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Nada 1944-04-13 — Orquesta Carlos Di Sarli con Alberto Podestá

José Dames Letra: Horacio Sanguinetti (Horacio Basterra)

On se damnerait pour ce tango de José Dames. Sa musique subtile et élégante remue l’âme et on ne peut cacher son émotion en le dansant. Les paroles d’Horacio Sanguinetti expliquent la puissance de la musique en révélant la bien triste histoire de celui qui étant parti ne retrouve pas son amour en revenant.

Extrait musical

Nada 1944-04-13 — Orquesta Carlos Di Sarli con Alberto Podestá. C’est le tango du jour.

Le piano de Di Sarli lance les deux premières notes, deux accords puis la mélodie démarre ascendante, alternant les parties percutées et les parties glissées. Comme si deux émotions se partageaient la musique. Les vagues se relancent les unes après les autres, que ce soit au violon ou à la voix. La musique reste tout le temps, dansante, même lors des passages plus glissés. La fin se fait dans un ralentissement et se termine avec la voix de Podestá qui chante « amor ». En fait, il reste un petit paquet de notes au piano qui ponctuent la fin, un peu à la manière de Caló, Caló que vous pourrez entendre dans le chapitre « autres versions ».
Mais pour l’instant, intéressons-nous aux belles et poignantes paroles d’Horacio Sanguinetti.

Les paroles

He llegado hasta tu casa…
¡Yo no sé cómo he podido!
Si me han dicho que no estás,
que ya nunca volverás…
¡Si me han dicho que te has ido!
¡ Cuánta nieve hay en mi alma!
¡Qué silencio hay en tu puerta!
Al llegar hasta el umbral,
un candado de dolor
me detuvo el corazón.

Nada, nada queda en tu casa natal…
Sólo telarañas que teje el yuyal.
El rosal tampoco existe
y es seguro que se ha muerto al irte tú…
¡Todo es una cruz!
Nada, nada más que tristeza y quietud.
Nadie que me diga si vives aún…
¿ Dónde estás, para decirte
que hoy he vuelto arrepentido a buscar tu amor?


Ya me alejo de tu casa
y me voy ya ni sé dónde…
Sin querer te digo adiós
y hasta el eco de tu voz
de la nada me responde.
En la cruz de tu candado
por tu pena yo he rezado
y ha rodado en tu portón
una lágrima hecha flor
de mi pobre corazón.

José Dames Letra: Horacio Sanguinetti (Horacio Basterra)

Raúl Iriarte ne chante que ce qui est en gras et pas le dernier couplet. Alberto Amor et Alberto Podesta font de même, mais reprennent la fin du refrain (en bleu) pour terminer.

Traduction libre

Je suis arrivé à ta maison…
Je ne sais pas comment j’ai pu le faire !
S’ils m’ont dit que tu n’y es pas, que tu ne reviendras jamais…
S’ils m’ont dit que tu es partie !
Que de neige il y a dans mon âme !
Quel silence il y a à ta porte.
Alors que j’atteignais le seuil, un verrou de douleur a arrêté mon cœur.

Rien, rien ne reste dans ta maison natale… Seulement les toiles d’araignées que la végétation tisse.
Le rosier n’existe pas non plus, et il est certain qu’il est mort par ton départ.
Tout est une croix !
Rien, rien que de la tristesse et du calme.
Personne pour me dire si tu vis encore…
Où tu es, pour te dire qu’aujourd’hui je suis revenu repentant pour chercher ton amour ?

Je m’éloigne de ta maison et je m’en vais, je ne sais où…
Sans le vouloir, je te dis adieu et jusqu’à l’écho de ta voix, sortie du néant, me répond.
Sur la croix de ton verrou pour ta douleur, j’ai prié et une larme a roulé sur ta porte et fait fleurir mon pauvre cœur.

Autres versions

Nada est le titre de l’année 1944. Ses trois meilleures versions sont de cette année et je n’ai pas envie de vous proposer celles qui ne sont pas au même niveau ou pas dansables, notamment celles des années 60, comme Julio Sosa (1963), Fulvio Salmanca avec Luis Roca (1964), Juan D’Arienzo avec Jorge Valdez (1964), ou celles que Calo fera en 1965 avec Raúl del Mar ou en 1966 avec Ledesma (en vivo). Voici donc, par ordre chronologique, les trois versions enregistrées en deux mois, en 1944.

Nada 1944-03-09 — Orquesta Miguel Caló con Raúl Iriarte.

Comme Di Sarli, Caló commence par un « Ploum plum », puis expose avec notamment les cordes et quelques accents du piano le thème. Le bandonéon pleure à 0 h 47, puis à 1 h 5 commence Raúl Iriarte. Le rythme est bien marqué, notamment par des cordes percutées, cette marcation s’altère pour laisser la place aux passages émouvants. Le thème se termine par un joli trait de bandonéon et la fin classique de Caló égrenée au piano.

Nada 1944-04-13 — Orquesta Carlos Di Sarli con Alberto Podestá. C’est le tango du jour.
Nada 1944-05-09 — Orquesta Rodolfo Biagi con Alberto Amor.

Le début est également un « ploum ploum, ou plutôt un « tchac tchac » incisif. Le tempo est beaucoup plus soutenu que dans les deux autres versions. Malgré la jolie voix et l’interprétation de Alberto Amor, on perd un peu d’émotion, mais l’énergie de Biagi rend le titre très dansant.

Pour ma part, c’est la version de Di Sarli que je préfère, suivie de celle de Caló et enfin celle de Biagi. Je peux passer les trois en milonga, selon l’énergie et les circonstances du moment. Les DJ ont à leur disposition ces trois merveilleux enregistrements pour renouveler le bonheur des danseurs.

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L’histoire à laquelle vous avez failli échapper

Je n’ai pas envie de détruire la magie de ce tango magnifique en vous contant des histoires sur l’auteur des paroles, Horacio Basterra, alias Horacio Sanguinetti. Je laisse ceux que ça intéresse s’en charger. Sachez seulement qu’on a perdu sa trace et que différentes hypothèses essayent d’expliquer sa disparition, notamment qu’il aurait tué son beau-frère militaire et qu’il se serait enfui du pays.
Je ne retiens que la fin de cette histoire. S’il a quitté l’Argentine, c’est pour retourner au pays (l’Uruguay) pour essayer de retrouver celle qui lui a inspiré Nada. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.
FIN.

Les images auxquelles vous avez failli échapper

Lisón 1944-04-11 — Orquesta Rodolfo Biagi con Alberto Amor

José Ranieri Letra : Julián Centeya

Lison est un prénom à la mode depuis la fin du vingtième siècle. Il y a donc à parier que dans la nouvelle génération de danseuses de tango, nous allons avoir prochainement des Lison. Ce tango sera donc utile pour mettre en valeur une de ces danseuses. Les Lisón des années 40 étaient ces grisettes qui avaient quitté la France pour venir participer au «rêve» argentin.

Les auteurs

José Ranieri

José Ranieri (José Ranieri Magarotti) est également connu sous les pseudonymes de Pirula et Rudy Grant. Ne pas le confondre avec José Ranieri Virdo, flûtiste et trompettiste de Canaro.
Le José Ranieri du jour est né à Buenos Aires le 20 décembre 1911 et décédé le 9 novembre 1972 (je ne sais pas où).
Il était bandonéoniste, trompettiste et compositeur.

José Ranieri compositeur de tango et de jazz

Parmi ses compositions (tangos et jazz), citons :
A los muchachos (Pa’ los muchachos), Cantares de oriente, Dibujos, La negra quiere bailar, La novia del mar, Lisón, Muñequita de París, Noches blancas, Oh ! Ma chérie, Pa’ los muchachos, Que no sepan las estrellas, Que te cuente mi violín, Sólo una novia, Te quiero todavía.

José Ranieri trompettiste

Comme trompettiste, c’est un scoop, car je n’ai trouvé nulle part la mention qu’il était trompettiste. Je répare donc cette lacune…

Me vuelves loco (You’re driving me crazy) 1931-11-02 – Orquesta Adolfo Carabelli con Alberto Gómez (Nico).

Vous avez certainement déjà entendu ce Fox-trot, car certains DJ de tango le passent comme milonga… Il y a deux trompettes, celle d’Ignacio Verrotti et celle de José Ranieri.

Cantares de oriente 1931-03-26 — Adolfo Carabelli Jazz Band con Francisco Donaldson. Un autre fox-trot où il intervient à la trompette avec Verrotti. Il en est également le compositeur.
Oh ! Ma chérie 1932-03 — Orquesta Adolfo Carabelli, dont il est aussi le compositeur.

Noches Blancas — Elio Rietti y su Jazz Band.

Là, il y a trois trompettes, celle de Gaetano Ochipinti s’est rajoutée aux deux autres. Ranieri a également composé ce titre. Je vous le donne à écouter. Mais difficile de dire laquelle des trompettes est la sienne.

José Ranieri bandonéoniste

Curieusement, si aucun site ne parle de Ranieri comme flûtiste ou trompettiste, tous disent qu’il était bandonéoniste, mais impossible de le trouver mentionné.
J’en suis donc réduit à des hypothèses.
Le 26 mars 1931, Carabelli enregistre deux titres. Cantares de oriente et Por qué?, un tango d’Osvaldo Fresedo et Emilio Augusto Oscar Fresedo pour les paroles. Le chanteur est le même que pour Cantares de oriente et ce titre n’utilise pas la trompette. Est-il exagéré de suggérer que Ranieri pourrait avoir joué du bandonéon, puisque ce serait son instrument principal dans cet orchestre ? Je n’ai aucune preuve de cela, mais je garde l’idée sous le coude, d’autant plus que durant cette période Carabelli a enregistré divers Paso Dobles ou Fox-trots conjointement à des tangos.
Dernière hypothèse, existe-t-il un lien de parenté entre les deux José Ranieri ? Magarotti pourrait être le nom de la femme de son père et Virdo, celui de la femme de son grand-père paternel. Pas facile d’avoir des informations sur des instrumentistes discrets, plus d’un siècle après les faits (pas trouvé dans les sites de généalogie).

Julián Centeya (Amleto Enrico Vergiati)

Julián Centeya est un poète et auteur de paroles de tango. Vous l’avez tous entendu au début de Café Dominguez de Ángel D’Agostino. C’est lui qui dit le récitatif « Café Dominguez de la vieja calle Corrientes que ya no queda… ».
Il a mis les paroles sur le tango du jour, Lisón, notre tango du jour, mais aussi sur Pa’ los muchachos (que l’on connaît chanté par Roberto Rufino avec l’orchestre de Carlos Di Sarli ou par Ángel Vargas et son orchestre dirigé par Eduardo Del Piano).
On lui doit aussi les paroles de :
Claudinette, avec la musique de Enrique Pedro Delfino.
Este cuore, avec la musique de Daniel Melingo.
Felicita, avec la musique de Hugo del Carril.
Julián Centeya, avec la musique de José Canet (on n’est jamais si bien servi que par soi-même).
La vi llegar, avec la musique de Enrique Francini.
Lisón, avec la musique de Ranieri (notre tango du jour).
Lluvia de abril, avec la musique de Enrique Francini.
Más allá de mi rencor, avec la musique de Lucio Demare.

Extrait musical

Avec tous ces propos liminaires, vous pensiez que nous n’y arriverons pas. Mais voici le tango du jour…

Lisón 1944-04-11 – Orquesta Rodolfo Biagi con Alberto Amor.

Ce tango est assez rarement passé en milonga. Je pense que c’est en partie à cause de ses faux départs et de ses arrêts intempestifs. En effet, le rythme de la musique est cassé à de nombreuses reprises. Ce n’est pas forcément très agréable pour la danse.

Les paroles

Lisón
Tu amor quedó en mi corazón.
Lisón, dulce Lisón.
Y fue
La melodía de tu voz
Sentí triste canción.
Lisón
Eran tus manos blancas
Y yo soñaba con la luna
Vida mía.
En un
Romance azul de juventud
Lisón, dulce Lisón.

Muchachita de ojos negros
La canción
Del buen amor.
En la sombra de los muelles
Es invierno cruel y llueve,
Pasa el viento que te nombra,
Y yo sueño entre las sombras
Que te llama, corazón
Con este amor.

José Ranieri Letra: Julián Centeya

Traduction libre et indications

Lison
Ton amour est resté dans mon cœur.
Lison, douce Lison.
Et c’était la mélodie de ta voix, que je sentais être une triste chanson.
Lison
C’étaient tes mains blanches, et j’ai rêvé de la lune, ma vie.
Dans une romance bleue de jeunesse Lison, douce Lison.

Fille aux yeux noirs, la chanson du bon amour.
Dans l’ombre des quais c’est l’hiver cruel et il pleut, le vent qui te nomme passe, et je rêve dans l’ombre, qu’il t’appelle, cœur, avec cet amour.

Autres versions

Ce titre n’a pas eu un énorme succès, il n’a été enregistré que deux fois, en 1944.

Lisón 1944-04-11 – Orquesta Rodolfo Biagi con Alberto Amor. C’est notre tango du jour
Lisón 1944-10-04 — Orquesta Francisco Lomuto con Alberto Rivera.

Cette version est beaucoup plus liée. Les pauses sont mieux annoncées et si la version est plutôt moins énergique, elle peut convenir à une tanda de retour au calme, après une tanda de milonga par exemple. La voix plus rare d’Alberto Rivera n’est pas désagréable et la musique est sympathique, elle reste dansable, même si ce n’est pas un des 50 titres indispensables sur l’île déserte.

Qui était Lisón ?

Lison était un prénom courant en France au début du vingtième siècle, voire un surnom courant. La jeune femme aux yeux noirs de la chanson est donc probablement une de ces grisettes qui effectuaient des travaux domestiques ou peuplaient les maisons closes de l’époque, comme tant d’autres qui ont inspiré les compositeurs et auteurs de l’époque.
Vous pouvez vous reporter à mes autres anecdotes de tango sur le sujet, notamment En Lo de Laura, El Porteñito, Madame Ivone, Bajo el cono azul ou Mañanitas de Montmartre (avant l’exportation…).
En France, un autre tango porte le prénom Lison dans son titre : Tango pour Lison 1943 de Louis Moisello avec des paroles d’Achem.
En France, toujours, le film musical Ils sont dans les vignes réalisé par Robert Vernay et sorti en 1952 contient une chanson (valse) Le jupon de Lison chantée par Line Renaud. C’est un titre de Louis Gasté (Loulou) et avec des paroles de Bernard Michel et Philippe Gérard.
Pour revenir à la Lisón du tango du jour. Impossible à savoir vu le peu d’informations sur la vie privée des auteurs et le nombre conséquent de Lisón qui ont hanté les pensées des hommes de Buenos Aires.