese, celle de Maderna avec Pedro Dátila est intéressante. Le piano de Maderna est plus décoratif que celui de Pugliese et la voix de Pedro Dátila est expressive, sans doute autant que celle de Alberto Morán, si on peut préférer ce dernier, c’est peut-être aussi, car sa voix nous est plus familière. Même si on préfère la version de Pugliese, celle de Maderna est tout à fait dansante, voire plus que celle de l’auteur de la musique.

Una vez 1946-11-08 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán. C’est notre .
Una vez 1964 – Orquesta con Luis Roca.

Salamanca n’a pas la réputation de faire de la musique pour la danse et cet enregistrement ne contredira pas ce fait. Cela n’interdit pas d’aimer cette version et de détester le DJ qui vous la proposerait en bal 😉

Una vez 1968-05-31 – Alberto Morán accompagné par una Orquesta dirigée par .

Si Cupo a fait quelques enregistrements intéressants et que le chanteur, Morán, est le même que dans la version de Pugliese (24 ans plus tard), il est difficile de s’enthousiasmer pour cette version.

Photos

Le fait que ce soit Mores et Gobbi sur la partition m’a donné l’idée de vous proposer des photos de Pugliese et de Castillo.

Pugliese, Pugliese, Pugliese, lancé par les artistes et techniciens du spectacle pour conjurer le mauvais sort. Pugliese, antimufa…
Castillo, Castillo, Castillo, mais là, cela n’a aucun effet antimufa (anti-poisse).

Una vez 1943-08-09 – Orquesta Típica Victor dir. Mario Maurano con Ortega Del Cerro

Carlos Marcucci Letra: Lito Bayardo

Même si le titre de notre tango du jour est Una vez (Une fois), il peut y avoir deux fois le même titre pour des tangos des années 40. La version du jour est celle de la Típica Victor beaucoup moins connue que celle composée par Pugliese un peu plus tard, mais qui est également un succès des milongas, sans doute un peu plus traditionnelles.
Ne vous inquiétez-pas, je vous propose les deux à l’écoute…

Carlos Marcucci 30/10/1903 – 31/05/1957

Carlos Marcucci, le compositeur de notre tango du jour, et son bandonéon ont traversé tout l’âge d’or du tango et l’Atlantique, Canaro l’ayant enjoint de venir travailler dans son orchestre en France.
On lui doit d’autres compositions comme Mi Dolor ce sublime tango enregistré par quasiment tous les orchestres, Esta noche qui aussi un succès d’ et Aquí me pongo a cantar, la milonga phare de l’orchestre de .
Il est l’oncle de Alfredo Marcucci (14/09/1929 – 12/06/2010), à qui il a passé sa passion pour l’instrument. Alfredo raconte que quand il allait voir son oncle et qu’il n’entendait pas le bandonéon, c’est qu’il était absent.

AlfredoMarcucci (à gauche) et son oncle Carlos Marcucci. Deux des fameux bandonéonistes du vingtième siècle.

Comme son oncle, Alfredo est passé par les grands orchestres de son époque, comme le dernier de Di Sarli, mais aussi par des orchestres plus contemporains comme la .

Bandonéon de Alfredo Marcucci. C’est un fabriqué vers 1929 à Carlsfeld, en Allemagne.

À sa mort, le bandonéon d’Alfredo Marcucci a été offert par l’Argentine au Musée des instruments de Musique (MIM) de Bruxelles, en Belgique, le pays où on dit tout le temps « Une fois » (Una vez).

Extrait musical

Una vez 1943-08-09 – Orquesta Típica Victor dir. con .

Les orchestres Víctor sont des orchestres conçus pour enregistrer des disques de danse. Cela s’entend dès les premières notes où le rythme est bien marqué. Cependant, Marcucci propose un motif très original, à partir de 30 secondes, qui consiste en une phrase à l’accordéon à laquelle répond le piano. Cela peut ravir les en les incitant à sortir de la marche pour improviser sur les temps de réponse du piano en contraste avec le bandonéon. Si on rajoute les tutti de l’orchestre, les danseurs ont au moins trois univers différents à explorer avant le début du chant.
Le chant, c’est Ortega Del Cerro, qui reprend la structure de la première partie en assumant la partie des bandonéons et les cordes reprennent les réponses du piano legato ou en pizzicati selon les moments. C’est vraiment du bel ouvrage.

Paroles

Morir en los rayos de sol
La niebla de un día sin luz.
Y luego en la tarde serena
Congelo mi angustia y mi pena.

Soñaba aquella tarde
Sentíame feliz con tu regreso.
Y al verte de nuevo ante mí
Cantaba en mis sueños así:
Una vez, sólo te vi una vez
Y te amé, sólo bastó una vez.
Hoy no sé si me faltará tu cariño
¡Ay de mí, que estoy solo sin ti!

Sólo tú me sabes comprender
Siempre tú, para poder vencer.
Nunca más, yo te lo juro vida mía
Nunca más podré vivir sin ti.
Carlos Marcucci Letra: Lito Bayardo

Traduction libre

Mourir dans les rayons du soleil
Le brouillard d’une journée sans lumière.
Et puis dans l’après-midi serein, mon angoisse et mon chagrin ont gelé.
J’ai rêvé cet après-midi de tes baisers, je me sentais heureux avec ton retour.
Et à te revoir en face de moi, je chantais dans mes rêves ainsi :
Une fois, je ne t’ai vue qu’une fois, et je t’ai aimée.
Une seule fois a suffi.
Aujourd’hui, je ne sais pas si ton amour va me manquer, pauvre de moi, que je suis seul sans toi !
Seulement toi sais me comprendre, toujours toi, pour pouvoir vaincre.
Plus jamais, je te le jure, ma vie, plus jamais, je ne pourrai vivre sans toi.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enregistrement de cette composition de Carlos Marcucci, je vous propose une version quasi contemporaine d’un tango du même titre composé par .

Una vez 1943-08-09 – Orquesta Típica Victor dir. Mario Maurano con Ortega Del Cerro. C’est notre tango du jour.
Una vez 1946-11-08 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán (Osvaldo Pugliese Letra : ).

Un premier appel est lancé par les bandonéons, qui est repris par les cordes et le piano. Rapidement, les cordes passent en pizzicati et Morán lance sa voix charmeuse et caressante. On retrouve donc un peu le principe de la version de Marcucci avec la voix en contrepoint avec les cordes. L’harmonie est cependant plus complexe, avec un enchevêtrement des parties plus complexe. Le soliste laisse parfois la place aux instruments qui donnent le motif avec leur voix propre. On notera que Morán chante durant toute la durée du morceau, ce qui n’était pas si courant à l’époque pour les tangos de danse. On pourrait en déduire qu’il était plus conçu pour l’écoute, mais aujourd’hui, les danseurs sont tellement habitués à ce type de composition qu’ils seraient bien frustrés si le DJ se les interdisait.

Il y a de nombreuses autres versions de la composition de Pugliese. Je vous propose d’en parler le 8 novembre, jour anniversaire de l’enregistrement par Pugliese.
Nous avons écouté deux tangos réunis sous un même titre, exprimant un sentiment romantique puissant, et qui se révèlent tous deux de belles pièces pour la danse. Alors, vous croiserez sans doute une fois, deux fois ou bien plus, ces chefs-d’œuvre dans votre vie de danseur.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. À demain, les amis !

Pasional 1951-07-31 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán

Jorge Caldara Letra : Mario Soto

Tous les danseurs n’apprécient pas ce type de musique de Pugliese et d’autres adorent. Ce qui est sûr est que Jorge Caldara a une fois de plus montré ses talents de compositeur et que les paroles de Mario Soto sont d’une puissance extrême. Il fallait bien ça pour le titre ambitieux de ce tango, Pasional (passionné). Je vous présenterai en fin d’anecdote qui a inspiré ce merveilleux texte d’amour.

Autour du piano de Pugliese que l’on reconnaît, au centre, l’équipe de Pugliese.

De gauche à droite, Emilio Balcarcé (violoniste), Alberto Morán (le chanteur de notre tango du jour), Mario Soto (locuteur et l’auteur des paroles du tango du jour), Osvaldo Pugliese (pianiste et « chef »), Osvaldo Ruggiero (bandonéoniste), Oscar Herrero (violoniste) et enfin Jorge Caldara (bandonéoniste et compositeur du tango du jour).

Extrait musical

Pasional, Jorge Caldara Letra : Mario Soto.

À gauche, le disque de notre tango du jour. Au centre la partition éditée par Julio Korn, avec la dédicace au Docteur O. Nusdeo qui était chirurgien à l’hôpital Rawson de Buenos Aires. À droite, la couverture de la partition avec Osvaldo Pugliese, puis celle avec , la chanteuse japonaise qui avait incité Jorge Caldara à aller au Japon.

Pasional 1951-07-31 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán.

Paroles

No sabrás… nunca sabrás
lo que es morir mil veces de ansiedad.
No podrás… nunca entender
lo que es amar y enloquecer.
Tus labios que queman… tus besos que embriagan
y que torturan mi razón.
Sed… que me hace arder
y que me enciende el pecho de pasión.

Estás clavada en mí… te siento en el latir
abrasador de mis sienes.
Te adoro cuando estás… y te amo mucho más
cuando estás lejos de mí.

Así te quiero dulce vida de mi vida.
Así te siento… solo mía… siempre mía.

Tengo miedo de perderte…
de pensar que no he de verte.
¿Por qué esa duda brutal?
¿Por qué me habré de sangrar
sí en cada beso te siento desmayar?
Sin embargo me atormento
porque en la sangre te llevo.
Y en cada instante… y amante
quiero tus labios besar.

¿Qué tendrás en tu mirar
que cuando a mí tus ojos levantás
siento arder en mi interior
una voraz llama de amor?
Tus manos desatan… que me atan
a tus encantos de mujer.
Sé que
podré arrancar del pecho este querer.

Te quiero siempre así… estás clavada en mí
como una daga en la carne.
Y ardiente y pasional… temblando de ansiedad
quiero en tus brazos morir.

Jorge Caldara Letra: Mario Soto

Traduction libre

Tu ne sauras pas… Tu ne sauras jamais ce que c’est que de mourir mille fois d’anxiété.
Tu ne pourras pas… jamais, comprendre ce que c’est que d’aimer et de devenir fou.
Tes lèvres qui brûlent… tes baisers qui enivrent et qui torturent ma raison.
Soif… qui me brûle et qui enflamme ma poitrine de passion.
Tu es cloué en moi… Je te sens dans le battement brûlant de mes tempes.
Je t’adore quand tu es là… Et je t’aime tellement plus quand tu es loin de moi.
Alors je t’aime, douce vie de ma vie.
Ainsi je te sens… seulement mienne… toujours mienne.
J’ai peur de te perdre…
de penser que je ne te verrai pas.
Pourquoi ce doute brutal ?
Pourquoi devrais-je saigner si dans chaque baiser je te sens défaillir ?
Cependant, je me tourmente parce que je te porte dans mon sang.
Et à chaque instant… fiévreux et aimant, je veux embrasser tes lèvres.
Qu’as-tu dans ton regard pour que, lorsque tu lèves les yeux sur moi, je sente brûler en moi une flamme vorace d’amour ?
Tes mains délient… caresses qui me lient à tes charmes de femme.
Je sais que jamais plus je pourrai arracher cet amour de ma poitrine.
Je t’aime toujours ainsi… Tu es fichée en moi comme un poignard dans la chair.
Et ardent et passionné… tremblant d’angoisse, je veux dans tes bras, mourir.

Autres versions

Ce titre a eu un immense succès et dès sa création en 1951, de nombreux orchestres l’ont mis à leur répertoire. En voici quelques exemples.

Des disques de Pasional, de Calo, Pugliese 1951, De Angelis, Pugliese 52, Caldara 1966 en faux 45 tours (petite taille, mais 33 tours) et une réédition du même enregistrement chez Music Hall, en disque LP 33 tours, où Pasional est le premier titre de la face A.
Pasional 1951-05-23 – Orquesta con Juan Carlos Fabri.

Le plus ancien enregistrement. Il nous fait découvrir un Caló moins courant, tout d’abord par le chanteur, Juan Carlos Fabri, mais aussi par l’interprétation, une concession marquée de Caló aux nouvelles orientations du tango. Il fut sans doute subjugué par la composition de Caldara au point de sortir de sa zone de confort. Je me demande pourquoi il a enregistré avant Pugliese qui avait sous la main, l’auteur des paroles, le compositeur et les musiciens. J’imagine qu’il devait encore être en prison. Le problème de vivre entre deux continents est que j’ai une partie de ma bibliothèque des deux côtés et pas la partie qui concerne les déboires politiques de Pugliese de ce côté…

Pasional 1951-07-31 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán. C’est notre tango du jour.

Les deux auteurs, Jorge Caldara et Mario Soto sont de l’équipe de Pugliese. Caldara est bandonéoniste, compositeur et arrangeur et Mario Soto est présentateur. En effet, les orchestres de l’époque se faisaient présenter au public. On entend cela dans quelques enregistrements où cette présentation a été conservée. Je ne fais pas partie des DJ qui mettent volontiers ce type de tango, mais si je sais qu’il y a des fans dans le salon de danse, je peux le proposer.

Pasional 1951-10-08 – Mario Demarco y su Orquesta Típica con Raúl Quiroz.

Une version pour écouter au salon, de la maison, pas de bal. Mario Demarco fut l’un des bandonéonistes de Pugliese au départ de Jorge Caldara. Il faut noter qu’il a enregistré ce titre quatre ans avant d’intégrer l’orchestre de Pugliese. Il était proche de son collègue, Caldara.

Pasional 1951-11-03 –  con Oscar Larroca.

Oscar Larroca est sans doute un excellent choix pour des paroles aussi romantiques. Si De Angelis évite la guimauve qui pourrait produire ce titre, on peut penser qu’il est tombé dans l’excès inverse en étant un peu trop tonique pour le thème. Cela facilitera le travail des danseurs, on ne va bouder.

Pasional 1952-11-24 – Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán.
Pasional 1952 – Orquesta Típica Tokio con Ranko Fujisawa.

On retrouve Pugliese et Morán, je vous laisse mesurer l’évolution entre les deux interprétations. Jorge Caldara est toujours dans l’orchestre, mais Mario Soto était parti Il n’est pas étonnant de trouver ce titre au répertoire de Ranko Fujisawa et de l’orchestre dirigé par son mari. En effet, Ranko est celle qui a insisté très fortement et avec constance pour que Jorge Caldara aille au Japon. Elle appréciait beaucoup ce jeune bandonéoniste et compositeur.

Pasional 1954-11 – Tucho Pavón con acomp. de .

Avec ce titre, il est difficile de dire ce qui est de danse et pour l’écoute, là, c’est clair, ce n’est pas pour la danse. Enfin, je crois (humour ; -)

Pasional 1954 – Ranko Fujisawa con guitarras.

Ce second enregistrement par Ranko prouve qu’elle était vraiment intéressée par les qualités musicales de Caldara.

Pasional 1955-11-08 – Alberto Morán con acomp. de Orquesta dir. .

Troisième enregistrement du thème par Morán.

Pasional 1956-06-13 – Aida Denis.

Aida Denis donne du sentiment. C’est intéressant à écouter.

Pasional 1964 – Orquesta Jorge Caldara con Rodolfo Lesica.

Rodolfo Lesica nous propose une version expressive, mais qui se combine bien avec l’orchestre du compositeur, Jorge Caldara. Pas pour la danse, mais il est intéressant de voir comment Caldara met en œuvre sa création.

Pasional 1980c – Jorge Falcón acomp. de Orquesta.

Une proposition plus légère, après celle de Caldara, on vire presque à la variété.

Pasional 2010 – Francis Andreu.

Cette version simple, accompagnée à la guitare proposée par l’Uruguayenne Francis Andreu, est une belle réalisation.

Pasional 2010c – Caio Rodriguez acomp. et Javier Tucat Moreno (piano).

Les musiciens du se mettent au service de la voix de Caio Rodriguez. Une production atypique, tirant vers la musique classique, mais c’est également une évolution du tango à prendre en compte.

Pasional 2014-10-27 – Marcelo Boccanera.

Une version assez poétique, pas prévue pour la danse, mais qui s’écoute avec plaisir.

Pasional 2024-01-14 – Silvia Lujan.

Un enregistrement tout récent qui montre que l’œuvre continue de susciter de l’intérêt.

Naissance d’un chef-d’œuvre

Jorge Caldara et Mario Soto travaillaient pour l’orchestre de Pugliese. Jorge Caldara comme bandonéoniste, arrangeur et compositeur (voir mon anecdote sur Patético où je dévoile un peu son rôle de moteur d’innovation dans l’orchestre de Pugliese) et Mario Soto comme présentateur et même un peu plus si on le croit quand il dit qu’il faisait également le programme de l’orchestre.
Dans l’édition du 9 janvier 1994 du journal HOY (aujourd’hui) de La Plata (Capitale de la Province de Buenos Aires, située au sud-est de la capitale fédérale) Mario Soto raconte dans une interview au journaliste Acquaforte comment est né Pasional.
« J’ai été inspiré pour composer (c’est en fait une co-création avec Caldara) ce tango par deux sœurs petites et laides qui assistaient à tous les bals de Pugliese dans la zone sud, dans les clubs de Quilmes, Sarandí et Domínico. Elles étaient timides, insignifiantes et “repassaient” (planchar, c’est repasser, mais pour les danseuses, c’est faire banquette, ne pas être invitées) toute la nuit.
J’ai ressenti quelque chose comme de la compassion et j’ai recréé silencieusement la chanson, basée sur ces deux petites souris transformées en une terrible « wamp ».

Oscar Blotta. Illustration de l’histoire de Pasional.

Dans cette illustration, on reconnaît Mario Soto, appuyé au lampadaire, le bandonéoniste lunaire, c’est bien sûr Jorge Caldara et les deux sœurs timides sont seules sur leur chaise. On notera l’emprunt que j’ai fait à Oscar Blotta pour l’illustration de couverture de cette anecdote.

Chers amis, je vous souhaite de ne pas plancher (faire banquette), lors de votre prochaine milonga et je vous dis, à demain !

Meneca 1927-07-19(20) – ¿Por qué?  1955-07-19 – Orquesta Osvaldo Fresedo

Meneca – E. Mercado
¿Por qué ? – Osvaldo Fresedo Letra : Emilio Augusto Oscar Fresedo

Les dates d’enregistrement qui me servent de base pour les anecdotes de tango ne sont pas des données immuables. J’avais prévu d’associer deux titres de Fresedo enregistrés le même jour, un 19 juillet, mais à 28 ans d’intervalle. Quand j’ai commencé à écrire, je me suis rendu compte qu’à la suite des travaux de Enrique Binda, la date de Meneca avait changé pour le 20 juillet. J’ai toutefois décidé de conserver mon idée initiale, car la comparaison des deux titres me semble intéressante, vous le comprendrez que mieux en prenant connaissance des paroles de Por qué..

Una meneca est une belle jeune femme. Pour être appelé ainsi, elle doit avoir les deux attributs. Le tango est instrumental, mais d’autres employant ce terme sont avec des paroles et il convient donc de rester avec cette signification. J’imagine que le terme étant proche de muñeca (poupée) explique qu’on l’utilise uniquement pour des jeunes femmes.
Meneca désigne également une langue quasi disparue qui existe (existait) entre le Pérou et la Colombie.

Le choix dans la date de la Meneca

Enrique Binda est une ressource importante pour qui s’intéresse au tango.
https://www.todotango.com/comunidad/colaboradores/colaborador.aspx?id=73
Il a étudié de nombreux catalogues et notamment pour la période acoustique (avant l’enregistrement électrique). Par conséquent, son avis fait autorité.
Dans le cas présent, Fresedo a enregistré le 19 et le 20 juillet 1927, ou seulement le 19 ou seulement le 20 les quatre tangos instrumentaux suivants :

  • Flores (Ángel Massini) – Matrice 1037-1 (face A du disque 5159)
  • Mucha cancha – (Alberto Richieri) Matrice 1038 (face B du disque 5159)
  • Coqueta (A. Milito) – Matrice 1039 (Face A du disque 5160)
  • Meneca (E. Mercado) – Matrice 1040 (Face B du disque 5160)

À l’époque, les orchestres enregistrent en moyenne deux tangos à quatre tangos par jour. Tous ne vont pas au disque. On notera que l’enregistrement de Flores semble avoir été compliqué dans la mesure où il y a plusieurs prises.
Meneca a le numéro de matrice le plus élevé (1040) ce qui confirme que Meneca a été enregistré en dernier et donc probablement le 20 et pas le 19 s’il y a eu deux jours, comme c’est indiqué dans le livret du disque édité par CTA, mais aussi dans la Enciclopedia del Tango de Gabriel Valiente et dans le qui placent les quatre tangos à la même date, le 19 juillet 1927.
Pour l’année 1927, on trouve plusieurs jours avec quatre enregistrements, on ne peut donc pas être affirmatif sur l’existence d’un second jour d’enregistrement nécessaire. Que tout soit du 19, tout du 20 ou panaché, ce n’est peut-être pas si important. Je conserve donc mon idée de mettre en relation les deux tangos, d’autant plus que je vous réserve une surprise en fin d’article sur le sujet…

Extrait musical

Meneca 1927-07-20 – Orquesta Osvaldo Fresedo.

Meneca 1927-07-20 – Orquesta Osvaldo Fresedo. Osvaldo Fresedo intervient comme bandonéoniste et on remarquera la très jolie partie de violon. Je vous présente les musiciens qui ont fait cette petite merveille.
Osvaldo Fresedo et Alberto Rodríguez (bandonéonistes), (piano), , Adolfo Muzzi et Juan Koller (violonistes), Humberto Constanzo (contrebassiste).

¿Por qué ? 1955-07-19 – Orquesta Osvaldo Fresedo.

Ce qui frappe dans ce titre est l’ qui revient régulièrement et notamment sur les parties chantées.

Partition de ¿Por qué ? On note sur la page de gauche que c’est la version passée à la Radio Fenix. À droite, la version en ré pour les chanteurs.

LR9 est une radio de Buenos Aires qui a démarré le 11 février 1927 et qui se nommera ensuite Antártida puis AM1190 América.
La partition pour les chanteurs est en ré. Elle commence en ré mineur, puis continue en ré majeur pour revenir à la dernière ligne en ré mineur. C’est donc une alternance de sonorités plus tristes et plus gaies.

Paroles

¿Por qué
si yo soy el mismo querés cambiar
mi pilcha ‘e varón?
¿Por qué
si mi pobre ajuar
dio a cantar
mi honda tristeza?
¿Por qué
si no está en mi sangre vos me adornás
p’ hacerme amargar?

Yo soy milonga
sentimental.
Mi nombre es macho
soy el gotán.
Vestí de negro con funyi claro…
Y me quisieron.
Me respetaron.
Y fue muy pura mi vida entera
y hay quien venera mi cuna de ayer.

¿Por qué
quieren que me vista tan ataviao
con tanto trenzao?
¿Por qué
quieren verme así
hecho un gil
de fantasía?
¿ Por qué
si he nacido tango y así latió
mi gran ?

Osvaldo Fresedo Letra: Emilio Augusto Oscar Fresedo

libre de ¿Por qué ?

Pourquoi, si je suis le même, veux tu changer mes fringues, hein, mec ?
Pourquoi, si mon pauvre trousseau donnait à chanter ma profonde tristesse ?
Pourquoi, si ce n’est pas dans mon sang, me fais-tu des ornements pour me rendre amer ?
Je suis milonga sentimentale.
Je m’appelle macho, je suis le gotan (tango).
Je suis habillé de noir avec un chapeau clair (funyi, chapeau en forme de champignon).
Et ils m’aimaient.
Ils me respectaient.
Et toute ma vie était très pure et il y a ceux qui vénèrent mon berceau d’hier.
Pourquoi veulent-ils que je revête tant de parures avec tant de galons ?
Pourquoi, veulent-ils me voir comme ça, faisant un idiot de fantaisie ?
Pourquoi, si je suis né tango et ainsi battait mon grand cœur.

Autres versions

Il ne semble pas y avoir d’autres enregistrements de Meneca, cependant, il est intéressant de voir ce que devient Por Qué….

Meneca 1927-07-20 – Orquesta Osvaldo Fresedo.

Un de nos deux tangos du jour, pour mémoire et comparaison…

Différents disques de ¿Por qué ? Alberto Vila, Fresedo avec Ibanez, Serpa et instrumental (33 tours avec pochette) et Pugliese avec Chanel et Moran.
¿Por qué ? 1931-08-18 – Alberto Vila accomp. Orquesta Típica Victor.

Ce premier enregistrement qui est une chanson est superbement interprétée par Alberto Vila (dont la voix est remplie de trémolos) accompagné par l’orchestre Típica Victor dirigé par Carabelli.

¿Por qué ? 1931-10-30 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Teófilo Ibáñez.

L’ostinato de la contrebasse est assez étonnant et il s’achève en ralentissant sur la toute fin de la musique.

¿Por qué ? 1943-01-25 – Orquesta Osvaldo Fresedo con .

¿Por qué ? 1943-01-25 – Orquesta Osvaldo Fresedo con Oscar Serpa. Le rythme est plus rapide et quelques sonorités de vibraphone se superposent aux instruments habituels. L’ostinato la vedette de ce thème démarre désormais le titre et est accompagné du vibraphone.
L’expressivité est plus marquée. On pourrait qualifier cette version de plus romantique.
Petit interlude pour vous présenter Fresedo jouant ce titre dans un film qui reste à identifier (ce n’est pas Tango comme tous l’écrivent).

¿Por qué ? – Osvaldo Fresedo y su Orquesta
¿Por qué ? 1945-08-28 – Orquesta Osvaldo Pugliese con y Roberto Chanel.

L’ostinato que vous connaissez bien démarre le titre, come dans la version de 1943 de Fresedo, puis progressivement Pugliese déstructure le titre pour le rendre compatible avec son style. L’ostino revient de temps à autre et notamment sous la voix des chanteurs. L’effet est superbe les voix se mêlent pendant que l’ostinato s’atténue et que les violons ondulent dans un contrepoint splendide. C’est assurément un chef d’œuvre. Peut-être plus difficile à danser que les guimauves trop souvent passées dans certaines milongas, mais à tester à mon avis…

¿Por qué ? 1955-07-19 – Orquesta Osvaldo Fresedo. C’est notre autre tango du jour.

Le vibraphone prend un peu plus ses aises, libéré par l’absence du chanteur qui est représenté par le piano. Le résultat est plutôt joli, mais pas convainquant pour la danse.

¿Por qué ? 1979-10-30 – Orquesta Osvaldo Fresedo.

Le titre démarre en trombe, mais avec l’introduction que Fresedo avait abandonné depuis 1943. Les violons couvrent un peu trop l’ostinato, enlevant une partie de l’originalité de ce titre. La batterie s’est rajoutée, mais sans pour autant renforcer la dansabilité du morceau, sauf à le danser en tango musette…

¿Por qué ? – Mariano Mores y su Sexteto Rítmico Moderno.

C’est une version très originale que signe Mariano Mores. L’ostinato est assez discret et principalement donné par le piano. Les percussions sont à l’honneur. Différents motifs éclosent et donnent une impression de variété. Bien sûr, pas question de proposer cela à des , mais l’écouter de temps à autre est une activité sympa.
Elle clôture la liste des versions et il est temps d’ouvrir le débat.

Faites ce que je dis et pas ce que je fais

Comme vous l’avez remarqué, les paroles du tango ¿Por qué? Des frères Fresedo semblent regretter un tango plus épuré. Ils font parler le tango qui regrette le temps où il n’était pas ridiculisé par des fioritures.
Dans les interprétations de 1931 et 1943, Osvaldo Fresedo respecte ces (ses) directives. Tout comme bien sûr, dans Meneca de 1927.
Par contre, dans notre tango du jour, la version de 1955 de ¿Por qué? On peut se demander s’il n’a pas un peu perdu cela de vue. D’ailleurs, cette version est instrumentale, peut-être pour éviter que les paroles mettent en valeur cette dichotomie.
Pugliese, en 1945, avait peut-être commencé cette bifurcation, mais il ne me semble pas que l’on puisse l’accuser de faire de l’ornementation gratuite. D’ailleurs, il a conservé les paroles. Je l’enlèverai donc des pièces du procès…
Fresedo aggrave très sensiblement son cas en 1979, avec une version constituée majoritairement de fioritures. Là, je dois le déclarer coupable. Il a déguisé le tango et renoncé à ses principes énoncés dans les années 30. Avec son goût pour les instruments originaux, il courrait certainement ce risque et il est tombé dans son propre piège.
Je pense que vous avez sans doute fait le rapprochement avec le débat plus contemporain sur le tango, le néotango et autres variations. Le tango, comme les autres œuvres de l’humanité, ne résiste pas aux querelles des Anciens et des Modernes, tel que l’a vécu l’Académie française à la fin du 17e siècle.
Tous les goûts sont dans la nature et le travail du DJ est à la fois de développer les goûts et de satisfaire ceux qui sont existants. C’est passionnant.

À demain, les amis !

La última copa 1943-04-29 – Orquesta Ricardo Tanturi con Alberto Castillo

Francisco Canaro Letra : Juan Andrés Caruso

Ceux qui fréquentent les milongas portègnes ont sans doute été étonnés de voir la quantité de bouteilles de champagne qui peuplent les tables. Ce breuvage a même des tangos à son nom. Toutes les boissons ne peuvent pas en dire autant. La última copa, le dernier verre, n’est donc pas le dernier pour tout le monde. Voyons ce que nous conte ce tango.

Il y a champagne et champagne

L’Argentine est un grand pays de viticulture et de vin. Elle propose des vins somptueux, curieusement presque tous nommés du nom du raisin qui les composent. On va prendre un Merlot, un Cabernet, une Syrah, un Chardonnay…
Le champagne que l’on trouve sur les tables des milongas n’a de champagne que le nom, tout comme le Roquefort. Il est produit sur place, notamment à Mendoza et en Patagonie.
Progressivement, sous la pression des viticulteurs français, le nom change pour laisser apparaître « méthode champenoise » ou autre indication laissant penser que c’est du Champagne, sans le dire vraiment. J’imagine que les viticulteurs français de Champagne ne tiennent pas en grande estime ces vins, bien que certains se vendent en Argentine bien plus cher que les « vrais » champagnes de supermarché français. Cependant, dans les milongas, c’est bien un mousseux standard qui vous sera servi comme champagne.
Revenons à notre última copa. Je vous propose de l’écouter… dans une vingtaine de versions…

Extrait musical

La última copa 1943-04-29 — Orquesta Ricardo Tanturi con .

C’est une version bien rythmée, avec une accentuation forte des temps. Tanturi est considéré comme un orchestre facile à danser. Pour cette raison, on le rencontre souvent dans les encuentros. Ici, c’est la voix de Castillo qui déclame les paroles, tout au moins les deux premiers couplets et deux fois le refrain. Le chant commence à 1 minute, après la présentation par les bandonéons et les violons du thème, le violon travaillant surtout en ponctuation. À 2 : 05 Castillo laisse la place à l’orchestre, puis reprend le refrain pour terminer, juste avant les deux traditionnels accords de Tanturi (accord sur dominante, temps de silence, accord sur tonique, tardif).

Les paroles

Eche, amigo, nomás, écheme y llene
Hasta el borde la copa de champagne
Que esta noche de farra y de alegría
El dolor que hay en mi alma quiero ahogar

Es la última farra de mi vida
De mi vida, muchachos, que se va
Mejor dicho, se ha ido tras de aquella
Que no supo mi amor nunca apreciar

Yo la quise, muchachos y la quiero
Y jamás yo la podré olvidar
Yo me emborracho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más champagne
Que todo mi dolor bebiendo lo he de ahogar
Y si la ven, amigos, díganle
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Y brindemos, nomás, la última copa
Que, tal vez, también ella ahora estará
Ofreciendo en algún brindis su boca
Y otra boca, feliz, la besará

Eche amigo, nomás, écheme y llene
Hasta el borde la copa de champagne
Que mi vida se ha ido tras de aquella
Que no supo mi amor nunca apreciar

Yo la quise, muchachos, y la quiero
Y jamás yo la podré olvidar
Yo me emborracho por ella
¿Y ella, quién sabe qué hará?

Eche, mozo, más champagne
Que todo mi dolor bebiendo lo he de ahogar
Y si la ven, amigos, díganle
Que ha sido por su amor que mi vida ya se fue

Francisco Canaro Letra: Juan Andrés Caruso

Castillo chante ce qui est en gras.

libre

Verse, mon ami, sans façon, verse et remplis à ras bord la coupe de champagne, car en cette nuit de réjouissances et de joie, je veux noyer la douleur qui est dans mon âme.
C’est la dernière fête de ma vie, de ma vie, les gars, qui s’en va… Ou plutôt, elle est partie avec celle que mon amour n’a jamais su apprécier.

Je l’ai aimée, les gars, et je l’aime, et jamais je ne pourrai l’oublier, je vais m’enivrer pour elle et qui sait ce qu’elle fera.
Verse, mozo (garçon, serveur) plus de champagne, que toute ma peine, en le buvant, je la noierai ; et si vous la voyez, les gars, dites-lui que c’est pour son amour que ma vie s’en est allée.

Et trinquons sans façon, le dernier verre, que peut-être, elle aussi, en ce moment, lors d’un toast, elle offrira sa bouche et une autre bouche heureuse l’embrassera.
Verse, mon ami, sans façon, verse et remplis à ras bord la coupe de champagne, car ma vie s’en est allée après celle que mon amour n’a jamais su apprécier.

Pour ceux qui disent que le tango raconte des histoires de cocus, ce texte, triste, il est vrai, parle plutôt d’un repentir, repentir de ne pas avoir porté d’intérêt à une femme qui l’aimait, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. En parallèle de la détresse « théâtrale » du conteur, il y a eu auparavant la tristesse de la femme négligée.
Le champagne est le témoin de l’amitié, de la fête, mais aussi de la tristesse. C’est un compagnon supplémentaire qui a arrosé les tangueros depuis plus d’un siècle, depuis, pour le moins, que le tango s’est énivré du breuvage français dans les établissements parisiens au début du vingtième siècle.
Canaro est le compositeur de la musique. Caruso et Canaro furent amis, lorsque Caruso fut de retour d’exil, vers 1910. Caruso a eu une vie plutôt triste et courte (mort à 40 ans). Il a écrit ce joli texte, plein d’émotion, tout comme Mi noche triste et plus de 80 autres thèmes dont beaucoup ont été joués par Canaro.

Les versions

Canaro a été le premier à avoir enregistré le titre et il l’a fait à de nombreuses reprises. C’est lui qui commence la liste des versions.

La última copa 1926 — Orquesta Francisco Canaro.

La plus ancienne version enregistrée, par Canaro, sans les paroles de son ami Caruso. Le son est médiocre, aussi vous n’entendrez pas ce titre en milonga. Mais rassurez-vous, Canaro a mis le paquet et vous avez d’autres versions de son cru… Je pense que l’ est plutôt de 1925, voire antérieur.

La última copa 1927-03-23 — Orquesta Francisco Canaro con Agustín Irusta.

Irusta, l’année suivante chante les paroles de Caruso. C’est la première version chantée et l’enregistrement électrique rend le titre plus agréable à écouter.

La última copa 1927-06-14 — Carlos Gardel con acomp. de Guillermo Barbieri, José Ricardo (guitarras).

Une version en chanson. On la comparera avec celle d’Héctor Mauré de 1954.

La última copa 1931-04-22 — con acomp. de Francisco Canaro.

Canaro nous offre avec sa chérie, une version chanson du thème.

La última copa 1931-05-13 — Orquesta Francisco Canaro con Charlo.

Une version de danse, chantée par Charlo, chanteur de estribillo.

La última copa 1943-04-29 — Orquesta Ricardo Tanturi con Castillo. C’est le tango du jour.
La última copa 1948-01-15 — Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas.

Une très belle version, mais pas forcément parfaite pour la danse. Les danseurs pourraient toutefois pardonner cela au DJ, car elle est superbe.

La última copa 1948 — Orquesta con Julio Sosa. Valse.

Une version originale en valse. Sosa avait gagné un prix en Uruguay qui consistait à enregistrer des disques. Le son n’est pas parfait, mais cette version originale mérite l’écoute, voire la danse.

La última copa 1953-10-06 — Orquesta Osvaldo Pugliese con Alberto Morán.

Comme souvent, la rencontre Pugliese et Morán, donne un tango un peu délicat à danser. Certains apprécient la voix, il en faut pour tous les goûts.

La última copa 1954 — Héctor Mauré con acomp. de guitarras.

Mauré reprend la tradition gardélienne. Le résultat est à comparer avec celui de son modèle.

La última copa 1956-09-25 — Orquesta Francisco Canaro con Guillermo Rico (Coral).

Une version dansable avec en prime la voix de Coral, sans doute assez rare dans les milongas.

La última copa 1957-05-20 — Dalva de Oliveira con acomp. de Francisco Canaro.

Avec ce septième enregistrement, Canaro a fait le tour. Ici une version à écouter par Dalva de Oliveira, à comparer avec celle d’Ada Falcón enregistrée 26 ans plus tôt.

La última copa 1958-04-17 — Orquesta Alfredo De Angelis con Juan Carlos Godoy.

Un De Angelis et Godoy classique. Bien dansable, enregistré par l’orchestre des calesitas.

La última copa 1965 — Orquesta con Raúl del Mar y glosas de .

Une version sans doute plus pour l’écoute que pour la danse, mais intéressante

La última copa 1966-03-11 — Orquesta Florindo Sassone con Mario Bustos.

L’orchestre sert bien la voix de Bustos. Je ne proposerai pas pour la danse, mais c’est intéressant.

La última copa 1968-10-18 — Sexteto Tango con Jorge Maciel.

Le Sexteto Tango héritier de Pugliese donne sa version sans renier son modèle. Voir N… N…. Une version pour l’écoute avec une belle intro, une caractéristique de cet orchestre.

La última copa 1974 — Orquesta Florindo Sassone con Oscar Macri.

Une voix de ténor bien différente de celle de Mario Bustos. Je pense cette version moins intéressante que la précédente de Sassone.

La última copa 1987 — Los Solistas de D’Arienzo dir. par Carlos Lazzari con Walter Gutiérrez.

Souvent présenté comme étant un enregistrement de D’Arienzo, c’est en fait un enregistrement réalisé par ses solistes dirigés par Lazzari, qui était un de ses bandonéonistes et arrangeur, 11 après la mort du chef historique. Une version tonique, mais plus dans le style chanson que tango chanté. Cependant, elle est dansable, même si ce titre ne porte vraiment l’improvisation.

La última copa 2003 — Orquesta con .

Cet orchestre a commencé sa carrière à la fin de la vague Tango (1953). On lui doit cependant des enregistrements intéressants, comme celui-ci. Le disque est de 2003, l’enregistrement peut être antérieur. Cet orchestre, rarement passé en milonga, mériterait d’être plus entendu, même s’il n’est pas à la hauteur des plus grands orchestres. N’oublions pas que certains danseurs aiment être surpris par des versions inconnues.

Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta Aníbal Troilo con Floreal Ruiz

Domingo Federico (Domingo Serafín Federico) Letra: Homero Aldo Expósito

Le tango du jour, Yuyo verde, a été enregistré le 28 février 1945, il y a 79 ans par Aníbal Troilo et Floreal Ruiz. C’est encore un magnifique thème écrit par l’équipe Federico et Expósito, les auteurs de . Le yuyo verde est une herbe verte qui peut être soit une mauvaise herbe, soit une herbe médicinale. Je vous laisse forger votre interprétation à la lecture de cet article.

Extrait musical

Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta Aníbal Troilo con Floreal Ruiz

Les paroles

Callejón… callejón…
lejano… lejano…
íbamos perdidos de la mano
bajo un cielo de verano
soñando en vano…
Un farol… un portón…
-igual que en un tango-
y los dos perdidos de la mano
bajo el cielo de verano
que partió…

Déjame que llore crudamente
con el llanto viejo adiós…
adonde el callejón se pierde
brotó ese yuyo verde
del perdón…
Déjame que llore y te recuerde
-trenzas que me anudan al portón-
De tu país ya no se vuelve
ni con el yuyo verde
del perdón…

¿Dónde estás?… ¿Dónde estás?…
¿Adónde te has ido?…
¿Dónde están las plumas de mi nido,
la emoción de haber vivido
y aquel cariño?…
Un farol… un portón…
-igual que un tango-
y este llanto mío entre mis manos
y ese cielo de verano
que partió…

Domingo Federico Letra:

Autres versions

Ce tango, magnifique a donné lieu à des centaines de versions.

Yuyo verde 1944-09-12 — Orquesta Domingo Federico con Carlos Vidal. La version originale par l’auteur de la musique. C’est une jolie version.
Yuyo verde (Callejón) 1945-01-24 — Orquesta con Jorge Ortiz. Un biagi typique, bien énergique. À noter le sous-titre, Callejón, la ruelle, qui commence les paroles en étant chantée deux fois.
Yuyo verde 1945-01-25 — Orquesta Osvaldo Pugliese con . Une interprétation de Morán un peu larmoyante. Rien à voir avec la version enregistrée la veille par Biagi et Ortiz. La merveilleuse diversité des orchestres de l’âge d’or du tango.
Yuyo verde 1945-02-28 Orquesta Aníbal Troilo con Floreal Ruiz. C’est le tango du jour. Pour moi, c’est un des meilleurs équilibres entre dansabilité et sensibilité.
Yuyo verde 1945-05-08 — Tania y su Orquesta Típica dir. . Si l’ de Troilo et Morán faisait un peu chanson, cette interprétation par Tania est clairement une chanson. L’indication que c’est Tania et son orchestre, dirigé par Miguel Mijenson confirme que l’intention de Tania était bien d’en faire une chanson.

Avec ces cinq versions, on a donc une vision intéressante du potentiel de ce titre. En 1958, Federico a enregistré de nouveau ce titre, avec son Trío Saludos et les chanteurs et Rubén Sánchez. Je vous fais grâce de cette version kitch.
Comme il est l’auteur de la musique, je citerai aussi son enregistrement réalisé à Rosario avec la Orquesta Juvenil De La Universidad Nacional De Rosario con . J’ai déjà évoqué ce chanteur et cet orchestre à propos de Percal dont Federico est également l’auteur.
Il y a des centaines d’interprétations par la suite, mais relativement peu pour la danse. Les aspects chanson ou musique classique ont plutôt été les sources d’inspiration.
Pour terminer cet article sur une note sympathique, une version en vidéo par un orchestre qui a cherché son style propre, la Romántica Milonguera. Ici avec . Un enregistrement effectué en Uruguay, un des trois pays du tango ; en mars 2019.

Yuyo verde 2019-03 – Orquesta Romantica Milonguera con Roberto Minondi.

Clin d’œil

Un cuarteto organisé autour du guitariste et du bandéoniste Fernando Maguna avait pris le nom de Yuyo Verde en 2003. Ce cuarteto avait d’ailleurs participé en 2004 au festival que j’organisais alors à Saint-Geniez d’Olt (Aveyron, France). Ils nous avaient fait parvenir une maquette dont je tire cette superbe interprétation de la milonga La Trampera. Ce n’est pas Yuyo Verde, mais c’est une composition d’Anibal Troilo, on reste dans le thème du jour.

La trampera 2004 — Yuyo Verde (Maquette)

Deux des affiches que j’avais réalisées pour mon festival de tango. Le site internet était hébergé par mon site perso de l’époque (byc.ch) et sur l’affiche de droite, les plus observateurs pourront remarquer mon logo de l’époque. C’était il y a 20 ans…

Petite histoire, ce festival de tango qui existe toujours, avec d’autres organisateurs, avait au départ une partie salsa, car mon coorganisateur croyait plutôt en cette danse. C’est la raison pour laquelle j’avais donné le nom de Tango latino (tango y latino), pour faire apparaître ces deux facettes. La milonga du samedi soir était animée par Yuyo Verde et Corine d’Alès, une pionnière du DJing de tango que je salue ici…