Archives par étiquette : Gaucho

Bailarín de contraseña – d’après un mural dans la rue Oruro, Buenos Aires.

Bailarín de contraseña 1945-08-27 — Orquesta Ángel D’Agostino con Ángel Vargas

Victor Felice Letra: Carlos Lucero

On se plaint par­fois du prix des milon­gas et ce n’est pas nou­veau. Quand le démon du tan­go nous grig­note, il nous faut trou­ver des astuces pour pou­voir aller danser. C’est ce que nous con­te ce tan­go com­posé par Vic­tor Felice avec des paroles de Car­los Lucero. Nous ver­rons que cette thé­ma­tique n’est pas liée à la seule ville de Buenos Aires… Les paroles nous mon­trent aus­si le soin minu­tieux que met­taient les hommes de l’époque pour soign­er leur tenue avant d’aller à la milon­ga.

Extrait musical

Bailarín de contraseña - Ángel D'Agostino con Ángel Vargas Disque Victor. Disque 60-0768, Face A. Sur la face B, Pinta blanca (Mario Perini Letra : Cátulo Castillo) enregistré le même jour.
Bailarín de con­traseña — Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas Disque Vic­tor. Disque 60–0768, Face A. Sur la face B, Pin­ta blan­ca (Mario Peri­ni Letra : Cátu­lo Castil­lo) enreg­istré le même jour.
Bailarín de con­traseña 1945-08-27 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas

Vic­tor Felice, le com­pos­i­teur de ce tan­go, était depuis 1944 un des vio­lonistes de D’Agostino. Par­mi ses com­po­si­tions, sig­nalons “Yo soy de Par­que Patri­cios”, un autre grand suc­cès de D’Agostino et de Var­gas.

Paroles

Sába­do a la tarde, te planchás el tra­je
Te cortás el pelo, después te afeitás
Con bas­tante cre­ma te hacés dar masajes
Gom­i­na y colo­nia, luego te peinás

Lista tu figu­ra, lle­ga­da la noche
Te vestís ligero después de cenar
Con un cig­a­r­ril­lo pren­di­do en los labios
Sales de tu casa, te vas a bailar

Y al lle­gar al Sporti­vo
Con tu silue­ta ele­gante
Te detienes en la puer­ta
Con los aires de un doc­tor

Está aten­ta tu mira­da
Para ver si está el ami­go
Que anteay­er te prometiera
La entra­di­ta de favor

Y mien­tras vas esperan­do
Ya tenés todo planea­do
Si no aparece el ami­go
Te la sabes arreglar

Esperás el inter­va­lo
Y con tu cara risueña
Le pedís la con­traseña
A todo aquel que se va

Vic­tor Felice Letra: Car­los Lucero

Traduction libre

Le same­di après-midi, Tu repass­es ton cos­tume, tu te coupes les cheveux, puis tu te ras­es avec beau­coup de crème, tu te fais mass­er, gom­i­na et eau de Cologne, puis tu te peignes.
Ta sil­hou­ette est prête, à la tombée de la nuit, tu t’habilles légère­ment après le dîn­er, une cig­a­rette allumée aux lèvres, tu sors de la mai­son et tu vas danser.
Et lorsque tu arrives au Sporti­vo (Sporti­vo Tan­go Buenos Aires, un club de foot­ball, qui fut égale­ment un cen­tre impor­tant du tan­go), avec ta sil­hou­ette élé­gante, tu te postes à la porte avec des airs de doc­teur.
Ton regard est atten­tif pour voir si l’a­mi qui, avant-hier, t’a promis la petite entrée de faveur est là.
Et pen­dant que tu attends, tu as déjà tout prévu au cas où l’a­mi ne se présen­tait pas, tu sais te débrouiller.
Tu attends l’en­tracte et, avec ton vis­age souri­ant, tu deman­des le mot de passe à tous ceux qui s’en vont.

On notera que Var­gas chante deux fois le dernier cou­plet, ce qui met l’accent sur la récupéra­tion de la fameuse con­traseña.

Les systèmes de paiement et de gestion des entrées au bal

Les méth­odes de paiement sont inspirées de celles qui avaient cours en Europe. On pou­vait pay­er à l’entrée, être invité, méth­odes qui sont encore d’actualité aujourd’hui. Des méth­odes moins courantes étaient celle de la corde qui con­sis­tait à vider la salle en ten­dant une corde pour pouss­er les danseurs hors de la salle de danse pour les faire pay­er de nou­veau une péri­ode de danse.

Le jeton donnant accès au bal, ou à un nombre donné de danses

J'ai réalisé la photo de couverture à partir d'un mural de la calle Oruro. Une diagonale particulièrement riche en peintures murales. On y remarque le slogan pessimiste de Diecepolo et un jeton indiquant qu’il est valable pour une tanda de trois tangos. On remarque un cartel mentionnant Casimiro Aim, le danseur qui a fait approuver le tango par le pape de l’époque.
J’ai réal­isé la pho­to de cou­ver­ture à par­tir d’un mur­al de la calle Oruro. Une diag­o­nale par­ti­c­ulière­ment riche en pein­tures murales. On y remar­que le slo­gan pes­simiste de Diece­po­lo et un jeton indi­quant qu’il est val­able pour une tan­da de trois tan­gos. On remar­que un car­tel men­tion­nant Casimiro Aim, le danseur qui a fait approu­ver le tan­go par le pape de l’époque.

Le paiement se fai­sait de préférence au moyen de jetons (fichas). Ces jetons étaient achetés à l’entrée. Pour pou­voir par­ticiper à la péri­ode suiv­ante, il fal­lait donc don­ner son jeton (ou le présen­ter s’il était per­ma­nent) au pro­prié­taire du lieu ou à l’un de ses employés.

Dans le mur­al on voit que le jeton dess­iné don­nait droit à une tan­da de trois tan­gos.

Le jeton du mural de la calle Oruro indique une valeur de trois tangos… Il est de 1923.
Le jeton du mur­al de la calle Oruro indique une valeur de trois tan­gos… Il est de 1923.

On notera la men­tion de trois tan­gos. Cela peut faire penser au sys­tème actuel des tan­das. Cer­tains évo­quent que ces jetons pou­vait aus­si être util­isé pour danser avec un taxi dancer ou une pros­ti­tuée dans un bor­del. Ce n’est pas impos­si­ble…

Ce sys­tème de jeton exis­tait aus­si en Europe, en voici quelques exem­ples :

Ce système de jeton existait aussi en Europe, en voici quelques exemples :
Quelques exem­ples de jetons de danse. Un jeton de Buenos Aires (1880), Un jeton pour un événe­ment par­ti­c­uli­er à l’Opéra de Paris, le bal sud-améri­cain du 2 juin 1927. En bas, un du bal « à la Réu­nion » du 10 rue des Batig­nolles. Un jeton de bal alsa­cien de Mul­house et à droite, une pièce de mon­naie argen­tine de 5 pesos de 1913 et qui n’a plus cours aujourd’hui. Ce n’est pas un jeton de bal, mais je trou­vais amu­sant de présen­ter cette pièce ici.

Le bal sud-américain du 2 juin 1927 à l’Opéra de Paris

On con­naît l’importance de Paris dans l’histoire du tan­go. On voit que, dans cet événe­ment mondain de haute volée, l’Argentine est bien représen­tée, autour d’une pièce de théâtre rocam­bo­lesque avec ses gau­chos.
L’orchestre de Pizarro et des danseurs, donc Casimiro Ain sont au pro­gramme.
Je vous pro­pose quelques pages du pro­gramme.

Extrait du programme du Bal sud-américain à l'Opéra de Paris du 2 juin 1927. D’autres pages dans ce fichier PDF. Je compléterai les pages lors de mon prochain passage en France où j’ai le document complet…
Extrait du pro­gramme du Bal sud-améri­cain à l’Opéra de Paris du 2 juin 1927. D’autres pages dans ce fichi­er PDF. Je com­pléterai les pages lors de mon prochain pas­sage en France où j’ai le doc­u­ment com­plet…

Le système du mot de passe

Comme on l’a remar­qué au sujet de l’événement de l’Opéra de Paris, il peut y avoir des sor­ties et entrées en cours d’événement. Pour gér­er cela, une méth­ode est de don­ner à celui qui sort un mot de passe, la fameuse “con­traseña” que notre danseur cherche à obtenir auprès de per­son­nes qui sor­tent. Ce mot de passe peut bien sûr être sous la forme d’un de ces jetons ou tout autre sys­tème à la dis­cré­tion des organ­isa­teurs.

En Argen­tine, il est d’usage de pren­dre un tick­et à l’entrée dans un mag­a­sin ou une admin­is­tra­tion. Par­fois, une per­son­ne sort avant d’avoir été servie et son tick­et peut faire le bon­heur d’un arrivé récent qui se retrou­ve avec un numéro proche d’être appelé…

Cela peut faire un petit phénomène en chaine. Une per­son­ne donne son tick­et à une per­son­ne qui est plus loin dans la queue. Celle-ci se retrou­ve donc avec deux tick­ets. Une fois servie, elle peut don­ner son tick­et moins favor­able à un arrivant plus tardif qui se retrou­vera donc sur­classé. C’est un petit jeu sym­pa, au moins pour les gag­nants…

Un petit mot du “Sportivo Tango Buenos Aires”

Le bal où se rend le héros de ce tan­go se trou­vait au “Club Social y Sporti­vo Buenos Aires”. Ce club créé en 1910 et qui se des­ti­nait au foot­ball et à d’autres activ­ités n’existe plus. Il était, à son orig­ine, situé de l’autre côté du fameux pont de la Boca que con­nais­sent tous les touristes qui ont vis­ité la ville. Aujourd’hui, le lieu ne leur est pas for­cé­ment recom­mandé, même si la tra­ver­sée avec le pont trans­bor­deur est une activ­ité intéres­sante…

Il a ensuite rejoint l’autre rive, celle de Buenos Aires, cap­i­tale fédérale. Il se peut que le tan­go évoque cette époque où le club était renom­mé pour les événe­ments de tan­go qu’il organ­i­sait.

Sur le même thème

Je vous pro­pose mon arti­cle « Peut-on éviter que meure le tan­go ? » où je par­le un peu d’argent et de milon­ga…

Voilà, les amis. C’est tout pour aujourd’hui. Je vous souhaite de pou­voir tou­jours vous pro­cur­er une entrée dans les bals qui vous intéressent et que ceux-ci ne vous décevront pas.

El paladín 1945-03-20 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Agustín Bardi

Vous con­nais­sez ce titre, bien qu’il ait été peu enreg­istré. Mais peut-être vous êtes-vous demandé qui était ce pal­adin, car ce terme désig­nait les Pairs de l’empereur Charle­magne, un mil­lé­naire plus tôt.
El pal­adín est un tan­go d’Agustín Bar­di et ne sem­ble pas avoir de paroles. Il est donc assez dif­fi­cile de savoir qui était évo­qué dans ce titre. Voici trois hypothès­es.

Trois paladines possibles

On pour­rait remon­ter un siè­cle plus tôt, à l’époque ou Martín Miguel de Güemes, accom­pa­g­né de ses gau­chos, était un des héros de l’Argentine pour ses actions dans l’indépendance du pays. En illus­tra­tion de l’article, je vous pro­pose un por­trait imag­i­naire de ce héros réal­isé près d’un siè­cle plus tard par Manuel Pri­eto. Blessé d’une balle, il refusa les soins pour rester fidèle à sa cause et mou­rut onze jours plus tard, âgé de 36 ans. Son épouse, âgée de 25 ans, se serait lais­sé mourir de cha­grin. Cette his­toire, haute­ment roman­tique, a pu inspir­er Bar­di. Cela expli­querait une musique plutôt nos­tal­gique et calme, peut-être du point de vue de la jeune épouse qui se laisse mourir de faim.

El pal­adín, par­ti­tion pour piano. On voit man­i­feste­ment un ora­teur, peut-être un avo­cat ou un poli­tique.

La dernière pos­si­bil­ité est la dédi­cace de la par­ti­tion. En effet, elle est dédi­cacée par Bar­di à son ami Guiller­mo Fish­er. Ce dernier est un des fon­da­teurs de la Sociedad Nacional de Autores, Com­pos­i­tores y Edi­tores de Músi­ca ce qui devien­dra la SADAIC, la société des auteurs et com­pos­i­teurs argentins. Cepen­dant, je n’ai pas plus obtenu de ren­seigne­ments sur cette per­son­ne.

Extrait musical

Par­ti­tion et El pal­adín. On remar­que sur la cou­ver­ture un ora­teur, poli­tique, avo­cat, défenseur de la créa­tion de la société des auteurs ? Dans ce cas, il pour­rait s’agir de Guiller­mo Fis­ch­er…
El pal­adín 1945-03-20 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Autres versions

El pal­adín 1929-07-11 — Sex­te­to Car­los Di Sar­li.

Cette ver­sion sem­ble avoir été enreg­istrée au moins qua­tre fois et deux des enreg­istrements de cette journée, les matri­ces 44645–2 et 44645–4 ont été pub­liées en disque 78 tours, sous le même numéro de disque 47138 (Face B). Vous allez sans doute trou­ver cette ver­sion assez sym­pa­thique.

El pal­adín 1941-12-11 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

La reprise, 12 ans plus tard par Di Sar­li. Cette ver­sion est rel­a­tive­ment proche, mais plus liée.

El pal­adín 1945-03-20 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

C’est notre ver­sion du jour. Avec Pugliese, si le début sem­ble assez sem­blable, on remar­quera un jeu des vio­lons dans les légatos sen­si­ble­ment dif­férent.

El día que me quieras 1930-02-07 — Orquesta Cayetano Puglisi con Roberto Díaz

Raúl Brujis Letra: Ramón C. Acevedo

J’espère que vous me par­don­nerez cette petite facétie. “El día que me quieras” (Le jour où tu m’aimeras) ; vous con­nais­sez tous ce titre pour l’avoir enten­du par Gardel, que ce soit sur disque, ou dans le film du même nom. La ver­sion que je vous pro­pose est bien plus rare et antérieure de cinq ans à celle de Gardel. En fait, j’ai saisi l’occasion de l’anniversaire de l’enregistrement de ce titre, il y a exacte­ment 95 ans, pour évo­quer cet orchestre un peu moins con­nu. Mais ras­surez-vous, vous aurez droit au titre de Gardel et Le Pera, égale­ment, ain­si qu’à d’autres tan­gos du même titre…

Extrait musical

El día que me quieras 1930-02-07 — Orques­ta Cayetano Puglisi con Rober­to Díaz.

L’introduction est plutôt jolie et élé­gante. Le vio­lon de Cayetano Puglisi domine en chan­tant les autres instru­ments plus per­cus­sifs et qui mar­quent le rythme, puis il cède la place à Rober­to Díaz qui chante à son tour un court pas­sage. Comme nous le ver­rons, ce titre est assez dif­férent de celui de Gardel qui est bien plus con­nu. Le thème est cepen­dant le même.
On notera quelques pas­sages agités des ban­donéons de Fed­eri­co Scor­ti­cati et Pas­cual Stor­ti en dou­ble-croche qui font le con­tre­point avec les vio­lons de Cayetano Puglisi et Mauri­cio Mise plus suaves. Pour une musique de 1930, c’est assez bien orchestré. Cayetano Puglisi, cet excel­lent vio­loniste qui a inté­gré les plus fameux orchestres, comme ceux de Fir­po, Canaro D’Arienzo et Maf­fia a égale­ment eu son pro­pre sex­te­to avec lequel il a enreg­istré une quin­zaine de titres en 1929 et 1930. Je n’ai pas cité son frère José, à la con­tre­basse, ni Arman­do Fed­eri­co au piano.
J’aime bien et dans une milon­ga où les danseurs seraient ama­teurs de thèmes un peu vieil­lots, cet enreg­istrement pour­rait inté­gr­er une tan­da.

Paroles de Ramón C. Acevedo

Yo quisiera ten­erte entre mis bra­zos
Y besarte en tu boca sin igual,
Yo quisiera prodi­garte mil abra­zos
Mujer esqui­va de ros­tro angel­i­cal.

Tu son­risa altan­e­ra y orgul­losa
Tu mira­da quisiera doble­gar,
Y que aun, negán­dome besara
Con un beso, sub­lime y sin final.
Raúl Bru­jis L : Ramón C. Aceve­do

Traduction des paroles de Ramón C. Acevedo

J’aimerais te tenir dans mes bras et t’embrasser sur ta bouche sans pareille,
Je voudrais te prodiguer mille abra­zos, femme insai­siss­able au vis­age angélique.

Ton regard souhait­erait faire céder ton sourire hau­tain et fier, et aus­si, même si tu me le niais, m’embrasser, avec un bais­er sub­lime et sans fin.

Autres versions

Il n’y a pas d’autre enreg­istrement de ce titre, alors je vous pro­pose d’écouter quelques enreg­istrements du tan­go de même titre, mais écrit 4 ans plus tard par Car­los Gardel et Alfre­do le Pera pour le film de la Para­mount… El día que me quieras. Nous écouterons aus­si d’autres thèmes ayant le même titre.
Tout d’abord, réé­cou­tons le tan­go du jour, qui est le plus ancien titre…

El día que me quieras 1930-02-07 — Orques­ta Cayetano Puglisi con Rober­to Díaz.

C’est notre tan­go du jour et le seul enreg­istrement de la com­po­si­tion de Raúl Bru­jis.

Version 2, de Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

El día que me quieras 1930-11-05 Orques­ta Ricar­do Luis Brig­no­lo con Luis Díaz.

Quelques mois après, Brig­no­lo enreg­istre un tan­go com­posé par Víc­tor Pedro Dona­to avec des paroles de Miguel Gómez Bao. Ce titre est bien moins mod­erne que notre tan­go du jour. Il ressort encore d’un style canyengue très mar­qué.

Paroles de la version de Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

El boliche del Tur­co no ten­drá ni un cohete,
el piberío del hue­co los hará estal­lar,
la can­ti­na del “Bep­po” abrirá los espich­es
y todo el “Gre­vana­je” en cur­da dormirá.
La far­ra, el capuchi­no tomará el choco­late,
ese día yo ban­co con mi feli­ci­dad
y la orques­ta de Chi­cho, pelandruna y mis­ton­ga
hará un tan­go canyengue con la mar­cha nup­cial.

A tu her­mano el taras­ca com­praremos botines,
al zam­bul­lo una faja de esas pa’ adel­gazar,
y al menor, al checa­to, dos doce­nas de anteo­jos
y una jaula con tram­pa pa’ que vaya a cazar,
a tu vie­ja diez cajas de pastil­las de men­ta,
a tu viejo toscanos para reven­tar,
y el globo lumi­noso que tiene la bot­i­ca
a tu her­mana la tuer­ta como ojo de cristal.

El bañao de la esquina será un lago encan­ta­do
y las ranas can­tantes en la noche un jazz-band,
el buzón de la esquina el Pasaje Baro­lo,
la cancel‘e tu casa, la escala celes­tial.
El día que me quieras, pebe­ta de mi bar­rio,
todi­tas mis ter­nuras pa’vos sólo serán,
aunque llore a escon­di­das mi viejecita san­ta
que al extrañar mis besos ten­drá unas canas más.
Víc­tor Pedro Dona­to et Miguel Gómez Bao

Traduction de la version de Víctor Pedro Donato et Miguel Gómez Bao

Le bazar (les pulpe­rias fai­saient office de bar, vendaient de tout et pour­voy­aient des dis­trac­tions, comme les jeux de boules, ou la danse) du Turc n’au­ra plus de fusées (feux d’artificee, les Argentins sont des fana­tiques des activ­ités pyrotech­niques), les gamins du ter­rain vague les auront fait explos­er,
la can­tine du« Bep­po » (Bep­po est un prénom d’origine ital­i­enne dérivé de Joseph) ouvri­ra les robi­nets (des ton­neaux de vin, bien sûr) et tous les « Gre­vana­je » (je pense qu’il faut rap­procher cela de Gre­bano qui sig­ni­fie idiot, rus­tre), ivres, dormiront.
La fête, le cap­puc­ci­no boira le choco­lat, ce jour-là, je reste avec mon bon­heur et l’orchestre de Chi­cho (je ne l’ai pas iden­ti­fié), paresseux et triste jouera un tan­go canyengue avec la marche nup­tiale.

Pour ton frère, El Taras­ca , nous achèterons les bottes, au gros (zam­bu­lo, à la panse proémi­nente) une de ces cein­tures pour per­dre du poids (la faja est la cein­ture qu’utilisent les gau­chos. Elles sont sou­vent décorées de pièces de mon­naie. Dans le cas présent, il peut s’agir de cein­tures de toiles, égale­ment util­isées par les gau­chos), et au plus jeune, le vérifi­ca­teur, deux douzaines de paires de lunettes et une cage avec un piège pour qu’il puisse aller à la chas­se. À ta vieille (mère), dix boîtes de bon­bons à la men­the, à ton vieux (père) des cig­a­res à éclater (faut-il y voir des cig­a­res de farces et attrapes qui explosent quand on les fume ?), et le globe lumineux qu’a l’apoth­icaire pour ta sœur borgne, comme œil de verre.

Le marécage du coin sera un lac enchan­té et les grenouilles chanteuses de la nuit, un groupe de jazz. La boîte aux let­tres de l’angle sera le pas­sage Baro­lo (plus que pas­sage, on dirait aujourd’hui le Palais, un des hauts bâti­ments lux­ueux du cen­tre-ville de Buenos Aires), la porte d’entrée de ta mai­son (porte intérieure séparant l’entrée de la mai­son, sorte de sas), l’échelle céleste.
Le jour où tu m’aimeras, petite (terme affectueux) de mon quarti­er, toutes mes ten­dress­es seront pour toi seule, même si, de façon cachée, je verserai quelques larmes pour ma sainte petite mère qui, man­quant de mes bais­ers, aura encore quelques cheveux blancs de plus.

Version 3, la plus célèbre, celle de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera

El día que me quieras 1935-03-19 — Car­los Gardel con acomp. de la orques­ta dir. por Terig Tuc­ci.

Paroles de la version de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera

Acari­cia mi ensueño
el suave mur­mul­lo de tu sus­pi­rar,
¡como ríe la vida
si tus ojos negros me quieren mirar!
Y si es mío el amparo
de tu risa leve que es como un can­tar,
ella aqui­eta mi heri­da,
¡todo, todo se olvi­da!

El día que me quieras
la rosa que engalana
se vestirá de fies­ta
con su mejor col­or.
Al vien­to las cam­panas
dirán que ya eres mía
y locas las fontanas
me con­tarán tu amor.
La noche que me quieras
des­de el azul del cielo,
las estrel­las celosas
nos mirarán pasar
y un rayo mis­te­rioso
hará nido en tu pelo,
luciér­na­ga curiosa
que verá…¡que eres mi con­sue­lo!

Recita­do:
El día que me quieras
no habrá más que armonías,
será clara la auro­ra
y ale­gre el man­an­tial.
Traerá qui­eta la brisa
rumor de melodías
y nos darán las fuentes
su can­to de cristal.
El día que me quieras
endulzará sus cuer­das
el pájaro can­tor,
flo­re­cerá la vida,
no exi­s­tirá el dolor…

La noche que me quieras
des­de el azul del cielo,
las estrel­las celosas
nos mirarán pasar
y un rayo mis­te­rioso
hará nido en tu pelo,
luciér­na­ga curiosa
que verá… ¡que eres mi con­sue­lo!

Car­los Gardel Letra: Alfre­do Le Pera

Traduction de la version de Carlos Gardel et Alfredo Le Pera

Ma rêver­ie caresse le doux mur­mure de ton soupir,
Comme la vie rirait si tes yeux noirs voulaient me regarder !
Comme si était mien l’abri de ton rire léger qui est comme une chan­son,
Elle calme ma blessure, tout, tout est oublié !

Le jour où tu m’aimeras, la rose qui orne s’ha­billera de fête, avec sa plus belle couleur.
Au vent, les cloches diront que tu es déjà à moi, et folles, les fontaines me con­teront ton amour.
La nuit où tu m’aimeras depuis le bleu du ciel,
Les étoiles jalous­es nous regarderont pass­er et un mys­térieux éclair se nichera dans tes cheveux,
curieuse luci­ole qui ver­ra… que tu es ma con­so­la­tion !

Réc­ité :
Le jour où tu m’aimeras, il n’y aura plus que des har­monies,
L’aube sera claire et la source joyeuse.
La brise apportera le calme, le mur­mure des mélodies, et les fontaines nous don­neront leur chant de cristal.
Le jour où tu m’aimeras, l’oiseau chanteur adouci­ra ses cordes,
La vie fleuri­ra, la douleur n’existera pas…

La nuit où tu m’aimeras depuis le bleu du ciel,
Les étoiles jalous­es nous regarderont pass­er et un mys­térieux éclair se nichera dans tes cheveux,
curieuse luci­ole qui ver­ra… que tu es ma con­so­la­tion !

Extrait du film El día que me quieras de John Reinhardt (1934)

“El día que me quieras”, dúo final Car­los Gardel y Rosi­ta Moreno du film du même nom de 1934 dirigé par John Rein­hardt. Dans ce film, Car­los Gardel chante égale­ment Sol trop­i­cal, Sus ojos se cer­raron, Gui­tar­ra, gui­tar­ra mía, Volver et Suerte negra avec Lusiar­do et Peluffo.

Autres versions du thème composé par Gardel

Il existe des dizaines d’enregistrements, y com­pris en musique clas­sique ou de var­iété. Je vous pro­pose donc une courte sélec­tion, prin­ci­pale­ment pour l’écoute.

El día que me quieras 1948-05-11 — Orques­ta Florindo Sas­sone con Jorge Casal.

Une ver­sion chan­tée par Jorge Casal qui ne démérite pas face aux inter­pré­ta­tions de Gardel.

El día que me quieras 1955-06-30 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Juan Car­los Rolón.

Une ver­sion pour faire pleur­er les ménagères nées après 1905…

El día que me quieras 1968 — Orques­ta Típi­ca Atilio Stam­pone.

Stam­pone, bien qu’il s’agisse d’une ver­sion instru­men­tale, n’a pas des­tiné cet enreg­istrement aux danseurs.

El día que me quieras 1972 – Trio Hugo Díaz.

Encore une ver­sion instru­men­tale, mais fort intéres­sant à défaut d’être pour la danse par le trio Hugo Diaz… Si vous n’entendez pas l’harmonica, c’est que ce trio est celui du ban­donéon­iste uruguayen, Hugo Díaz, à ne pas con­fon­dre avec Vic­tor Hugo Díaz qui est le magi­cien de l’harmonica, qui lui est argentin (San­ti­a­go del Estero) et sans doute bien plus con­nu…

El día que me quieras 1977-06-14 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Une ver­sion sans doute sur­prenante, essen­tielle­ment con­stru­ite autour de solos de vio­lon et piano.

El día que me quieras 1978 — María Amelia Bal­tar.

Une ver­sion expres­sive par la com­pagne de Piaz­zol­la.

El día que me quieras 1979 — Alber­to Di Paulo y su Orques­ta Espe­cial para Baile.

Bien que l’orchestre affirme être de danse, je ne suis pas con­va­in­cu que cela plaira aux danseurs de tan­go, mais peut-être aux ama­teurs de slow et boléros (dans le sens argentin qui qual­i­fie des musiques roman­tiques au rythme flou et pas néces­saire­ment de vrais boléros).

El día que me quieras 1997 — Enrique Chia con Lib­er­tad Lamar­que.

Une intro­duc­tion à la Mozart (Flûte enchan­tée) et s’élève la mag­nifique voix de Lib­er­tad Lamar­que. C’est bien sûr une chan­son et pas un tan­go de danse, mais c’est joli, n’est-ce pas ?

Avec cette belle ver­sion, je pro­pose d’arrêter là, et je vous dis, à bien­tôt, les amis !

De puro guapo 1940-01-25 — Orquesta Pedro Laurenz con Juan Carlos Casas

Pedro Laurenz (Pedro Blanco) Letra: Manuel Andrés Meaños

Même si Pedro Lau­renz et Juan Car­los Casas ont enreg­istré dix tan­gos, la plu­part du temps, dans les milon­gas, seuls qua­tre de ces titres sont dif­fusés par les DJ. Ces titres le méri­tent, mais cela occulte les autres enreg­istrements qui peu­vent per­me­t­tre de faire des tan­das plus intéres­santes. En effet, les titres habituels sont telle­ment proches qu’on a l’impression de danser plusieurs fois le même titre.

Extrait musical

Par­ti­tion de Puro puapo, ver­sion Lau­renz et Meaños.
De puro guapo 1940-01-25 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas.

Deux accords au piano d’Héctor Grané, puis l’appel qui fait se sou­venir que Lau­renz était ban­donéon­iste (ici, accom­pa­g­né au ban­donéon par Ángel Domínguez et Rolan­do Gavi­o­li). Avec le com­plé­ment de la con­tre­basse de Alber­to Celen­za, le rythme très mar­qué des ban­donéons et du piano se con­tin­ue. Il faut atten­dre presque une minute pour que les vio­lons s’expriment de façon plus audi­ble et encore, pour quelques sec­on­des. À 1:25 un très beau motif du vio­loniste Mauri­cio Mise annonce l’intervention de Juan Car­los Casas qui débute à 1:45. La voix par­faite­ment déliée s’intègre dans le phrasé agres­sif des ban­donéons qui, lorsque Casas ter­mine le seul refrain, repren­nent jusqu’au final le rythme puis­sant.

Paroles

Entre cortes y que­bradas,
suave rezongué en tu oído
todo mi ver­bo flori­do
que te dijo mi quer­er.
Vos mostraste en tu son­risa
toda tu coquetería,
y yo, ven­ci­da mi hom­bría…
Yo que siem­pre supe vencer.

Pa’ con­seguir tu car­iño
quiero jugarme la vida
al naipe que me ha gus­ta­do…
No es la primera par­ti­da
en que mi resto he juga­do…
Y si al final copo y gano,
—tau­ra soy en la pos­tu­ra—
hay un facón, bra­va mano,
cora­je y bravu­ra
pa’ hac­erme valer.

Lo que yo quiero lo ten­go,
y eso por tau­ra y por guapo…
Bas­ta que en un bra­zo el trapo
ten­ga y en otro el facón…
Si no bas­tan mis haz­a­ñas
pon­go mi cora­je a prue­ba.
¡Nadie ven­ta­ja me lle­va
cuan­do está en juego tu amor!
Pedro Lau­renz (Pedro Blan­co) Letra: Manuel Andrés Meaños

Juan Car­los Casas ne chante que le refrain (en gras).

Traduction libre

Entre cortes y que­bradas (fig­ures de tan­go archaïques),
J’ai douce­ment grom­melé dans ton oreille
Tout mon verbe fleuri
Que t’a dit mon amour.
Tu as mon­tré avec ton sourire
Toute ta coquet­terie (séduc­tion)
et moi, ma viril­ité vain­cue…
Moi qui avais tou­jours su vain­cre.
Pour obtenir ton affec­tion
Je veux ris­quer ma vie
à la carte qui m’a plu…
Ce n’est pas la pre­mière par­tie
dans lequel j’ai joué mon repos…
Et si à la fin je bois et gagne,
—tau­ra (Caïd), je suis dans la pos­ture —
il y a un couteau, main vive (courageuse, prompte à tir­er le couteau),
Courage et bravoure
pour me faire val­oir.
Ce que je veux, je l’ai
Et cela par tau­ra et par beau (parce que je suis un caïd et beau)…
Il suf­fit que, dans un bras il y ait le chif­fon (étoffe pour pro­téger. Les gau­chos util­i­saient leur pon­cho enroulé sur le bras comme pro­tec­tion)
et dans l’autre, le couteau…
Si mes exploits ne suff­isent pas
Je mets mon courage à l’épreuve.
Per­son­ne n’a l’a­van­tage sur moi
Quand est en jeu ton amour !

Autres versions

De puro guapo 1935-07-24 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

On est telle­ment habitués à enten­dre la ver­sion de Lau­renz et Casas, que cette ver­sion pesante de Canaro sem­ble d’une antiq­ui­té insup­port­able. De fait, il sem­ble peu intéres­sant de sub­stituer cet enreg­istrement à notre tan­go du jour. Bien sûr, les ama­teurs de canyengue seront sans doute d’un avis con­traire et c’est bien. J’aime la diver­sité des opin­ions.

De puro guapo 1935-11-26 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to con Jorge Omar.

Enreg­istré seule­ment qua­tre mois plus tard, la ver­sion de Lomu­to se dégage un peu plus de la gangue de la vieille garde que la ver­sion de Canaro. Quelques lib­ertés des instru­ments allè­gent égale­ment cet enreg­istrement. La sonorité est plus proche de celle que pro­duira trois ans plus tard Lau­renz.

De puro guapo 1940-01-25 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Juan Car­los Casas. C’est notre tan­go du jour.

Les enreg­istrements suiv­ants seront instru­men­taux et chercheront à pro­pos­er de nou­velles direc­tions dans l’interprétation de l’œuvre. Je vous invite à juger de la diver­sité.

De puro guapo 1966 — Leopol­do Fed­eri­co y Rober­to Grela.

Grela que nous avons enten­du tant de fois en duo avec Troi­lo est ici avec Leopol­do Fed­eri­co. Le ban­donéon de ce dernier et la gui­tare de Grela nous livrent un titre très intéres­sant à écouter, foi­son­nant de créa­tiv­ité.

De puro guapo 1967-11-29 — Orques­ta Aníbal Troi­lo.

La ver­sion de Troi­lo est assez majestueuse. Elle n’est claire­ment pas des­tinée à la danse, même si je con­nais cer­tains qui me con­trediront.

De puro guapo 1968 — Pedro Lau­renz con su Quin­te­to.

Près de 30 ans plus tard, Lau­renz remet son titre en jeu. Cette ver­sion un peu sautil­lante ne me con­va­inc pas, mais pas du tout. On a l’impression que les musi­ciens s’endorment, mal­gré la présence de la gui­tare élec­trique…
Le quin­tette était for­mé de Pedro Lau­renz (ban­donéon), Eduar­do Wal­czak (vio­lon), Rubén Ruiz (gui­tare élec­trique), José Colán­ge­lo (piano) et Luis Pereyra qui a rem­placé le ban­donéon par la con­tre­basse.

De puro guapo 1969-09-18 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

On réveille tout le monde avec cette ver­sion de D’Arienzo. Si on recon­naît des élé­ments de D’Arienzo, cet enreg­istrement tardif manque sans doute de la puis­sance que peu­vent man­i­fester d’autres titres de la même époque. Les efforts de D’Arienzo pour pro­duire un son plus « mod­erne » déna­turent son style et là encore, je ne défendrai pas ce titre pour con­stituer une tan­da, même si cela reste dans­able.

De puro guapo 1972-11-10 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Après les recherch­es de Troi­lo, cette ver­sion mar­que une autre étape dans la recherche d’une har­monie par­ti­c­ulière. Autant les mêmes efforts chez D’Arienzo tombaient à plat, autant le résul­tat de Pugliese apporte un sus­pens musi­cal qui rend l’œuvre pas­sion­nante à écouter. Là encore, ce n’est pas un titre à danser, mais à écouter avec une atten­tion soutenue pour prof­iter de tous ces instants sub­tils.

De puro guapo 1996 — Quin­te­to Real.

Puisqu’on a décidé de s’éloigner, au fil du temps du tan­go de danse, cette ver­sion du Quin­te­to Real s’essaye à une syn­thèse entre les recherch­es de Pugliese et l’orchestration de Lau­renz. Le résul­tat, au regard des deux mod­èles opposés a du mal à con­va­in­cre, ou pour le moins à me con­va­in­cre.

De puro guapo 2002 — La Fur­ca.

La Fur­ca essaye de main­tenir la dragée haute. Il est curieux de voir que cette œuvre qui a sus­cité la mer­veilleuse ver­sion de Lau­renz Casas a eu peu de descen­dance à la hau­teur.
Je vous pro­pose de ter­min­er ce tour du tan­go « De Puro Guapo » avec une petite sur­prise.

Un Puro guapo peut en cacher un autre

Il arrive sou­vent qu’on demande au DJ un morceau spé­ci­fique. C’est générale­ment le cas pour les démon­stra­tions de danseurs, mais aus­si pour les danseurs usuels de la milon­ga. Sou­vent (lire, tout le temps), ils sont décom­posés quand je leur dis, mais quelle ver­sion ? Suit une petite écoute au casque, jusqu’à ce qu’ils trou­vent la ver­sion souhaitée.
À ce sujet, j’ai eu, en quelques occa­sions, des danseurs qui m’ont chan­té le titre qu’ils voulaient pour leur démo. Là encore, trou­ver le titre est générale­ment assez facile, mais quand il y a trente ver­sions, il faut faire preuve de per­spi­cac­ité.
Par­fois, la dif­fi­culté vient de ce qu’un orchestre a enreg­istré deux tan­gos du même titre, mais dif­férents. C’est par exem­ple le cas avec De puro guapo qui existe aus­si dans une ver­sion écrite par Rafael Iri­arte (Rafael Yorio) avec des paroles de Juan Car­los Fer­nán­dez Díaz.
Ce tan­go a été enreg­istré par plusieurs orchestres qui ont aus­si enreg­istré la ver­sion de Lau­renz, par exem­ple, Fran­cis­co Canaro. Mais on se ren­dra bien vite compte que ce n’est pas le même. Imag­inez le désar­roi du cou­ple de danseurs en démon­stra­tion si le DJ met le mau­vais tan­go. Le DJ doit savoir pos­er les bonnes ques­tions et faire écouter le titre aux danseurs , si pos­si­ble, et les danseurs devraient s’assurer de la ver­sion qu’ils souhait­ent utilis­er en don­nant l’orchestre, l’éventuel chanteur et la date d’enregistrement afin d’éviter tout risque et ambiguïté. Enfin, presque tous les risques, car nous avons vu qu’un orchestre comme celui de Canaro pou­vait enreg­istr­er le même jour avec le même chanteur, le même titre, un en ver­sion de danse et un en ver­sion d’écoute…

La cou­ver­ture de la ver­sion de Iri­arte et Meaños. Je vous passe les paroles du tan­go, comme on peut s’en douter en voy­ant cette illus­tra­tion, l’his­toire est trag­ique, plus que celle de Lau­renz à laque­lle elle peut tout de même répon­dre…
De puro guapo 1927-11-16 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

On retrou­ve le canyengue cher à Canaro. Cette ver­sion instru­men­tale nous dis­pense de la noirceur des paroles. On remar­que que le titre n’a rien à voir avec celui écrit par Lau­renz.

De puro guapo 1928-01-14 — Car­los Gardel con acomp. de Guiller­mo Bar­bi­eri, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Gardel avec ses gui­taristes nous présente cette chan­son trag­ique.

De puro guapo V2 1928-02-02 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Ernesto Famá.

Deux semaines après Gardel, Frese­do enreg­istre le titre dans une ver­sion des­tinée à la danse. Tout au moins la danse de l’époque…

De puro guapo 1972-12-13 — Rober­to Goyeneche con Atilio Stam­pone y su Orques­ta Típi­ca.

Goyeneche nous donne une très belle inter­pré­ta­tion de ce titre. Bien sûr, une chan­son, bien jolie à écouter et chargée d’émotion.

Comme la ver­sion de Lau­renz, la ver­sion de Iri­arte a don­né lieu à des inter­pré­ta­tions très var­iées, mais elle n’aura sans doute pas les hon­neurs du bal, comme la ver­sion que Lau­renz a enreg­istrés avec Casas et qui nous rav­it à chaque fois.

Bon, lais­sons les puros gua­pos à leurs van­tardis­es et méfaits et je vous dis, à bien­tôt, les amis !

El choclo 1948-01-15 — Orquesta Francisco Canaro con Alberto Arenas

Ángel Villoldo (Ángel Gregorio Villoldo Arroyo) / Casimiro Alcorta Letra: Ángel Villoldo / Juan Carlos Marambio Catán / Enrique Santos Discépolo.

Comme tous les tan­gos célèbres, El choclo a son lot de légen­des. Je vous pro­pose de faire un petit tour où nous ver­rons au moins qua­tre ver­sions des paroles accrédi­tant cer­taines de ces légen­des. Ce titre importé par Vil­lol­do en France y aurait rem­placé l’hymne argentin (par ailleurs mag­nifique), car il était plus con­nu des orchestres français de l’époque que l’hymne offi­ciel argentin Oid mor­tales du com­pos­i­teur espag­nol : Blas Par­era i Moret avec des paroles de Vicente López y Planes (écrivain et homme poli­tique argentin). Voyons donc l’histoire de cet hymne de sub­sti­tu­tion.

Qui a écrit El choclo ?

Le vio­loniste, danseur (avec sa com­pagne La Pauli­na) et com­pos­i­teur Casimiro Alcor­ta pour­rait avoir écrit la musique de El choclo en 1898. Ce fils d’esclaves noirs, mort à 73 ans dans la mis­ère à Buenos Aires, serait, selon cer­tains, l’auteur de nom­breux tan­gos de la péri­ode comme Con­cha sucia (1884) que Fran­cis­co Canaro arrangea sous le titre Cara sucia, net­te­ment plus élé­gant, mais aus­si La yapa, Entra­da pro­hibi­da et sans doute pas mal d’autres. À l’époque, ces musiques n’étaient pas écrites et elles apparte­naient donc à ceux qui les jouaient, puis à ceux qui les éditèrent…
L’absence d’écriture empêche de savoir si, Ángel Vil­lol­do a « emprun­té » cette musique…
En 1903, Vil­lol­do demande à son ami chef d’un orchestre clas­sique, José Luis Ron­cal­lo, de jouer avec son orchestre cette com­po­si­tion dans un restau­rant chic, La Amer­i­cana. Celui-ci refusa, car le patron du restau­rant con­sid­érait le tan­go comme de la musique vul­gaire (ce en quoi il est dif­fi­cile de lui don­ner tort si on con­sid­ère ce qui se fai­sait à l’époque). Pour éviter cela, Vil­lol­do pub­lia la par­ti­tion le 3 novem­bre 1903 en indi­quant qu’il s’agissait d’une danse criol­la… Ce sub­terfuge per­mit de jouer le tan­go dans ce restau­rant. Ce fut un tel suc­cès, que l’œuvre était jouée tous les jours et que Vil­lol­do est allé l’enregistrer à Paris, en com­pag­nie de Alfre­do Gob­bi et de sa femme, Flo­ra Rodriguez.
Par la suite, des cen­taines de ver­sions ont été pub­liées. Celle du jour est assez intéres­sante. On la doit à Fran­cis­co Canaro avec Alber­to Are­nas. L’enregistrement est du 15 jan­vi­er 1948.

Extrait musical

Divers­es par­ti­tions de El choclo. On remar­quera à gauche (5ème édi­tion), la dédi­cace à Ron­cal­lo qui lancera le titre.
El choclo 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas.

On remar­que tout de suite le rythme rapi­de. Are­nas chante égale­ment rapi­de­ment, de façon sac­cadée et il ne se con­tente pas de l’habituel refrain. Il chante l’intégralité des paroles écrites l’année précé­dente pour Lib­er­tad Lamar­que.
Ce fait est générale­ment car­ac­téris­tique des tan­gos à écouter. Cepen­dant, mal­gré les facéties de cet enreg­istrement, il me sem­ble que l’on pour­rait envis­ager de le pro­pos­er dans un moment déli­rant, une sorte de cathar­sis, pour toutes ces heures passées à danser sur des ver­sions plus sages. On notera les clo­chettes qui don­nent une légèreté, en con­traste à la voix très appuyée d’Arenas.

Paroles (version de Enrique Santos Discépolo)

Ici, les paroles de la ver­sion du jour, mais reportez-vous en fin d’article pour d’autres ver­sions…

Con este tan­go que es burlón y com­padri­to
se ató dos alas la ambi­ción de mi sub­ur­bio;
con este tan­go nació el tan­go, y como un gri­to
sal­ió del sór­di­do bar­ri­al bus­can­do el cielo;
con­juro extraño de un amor hecho caden­cia
que abrió caminos sin más ley que la esper­an­za,
mez­cla de rabia, de dolor, de fe, de ausen­cia
llo­ran­do en la inocen­cia de un rit­mo juguetón.

Por tu mila­gro de notas agor­eras
nacieron, sin pen­sar­lo, las paicas y las gre­las,
luna de char­cos, canyengue en las caderas
y un ansia fiera en la man­era de quer­er…

Al evo­carte, tan­go queri­do,
sien­to que tiem­blan las bal­dosas de un bai­lon­go
y oigo el rezon­go de mi pasa­do…
Hoy, que no ten­go más a mi madre,
sien­to que lle­ga en pun­ta ‘e pie para besarme
cuan­do tu can­to nace al son de un ban­doneón.

Caran­can­fun­fa se hizo al mar con tu ban­dera
y en un pernó mez­cló a París con Puente Alsi­na.
Triste com­padre del gav­ión y de la mina
y has­ta comadre del bacán y la pebe­ta.
Por vos shusheta, cana, reo y mishiadu­ra
se hicieron voces al nac­er con tu des­ti­no…
¡Misa de fal­das, querosén, tajo y cuchil­lo,
que ardió en los con­ven­til­los y ardió en mi corazón.
Enrique San­tos Dis­cépo­lo

Traduction libre et indications de la version de Enrique Santos Discépolo

Avec ce tan­go moqueur et com­padri­to, l’am­bi­tion de ma ban­lieue s’est attaché deux ailes ;
Avec ce tan­go naquit, le tan­go, et, comme un cri, il sor­tit du quarti­er sor­dide en cher­chant le ciel.
Un étrange sort d’amour fait cadence qui ouvrait des chemins sans autre loi que l’e­spoir, un mélange de rage, de douleur, de foi, d’ab­sence pleu­rant dans l’in­no­cence d’un rythme joueur.
Par ton mir­a­cle des notes prophé­tiques, les paicas et les gre­las ( paicas et gre­las sont les chéries des com­padri­tos) sont nées, sans y penser, une lune de (ou de flaque d’eau), de canyengue sur les hanch­es et un désir farouche dans la façon d’aimer…
Quand je t’évoque, cher tan­go, je sens les dalles d’un danc­ing trem­bler et j’en­tends le mur­mure de mon passé…
Aujour­d’hui, alors que je n’ai plus ma mère, j’ai l’im­pres­sion qu’elle vient sur la pointe des pieds pour m’embrasser quand ton chant naît au son d’un ban­donéon.
Caran­can­fun­fa (danseur habile, on retrou­ve ce mot dans divers titres, comme les milon­gas Carán-Can-Fú de l’orchestre Rober­to Zer­ril­lo avec Jorge Car­do­zo, ou Carán­can­fún de Fran­cis­co Canaro avec Car­los Roldán) a pris la mer avec ton dra­peau et en un éclair a mêlé Paris au pont Alsi­na (pont sur le Riachue­lo à la Boca).
Triste com­padre du gabion (mecs) et de la mina (femme) et jusqu’à la mar­raine du bacán (riche) et de la pebe­ta (gamine).
Pour toi, l’élégant, prison, accu­sa­tions et mis­ère ont par­lé à la nais­sance avec ton des­tin…
Une messe de jupes, de kérosène (pét­role lam­pant pour l’éclairage), de lames et de couteaux, qui brûlait dans les con­ven­til­los (habitas col­lec­tifs pop­u­laires et surpe­u­plés) et brûlait dans mon cœur.

Un épi peut en cacher un autre…

On a beau­coup glosé sur l’origine du nom de ce tan­go.
Tout d’abord, la plus évi­dente et celle que Vil­lol­do a affir­mé le plus sou­vent était que c’était lié à la plante comestible. Les orig­ines très mod­estes des Vil­lol­do peu­vent expli­quer cette dédi­cace. Le nord de la Province de Buenos Aires ain­si que la Pam­pa sont encore aujourd’hui des zones de pro­duc­tion impor­tante de maïs et cette plante a aidé à sus­ten­ter les pau­vres. On peut même con­sid­ér­er que cer­tains aiment réelle­ment manger du maïs. En faveur de cette hypothèse, les paroles de la ver­sion chan­tée par lui-même, mais nous ver­rons que ce n’est pas si sim­ple quand nous allons abor­der les paroles…
Il s’agirait égale­ment, d’un tan­go à la charge d’un petit mal­frat de son quarti­er et qui avait les cheveux blonds. C’est du moins la ver­sion don­née par Irene Vil­lol­do, la sœur de Ángel et que rap­porte Juan Car­los Maram­bio Catán dans une let­tre écrite en 1966 à Juan Bautista Devo­to. On notera que les paroles de Juan Car­los Maram­bio Catán con­for­tent juste­ment cette ver­sion.
Lorsque Lib­er­tad Lamar­que doit enreg­istr­er ce tan­go en 1947 pour le film « Gran Casi­no » de Luis Buñuel, elle fait mod­i­fi­er les paroles par Enrique San­tos Dis­cépo­lo pour lui enlever le côté vio­lent de la sec­onde ver­sion et dou­teuse de celles de Vil­lol­do.
Vil­lol­do n’était pas un enfant de chœur et je pense que vous avez tous enten­du par­ler de la dernière accep­tion. Par la forme phallique de l’épi de maïs, il est ten­tant de faire ce rap­proche­ment. N’oublions pas que les débuts du tan­go n’étaient pas pour les plus prudes et cette con­no­ta­tion sex­uelle était, assuré­ment, dans l’esprit de bien des audi­teurs. Le lun­far­do et cer­tains textes de tan­gos aiment à jouer sur les mots. Vous vous sou­venez sans doute de « El chi­no Pan­taleón » où, sous cou­vert de par­ler musique et tan­go, on par­lait en fait de bagarre…
Rajou­tons que, comme le tan­go était une musique appré­ciée dans les bor­dels, il est plus que prob­a­ble que le dou­ble sens ait été encour­agé.
Faut-il alors rejeter le témoignage de la sœur de Vil­lol­do ? Pas for­cé­ment, il y avait peut-être une tête d’épi dans leur entourage, mais on peut aus­si sup­pos­er que, même si Irène était anal­phabète, elle avait la notion de la bien­séance et qu’elle se devait de dif­fuser une ver­sion soft, ver­sion que son frère a peut-être réelle­ment encour­agée pour pro­téger sa sœurette.
Retenons de cela qu’au fur et à mesure que le tan­go a gag­né ses let­tres de noblesse, les poètes se sont éver­tués à écrire de belles paroles et pas seule­ment à cause des péri­odes de cen­sure de cer­tains gou­verne­ments. Tout sim­ple­ment, car le tan­go entrant dans le « beau monde », il devait présen­ter un vis­age plus accept­able.
Les textes ont changé, n’en déplaise à Jorge Borges, et avec eux, l’ambiance du tan­go.

Autres versions

Tout comme pour la Cumpar­si­ta, il n’est pas pens­able de présen­ter toutes les ver­sions de ce tan­go. Je vous pro­pose donc une sélec­tion très restreinte sur deux critères :
• His­torique, pour con­naître les dif­férentes épo­ques de ce thème.
• Intérêt de l’interprétation, notam­ment pour danser, mais aus­si pour écouter.
Il ne sem­ble pas y avoir d’enregistrement disponible de la ver­sion de 1903, si ce n’est celle de Vil­lol­do enreg­istrée en 1910 avec les mêmes paroles pré­sumées.
Mais aupar­a­vant, pri­or­ité à la data­tion, une ver­sion un peu dif­férente et avec un autre type de paroles. Il s’agit d’une ver­sion dia­loguée (voire criée…) sur la musique de El Choclo. Le titre en est Car­iño puro, mais vous retrou­verez sans prob­lème notre tan­go du jour.

Car­iño puro (diál­o­go y tan­go) 1907 – Los Gob­bi con Los Cam­pos.

Ce titre a été enreg­istré en 1907 sur un disque en car­ton de la com­pag­nie Mar­coni. Si la qual­ité d’origine était bonne, ce matéri­au n’a pas résisté au temps et au poids des aigu­illes de phono­graphes de l’époque. Heureuse­ment, cette ver­sion a été réédité en disque shel­lac par la Colum­bia et vous pou­vez donc enten­dre cette curiosité… La forme dia­loguée rap­pelle que les musi­ciens fai­saient beau­coup de revues et de pièces de théâtre.

À gauche, disque en car­ton recou­vert d’acé­tate (procédé Mar­coni). Ces dis­ques étaient de bonne qual­ité, mais trop frag­iles. À droite, le même enreg­istrement en ver­sion shel­lac.

Paroles de Cariño puro des Gobbi

Ay mi chi­na que ten­go mucho que hablarte,
de una cosa que a vos no te va a gus­tar
Largá el rol­lo que escu­cho y expli­cate
Lo que pas­es no es ton­tera,
pues te juro que te digo la ver­dad.
dame un beso no me ven­gas con chanela (2)
dejate de ton­teras, no me hagas esper­ar.
Decí ya sé que la otra noche
vos con un gav­ilán
son cuen­tos que te han hecho
án.
No me faltes mirá que no hay macanas
yo no ven­go con ganas mi chi­na de far­rear
Pues entonces no me ven­gas con cuen­to
y escuchame un momen­to que te voy a explicar.
No te eno­jes que yo te diré lo cier­to
y verás que me vas a per­donar
Pues entonces
Te diré la purísi­ma ver­dad
Vamos chi­na ya que voy a hac­er las paces
a tomar un car­rin­dan­go pa pasear
Y mirar de Paler­mo
Yo te quiero mi chini­ta no hagas caso
Que muy lejos quer­er
el esquina­zo
ni golpe ni por­ra­zo…
Ángel Vil­lol­do

Traduction de Cariño puro des Gobbi

  • Oh, ma chérie, que j’ai beau­coup à te par­ler,
    D’une chose qui ne va pas te plaire
    Avoue (lâch­er le rouleau) que je t’écoute et explique-toi
    Ce que tu tra­vers­es n’est pas une bêtise,
  • - Eh bien, je te jure que je te dis la vérité.
    Donne-moi un bais­er Ne viens pas à moi en par­lemen­tant
  • - Arrête les bêtis­es, ne me fais pas atten­dre.
    J’ai déjà dit que je savais pour l’autre soir
    Toi avec un éper­vi­er (homme rapi­de en affaires)
  • - Ce sont des his­toires qui t’ont été faites
    un.
    Ne détourne pas le regard, n’y a pas d’arnaque.
  • - Je ne viens pas, ma chérie, avec l’en­vie de rigol­er.
    Aus­si, ne me racon­te pas d’histoires
  • - et écoute-moi un instant et, car je vais te l’ex­pli­quer.
    Ne te fâche pas, je vais te dire ce qui est sûr
    Et tu ver­ras que tu vas me par­don­ner
    Puis, ensuite
    Je vais te dire la pure vérité
  • - Allez, ma chérie, car je vais faire la paix
    En prenant une voiture pour une prom­e­nade
    Et regarder Paler­mo
    Je t’aime ma petite chérie, ne fais pas atten­tion
    Car je veux arrondir les angles
    ni coup ni bagarre…

On voit que ces paroles sont plutôt mignonnes, autour des tour­ments d’un cou­ple, inter­prétés par Alfre­do Gob­bi et sa femme, Flo­ra Rodriguez. Dom­mage que la tech­nique où le goût de l’époque fasse tant crier, cela n’est pas bien accep­té par nos oreilles mod­ernes.

El choclo 1910 — Ángel Gre­go­rio Vil­lol­do con gui­tar­ra.

Cette ver­sion présente les paroles sup­posées orig­i­nales et qui par­lent effec­tive­ment du maïs. C’est donc cette ver­sion qui peut faire pencher la bal­ance entre la plante et le sexe mas­culin. Voyons ce qu’il en est.

Paroles de Villoldo

De un gra­no nace la plan­ta
que más tarde nos da el choclo
por eso de la gar­gan­ta
dijo que esta­ba humil­loso.
Y yo como no soy otro
más que un tanguero de fama
mur­muro con alboro­zo
está muy de la banana.

Hay choc­los que tienen
las espi­gas de oro
que son las que adoro
con tier­na pasión,
cuan­do tra­ba­jan­do
llen­i­to de abro­jos
estoy con ras­tro­jos
como humilde peón.

De lava­da enrubia
en largas guede­jas
con­tem­p­lo pare­jas
sí es como cre­cer,
con esos big­otes
que la tier­ra vir­gen
al noble paisano
le suele ofre­cer.

A veces el choclo
asa en los fogones
cal­ma las pasiones
y dichas de amor,
cuan­do algún paisano
lo está coci­nan­do
y otro está ceban­do
un buen cimar­rón.

Luego que la humi­ta
está prepara­da,
bajo la enra­ma­da
se oye un per­icón,
y jun­to al alero,
de un ran­cho deshe­cho
surge de algún pecho
la ale­gre can­ción.
Ángel Vil­lol­do

Traduction des paroles de Ángel Villoldo

D’un grain naît la plante qui nous don­nera plus tard du maïs
C’est pourquoi, de la gorge (agréable au goût) je dis qu’il avait été humil­ié (calom­nié).
Et comme je ne suis autre qu’un tanguero célèbre, je mur­mure de joie, il est bien de la banane (du meilleur, la banane étant égale­ment un des surnoms du sexe de l’homme).
Il y a des épis qui ont des grains d’or, ce sont ceux que j’adore avec une ten­dre pas­sion, quand je les tra­vaille plein de chardons, je suis avec du chaume comme un hum­ble ouvri­er.
De l’innocence blonde aux longues mèch­es, je con­tem­ple les plantes (sim­i­laires, spéci­mens…) si c’est comme grandir, avec ces mous­tach­es que la terre vierge offre habituelle­ment au noble paysan. (Un dou­ble sens n’est pas impos­si­ble, la terre cul­tivée n’a pas de rai­son par­ti­c­ulière d’être con­sid­érée comme vierge).
Par­fois, les épis de maïs sur les feux cal­ment les pas­sions et les joies de l’amour (les feux, sont les cuisinières, poêles. Qu’ils cal­ment la faim, cela peut se con­cevoir, mais les pas­sions et les joies de l’amour, cela procède sans doute d’un dou­ble sens mar­qué), quand un paysan le cui­sine et qu’un autre appâte un bon cimar­ron (esclave noir, ou ani­mal sauvage, mais il doit s’agir ici plutôt d’une vic­time d’arnaque, peut-être qu’un peu de viande avec le maïs fait un bon repas).
Une fois que la humi­ta (ragoût de maïs) est prête, sous la ton­nelle, un per­icón (per­icón nacional, danse tra­di­tion­nelle) se fait enten­dre, et à côté des avant-toits, d’un ranch brisé, le chant joyeux sur­git d’une poitrine (on peut imag­in­er dif­férentes choses à pro­pos du chant qui sur­git d’une poitrine, mais c’est un peu dif­fi­cile de s’imaginer que cela puisse être provo­qué par la pré­pa­ra­tion d’une humi­ta, aus­si tal­entueux que soit le cuisinier…

Je vous laisse vous faire votre opin­ion, mais il me sem­ble dif­fi­cile d’exclure un dou­ble sens de ces paroles.

El choclo 1913 — Orques­ta Típi­ca Porteña dir. Eduar­do Aro­las.

Cette ver­sion instru­men­tale per­met de faire une pause dans les paroles.

El choclo 1929-08-27 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Une ver­sion instru­men­tale par la Típi­ca Víc­tor dirigée par Cara­bel­li. Un titre pour les ama­teurs du genre, mais un peu pesant pour les autres danseurs.

El choclo 1937-07-26 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Sans doute une des ver­sions les plus adap­tées aux danseurs, avec les orne­men­ta­tions de Bia­gi au piano et le bel équili­bre des instru­ments, prin­ci­pale­ment tous au ser­vice du rythme et donc de la danse, avec notam­ment l’accélération (simulée) finale.

El choclo 1937-11-15 — Quin­te­to Don Pan­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

Cette ver­sion n’apporte pas grand-chose, mais je l’indique pour mar­quer le con­traste avec notre ver­sion du jour, enreg­istrée par Canaro 11 ans plus tard.

El choclo 1940-09-29 — Rober­to Fir­po y su Cuar­te­to Típi­co.

Une ver­sion légère. Le dou­ble­ment des notes, car­ac­téris­tiques de cette œuvre, a ici une sonorité par­ti­c­ulière, on dirait presque un bégaiement. En oppo­si­tion, des pas­sages aux vio­lons chan­tants don­nent du con­traste. Le résul­tat me sem­ble cepen­dant un peu con­fus, pré­cip­ité et pas des­tiné à don­ner le plus de plaisir aux danseurs.

El choclo 1941-11-13 — Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

On retrou­ve une ver­sion chan­tée. Les paroles sont celles de Juan Car­los Maram­bio Catán, ou plus exacte­ment le tout début des paroles avec la fin du cou­plet avec une vari­ante.
Je vous pro­pose ici, les paroles com­plètes de Catán, pour en garder le sou­venir et aus­si, car la par­tie qui n’est pas chan­tée par Var­gas par­le de ce fameux type aux cheveux couleur de maïs…

Paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vie­ja milon­ga que en mis horas de tris­teza
traes a mi mente tu recuer­do car­iñoso,
enca­denán­dome a tus notas dul­cemente
sien­to que el alma se me enco­je poco a poco.
Recuer­do triste de un pasa­do que en mi vida,
dejó una pági­na de san­gre escri­ta a mano,
y que he lle­va­do como cruz en mi mar­tirio
aunque su car­ga infame me llene de dolor.

Fue aque­l­la noche
que todavía me ater­ra.
Cuan­do ella era mía
jugó con mi pasión.
Y en due­lo a muerte
con quien robó mi vida,
mi daga gaucha
par­tió su corazón.
Y me llam­a­ban
el choclo com­pañero;
tal­lé en los entreveros
seguro y fajador.
Pero una chi­na
enve­nenó mi vida
y hoy lloro a solas
con mi trági­co dolor.

Si algu­na vuelta le toca por la vida,
en una mina pon­er su corazón;
recuerde siem­pre
que una ilusión per­di­da
no vuelve nun­ca
a dar su flor.

Besos men­ti­dos, engaños y amar­guras
rodan­do siem­pre la pena y el dolor,
y cuan­do un hom­bre entre­ga su ter­nu­ra
cer­ca del lecho
lo acecha la traición.

Hoy que los años han blan­quea­do ya mis sienes
y que en mi pecho sólo ani­da la tris­teza,
como una luz que me ilu­mi­na en el sendero
lle­gan tus notas de melódi­ca belleza.
Tan­go queri­do, viejo choclo que me embar­ga
con las cari­cias de tus notas tan sen­ti­das;
quiero morir aba­jo del arrul­lo de tus que­jas
can­tan­do mis querel­las, llo­ran­do mi dolor.
Juan Car­los Maram­bio Catán

Traduction libre des paroles de Juan Carlos Marambio Catán

Vieille milon­ga. À mes heures de tristesse, tu me rap­pelles ton sou­venir affectueux,
En m’en­chaî­nant douce­ment à tes notes, je sens mon âme se rétré­cir peu à peu.
Sou­venir triste d’un passé qui, dans ma vie, a lais­sé une page de sang écrite à la main, et que j’ai porté comme une croix dans mon mar­tyre, même si son infâme fardeau me rem­plit de douleur.
C’est cette nuit-là qui, encore, me ter­ri­fie.
Quand elle était à moi, elle jouait avec ma pas­sion.
Et dans un duel à mort avec celui qui m’a volé la vie, mon poignard gau­cho lui a brisé le cœur.
Et ils m’ap­pelaient le com­pagnon maïs (choclo);
J’ai tail­lé dans les mêlées, sûr et résis­tant.
Mais une femme chérie a empoi­son­né ma vie et, aujour­d’hui, je pleure tout seul avec ma douleur trag­ique.
S’il vous prend dans la vie de met­tre votre cœur dans une chérie ; rap­pelez-vous tou­jours qu’une illu­sion per­due ne redonne plus jamais sa fleur.
Des bais­ers men­songers, trompeurs et amers roulent tou­jours le cha­grin et la douleur, et quand un homme donne sa ten­dresse, près du lit, la trahi­son le traque.
Aujour­d’hui que les années ont déjà blanchi mes tem­pes et que, dans ma poitrine seule se niche la tristesse, comme une lumière qui m’é­claire sur le chemin où arrivent tes notes de beauté mélodique.
Tan­go chéri, vieux choclo qui m’ac­ca­ble des caress­es de tes notes si sincères ;
Je veux mourir sous la berceuse de tes plaintes, chan­tant mes peines, pleu­rant ma douleur.

El choclo 1947 – Lib­er­tad Lamar­que, dans le film Gran casi­no de Luis Buñuel.

El choclo 1947 – Lib­er­tad Lamar­que, dans le film Gran casi­no de Luis Buñuel.

Dans cet extrait Lib­er­tad Lamar­que inter­prète le titre avec les paroles écrites pour elle par Dis­ce­po­lo. On com­prend qu’elle ne voulait pas pren­dre le rôle de l’assassin et que les paroles adap­tées sont plus con­ven­ables à une dame…
Les paroles de Enrique San­tos Dis­cépo­lo seront réu­til­isées ensuite, notam­ment par Canaro pour notre tan­go du jour.

El choclo 1948-01-15 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Alber­to Are­nas. C’est notre tan­go du jour.

Comme vous vous en doutez, je pour­rai vous présen­ter des cen­taines de ver­sions de ce titre, mais cela n’a pas grand intérêt. J’ai donc choisi de vous pro­pos­er pour ter­min­er une ver­sion très dif­férente…

Kiss of Fire 1955 — Louis Arm­strong.

En 1952, Lester Allan et Robert Hill ont adap­té et sérieuse­ment mod­i­fié la par­ti­tion, mais on recon­naît par­faite­ment la com­po­si­tion orig­i­nale.

Je vous pro­pose de nous quit­ter là-dessus, une autre preuve de l’universalité du tan­go.
À bien­tôt, les amis.

En guise de corti­na, on pour­rait met­tre Pop Corn, non ?

PS : si vous avez des ver­sions de El choclo que vous adorez, n’hésitez pas à les indi­quer dans les com­men­taires, je rajouterais les plus demandées.

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orquesta Juan D’Arienzo

Carlos Ángel Lázzari

Adiós, Coco est un au revoir, ou plutôt un adieu à Rafael D’Agostino, le neveu de Ángel D’Agostino qui était pianiste, com­pos­i­teur, auteur et jour­nal­iste spé­cial­isé dans les spec­ta­cles (notam­ment au jour­nal La Razón à l’Editorial Anahi et à Radio Colo­nia). Par son oncle et ses activ­ités, il était mem­bre de la grande famille du tan­go et sa mort trag­ique dans un acci­dent de la route a sec­oué la com­mu­nauté, comme en témoigne ce tan­go com­posé par Láz­zari, ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre de D’Arienzo et l’enregistrement par l’orchestre de ce dernier, un mois seule­ment, après la mort de Coco. Main­tenant, il me reste à vous expli­quer pourquoi un dinosaure con­duit une voiture…

Extrait musical

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo.

Adiós, Coco s’inscrit dans la lignée des tan­gos tardifs enreg­istrés par D’Arienzo. La puis­sance est énorme. Les vio­lons vir­tu­os­es et les longs breaks ren­dent ce style recon­naiss­able immé­di­ate­ment. Le piano de Juan Poli­to est en ponc­tu­a­tion per­ma­nente et bien sûr, les ban­donéons (instru­ment du com­pos­i­teur, Car­los Ángel Láz­zari) et la con­tre­basse assurent la base ryth­mique que repren­nent les autres instru­ments.
Dans cette ver­sion, quelques solos de vio­lons font taire le martelle­ment du rythme, une pointe de roman­tisme en l’honneur de Coco.
Cet orchestre tardif de D’Arienzo, le dernier de sa car­rière était com­posé de la façon suiv­ante :
Car­los Láz­zari (ban­donéon­iste et arrangeur de l’orchestre. C’est lui qui repren­dra la direc­tion à la mort de D’Arienzo et qui enreg­istr­era des titres du même type de dynamisme avec las solis­tas de D’Arienzo (les solistes de D’Arienzo, orchestre créé en 1973 avec l’autorisation de D’Arienzo). Voyons donc ces autres solistes :
Enrique Alessio, Felipe Ric­cia­r­di et Aldo Jun­nis­si (ban­donéon­istes de D’Arienzo, comme Láz­zari de 1950 à 1975).

Juan D’Arien­zo dans une atti­tude typ­ique, ani­me ses ban­donénistes. De gauche à droite, Enrique Alessio, Car­los Láz­zari, celui de droite me sem­ble être Aldo Jun­nis­si plus que Felipe Ric­cia­r­di, mais je ne garan­tis rien… Les qua­tre ban­donéon­istes de D’Arienzo sont restés les mêmes de 1950 à 1975. Cette pho­to sem­ble dater de la décen­nie précé­dente, prob­a­ble­ment les années 60.

Juan Poli­to (pianiste de l’orchestre de D’Arienzo en 1929, 1938–1939, 1957–1975)
Cayetano Puglisi, Blas Pen­sato, Jaime Fer­rer et Clemente Arnaiz (vio­lonistes de D’Arienzo depuis 1940. Cette longévité explique la mer­veille des vio­lons de D’Arienzo qui était lui-même vio­loniste).
Vic­to­rio Vir­gili­to (con­tre-bassiste de D’Arienzo depuis 1950).

Cette ver­sion est instru­men­tale, mais je pense intéres­sant de présen­ter les chanteurs de l’époque :
Osval­do Ramos (ténor). C’est le père de Pablo Ramos qui dirige l’orchestre Los Herederos del Com­pás que vous pour­rez enten­dre et voir dans ce titre en fin d’article.
Alber­to Echagüe et Arman­do Labor­de (bary­tons)
Mer­cedes Ser­ra­no (mez­zo-sopra­no).

Rafael D’Agostino (Coco)

Son oncle, Ángel D’Agostino, est bien plus con­nu et j’ai eu à divers­es repris­es l’honneur de présen­ter cer­taines de ses inter­pré­ta­tions. Je vous pro­pose un petit éclairage sur le neveu, Coco, objet de cet hom­mage.
L’histoire com­mence entre Juan D’Arienzo et Ángel D’Agostino, les D’ du tan­go. D’Arienzo vio­loniste et D’Agostino pianiste sont amis depuis l’adolescence.
Lorsqu’en 1928 naquit Rafael, ce dernier est entré dans le cer­cle d’amitié des deux hommes qui l’ont accom­pa­g­né dans son entrée dans la car­rière musi­cale.
Mal­gré ses capac­ités de pianiste, Rafael s’est dirigé vers le jour­nal­isme, notam­ment de spec­ta­cle. Il fut util­isa­teur dans ses chroniques de surnoms pour les artistes. Cette mode a été ini­tiée par Felix Laiño, le sous-directeur du jour­nal La Razón. Coco s’est expliqué sur cette cou­tume, par exem­ple en par­lant de Tita Merel­lo :

“Nadie puede negar que Tita Merel­lo es las­timera; todos los días se que­ja de su mis­e­ria, sus años y su mala suerte, Estos apo­dos nacen de sus pro­pios defec­tos y vir­tudes.”

(Per­son­ne ne peut nier que Tita Merel­lo est pitoy­able ; chaque jour elle se plaint de sa mis­ère, de son âge et de sa malchance. Ces surnoms nais­sent de leurs pro­pres défauts et ver­tus.)

On attribue un cer­tain nom­bre d’œuvres à Coco :
Pasión milonguera
Vida bohemia
(avec Ricar­do Gar­cía)
Paica ale­gre
Mis flo­res negras
(Pas le pas­sil­lo colom­biano arrangé en valse que chan­ta Gardel)
Noches de Cabaret
(pas celui d’Héctor Varela avec Rodol­fo Lesi­ca)
Mi cov­acha

On voit que ces œuvres sont peu con­nues et celles qui le sont por­tent le nom d’autres auteurs. Mais j’ai gardé le meilleur pour la fin. On lui attribue égale­ment El Ple­siosauro. Voyons un peu de ce côté…

El Plesiosauro

Ce sym­pa­thique ani­mal marin, un dinosaure, aime faire des farces. En Écosse, il s’appelle Nes­si et hante le Loch Ness. En Argen­tine, on l’appelle par son nom sci­en­tifique, El Ple­siosauro, mais il porte aus­si le nom de El Nahueli­to, car il serait apparu au Lac Nahuel Huapi (Bar­iloche) ou à un autre lac bien plus au sud, el lago Epuyén.
Con­traire­ment à son cousin d’Écosse, ce dernier s’est offert le luxe d’écrire une let­tre que pub­lia le jour­nal La Nación, en mars 1922, dont voici les ter­mes :
“El obje­ti­vo de mi car­ta es per­suadir­los de que me dejen en paz, ya que soy un mon­struo dis­cre­to y desin­tere­sa­do”
“L’objet de ma let­tre est de vous per­suad­er de me laiss­er en paix, car je suis un mon­stre dis­cret et dés­in­téressé.“
Je pense que vous com­mencez à penser à un can­u­lar, voici l’histoire :
La pre­mière men­tion de cet ani­mal date de 1910 et c’est la pub­li­ca­tion en 1922 de cette « vision » par George Gar­ret qui don­na l’idée à un Nord Améri­cain nom­mé Martín Sheffield d’annoncer la présence de cet ani­mal.
Cela arri­va aux oreilles du Doc­teur Clemente Onel­li, directeur du Zoo de Buenos Aires, qui aurait bien aimé le met­tre dans ses col­lec­tions. Il envoya des fonds à Martín Sheffield et organ­isa une expédi­tion.
À son arrivée, Martín Sheffield avait dis­paru avec l’argent et vous vous en doutez, la quête de El Nahueli­to s’est avérée vaine, mal­gré les descrip­tions qu’en ont faites les pré­ten­dus témoins.
La bête aurait un long cou, la taille d’une vache et serait car­ni­vore. Cer­tains sci­en­tifiques y voy­aient la descrip­tion d’un plé­siosaure, d’où le nom le plus courant à l’époque et d’autres d’un ichtyosaure. Des pho­tos auraient été réal­isées, mais où sont-elles ?

L’af­faire du Plé­siosaure à Bar­iloche. De gauche à droite. Mar­tin Shi­ef­feld, l’aventurier d’Amérique du Nord. Il a quit­té les lieux avec l’argent et n’a pas fait par­tie de l’expédition. Doc­teur Clemente Onel­li, le directeur du Zoo et organ­isa­teur de l’expédition. Sur la pho­to cen­trale : Alber­to Merkle, un taxi­der­miste alle­mand qui aurait pu con­serv­er El Nahueli­to si ses col­lègues l’avaient abat­tu comme prévu. Emilio Frey, un ingénieur, ami de Clemente Onel­li qui est à droite de lui sur la pho­to cen­trale San­ti­a­go Andueza et José Cinaghi, les chas­seurs. La pho­to de droite représente une recon­sti­tu­tion du Plé­siosaure à Bar­iloche.

Le Plé­siosaure a sus­cité des pas­sions, des rires et plusieurs musiques ont exploité le filon.
Par­mi celles-ci, la par­ti­tion attribuée à Rafael D’Agostino.

La par­ti­tion attribuée à Rafael D’Agosti­no du Ple­siosauro. Elle serait de 1922. On remar­que la dédi­cace à Clemente Onel­li, le Directeur de l’expédition, et à un Manuel Gar­cia que je n’ai pas iden­ti­fié. Est-il de la famille de Ricar­do Gar­cía avec qui il a com­posé Vida Bohémia ?

Tous les auteurs qui par­lent de ce tan­go men­tion­nent sans hési­ta­tion Coco, Rafael D’Agostino comme le com­pos­i­teur du Ple­siosauro.
Le fait qui m’intrigue est que la par­ti­tion serait datée de 1922, ce qui est logique vu que c’est l’époque des faits. Ce qui est moins logique, c’est que Rafael D’Agostino est né en 1928 (il avait 40 ans en 1968 selon une inter­view, et 44 à a sa mort en 1972). Un prodi­ge comme Mozart peut écrire une œuvre à six ans, mais pas six ans avant sa nais­sance…
Il faut donc soit con­sid­ér­er que la par­ti­tion n’est pas de 1922, soit que c’est d’un autre Rafael D’Agostino.
Le fait que Coco soit un plaisan­tin pour­rait laiss­er penser qu’il aurait réal­isé un faux. Dans le sens de cette hypothèse, je met­trai la réal­i­sa­tion assez som­maire de la cou­ver­ture de la par­ti­tion.
Ce qui ne fait pas de doute, c’est l’expédition à Bar­iloche de Onel­li, les doc­u­ments sont suff­isam­ment pré­cis sur la ques­tion et ce sci­en­tifique n’aurait pas mis en jeu sa répu­ta­tion pour un can­u­lar.
Le fait qu’il soit cité sur la par­ti­tion est un peu plus éton­nant. En effet, comme il est ren­tré bre­douille, il est peu prob­a­ble qu’il ait appré­cié l’attention. Avoir un tan­go dédi­cacé à son nom et qui rap­pelle un échec n’est sans doute pas des plus réjouis­sant. Cela me con­forte dans l’idée du faux que j’attribuerai à Rafael D’Agostino, un drôle de coco (« drôle de coco » en français peut sig­ni­fi­er un farceur, quelqu’un d’un peu orig­i­nal).
Son com­parse, l’auteur des paroles, serait Amíl­car Mor­bidel­li, un « poète » dont on n’a pas vrai­ment de traces. Est-ce aus­si un élé­ment de la blague ? Nous ver­rons que les paroles peu­vent ren­forcer cette impres­sion.
L’orchestre Sci­ammarel­la tan­go a pro­duit la seule ver­sion enreg­istrée de cette œuvre.

El Ple­siosauro 2023 — Sci­ammarel­la tan­go.

Sci­ammarel­la aurait retrou­vé la par­ti­tion et exé­cuté l’œuvre. Est-ce une com­po­si­tion orig­i­nale de cet orchestre ou réelle­ment une œuvre écrite en 1922, ou un can­u­lar tardif de Coco ?
Le site très sérieux et extrême­ment bien doc­u­men­té Todo Tan­go cite l’œuvre, donne Rafael D’Agostino comme com­pos­i­teur et Amíl­car Mor­bidel­li comme auteur des paroles.
https://www.todotango.com/musica/tema/6341/El-plesiosauro/
Cet élé­ment peut faire pencher la bal­ance du côté de l’œuvre authen­tique, dont voici les paroles.

Paroles de El Plesiosauro

Yo soy un pobre ani­mal bus­ca­do
por los ingratos y sin con­cien­cia.
Porque soy raro y tam­bién lo soy curioso
(según dice la gente allí).

Deje­men solo aquí, gozan­do
en la soledad de este lago
¿Qué es lo que haréis con sacarme si es en vano
lle­varme vivo de este lugar ?

¿No saben los señores
que esto no es coger flo­res?
Pre­tenden aquí cazarme y lle­var
como si nada fuera.

¡Maldito! No me nom­bres.
Nada te debo Onel­li.
Deja que yo viva con igual pre­rrog­a­ti­vas
como tú vives allí.
Rafael D’Agostino Letra: Amíl­car Mor­bidel­li

Traduction libre et indications

Je suis un pau­vre ani­mal recher­ché par les ingrats et sans con­science.
Parce que je suis bizarre et que je suis aus­si curieux (selon ce que dis­ent les gens de là-bas).
Lais­sez-moi seul ici, prof­i­tant de la soli­tude de ce lac
Que fer­ez-vous de me sor­tir, si c’est en vain que vous voulez m’en­lever vivant d’i­ci ? (Les mem­bres de l’expédition sont armés et deux chas­seurs y par­ticipent. La présence d’une grande seringue dans l’équipement est par­fois men­tion­née, mais mise en doute. Ils pen­saient tuer le « mon­stre » et l’empailler « d’où la présence d’un empailleur dans l’expédition.
Ces messieurs ne savent-ils pas qu’il ne s’ag­it pas de cueil­lir des fleurs ?
Ils ont l’in­ten­tion de me tra­quer et de m’emmener comme si de rien n’é­tait.
Mau­dit ! Ne me nom­mez pas.
Je ne te dois rien, Onel­li.
Lais­sez-moi, que je vive avec les mêmes prérog­a­tives que vous là-bas.

On voit que l’auteur a pris la parole pour el Nahueli­to. À moins que ce soit lui, puisqu’il avait déjà pub­lié une let­tre dans le jour­nal La Nación.
On remar­quera que, si la cou­ver­ture dédi­cace l’œuvre à Onel­li, le texte n’est pas du tout à sa gloire. Cela me fait encore hésiter. Un auteur aurait-il dédi­cacé un tan­go où il traite de mau­dit son dédi­cataire ? Cela me sem­ble bien étrange.
Si on tient compte que le Plé­siosaure est un dinosaure qui vit dans l’eau, on pour­rait penser à un pois­son d’avril, cou­tume qui con­siste à racon­ter un truc incroy­able que l’on retrou­ve dans quelques pays d’Europe et dans le Monde, mais pas en Argen­tine.
On pour­rait aus­si voir dans cette his­toire un rap­pel de la coloni­sa­tion… Ces Indi­ens et gau­chos que l’on a déplacés et mas­sacrés sans ménage­ment pour con­quérir leur ter­ri­toire.

Autres versions de Adiós, Coco

Adiós, Coco 1972-12-14 — Orques­ta Juan D’Arien­zo. C’est notre tan­go du jour.

Du fait qu’il s’agit d’un tan­go tardif, il n’a pas eu le temps d’entrer dans le réper­toire des orchestres. Une excep­tion toute­fois, Los Herederos del Com­pás, l’orchestre ani­mé par Pablo Ramos, le fils de l’ancien chanteur de D’Arienzo, Osval­do Ramos, et qui tra­vaille ardem­ment à entretenir le sou­venir de son père et de la Orques­ta Del Rey del Com­pás.
Cet orchestre joue régulière­ment le thème, et je l’ai donc écouté par eux à divers­es repris­es avec des évo­lu­tions intéres­santes.

Adiós Coco 2021 — Pablo Ramos & Los Herederos del Com­pás. C’est la ver­sion du disque “Que siga el encuen­tro de 2021”.

Mais je pense que vous serez con­tent de voir l’une de leurs presta­tions. C’était l’an passé, le 8 avril 2023, à la huitième édi­tion du fes­ti­val de La Pla­ta.

Adiós Coco 2023-04-08 — Pablo Ramos & Los Herederos del Com­pás, en La Pla­ta Baila Tan­go (8va edi­ción).

Avec cette vidéo, je pense que l’on peut dire Adiós Coco, au revoir, les amis. Soyez pru­dent sur les routes, un dinosaure pour­rait tra­vers­er sans crier gare !

Sentir del corazón 1940-12-13 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Romeo Gavio

Benito R. Atella (musique et paroles)

Ceux qui me con­nais­sent comme DJ, savent que, quand les danseurs le peu­vent, j’aime pass­er des milon­gas dynamiques et joueuses. Sen­tir del corazón est l’une de ces milon­gas qui peu­vent faire naître des sourires aux lèvres. Pour­tant, l’histoire qu’elle con­te n’est pas si allè­gre.

Extrait musical

Sen­tir del corazón 1940-12-13 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Romeo Gavio.

Dona­to a aimé avoir des duos, voire des trios de chanteurs. Cette milon­ga exploite par­faite­ment le Duo Lagos et Gavi­o­li. L’ensemble est mené avec allé­gresse jusqu’au final qui se ter­mine de façon ferme, presque abrupte, ajoutant au plaisir des danseurs qui peu­vent la savour­er jusqu’à la dernière note.

Paroles

Milon­ga de mi Argenti­na
de aquel tiem­po colo­nial
Desnu­da está la div­ina
musiq­ui­ta de arra­bal

Y que en las noches de far­ra
más de un gau­cho fed­er­al
tam­bién vol­có en su gui­tar­ra
tu can­ción sen­ti­men­tal.

Si fuiste por tus com­pas­es
Milon­ga sen­ti­men­tal
Tren­záronse grandes ases
de mi típi­co arra­bal
Bur­loni­ta y com­padrona
el paisano en su can­ción
Entona con voz dul­zona
el sen­tir del corazón
Ben­i­to R. Atel­la

Traduction libre des paroles

Milon­ga de mon Argen­tine, de cette époque colo­niale. Nue est la divine petite musique des faubourgs.
Et que, dans les soirs de fête, plus d’un gau­cho fédéral a égale­ment ver­sé dans sa gui­tare, ta chan­son sen­ti­men­tale.
Si tu fus par tes rythmes, milon­ga sen­ti­men­tale, tres­sant les grands as de mon faubourg typ­ique, moqueuse et com­pagnonne, le paysan dans sa chan­son, entonne de sa voix douce, le sen­ti­ment du cœur.

Autres versions

Petite mois­son pour cette belle milon­ga. La ver­sion de Dona­to qui est celle du jour et deux enreg­istrements par Miguel Vil­las­boas, l’Uruguayen.

Sen­tir del corazón 1940-12-13 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Romeo Gavio. C’est notre milon­ga du jour.
El sen­tir del corazón 1960 — Miguel Vil­las­boas y su Quin­te­to Bra­vo del 900.

Cette ver­sion instru­men­tale est sym­pa­thique, mais peut-être un peu trop calme pour les ama­teurs de milon­ga, ou pas, car elle com­porte des petites sub­til­ités qui peu­vent don­ner matière à jeu. On notera que son titre a été com­plété par le déter­mi­nant “El” (Le).

El sen­tir del corazón 1998 — Miguel Vil­las­boas y su Orques­ta Típi­ca.

Une autre ver­sion instru­men­tale de Vil­las­boas (avec égale­ment le El au début du titre), un peu plus tran­quille que celle de Dona­to et qui peut être servie aux danseurs.

Vous avez donc le choix de trois ver­sions avec des car­ac­tères légère­ment dif­férents, mais toutes sont accept­a­bles, au moins dans cer­taines milon­gas où il y a des danseurs de milon­gas.

Gauchos federales y gauchos matreros

L’indication du temps colo­nial et la men­tion du gau­cho fed­er­al, évo­quent l’histoire de Mar­tin Fier­ro (livres de José Rafael Hernán­dez). Ce gau­cho enrôlé de force dans la guerre de con­quête con­tre les Indi­ens (gau­cho fed­er­al) et qui, méprisé par les mil­i­taires, finit par désert­er et se trans­former en gau­cho matrero (hors-la-loi), lorsqu’il se rend compte que son ranch et sa famille ne sont plus.
Il se rend chez les Indi­ens et revient en ter­ri­toire colonisé (La vuelta de Mar­tin Fier­ro).

Auguste Mon­voisin. Un Gau­cho fed­er­al, un des “sol­dats” de Rosas pour sa cam­pagne de coloni­sa­tion con­tre les Indi­ens 1842.

Le gau­cho fed­er­al était tout le jour à cheval, même si cette pein­ture de Ray­mond Auguste Mon­voisin, un pein­tre français, le mon­tre plutôt à la mode ori­en­tal­iste. Sans le mate, on pour­rait penser que la scène se passe en Afrique du Nord…
Il porte la chemise de laine rouge, habituelle chez ces sol­dats.

Gabriel Biessy. La mort du gau­cho Matrero de Gabriel Biessy 1886.

Les gau­chos rebelles sont chas­sés par les autorités et cer­tains ter­mi­nent mal, comme, Juan Mor­eira. La pein­ture de Gabriel Biessy, un autre pein­tre français, dévoile la mort d’un des autres gau­chos hors-la-loi.
Ces gau­chos, même si leurs mœurs étaient assez rudes n’étaient pas à pro­pre­ment par­ler des brig­ands, mais des cav­a­liers arrachés à leur ranch pour aller en guerre et qui se sont rebel­lé con­tre ce qu’on leur fai­sait faire. Mar­tin Fier­ro, le gau­cho emblé­ma­tique de l’œuvre de José Hernán­dez est devenu un sym­bole de la con­struc­tion de l’Argentine qui s’est con­stru­ite en sup­p­ri­mant ceux qui l’occupaient avant, les peu­ples pre­miers (Indi­ens) et les gau­chos, qui auraient volon­tiers con­tin­ué de vivre de la même façon sans être oblig­és d’aller tuer des Indi­ens.
Par­don, les amis, d’avoir mis un peu de tristesse. La prochaine fois que vous danserez cette milon­ga, peut-être offrirez-vous un peu de vos pen­sées à tous ces êtres détru­its par les guer­res.
À bien­tôt !

Rancho alegre 1941-12-10 — Orquesta Francisco Canaro con Carlos Roldán y coro (Corrido)

Felipe Bermejo Araujo (Música y letra).

Les bals « tan­go » de l’âge d’or com­por­taient du tan­go, sous ses trois formes, mais aus­si du « jazz » et d’autres dans­es, plus ou moins tra­di­tion­nelles. Notre musique du jour est Argen­tine (voire uruguayenne si on se réfère aux orig­ines de Canaro), mais le rythme (un cor­ri­do), les paroles et l’inspiration sont mex­i­cains.

J’utilise par­fois ce titre pour « chauf­fer » la salle avant la milon­ga. Le cor­ri­do se danse en principe en cou­ple, c’est une forme qui rap­pelle la pol­ka, mais aus­si le pasodoble. Les Argentins le dansent surtout en marche, tout comme ils font avec le pasodoble, d’ailleurs…

Extrait musical

Ran­cho ale­gre 1941-12-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán y coro.
Par­ti­tion et cou­ver­tures de Ran­cho ale­gre de Felipe Berme­jo Arau­jo. On notera la présence de par­ti­tions brésili­ennes. Le cor­ri­do est bien sor­ti du Mex­ique et pas seule­ment pour les pays his­panophones, comme l’Argentine.

Le ran­cho ale­gre (ranch joyeux) est vrai­ment joyeux et je suis sûr que cette musique vous donne envie de bouger.

Paroles

Y soy del mero Ran­cho Ale­gre (Yo soy char­ro mex­i­cano)
Un ranchero de ver­dad, com­padre
Jálese, pari­ente
Pa’ la gente del ran­cho, pa’ la gente de pueblo

Soy del mero Ran­cho Ale­gre
Un ranchero de ver­dad
Que tra­ba­ja
De labriero, may­or­do­mo y capo­ral

Mi queren­cia es este ran­cho
Donde vivo tan feliz
Escon­di­do entre mon­taña
De col­or azul anís

Ran­cho Ale­gre
Mi nid­i­to
Mi nid­i­to per­fuma­do y de jas­mín
Donde guar­do
Mi amorci­to
Que tiene ojos de lucero y capulín

En mi ran­cho
Ten­go todo
Ani­males, agua y sol
Y una tier­ra bril­lante y bue­na
Que tra­ba­jo con ardor

Cuan­do acabo mis labores
Ya que se ha meti­do el sol
A la luz de las estrel­las
Can­to ale­gre mi can­ción

Ran­cho Ale­gre
Mi nid­i­to
Mi nid­i­to per­fuma­do y de jas­mín
Donde guar­do
Mi amorci­to
Que tiene ojos de lucero y capulín

Solo fal­ta
Una cosa
Que muy pron­to, yo ten­dré
Como estoy recién casa­do
Adi­ví­nen­me lo que es

Ha de ser un chilpal­late
Grande y fuerte a no dudar
Que tam­bién será labriero
May­or­do­mo y capo­ral

Ran­cho Ale­gre
Mi nid­i­to
Mi nid­i­to per­fuma­do y de jas­mín

Donde guar­do
Mi amorci­to
Que tiene ojos de lucero y capulín
Felipe Berme­jo Arau­jo

Car­los Roldán chante seule­ment ce qui est en gras.

En rouge, la ver­sion orig­i­nale mex­i­caine qui par­le de char­ro (cow­boy, gau­cho).

Traduction libre des paroles

Et je suis du sim­ple Ran­cho Ale­gre (ranch joyeux) un vrai éleveur, com­padre bien « tiré » (C’est quelque chose de posi­tif, bon com­pagnon), par­ent pour les gens du ranch, pour les gens du vil­lage.
Je suis du sim­ple Ran­cho Ale­gre, un vrai éleveur qui tra­vaille comme agricul­teur, major­dome et con­tremaître.
Mon amour c’est ce ranch où je vis si heureux, caché dans les mon­tagnes bleu anis

Refrain
Ran­cho Ale­gre
Mon petit nid
Mon petit nid par­fumé et de jas­min où je garde ma petite chérie qui a les yeux d’une étoile et de cerise (les capu­lines sont de petites ceris­es de couleur noir rougeâtre. On les appelle aus­si, ceris­es mex­i­caines).

Sur mon ranch j’ai tout, des ani­maux, de l’eau et du soleil et une terre bril­lante et bonne que je tra­vaille avec ardeur
Quand je finis mes travaux parce que le soleil s’est couché. À la lumière des étoiles, je chante joyeuse­ment ma chan­son.
Il ne manque qu’une seule chose, que très bien­tôt j’au­rai, car, je viens de me mari­er. Devinez ce que c’est.
Il doit être un gamin grand et fort (chilpal­late est une expres­sion mex­i­caine) sans aucun doute qu’il sera aus­si un fer­mi­er, major­dome et con­tremaître.

Autres versions

Le thème est tout de même assez rare en Argen­tine. Out­re cette ver­sion de Canaro, on peut citer les chanteurs de l’aube qui ont fait un disque aux sonorités mex­i­caines. Je vous pro­pose aus­si une ver­sion mex­i­caine avec un jeu intéres­sant de l’accordéon (oui, le Mex­ique utilise de plus gros pianos à bretelles).

Ran­cho ale­gre 1941-12-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Car­los Roldán y coro. C’est notre musique du jour.
Ran­cho ale­gre 1976 — Los Can­tores del Alba.
Ran­cho ale­gre 2020 — Octavio Norza­garay.

À bien­tôt les amis !

😉
Maldonado, el Tranvia.

Maldonado 1943-12-09 — Orquesta Pedro Laurenz con Alberto Podestá

Alberto Mastra (Música y letra).

Cette milon­ga alerte, très alerte, cache cepen­dant une nos­tal­gie, celle du quarti­er de Paler­mo avec son tramway, ses allumeurs de réver­bères et ses veilleurs de nuit. La prochaine fois que vous vous lancerez dans cette milon­ga endi­a­blée, vous vous sou­vien­drez peut-être de l’évolution de ce quarti­er et de sa riv­ière, aujourd’hui domp­tée.

Extrait musical

Mal­don­a­do 1943-12-09 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Alber­to Podestá.
Par­ti­tion de Mal­don­a­do. On peut remar­quer que Di Sar­li et Lau­rens sont cités, ain­si que le nom com­plet de Mas­tra (Mas­tra­cusa).

Paroles

Les voy a recor­dar el tiem­po pasa­do
cuan­do Paler­mo fue Mal­don­a­do
y yo en la gran Nacional
tra­ba­jé de may­oral.
Y voy a reco­dar algunos detalles
que sucedían siem­pre en la calle,
cuan­do con su caden­ero
al tran­vía algún car­rero
quería pasar.

Dale que dale, dale más ligero
a ver quién sube el repe­cho primero
y orgul­loso el con­duc­tor
lo pasa­ba al percherón.
Dale que dale, dale más ligero
y atrás deja­ban al pobre car­rero
repi­tien­do al may­oral
si le sobra deme un real.

Yo soy del Buenos Aires de ayer, com­pañero,
cuan­do en las tardes el farolero
con su escalera apu­ra­do
la sec­ción iba a alum­brar.
Después con su pregón famil­iar el sereno
mar­ca­ba hora tras hora el tiem­po
luego el boletín can­ta­do
dan­do así por ter­mi­na­do
un día más.

Dale que dale, dale más ligero
total aho­ra ya no está el car­rero
ni el bromista con­duc­tor
ni el sereno y su pregón.
Dale que dale, dale más ligero
total tam­poco existe el farolero
dale y dale sin parar
has­ta que me hagas llo­rar.
Alber­to Mas­tra (Músi­ca y letra)

Traduction libre des paroles

Je vais vous l’évoquer le temps d’antan où Paler­mo était Mal­don­a­do (El Mal­don­a­do était l’un des cours d’eau de Buenos Aires) et où je tra­vail­lais comme may­oral (pré­posé de tramway ven­dant les bil­lets) à la Gran Nacional (com­pag­nie de tramways passée à l’électrique en 1905 en rem­place­ment de la trac­tion ani­male que l’on appelait motor de san­gre, moteur de sang).
Et je vais rap­pel­er quelques détails qui se pas­saient tou­jours dans la rue, lorsqu’avec son cheval de tête un con­duc­teur de char­rette voulait dépass­er le tramway.
Envoie ce qu’il envoie (encour­age­ment, en matière d’équitation ont dit envoy­er, j’ai donc choisi cette tra­duc­tion), envoie plus rapi­de­ment, voyons qui grimpe la pente le pre­mier et fière­ment le con­duc­teur (du tramway) dou­ble le percheron.
Envoie ce qu’il envoie, envoie plus rapi­de­ment, et ils ont lais­sé le pau­vre con­duc­teur de char­rette der­rière eux, répé­tant au may­oral s’il en reste, donne-moi un réal (mon­naie en usage à l’époque espag­nole et qui a été frap­pée en Argen­tine de 1813 à 1815 et qui n’était bien sûr plus d’usage au début du 20e siè­cle).
Je suis du Buenos Aires d’hi­er, com­pagnon, quand, en soirée, l’al­lumeur de réver­bères, pressé, avec son échelle, allait éclair­er la sec­tion.
Puis, avec sa procla­ma­tion famil­ière, le veilleur de nuit (per­son­ne qui assur­ait la vig­i­lance de nuit) mar­quait le temps, heure après heure, puis, avec son bul­letin chan­té, met­tait ain­si fin à une autre journée.
Envoie ce qu’il envoie, envoie plus rapi­de­ment, résul­tat, main­tenant il n’y a plus le con­duc­teur de char­rette, ni le con­duc­teur farceur, ni le veilleur et sa procla­ma­tion.
Envoie ce qu’il envoie, envoie plus rapi­de­ment, il n’y a pas plus d’al­lumeurs de réver­bères, envoie, envoie sans arrêt jusqu’à ce que tu me fass­es pleur­er.

Autres versions

Notre tan­go du jour est une milon­ga qui fut enreg­istrée aus­si par Di Sar­li avec Rufi­no. Mais d’autres tan­gos ont égale­ment été com­posés et enreg­istrés. Je vous en pro­pose qua­tre, inter­prétés par six orchestres, mais il y en a d’autres et même des musiques sur d’autres rythmes. Mais atten­tion, ces dernières font référence à d’autres lieux que la riv­ière Mal­don­a­do et le quarti­er de Buenos Aires.

Maldonado, milonga de Alberto Mastra

Lau­renz a enreg­istré ce titre pour Odeón le jeu­di 9 décem­bre. La semaine d’après, le ven­dre­di 17, La Vic­tor enreg­istre le titre avec Di Sar­li.
Ce sont les deux seuls enreg­istrements « his­toriques » de cette superbe milon­ga.
On notera que Pedro Lau­renz et Di Sar­li met­tent en avant leur instru­ment per­son­nel, respec­tive­ment le ban­donéon pour Lau­renz et le piano pour Di Sar­li.

Mal­don­a­do 1943-12-09 — Orques­ta Pedro Lau­renz con Alber­to Podestá. C’est notre milon­ga du jour.
Mal­don­a­do 1943-12-17 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Rober­to Rufi­no.

Maldonado, tango par un auteur inconnu

El mal­don­a­do 1914 — Ron­dal­la Gau­cho Relam­pa­go dir. Car­los Nasca. Un enreg­istrement acous­tique, plutôt sym­pa. On aurait presque envie de le faire décou­vrir en milon­ga. J’ai écrit presque 😉

Tango de Luis Nicolás Visca Letra: Luis Rubistein

Mal­don­a­do 1928-02-07 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Ernesto Famá
Mal­don­a­do 1928-02-23 — Orques­ta Rober­to Fir­po con Teó­fi­lo Ibáñez
Mal­don­a­do 1928-03-13 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo

Tango de Raúl Joaquín de los Hoyos Letra: Alberto Vacarezza

Mal­don­a­do 1929-12-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Char­lo

Maldonado et le tranvia

Mal­don­a­do n’a rien à voir avec une chaîne de fast­foods améri­cains, vous l’avez com­pris. C’était le nom d’un des cours d’eau de Buenos Aires. Celui-ci se jette dans le Rio de la Pla­ta à Paler­mo, ce qui a valu ce nom au quarti­er du XVI­I­Ie au début du XIXe siè­cle. On notera que les paroles évo­quent un temps où Paler­mo s’appelait Mal­don­a­do. Au sens strict, c’était au début du XIXe siè­cle. Mais, comme elles par­lent de réver­bères, de Tran­via, c’est sans doute d’une époque postérieure qu’il est ques­tion.
En effet, les pre­miers Tran­via ont été mis en place en 1863.

Pre­mier tran­via de Buenos Aires à moteur de sang (hip­po­mo­bile) en 1863.

La milon­ga nous compte une course entre un tran­via et une char­rette tirée par un percheron.
Il n’est pas sûr que deux chevaux attelés à un tran­via soient capa­bles de dis­tancer une char­rette. Je pense donc, que le texte fait référence à une époque encore postérieure, à par­tir de 1905, date à laque­lle la com­pag­nie Gran Nacional (citée dans les paroles) est passée à la trac­tion élec­trique.

Un tran­via de la com­pag­nie La Cap­i­tal. Ce tramway date env­i­ron d’après 1906, car il porte un numéro.

L’année 1905 a vu l’arrivée des pre­miers tramways élec­triques et 1906 a inau­guré la numéro­ta­tion des lignes, ce qui a sim­pli­fié la tâche des voyageurs… Sur la pho­to, le tran­via porte le numéro 45, c’était donc un des équipements de la ligne 45 qui était exploitée par La Cap­i­tal. La com­pag­nie Gran Nacional citée dans la milon­ga por­tait des numéros de 61 à 80.
Dans la milon­ga, il sem­ble logique de penser que la course s’effectue entre une char­rette hip­po­mo­bile et un tran­via élec­trique qui affirme facile­ment sa supéri­or­ité dans les mon­tées.

El arroyo Maldonado

En ce qui con­cerne la riv­ière qui avait don­né son nom au quarti­er (El arroyo Mal­don­a­do), vous aurez du mal à la trou­ver, car elle est désor­mais souter­raine. La dernière fois qu’elle a fait par­ler d’elle, c’était en 2010 et j’en ai été témoin, elle a causé d’importantes inon­da­tions à Paler­mo. Depuis, des travaux ont été entre­pris pour éviter ces prob­lèmes.

En 1890, la riv­ière Mal­don­a­do était presque à sec. On voit au fond le pont de l’av­enue Sante Fe.
Aujour­d’hui, au même endroit, le sou­venir de la riv­ière est porté par des inscrip­tions sur les pas­sages pié­tons…

À bien­tôt les amis !

El cuarteador 1941-09-08 — Orquesta Aníbal Troilo con Francisco Fiorentino

Rosendo Luna (Enrique Domingo Cadícamo) (Musique et paroles)

Rosendo Luna, de son nom com­plet Enrique Domin­go Cadí­camo a com­posé et écrit les paroles de notre tan­go du jour, El cuar­teador. C’est pour nous l’occasion de décou­vrir un méti­er oublié, ban­ni de Buenos Aires en 1966 avec l’interdiction des moteurs de sang (la trac­tion ani­male). El cuar­teador est un cav­a­lier muni d’une forte mon­ture qui loue ses ser­vices aux voi­turi­ers embour­bés ou en mau­vaise passe.

Enrique Cadí­camo a com­posé ce titre sur le mini piano qu’il venait d’acheter.

Schroed­er, le peanuts créé par Charles M. Schulz et son mini piano.

Je me suis posé la ques­tion de savoir ce qu’était un mini piano. En fait, ce n’est prob­a­ble­ment pas un instru­ment dans le genre de celui de Schroed­er, mais tout sim­ple­ment un piano droit, sans doute un peu moins large avec seule­ment cinq ou six octaves. Son instru­ment était de la mai­son John Car­litt, une mai­son alle­mande de la ville de Dres­de et ce fac­teur fai­sait dans le piano tra­di­tion­nel, pas dans le jou­et. Cadí­camo sem­ble avoir été assez dis­cret sur l’usage de cet instru­ment, il n’a sans doute pas été un véri­ta­ble pianiste, son tal­ent n’en a absol­u­ment pas souf­fert comme on peut l’entendre dans cette com­po­si­tion.
Curieuse­ment, Ángel Vil­lo­do n’a pas com­posé ce titre ou un autre du même genre alors qu’il a tra­vail­lé comme cuar­teador. Ce sont deux autres Ángel, D’Agostino et Var­gas qui l’enregistreront à la suite de Troi­lo-Fiorenti­no et Canaro-Amor.
Atten­tion, nous allons patauger dans la boue, dans la boue de Bar­ra­cas.

Extrait musical

El cuar­teador 1941-09-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. Le titre com­mence par une annonce.

Paroles

Fue en un café de la Boca y allá por el ano dos, donde este tan­go nació. Esta­ba lin­da la fies­ta. Y com­padre­an­do la orques­ta de esta man­era empezó.
Yo soy Pru­den­cio Navar­ro,
el cuar­teador de Bar­ra­cas.
Ten­go un pin­go que en el bar­ro
cualquier car­ro
tira y saca.
Overo de anca par­ti­da,
que en un tra­ba­jo de cuar­ta
de la zan­ja siem­pre aparta
¡Chiche!
la rue­da que se ha quedao.

Yo que tan­ta cuar­ta di,
yo que a todos los prendí
a la cin­cha de mi percherón,
hoy, que el car­ro de mi amor se me enca­jó,
no hay uno que pa’ mi
ten­ga un tirón.

En la calle del quer­er
el amor de una mujer
en un bache hundió mi corazón…
¡Hoy, ni mi overo me saca
de este pro­fun­do zan­jón!

Yo soy Pru­den­cio Navar­ro,
el cuar­teador de Bar­ra­cas.
Cuan­do ve mi overo un car­ro
com­padre­an­do
se le atra­ca.

No hay car­ga que me lo achique,
porque mi chu­zo es valiente;
yo lo llamo suave­mente
¡Chiche!
Y el pin­go pega el tirón.

Rosendo Luna (Enrique Domin­go Cadí­camo) (Musique et paroles)

Traduction libre et indications

C’é­tait dans un café de La Boca et en l’an 2 (1902) que ce tan­go est né. La fête était sym­pa. Et l’orchestre ami­cale­ment com­mença de cette façon.

Je suis Pru­den­cio Navar­ro, le cuar­teador de Bar­ra­cas.
J’ai un pin­go (cheval en lun­far­do) qui tire et sort de la boue n’im­porte quel char­i­ot.
Overo (Cheval couleur de pêche, aubère ou alezan) avec la croupe fendue (car mus­clée), qui dans un tra­vail de cuar­ta (tra­vail du cuar­teador qui con­siste à tir­er des char­i­ots embour­bés. Le nom vient du fait que l’on pli­ait la san­gle de tirage pour la ren­dre quadru­ple et ain­si plus résis­tante), du fos­sé sort tou­jours, Chiche ! (Nom du cheval, ou expres­sion pour le mobilis­er) la roue qui était coincée.
Moi qui ai don­né tant de cuar­tas, moi qui les ai tous accrochés à la san­gle de mon percheron, aujour­d’hui, que la voiture de mon amour s’est coincée, il n’y en a pas un qui pour moi ferait une trac­tion.
Dans la rue de l’amour, l’amour d’une femme dans un nid-de-poule a fait som­br­er mon cœur…
Aujour­d’hui, même mon overo ne peut pas me sor­tir de ce fos­sé pro­fond !
Je suis Pru­den­cio Navar­ro, le cuar­teador de Bar­ra­cas.
Quand mon overo voit une voiture, il s’y colle (comme un amoureux qui recherche le con­tact d’une femme, jeu de mots, car c’est aus­si attach­er le char­i­ot).
Il n’y a pas de fardeau qui puisse le rétré­cir, parce que mon chu­zo (aigu­il­lon) est courageux ; je l’ap­pelle douce­ment Chiche ! Et le pin­go (cheval, mais peut aus­si avoir un sens plus coquin) tire.

Autres versions

El cuar­teador 1941-09-08 — Orques­ta Aníbal Troi­lo con Fran­cis­co Fiorenti­no. C’est notre tan­go du jour.
El cuar­teador 1941-10-06 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Fran­cis­co Amor.
El cuar­teador 1942 Orques­ta Ángel D’Agosti­no con Ángel Var­gas.

Mais Enrique Cadí­camo a aus­si réal­isé un court métrage où on peut enten­dre les deux anges inter­préter ce thème. Nous en avons déjà par­lé à pro­pos de Tres esquinas.

Voici la vidéo au moment où D’Agostino et Var­gas enta­ment El cuar­teador de Bar­ra­cas, mais je vous recom­mande de voir les 9 min­utes du court-métrage en entier, c’est intéres­sant dès le début et avant El cuar­teador de Bar­ra­cas, il y a Tres Esquinas

El cuar­teador de Bar­ra­cas à 6:54 du film de Enrique Cadí­camo.
Tim­bre uruguayen met­tant en avant un cuar­teador. Remar­quez le har­nache­ment du cheval.

Los cuarteadores

Nous avons vu qu’Ángel Vil­lol­do avait exer­cé ce méti­er, mais il avait aus­si été clown dans un cirque, typographe et a de fait exercer de nom­breux petits métiers pour sur­vivre.
Pour les mêmes raisons, les gau­chos dont les ter­ri­toires ont été rat­trapés par l’urbanisation de Buenos Aires se sont adap­tés et sont passés du gar­di­en­nage des vach­es au sauve­tage des char­i­ots et tran­vias (tramways) en péril dans la boue ou dans des décliv­ités trop fortes.
Pour les voy­ages en char­i­ot, il était pru­dent de s’attacher les ser­vices d’un ou plusieurs cuar­teadores pour pou­voir se tir­er d’embarras dans les chemins défon­cés qui ser­vaient de routes à l’époque.

À gauche, Pru­den­cio Navar­ro par Rodol­fo Ramos et à droite, des voyageurs atten­dant les cuar­teadores…

Voici com­ment les voyageurs J. et G. Robert­son, nar­rèrent leur tra­ver­sée de la pam­pa entre Buenos Aires et San­ta Fe.

« Après avoir attaché l’at­te­lage à la malle-poste (dili­gence), sous la direc­tion du cocher, on adjoignit qua­tre cuar­teadores, mal vêtus, cha­cun sur son cheval, sans autre har­nais que la san­gle.
Celle-ci était attachée par une extrémité à la selle et de l’autre au tim­on de la voiture…
À peine avions-nous atteint les faubourgs que nous ren­con­trâmes un de ces ter­ri­bles marécages.
Ce sont des mass­es de boue épaisse de trois à trois mètres et demi de pro­fondeur et trente à cinquante de largeur (la pro­fondeur sem­ble exagérée, mais retenons que c’était boueux).
Les cuar­teadores éclaboussèrent dans la boue, puis la deux­ième équipe les suiv­it, et lorsque les deux équipes quit­tèrent le marais et, par con­séquent, furent sur la terre ferme, avant que la voiture n’en­tre dans le bour­bier, elles avaient gag­né un endroit où se tenir pour dévelop­per leur force.
À coups de fou­et et d’éper­on, encour­agés par les cris des pos­til­lons, les chevaux nous traînèrent tri­om­phale­ment hors du marais.
De cette façon, nous avons tra­ver­sé avec suc­cès tous les bour­biers, marécages et ruis­seaux qui sépar­ent Buenos Aires et San­ta Fe. »

La gravure du 19e siè­cle qui m’a servie pour réalis­er l’il­lus­tra­tion de l’anec­dote.

On remar­quera la san­gle (ici qui n’est pas quadru­ple), entre la selle et le tim­on. Il s’agit d’aider dans une mon­tée. J’ai rajouté de la boue dans ma ver­sion pour ren­dre l’expérience encore plus probante. Cette gravure est indiquée comme étant de Buenos Aires, mais je n’ai pas trou­vé le lieu. On remar­quera au pre­mier plan à droite, un autre cuar­teador se relax­ant avec le pied sur la san­gle de tirage posée sur la croupe du cheval. Il attend à son tour que des char­i­ots fassent appel à ses ser­vices.
Voilà, cette anec­dote tire à sa fin, vous écouterez sans doute de façon dif­férente les belles ver­sions de cette com­po­si­tion de Rosendo Luna.

Chapaleando barro 1939-08-31 — Orquesta Edgardo Donato con Horacio Lagos y Lita Morales

Arturo Castillo Letra: Celedonio Esteban Flores

« Cha­pale­an­do bar­ro » éclabouss­er de boue est un titre très évo­ca­teur. Même si en Argen­tine la plu­part des vil­lages ont la majorité de leurs rues en terre, pierre ou sable, à Buenos Aires, le goudron a rem­placé la terre salis­sante, mais qui a vu des jeux d’enfants, enchan­tés de s’éclabousser de boue. Retroussez votre bas de pan­talon et par­tons à la recherche de ce Buenos Aires, embour­bé au fond de notre mémoire col­lec­tive.

Extrait musical

Cha­pale­an­do bar­ro 1939-08-31 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Lita Morales.
On retrou­ve ce sym­pa­thique cou­ple, Hora­cio Lagos et Lita Morales, qui peut être lais­saient jouer leurs enfants dans la boue. Hum, pas sûr…

Cha­pale­an­do bar­ro 1939-08-31 — Orques­ta Edgar­do Dona­to con Hora­cio Lagos y Lita Morales.

On retrou­ve ce sym­pa­thique cou­ple, Hora­cio Lagos et Lita Morales, qui peut être lais­saient jouer leurs enfants dans la boue. Hum, pas sûr…

Paroles

Bar­rio de casas bajas
Por el lado de Pom­peya
Donde puso la mis­e­ria
Un broc­ha­zo de dolor
La pato­ta de pibes
Jue­ga al ran­go en el bar­ro
Y en la esquina, has­ta la masa un car­ro
Pelude­an­do, se quedó
Bar­rio viejo de gua­pos y milon­gas
Viejo bar­rio mis­ton­go, de arra­bal
Si me diera la caña, la vida
Qué papa sería, volverte a encon­trar
Yo conoz­co tu rante apología
La tris­teza infini­ta de un hog­ar
La angus­tiosa tris­teza de aquel ciego
Que el pobre Car­riego, lo hiciera inmor­tal.

Arturo Castil­lo Letra: Cele­do­nio Este­ban Flo­res

Traduction libre

Quarti­er de maisons bass­es
Du côté de Pom­peya (quarti­er du Sud de Buenos Aires)
Là où la mis­ère a mis
Une touche de douleur (broc­ha­zo, coup de brosse en pein­ture)
La bande des gamins
Jouer au ran­go (saute-mou­ton) dans la boue
Et dans le coin, jusqu’à la pâte un char­i­ot
Embour­bé, il est resté
Vieux quarti­er de Gua­pos et Milon­gas
Vieux quarti­er triste, de faubourg
S’il m’a don­né la verge, la vie
Quelle chance (la papa peut sig­ni­fi­er génial, comme en Buenos Aires es una papa) ce serait de vous ren­con­tr­er à nou­veau
Je con­nais votre apolo­gie vagabonde
La tristesse infinie d’un foy­er
La tristesse angois­sée de cet aveu­gle
Que le pau­vre Car­riego rendrait immortelle.

(Evaris­to Car­riego, poète argentin 1883–1912 qui fut con­sid­éré comme le poète des faubourgs et des gens hum­bles et de Paler­mo (même si pour ces paroles, on est à l’opposé de la ville, la mis­ère était la même, ces faubourgs n’étaient pas encore [avant 1912] le Paler­mo des touristes d’aujourd’hui…).

Celedonio Esteban Flores (El negro Cele)

Mort à 51 ans (1896–1947), il laisse une vaste pro­duc­tion de plus d’une cen­taine de tan­gos.

Par­mi ceux-ci, vous recon­naîtrez Mar­gotMano a manoMala entrañaViejo cocheEl bulín de la calle Ayacu­choViejo smok­ingPor qué can­to asíMale­vi­toCan­cheroCor­ri­entes y Esmer­al­daMucha­choSen­ten­ciaPobre gal­lo batarazSi se sal­va el pibe, La mari­posa et La musa mis­ton­ga

Celodonio Flo­res a égale­ment pub­lié deux recueils de poèmes : Cha­pale­an­do bar­ro (1929) et Cuan­do pasa el órgano (1935).
Ses tan­gos et ses poèmes le pla­cent comme l’un des plus grands écrivains de poésie lun­far­da (argot portègne).
Je vous pro­pose ici, la liste des poèmes de son livre de 1929, celui qui a le même nom que notre tan­go du jour (mais dans lequel les paroles de ce tan­go, ne sont pas présentes…).

Liste des poèmes de Chapaleando barro (1929)

Madre
Her­mani­ta Bue­na
Novia
Seño­ra
Musa Rea
La Musa Mis­ton­ga
Tan­go
Con­se­jos Reos

Motivos del suburbio

Bai­lon­go Arra­balero
La Muchacha fea
La Muchacha lin­da
Tardecita de Domin­go
Acuare­li­ta
El des­per­tar del sub­ur­bio
Cuan­do la tarde se inc!Jna
E l café de mi bar­rio
Canil­li­ta
EJ Per­ro Fla­co
Apronte
La Muerte de la Bacana
El Bagal­lo
El As de los Ases
Mimosa
Oro Viejo

Los de la barra

Batien­do un jus­to
Car­l­i­tos
Can­tor Bacán
Y aho­ra yo.
Gau­cho
Envio
A mi mucha­cho que se fué
Pun­to Alto
Ten­ga Mano Tal­lador
Acos­ta Viejo

Intimas

Mirá Viejo
Ded­i­ca­to­ria
Cuan­do llegue aquel da
Inti­ma
Mirá si soy bueno
Y que Dios la bendi­ga
Gor­riones
Si tuviera tiem­po
Bohemia
Pobre Gal­lo

De la mala vida

Ten­go miedo
Ingen­u­a­mente
Mano a Mano
Sen­ten­cia
Car­ta Bra­va
El Tal­la
Imitación
El Aliv­io
El Guapo
Nun­ca es tarde
Mala Entraña
Mishiadu­ra
Mar­got
La Per­can­ta aque­l­la
Pol­ca
Sonati­na

Niños jugan­do a pídola 1777 – 1885. Fran­cis­co De Goya.

Cha­pale­an­do bar­ro. Pour la pho­to de cou­ver­ture, je suis par­ti de cette œuvre de Fran­cis­co de Goya, Niños jugan­do a pídola 1777 – 1885. La pídola, c’est le saute-mou­ton que les Argentins appel­lent Ran­go. Comme Goya n’a pas daigné faire jouer ses petits Espag­nols dans la boue, j’ai mod­i­fié l’environnement pour le ren­dre plus con­forme aux paroles de Cele­do­nio Flo­res.

El reloj 1957-08-02 — Orquesta Juan D’Arienzo con Jorge Valdez

García Roberto Cantoral (MyL)

Notre tan­go du jour n’est pas un tan­go. Notre tan­go du jour est un tan­go. C’est un tan­go, ou ce n’est pas un tan­go, il faudrait savoir ! Dis­ons que c’est un tan­go, mais que ce n’est pas un tan­go. Le tan­go sait chanter l’amour, mais il n’est pas le seul. Son copain le boléro le fait sans doute tout aus­si bien et sans doute mieux. Alors, nous allons décor­ti­quer le mécan­isme de l’horloge, celle qui dit oui, qui dit non, dans le salon.

Boléro y tango

Je vous racon­terai en fin d’anecdote l’histoire qui a don­né nais­sance à ce boléro. Oui, ce titre est né boléro.
En Argen­tine, cer­tains tan­gos un peu mielleux et hyper roman­tiques sont surnom­més boléros par les tangueros et ce n’est pas for­cé­ment un com­pli­ment. Quelqu’un comme Borges aurait pu sor­tir le facón (couteau de gau­cho) pour faire un sort au musi­cien qui aurait osé pro­pos­er ce type de tan­go, pas assez vir­il à son goût.
Mais le boléro est aus­si un genre musi­cal orig­i­naire de Cuba, qui, comme le tan­go, s’est exporté avec suc­cès en Europe au point d’être une des pièces indis­pens­ables des bals de vil­lage. On notera toute­fois que les danseurs « musette » le dansent exacte­ment comme le tan­go, avec le même anapeste, le fameux lent-vite-vite-lent des cours de danse de société, alors que celui du boléro serait plutôt du type vite-vite-lent. Les deux dans­es sont d’ailleurs du type 4/4, même si dans le cas du tan­go, on aime à par­ler de 2/4 (dos por cua­tro).
Atten­tion, il me sem­ble qu’il faut pré­cis­er que le boléro d’Amérique du Sud n’est pas le boléro espag­nol qui est lui de rythme ter­naire et qui est un dérivé des séguedilles. Il fut très pop­u­laire durant tout le dix-neu­vième siè­cle, jusqu’au ter­ri­ble « Boléro » de Mau­rice Rav­el en 1928, qui en est une légère vari­ante, mais dans lequel on recon­naît bien le rythme ter­naire (3/4).
Les Européens se sont jetés sur le boléro d’origine sud-améri­caine dans les années 30 en s’approvisionnant aux deux prin­ci­pales sources de l’époque, Cuba et le Mex­ique, ce qui leur a per­mis d’oublier l’insupportable Boléro de Mau­rice Rav­el. La dif­fu­sion était bien sûr la radio et le disque, mais aus­si les bals et tout comme le tan­go de danse a été cod­i­fié en Europe, le boléro l’a été.
En Argen­tine, le boléro a aus­si fait son appari­tion, mais le tan­go était bien en place et c’est un peu plus tar­di­ve­ment, notam­ment dans les années 50, qu’il est devenu très impor­tant.
Notre tan­go du jour appar­tient juste­ment à cette époque. Auréolé de son suc­cès, ce boléro écrit et chan­té par Gar­cía Rober­to Can­toral (avec son trio mex­i­cain Los 3 Caballeros) est arrivé jusqu’aux oreilles de Juan D’Arienzo qui a décidé de l’adapter à sa musique, en le trans­for­mant en tan­go.

Comparaison du chant boléro et tango

Je me suis livré à une petite expéri­ence. Rober­to Can­toral chante plus lente­ment que Jorge Valdez. C’est logique, il n’a pas la fusée D’Arienzo pour le pouss­er et c’est un boléro…
J’ai donc accéléré son enreg­istrement pour le plac­er à la même vitesse que celui de D’Arienzo. Dans ce pre­mier mon­tage, on va enten­dre un extrait des deux ver­sions en même temps. C’est un peu fouil­lis, mais on voit tout de même des analo­gies.

El reloj — D’Arien­zo Valdez et Rober­to Can­toral. On entend les deux en même temps sur un extrait, le début de la par­tie chan­tée.
El reloj — Can­toral Puis D’Arien­zo Valdez.

Le début de la ver­sion chan­tée par Can­toral, un petit pont par D’Arienzo puis Jorge Valdez. On notera que même si le rythme de l’orchestre est dif­férent, les chanteurs ne sont pas si dif­férents.
On remar­quera l’arrastre de Can­toral, bien plus mar­qué que chez Valdez. De plus, si vous prenez en compte que j’ai accéléré l’enregistrement de Can­toral pour qu’il soit au com­pas de celui de D’Arienzo, on com­pren­dra que la même par­ti­tion peut don­ner lieu à des inter­pré­ta­tions très dif­férentes.
Vous pour­rez enten­dre la ver­sion de Can­toral en entier dans la par­tie « Autres ver­sions ».
Pour inter­préter son tan­go qui n’est pas un boléro, mais qui est roman­tique comme un boléro, Juan D’Arienzo a fait appel à Jorge Valdez, son chanteur roman­tique et voici le résul­tat…

Extrait musical

El reloj Rober­to Can­toral. Par­ti­tion de boléro pour piano au cen­tre et par­ti­tion pour chanteur à droite. Can­toral et Valdez chantent sen­si­ble­ment la même par­ti­tion. La dif­férence de rythme vient de l’orchestre.
El reloj 1957-08-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Jorge Valdez.

Comme vous pou­vez l’entendre, cette ver­sion n’a rien de boléro dans le rythme. Les accents suaves du boléro d’origine sont découpés par des pas­sages martelés au piano et au ban­donéon. Un petit motif léger au piano évoque un car­il­lon de salon et Jorge Valdez com­mence à chanter. Je ne suis en général pas fan de Valdez pour la danse, mais curieuse­ment et mal­gré l’origine en boléro, le résul­tat reste accept­able pour la danse en tan­go et cela bien que Valdez chante la total­ité des paroles et par con­séquent plus de la moitié du tan­go. Peut-être que la beauté des paroles aide. Je vous laisse en juger.

Paroles

Reloj, no mar­ques las horas
Porque voy a enlo­que­cer
Ella se irá para siem­pre
Cuan­do amanez­ca otra vez
Nomás nos que­da esta noche
Para vivir nue­stro amor
Y tú tic-tac me recuer­da
Mi irre­me­di­a­ble dolor
Reloj, detén tu camino
Porque mi vida se apa­ga
Ella es la estrel­la que alum­bra mi ser
Yo sin su amor no soy nada
Detén el tiem­po en tus manos
Haz esta noche per­pet­ua
Para que nun­ca se vaya de mí
Para que nun­ca amanez­ca
Reloj, detén tu camino
Porque mi vida se apa­ga
Ella es la estrel­la que alum­bra mi ser
Yo sin su amor no soy nada
Detén el tiem­po en tus manos
Haz esta noche per­pet­ua
Para que nun­ca se vaya de mí
Para que nun­ca amanez­ca.

Gar­cía Rober­to Can­toral (MyL)

Traduction libre

Hor­loge, ne mar­que pas les heures parce que je vais devenir fou.
Elle dis­paraî­tra pour tou­jours lorsque le soleil se lèvera à nou­veau.
Nous n’avons que cette nuit pour vivre notre amour et ton tic-tac me rap­pelle ma douleur irrémé­di­a­ble.
Hor­loge, arrête ton chemin parce que ma vie s’ar­rête.
Elle est l’é­toile qui illu­mine mon être.
Sans son amour, je ne suis rien.
Arrête le temps entre tes mains.
Rends cette nuit per­pétuelle pour qu’elle ne me quitte jamais, pour que l’aube n’arrive jamais.
Hor­loge, arrête ton chemin, car ma vie s’éteint.
Elle est l’é­toile qui illu­mine mon être.
Sans son amour, je ne suis rien.
Arrête le temps entre tes mains.
Rends cette nuit per­pétuelle, pour qu’elle ne me quitte jamais, pour que l’aube ne se lève jamais.

Une histoire romantique

Rober­to Can­toral aurait com­posé ce titre alors qu’il était en tournée avec Los 3 caballeros, le trio de gui­taristes chanteurs (les trios de gui­taristes chanteurs sont une spé­cial­ité mex­i­caine) qu’il avait for­mé avec Chamin Cor­rea et Leonel Gálvez.

Los tres caballeros. De gauche à droite, Leonel Gálvez, Rober­to Can­toral, et Chamin Cor­rea.

Il aurait eu à cette occa­sion une his­toire d’amour avec une des femmes de la tournée, une danseuse.
La chan­son con­terait donc cette dernière nuit où lui devait revenir au Mex­ique et elle à New York.
Cette his­toire est telle­ment plau­si­ble, qu’elle est qua­si offi­cielle. On peut juste se deman­der pourquoi il écrivait un boléro au lieu de prof­iter de ses derniers moments et pourquoi imag­i­nait-il que cette his­toire était ter­minée ? Engage­ment de la belle dans une autre his­toire ? Il était mar­ié et il ne voulait pas quit­ter sa femme.

Une histoire encore plus romantique

S’il était mar­ié, c’est le thème de la sec­onde his­toire. La femme de Rober­to était grave­ment malade et le boléro a été com­posé alors qu’il la veil­lait à l’hôpital Benef­i­cen­cia Españo­la de Tampi­co. Les médecins avaient livré un som­bre pronos­tic et il n’était pas du tout cer­tain que son épouse « passerait la nuit ». D’après un jour­nal­iste sig­nant lctl dans El Her­al­do de Méx­i­co du 10 févri­er 2021, la femme aurait survécu.
Si cette his­toire est véridique, alors, elle est bien roman­tique égale­ment. Mais j’ai un doute sur cette his­toire dans la mesure où Rober­to Can­toral a vécu une autre aven­ture roman­tique… et que s’il chéris­sait telle­ment sa femme, il est peu prob­a­ble qu’il se lance dans l’aventure que je vais expos­er, mais avant, un détail.
Je n’ai pas évo­qué les débuts de Rober­to avec son frère aîné Anto­nio en 1950–1955 (Los Her­manos Can­toral). Anto­nio a créé ensuite aus­si son groupe, Los Platea­d­os de Méx­i­co. Con­traire­ment à son petit frère, il était mar­ié à l’époque de l’écriture de El reloj, amoureux et sa femme mou­rut jeune, en 1960. Peut-être que le séjour à l’hôpital était celui de la femme d’Anto­nio et pas d’une hypothé­tique femme de Rober­to.
Et voici la troisième his­toire…

Une histoire encore plus et plus romantique

Dans le domaine du boléro, plus c’est roman­tique et mieux c’est. En 1962 à Viña del Mar (Chili), Rober­to était en tournée. Il y ren­con­tra une trapéziste argen­tine qui était égale­ment en tournée. Cette trapéziste s’appelait Itatí Zuc­chi Deside­rio, elle était égale­ment cham­pi­onne de judo, actrice et danseuse con­tem­po­raine. La par­tie roman­tique de l’histoire est qu’il se mar­ièrent 9 jours après leur ren­con­tre et qu’ils restèrent unis jusqu’à leur mort, 2010 pour lui, 2020 pour elle qui déclarait :
« Je suis la femme d’un seul homme, car quand l’amour est pur et le cou­ple a un bon cœur, il ne peut pas se chang­er comme des chaus­sures. Il se garde pour tou­jours dans l’âme »
Si cette his­toire, qui con­traire­ment aux deux autres, est sûre si j’en crois mes croise­ments de sources, il faudrait que d’époux inqui­et en 1956–1957, il devi­enne divor­cé ou veuf cinq ans plus tard, con­di­tion néces­saire pour con­tracter en neuf jours le mariage. Par ailleurs, je n’ai pas trou­vé de trace d’un pre­mier mariage.
En 1956–57, il était en tournée, il avait 21 ans et en plein essor artis­tique. Ce ne sont pas les don­nées idéales pour con­firmer un mariage.
Avec Itatí Zuc­chi, ils ont eu qua­tre enfants, trois garçons et une fille, qui a pris le prénom et le nom de sa mère et le nom de son père… Itatí Can­toral Zuc­chi. Elle est actrice et chanteuse.

Rober­to Can­toral, Itatí Zuc­chi et Itatí Zuc­chi (fille)

Je vous laisse donc choisir l’histoire qui vous sem­ble la plus crédi­ble et vous pro­pose de regarder main­tenant les autres ver­sions.

Autres versions

Comme le titre est avant tout un boléro, mal­gré l’usage qu’en a fait D’Arienzo, je vais vous pro­pos­er surtout des boléros.

El reloj 1957 – Los 3 caballeros.

C’est la pre­mière ver­sion pro­posée par Rober­to Can­toral, Chamin Cor­rea et Leonel Gálvez, Los 3 Caballeros. Le style est celui du boléro mex­i­cain.

El reloj 1957-08-02 — Orques­ta Juan D’Arien­zo con Jorge Valdez.

C’est donc au début du suc­cès du titre que D’Arienzo s’est lancé dans sa ver­sion.

El reloj 1958 — Trio Los Pan­chos.

El reloj 1958 — Trio Los Pan­chos. Un début avec des claque­ments évo­quant l’horloge. Le boléro se déroule ensuite de belle façon, appuyé par une per­cus­sion légère de clave, très cubaine. Cepen­dant, aucun des trois n’est cubain, Chu­cho Navar­ro et Alfre­do Gil sont mex­i­cains et Her­nan­do Avilés est por­tor­i­cain.

El reloj 1960 — Rober­to Can­toral.

À par­tir de 1960, Rober­to Can­toral entame sa car­rière de soliste. Le style n’est plus mex­i­can­isant.

El reloj 1960c Alber­to Oscar Gen­tile con Alfre­do Mon­tal­bán.

Ce tan­go est daté 1950 dans tango.info, ce qui sem­ble impos­si­ble si le boléro a été écrit en 1956. Le début au vibra­phone évoque le tin­te­ment de Big Ben, suivi d’un petit motif horaire rap­pelant le son d’un car­il­lon de salon. Puis le titre con­tin­ue, sous une forme qui pour­rait s’apparenter au tan­go.

El reloj 1961 — Anto­nio Pri­eto.

Une ver­sion en boléro par le chanteur chilien, Anto­nio Pri­eto.

El reloj 1981 — José José.

Comme pour le tan­go, il y a des boléros de danse et d’autres plus pour écouter. C’est ce dernier usage qui est recom­mandé pour celui-ci, enfin pas tout à fait, il est util­is­able en slow pour danser « bolero », mais pas le bolero.

El reloj 1997 — Luis Miguel.

Même motif, même puni­tion pour cette ver­sion en boléro, très célèbre par Luis Miguel.

El reloj 2012 — Il Volo… Takes Flight – Detroit Opera House.
Ce trio de jeunes Ital­iens avait enreg­istré ce titre dès leur pre­mier album sor­ti le 30 novem­bre 2010.

Ces jeunes chanteurs ital­iens peu­vent rap­pel­er Rober­to Can­toral et son frère Anto­nio qui se lancèrent, mineurs, dans les tournées.

El reloj 2018-11-20 – Román­ti­ca Milonguera con Marisol Mar­tinez y Rober­to Minon­di.

Pour ter­min­er, place au tan­go avec cette excel­lente ver­sion de la Román­ti­ca Milongera et ses deux chanteurs, Marisol Mar­tinez et Rober­to Minon­di.

Finale­ment, ce boléro a don­né vie à au moins deux belles exé­cu­tions en tan­go, celle de D’Arienzo et celle de la Román­ti­ca Milongera.

Rober­to Can­toral, com­pos­i­teur du boléro qui don­na notre tan­go du jour.

À demain, les amis !

Sentimiento gaucho 1954-07-30 — Orquesta Donato Racciatti con Nina Miranda

Francisco Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caruso

Nous avons vu les liens entre le tan­go et le théâtre, le ciné­ma, la radio. Notre tan­go du jour, Sen­timien­to gau­cho a tous ces liens et en plus, il a gag­né un con­cours… Il n’est donc pas éton­nant qu’il dis­pose de dizaines de ver­sions, voyons donc ce Sen­timien­to gau­cho à par­tir de la ver­sion ori­en­tale, de Dona­to Rac­ciat­ti et Nina Miran­da.

Les concours Max Glücksmann

La firme Max Glücks­mann est celle qui a créé la mai­son de dis­ques Odeón, que vous con­nais­sez bien main­tenant. Cette société a organ­isé à par­tir de 1924 dif­férents con­cours annuels qui se déroulaient dans dif­férents lieux à Buenos Aires et Mon­te­v­ideo.
Trois fois par semaine, durant le con­cours, l’orchestre « offi­ciel » qui était dif­férent chaque année, jouait les tan­gos qui avaient été sélec­tion­nés par l’entreprise pour con­courir.
Les jours con­cernés, l’orchestre jouait deux fois la sélec­tion, une fois pour la séance de ciné­ma de 18 heures et une fois pour la séquence de ciné­ma de 22h30.
Le pub­lic votait grâce à un coupon placé sur le tick­et d’entrée au théâtre/cinéma.
En 1924, la pre­mière année du con­cours, c’est Sen­timien­to Gau­cho qui gagna.
L’orchestre qui a joué les œuvres élec­tion­nées était celui de Rober­to Fir­po, un orchestre gon­flé pour attein­dre 15 musi­ciens, dans le Théâtre Grand Splen­did et la radio LOW, Radio Grand Splen­did retrans­met­tait égale­ment la presta­tion de l’orchestre.
On voit que le dis­posi­tif était par­ti­c­ulière­ment élaboré et que Max Glücks­mann avait mis les moyens.
La ver­sion présen­tée était instru­men­tale, car les trois pre­mières années du con­cours, il n’y avait pas de chanteur, « seule­ment » 15 musi­ciens.
Le pal­marès de cette année a été le suiv­ant :

  • Pre­mier prix : Sen­timien­to Gau­cho (Fran­cis­co et Rafael Canaro)
  • Pa que te acordés (Fran­cis­co Lomu­to)
  • Organ­i­to de la tarde (Cat­u­lo Castil­lo)
  • Con toda el alma (Juan Fari­ni)
  • Amiga­zo (Juan de Dios Fil­ib­er­to)
  • Men­tions : Capa­blan­ca solo (Enrique Delfi­no)
  • El púa (Arturo de Bassi)
  • Soñan­do (Paqui­ta Bernar­do)

Extrait musical

Sen­timien­to gau­cho. Fran­cis­co Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so.

À gauche, la par­ti­tion Ricor­di qui cor­re­spond au texte des paroles habituelles. À droite de la par­ti­tion, le pre­mier prix gag­né par Canaro (il n’y avait pas de paroles et c’était donc cohérent de représen­ter un gau­cho). À l’extrême droite, la cou­ver­ture de la par­ti­tion avec les paroles cen­surées.

Sen­timien­to gau­cho 1954-07-30 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti con Nina Miran­da

Paroles

En un viejo almacén del Paseo Colón
Donde van los que tienen per­di­da la fe
Todo sucio, hara­pi­en­to, una tarde encon­tré
A un bor­ra­cho sen­ta­do en oscuro rincón
Al mirar­le sen­tí una pro­fun­da emo­ción
Porque en su alma un dolor secre­to adi­v­iné
Y, sen­tán­dome cer­ca, a su lado, le hablé
Y él, entonces, me hizo esta cru­el con­fe­sión
Pon­ga, ami­go, aten­ción

Sabe que es condi­ción de varón el sufrir
La mujer que yo quería con todo mi corazón
Se me ha ido con un hom­bre que la supo seducir
Y, aunque al irse mi ale­gría tras de ella se llevó
No quisiera ver­la nun­ca… Que en la vida sea feliz
Con el hom­bre que la tiene pa’ su bien… O qué sé yo
Porque todo aquel amor que por ella yo sen­tí
Lo cortó de un solo tajo con el filo’e su traición

Pero inútil… No puedo, aunque quiera, olvi­dar
El recuer­do de la que fue mi úni­co amor
Para ella ha de ser como el trébol de olor
Que per­fuma al que la vida le va a arran­car
Y, si aca­so algún día quisiera volver
A mi lado otra vez, yo la he de per­donar
Si por celos a un hom­bre se puede matar
Se per­dona cuan­do habla muy fuerte el quer­er
A cualquiera mujer

Fran­cis­co Canaro; Rafael Canaro Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre et indications

Dans un vieux mag­a­sin (El almacén, est à a la fois un mag­a­sin, un bar, un lieu de vie, de musique et danse, etc.) du Paseo Colón (rue du sud de Buenos Aires) où vont ceux qui ont per­du la foi.
Tout sale, en hail­lons, un après-midi, j’ai trou­vé un ivrogne assis dans un coin som­bre.
En le regar­dant, j’éprou­vai une pro­fonde émo­tion parce que dans son âme je dev­inais une douleur secrète.
Et assis près de lui, je lui ai par­lé, et il m’a fait cette cru­elle con­fes­sion.
Fais atten­tion, mon ami.
Sache que c’est la con­di­tion de l’homme que de souf­frir.
La femme que j’ai aimée de tout mon cœur s’en est allée avec un homme qui a su la séduire et, avec son départ, elle a emporté ma joie avec elle.
Je ne voudrais jamais la revoir… Puisse-t-elle être heureuse dans la vie avec l’homme qui l’a pour la sienne…
Ou qu’est-ce que j’en sais pourquoi tout cet amour que je ressen­tais pour elle, elle l’a coupé d’un seul coup avec la lame de sa trahi­son.
Mais inutile… Je ne peux pas, même si je le voulais, oubli­er le sou­venir de celle qui était mon seul amour. Pour elle, il faut être comme le trèfle d’odeur (mélilot) qui par­fume celui que la vie va arracher.
Et si un jour elle veut revenir vers moi, je lui par­don­nerai.
Si un homme peut être tué par jalousie, cela se par­donne quand par­le très fort l’amour à quelque femme que ce soit.

Il existe deux autres ver­sions des paroles, mais le prob­lème sur le site ne m’a pas lais­sé le temps de les retran­scrire.
Une ver­sion cen­surée, ou l’ivrogne dans le bar devient un paysan dans un champ et l’autre une ver­sion humoris­tique de Trio Gedeón. J’y reviendrai un jour, mais pour l’instant, ma pri­or­ité est de rétablir le site.

Autres versions

Pour les mêmes raisons que le gros rac­cour­cisse­ment de l’anecdote du jour, le prob­lème sur le site, je ne pro­pose pas les autres ver­sions de Sen­timien­to Gau­cho.
Là encore, j’essayerai de rat­trap­er, dès que pos­si­ble, lorsque le site sera remis en état.
Je vous présente tout de même cette ver­sion sym­pa où on voit chanter Ada Fal­con. C’est dans le film : Ido­l­os de la radio de Eduar­do Mor­era

Ada Fal­con dans Ido­l­os de la radio de Eduar­do Mor­era chante Sen­timien­to Gau­cho.

j’e­spère à demain, les amis, avec une ver­sion plus com­plète…

Los 33 orientales 1955-07-28 — Orquesta Carlos Di Sarli

José “Natalín” Felipetti ; Rosario Mazzeo Letra: Arturo Juan Rodríguez

Le tan­go du jour est instru­men­tal, et en écoutant la musique sen­suelle de Di Sar­li, je suis sûr que la plu­part de ceux qui ne sont pas uruguayens ont pen­sé que j’étais tombé sur la tête, une fois de plus, en pro­posant cette image de cou­ver­ture. J’ai imag­iné cette illus­tra­tion en me référant à Géri­cault, un pein­tre qui a don­né à la fois dans le mil­i­taire et l’orientalisme. Mais qui sont ces 33 ori­en­tales que Di Sar­li célébr­era trois fois par le disque ?

De l’importance de l’article

Il peut échap­per aux per­son­nes qui ne par­lent pas bien espag­nol, la dif­férence entre las (déter­mi­nant pluriel, féminin) et los (déter­mi­nant pluriel, mas­culin). Las 33 ori­en­tales, ça pour­rait-être ceci,

Los ou las ?

mais los 33 ori­en­tales, c’est plutôt cela :

El jura­men­to de los 33 ori­en­tales Juan Manuel Blanes (1878).

Je vous racon­terai l’histoire de ces 33 mecs en fin d’article, pas­sons tout de suite à l’écoute.

Extrait musical

Les com­pos­i­teurs sont José Felipet­ti (ban­donéon­iste et édi­teur musi­cal) et Alfre­do Rosario Mazzeo, vio­loniste, notam­ment dans l’orchestre de Juan D’Arienzo, puis de Poli­to (qui fut pianiste égale­ment de D’Arienzo). Rosario Mazzeo avait la par­tic­u­lar­ité d’utiliser un archet de vio­lon alto, plus grand pour avoir un son plus lourd.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Je n’ai pas grand-chose à dire sur cette ver­sion que vous puissiez ne pas con­naître. Je suis sûr que dans les cinq sec­on­des vous aviez repéré que c’était Di Sar­li, avec ses puis­sants accords sur son 88 touch­es (le piano) et les légatos des vio­lons. Comme il est d’usage chez lui, les nuances sont bien exprimées. Les suc­ces­sions de for­tis­si­mos mourant dans des pas­sages pianos (moins forts) et les accords fin­aux où domi­nent le piano font que c’est du 100% Di Sar­li.

Il s’agit du troisième enreg­istrement de Los 33 ori­en­tales par Di Sar­li. Comme d’habitude, vous aurez droit aux autres dans le chapitre dédié, Autres ver­sions

Les trois dis­ques de Los 33 ori­en­tales par Car­los Di Sar­li.

On notera que la ver­sion de 1952 est un 33 tours Long Play, c’est-à-dire qu’il y a deux tan­gos par face, ici La Cachi­la et Los 33 ori­en­tales. Sur la face A, il y a Cua­tro vidas et Sueño de juven­tud. Le pas­sage de 78 à 33 tours per­me­t­tait de plus que dou­bler la durée enreg­is­tra­ble. Mais ce n’est que la général­i­sa­tion du microsil­lon qui per­met d’atteindre des durées plus longues de plus de 20 min­utes par face. Ce disque est donc un disque de « tran­si­tion » entre deux tech­nolo­gies.

Paroles

Bien qu’il soit instru­men­tal dans les ver­sions con­nues, il y a eu des paroles écrites par Arturo Juan Rodriguez.
Au cas où elles seraient per­dues, je vous pro­pose un extrait de celles d’un autre tan­go appelé égale­ment los 33 ori­en­tales, à l’origine et rebap­tisé par la suite La uruguyai­ta Lucia.
Il a été écrit en 1933 par Eduar­do Pereyra avec des paroles de Daniel López Bar­reto.
Je vous le pro­pose à l’é­coute, dans la ver­sion de Ricar­do Tan­turi avec Enrique Cam­pos (1945).

La uruguyai­ta Lucia 1945-04-12 — Ricar­do Tan­turi C Enrique Cam­pos

Y mien­tras en el cer­ro; de los bravos 33 el clarín se oía
y al mun­do una patria nue­va anun­cia­ba
un tier­no sol­lo­zo de mujer, a la glo­ria reclam­a­ba
el amor de su gau­cho, que más fiel a la patria su vida le entregó.
Cabel­los negros, los ojos
azules, muy rojos
los labios tenía.
La Uruguayi­ta Lucía,
la flor del pago ‘e Flori­da.
Has­ta los gau­chos más fieros,
eter­nos matreros,
más man­sos se hacían.
Sus oja­zos parecían
azul del cielo al mirar.

Ningún gau­cho jamás
pudo alcan­zar
el corazón de Lucía.
Has­ta que al pago llegó un día
un gau­cho que nadie conocía.
Buen payador y buen mozo
can­tó con voz las­timera.
El gau­cho le pidió el corazón,
ella le dio su alma entera.

Fueron felices sus amores
jamás los sins­a­bores
inter­rumpió el idilio.
Jun­tas soñaron sus almi­tas
cual tier­nas palomi­tas
en un rincón del nido.
Cuan­do se que­ma el hor­i­zonte
se escucha tras el monte
como un suave mur­mul­lo.
Can­ta la tier­na y fiel pare­ja,
de amores son sus que­jas,
sus­piros de pasión.

Pero la patria lo lla­ma,
su hijo recla­ma
y lo ofrece a la glo­ria.
Jun­to al clarín de Vic­to­ria
tam­bién se escucha una que­ja.
Es que tronchó Lavalle­ja
a la dulce pare­ja
el idilio de un día.
Hoy ya no can­ta Lucía,
su payador no volvió.

Eduar­do Pereyra Letra: Daniel López Bar­reto

Traduction libre et indications

Et pen­dant que tu étais sur la colline ; des braves du 33 le cla­iron a été enten­du et au monde il annonça une nou­velle patrie, un ten­dre san­glot d’une femme, à la gloire il a revendiqué l’amour de son gau­cho, qui le plus fidèle à la patrie lui a don­né sa vie.
Cheveux noirs, yeux bleus, lèvres très rouges, elle avait.
La Uruguayi­ta Lucía, la fleur du bled (pago, coin de cam­pagne et la pop­u­la­tion qui l’habite) Flori­da.
Même les gau­chos les plus féro­ces, éter­nels matreros (bour­rus, sauvages, qui fuient la jus­tice), se fai­saient apprivois­er.
Ses grands yeux sem­blaient bleus de ciel quand elle regar­dait.
Aucun gau­cho ne put jamais attein­dre le cœur de Lucia.
Jusqu’au jour où un gau­cho arri­va dans le coin et que per­son­ne ne con­nais­sait.
Bon payador et bien beau, il chan­tait d’une voix pitoy­able.
Le gau­cho lui deman­da le cœur, elle lui don­na son âme en entier.
Leurs amours étaient heureuses, jamais les ennuis n’in­ter­rom­pirent l’idylle.
Ensem­ble, leurs petites âmes rêvaient comme de ten­dres colombes dans un coin du nid.
Lorsque l’hori­zon brûla, s’entendit der­rière la mon­tagne comme un doux mur­mure.
Le cou­ple ten­dre et fidèle chante, leurs plaintes sont d’amour, leurs soupirs de pas­sion.
Mais la patrie l’ap­pelle, elle réclame son fils et lui offre la gloire.
Jointe au cla­iron de vic­toire, une plainte s’entend égale­ment.
C’est Lavalle­ja (voir en fin d’article) qui a coupé court à l’idylle du cou­ple en une journée.

La ver­sion de José « Natalín » Felipet­ti ; Rosario Mazzeo et Arturo Juan Rodríguez n’a peut-être ou sans doute rien à voir, mais cela per­met tout de même d’évoquer un autre titre faisant référence aux 33 ori­en­tales et même à Lavalle­ja, que je vous présen­terai dans la dernière par­tie de l’article.

Autres versions

Je vous pro­pose 5 ver­sions. Trois par Di Sar­li plus deux dans le style de Di Sar­li

Los 33 ori­en­tales 1948-06-22 — Car­los Di Sar­li.

La musique avance à petits pas fer­mes aux­quels suc­cèdes des envolées de vio­lons, le tout appuyé par les accords de Di Sar­li sur son piano. C’est joli dansant, du Di Sar­li effi­cace pour le bal.

Los 33 ori­en­tales 1952-06-10 — Car­los Di Sar­li.

Cette ver­sion est assez proche de celles de 1948. Le piano est un tout petit plus dis­so­nant, dans cer­tains accords, accen­tu­ant, le con­traste en les aspects doux des vio­lons et les sons plus mar­ti­aux du piano.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li.

Los 33 ori­en­tales 1955-07-28 — Orques­ta Car­los Di Sar­li. C’est notre tan­go du jour. La musique est plus liée, les vio­lons plus expres­sifs. Le con­traste piano un peu dis­so­nant par moment et les vio­lons, plus lyriques est tou­jours présent. C’est peut-être ma ver­sion préférée, mais les trois con­vi­en­nent par­faite­ment au bal.

Los 33 ori­en­tales 1960 — Los Señores Del Tan­go.

En sep­tem­bre 1955, des chanteurs et musi­ciens quit­tèrent, l’orchestre de Di Sar­li et fondèrent un nou­v­el orchestre, Los Señores Del Tan­go, en gros, le pluriel du surnom de Di Sar­li, El Señor del tan­go… Comme on s’en doute, ils ne se sont pas détachés du style de leur ancien directeur. Vous pou­vez l’entendre avec cet enreg­istrement de 1960 (deux ans après le dernier enreg­istrement de Di Sar­li).

Los 33 ori­en­tales 2003 — Gente De Tan­go (esti­lo Di Sar­li).

Gente De Tan­go annonce jouer ce titre dans le style de Di Sar­li. Mais on notera quand même des dif­férences, qui ne vont pas for­cé­ment toute dans le sens de l’orchestre con­tem­po­rain ? L’impression de fusion et d’organisation de la musique est bien moins réussie. Le ban­donéon sem­ble par­fois un intrus. Le sys­té­ma­tisme de cer­tains procédés fait que le résul­tat est un peu monot­o­ne. N’est pas Di Sar­li qui veut.

Qui sont les 33 orientales ?

Ras­surés-vous, je ne vais pas vous don­ner leur nom et numéro de télé­phone, seule­ment vous par­ler des grandes lignes.

J’ai évo­qué à pro­pos du 9 juil­let, jour de l’indépendance de l’Argentine, que les Espag­nols avaient été mis à la porte. Ces derniers se sont rabat­tus sur Mon­te­v­ideo et ont été délogés par les Por­tu­gais, qui souhaitaient inter­préter en leur faveur le traité de Torde­sil­las.

Un peu d’histoire

On revient au quinz­ième siè­cle, époque des grandes décou­vertes, Christophe Colomb avait débar­qué en 1492, en… Colom­bie, enfin, non, pas tout à fait. Il se croy­ait en Asie et a plutôt atteint Saint-Domingue et Cuba pour employ­er les noms actuels.

Colomb était par­ti en mis­sion pour le compte de la Castille (Espagne), mais selon le traité d’Al­caço­vas, signé en 1479 entre la Castille et le Por­tu­gal, la décou­verte serait plutôt à inclure dans le domaine de dom­i­na­tion por­tu­gais, puisqu’au sud du par­al­lèle des îles Canaries, ce que le roi du Por­tu­gal (Jean II) s’est empressé de remar­quer et de men­tion­ner à Colomb. Le pape est inter­venu et après dif­férents échanges, le Por­tu­gal et la Castille sont arrivés à un accord, celui de Torde­sil­las qui don­nait à la Castille les ter­res situées à plus de 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. Une lieue espag­nole de l’époque valait 4180 m, ce qui fait que tout ce qui est à plus à l’ouest du méri­di­en pas­sant à 1546 km du Cap Vert est Espag­nol, mais cela implique égale­ment, que ce qui moins loin est Por­tu­gais. La décou­verte de ce qui devien­dra le Brésil sera donc une aubaine pour le Por­tu­gal.

À gauche, les délim­i­ta­tions des traités d’Al­caço­vas et de Tordessil­las. À droite, la même chose avec une ori­en­ta­tion plus mod­erne, avec le Nord, au nord…

Je pense que vous avez suivi cette révi­sion de vos cours d’histoire, je passe donc à l’étape suiv­ante…
Les Brésiliens Por­tu­gais et les Espag­nols, tout autour, cher­chaient à éten­dre leur dom­i­na­tion sur la plus grande par­tie de la Terre nou­velle. Les Por­tu­gais ont défon­cé la lim­ite du traité de Tortes­sil­las en creu­sant dans la par­tie ama­zoni­enne du con­ti­nent, mais ils con­voitaient égale­ment les ter­res plus au Sud et qui étaient sous dom­i­nance espag­nole, là où est l’Uruguay actuel. Les Espag­nols, qui avaient un peu nég­ligé cette zone, établirent Mon­te­v­idéo pour met­tre un frein aux pré­ten­tions por­tu­gais­es.
La sit­u­a­tion est restée ain­si jusqu’à la fin du 18e siè­cle, à l’intérieur de ces pos­ses­sions espag­noles et por­tu­gais­es, de grands pro­prié­taires com­mençaient à bien pren­dre leurs ais­es. Aus­si voy­aient-ils d’un mau­vais œil les impôts espag­nols et por­tu­gais et ont donc poussé vers l’indépendance de leur zone géo­graphique.
Les Argentins ont obtenu cela en 1816 (9 juil­let), mais les Espag­nols se sont retranchés dans la par­tie est du Pays, l’actuel Uruguay qui n’a donc pas béné­fi­cié de cette indépen­dance pour­tant signée pour toutes les Provinces-Unies du Rio de la Pla­ta.
Le 12 octo­bre 1822, le Brésil (7 sep­tem­bre) proclame son indépen­dance vis-à-vis du Por­tu­gal par la voix du prince Pedro de Alcân­tara qui se serait écrié ce jour-là, l’indépen­dance ou la mort ! Il est finale­ment mort, mais en 1934 et le brésil était « libre » depuis au moins 1825.
Dans son His­toire du Brésil, Armelle Enders, remet en cause cette déc­la­ra­tion du prince héri­ti­er de la couronne por­tu­gaise qui s’il déclare l’indépendance, il instau­re une monar­chie con­sti­tu­tion­nelle et Pedro de Alcân­tara devient le pre­mier empereur du Brésil sous le nom de Pierre Ier. Révo­lu­tion­naire, oui, mais empereur…
Donc, en Uruguay, ça ne s’est pas bien passé. Arti­gas qui avait fait par­tie des insti­ga­teurs de l’indépendance de l’Argentine a été con­traint de s’exiler au Paraguay à la suite de trahisons, ain­si que des dizaines de mil­liers d’Uruguayens. Par­mi eux, Juan Anto­nio Lavalle­ja et Manuel Oribe.

Juan Anto­nio Lavalle­ja (pho­tos de gauche) et Manuel Oribe, les meneurs des 33 ori­en­tales. Ils seront tous les deux prési­dents de le la république uruguayenne.

Où on en vient, enfin, aux 33 orientales

Après de ter­ri­bles péripéties, notam­ment de Lavalle­ja con­tre les Por­tu­gais-Brésiliens qui avaient finale­ment délogé les Espag­nols de Mon­te­v­ideo en 1816, il fut fait pris­on­nier et exilé jusqu’en 1821. L’année suiv­ante, le Brésil obte­nait son indépen­dance, tout au moins son début d’indépendance. Lavalle­ja se ral­lia du côté de Pierre 1er, voy­ant en lui une meilleure option pour obtenir l’indépendance de son pays.
En 1824, il est déclaré déser­teur pour être allé à Buenos Aires. Son but était de repren­dre le pro­jet d’Artigas et d’unifier les Provinces du Rio de la Pla­ta.
Une équipe de 33 hommes a donc fait la tra­ver­sée du Rio Uruguay. Une fois sur l’autre rive, ils ont prêté ser­ment sur la Playa de la Agra­ci­a­da (ou ailleurs, il y a deux points de débar­que­ment poten­tiel, mais cela ne change rien à l’affaire).

El jura­men­to de los 33 ori­en­tales sur la plage selon le pein­tre Juan Manuel Blanes et l’emplacement du débar­que­ment (dans le cer­cle rouge). La pyra­mide com­mé­more cet événe­ment.

Ce débar­que­ment et ce ser­ment, le jura­men­to de los 33 ori­en­tales mar­quent le début de la guerre d’indépendance qui se pro­longera dans d’autres guer­res surnom­mées Grande et Petite. Les Bri­tan­niques furent mis dans l’affaire, mais ils pen­sèrent plus aux leurs, d’affaires, que d’essayer d’aider, n’est-ce pas Mon­sieur Can­ning (qui a depuis per­du la rue qui por­tait son nom et qui s’appelle désor­mais Scal­abri­ni Ortiz) ? Le salon Can­ning con­nu de tous les danseurs de tan­go est juste­ment situé dans la rue Scal­abri­ni Ortiz (anci­en­nement Can­ning).
Les Argentins, dont le prési­dent Riva­davia espérait uni­fi­er l’ancienne province ori­en­tale à l’Argentine, ils se sont donc embar­qués dans la guerre, mais le coût dépas­sait sen­si­ble­ment les ressources disponibles. Le Brésil rece­vait l’aide directe des Anglais, l’affaire était donc assez mal engagée pour les indépen­dan­tistes uruguayens.
Un pro­jet de traité en 1827 fut rejeté, jugé humiliant par les Argentins et futurs Uruguayens indépen­dants.
La Province de Buenos Aires, dirigée par Dor­rego, le Sénat et l’empereur du Brésil se mirent finale­ment d’accord en 1928. Juan Manuel de Rosas était égale­ment favor­able au traité ren­dant l’Uruguay indépen­dant bien que Dor­rego et Rosas ne fai­saient pas bon ménage. L’exécution de Dor­rego coïn­cide avec l’ascension au pou­voir de De Rosas et ce n’est pas un hasard…
L’histoire ne se ter­mine pas là. Nos deux héros, Juan Anto­nio Lavalle­ja et Manuel Oribe qui avaient fait la tra­ver­sée des 33 sont tous les deux devenus prési­dents de l’Uruguay et de grande guerre à petite guerre, ce sont plusieurs décen­nies de pagaille qui s’en suivirent. L’indépendance et la mise en place de l’Uruguay n’ont pas été sim­ples à met­tre en œuvre. Les paroles du tan­go de Pereyra et Bar­reto nous rap­pel­lent que ces années firent des vic­times.
Les 33 ori­en­tales restent dans le sou­venir des deux peu­ples voisins du Rio de la Pla­ta. À Buenos Aires, une rue porte ce nom, elle va de l’avenue Riva­davia à l’avenue Caseros et sem­ble se con­tin­uer par une des rues les plus cour­tes de Buenos Aires, puisqu’elle mesure 50 m, la rue Trole… Au nord, de l’autre côté de Riva­davia, elle prend le nom de Raw­son, mais, si c’est aus­si un tan­go, c’est aus­si une autre his­toire.

Alors, à demain, les amis !

Los 33 ori­en­tales. La tra­ver­sée par les 33. Ne soyez pas éton­né par le dra­peau bleu-blanc-rouge, c’est effec­tive­ment celui des 33. Vous pou­vez le voir sur le tableau de Juan Manuel Blanes.

Milonga del recuerdo 1939-07-17 — Orquesta Juan D’Arienzo con Alberto Echagüe

Alfonso Lacueva Letra: José Pecora

Notre milon­ga du jour est une milon­ga irré­sistible, la milon­ga du sou­venir Milon­ga del recuer­do. Le titre pour­rait faire penser à la milon­ga campera, ces chan­sons un peu plain­tives de l’univers des gau­chos comme Milon­ga triste            que chan­tait Mag­a­l­di en 1930 ou même des com­po­si­tions plus récentes comme celle de Piaz­zol­la, Milon­ga del ángel, ou Milon­ga en ay menor dans un style bien sûr très dif­férent. Mais comme vous pou­vez le con­stater, Milon­ga del recuer­do est un appel à se lancer sur la piste pour tous les danseurs. Ces derniers ne prêteront aucune atten­tion à la nos­tal­gie des paroles.

Ce manque d’at­ten­tion est ren­for­cé par le fait que Echagüe ne chante que le refrain et pas les cou­plets plus nos­tal­giques.

Extrait musical

Milon­ga del recuer­do 1939-07-17 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe.
Milon­ga del recuer­do. Alfon­so Lacue­va Letra: José Pec­o­ra. À gauche la cou­ver­ture de la par­ti­tion, au cen­tre la tab­la­ture des accords et à droite, le disque. RCA Vic­tor 38767‑B. La face A était Dere­cho viejo 1939-07 une ver­sion instru­men­tale.

Paroles

Qué daría por ser joven y vivir aque­l­los días
Que se fueron ale­jan­do y no pueden más volver,
Aque­l­los años dichosos de las fies­tas tran­scur­ri­das
En el patio de la casa que me viera a mí, nac­er.
¿Dónde está la mucha­chi­ta, esa novia que besara?
Con los labios tem­blorosos encen­di­dos de pasión,
La que tan­to yo quería y siem­pre he recor­da­do
Porque fue el amor primero que no olvi­da el corazón.

¿Dónde están los cora­zones
de la lin­da muchacha­da?
¿Dónde están las ilu­siones
de aquel tiem­po que se fue?
Mi vie­ja dicha per­di­da
Hoy estás en el olvi­do,
Y yo que tan­to he queri­do
Siem­pre te recor­daré.

Las milon­gas de mi bar­rio al gemir de ban­do­neones
Entre notas melo­diosas de algún tan­go com­padrón,
Las pebe­tas sen­si­bleras impreg­nadas de ilu­siones
Que reían y canta­ban al influ­jo de un amor.
No se ve la muchacha­da a la luz del faroli­to
Comen­tan­do por las noches los idil­ios del lugar,
Ni se escuchan los acordes de las dul­ces ser­e­natas
Que llen­a­ban de emo­ciones y nos hacían soñar.

Alfon­so Lacue­va Letra : José Pec­o­ra

Echagüe ne chante que le refrain, en gras.

Traduction libre

Que don­nerais-je (on dirait plutôt en français : « que ne don­nerais-je pas ») pour être jeune et vivre ces jours qui se sont éloignés et qui ne peu­vent plus revenir, ces années heureuses des fêtes passées dans la cour de la mai­son qui m’a vu naître.
Où est la fille, cette fiancée que j’embrassais ?
Avec les lèvres trem­blantes et embrasées de pas­sion, celle que j’aimais tant et dont je me suis tou­jours sou­venu parce que c’était le pre­mier amour que le cœur n’oublie pas.
Où sont les cœurs de la belle bande d’amis ?
Où sont les illu­sions (émo­tions) de ce temps qui a dis­paru ?
Mon ancien bon­heur per­du est aujourd’hui oublié, et moi qui ai tant aimé, je me sou­viendrai tou­jours de toi.
Les milon­gas de mon quarti­er au gémisse­ment des ban­donéons entre les notes mélodieuses d’un tan­go com­pagnon, les poupées sen­ti­men­tales imprégnées d’illusions qui riaient et chan­taient sous l’influence d’un amour.
On ne voit pas la bande des gars à la lueur du lam­padaire com­menter la nuit les idylles du lieu ni on n’entend les accords des douces séré­nades qui nous rem­plis­saient d’émotions et nous fai­saient rêver.

Autres versions

Curieuse­ment, ce thème n’a pas été enreg­istré par d’autres orchestres. La mag­nifique ver­sion de D’Arienzo et Echagüe reste orphe­line même si cer­tains orchestres jouent cette milon­ga dans les bals.

Milon­ga del recuer­do 1939-07-17 — Orques­ta Juan D’Arienzo con Alber­to Echagüe

Une ver­sion intéres­sante par un orchestre de cham­bre con­tem­po­rain, le Cuar­te­to SolTan­go avec des arrange­ments de Mar­tin Klett.

https://on.soundcloud.com/1x1ZzHQoyXKUhL3f9 Quand les musi­ciens clas­siques s’essayent à la milon­ga.

À demain, les amis !

La capilla blanca 1944-07-11 — Orquesta Carlos Di Sarli con Alberto Podestá

Carlos Di Sarli Letra : Héctor Marcó (Héctor Domingo Marcolongo)

Une grande par­tie des titres com­posés par Car­los Di Sar­li ont des paroles de Héc­tor Mar­có, comme Corazón (le pre­mier titre de leur col­lab­o­ra­tion), Porteño y bailarín, Nido gau­cho, Juan Porteño, En un beso la vida, Rosamel, Bien frap­pé, et la mer­veille d’aujourd’hui, La capil­la blan­ca, tran­scendée par la voix de Alber­to Podestá.

Héc­tor Mar­có écrira les paroles de ce tan­go à la suite d’une expéri­ence per­son­nelle. Car­los Di Sar­li le met­tra soigneuse­ment en musique, avec le temps néces­saire pour don­ner sa mesure à un sujet qui par­lait à sa sen­si­bil­ité. Di Sar­li n’était pas un com­pos­i­teur de l’instant, il savait pren­dre son temps…

Comme vous le décou­vrirez à la lec­ture des paroles si vous ne les con­naissiez pas, ce tan­go pour­rait être l’objet d’un fait divers, comme en rela­tent les jour­nal­istes, jour­nal­istes auquel ce tan­go est dédié.

”Existe un gremio que siem­pre pidió para los demás, y nun­ca para sí mis­mo. …Ese gremio, es el de los peri­odis­tas. Muy jus­to entonces que yo lo recuerde con car­iño y dedique a todos los peri­odis­tas de la Argenti­na, este tan­go”. Car­los Di Sar­li.

Dédi­cace inscrite sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion éditée par Julio Korn.

« Il existe un syn­di­cat qui a tou­jours demandé pour les autres, et jamais pour lui-même… Ce syn­di­cat c’est celui des jour­nal­istes. C’est donc très juste que je m’en sou­vi­enne avec affec­tion et que je dédie ce tan­go à tous les jour­nal­istes argentins. » Car­los Di Sar­li.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce titre, je vous con­seille cet arti­cle de l’excellent blog Tan­go al Bar­do.

Extrait musical

La capil­la blan­ca 1944-07-11 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Alber­to Podestá.

Les propo­si­tions légères des vio­lons sont ponc­tuées de lourds accords du piano de Di Sar­li. La tonal­ité passe du mode majeur au mode mineur à divers­es repris­es, sug­gérant des émo­tions mêlées. À 1:20 la chaleureuse voix de Podestá reprend le motif des vio­lons. Le pas­sage au sec­ond thème est sig­nalé par un point d’orgue appuyé. Il déroule ensuite le début des paroles jusqu’à l’ultime note.

La capil­la blan­ca. À gauche, édi­tion Korn sur laque­lle on peut lire la dédi­cace aux jour­nal­istes. Au cen­tre et à droite, édi­tion brésili­enne de la Par­ti­tion. Le chanteur est Vic­tor Manuel Caser­ta. Je n’ai mal­heureuse­ment pas trou­vé d’interprétation enreg­istrée par lui. On notera qu’il est né à Buenos Aires de par­ents d’origine brésili­enne. Il fut égale­ment poète, mais pas auteur de textes de tan­go, à ma con­nais­sance.

Paroles

En la capil­la blan­ca
de un pueblo provin­ciano,
muy jun­to a un arroyue­lo de cristal,
me hin­ca­ban a rezar
tus manos…
Tus manos que encendían
mi corazón de niño.
Y al pie de un San­to Cristo,
las aguas del car­iño
me dabas de (a) beber.

Feliz nos vio la luna
bajar por la mon­taña,
sigu­ien­do las estrel­las,
bebi­en­do entre tus cabras,
un ánfo­ra de amor…
Y hoy son aves oscuras
esas tími­das cam­panas
que doblan a lo lejos
el toque de oración.
Tu voz murió en el río,
y en la capil­la blan­ca,
quedó un lugar vacío
¡Vacío como el alma
de los dos…!

En la capil­la blan­ca
de un pueblo provin­ciano,
muy jun­to a un arroyue­lo de cristal,
pre­sien­to sol­lozar
tus labios…
Y cuan­do con sus duen­des
la noche se despier­ta
al pie de San­to Cristo,
habrá una rosa muer­ta,
¡que rue­ga por los dos!

Car­los Di Sar­li Letra: Héc­tor Mar­có

Alber­to Podestá et Mario Pomar chantent seule­ment ce qui est en gras.

Traduction libre

Dans la chapelle blanche d’un vil­lage provin­cial, tout près d’un ruis­seau de cristal, tes mains m’ont age­nouil­lé pour prier…
Tes mains qui ont illu­miné mon cœur d’enfant.
Et au pied d’un Saint Christ, tu m’as don­né à boire les eaux de l’affection.
La lune nous a vus descen­dre heureux de la mon­tagne, suiv­ant les étoiles, buvant par­mi tes chèvres, une amphore d’amour…
Et aujourd’hui, ce sont des oiseaux obscurs, ces cloches timides qui son­nent au loin l’appel à la prière.
Ta voix s’est éteinte dans la riv­ière, et dans la chapelle blanche, une place vide a été lais­sée.
Vide comme l’âme des deux… !
Dans la chapelle blanche d’un vil­lage provin­cial, tout près d’un ruis­seau de cristal, je sens tes lèvres san­glot­er…
Et quand avec ses duen­des (sorte de gnomes, lutins de la mytholo­gie argen­tine) la nuit se réveillera au pied du Saint Christ, il y aura une rose morte,
Priez pour nous deux !

Comme vous l’aurez noté, les paroles ont une con­no­ta­tion religieuse mar­quée. C’est assez courant dans le tan­go, l’Argentine n’ayant pas la sépa­ra­tion de l’église et de l’état comme cela peut se faire en France et la reli­gion, les reli­gions sont beau­coup plus présentes. Par ailleurs, Di Sar­li était religieux et donc ce type de traite­ment du sujet n’était pas pour lui déplaire.

Autres versions

La capil­la blan­ca 1944-07-11 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Alber­to Podestá.

C’est notre tan­go du jour et prob­a­ble­ment la ver­sion de référence pour ce titre. Podes­ta ne chante que les pre­miers cou­plets.

La capil­la blan­ca 1953-06-26 — Orques­ta Car­los Di Sar­li con Mario Pomar (Mario Cor­rales).

J’aime beau­coup Mario Pomar. Cette ver­sion est suff­isam­ment dif­férente de celle de 1944 pour avoir tout son intérêt. Son tem­po est plus lent, plus majestueux. Je peux pass­er indif­férem­ment, selon les cir­con­stances, l’une ou l’autre de ces ver­sions.

La capil­la blan­ca 1973 — Rober­to Rufi­no.

Com­ment dire. Rufi­no qui a fait de si belles choses avec Di Sar­li aurait peut-être pu se dis­penser de cet enreg­istrement. Même pour l’écoute, je ne le trou­ve pas sat­is­faisant, mais je peux me tromper.

La capil­la blan­ca 1973 — Alber­to Podestá accomp. Orques­ta de Leopol­do Fed­eri­co.

La capil­la blan­ca 1973 — Alber­to Podestá accomp. Orques­ta de Leopol­do Fed­eri­co. Podestá enreg­istre de nou­veau son grand suc­cès. Ici, avec l’orchestre suave et dis­cret de Leopol­do Fed­eri­co.

La capil­la blan­ca 1986 — Alber­to Podestá accomp. Orques­ta de Alber­to Di Paulo. Encore Podestá.
La capil­la blan­ca 2000c — Alber­to Podestá accomp. Orques­ta de Leopol­do Fed­eri­co.

Podestá accom­pa­g­né par Fed­eri­co nous pro­pose une autre ver­sion encore plus lente.

La capil­la blan­ca 2008 (pub­li­ca­tion 2009-09) – José Lib­ertel­la (Pepe) con Adal­ber­to Per­az­zo.

Pepe Lib­ertel­la, le leader du Sex­te­to May­or pro­pose cette ver­sion de notre tan­go du jour. Adal­ber­to Per­az­zo chante tous les cou­plets, y com­pris la triste fin.

La capil­la blan­ca 2011 — Orques­ta Típi­ca Gente de Tan­go con Héc­tor Mora­no.
La capil­la blan­ca 2020-07-10 — Pablo Mon­tanel­li.

Dans son inter­pré­ta­tion au piano, Pablo Mon­tanel­li fait ressor­tir le rythme de habanera à la main gauche.

L’illustration de couverture

Une chapelle blanche au bord d’une riv­ière, ça ne se trou­ve pas si facile­ment.
J’ai pen­sé délir­er à par­tir de la créa­tion de Le Cor­busier, Notre dame du haut à Ron­champ.

Notre Dame du Haut à Ron­champ, archi­tecte Le Cor­busier. Le cours d’eau au pre­mier plan est bien sûr une créa­tion de ma part…

Pre­mier jet que je n’ai pas con­tin­ué, la chapelle aus­si mag­nifique soit elle ne me paraît pas pou­voir con­venir et je ne voy­ais pas com­ment l’intégrer avec une riv­ière qui aurait détru­it la pureté de ses lignes.

J’ai pen­sé ensuite à dif­férentes petites églis­es vues du côté de Salta ou Jujuy, comme l’église San José de Cachi dont j’adore le graphisme épuré.

Une pho­to brute, avant toute inter­ven­tion de la Igle­sia San José de Cachi.

Cette église a égale­ment les trois cloches, comme sur la par­ti­tion éditée par Julio Korn. Cepen­dant, cela fait trop église et pas assez chapelle. Trois cloches pour une chapelle, c’est trop, même si cela a peut-être été validé par Di Sar­li et Mar­có comme on l’a vu sur la par­ti­tion éditée par Jules Korn.
Je pense que j’aurais pu en faire un truc intéres­sant, type art déco ou autre styl­i­sa­tion.
Une autre can­di­date aurait pu être la chapelle mys­térieuse de Rio Blan­co. Elle est assez proche du Rio Rosario. Je vous la laisse décou­vrir en suiv­ant ce lien…
J’ai finale­ment opté pour l’image que j’ai choisie. Un paysage roman­tique, situé quelque part dans les Andes. Pourquoi les Andes, je ne sais pas. Sans doute que c’est, car il y a mes paysages préférés d’Argentine. Et puis le texte par­le de mon­tagne, alors, autant en choisir de belles…
La mon­tagne a été con­sti­tuée à par­tir d’éléments pris dans les Andes, dont le mer­veilleux pic de El Chal­ten, la mon­tagne qui fume. La chapelle est en fait un ermitage dédié à la Vir­gen de Fáti­ma en Asturies (Espagne). Ce n’est pas couleur locale, mais c’est la même église que José María Otero a util­isée pour son texte sur ce tan­go. Pour don­ner un effet roman­tique, l’eau est en pose longue et j’ai joué d’effets dans Pho­to­shop, pour la lumière et l’aspect vaporeux. Je trou­ve que le résul­tat, avec sa riv­ière meur­trière et ce con­tre-jour dévoilant des ombres inquié­tantes, exprime bien ce que je ressens à la lec­ture du texte de Héc­tor Mar­có.

La capil­la blan­ca, dans ce mon­tage, vous recon­naîtrez El Chal­ten, la mon­tagne qui fume, cet impres­sion­nant pic de la Patag­o­nie. La chapelle est en fait l’ermitage de la Vir­gen de Fáti­ma en Asturies (Espagne).

À demain, les amis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tango

1908 ou 1916 José Luis Padula Letra : 1916 ou 1919 Ricardo M. Llanes 1930 — 1931 Eugenio Cárdenas 1931 Lito Bayardo (Manuel Juan García Ferrari)

Le 9 juil­let pour les Argentins, c’est le 4 juil­let des Éta­suniens d’Amérique, le 14 juil­let des Français, c’est la fête nationale de l’Argentine. Elle com­mé­more l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne. José Luis Padu­la était assez bien placé pour écrire ce titre, puisque la sig­na­ture de la Déc­la­ra­tion d’indépendance a été effec­tuée à San Miguel de Tucumán, son lieu natal, le 9 juil­let 1816.

Padu­la pré­tend avoir écrit ce tan­go en 1908, à l’âge de 15 ans, sans titre par­ti­c­uli­er et qu’il a décidé de le dédi­er au 9 juil­let dont on allait fêter le cen­te­naire en 1916.
Dif­fi­cile de véri­fi­er ses dires. Ce qu’on peut en revanche affirmer c’est que Rober­to Fir­po l’a enreg­istrée en 1916 et qu’on y entend les cris de joie (étranges) des sig­nataires (argentins) du traité.

Sig­na­ture de la déc­la­ra­tion d’indépendance au Con­gre­so de Tucumán (San Miguel de Tucumán) le 9 juil­let 1816. Aquarelle de Anto­nio Gonzáles Moreno (1941).
José Luis Padu­la 1893 – 1945. Il a débuté en jouant de l’har­mon­i­ca et de la gui­tare dès son plus jeune âge (son père était mort quand il avait 12 ans et a donc trou­vé cette activ­ité pour gag­n­er sa vie). L’image de gauche est une illus­tra­tion, ce n’est pas Padu­la. Au cen­tre, Padu­la vers 1931 sur une par­ti­tion de 9 de Julio avec les paroles de Lito Bayardo et à droite une pho­to peu avant sa mort, vers 1940.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de 9 de Julio. L’évocation de l’indépendance est man­i­feste sur les deux cou­ver­tures. On notera sur celle de droite la men­tion de Car­de­nas pour les paroles.
Autre exem­ple de par­ti­tion avec un agran­disse­ment de la dédi­cace au procu­rador tit­u­lar Señor Ger­va­sio Rodriguez. Il n’y a pas de men­tion de paroli­er sur ces paroles.
9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

Dès les pre­mières notes, on note la tru­cu­lence du tuba et l’ambiance fes­tive que crée cet instru­ment. J’ai choisi cette ver­sion pour fêter le 9 juil­let, car il n’existait pas d’enregistrement intéres­sant du 9 juil­let. C’est que c’est un jour férié et les orchestres devaient plutôt ani­mer la fête plutôt que d’enregistrer. L’autre rai­son est que le tuba est asso­cié à la fan­fare, au défilé et que donc, il me sem­blait adap­té à l’occasion. Et la dernière rai­son et d’encourager cet orchestre créé en 1967 et qui s’est don­né pour mis­sion de retrou­ver la joie des ver­sions du début du vingtième siè­cle. Je trou­ve qu’il y répond par­faite­ment et vous pou­vez lui don­ner un coup de pouce en achetant pour un prix mod­ique ses albums sur Band­camp.

Paroles

Vous avez sans doute remar­qué que j’avais indiqué plusieurs paroliers. C’est qu’il y a en fait qua­tre ver­sions. C’est beau­coup pour un titre qui a surtout été enreg­istré de façon instru­men­tale… C’est en fait un phénomène assez courant pour les titres les plus célèbres, dif­férents auteurs ajoutent des paroles pour être inscrits et touch­er les droits afférents. Dans le cas présent, les héri­tiers de Padu­la ont fait un procès, preuve que les his­toires de sous exis­tent aus­si dans le monde du tan­go. En effet, avec trois auteurs de paroles au lieu d’un, la part de la redis­tri­b­u­tion aux héri­tiers de Padu­la était d’autant dimin­uée.
Je vous pro­pose de retrou­ver les paroles en fin d’article pour abor­der main­tenant les 29 ver­sions. La musique avant tout… Ceux qui sont intéressés pour­ront suiv­re les paroles des rares ver­sions chan­tées avec la tran­scrip­tion cor­re­spon­dante en la trou­vant à la fin.

Autres versions

9 de Julio (Nueve de Julio) 1916 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

On y entend les cris de joie des sig­nataires, des espèces de roucoule­ments que je trou­ve étranges, mais bon, c’était peut-être la façon de man­i­fester sa joie à l’époque. L’interprétation de la musique, mal­gré son antiq­ui­té, est par­ti­c­ulière­ment réussie et on ne ressent pas vrai­ment l’impression de monot­o­nie des très vieux enreg­istrements. On entend un peu de cuiv­res, cuiv­res qui sont totale­ment à l’honneur dans notre tan­go du jour avec La Tuba Tan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1927-06-03 — Orques­ta Rober­to Fir­po.

Encore Fir­po qui nous livre une autre belle ver­sion anci­enne une décen­nie après la précé­dente. L’enregistrement élec­trique améliore sen­si­ble­ment le con­fort d’écoute.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1928-10-11 — Guiller­mo Bar­bi­eri, José María Aguilar, José Ricar­do (gui­tar­ras).

Vous aurez recon­nu les gui­taristes de Gardel. Cet enreg­istrement a été réal­isé à Paris en 1928. C’est un plaisir d’entendre les gui­taristes sans la voix de leur « maître ». Cela per­met de con­stater la qual­ité de leur jeu.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1929-12-04 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro.

Je trou­ve cette ver­sion un peu pesante mal­gré les beaux accents du piano de Luis Ric­cardi. C’est un titre à réserv­er aux ama­teurs de canyengue, tout au moins les deux tiers, la dernière vari­a­tion plus allè­gre voit les ban­donéons s’illuminer. J’aurais préféré que tout le titre soit à l’aune de sa fin. Mais bon, Canaro a décidé de le jouer ain­si…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1930-04-04 — Orques­ta Luis Petru­cel­li.

Le décès à seule­ment 38 ans de Luis Petru­cel­li l’a cer­taine­ment privé de la renom­mée qu’il méri­tait. Il était un excel­lent ban­donéon­iste, mais aus­si, comme en témoigne cet enreg­istrement, un excel­lent chef d’orchestre. Je pré­cise toute­fois qu’il n’a pas enreg­istré après 1931 et qu’il est décédé en 1941. Ces dernières 10 années furent con­sacrées à sa car­rière de ban­donéon­iste, notam­ment pour Frese­do.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931 — Agustín Mag­a­l­di con orques­ta.

Mag­a­l­di n’appréciant pas les paroles de Euge­nio Cár­de­nas fit réalis­er une ver­sion par Lito Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1931-08-15 — Orques­ta Típi­ca Colum­bia con Ernesto Famá.

Famá chante le pre­mier cou­plet de Bayardo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1935-12-31 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est une des ver­sions les plus con­nues, véri­ta­ble star des milon­gas. L’impression d’accélération con­tin­ue est sans doute une des clefs de son suc­cès.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1939-07-04 – Char­lo (accordéon et gui­tare).

Je ne sais pas d’où vient cet ovni. Je l’avais dans ma musique, extrait d’un CD Colec­ción para enten­di­dos – Época de oro vol. 6 (1926–1939). Char­lo était pianiste en plus d’être chanteur (et acteur). Tout comme les gui­taristes de Gardel qui ont enreg­istré 9 de Julio sous le nom de Gardel (voir ci-dessus l’enregistrement du 11 octo­bre 1928), il se peut qu’il s’agisse de la même chose. Le même jour, Char­lo enreg­is­trait comme chanteur avec ses gui­taristes Diva­gan­do, No hay tier­ra como la mía, Sola­mente tú et un autre titre accordéon et gui­tare sans chant, la valse Año­ran­do mi tier­ra.
On trou­ve d’autres titres sous la men­tion Char­lo avec accordéon et gui­tare. La cumpar­si­ta et Recuer­dos de mi infan­cia le 12 sep­tem­bre 1939, Pin­ta bra­va, Don Juan, Ausen­cia et La pol­ca del ren­gui­to le 8 novem­bre 1940. Il faut donc cer­taine­ment en con­clure que Char­lo jouait aus­si de l’accordéon. Pour le prou­ver, je verserai au dossier, une ver­sion éton­nante de La cumpar­si­ta qu’il a enreg­istrée en duo avec Sabi­na Olmos avec un accordéon soliste, prob­a­ble­ment lui…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1948 — Orques­ta Héc­tor Stam­poni.

Une jolie ver­sion avec une mag­nifique vari­a­tion finale. On notera l’annonce, une pra­tique courante à l’époque où un locu­teur annonçait les titres.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-05-15 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo nous donne une autre ver­sion. Il y a de jolis pas­sages, mais je trou­ve que c’est un peu plus con­fus que la ver­sion de 1935 qui devrait être plus sat­is­faisante pour les danseurs. Ful­vio Sala­man­ca relève l’ensemble avec son piano, piano qui est générale­ment l’épine dor­sale de D’Arienzo.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1950-07-20 — Orques­ta Alfre­do De Ange­lis.

Chez De Ange­lis, le piano est aus­si essen­tiel, mais c’est lui qui en joue, il est donc libre de don­ner son inter­pré­ta­tion mag­nifique, sec­ondé par ses excel­lents vio­lonistes. Pour ceux qui n’aiment pas De Ange­lis, ce titre pour­rait les faire chang­er d’avis.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1957-04-08 — Orques­ta Héc­tor Varela.

Varela nous pro­pose une intro­duc­tion orig­i­nale.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953 — Hora­cio Sal­gán y su Orques­ta Típi­ca.

Une ver­sion sans doute pas évi­dente à danser.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-03-03 — Ariel Ped­ern­era y su Quin­te­to Típi­co.

Une belle ver­sion, mal­heureuse­ment cette copie a été mas­sacrée par le « col­lec­tion­neur ». J’espère trou­ver un disque pour vous pro­pos­er une ver­sion cor­recte en milon­ga, car ce thème le mérite large­ment.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1953-09-10 — Orques­ta José Sala.

Pour l’écoute, bien sûr, mais des pas­sages très sym­pas

9 de Julio (Nueve de Julio) 1954-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a mis un peu de temps à enreg­istr­er sa ver­sion du thème. C’est une superbe réal­i­sa­tion, mais qui alterne des pas­sages sans doute trop var­iés pour les danseurs, mais je suis sûr que cer­tains seront ten­tés par l’expérience.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1959 — Luis Macha­co.

Une ver­sion tran­quille et plutôt jolie par un orchestre oublié. Le con­tre­point entre le ban­donéon en stac­ca­to et les vio­lons en lega­to est par­ti­c­ulière­ment réus­si.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1964 — Alber­to Mari­no con la orques­ta de Osval­do Taran­ti­no.

Alber­to Mari­no chante les paroles de Euge­nio Cár­de­nas. Ce n’est bien sûr pas une ver­sion pour la danse.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-06-21 — Orques­ta Florindo Sas­sone.
9 de Julio (Nueve de Julio) 1966-08-03 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Une ver­sion bien con­nue par D’Arien­zo, dans le style sou­vent pro­posé par les orchestres con­tem­po­rains. Spec­tac­u­laire, mais, y‑a-t-il un mais ?

9 de Julio (Nueve de Julio) 1967-08-10 (Ranchera-Per­icón) — Orques­ta Enrique Rodríguez.

Sec­ond OVNI du jour, cette ranchera-Per­icón nacional avec ses flon­flons, bien prop­ice à faire la fête. Peut-être une corti­na pour demain (aujourd’hui pour vous qui lisez, demain pour moi qui écrit).

9 de Julio (Nueve de Julio) 1968 — Cuar­te­to Juan Cam­bareri.

Une ver­sion vir­tu­ose et ent­hou­si­as­mante. Pensez à prévoir des danseurs de rechange après une tan­da de Cam­bareri… Si cela sem­ble lent pour du Cam­bareri, atten­dez la vari­a­tion finale et vous com­pren­drez pourquoi Cam­bareri était nom­mé le mage du ban­donéon.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1970 — Orques­ta Arman­do Pon­tier.

Une ver­sion orig­i­nale, mais pas for­cé­ment indis­pens­able, mal­gré le beau ban­donéon d’Arman­do Pon­tier.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Orques­ta Dona­to Rac­ciat­ti.

Même si la Provin­cia Ori­en­tale tombait en 1916 sous la coupe du Por­tu­gal / Brésil, les Uruguayens sont sen­si­bles à l’é­man­ci­pa­tion d’avec le vieux monde et donc, les orchestres uruguayens ont aus­si pro­posé leurs ver­sions du 9 juil­let.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971 — Paler­mo Trío.

Avec un trio, for­cé­ment, c’est plus léger. Ici, la danse n’est pas au pro­gramme.

9 de Julio (Nueve de Julio) 1971-08-04 — Miguel Vil­las­boas y su Sex­te­to Típi­co.

Dans le style hési­tant de Vil­las­boas entre tan­go et milon­ga qu’af­fec­tion­nent les Uruguayens. Le type de musique qui a fait dire que le tan­go avait été inven­té par un indé­cis…

9 de Julio (Nueve de Julio) 1973-11-29 — Miguel Vil­las­boas y Wásh­ing­ton Quin­tas Moreno (dúo de pianos).

L’autre jour, au sujet de La rosa­ri­na 1975-01-06, un lecteur a dit qu’il avait appré­cié la ver­sion en duo de piano de Vil­las­boas et Wásh­ing­ton. Pour ce lecteur, voici 9 de Julio par les mêmes.

Et il est temps de clore cette longue liste avec notre orchestre du jour et dans deux ver­sions :

9 de Julio (Nueve de Julio) 1991 — Los Tubatan­go.

Cet orchestre orig­i­nal par la présence du tuba et sa volon­té de retrou­ver l’ambiance du tan­go des années 1900 a été créé par Guiller­mo Inchausty. C’est le même orchestre que celui de notre tan­go du jour qui est désor­mais dirigé par Lucas Kohan sous l’appellation La Tuba Tan­go au lieu du nom orig­i­nal de Los Tubatan­go.

9 de Julio (Nueve de Julio) 2009 — La Tuba Tan­go.

C’est notre tan­go du jour. Les musi­ciens en sont : Igna­cio Ris­so (tuba), Matias Rul­lo (ban­donéon), Gon­za­lo Braz (clar­inette) et Lucas Kohan (Direc­tion et gui­tare).

Cette longue liste de 29 titres, mais qui aurait pu être facile­ment deux fois plus longue mon­tre la diver­sité de la pro­duc­tion du tan­go.
En ce qui con­cerne la danse, nous nous sommes habitués à danser sur un ou deux de ces titres, mais je pense que vous aurez remar­qué que d’autres étaient aus­si intéres­sants pour le bal. La ques­tion est surtout de savoir les pro­pos­er au bon moment et aux bons danseurs. C’est toute la richesse et l’intérêt du méti­er de DJ.
Pour moi, un bon DJ n’est pas celui qui met des titres incon­nus et étranges afin de recueil­lir les applaud­isse­ments des néo­phytes, mais celui qui met la bonne musique au bon moment en sachant pren­dre des risques mesurés afin d’aider les danseurs à mag­ni­fi­er leur impro­vi­sa­tion et leur plaisir de danser.

Je reviens main­tenant, comme promis aux qua­tre ver­sions des paroles…

Paroles de Lito Bayardo (1931)

Sin un solo adiós
dejé mi hog­ar cuan­do partí
porque jamás quise sen­tir
un sol­lozar por mí.
Triste amanecer
que nun­ca más he de olvi­dar
hoy para qué remem­o­rar
todo lo que sufrí.

Lejano Nueve de Julio
de una mañana div­ina
mi corazón siem­pre fiel quiso can­tar
y por el mun­do poder pere­gri­nar,
infati­ga­ble vagar de soñador
marchan­do en pos del ide­al con todo amor
has­ta que al fin dejé
mi madre y el quer­er
de la mujer que adoré.

Yo me prometi
lleno de glo­ria regre­sar
para podérsela brindar
a quien yo más amé
y al retornar
triste, ven­ci­do y sin fe
no hal­lé mi amor ni hal­lé mi hog­ar
y con dolor lloré.

Cual vagabun­do car­ga­do de pena
yo lle­vo en el alma la desilusión
y des­de entonces así me con­de­na
la angus­tia infini­ta de mi corazón
¡Qué puedo hac­er si ya mis horas de ale­gría
tam­bién se fueron des­de aquel día
que con las glo­rias de mis tri­un­fos yo soñara,
sueños lejanos de mi loca juven­tud!

José Luis Padu­la Letra: Lito Bayardo (Manuel Juan Gar­cía Fer­rari)

C’est la ver­sion que chante Mag­a­l­di, vu qu’il l’a demandé à Bayardo
Famá, chante égale­ment cette ver­sion, mais seule­ment le pre­mier cou­plet.

Traduction libre des paroles de Lito Bayardo

Sans un seul au revoir, j’ai quit­té ma mai­son quand je suis par­ti parce que je ne voulais jamais ressen­tir un san­glot pour moi.
Une triste aube que je n’oublierai jamais aujourd’hui, pour qu’elle se sou­vi­enne de tout ce que j’ai souf­fert.
Loin­tain 9 juil­let, d’un matin divin, mon cœur tou­jours fidèle a voulu chanter et à tra­vers le monde faire le pèleri­nage,
infati­ga­ble errance d’un rêveur marchant à la pour­suite de l’idéal avec tout l’amour jusqu’à ce qu’enfin je quitte ma mère et l’amour de la femme que j’adorais.
Je me suis promis une fois plein de gloire de revenir pour pou­voir l’offrir à celle que j’aimais le plus et quand je suis revenu triste, vain­cu et sans foi je n’ai pas trou­vé mon amour ni ma mai­son et avec douleur j’ai pleuré.
Comme un vagabond acca­blé de cha­grin, je porte la décep­tion dans mon âme, et depuis lors, l’angoisse infinie de mon cœur me con­damne.
Que pour­rais-je faire si mes heures de joie sont déjà par­ties depuis ce jour où j’ai rêvé des gloires de mes tri­om­phes, rêves loin­tains de ma folle jeunesse ?

Paroles de Ricardo M. Llanes (1916 ou 1919)

De un con­ven­til­lo mugri­en­to y fulero,
con un can­flinfero
te espi­antaste vos ;
aban­donaste a tus pobres viejos
que siem­pre te daban
con­se­jos de Dios;
aban­donaste a tus pobres her­manos,
¡tus her­man­i­tos,
que te querían!
Aban­donastes el negro laburo
donde gan­abas el pan con hon­or.

Y te espi­antaste una noche
escab­ul­l­i­da en el coche
donde esper­a­ba el bacán;
todo, todo el con­ven­til­lo
por tu espi­ante ha sol­loza­do,
mien­tras que vos te has mez­cla­do
a las far­ras del gotán;
¡a dónde has ido a parar!
pobrecita milonguera
que soñaste con la glo­ria
de ten­er un buen bulín;
pobre pebe­ta inocente
que engrup­i­da por la far­ra,
te metiste con la bar­ra
que vive en el cafetín.

Tal vez mañana, pia­doso,
un hos­pi­tal te dé cama,
cuan­do no brille tu fama
en el salón;
cuan­do en el “yiro” no hagas
más “sport”;
cuan­do se canse el cafi­sio
de tu amor ;
y te espi­ante rechi­fla­do
del bulín;
cuan­do te den el “oli­vo“
los que hoy tan­to te aplau­den
en el gran cafetín.

Entonces, triste con tu deca­den­cia,
per­di­da tu esen­cia,
tu amor, tu cham­pagne ;
sólo el recuer­do quedará en tu vida
de aque­l­la per­di­da
glo­ria del gotán;
y entonces, ¡pobre!, con lágri­mas puras,
tus amar­guras
der­ra­marás;
y sen­tirás en tu noche enfer­miza,
la ingra­ta risa
del primer bacán.

José Luis Padu­la Letra: Ricar­do M. Llanes

Traduction libre des paroles de Ricardo M. Llanes

D’un immeu­ble (le con­ven­til­lo est un sys­tème d’habitation pour les pau­vres où les familles s’entassent dans une pièce desservie par un cor­ri­dor qui a les seules fenêtres sur l’extérieur) sale et vilain, avec un prox­énète, tu t’es enfuie ;
tu as aban­don­né tes pau­vres par­ents qui t’ont tou­jours prodigué des con­seils de Dieu ;
Tu as aban­don­né tes pau­vres frères, tes petits frères, qui t’aimaient !
Tu as aban­don­né le tra­vail noir où tu gag­nais ton pain avec hon­neur.
Et tu t’es enfuie une nuit en te fau­fi­lant dans la voiture où le bacán (homme qui entre­tient une femme) attendait ;
Tout, tout l’immeuble à cause de ta fuite a san­gloté, tan­dis que toi tu t’es mêlée aux fêtes du Gotan (Tan­go) ;
Mais où vas-tu t’arrêter ?
Pau­vre milonguera qui rêvait de la gloire et d’avoir un bon logis ;
Pau­vre fille inno­cente qui, enflée par la fête, s’est aco­quinée avec la bande qui vit dans le café.
Peut-être que demain, pieuse­ment, un hôpi­tal te don­nera un lit, quand ta renom­mée ne brillera pas dans ce salon ;
quand dans le « yiro » (pros­ti­tu­tion) vous ne faites plus de « sport » ;
quand le voy­ou de ton amour se fatigue ;
et tu t’évades folle du logis ;
Quand ils te ren­voient (dar el oli­vo = ren­voy­er en lun­far­do), ceux qui vous applaud­is­sent tant aujourd’hui dans le Grand Cafetín.
Puis, triste avec ta déca­dence, perte de ton essence, de ton amour, de ton cham­pagne ;
Seul le sou­venir de cette perte restera dans ta vie
Gloire du Gotan ;
et alors, pau­vre créa­ture, avec des larmes pures, ton amer­tume tu déverseras ;
Et tu sen­ti­ras dans ta nuit mal­adive, le rire ingrat du pre­mier Bacán.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Mien­tras los clar­ines tocan diana
y el vibrar de las cam­panas
reper­cute en los con­fines,
mil recuer­dos a los pechos
los infla­ma la ale­gría
por la glo­ria de este día
que nun­ca se ha de olvi­dar.
Deja, con su músi­ca, el pam­pero
sobre los patrios aleros
una belleza que encan­ta.
Y al con­juro de sus notas
las campiñas se lev­an­tan
salu­dan­do, rev­er­entes,
al sol de la Lib­er­tad.

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

C’est la ver­sion chan­tée par Alber­to Mari­no en 1964.

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 1 de 1930)

Tan­dis que les clairons son­nent le réveil et que la vibra­tion des cloches résonne aux con­fins,
mille sou­venirs enflam­ment de joie les poitrines pour la gloire de ce jour qui ne sera jamais oublié.
Avec sa musique, le pam­pero laisse sur les patri­otes alliés une beauté qui enchante.
Et sous le charme de ses notes, la cam­pagne se lève avec révérence, au soleil de la Lib­erté.
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, lorsque les enfants de ce sol améri­cain pour une cause juste ont démon­tré leur courage.

Paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Hoy sien­to en mí
el des­per­tar de algo feliz.
Quiero evo­car aquel ayer
que me brindó plac­er,
pues no he de olvi­dar
cuan­do tem­bló mi corazón
al escuchar, con emo­ción,
esta feliz can­ción:

Bro­ta, majes­tu­oso, el Him­no
de todo labio argenti­no.
Y las almas trem­u­lantes de emo­ción,
a la Patria sólo saben ben­de­cir
mien­tras los ecos repiten la can­ción
que dos genios han lega­do al por­venir.
Que la her­mosa can­ción
por siem­pre vivirá
al calor del corazón.

En los ran­chos hay
un revivir de mocedad;
los criol­los ven en su
pasión
todo el amor lle­gar.
Por las huel­las van
llenos de fe y de ilusión,
los gau­chos que oí can­tar
al res­p­lan­dor lunar.

Los cam­pos están de fies­ta
y por la flo­res­ta
el sol se der­ra­ma,
y a sus destel­los de mág­i­cas lum­bres,
el llano y la cum­bre
se envuel­ven de lla­mas.
Mien­tras que un criol­lo patri­ar­cal
nar­ra las horas
de las cam­pañas
lib­er­ta­do­ras,
cuan­do los hijos de este sue­lo
amer­i­cano
por jus­ta causa
demostraron
su val­or.

José Luis Padu­la Letra: Euge­nio Cár­de­nas

Traduction libre des paroles de Eugenio Cárdenas (version 2 de 1931)

Aujourd’hui je sens en moi l’éveil de quelque chose d’heureux.
Je veux évo­quer cet hier qui m’a offert du plaisir, car je ne dois pas oubli­er quand mon cœur a trem­blé quand j’ai enten­du, avec émo­tion, cette chan­son joyeuse :
L’hymne de chaque lèvre argen­tine germe, majestueux.
Et les âmes, trem­blantes d’émotion, ne savent que bénir la Patrie tan­dis que les échos répè­tent le chant que deux génies ont légué à l’avenir.
Que la belle chan­son vivra à jamais dans la chaleur du cœur.
Dans les baraques (mai­son som­maire, pas un ranch…), il y a un regain de jeunesse ;
Les Criol­los voient dans leur pas­sion tout l’amour arriv­er.
Sur les traces (empreintes de pas ou de roues), ils sont pleins de foi et d’illusion, les gau­chos que j’ai enten­dus chanter au clair de lune.
Les cam­pagnes sont en fête et le soleil se déverse à tra­vers la forêt, et avec ses éclairs de feux mag­iques, la plaine et le som­met sont envelop­pés de flammes.
Tan­dis qu’un criol­lo patri­ar­cal racon­te les heures des cam­pagnes de libéra­tion, quand les enfants de ce sol améri­cain pour une juste cause ont démon­tré leur courage.

Vous êtes encore là ? Alors, à demain, les amis !

Poema 1935-06-11 — Orquesta Francisco Canaro con Roberto Maida

Antonio Mario Melfi ? Letra : Eduardo Vicente Bianco

Poe­ma par Canaro et Mai­da est le type même du tan­go que l’on ne peut pas facile­ment pro­pos­er dans une autre ver­sion. Amis DJ, si vous ten­tez l’expérience, on vous fait les gros yeux. Pour­tant, il existe d’autres ver­sions qui ne déméri­tent pas. Analysons un peu ce tan­go, qui est, selon un sondage réal­isé il y a une dizaine d’années, le préféré dans le monde. Nous présen­terons égale­ment une enquête pour savoir qui est le com­pos­i­teur de ce chef‑d’œuvre.

Ajout de deux ver­sions le 29 août 2024, une en let­ton et une en arabe
(Cadeau d’An­dré Vagnon de la Bible Tan­go).

Extrait musical

Tout d’abord, on ne se refuse pas d’écouter encore une fois Poe­ma par Canaro. Peut-être plus atten­tive­ment 😉

Par­ti­tion pour piano Poe­ma de Anto­nio Mario Melfi Letra : Eduar­do Vicente Bian­co.
Poe­ma 1935-06-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da.

Paroles

Fue un ensueño de dulce amor,
horas de dicha y de quer­er.
Fue el poe­ma de ayer,
que yo soñé de dora­do col­or.
Vanas quimeras que el corazón
no logrará descifrar jamás.
¡Nido tan fugaz,
fue un sueño de amor,
de ado­ración!…

Cuan­do las flo­res de tu ros­al
vuel­van más bel­las a flo­re­cer,
recor­darás mi quer­er
y has de saber
todo mi inten­so mal…

De aquel poe­ma embria­gador
ya nada que­da entre los dos.
¡Con mi triste adiós
sen­tirás la emo­ción
de mi dolor !…

Anto­nio Mario Melfi Letra : Eduar­do Vicente Bian­co

Traduction libre

Ce fut un rêve de doux amour, des heures de joie et d’amour.
Ce fut le poème d’hier, dont je rêvais en couleur dorée.
Vaines chimères que le cœur ne pour­ra jamais déchiffr­er.
Nid si fugace, ce fut un rêve d’amour, d’adoration…

Lorsque les fleurs de ton rosier refleuriront plus belles, tu te sou­vien­dras de mon amour et tu devras con­naître tout de mon mal intense…

De ce poème enivrant, il ne reste rien entre les deux.
Avec mon triste adieu, vous ressen­tirez l’émotion de ma douleur…

Qui est le compositeur de Poema ?

Vous pensez que la réponse est sim­ple, mais ce n’est pas si cer­tain, car il y a trois hypothès­es.

La version traditionnelle

Anto­nio Mario Melfi pour la musique et Eduar­do Vicente Bian­co pour les paroles.

Par­ti­tions avec attri­bu­tions tra­di­tion­nelles. Par­ti­tion espag­nole avec Bian­co en pho­to. Par­ti­tion française (Gar­zon) avec Bian­co et Melfi en pho­to. Disque Colum­bia Lon­dres écrit en français de Pesen­ti et Nena Sainz. Par­ti­tion Bian­co (avec pho­to de Rosi­ta Mon­tene­gro). Par­ti­tion ital­i­enne, avec en plus le nom du tra­duc­teur U. Berti­ni.

Les par­ti­tions, en général, indiquent les deux noms et les mérites respec­tifs des auteurs. Remar­quez le disque cen­tral. Il sera aus­si, dans une autre édi­tion, dans l’argument pour la vari­ante…

Une variante :

Anto­nio Mario Melfi et Eduar­do Vicente Bian­co en col­lab­o­ra­tion pour les deux.

En faveur de cet argu­ment, Melfi est com­pos­i­teur et a écrit les paroles de cer­tains tan­gos, notam­ment les siens. On peut donc le class­er égale­ment comme paroli­er. Il a com­posé Volve muchacha qui a claire­ment des liens de par­en­té avec Poe­ma.
Bian­co est con­nu comme paroli­er et comme musi­cien. Cer­tains de ces titres peu­vent con­corder avec celui de Poe­ma, styl­is­tique­ment, bien que moins réus­sis. Par exem­ple Corazón (dont il existe qua­tre enreg­istrements par Bian­co de 1929 à 1942). Je ne par­le que de la com­po­si­tion, pas de l’interprétation, Canaro n’ayant pas enreg­istré d’autre tan­go com­posé par Bian­co, on doit com­par­er avec les enreg­istrements de Bian­co.
En faveur de cet argu­ment, on a les dis­ques qui ne dif­féren­cient pas les deux con­tri­bu­tions. En voici quelques exem­ples.

La majorité des dis­ques ne dis­tinguent pas les fonc­tions. À gauche, deux dis­ques Brunswick du même enreg­istrement de Bian­co (1937). Le pre­mier indique les deux noms, sans dif­féren­ti­a­tion et le sec­ond n’indique que Bian­co… Au cen­tre, notre Canaro de référence dans une édi­tion argen­tine. Ensuite, Impe­rio Argenti­no et la men­tion des deux sans dis­tinc­tion de fonc­tion et enfin à l’extrême droite, l’enregistrement de Pesen­ti et Nena Sainz, mais ici, sans le nom de la chanteuse et avec les auteurs sans attri­bu­tion.

On voit donc qu’il est assez courant, que les auteurs ne soient pas pré­cisé­ment crédités. Le détail amu­sant est le disque de Pesen­ti et Nena Sainz qui entre dans les deux caté­gories.

Une version iconoclaste

Dans l’excellent site de référence « Bible tan­go », on peut lire :
« Selon Mar­cel Pasquier, qui ne cite pas sa source et ne s’en sou­vient plus, Melfi aurait acheté la musique à Boris Sar­bek, le véri­ta­ble com­pos­i­teur, pour 50 francs français de l’époque. Et cette mélodie serait un thème tra­di­tion­nel biélorusse. »
50 francs de l’époque, selon le cal­cu­la­teur de l’INSEE (Insti­tut Nation­al de Sta­tis­tiques France), cela cor­re­spondrait à 33,16 euros. Pour référence, un kilo de pain coû­tait 2,15 francs en 1930. En gros, il aurait ven­du sa créa­tion pour la valeur de 15 kilos de pain. Cela peut sem­bler peu, mais sou­venez-vous que pour le prix d’un café, Mario Fer­nan­do Rada aurait écrit les paroles de Ara­ca la cana si on en croit l’anecdote présen­tée dans le film Los tres berretines.
L’affirmation mérite d’être véri­fiée. Boris Sar­bek étant prob­a­ble­ment un homme d’honneur, n’a prob­a­ble­ment pas divul­gué la vente de sa créa­tion qui d’ailleurs n’aurait été qu’une retran­scrip­tion d’un thème tra­di­tion­nel.
Il con­vient donc de s’intéresser à ce com­pos­i­teur pour essay­er d’en savoir plus.
Boris Sar­bek (1897–1966) s’appelait en réal­ité Boris Saar­bekoff et util­i­sait sou­vent le pseu­do­nyme Oswal­do Bercas.
Voyons un peu ses presta­tions dans le domaine de la musique pour voir s’il est un can­di­dat crédi­ble.

Des musiques composées par Sarbek

Par ordre alphabé­tique. En bleu, les élé­ments allant dans le sens de l’hypothèse de Sar­bek, auteur de Poe­ma.
Com­po­si­tions :
Ce soir mon cœur est lourd 1947
Con­cer­to de minu­it, classé comme musique légère
Czardas Diver­ti­men­to 1959
Décep­tion (avec Mario Melfi). C’est donc une preuve que les deux se con­nais­saient suff­isam­ment pour tra­vailler ensem­ble.
El Fan­far­rón 1963
El queño
Furti­va lagri­ma 1962
Gau­cho negro
Inter­mez­zo de tan­go 1952
Je n’ai plus per­son­ne
Le tan­go que l’on danse
Lin­da bruni­ta
Manus­ka
Mon cœur atten­dra 1948
Oro de la sier­ra
Où es-tu mon Espagne ?
Pourquoi je t’aime 1943
Près de toi ma You­ka 1948
Rêvons ensem­ble 1947
Souf­frir pour toi 1947
Tan­go d’amour
Tan­go mau­dit
Ten­drement 1948

Des musiques arrangées par Sarbek

Bacanal 1961
C’est la sam­ba d’amour 1950
Dis-moi je t’aime
Elia 1942
En forêt 1942
Gip­sy fire 1958
Je suis près de vous 1943
Les yeux noirs (chan­son tra­di­tion­nelle russe). Si Poe­ma est une musique biélorusse, cela témoigne de son intérêt pour ce réper­toire.
Med­itación 1963
Nuages
One kiss
Pam­pa lin­da 1956
Puentecito 1959
Rose avril 1947
Tan­go mar­ca­to 1963
Un roi à New York 1957 Il a réal­isé les arrange­ments musi­caux du film Un roi à New York de, et avec Charles Chap­lin (Char­lot). Chap­lin a tout fait dans ce film, l’acteur, le met­teur en scène et il a écrit la musique qu’a arrangée Sar­bek. Ce dernier a aus­si dirigé son grand orchestre pour la musique du film.
Valse minu­it
Vivre avec toi 1950

Sarbek pianiste

Il est inter­venu à la fois dans son orchestre, mais aus­si pour dif­férents groupes comme Tony Mure­na, Gus Viseur (l’accordéoniste), mais, car il était le pianiste de l’orchestre musette Vic­tor.

Melfi récupérateur ?

Je place cela ici, car ce serait un argu­ment si Mefli était cou­tu­mi­er de la récupéra­tion.
Reviens mon amour a été arrangé par Mario Melfi sur l’air de « Tristesse » de Frédéric Chopin.
Il a donc au moins une autre fois util­isé une mélodie dont il n’était pas à l’origine, mais il n’est pas le seul, les exem­ples four­mil­lent dans le domaine du tan­go.
Donc, Melfi n’est pas un récupéra­teur habituel.

Sarbek interprète de Poema

S’il est l’auteur, il est prob­a­ble qu’il ait enreg­istré ce titre. C’est effec­tive­ment le cas.
Un enreg­istrement de Poe­ma signé Boris Sar­bek, ou plus exacte­ment de son pseu­do­nyme Oswal­do Bercas, cir­cule avec la date de 1930. Si c’était vrai, ce serait prob­a­ble­ment une preuve, Sar­bek aurait enreg­istré deux ans avant les autres.
Je vous pro­pose de l’écouter.

Poe­ma — Oswal­do Bercas et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Pensez-vous que cela soit une musique des années 1930 ?
Pour en avoir le cœur net, je vous pro­pose l’autre face du disque qui com­porte une com­po­si­tion de Hora­cio G. Pet­torossi, Angus­tia.

Angus­tia — Oswal­do Bercas et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Voici les pho­tos des deux faces du disque.

Les numéros de matrice sont 2825–1 ACP pour Poe­ma et 2829–1 ACP pour Ausen­cia.

Comme vous avez pu l’entendre et comme le con­fir­ment les numéros de matrice, les deux œuvres sont sim­i­laires et ne peu­vent pas avoir un écart tem­porel de plus de vingt ans.
C’est au moins un argu­ment qui tombe, nous n’avons pas d’enregistrement de 1930 de Sar­bek et encore moins de Poe­ma.

Un argument musical

N’était pas spé­cial­iste de musique biélorusse, je ne pour­rai pas men­er une étude appro­fondie de la ques­tion.
Cepen­dant, vous avez cer­taine­ment noté, vers 1:18 du Poe­ma de Sar­bek, un thème qui n’est pas dans le Poe­ma habituel et qui sonne assez musique slave. Est-ce un extrait du thème de référence que n’aurait pas con­servé Melfi ?
Dans les autres por­tions de Poe­ma, on est telle­ment habitué à l’entendre qu’il n’est pas sûr qu’on puisse encore y trou­ver des orig­ines slaves. Cepen­dant le fait que ce titre sonne un peu dif­férem­ment des autres Canaro con­tem­po­rains pour­rait indi­quer un élé­ment hétérogène. En effet, il n’y a pas de Canaro avec Mai­da qui s’assemble par­faite­ment avec Poe­ma. Canaro a sans doute sauté sur le suc­cès inter­na­tion­al de cette œuvre pour l’enregistrer.
Au sujet d’international, il y a une ver­sion polon­aise que nous enten­drons ci-dessous. Les Polon­ais aurait pu être sen­si­bles à la musique, mais ce n’est pas sûr, car à l’époque ils étaient sous la dom­i­na­tion russe et ils n’en étaient pas par­ti­c­ulière­ment heureux…
J’ai un dernier témoin à faire venir à la barre, la pre­mière ver­sion enreg­istrée par Bian­co, en 1932. Écoutez-bien, vers 1:34, vous recon­naîtrez sans doute un instru­ment étrange. Cet enreg­istrement est le pre­mier de la rubrique « Autres ver­sions » ci-dessous.

Autres versions

La tâche du DJ est vrai­ment dif­fi­cile. Com­ment pro­pos­er des alter­na­tives à ce que la plu­part des danseurs con­sid­èrent comme un chef‑d’œuvre absolu. Si vous êtes un fan de la Joconde, en accepteriez-vous une copie, même si elle est du même Leonar­do Da Vin­ci ? À voir.

Poe­ma 1932 — Orques­ta Eduar­do Bian­co con Manuel Bian­co.

Cette ver­sion com­mence par des cym­bales, puis des vio­lons très ciné­matographiques, puis un ban­donéon qui gazouille. L’introduction dure au total plus d’une minute et le piano annonce comme si on ouvrait le rideau de la scène le morceau. Une fois « digérée » cette éton­nante et longue intro­duc­tion, on entre dans un Poe­ma rel­a­tive­ment clas­sique. Avez-vous iden­ti­fié l’instrument qui appa­raît à 1:23, 1:31, 1:40, 1: 44 et à d’autres repris­es comme 2: 44 avant le chant et en accom­pa­g­ne­ment de celui-ci ?

Vladimir Gar­o­d­kin joue le canon en ré majeur de Johann Pachel­bel. Tien à voir avec le tan­go, mais c’est pour vous faire enten­dre le tsim­baly

Le tsim­baly, pas courant dans le tan­go, pour­rait être un argu­ment pour l’hypothèse de l’origine biélorusse.

Poe­ma 1933 — Impe­rio Argenti­na acomp. de gui­tar­ras, piano y vio­lin.

Le vio­lon domine l’introduction, puis laisse la place à la voix accom­pa­g­née par la gui­tare et quelques ponc­tu­a­tions du piano. Le vio­lon reprend la parole et de très belle manière pour la reprise du thème et Impe­rio Argenti­na reprend la voix jusqu’à la fin. Je suis sûr que vous allez trou­ver cette ver­sion mag­nifique, jusqu’à l’arpège final au vio­lon.

Poe­ma 1933 — Orques­ta Típi­ca Auguste Jean Pesen­ti du Col­iséum de Paris con Nena Sainz.

Une ver­sion plus marchante, moins char­mante. Auguste Jean Pesen­ti a déjà adop­té des codes qui devien­dront les car­ac­téris­tiques du tan­go musette. Je suis moins con­va­in­cu que par l’autre ver­sion fémi­nine d’Imperio Argenti­no. À not­er la par­tie réc­itée, qui était assez fréquente à l’époque, mais que nous accep­tons moins main­tenant.

Poe­ma 1933-12 — Orchestre Argentin Eduar­do Bian­co con Manuel Bian­co.

Une autre ver­sion de Bian­co avec son frère, Manuel. Elle est beau­coup plus proche de la ver­sion de Canaro, en dehors de l’introduction des vio­lons qui jouent un peu en pizzi­cati à la tzi­gane. La con­tre­basse mar­que forte­ment le tem­po, tout en restant musi­cale et en jouant cer­taines phras­es. C’est très dif­férent de la ver­sion de Canaro et Mai­da, mais pas vilain, même si la con­tre­basse sera plus appré­ciée par les danseurs de tan­go musette, qu’argentin.

Comme une chan­son d’amour (Σαν τραγουδάκι ερωτικό) 1933 — Orchestre Par­lophon, dirigé par G. Vital­is, chant Pet­ros Epitropakis (Πέτρος Επιτροπάκης).

Une ver­sion grecque, preuve que le titre s’est rapi­de­ment répan­du. Il y aura même une ver­sion arabe chan­tée par Fay­rouz et l’orchestre de Bian­co enreg­istré en 1951. Mal­heureuse­ment, ce titre n’existe pas dans les quelques dis­ques que j’ai de cette mer­veilleuse chanteuse libanaise.

Poe­ma 1934 — Ste­fan Witas.

Une ver­sion polon­aise qui fait tir­er du côté des orig­ines des pays de l’Est, même si comme je l’ai souligné, les Polon­ais n’étaient pas for­cé­ment rus­sophiles à l’époque.

Poe­ma 1935-06-11 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro con Rober­to Mai­da. C’est notre tan­go du jour.

On notera que Canaro entre directe­ment dans le thème, sans intro­duc­tion.

Poe­ma 1937 — René Pesen­ti et son Orchestre de Tan­go con Alber­to.

Un autre Pesen­ti. Est-ce le frère d’Auguste Jean Pesen­ti ?

Deux autres preuves du suc­cès mon­di­al de Poe­ma que je peux vous pro­pos­er grâce à la gen­til­lesse d’André Vagnon de la Bible Tan­go qui me les a fait par­venir.

Poe­ma 1938 — Orchestre Arpad Tchegledy con Pauls Sakss, en Let­ton. Cadeau d’André Vagnon.

(Ajouté le 29 août 2024)

Poe­ma 1951 (Men Hona Hob­bona mar­ra) — Orques­ta Eduar­do Bian­co con Fairuz (en arabe). Cadeau d’André Vagnon.

(Ajouté le 29 août 2024)

Poe­ma 1954c — Oswal­do Bercas (Boris Sar­bek) et son Ensem­ble Tip­ique (sic).

Oswal­do Bercas est peut-être l’auteur, ou tout au moins le col­lecteur de la musique tra­di­tion­nelle à l’o­rig­ine de Poe­ma. Si cette hypothèse est juste, il est donc intéres­sant de voir ce qu’il en a fait. Nous l’avons déjà écouté, lorsque cer­tains essayaient de faire pass­er cet enreg­istrement pour une réal­i­sa­tion de 1930. À com­par­er à la ver­sion de Melfi enreg­istrée quelques mois plus tard.

Poe­ma 1957 — Mario Melfi.

Qu’il soit l’auteur, pas l’auteur ou coau­teur, ici, Melfi présente sa lec­ture de l’œuvre. C’est une ver­sion très orig­i­nale, mais il faut tenir compte qu’elle est de 1957, il est donc impos­si­ble de la com­par­er aux ver­sions des années 30. Cepen­dant, la com­para­i­son avec la ver­sion à peine antérieure de Sar­bek est per­ti­nente…

Poe­ma (Tan­go insól­i­to impro 22 Un poe­ma román­ti­co by Solo Tan­go Orches­tra).

Avec cet orchestre russe, on est peut-être dans un retour dans cet univers dont est orig­i­naire, ou pas, la musique.
Pour ter­min­er, une autre ver­sion actuelle, par la Roman­ti­ca Milonguera qui a essayé de renou­vel­er, un peu, le thème.

Poe­ma par l’orchestre Roman­ti­ca Milonguera. Chanteuse, Marisol Mar­tinez.

La Roman­ti­ca Milonguera com­mence directe­ment sur le thème, sans l’in­tro­duc­tion, comme Canaro.

À demain, les amis !

La payanca 1936-06-09 — Orquesta Juan D’Arienzo

Augusto Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caruso (V1) — Jesús Fernández Blanco (V2)

La payan­ca par D’Arienzo dans la ver­sion de 1936 est un des très gros suc­cès des milon­gas. Peut-être vous-êtes-vous demandé d’où venait le nom de ce tan­go ? Si ce n’est pas le cas, lais­sez-moi vous l’indiquer t vous faire décou­vrir une ving­taine de ver­sions et vous présen­ter quelques détails sur ce titre.

Extrait musical

Par­ti­tion pour piano de la Payan­ca. Cou­ver­ture orig­i­nale à gauche et Par­ti­tion de piano à droite avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co (les plus récentes).
La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

C’est un des pre­miers enreg­istrements où Bia­gi se lâche. Le con­tre­bassiste, Rodol­fo Duclós mar­que un rythme à la « Yum­ba » qui devien­dra une car­ac­téris­tique de Pugliese. Les vio­lons de Alfre­do Mazzeo, León Zibaico, Domin­go Man­cu­so et Fran­cis­co Manci­ni font des mer­veilles. Une ver­sion énergique, eupho­risante, sans doute la toute pre­mière à utilis­er pour faire plaisir aux danseurs.
On remar­que qu’il est indiqué « Sobre motivos pop­u­lares ». En effet, on recon­naî­tra des thèmes tra­di­tion­nels, notam­ment de gato (une sorte de chacar­era), mais mod­i­fié en tan­go.
On remar­quera égale­ment qu’il est indiqué « Tan­go Milon­ga », ce qui sig­ni­fie que c’est un tan­go pour danser. Cepen­dant, nous ver­rons que ce thème a égale­ment été bas­culé franche­ment du côté de la milon­ga pure et dure dans d’autres enreg­istrements.

Trois ver­sions de cou­ver­ture de la par­ti­tion. À gauche, la plus anci­enne, sans auteur de paroles. Au cen­tre, avec les paroles de Caru­so et à droite, avec les paroles de Blan­co.

Origine du titre

Dans son livre, Así nacieron los tan­gos, Fran­cis­co Gar­cía Jiménez, racon­te que le tan­go est né lors d’une fête à la cam­pagne en l’honneur d’une per­son­nal­ité locale qui venait d’être élue tri­om­phale­ment, des musi­ciens avaient joué des airs de l’intérieur, dont un gato (sorte de charar­era) duquel il restait : “Laraira lar­alaila; laira laraira…”. Il est impos­si­ble de retrou­ver le gato à par­tir de cette sim­ple indi­ca­tion, car laraira… c’est comme tralala. C’est ce que chantent les payadors quand ils cherchent leurs mots (ils chan­taient en inven­tant les paroles à la volée). Cer­tains textes de ces musiques ont été fixés et écrits par la suite et nom­bre d’entre eux com­por­tent Laraira lar­alaila; laira laraira ou équiv­a­lent :

  • La,lara,laira,laira,la dans Pago viejo (chacar­era, mais le rythme est proche du gato),
  • Lara lara laira larai ñarai lá dans Corazón ale­gre (bailecito)
  • Trala lará lar­ala lará lar­ala lará lará dans El pala pala (danse, dan­za)
  • Lará, larará, laraira, Lará, larará, laraira, dans Cabeza col­ora­da
  • La ra lara la ra la la ra la ra la ra la dans La San­lorenci­na (Cuen­ca)
  • La lalara la la la la la la La la lara la la la la la la La la lara la la lara la la dans Dios a la una (chan­son).
  • Tra lara lara lara tra lara lero dans Que se ven­gan los chicos (Bailecito)
  • La lara la la la la La lara la la la la dans La charar­era del adios (chacar­era)
  • Lar­ala lar­ala lara lara lara lara lara dans Amiga­zo pa’ sufrir (huel­la)
  • La lara lara larará… lara lara larará… lara lara larará… dans Can­tar de coya (Car­naval­i­to)
  • Lara lara lara lara dans Muchacha de mayo (Chan­son).

Je n’ai pas trou­vé de gato avec l’indication, mais il est fort prob­a­ble que Berto ait enten­du une impro­vi­sa­tion, le lara lara étant une façon de meubler quand les paroles ne vien­nent pas.
Donc Berto a enten­du ce gato ou gato polquea­do et il eut l’idée de l’adapter en tan­go. Lui à la gui­tare et Durand à la flûte l’ont adap­té et joué. Ce titre a tout de suite été un suc­cès et comme sou­vent à l’époque, il est resté sans être édité pen­dant onze années. Comme la plu­part des orchestres jouaient le titre, il était très con­nu et les danseurs et divers paroliers lui ont don­né des paroles, plus ou moins recom­mand­ables. N’oublions pas où évolu­ait le tan­go à cette époque.
Deux de ces paroles nous sont par­v­enues, celles de Caru­so et celles de Blan­co. Les sec­on­des sont plus osées et cor­re­spon­dent assez bien à cet univers.
Il reste à pré­cis­er pourquoi il s’appelle payan­ca. Selon Jiménez, Berto aurait dit tout de go que ce tan­go s’appelait ain­si quand il fut som­mé de don­ner un titre. Il sem­blerait que Berto ait don­né sa pro­pre ver­sion de l’histoire, en affir­mant que le titre serait venu en voy­ant des gamins jouer avec un las­so à attrap­er des poules. Un adulte leur aurait crié “¡Pialala de payan­ca!”, c’est-à-dire tire la avec un mou­ve­ment de payan­ca. Il indi­quait ain­si la meilleure façon d’attraper la poule avec le las­so.
L’idée du las­so me sem­ble assez bonne dans la mesure où les trois par­ti­tions qui nous sont par­v­enues illus­trent ce thème.
Voici une vidéo qui mon­tre la tech­nique de la Payan­ca qui est une forme par­ti­c­ulière de lancer du las­so pour attrap­er un ani­mal qui court en le faisant choir.

Dans cette vidéo, on voit un pial (lance­ment du las­so) pour attrap­er un bovidé à l’aide de la tech­nique « Payan­ca ». Elle con­siste à lancer le las­so (sans le faire tourn­er) de façon à entraver les antérieurs de l’animal pour le déséquili­br­er et le faire tomber. Âmes sen­si­bles s’abstenir, mais c’est la vie du gau­cho. Ici, un joli coup par le gau­cho Mil­ton Mar­i­ano Pino.

Pour être moins incom­plet, je pour­rai pré­cis­er que la payan­ca ou payana ou payan­ga ou payaya est un jeu qui se joue avec cinq pier­res et qui est très proches au jeu des osse­lets. L’idée de ramass­er les pier­res en quechua se dit pal­lay, ce qui sig­ni­fie col­lec­tion­ner, ramass­er du sol. Que ce soit attrap­er au las­so ou ramass­er, le titre joue sur l’analogie et dans les deux cas, le principe est de cap­tur­er la belle, comme en témoignent les paroles.

Paroles de Juan Andrés Caruso

¡Ay!, una payan­ca io
quiero arro­jar
para enlazar
tu corazón
¡Qué va cha che!
¡Qué va cha che !
Esa payan­ca será
cert­era
y ha de apris­onar
todo tu amor
¡Qué va cha che !
¡Qué va cha che !
Por que yo quiero ten­er
todo entero tu quer­er.

Mira que mi car­iño es un tesoro.
Mira que mi car­iño es un tesoro.
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…
Y que pior que un niño po’ ella « yoro »…

Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro.
Payan­ca de mi vida, ay, io te imploro,
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
que enlaces para siem­pre a la que adoro…
Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Augus­to Pedro Berto Letra: Juan Andrés Caru­so

Traduction libre des paroles de Juan Andrés Caruso

Yeh ! une payan­ca (payan­ca attrap­er au las­so). Moi, (Io pour yo = je), je veux lancer pour enlac­er (enlac­er du las­so…) ton cœur.
Que vas-tu faire ! (¿Qué va cha ché ? ou Qué vachaché Est aus­si un tan­go écrit par Enrique San­tos Dis­cépo­lo)
Que vas-tu faire !
Cette payan­ca sera par­faite et empris­on­nera tout ton amour.
Que vas-tu faire ?
Que vas-tu faire ?
Parce que je veux avoir tout ton amour.

Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Regarde, mon affec­tion est un tré­sor.
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…
Et quoi de pire qu’un enfant qui pleure pour elle…

Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie (il par­le à son coup de las­so pour attrap­er le cœur de sa belle).
Payan­ca de ma vie, oui, je t’en sup­plie,
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
que tu enlaces pour tou­jours celle que j’adore…
La métaphore rurale et gauch­esque est poussée à son extrémité. Il com­pare la cap­ture du cœur de sa belle à une passe de las­so. Dans le genre galant, c’est moyen, mais cela rap­pelle que la vie du gau­cho est une source d’inspiration pour le tan­go et en cela, je ne partage pas l’avis de Jorges Luis Borges pour quoi le tan­go est unique­ment urbain et vio­lent.

Paroles de Jesús Fernández Blanco

Con mi payan­ca de amor,
siem­pre mimao por la mujer,
pude enlazar su corazón…
¡Su corazón !
Mil bocas como una flor
de juven­tud, supe besar,
has­ta saciar mi sed de amor…
¡Mi sed de amor !

Ningu­na pudo escuchar
los tri­nos de mi can­ción,
sin ofre­cerse a brindar
sus besos por mi pasión…
¡Ay, quién pudiera volver
a ser moc­i­to y can­tar,
y en bra­zos de la mujer
la vida feliz pasar !

Payan­ca, payan­qui­ta
de mis amores,
mi vida la llenaste
de res­p­lan­dores…
¡Payan­ca, payan­qui­ta
ya te he per­di­do
y sólo tu recuer­do
fiel me ha segui­do!

Con mi payan­ca logré
a la mujer que me gustó,
y del rival siem­pre tri­un­fé.
¡Siem­pre tri­un­fé!
El fuego del corazón
en mi can­tar supe pon­er,
por eso fui rey del amor…
¡Rey del amor!

Jesús Fer­nán­dez Blan­co

Traduction, libre des paroles de Jesús Fernández Blanco

Avec ma payan­ca d’amour (je ne sais pas quoi en penser, admet­tons que c’est son coup de las­so, mais il peut s’agir d’un autre attrib­ut du galant), tou­jours choyée par les femmes, j’ai pu enlac­er ton cœur…
Ton cœur !
Mille bouch­es comme une fleur de jou­vence, j’ai su embrass­er, jusqu’à étanch­er ma soif d’amour…
Ma soif d’amour !

Aucune ne pou­vait enten­dre les trilles de ma chan­son, sans offrir ses bais­ers à ma pas­sion…
Yeh, qui pour­rait rede­venir un petit garçon et chanter, et pass­er dans les bras de la femme, la vie heureuse !

Payan­ca, payan­qui­ta de mes amours (Payan­ca, petite payan­ca, on ne sait tou­jours pas ce que c’est…), tu as rem­pli ma vie de bril­lances…
Payan­ca, payan­qui­ta Je t’ai déjà per­due et seul ton sou­venir fidèle m’a suivi !

Avec ma payan­ca, j’ai eu la femme que j’aimais, et du rival, j’ai tou­jours tri­om­phé.
J’ai tou­jours tri­om­phé !
J’ai su met­tre le feu du cœur dans ma chan­son (la payan­ca pour­rait être sa chan­son, sa façon de chanter), c’est pourquoi j’étais le roi de l’amour…
Le roi de l’amour !

Autres versions

La payan­ca 1917-05-15 — Orq. Eduar­do Aro­las con Pan­cho Cuevas (Fran­cis­co Nicolás Bian­co).

Prob­a­ble­ment la plus anci­enne ver­sion enreg­istrée qui nous soit par­v­enue. Il y a un petit doute avec la ver­sion de Celesti­no Fer­rer, mais cela ne change pas grand-chose. Pan­cho Cue­va à la gui­tare et au chant et le tigre du Ban­donéon (Eduar­do Aro­las) avec son instru­ment favori. On notera que si le tan­go fut com­posé vers 1906, sans paroles, il en avait en 1917, celles de Juan Andrés Caru­so.

La payan­ca 1918-03-25 (ou 1917-03-12) — Orques­ta Típi­ca Fer­rer (Orques­ta Típi­ca Argenti­na Celesti­no).

Le plus ancien enreg­istrement ou le sec­ond, car il y a en fait deux dates, 1917-03-12 et 1918-03-25. Je pense cepen­dant que cette sec­onde date cor­re­spond à l’édition réal­isée à New York ou Cam­dem, New Jer­sey. On remar­quera que l’orchestre com­porte une gui­tare, celle de Celesti­no Fer­rer qui est aus­si le chef d’orchestre, une flûte, jouée par E. San­ter­amo et un accordéon par Car­los Güeri­no Fil­ipot­to. Deux vio­lons com­plè­tent l’orchestre, Gary Bus­to et L. San Martín. Le piano est tenu par une femme, Car­la Fer­rara. C’est une ver­sion pure­ment instru­men­tale. Après avoir été un des pio­nniers du tan­go en France, Celesti­no Fer­rer s’est ren­du aux USA où il a enreg­istré de nom­breux titres, dont celui-ci.

La payan­ca 1926-12-13 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor, direc­tion Adol­fo Cara­bel­li.

Une ver­sion un peu plus mod­erne qui béné­fi­cie de l’enregistrement élec­trique. Mais on peut mieux faire, comme on va le voir bien­tôt.

La payan­ca 1936-06-09 — Orques­ta Juan D’Arienzo. C’est notre tan­go du jour.

J’ai déjà dit tout le bien que je pen­sais de cette ver­sion, à mon avis, insur­passée, y com­pris par D’Arienzo lui-même…

Trío de Gui­tar­ras (Iri­arte-Pagés-Pesoa).

Le trio de gui­tares de Iri­arte, Pagés et Pesoa ne joue pas dans la même caté­gorie que D’Arienzo. C’est joli, pas pour la danse, un petit moment de sus­pen­sion.

La payan­ca 1946-10-21 — Rober­to Fir­po y su Nue­vo Cuar­te­to.

Pour revenir au tan­go de danse, après la ver­sion de D’Arienzo, cette ver­sion paraît frag­ile, notam­ment, car c’est un quar­tet­to et que donc il ne fait pas le poids face à la machine de D’Arienzo. On notera tout de même une très belle par­tie de ban­donéon. La tran­si­tion avec le trio de gui­tares a per­mis de lim­iter le choc entre les ver­sions.

La payan­ca 1949-04-06 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

On retrou­ve la grosse machine D’Arienzo, mais cette ver­sion est plus anec­do­tique. Cela peut pass­er en milon­ga, mais si je dois choisir entre la ver­sion de 1936 et 1949, je n’hésite pas une sec­onde.

La payan­ca 1952-10-01 — Enrique Mora y su Cuar­te­to Típi­co.

Encore un quar­tet­to qui passe après D’Arienzo. Si cette ver­sion n’est pas pour la danse, elle n’est pas désagréable à écouter, sans toute­fois provo­quer d’enthousiasme déli­rant… Le final est assez sym­pa.

La payan­ca 1954-11-10 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

Eh oui, encore D’Arienzo qui décidé­ment a appré­cié ce titre. Ce n’est assuré­ment pas un grand D’Arienzo. Je ne sais pas si c’est meilleur que la ver­sion de 49. Par cer­tains côtés, oui, mais par d’autres, non. Dans le doute, je m’abstiendrai de pro­pos­er l’une comme l’autre.

La payan­ca 1957-04-12 — Orques­ta Héc­tor Varela.

On est dans tout autre chose. Mais cela change sans être un titre de danse à ne pas oubli­er. On perd la dimen­sion énergique du gau­cho qui con­quiert sa belle avec son las­so pour plonger dans un roman­tisme plus appuyé. Cepen­dant, cette ver­sion n’est pas niaise, le ban­donéon dans la dernière vari­a­tion vaut à lui seul que l’on s’intéresse à ce titre.

La payan­ca 1958 — Los Mucha­chos de antes.

Avec la gui­tare et la flûte, cette petite com­po­si­tion peut don­ner une idée de ce qu’aurait pu être les ver­sions du début du vingtième siè­cle, si elles n’avaient pas été bridées par les capac­ités de l’enregistrement. On notera que cette ver­sion est la plus proche d’un rythme de milon­ga et qu’elle pour­rait rem­plir son office dans une milon­ga avec des danseurs intimidés par ce rythme.

La payan­ca 1959 — Miguel Vil­las­boas y su Quin­te­to Típi­co.

Les Uruguayens sont restés très fana­tiques du tan­go milon­ga. En voici une jolie preuve avec Miguel Vil­las­boas.

La payan­ca 1959-03-23 — Dona­to Rac­ciat­ti y sus Tangueros del 900.

Oui, ce tan­go inspire les Uruguayens. Rac­ciat­ti en donne égale­ment sa ver­sion la même année.

La payan­ga 1964 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pas évi­dent de recon­naître notre thème du jour dans la ver­sion de Pugliese. C’est une ver­sion per­due pour les danseurs, mais qu’il con­vient d’apprécier sur un bon sys­tème sonore.

La payan­ca 1964-07-29 — Quin­te­to Pir­in­cho dir. Fran­cis­co Canaro.

De la même année que l’enregistrement de Pugliese, on mesure la diver­gence d’évolution entre Pugliese et Canaro. Cepen­dant, pour les danseurs, la ver­sion du Quin­te­to pir­in­cho, dirigé pour une des toutes dernières fois par Canaro sera la préférée des deux…

La payan­ca 1966-07-25 — Orques­ta Juan D’Arienzo.

D’Arienzo se situe entre Pugliese et Canaro pour cet enreg­istrement qua­si­ment con­tem­po­rain, mais bien sûr bien plus proche de Canaro. Ce n’est pas vrai­ment un titre de danse, mais il y a des élé­ments intéres­sants. Défini­tive­ment, je l’avoue, je reste avec la ver­sion de 1936.

La payan­ga 1984 — Orques­ta Alber­to Nery con Quique Oje­da y Víc­tor Ren­da.

Alber­to Nery fut pianiste d’Edith Piaf en 1953. Ici, il nous pro­pose une des rares ver­sions chan­tées, avec les paroles de Jesús Fer­nán­dez Blan­co. Vous aurez donc les deux ver­sions à écouter. Hon­nête­ment, ce n’est pas beau­coup plus intéres­sant que l’enregistrement de Eduar­do Aro­las et Pan­cho Cuevas antérieur de près de 70 ans. On notera toute­fois le duo final qui relève un peu l’ensemble.

La payan­ca 2005 — Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

Pour ter­min­er en fer­mant la boucle avec une ver­sion à la saveur début du vingtième siè­cle, je vous pro­pose une ver­sion par le Cuar­te­to Guardia Vie­ja.

À demain, les amis !

Pata ancha 1957-05-13 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Mario Demarco

Pata ancha en lun­far­do sig­ni­fie courage, mais en espag­nol courant, cela peut aus­si sig­ni­fi­er gros pied. Pugliese fut un lut­teur. Il lut­ta avec acharne­ment pour défendre ses idées poli­tiques et paya le prix en effec­tu­ant de nom­breux séjours en prison. Pata ancha a été enreg­istré par Odéon, lors d’une de ses «absences». Sur le piano, un œil­let ou une rose rouge évo­quaient le maître absent.

Extrait musical et histoire de prisons

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

San pugliese étant empris­on­né dans le cadre de la « operación car­de­nal ».
Les détenus après un séjour à la Pen­i­ten­cia­ria Nacional ont été trans­férés dans un bateau nom­mé « Paris ». C’est la rai­son pour laque­lle Agosti a appelé son arti­cle dans les Cuader­nos de Cul­tura (Cahiers de la Cul­ture) Med­ita­ciones des­de el “París” Médi­ta­tions depuis le Paris.
C’est le pianiste Osval­do Manzi qui le rem­plaça, comme ce fut le cas pour d’autres enreg­istrements comme La novia del sub­ur­bio enreg­istré le même jour que Pata ancha (1957–05-13), Yun­ta de oro et No me hablen de ella (1957–10-25), Cora­zone­an­do et Gente ami­ga (1958–01-02), La bor­dona et Qué pin­tu­ri­ta (1958–08-06). Il y a cer­taine­ment eu d’autres enreg­istrements dans ce cas, Pugliese ayant fait l’objet de nom­breux empris­on­nements ou inter­dic­tions de jouer.

Dans le jour­nal com­mu­niste « La Hora » du 18 décem­bre 1948, l’annonce de l’interdiction de trois artistes, Osval­do Pugliese, Atahul­pa Yupan­qui et Ken Hamil­ton. C’est neuf ans avant l’enregistrement de Pata ancha, sous Per­on, qui fera égale­ment empris­on­ner Pugliese à Devo­to en 1955. Cela explique les appari­tions en pointil­lé de Pugliese.

Il reste un petit mot à dire sur le com­pos­i­teur. Il s’agit de Mario Demar­co, celui qui a rem­placé Jorge Cal­dara au ban­donéon quand Cal­dara, sur la pres­sion de sa femme, a quit­té l’orchestre pour faire une virée au Japon. On peut com­pren­dre les inquié­tudes de sa femme vu les mul­ti­ples empris­on­nements du leader de l’orchestre…

Pata ancha

Hac­er pata ancha (faire le gros pied), c’est résis­ter brave­ment. Ce terme était util­isé en escrime créole, le com­bat au couteau des gau­chos argentins.

Com­bat au facón et à la dague de gau­chos. On remar­que le pon­cho qui ser­vait à se pro­téger. Le pon­cho est l’accessoire pri­mor­dial de tout gau­cho. Pho­to mise en scène par Frank G. Car­pen­ter (1855–1924). Pub­lic domain (Library of Con­gress).

Sarmien­to a fustigé cette cou­tume des gau­chos dans son Facun­do Quiroga, pour mar­quer l’absence de « civil­i­sa­tion » de cette pop­u­la­tion fière, mais plutôt mar­ginale, une cri­tique à peine déguisée à De Rosas.
On l’appelle par­fois, la esgri­ma criol­la (escrime créole). Elle s’est dévelop­pée durant la guerre d’indépendance argen­tine (1810).
Si vous voulez en savoir plus sur cette lutte qui est encore pra­tiquée, notam­ment dans les ban­des de délin­quants d’aujourd’hui, vous pou­vez con­sul­ter ce site…

Les facones, ces couteaux red­outa­bles qui peu­plent les paroles de tan­go, mais qui étaient plutôt les attrib­uts des gau­chos.

Les facones sont des couteaux red­outa­bles. S’ils sont évo­qués dans les tan­gos à pro­pos de per­son­nages un peu fan­farons, ils étaient util­isés par les gau­chos dans des com­bats au sang, voire par­fois à mort.
Les facones du tan­go étaient plus sou­vent des couteaux courts, plus faciles à dis­simuler et un adage argentin dit, « ne sors pas le couteau si tu ne comptes pas l’utiliser ».
Pugliese à sa façon a fait preuve d’un grand courage pour défendre ses idées. Il est resté ferme et a fait la pata ancha et que ce soit Osval­do Manzi qui effectue le solo de piano à 1 : 20 n’est pas très impor­tant dans un orchestre où chaque musi­cien était un mem­bre à parts égales. Con­traire­ment à d’autres orchestres dont le chef était un tyran, dans l’orchestre de Pugliese, il s’agissait d’une ges­tion col­lec­tive, d’une com­mu­nauté, ce qui explique la fidél­ité de plu­part de ses musi­ciens qui étaient d’ailleurs payés en fonc­tion de leurs inter­ven­tions, sur les mêmes bases que Pugliese lui-même, ce qui aurait été impens­able pour Canaro…
Si Demar­co et Cal­dara ont quit­té l’orchestre, c’était dans les deux cas en rai­son de leurs femmes ; crain­tive pour l’avenir de son mari à cause des idées de Pugliese pour Cal­dara et pour rai­son de mal­adie dans le cas de Demar­co, sa femme était malade et il a donc décidé de ne pas faire la tournée en Russie avec l’orchestre.

Autres versions

Pata ancha 1957-05-13 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

C’est notre tan­go du jour. La yum­ba est par­ti­c­ulière­ment forte dans cette inter­pré­ta­tion. Peut-être que les musi­ciens souhaitaient évo­quer leur leader absent. On sait par ailleurs que quand Pugliese était « empêché » au dernier moment, en plus de la rose ou de l’œillet sur le piano, les musi­ciens mar­quaient forte­ment le rythme au pied pour que la yum­ba habite la représen­ta­tion.
Je me force un peu pour vous pro­pos­er d’autres ver­sions, faute d’une ver­sion avec Pugliese au piano.

Pata ancha 1997 — Col­or tan­go de Rober­to Álvarez.

Cet enreg­istrement a été effec­tué au « Estu­dio 24 » de Buenos Aires. Rober­to Álvarez à la mort de Pugliese a repris la suite du maître. D’aucuns lui reprochent d’avoir util­isé les arrange­ments de Pugliese pour son orchestre, Col­or tan­go. En fait, de nom­breux orchestres ont fait de même à la dis­pari­tion de leur leader, comme los Solis­tas de D’Arienzo, le Quin­te­to Pir­in­cho (Canaro) ou le Con­junc­to Don Rodol­fo. Écou­tons donc le résul­tat, sans arrière-pen­sée.

Pata ancha 2000 — Orques­ta Escuela de Tan­go Dir. Emilio Bal­carce.

Une ver­sion aux accents de Pugliese.

Et pour ter­min­er, Pata ancha par Tan­go Bar­do a écouter, voire à acheter sur Band­Camp
https://tangobardo.bandcamp.com/track/pata-ancha
Une ver­sion moins proche de Pugliese.

La rose sur le clavier du piano quand San Osval­do ne pou­vait pas venir (inter­dic­tion ou prison).

Recuerdo, 1944-03-31 — Orquesta Osvaldo Pugliese

Adolfo et/ou Osvaldo Pugliese Letra : Eduardo Moreno

Recuer­do serait le pre­mier tan­go écrit par Osval­do Pugliese. Ayant été édité en 1924, cela voudrait dire qu’il l’aurait écrit avant l’âge de 19 ans. Rien d’étonnant de la part d’un génie, mais ce qui est éton­nant, c’est le titre, Recuer­do (sou­venir), sem­ble plus le titre d’une per­son­ne d’âge mûr que d’un tout jeune homme, surtout pour une pre­mière œuvre. Essayons d’y voir plus clair en regroupant nos sou­venirs…

La famille Pugliese, une famille de musiciens

Osval­do est né en 1905, le 2 décem­bre. Bien que d’une famille mod­este, son père lui offre un vio­lon à l’âge de neuf ans, mais Osval­do préféra le piano.
Je vais vous présen­ter sa famille, tout d’abord avec un arbre généalogique, puis nous entrerons dans les détails en présen­tant les musi­ciens.

Adolfo Pugliese (1876–06-24 — 1945-02-09), le père, flûtiste, compositeur (?) et éditeur de musique

Comme com­pos­i­teur, on lui attribue :

Ausen­cia (Tan­go mío) (Tan­go de 1931), mais nous ver­rons, à la fin de cet arti­cle, qu’il y en a peut-être un autre, ou pas…
La légende veut qu’il soit un mod­este ouvri­er du cuir, comme son père qui était cor­don­nier, mais il était aus­si édi­teur de musique et flûtiste. Il avait donc plusieurs cordes à son arc.
De plus, quand son fils Osval­do a souhaité faire du piano, cela ne sem­ble pas avoir posé de prob­lème alors qu’il venait de lui fournir un vio­lon (qui pou­vait être partagé avec son frère aîné, cepen­dant). Les familles qui ont un piano ne sont pas les plus dému­nies…
Même si Adol­fo a écrit, sem­ble-t-il, écrit peu (ou pas) de tan­go, il en a en revanche édité, notam­ment ceux de ses enfants…
Voici deux exem­ples de par­ti­tion qu’il édi­tait. À droite, celle de Recuer­co, notre tan­go du jour. On remar­quera qu’il indique « musique d’Adolfo Pugliese » et la sec­onde de « Por una car­ta », une com­po­si­tion de son fils Alber­to, frère d’Osvaldo, donc.

Sur la cou­ver­ture de Recuer­do, le nom des musi­ciens de Julio de Caro, à savoir : Julio de Caro, recon­naiss­able à son vio­lon avec cor­net qui est égale­ment le directeur de l’orchestre., puis de gauche à droite, Fran­cis­co de Caro au piano, Pedro Maf­fia au ban­donéon (que l’on retrou­ve sur la par­ti­tion de Por una car­ta), Enrike Krauss à la con­tre­basse, Pedro Lau­renz au ban­donéon et Emilio de Caro, le 3e De Caro de l’orchestre…
Sur la par­ti­tion de Por una car­ta, les sig­na­tures des mem­bres de l’orchestre de Pedro Maf­fia : Elvi­no Var­daro, le mer­veilleux vio­loniste, Osval­do Pugliese au piano, Pedro Maf­fia au ban­donéon et directeur de l’orchestre, Fran­cis­co De Loren­zo à la con­tre­basse, Alfre­do De Fran­co au ban­donéon et Emilio Puglisi au vio­lon.

On voir qu’Adolfo gérait ses affaires et que donc l’idée d’un Osval­do Pugliese né dans un milieu déshérité est bien exagérée. Cela n’a pas empêché Osval­do d’avoir des idées généreuses comme en témoignent son engage­ment au par­ti com­mu­niste argentin et sa con­cep­tion de la répar­ti­tion des gains avec son orchestre. Il divi­sait les émol­u­ments en por­tions égales à cha­cun des mem­bres de l’orchestre, ce qui n’était pas la façon de faire d’autres orchestres ou le leader était le mieux payé…

Antonio Pugliese (1878–11-21— ????), oncle d’Osvaldo. Musicien et compositeur d’au moins un tango

Ce tan­go d’Antonio est : Qué mal hiciste avec des paroles d’Andrés Gaos (fils). Il fut enreg­istré en 1930 par Anto­nio Bonave­na. Je n’ai pas de pho­to du ton­ton, alors je vous pro­pose d’écouter son tan­go dans cette ver­sion instru­men­tale.

Que mal hiciste 1930 Orques­ta Anto­nio Bonave­na (ver­sion instru­men­tale)

Alberto Pugliese (1901–01-29- 1965-05-15), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Curieuse­ment, les grands frères d’Osvaldo sont peu cités dans les textes sur le tan­go. Alber­to a pour­tant réal­isé des com­po­si­tions sym­pa­thiques, par­mi lesquelles on pour­rait citer :

  • Ado­ración (Tan­go) enreg­istré Orques­ta Juan Maglio « Pacho » avec Car­los Viván (1930–03-28).
  • Cabecitas blan­cas (Tan­go) enreg­istré par Osval­do et Chanel (1947–10-14)
  • Car­iño gau­cho (Milon­ga)
  • El char­quero (Tan­go de 1964)
  • El remate (Tan­go) dont son petit frère a fait une mag­nifique ver­sion (1944–06-01). Mais de nom­breux autres orchestres l’ont égale­ment enreg­istré.
  • Espinas (Tan­go) Enreg­istré par Fir­po (1927–02-27)
  • Milon­ga de mi tier­ra (Milon­ga) enreg­istrée par Osval­do et Jorge Rubi­no (1943–10-21)
  • Por una car­ta (Tan­go) enreg­istré par la Típi­ca Vic­tor (1928–06-26)
  • Soñan­do el Charleston (Charleston) enreg­istré par Adol­fo Cara­bel­li Jazz Band (1926–12-02).

Il en a cer­taine­ment écrit d’autres, mais elles sont encore à iden­ti­fi­er et à faire jouer par un orchestre qui les enreg­istr­era…
On notera que sa petite fille, Marcela est chanteuse de tan­go. Les gènes ont aus­si été trans­mis à la descen­dance d’Alberto.

Adolfo Vicente (Fito) Pugliese (1899— ????), frère d’Osvaldo. Violoniste et compositeur

Adol­fo Vicente (surnom­mé Fito pour mieux le dis­tinguer de son père Adol­fo, Adolfito devient Fito) ne sem­ble pas avoir écrit ou enreg­istré sous son nom. Ce n’est en revanche pas si sûr. En effet, il était un bril­lant vio­loniste et étant le plus âgé des garçons, c’est un peu lui qui fai­sait tourn­er la bou­tique quand son père se livrait à ses frasques (il buvait et courait les femmes).
Cepen­dant, la mésen­tente avec le père a fini par le faire par­tir de Buenos Aires et il est allé s’installer à Mar del Pla­ta où il a délais­sé la musique et le vio­lon, ce qui explique que l’on perde sa trace par la suite.

Beba (Lucela Delma) Pugliese (1936— …), pianiste, chef d’orchestre et compositrice

C’est la fille d’Osvaldo et de María Con­cep­ción Flo­rio et donc la petite fille d’Adolfo, le flûtiste et édi­teur.
Par­mi ses com­po­si­tions, Catire et Chichar­ri­ta qu’elle a joué avec son quin­te­to…

Carla Pugliese (María Carla Novelli) Pugliese (1977— …), Pianiste et compositrice

Petite fille d’Osvaldo et fille de Beba, la tra­di­tion famil­iale con­tin­ue de nos jours, même si Car­la s’oriente vers d’autres musiques.
Si vous voulez en savoir plus sur ce jeune tal­ent :

https://www.todotango.com/creadores/biografia/1505/Carla-Pugliese/ (en espag­nol)

https://www.todotango.com/english/artists/biography/1505/Carla-Pugliese/ (en anglais)

Les grands-parents de Pugliese

Je ne sais pas s’ils étaient musi­ciens. Le père était zap­a­tero (cor­don­nier). Ce sont eux qui ont fait le voy­age en Argen­tine où sont nés leurs 5 enfants. Ce sont deux par­mi les mil­liers d’Européens qui ont émi­gré vers l’Argentine, comme le fit la mère de Car­los Gardel quelques années plus tard.

Roque PUGLIESE Padula

Né le 5 octo­bre 1853 — Tri­cari­co, Mat­era, Basil­i­ca­ta, Ital­ie
Zap­a­tero. C’est de lui que vient le nom de Pugliese qu’il a cer­taine­ment adop­té en sou­venir de sa terre natale.

Filomena Vulcano

Née en 1852 — Rossano, Cosen­za, Cal­abria, Ital­ie
Ils se sont mar­iés le 28 novem­bre 1896, dans l’église Nues­tra Seño­ra de la Piedad, de Buenos Aires.
Leurs enfants :

  • Adol­fo Juan PUGLIESE Vul­cano 1876–1943 (Père d’Osvaldo, com­pos­i­teur, édi­teur et flûtiste)
  • Anto­nio PUGLIESE Vul­cano 1878 (Musi­cien et com­pos­i­teur)
  • Luisa María Mar­gari­ta PUGLIESE Vul­cano 1881
  • Luisa María PUGLIESE Vul­cano 1883
  • Con­cep­ción María Ana PUGLIESE Vul­cano 1885

Extrait musical

Recuer­do, 1944-03-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Dans cette ver­sion il y a déjà tout le Pugliese à venir. Les ver­sions enreg­istrées aupar­a­vant avaient déjà pour cer­taines des into­na­tions proches. On peut donc penser que la puis­sance de l’écriture de Pugliese a influ­encé les orchestres qui ont inter­prété son œuvre. À l’écoute on se pose la ques­tion de la pater­nité de la com­po­si­tion. Alfre­do, Osval­do ou un autre ? Nous y revien­drons.

Les paroles

Ayer can­taron las poet­as
y llo­raron las orques­tas
en las suaves noches del ambi­ente del plac­er.
Donde la bohemia y la frágil juven­tud
apri­sion­adas a un encan­to de mujer
se mar­chi­taron en el bar del bar­rio sud,
murien­do de ilusión
murien­do su can­ción.

Mujer
de mi poe­ma mejor.
¡Mujer!
Yo nun­ca tuve un amor.
¡Perdón!
Si eres mi glo­ria ide­al
Perdón,
serás mi ver­so ini­cial.

Y la voz en el bar
para siem­pre se apagó
su moti­vo sin par
nun­ca más se oyó.

Embria­ga­da Mimí,
que llegó de París,
sigu­ien­do tus pasos
la glo­ria se fue
de aque­l­los mucha­chos
del viejo café.

Quedó su nom­bre graba­do
por la mano del pasa­do
en la vie­ja mesa del café del bar­rio sur,
donde anoche mis­mo una som­bra de ayer,
por el recuer­do de su frágil juven­tud
y por la cul­pa de un olvi­do de mujer
dur­mióse sin quer­er
en el Café Con­cert.

Adol­fo et/ou Osval­do Pugliese Letra : Eduar­do Moreno

Dans la ver­sion de la Típi­ca Vic­tor de 1930, Rober­to Díaz ne chante que la par­tie en gras. Rosi­ta Mon­temar chante deux fois tout ce qui est en bleu.

Traduction libre et indications

Hier, les poètes ont chan­té et les orchestres ont pleuré dans les douces nuits de l’atmosphère de plaisir.
Où la bohème et la jeunesse frag­ile pris­on­nière du charme d’une femme se flétris­saient dans le bar du quarti­er sud, mourant d’illusion et mourant de leur chan­son.
Femme de mon meilleur poème.

Femme !
Je n’ai jamais eu d’amour.
Par­don !
Si tu es ma gloire idéale
Désolé, tu seras mon cou­plet d’ouverture.

Et la voix dans le bar s’éteignit à jamais, son motif sans pareil ne fut plus jamais enten­du.
Mimì ivre, qui venait de Paris, suiv­ant tes traces, la gloire s’en est allée à ces garçons du vieux café.

Son nom était gravé par la main du passé sur la vieille table du café du quarti­er sud, où hier soir une ombre d’hier, par le sou­venir de sa jeunesse frag­ile et par la faute de l’oubli d’une femme, s’est endormie involon­taire­ment dans le Café-Con­cert.

Dans ce tan­go, on voit l’importance du sud de Buenos Aires.

Autres versions

Recuer­do, 1926-12-09 — Orques­ta Julio De Caro. C’est l’orchestre qui est sur la cou­ver­ture de la par­ti­tion éditée avec le nom d’Adolfo. Remar­quez que dès cette ver­sion, la vari­a­tion finale si célèbre est déjà présente.
Recuer­do 1927 — Rosi­ta Mon­temar con orques­ta. Une ver­sion chan­son. Juste pour l’intérêt his­torique et pour avoir les paroles chan­tées…
Recuer­do, 1928-01-28 — Orques­ta Bian­co-Bachicha. On trou­ve dans cette ver­sion enreg­istrée à Paris, quelques accents qui seront mieux dévelop­pés dans les enreg­istrements de Pugliese. Ce n’est pas inin­téres­sant. Cela reste cepen­dant dif­fi­cile de pass­er à la place de « La référence ».
Recuer­do, 1930-04-23 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor con Rober­to Díaz. Une des rares ver­sions chan­tées et seule­ment sur le refrain (en gras dans les paroles ci-dessus). Un bas­son apporte une sonorité éton­nante à cette ver­sion. On l’entend par­ti­c­ulière­ment après le pas­sage chan­té.
Recuer­do, 1941-08-08 — Orques­ta Fran­cis­co Lomu­to. Une ver­sion très intéres­sante. Que je pour­rais éventuelle­ment pass­er en bal.
Recuer­do 1941 Orques­ta Aníbal Troi­lo. La prise de son qui a été réal­isée à Mon­te­v­ideo est sur acé­tate, donc le son est mau­vais. Elle n’est là que pour la référence.
Recuer­do, 1942-11-04 — Orques­ta Ricar­do Tan­turi. Une ver­sion sur­prenante pour du Tan­turi et pas si loin de ce que fera Pugliese, deux ans plus tard. Heureuse­ment qu’il y a la fin typ­ique de Tan­turi, une dom­i­nante suiv­ie bien plus tard par la tonique pour nous cer­ti­fi­er que c’est bien Tan­turi 😉
Recuer­do, 1944-03-31 — Orques­ta Osval­do Pugliese. C’est le tan­go du jour. Il est intéres­sant de voir com­ment cette ver­sion avait été annon­cée par quelques inter­pré­ta­tions antérieures. On se pose tou­jours la ques­tion ; Alfre­do ou Osval­do ? Sus­pens…
Recuer­do, 1952-09-17 — Orques­ta Julio De Caro. De Caro enreg­istre 26 ans plus tard le titre qu’il a lancé. L’évolution est très nette. L’utilisation d’un orchestre au lieu du sex­te­to, donne de l’ampleur à la musique.
Recuer­do 1966-09 — Orques­ta Osval­do Pugliese con Jorge Maciel. On retrou­ve Pugliese, 22 ans après son pre­mier enreg­istrement. Cette fois, la voix de Maciel. Celui-ci chante les paroles, mais avec beau­coup de mod­i­fi­ca­tions. Je ne sais pas quoi en penser pour la danse. C’est sûr qu’en Europe, cela fait un mal­heur. L’interprétation de Maciel ne se prête pas à la danse, mais c’est telle­ment joli que l’on pour­rait s’arrêter de danser pour écouter.

En 1985, on a au moins trois ver­sions de Rucuer­do par Pugliese. Celle de « Grandes Val­ores », une émis­sion de télévi­sion, mais avec un son moyen, mais une vidéo. Alors, je vous la présente.

Recuer­do par Osval­do Pugliese dans l’émission Grandes Val­ores de 1985.

Puisqu’on est dans les films, je vous pro­pose aus­si la ver­sion au théâtre Colon, cette salle de spec­ta­cle fameuse de Buenos Aires.

Recuer­do par Osval­do Pugliese au Théa­tre Colon, le 12 décem­bre 1985.

Pour ter­min­er, tou­jours de 1985, l’enregistrement en stu­dio du 25 avril.

Recuer­do, 1985-04-25 — Orques­ta Osval­do Pugliese.

Pugliese a con­tin­ué à jouer à de nom­breuses repris­es sa pre­mière œuvre. Vous pou­vez écouter les dif­férentes ver­sions, mais elles sont glob­ale­ment sem­blables et je vous pro­pose d’arrêter là notre par­cours, pour traiter de notre fil rouge. Qui est le com­pos­i­teur de Recuer­do ?

Qui est le compositeur de Recuerdo ?

On a vu que la par­ti­tion éditée en 1926 par Adol­fo Pugliese men­tionne son nom comme auteur. Cepen­dant, la tra­di­tion veut que ce soit la pre­mière com­po­si­tion d’Osvaldo.
Écou­tons le seul tan­go qui soit éti­queté Adol­fo :
Ausen­cia, 1926-09-16 — José Bohr y su Orques­ta Típi­ca. C’est mignon, mais c’est loin d’avoir la puis­sance de Recuer­do.
On notera toute­fois que la réédi­tion de cette par­ti­tion est signée Adol­fo et Osval­do. La seule com­po­si­tion d’Adolfo serait-elle en fait de son fils ? C’est à mon avis très prob­a­ble. Le père et sa vie peu équili­brée et n’ayant pas don­né d’autres com­po­si­tions, con­traire­ment à ses garçons, pour­rait ne pas être com­pos­i­teur, en fait.

Pour cer­tains, c’est, car Osval­do était mineur, que son père a édité la par­ti­tion à son nom. Le prob­lème est que plusieurs tan­gos d’Osvaldo avaient été antérieure­ment édités à son nom. Donc, l’argument ne tient pas.

Pour ren­dre la chose plus com­plexe, il faut pren­dre en compte l’histoire de son frère aîné
Adol­fo (Fito). Ce dernier était un bril­lant vio­loniste et com­pos­i­teur.
Pedro Lau­renz, alors Ban­donéiste dans l’orchestre de Julio De Caro, indique qu’il était avec Eduar­do Moreno quand un vio­loniste Emilio Marchi­ano serait venu lui deman­der d’aller chercher ce tan­go chez Fito pour lui ajouter des paroles.
Marchi­ano tra­vail­lait alors au café ABC, comme l’indique Osval­do qui était ami avec le ban­donéon­iste Enrique Pol­let (France­si­to) et qui aurait recom­mandé les deux titres mar­qués Adol­fo (Ausen­cia et Recuer­do).
On est sur le fil avec ces deux his­toires avec les mêmes acteurs. Dans un cas, l’auteur serait Adolfi­to qui don­nerait la musique pour qu’elle soit jouée par De Caro et dans l’autre, ce serait Pol­let qui aurait fait la pro­mo­tion des com­po­si­tions qui seraient toutes deux d’Osvaldo et pas de son père, ni de son grand frère.
Pour expli­quer que le nom de son père soit sur les par­ti­tions de ces deux œuvres, je donne la parole à Osval­do qui indique qu’il est bien l’auteur de ces tan­gos, et notam­ment de Recuer­do qu’il aurait don­né à son père, car ce dernier, flûtiste avait du mal à trou­ver du tra­vail et qu’il avait décidé de se recon­ver­tir comme édi­teur de par­ti­tion. En effet, la flûte, très présente dans la vieille garde n’était plus guère util­isée dans les nou­veaux orchestres. Cette anec­dote est par Oscar del Pri­ore et Irene Amuchástegui dans Cien tan­gos fun­da­men­tales.
Tou­jours selon Pedro Lau­renz, la vari­a­tion finale, qui donne cette touche magis­trale à la pièce, serait d’Enrique Pol­let, alias El Francés, (1901–1973) le ban­donéon­iste qui tra­vail­lait avec Eduar­do Moreno au moment de l’adaptation de l’œuvre aux paroles.
Cepen­dant, la ver­sion de 1927 chan­tée par Rosi­ta Mon­temar ne con­tient pas la vari­a­tion finale alors que l’enregistrement de 1926 par De Caro, si. Plus grave, la ver­sion de 1957, chan­tée par Maciel ne com­porte pas non plus cette vari­a­tion. On pour­rait donc presque dire que pour adapter au chant Recuer­do, on a sup­primé la vari­a­tion finale.

Et en conclusion ?

Ben, il y a plein d’hypothèses et toutes ne sont pas fauss­es. Pour ma part, je pense que l’on a min­imisé le rôle Fito et qu’Adolfo le père n’a pas d’autre mérite que d’avoir don­né le goût de la musique à ses enfants. Il sem­ble avoir été un père moins par­fait sur d’autres plans, comme en témoigne l’exil d’Adolfito (Vicente).
Mais finale­ment, ce qui compte, c’est que cette œuvre mer­veilleuse nous soit par­v­enue dans tant de ver­sions pas­sion­nantes et qu’elle ver­ra sans doute régulière­ment de nou­velles ver­sions pour le plus grand plaisir de nos oreilles, voire de nos pieds.
Recuer­do restera un sou­venir vivant.

Adios Argentina 1930-03-20 — Orquesta Típica Victor

Gerardo Hernán Matos Rodríguez Letra: Fernando Silva Valdés

Je suis dans l’avion qui m’éloigne de mon Argen­tine pour l’Europe. La coïn­ci­dence de date fait, que je me devais le choisir comme tan­go du jour. Il y a un siè­cle, les musi­ciens, danseurs et chanteurs argentins s’ouvrirent, notam­ment à Paris, les portes du suc­cès. Un détail amu­sant, les auteurs de ce titre sont Uruguayens, Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez, l’auteur de la Com­par­si­ta et Fer­nan­do Sil­va Valdès…

Cor­re­spon­dance de date. Cette anec­dote a été écrite dans l’avion l’an dernier et je suis encore de voy­age entre l’Argentine et l’Espagne à la même date. Ce court exil me per­me­t­tra d’animer quelques milon­gas et je ren­tr­erai à Buenos Aires, fin avril.

Ce titre peut ouvrir la piste à de très nom­breux sujets. Pas ques­tion de les traiter tous. Je liq­uide rapi­de­ment celui de l’histoire con­tée dans ce tan­go, d’autant plus que cette ver­sion est instru­men­tale. C’est un gars de la cam­pagne qui s’est fait vol­er sa belle par un sale type et qui a donc décidé de se faire la belle (s’en aller) en quit­tant l’Argentine « Adios Argenti­na ».
Il se peut qu’il se retourne en Uruguay, ce qui serait logique quand on con­naît la nos­tal­gie des orig­i­naires de la Province de l’Est (voir par exem­ple, Feli­cia écrit par Car­los Mauri­cio Pacheco).
Dans le cas présent, j’ai préféré imag­in­er qu’il va en Europe. Il dit dans la chan­son qu’il cherche d’autres ter­res, et un autre soleil, ce n’est donc sans doute pas le Sol de Mayo qui est com­mun, quoique d’aspect dif­férent sur les deux dra­peaux.

Les voyages transatlantiques des musiciens de tango

Le début du vingtième siè­cle jusqu’en 1939 a vu de nom­breux musi­ciens et chanteurs argentins venir ten­ter leur chance en Europe.
Par­mi eux, en vrac :
Alfre­do Euse­bio Gob­bi et sa femme Flo­ra Rodriguez, Ángel Vil­lol­do, Eduar­do Aro­las, Enrique Sabori­do, Eduar­do Bian­co, Juan Bautista Deam­brog­gio (Bachicha) et son fils Tito, les frères Canaro, Car­los Gardel, Vicente Lod­u­ca, Manuel Pizarro, José Ricar­do, José Raz­zano, Mario Melfi, Víc­tor Lomu­to, Genaro Espósi­to, Celesti­no Fer­rer, Eduar­do Mon­e­los, Hora­cio Pet­torossi…
La liste est inter­minable, je vous en fais grâce, mais nous en par­lerons tout au long des anec­dotes de tan­go. Sachez seule­ment que, selon l’excellent site « La Bible tan­go », 345 orchestres ont été réper­toriés, chaque orchestre comp­tant plusieurs musi­ciens. Même si tous n’étaient pas Argentins ou Uruguayens de nais­sance, ils ont don­né dans la mode « Tan­go ». Pour en savoir plus, vous pou­vez con­sul­ter l’excellent site de Dominique Lescar­ret (dit el Inge­niero « Une his­toire du tan­go »)

Vous remar­querez que l’orchestre de Bian­co et Bachi­ta est vêtu en cos­tume de Gau­cho et qu’ils por­tent la fameuse bom­bacha, bom­bacha offerte par la France à l’Ar­gen­tine… En effet, le syn­di­cat des musi­ciens français oblig­eait les artistes étrangers porter un cos­tume tra­di­tion­nel de leur pays pour se dis­tinguer des artistes autochtones.

Histoire de bombachas

On con­naît tous la tenue tra­di­tion­nelle des gau­chos, avec la culotte ample, nom­mée bom­bacha. Ce vête­ment est par­ti­c­ulière­ment pra­tique pour tra­vailler, car il laisse de la lib­erté de mou­ve­ment, même s’il est réal­isé avec une étoffe qui n’est pas élas­tique.
Cepen­dant, ce qui est peut-être moins con­nu c’est que l’origine de ce vête­ment est prob­a­ble­ment française, du moins indi­recte­ment.
En France mét­ro­pol­i­taine, se por­taient, dans cer­taines régions, comme la Bre­tagne, des braies très larges (bragou-braz en bre­ton).
Dans les pays du sud et de l’est de la Méditer­ranée, ce pan­talon était aus­si très util­isé. Par exem­ple, par les janis­saires turcs, ou les zouaves de l’armée française d’Algérie.

La désas­treuse guerre de Crimée en provo­quant la mort de 800 000 sol­dats a égale­ment libéré des stocks impor­tants d’uniformes. Qu’il s’agisse d’uniformes de zouaves (armée de la France d’Algérie dont qua­tre rég­i­ments furent envoyés en Crimée) ou de Turcs qui étaient alliés de la France dans l’affaire.

Napoléon III s’est alors retrou­vé à la tête d’un stock de près de 100 000 uni­formes com­por­tant des « babuchas », ce pan­talon ample. Il déci­da de les offrir à Urquiza, alors prési­dent de la fédéra­tion argen­tine. Les Argentins ont alors adop­té les babuchas qu’ils réformeront en bom­bachas.
En guise de con­clu­sion et pour être com­plet, sig­nalons que cer­taines per­son­nes dis­ent que le pan­talon albicéleste d’Obélix, ce fameux per­son­nage René Goscin­ny et Albert Uder­zo est en fait une bom­bacha et que c’est donc une influ­ence argen­tine. Goscin­ny a effec­tive­ment vécu dans son enfance et son ado­les­cence en Argen­tine de 1927 (à 1 an) à 1945. Il a donc cer­taine­ment croisé des bom­bachas, même s’il a étudié au lycée français de Buenos Aires. Ce qui est encore plus cer­tain, c’est qu’il a con­nu les ban­des alternées de bleu ciel et de blanc que les Argentins utilisent partout de leur dra­peau à son équipe nationale de foot.

Il se peut donc que Goscin­ny ait influ­encé Uder­zo sur le choix des couleurs du pan­talon d’Obélix. En revanche, pour moi, la forme ample est plus causée par les formes d’Obélix que par la volon­té de lui faire porter un cos­tume tra­di­tion­nel, qu’il soit argentin ou bre­ton… Et si vrai­ment on devait retenir le fait que son pan­talon est une bom­bacha, alors, il serait plus logique de con­sid­ér­er que c’est un bragou-braz, par Tou­tatis, d’autant plus que les Gaulois por­taient des pan­talons amples (braies) ser­rés à la cheville…

Extrait musical

Adiós Argenti­na 1930-03-20 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.

Les paroles

Tier­ra gen­erosa,
en mi des­pe­di­da
te dejo la vida
tem­b­lan­do en mi adiós.
Me voy para siem­pre
como un emi­grante
bus­can­do otras tier­ras,
bus­can­do otro sol.
Es hon­do y es triste
y es cosa que mata
dejar en la plan­ta
mar­chi­ta la flor.
Pam­per­os sucios
ajaron mi chi­na,
adiós, Argenti­na,
te dejo mi amor.

Mi alma
pren­di­da esta­ba a la de ella
por lazos
que mi car­iño puro tren­zó,
y el gau­cho,
que es varón y es altane­ro,
de un tirón los reven­tó.
¿Para qué quiero una flor
que en manos de otro hom­bre
su per­fume ya dejó?

Lle­vo la gui­tar­ra
hem­bra como ella;
como ella tiene
cin­tas de col­or,
y al pasar mis manos
rozan­do sus cur­vas
cer­raré los ojos
pen­san­do en mi amor.
Adiós, viejo ran­cho,
que nos cobi­jaste
cuan­do por las tardes
a ver­la iba yo.
Ya nada que­da
de tan­ta ale­gría.
Adiós Argenti­na,
ven­ci­do me voy.

Ger­ar­do Hernán Matos Rodríguez Letra: Fer­nan­do Sil­va Valdés

Traduction libre

Terre généreuse, dans mes adieux, je te laisse la vie trem­blante dans mes adieux. Je pars pour tou­jours comme un émi­gré à la recherche d’autres ter­res, à la recherche d’un autre soleil. C’est pro­fond et c’est triste et c’est une chose qui tue que de laiss­er la fleur sur la plante fanée. Les sales pam­per­os ont sali ma chérie, au revoir, Argen­tine, je te laisse mon amour.
Mon âme était attachée à la sienne par des liens que ma pure affec­tion tres­sait, et le gau­cho, qui est homme et hau­tain, les brisa d’un seul coup. Pourquoi voudrais-je d’une fleur qui a déjà lais­sé son par­fum dans les mains d’un autre homme ?
J’emporte ma gui­tare, femme comme elle, comme elle, elle a des rubans col­orés, et, quand mes mains frôleront ses courbes, je fer­merai les yeux en pen­sant à mon amour. Adieu, vieux ranch, tu nous abri­tais quand j’allais la voir le soir. Il ne reste rien de tant de joie. Adieu Argen­tine, vain­cu, je pars.

J’ai lais­sé le terme « Pam­per­os » dans sa forme orig­i­nale, car il peut y avoir dif­férents sens. Ici, on peut penser qu’il s’agit des hommes de la pam­pa, vu ce qu’ils ont fait à sa chi­na (chérie) voir l’article sur Por vos yo me rompo todo.
Le Pam­pero est aus­si un vent vio­lent et froid venant du Sud-ouest. Un vent qui pour­rait faire du mal à une fleur. Dans un autre tan­go, Pam­pero de 1935 com­posé par Osval­do Frese­do avec des paroles d’Edmundo Bianchi ; le Pam­pero (le vent) donne des gifles aux gau­chos.

¡Pam­pero!
¡Vien­to macho y altane­ro
que le enseñaste al gau­cho
golpeán­dole en la cara
a lev­an­tarse el ala del som­brero!

Pam­pero 1935-02-15 — Orques­ta Osval­do Frese­do con Rober­to Ray (Osval­do Frese­do Letra: Edmun­do Bianchi)

Pam­pero, vent macho et hau­tain qui a appris au gau­cho en le giflant à la face à lever les ailes de son cha­peau (à saluer).

Le terme de Pam­pero était donc dans l’air du temps et je trou­ve que l’hypothèse d’un quel­conque mal­otru de la Pam­pa fait un bon can­di­dat, en tout cas meilleur que le com­pagnon de Patoruzú, le petit Tehuelche de la BD de Dante Quin­ter­no, puisque ce cheval fougueux n’a rejoint son com­pagnon qu’en 1936, 8 ans après la créa­tion de la BD et donc trop tard pour ce tan­go. Mais de toute façon, je n’y croy­ais pas.

Autres versions

D’autre ver­sions, notam­ment chan­tées, pour vous per­me­t­tre d’écouter les paroles.
Les artistes qui ont enreg­istré ce titre dans les années 1930 étaient tous fam­i­liers de la France. C’est dans ce pays que le tan­go s’est acheté une « con­duite » et qu’il s’est ain­si ouvert les portes de la meilleure société argen­tine, puis d’une impor­tante par­tie de sa com­mu­nauté de danseurs, de la fin des années 30 jusqu’au milieu des années 50 du XXe siè­cle.

Adiós Argenti­na 1930-03-20 — Orques­ta Típi­ca Vic­tor.
Adiós Argenti­na 1930 — Ali­na De Sil­va accom­pa­g­née par l’Orchestre argentin El Mori­to. Voir ci-dessous un texte très élo­gieux sur cette artiste paru dans une revue de l’époque.
Adiós Argenti­na 1930-07-18 — Alber­to Vila con con­jun­to
Adiós Argenti­na 1930-12-03 — Ada Fal­cón con acomp. de Fran­cis­co Canaro
Adiós Argenti­na 1930-12-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro. Une semaine après l’enregistrement du titre avec Ada Fal­cón, Fran­cis­co Canaro enreg­istre une ver­sion instru­men­tale.
Adiós Argenti­na 1930-12-10 — Orques­ta Fran­cis­co Canaro. Il s’agit du même disque que le précé­dent, mais lu sur un gramo­phone de 1920. C’est en gros le son qu’avaient les util­isa­teurs de l’époque… La com­para­i­son est moins nette car pour être mis en place sur ce site, les fichiers sont env­i­ron réduit à 40 % de leur taille, mais on entend tout de même la dif­férence.
Adiós Argenti­na 2001-06 — Orques­ta Matos Rodríguez (Orques­ta La Cumpar­si­ta). Une sym­pa­thique ver­sión par cet orchestre à la gloire du com­pos­i­teur uruguyane, autour de la musique du tan­go du jour.

Le succès d’une chanteuse Argentine en France, Alina de Silva

« Nous l’avons con­nue à l’Empire il y a quelques mois.
Son tour de chant, immé­di­ate­ment et juste­ment remar­qué, réu­nit les éloges unanimes de la cri­tique.
Elle s’est imposée main­tenant dans la pléi­ade des grandes et pures artistes.
Chanteuse incom­pa­ra­ble, elle est habitée d’une pas­sion frémis­sante, qu’elle sait courber à sa fan­taisie en ondes douces et poignantes à la fois.
Sur elle, notre con­frère Louis-Léon Mar­tin a écrit, ce nous sem­ble, des phras­es défini­tives :
“Ali­na de Sil­va chante et avec quel art. Elle demeure immo­bile et l’émotion naît des seules index­ions de son vis­age et des mod­u­la­tions de sa voix. Elle pos­sède cette ver­tu extra­or­di­naire de paraître toute proche, comme penchée vers nous. J’ai dit sa voix calme et volon­taire, soumise et impérieuse, capi­teuse, pas­sion­née, mais jamais je ne I’avais enten­due s’éteindre — mais oui, tous les sens ont ici leur part — en de belles pâmoi­sons. Ali­na de Sil­va joue de sa voix comme les danseuses, ses com­pa­tri­otes, de leurs reins émou­vants et flex­i­bles. Elle sub­jugue…”
Deux ans ont suf­fi à Mlle Ali­na de Sil­va pour con­quérir ce Paris qu’elle adore et qui le lui rend bien, depuis le jour où elle péné­tra dans la cap­i­tale.
La petite chanteuse argen­tine est dev­enue main­tenant une » étoile » digne de fig­ur­er à côté des plus écla­tantes.
Il est des émo­tions qui ne trompent pas. Celles que con­tin­ue à nous don­ner Ali­na de Sil­va accrois­sent notre cer­ti­tude dans l’avenir radieux réservé à cette artiste de haute race. »
A. B.

Et ce n’est qu’un des nom­breux arti­cles dithyra­m­biques qui salu­ent la folie du tan­go en France à la belle époque des années folles.

A. B. ? La Rampe du pre­mier décem­bre 1929

Ainsi s’achève mon vol

Mon avion va bien­tôt atter­rir à Madrid, c’est mer­veilleux de faire en si peu d’heures le long tra­jet qu’ont effec­tué en bateau tant de musi­ciens argentins pour venir semer le tan­go en Europe. Je vais essay­er, lors de cette tournée européenne, de faire sen­tir l’âme de notre tan­go à tous les danseurs qui auront la gen­til­lesse de danser sur mes propo­si­tions musi­cales.
À très bien­tôt les amis !

Quelles sont les dates de l’âge d’or en tango de danse ?

What are the dates of the golden age of dance tango?

Pour un DJ, l’âge d’or, c’est prin­ci­pale­ment l’époque ou le tan­go de danse était à la mode. Mais pour qu’un âge d’or arrive, il faut dif­férents élé­ments précurseurs et pour qu’il se ter­mine, il faut que l’élan s’épuise. Nous allons voir l’évolution de ce phénomène.

For a DJ, the gold­en age is main­ly the time when dance tan­go was in fash­ion. But for a gold­en age to come, there must be dif­fer­ent pre­cur­sors, and for it to end, the momen­tum must be exhaust­ed. We will see how this phe­nom­e­non evolves.

L’âge d’or du tan­go

Le prototango, le tango d’avant le tango

Dans l’article sur les styles du tan­go, vous trou­verez des traces de l’histoire musi­cale, mais la musique n’est qu’un des aspects. Pour que l’âge d’or se man­i­feste, il faut égale­ment que la pra­tique de cette cul­ture sorte des cer­cles restreints où elle est née.
L’Europe et par­ti­c­ulière­ment la France ont joué un rôle cer­tain dans cette nais­sance. L’exposition uni­verselle de 1900 a été l’occasion pour de nom­breux Argentins argen­tés, de faire de Paris, leur point de chute, ou de plaisir.
Un cer­tain nom­bre d’entre eux qui avaient goûté aux charmes du tan­go à la fin du 19e siè­cle l’ont encour­agé à Paris. Un des exem­ples les plus con­nus est celui de Beni­no Macias, auquel on attribue le lance­ment de la furie du tan­go à Paris. Que ce soit cette his­toire ou d’autres, il est cer­tain que dès 1911, le tan­go était entré dans les mœurs à Paris. On pou­vait le danser tous les jours dans plusieurs lieux, ce qui a attiré les orchestres argentins, même s’ils devaient se pro­duire déguisés en gau­chos, car les orchestres étrangers n’étaient autorisés qu’à la con­di­tion d’être «folk­loriques». Le cos­tume était réservé aux orchestres européens.

Prototango, the tango before the tango

In the arti­cle on tan­go styles, you will find traces of musi­cal his­to­ry, but music is only one aspect. In order for the gold­en age to man­i­fest itself, the prac­tice of this cul­ture must also come out of the restrict­ed cir­cles in which it was born.

Europe and par­tic­u­lar­ly France played a cer­tain role in this birth. The Uni­ver­sal Exhi­bi­tion of 1900 was an oppor­tu­ni­ty for many sil­ver-lov­ing Argen­tini­ans to make Paris their place of stay, or of plea­sure. A num­ber of them who had tast­ed the charms of tan­go at the end of the 19th cen­tu­ry encour­aged him in Paris. One of the best-known exam­ples is that of Beni­no Macias, who is cred­it­ed with launch­ing the Tan­go Fury in Paris. Whether it is this sto­ry or oth­ers, it is cer­tain that by 1911, tan­go had become part of the cus­toms in Paris. It could be danced every day in sev­er­al venues, which attract­ed Argen­tine orches­tras, even if they had to per­form dis­guised as gau­chos, as for­eign orches­tras were only allowed on the con­di­tion that they were “folk­loric”. The cos­tume was reserved for Euro­pean bands.

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

La nais­sance du tan­go

Le chan­son­nier Fursv affirme, dans ses mémoires, avoir assisté, vers 1900, à la nais­sance du tan­go, l’Abbaye Albert », à Mont­martre.
— Par­mi les Argentins qui venaient là, con­te-t-i1, il y avait un cer­tain Beni­no Macias, for­mi­da­ble­ment riche, très nos­tal­gique.
» Un soir, ayant payé l’orchestre pour le sec­on­der dans son pro­jet, il se mit à danser, pour la galerie, une sorte de pas lent, et traîné, coupé de repos ryth­més, et accom­pa­g­né par une mélodie en mineur, d’une infinie mélan­col­ie.
~ Ce fut, sur le moment, de l’étonnement, mieux, de la stu­peur.
» Mais on applau­dit Beni­no Macias, qui dan­sait avec une cer­taine Loulou Christy, fort jolie.
» Huit jours après, il y avait vingt cou­ples qui fai­saient comme eux.» C’est ain­si que le tan­go a fait sa toute pre­mière appari­tion à Paris. »

Pourquoi Pas, revue wal­lonne de Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir et Léon Souguenet (les « trois mous­ti­quaires ») du 4 octo­bre 1929.

The birth of tan­go

In his mem­oirs, the chan­son­nier Fursv claims to have wit­nessed, around 1900, the birth of the tan­go, the “Abbaye Albert” in Mont­martre.
“Among the Argen­tini­ans who came there,” he said, “was a cer­tain Beni­no Macias, tremen­dous­ly rich, very nos­tal­gic.
One evening, hav­ing paid the orches­tra to assist him in his project, he began to dance, for the gallery, a sort of slow, drawn-out step, inter­rupt­ed by rhyth­mic rests, and accom­pa­nied by a melody in minor, of infi­nite melan­choly.
~ It was, at the time, aston­ish­ment, or rather, amaze­ment.
But we applaud Beni­no Macias, who danced with a cer­tain Loulou Christy, who was very pret­ty.
Eight days lat­er, there were twen­ty cou­ples doing the same.This is how tan­go made its very first appear­ance in Paris. »

Pourquoi Pas, Wal­loon mag­a­zine by Louis Dumont-Wilden, George Gar­nir and Léon Souguenet (the “three mos­qui­to nets”) of 4 Octo­ber 1929.

Lorsque ces orchestres sont retournés en Argen­tine, auréolés de leurs suc­cès européens, cela a aidé à sor­tir le tan­go de ses lieux mal famés en Argen­tine.
Dans l’article « Une enquête sur le tan­go », vous trou­verez des élé­ments intéres­sants si vous vous intéressez à la ques­tion des débuts du tan­go en France. Vous pou­vez aus­si con­sul­ter le site milon­gaophe­lia, riche en doc­u­ments icono­graphiques.
Donc, pour la France, l’âge d’or se situe dans les années 1910–1935. Cepen­dant, ce tan­go s’y est figé dans le temps et s’est abâ­tar­di pour devenir le tan­go musette qui est une loin­taine réminis­cence du tan­go de style canyengue. Il con­vient donc de retra­vers­er l’Atlantique pour décou­vrir le véri­ta­ble âge d’or.

When these orches­tras returned to Argenti­na, bask­ing in the glo­ry of their Euro­pean suc­cess­es, it helped to bring tan­go out of its dis­rep­utable places in Argenti­na.
In the arti­cle “A sur­vey on tan­go “, you will find inter­est­ing ele­ments if you are inter­est­ed in the ques­tion of the begin­nings of tan­go in France. You can also con­sult the milon­gaophe­lia web­site, rich in icono­graph­ic doc­u­ments.
So, for France, the gold­en age is in the years 1910–1935. How­ev­er, this tan­go has been frozen in time and has bas­tardized to become the tan­go musette which is a dis­tant rem­i­nis­cence of the tan­go of the Canyengue style. It is there­fore appro­pri­ate to cross the Atlantic again to dis­cov­er the true gold­en age.

Les premiers orchestres dorés

Pas de musique sans orchestre.
Le phénomène tan­go se développe donc à Buenos Aires et dans sa jumelle rio­platense.
De nom­breux orchestres se créent, se ren­for­cent et pour accom­pa­g­n­er cette vague, les enreg­istrements se mul­ti­plient. Mal­heureuse­ment, les tech­niques rudi­men­taires de l’époque oblig­ent à jouer d’une façon mar­tiale, de crier plus que de chanter et la musique qui en résulte a du mal à sor­tir du bruit du disque pour don­ner de l’émotion.
On peut con­sid­ér­er que ces pre­miers enreg­istrements ne ren­dent pas jus­tice à ce que jouaient réelle­ment les orchestres devant le pub­lic. On se reportera à l’article sur les pro­grès de l’enregistrement pour en savoir plus.
Ce n’est qu’en 1926 que la qual­ité des enreg­istrements rend enfin jus­tice aux presta­tions des orchestres. Ce biais fait que l’on peut nég­liger le phénomène tan­go antérieur et que par con­séquent, on peut « louper » la détec­tion d’un âge d’or, faute d’enregistrements de qual­ité.
Cepen­dant, lorsque la qual­ité devient sat­is­faisante, la musique est pour sa part assez dif­férente de celle qui sera déployée dans les décen­nies suiv­antes. Des orchestres anciens, comme ceux de Cara­bel­li, Frese­do, Canaro font de fort belles choses, mais l’arrivée d’une nou­velle vague va révo­lu­tion­ner la musique.
Les orchestres devi­en­nent plus vir­tu­os­es à force de pra­ti­quer tous les jours et de se con­cur­rencer dans une vive ému­la­tion.

The First Golden Orchestras

There is no music with­out an orches­tra. The tan­go phe­nom­e­non is there­fore devel­op­ing in Buenos Aires and its Rio­platen­sian twin.
Many orches­tras were cre­at­ed, strength­ened, and to accom­pa­ny this wave, record­ings mul­ti­plied. Unfor­tu­nate­ly, the rudi­men­ta­ry tech­niques of the time forced you to play in a mar­tial way, to shout more than to sing and the result­ing music had dif­fi­cul­ty get­ting out of the noise of the record to give emo­tion.
It can be argued that these ear­ly record­ings do not do jus­tice to what the orches­tras actu­al­ly played in front of the audi­ence. Refer to the arti­cle on the progress of reg­is­tra­tion for more infor­ma­tion.
It was not until 1926 that the qual­i­ty of the record­ings final­ly did jus­tice to the orches­tras’ per­for­mances. This bias means that the pre­vi­ous tan­go phe­nom­e­non can be neglect­ed and that con­se­quent­ly, the detec­tion of a gold­en age can be “missed” due to a lack of qual­i­ty record­ings.
How­ev­er, when the qual­i­ty becomes sat­is­fac­to­ry, the music is quite dif­fer­ent from the one that will be deployed in the fol­low­ing decades. Old orches­tras, such as those of Cara­bel­li, Frese­do, Canaro did very beau­ti­ful things, but the arrival of a new wave rev­o­lu­tion­ized music. Orches­tras become more vir­tu­oso by dint of prac­tic­ing every day and com­pet­ing with each oth­er in live­ly emu­la­tion.

El Mun­do du dimanche 1er octo­bre de 1944.

Les quatre piliers

Le pre­mier orchestre à décoller est sans con­teste celui de Juan D’Arienzo, grâce à l’apport prov­i­den­tiel de Rodol­fo Bia­gi (arrangeur et pianiste) à par­tir de décem­bre 1935. Le départ rapi­de de Bia­gi de l’orchestre en 1938 ne rompt pas le nou­veau style de l’orchestre de D’Arienzo qui évoluera dans cette direc­tion jusqu’à la mort de son directeur en 1976.

The Four Pillars

The first orches­tra to take off was undoubt­ed­ly that of Juan D’Arien­zo, thanks to the prov­i­den­tial con­tri­bu­tion of Rodol­fo Bia­gi (arranger and pianist) from Decem­ber 1935. Biag­i’s rapid depar­ture from the orches­tra in 1938 did not break the new style of D’Arien­zo’s orches­tra, which would evolve in this direc­tion until the death of its con­duc­tor in 1976.

Juan d’Arien­zo — Gran Hotel Vic­to­ria (Hotel Vic­to­ria) 1935-07-02, avant Bia­gi.
Juan d’Arien­zo — El flete 1936-04-03, après Bia­gi. On entend les ding ding du piano de Bia­gi.

Peu après, Car­los Di Sar­li qui était à la tête d’un sex­te­to jusqu’au début des années 30 se lance avec un orchestre qui prend sa dimen­sion dans les décades des années 40 et 50.

Short­ly after­wards, Car­los Di Sar­li, who was at the head of a sex­tet until the ear­ly 1930s, launched him­self with an orches­tra that took on its dimen­sion in the 1940s and 1950s.

Car­los Di Sar­li (Sex­te­to) — T.B.C. 1928-11-26
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1942-06-23
Car­los Di Sar­li — El amanecer 1951-09-26 — La ver­sion de 1954-08-31 aurait égale­ment pu être prise comme exam­ple.

Troi­lo arrive au début des années 40, suivi de près par Pugliese.

L’âge d’or peut être défi­ni comme la péri­ode d’activité max­i­male de ces qua­tre orchestres. Celle où l’on pou­vait danser chaque semaine avec des orchestres épous­tou­flants.

Troi­lo arrived in the ear­ly 1940s, close­ly fol­lowed by Pugliese.

The Gold­en Age can be defined as the peri­od of max­i­mum activ­i­ty of these four orches­tras. The one where you could dance every week with breath­tak­ing orches­tras.

La fin de l’âge d’or

The End of the Golden Age

Le rock et d’autres musiques vont chang­er les habi­tudes des danseurs et amorcer le déclin du tan­go.

Les années 40 voient les qua­tre piliers dans leur péri­ode de gloire. Dans les années 50, ils con­tin­u­ent leur évo­lu­tion, mais en par­al­lèle, l’arrivée de nou­veaux goûts chez les danseurs, notam­ment le rock, fait que la pra­tique com­mence à baiss­er est que les orchestres se tour­nent vers des formes plus con­cer­tantes.
Troi­lo et Pugliese pro­duisent dans leurs dernières années des titres nova­teurs et nos­tal­giques, à la recherche d’un sec­ond souf­fle, plus ori­en­té vers le con­cert que la danse.
Car­los Di Sar­li, peut-être plus dans l’air du temps qui demandait une musique plus roman­tique a con­tin­ué dans son style jusqu’à la fin des années 50, sans sac­ri­fi­er à la danse.
Quant à d’Arienzo, son style énergique en a fait une bête de scène qui lui per­me­t­tait d’animer des con­certs eupho­risants jusqu’à sa mort en 1976. Ses musi­ciens (sous la direc­tion de Car­los Laz­zari, ban­donéiste et arrangeur de D’Arienzo) puis de nom­breux orchestres con­tem­po­rains per­pétuent ce style fes­tif et énergique jusqu’à nos jours qui con­tin­u­ent d’enchanter les danseurs, comme les audi­teurs.
Cepen­dant, il est cer­tain que le rock et d’autres modes ayant éloigné les danseurs du tan­go, il est dif­fi­cile de faire con­tin­uer l’âge d’or après les années 50.

The 1940s saw the four pil­lars in their hey­day. In the 1950s, they con­tin­ued to evolve, but at the same time, the arrival of new tastes among dancers, espe­cial­ly rock, meant that the prac­tice began to decline and that orches­tras turned to more con­cer­tante forms.
In their last years, Troi­lo and Pugliese pro­duced inno­v­a­tive and nos­tal­gic tracks that were more ori­ent­ed towards con­cert than dance in search of a sec­ond wind.
Car­los Di Sar­li, per­haps more in tune with the times who demand­ed more roman­tic music, con­tin­ued in his style until the end of the 50s, with­out sac­ri­fic­ing dance.
As for d’Arien­zo, his ener­getic style made him a beast of the stage, allow­ing him to host euphor­ic con­certs until his death in 1976. Its musi­cians (under the direc­tion of Car­los Laz­zari, D’Arien­zo’s ban­doneist and arranger) and many con­tem­po­rary orches­tras per­pet­u­ate this fes­tive and ener­getic style to this day, which con­tin­ues to enchant dancers and lis­ten­ers alike. How­ev­er, rock and oth­er fash­ions have cer­tain­ly kept dancers away from tan­go, mak­ing it dif­fi­cult to con­tin­ue the gold­en age after the 1950s.

Le lancement du disque, ou la seconde mort du tango de danse

The launch of the LP, or the second death of dance tango

Le disque LP et la stéréo­phonie ont changé la musique de tan­go.

Un autre phénomène se développe dans les années 50, le microsil­lon et en 1958, le son stéréo. Cette inven­tion avec l’augmentation de la qual­ité de la musique, la plus grande durée de musique par disque (env­i­ron 8 fois plus par disque), fait que l’on peut pos­séder beau­coup plus de musique sans que cela devi­enne trop envahissant, d’autant plus que les dis­ques microsil­lons sont plus légers et fins que les anciens 78 tours en shel­lac.
Le son stéréo a rapi­de­ment for­mé les oreilles des audi­teurs, reléguant les anciens enreg­istrements au ray­on des antiq­ui­tés. Pour essay­er de con­tr­er ce mou­ve­ment et « mod­erniser » leur fond ancien, les édi­teurs de musique ont réédité les tan­gos des années 30 et 40 en vinyle (microsil­lon) en rajoutant de la réver­béra­tion. Cela donne une impres­sion d’espace et per­met de faire du « stéréo like » à peu de frais. Aujourd’hui ces vinyles sont très mal vus, car la réver­béra­tion nuit au mes­sage sonore.

Anoth­er phe­nom­e­non devel­oped in the 1950s, the LP, and in 1958, stereo sound. This inven­tion with the increase in the qual­i­ty of music, and the longer dura­tion of music per record (about 8 times more per record), means that one can own much more music with­out it becom­ing too intru­sive, espe­cial­ly since LP records are lighter and thin­ner than the old shel­lac 78s.
The stereo sound quick­ly trained lis­ten­ers’ ears, rel­e­gat­ing old record­ings to the antique shelf. To try to counter this move­ment and “mod­ern­ize” their old back­ground, music pub­lish­ers have reis­sued tan­gos from the 30s and 40s on vinyl (LP) by adding reverb. This gives the impres­sion of space and allows you to “stereo like” at lit­tle cost. Today, these vinyls are very frowned upon, because the reverb detracts from the sound mes­sage.

La valse de Juan D’Arien­zo — No llores madre de 1936-07-03 a été dif­fusée dans un pre­mier temps sur disque shel­lac. Lors de la réédi­tion en microsil­lon (LP), pour lui don­ner un air de “stéréo”, les ingénieurs du son ont rajouté de la réver­béra­tion, ce qui a pol­lué la musique orig­i­nale.

Ces deux don­nées expliquent aus­si le déclin des orchestres de bal. En effet, il deve­nait pos­si­ble de jouer de la musique de tan­go pen­dant une demi-heure, sans aucune manip­u­la­tion et sans avoir à pay­er un orchestre.

These two fac­tors also explain the decline of ball­room bands. Indeed, it became pos­si­ble to play tan­go music for half an hour, with­out any manip­u­la­tion and with­out hav­ing to pay for an orches­tra.

Le petit âge d’or, le moyen âge d’or et le grand âge d’or

The Little Golden Age, the Golden Age and the Great Golden Age

L’âge d’or du tan­go. Illus­tra­tion libre, ne pas y chercher une vérité his­torique… / The gold­en age of tan­go. Free illus­tra­tion, do not look for his­tor­i­cal truth…

Une déf­i­ni­tion très stricte de l’âge d’or est par­fois don­née et qui est bornée par la péri­ode où les 4 piliers jouaient, donc de 1943 (arrivée sur le marché du disque de Pugliese), jusqu’à l’arrivée du microsil­lon, aux alen­tours de 1955.
Comme on aime bien arrondir, on définit cette péri­ode comme courant de 1940 à 1955.
Cepen­dant, cela enlève les mer­veilleux enreg­istrements de D’Arienzo de la sec­onde moitié des années 30. Il est donc plus courant de définir un « moyen âge d’or » de 1935 à 1955. Les comptes sont ronds, vingt ans tout juste. En Europe, la nos­tal­gie et la famil­iar­ité avec le tan­go musette et ital­ien, font que la vieille garde est égale­ment appré­ciée. Cela per­met d’inclure des orchestres qui ont beau­coup de suc­cès dans les « encuen­tros milongueros », comme Canaro, Dona­to, Cara­bel­li ou Frese­do. Tou­jours pour favoris­er les comptes justes, on étend par­fois l’âge d’or de 1930 à 1955.

A very strict def­i­n­i­tion of the gold­en age is some­times giv­en which is lim­it­ed by the peri­od when the 4 pil­lars were play­ing, i.e. from 1943 (arrival on the mar­ket of the Pugliese record), until the arrival of the LP, around 1955.
Since we like to round up, we define this peri­od as cur­rent from 1940 to 1955.
How­ev­er, this takes away from the won­der­ful D’Arien­zo record­ings from the sec­ond half of the 1930s. It is there­fore more com­mon to define a “gold­en mid­dle” from 1935 to 1955. The accounts are round, just twen­ty years. In Europe, nos­tal­gia and famil­iar­i­ty with musette and Ital­ian tan­go mean that the old guard is also appre­ci­at­ed. This makes it pos­si­ble to include orches­tras that are very suc­cess­ful in the “encuen­tros milongueros”, such as Canaro, Dona­to, Cara­bel­li, or Frese­do. Also in order to pro­mote fair accounts, the gold­en age is some­times extend­ed from 1930 to 1955.

Le support de l’âge d’or

The support of the Golden Age

Un disque 78 tours en shel­lac. Ici, une valse de D’Arien­zo, En tu corazón. / A 78 rpm shel­lac record. Here, a waltz from D’Arien­zo, En tu corazón.

C’est le réper­toire qu’utilisent les DJ les plus « tra­di­tion­nels ».
Sig­nalons que dans ce mou­ve­ment « tra­di­tion­nel » cer­tains DJ revendiquent la dif­fu­sion en milon­ga à par­tir de dis­ques vinyle, un sup­port anachronique. Mais les modes ont-elles à se jus­ti­fi­er ? Quelques DJ utilisent des dis­ques shel­lac par souci de vérité his­torique. Mais là, c’est jouer avec le pat­ri­moine et cette pra­tique me sem­ble non recom­mand­able, car nuis­i­ble avec notre héritage, sans aucune valeur ajoutée en ter­mes de musique. Les véri­ta­bles col­lec­tion­neurs respectent ces tré­sors et ne les exposent pas à la ruine.

This is the reper­toire used by the most “tra­di­tion­al” DJs.
It should be not­ed that in this “tra­di­tion­al” move­ment, some DJs claim to broad­cast in milon­ga from vinyl records, an anachro­nis­tic medi­um. But do fash­ions have to be jus­ti­fied? Some DJs use shel­lac records for the sake of his­tor­i­cal truth. But in this case, it’s play­ing with her­itage and this prac­tice seems to me to be rec­om­mend­able, because it is harm­ful to our her­itage, with­out any added val­ue in terms of music. True col­lec­tors respect these trea­sures and do not expose them to ruin.

Vers un nouvel âge d’or ?

Towards a new golden age?

Vers un nou­v­el âge d’or du tan­go ? / Towards a new gold­en age?

Le tan­go est né et est ressus­cité à dif­férentes repris­es, sous des aspects légère­ment dif­férents à chaque fois.
Peut-être sommes-nous à l’aube d’un nou­v­el âge d’or du tan­go de danse ? Les avions n’ont jamais trans­porté autant de tangueros à Buenos Aires. En Europe, il n’y a pas une ville de quelque impor­tance sans une com­mu­nauté tanguera.
Cette com­mu­nauté est inter­na­tionale. Il est pos­si­ble de danser avec des parte­naires venus du monde entier et de s’entendre dès la pre­mière tan­da com­mune. C’est un des mir­a­cles du tan­go. Cepen­dant, ce pat­ri­moine est frag­ile, comme les dis­ques shel­lac. Il con­vient de le préserv­er et de ne pas le déna­tur­er en s’éloignant de ce qui fait la par­tic­u­lar­ité de la danse.

Tan­go was born and res­ur­rect­ed on dif­fer­ent occa­sions, in slight­ly dif­fer­ent aspects each time.
Maybe we are at the dawn of a new gold­en age of dance tan­go? Planes have nev­er car­ried so many tangueros to Buenos Aires. In Europe, there is not a city of any impor­tance with­out a tanguera com­mu­ni­ty.
This com­mu­ni­ty is inter­na­tion­al. It is pos­si­ble to dance with part­ners from all over the world and to hear each oth­er from the first tan­da togeth­er. This is one of the mir­a­cles of tan­go. How­ev­er, this her­itage is frag­ile, like shel­lac records. It should be pre­served and not dis­tort­ed by dis­tanc­ing one­self from what makes dance so spe­cial.

Épilogue

Epilogue

Dif­fi­cile d’imag­in­er ce que sera le tan­go dans un siè­cle. Espérons qu’il sera dans un nou­v­el âge d’or. / It’s hard to imag­ine what tan­go will be like in a cen­tu­ry. Hope­ful­ly it will be in a new gold­en age.

Un DJ actuel a le choix de qua­si­ment un siè­cle de musique pour ani­mer ses milon­gas. Il con­vient cepen­dant qu’il ne sépare pas les danseurs de ce qui est le plus pré­cieux, le tan­go de l’âge d’or. Il devra donc veiller à tou­jours don­ner à écouter et danser cette référence, les grands tan­gos de bals des années 35–55, ou 30–55, ou 40–55.
Charge aux danseurs et à leurs pro­fesseurs, de com­pren­dre ce qui fait du tan­go une danse si par­ti­c­ulière et pourquoi il est impor­tant de la reli­er à une musique par­faite pour lui. Pour ter­min­er, je souhaite rap­pel­er que le tan­go de danse n’est qu’une par­tie de la cul­ture tan­go et que je n’ai par­lé d’âge d’or que pour le DJ. Des ama­teurs de tan­go à écouter pour­raient plac­er leur âge d’or dans les années Piaz­zol­la. En effet, celui-ci crée son octe­to en 1955 et ses propo­si­tions musi­cales débuteront le cli­vage entre tra­di­tion et moder­nité. On pour­rait donc par­ler d’un âge d’or du tan­go d’écoute de 1955 à 1990…

A today DJ has the choice of almost a cen­tu­ry of music to liv­en up his milon­gas. How­ev­er, he should not sep­a­rate the dancers from what is most pre­cious, the tan­go of the gold­en age. He will there­fore have to make sure that he always gives to lis­ten to and dance to this ref­er­ence, the great balls of the years 35–55, or 30–55, or 40–55.
It is up to the dancers and their teach­ers to under­stand what makes tan­go such a spe­cial dance and why it is impor­tant to con­nect it to music that is per­fect for them. To con­clude, I would like to remind you that dance tan­go is only one part of the tan­go cul­ture and that I have only spo­ken of a gold­en age for the DJ. Tan­go lovers to lis­ten to could place their gold­en age in the Piaz­zol­la years. Indeed, he cre­at­ed his octe­to in 1955 and his musi­cal pro­pos­als began the divide between tra­di­tion and moder­ni­ty. We could there­fore speak of a gold­en age of lis­ten­ing tan­go from 1955 to 1990…